Vous êtes sur la page 1sur 5

UNIVERSITÉ D’ÉTAT D’HAÏTI (UEH)

FACULTÉ D’ETHNOLOGIE (FE)


Département de Psychologie
Niveau III

La violence dans les relations amoureuses : une étude de cas sur la bidirectionnalité de ce type de
violence et du sens que cela prend pour la jeune.

Devoir remis au professeur Claude Mane DAS dans le cadre du


cours de Recherche Qualitative

Par Emmanuel CROIMET, étudiant.

JUILLET 2020
La violence dans les relations de couple (chez les adultes) a toujours été un champ de
recherche privilégié dans bons nombres de sociétés, ce qui laisse moins d'intérêt pour les travaux
sur les violences orchestrées dans les relations amoureuses des adolescents et des jeunes adultes
(Glowacz et Courtain, 2017). Ainsi, une importance particulière a été accordée aux recherches
sur cette forme de violence au cours de la dernière décennie. Toujours selon Glowacz et Courtain
(2017), dating violence a été utilisé pour la première fois par Makepeace en 1981 pour qualifier
le type de violence constaté dans les relations amoureuses chez les ados et les jeunes et a été
traduit en français par : violence dans les fréquentations (Lavoie, Vézina, 2001), violence dans
les fréquentations amoureuses (Pelletier et al., 1998), violence dans les relations amoureuses
(Lavoie, Vézina, 2002). Aucune de ces qualifications n'ont fait l'unanimité. Ce qui nous amène à
utiliser dans le cadre de notre étude le terme de violence dans les relations amoureuses (VRA)
pour parler de ce type de violence longtemps traité en parents pauvres.

La violence est l'acte de subir ou d'infliger à autrui une souffrance physique, psychologique,
sociale ou encore sexuelle ; contre ses désirs. Ainsi, nous parlons de violence dans les relations
amoureuses lorsqu'elle se fait remarquer entre deux adolescents ou jeunes adultes entretenant une
relation de partage d'intimité. Pour Lavoie, Vézina, Gosselin, & Robitaille (1994), la violence
dans les relations amoureuses à l’adolescence est l’ensemble des comportements adoptés par une
personne qui compromettent l’intégrité physique, psychologique ou sexuelle de son ou sa
partenaire(dans : Lapierre, Hébert, Daspe & Lavoie, 2016). L'adolescence est considéré par de
nombreux chercheurs comme période de crise et de construction identitaire. Laquelle
construction concerne également le développement de l'intimité chez l'ado/le jeune en quête
d'autonomie et de découverte de l'énergie sexuelle (Courtain et Glowacz, 2017 ; Woods et
Pappalia, 2007).

État de la VRA dans les études antérieures

Une étude québécoise portant sur le parcours amoureux des jeunes (PAJ) concluent que sur un
échantillon représentatif des jeunes du secondaire (4ème, 5ème et 6ème année du secondaire), 63
% des filles et 49 % des garçons ont subi au moins une épisode de VRA au cours des 12 derniers
mois précédent l'enquête (Hébert et al., soumis, cité par : Lapierre, Hébert, Daspe, & Lavoie,
2016).
Une autre étude portant sur la cyberviolence dans les relations amoureuses (CVRA) affirme que
35.6 % des participants ont été victime de CVRA et 33 % ont commis de la CVRA (Smith et al.,
s.d). Plus important encore, cette même étude affirme que 82.5 % des agresseurs ont été
victimisés et qu'aucune différence dans le genre n'a été remarquée (Smith et al., s.d). Plusieurs
autres travaux ont été réalisés sur la VRA et ses conséquences sur la victime. Les études
établissant des liens entre la VRA, l'estime de soi et la détresse psychologique sont nombreuses
(Lapierre, Hébert, Daspe, & Lavoie, 2016). Ainsi, dans une société haïtienne marquée par de
nombreuses scènes de violence, nous nous demandons comment les victimes et auteurs des actes
de violence comprennent les violences physique et psychologique subies ou infligées dans les
relations amoureuses.

Objectif

L'objectif de notre étude est de montrer les effets psychologiques de la contre-violence de la


personne victime face à son agresseur ; le sens qu'elle donne à la défense par la violence (la
bidirectionnalité de la VRA au sens de prendre sa revanche).

Méthode

La méthode utilisée pour atteindre notre objectif est la méthode qualitative et nous avons
opté pou l'étude de cas unique. Nous avons interviewé une victime de la VRA qui, en retour, s'est
défendue par la violence (en utilisant l'entretien non directif pour comprendre le sens que la
participante donne à ses réactions). Et après avoir entendu ses explications, nous lui avons posé
des questions nous permettant de comprendre ses réactions et d'en faire le lien avec d'autres
études ayant abouti à des conclusions qui corroborent ce qu'elle raconte. Nous lui avons garanti
l'anonymat. Et nous avons choisi d'utiliser Chela comme nom pour parler d'elle.

Chela a 25 ans, donc c'est une jeune adulte. Elle a subie la violence physique et psychologique de
son partenaire. Et en retour elle a choisi de réagir quelques jours plus tard par la violence
également.

Résultats et discussions

Nous avons demandé à Chela de nous expliquer comment la violence a intégré sa relation.
Sur ce, elle nous a répondu :
« C'était un après-midi, c'était une sorte de jalousie. Il m'a battu (li tire kou sou mwen, li bat
mwen). Le plus souvent ça commence par la violence psychologique. La personne tente de vous
rabaisser (tu n'es rien sans moi, tu ne m'es d'aucune importance, tu n'apporte rien à ma vie, etc.),
de vous humilier, de vous rendre inconfortable.

Ces constats et aveux de Chela fait le lien entre la violence psychologique et la baisse d'estime de
soi (Smith et al., 2017). L'objectif premier de la violence serait d'entraîner une faible estime de
soi chez la victime. Elle explique avoir compris le jeu et ne s'est pas laissée atteinte.

Comme annoncé plus haut, quelques jours plus tard, Chela reproduira la scène en utilisant la
violence physique parce que selon elle son partenaire avait tort ce jour là.

« Je suis du genre pas "lâcher-prise", si quelqu'un me fait du mal ; je lui ferai la même chose un
peu plus tard. Je lui ai frappé un jour, ce jour là il avait tort (m te tire kou sou li tou). »

Questionnée sur le sens que cela a pour elle, Chela explique :

« Ça m'a vraiment aidé, j'ai dissipé toute la colère que la scène précédente a soulevée en moi. J'ai
passé ma rage, donc j'avais l'impression que j'ai été libérée. J'étais contente ! »

Le ton de la réponse de Chela explique sa libération. Elle a retrouvé le caractère égalitaire de la


relation. C'était comme un rééquilibrage de la relation ; elle était redevenue femme. Ce qui
explique la bidirectionnalité de la VRA soulevée par Wincentak et al. (2016), Lamis et al. (2013),
Langhinrichsen-Rohling et al. (2012) et Johnson 2006 qui explique que les filles et les garçons
sont tantôt auteurs, tantôt victimes de violence dans les relations amoureuses (Glowacz et
Courtain, 2017).

Questionnée sur d'éventuels retours à la violence, Chela explique :

« C'était suivi par une sorte de violence psychologique serrée, à chaque instant lors de nos
discussions il me fait des menaces (yon kadè m pa bat ou, yon kadè m pa ba w yon kout
pwen ...). Et une deuxième fois, nou goumen tankou de jenn gason. »

Ainsi, Cauffman et al. (2000) avance que la violence dans un contexte d’auto-défense, de
vengeance et de jeu qui va trop loin est plutôt acceptée (Glowacz et Courtain, 2017). Ce qui
porte Chela à normaliser son acte de violence mutuelle. Même lorsqu'elle reconnaît que c'est une
situation qui fait perdre toute trace d'humanité et qu'en commettant ou en subissant la violence,
on perd son état d'âme, on est diminué, déshumanisé, etc. Des faits qu'elle attribue au manque
d'estime de soi et qu'elle ne souhaite plus jamais vivre.

Conclusions

Ce travail nous a permis de faire le point sur la violence dans les relations amoureuses ici en
Haïti en lien avec la bidirectionnalité d'une sorte de violence symétrique qui roule en spirale où
l'on peut-être tantôt agresseurs, tantôt victimes. Et ce, peu importe le genre. Nous avons vu que
cela affecte négativement l'estime de soi de la victime et entraîne de la détresse psychologique
chez l'agresseur. L'une des principales limites de notre étude vient du fait que nous n'avons
interrogé qu'une seule participante qui a répondu à notre appel à participation dans le temps
imparti. Nous nous attendons donc à d'autres études sur le sujet avec une population d'études qui
sera plus nombreuses et où les sources et les causes de violence peuvent être également abordées.

Bibliographie :

Courtain A. & Glowacz F. (2017). Peur de l’intimité dans la relation amoureuse adolescente :
implication de l’attachement parental et de l’attachement romantique. Annales Médico-
Psychologiques. DOI [10.1016/j.amp.2016.01.020].

Glowacz F. & Courtain A. (2017). Violences au sein des relations amoureuses des adolescents et
jeunes adultes : une réalité à ne pas négliger. Champ pénal :
https://doi.org/10.4000/champpenal.9582

Lapierre, A., Hébert, M., Daspe, M.-E., & Lavoie, F. (2016). L’influence de la famille et des
pairs sur la violence subie dans les relations amoureuses à l’adolescence. Fiche-synthèse à
l’attention des milieux de pratique. Département de sexologie, Université du Québec à Montréal
(QC), Canada.

Olds S. W. & Papalia D. E. (2005). Psychologie du développement humain. 6ème éd. Québec:
éditions beauchemin.

Smith, K. et al. (s.d.). Cyberviolence dans les relations amoureuses à l’adolescence : Comment
se portent la santé psychologique et l’estime de soi des jeunes ? aUQAM, bUQAC.

Vous aimerez peut-être aussi