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Chapitre 3

TRADUCTION DIDACTIQUE
vs
TRADUCTION PROFESSIONNELLE

A TRADUCTION PRATIQUÉE en enseignement des langues est con-

L nue sous diverses appellations : «traduction scolaire», «traduc-


tion didactique», «traduction pédagogique» ou encore «tra-
duction universitaire». «La traduction scolaire n’est qu’une méthode
pédagogique destinée à faciliter l’acquisition de certaines langues ou
à parfaire la formation générale. Elle n’est pas une fin en soi. L’en-
seignement se sert de la traduction, il ne la sert pas» (Cary 1956 :
167). Le but des «versions» et des «thèmes», comme il convient d’ap-
peler ces exercices, a toujours été d’apprendre ou de perfectionner les
langues desquelles et vers lesquelles on traduit, et non pas de former
des traducteurs professionnels capables de transposer d’une langue en
une autre des textes variés sur l’économie, la gestion, l’informatique
ou les techniques. Les objectifs de la traduction scolaire sont centrés
sur la langue même que l’étudiant cherche à assimiler par le biais de la
traduction, tandis que la compétence du traducteur s’exerce simultané-
ment sur la langue de départ et sur la langue d’arrivée. En traduction
professionnelle, «il n’existe pas de traduction dans l’abstrait. Le tra-
ducteur travaille sur un texte donné, à une certaine époque, dans un
certain pays, pour un certain public, en vue d’une utilisation déter-
minée du texte. Autant de facteurs qui peuvent l’obliger à des volte-
face surprenantes dans son comportement de traducteur» (Cary 1956 :
25). Celui qui apprend une langue seconde se donne un moyen de
communication supplémentaire, tandis que l’apprenti traducteur ap-
prend à réaliser un acte de communication relayée. La nuance est
importante et les conséquences pédagogiques sont énormes. Les
erreurs de sens du premier sont excusables, celles du traducteur en
herbe, difficilement justifiables. En revanche, le non-respect du ton
d’un texte, des niveaux de langue, des usages codifiés de rédaction, le
raccordement boiteux de concepts, l’incapacité de donner au texte
d’arrivée toute la cohésion du texte original sont des exemples
d’erreurs relevant plus spécifiquement de l’opération de traduction. Il

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ENSEIGNEMENT PRATIQUE DE LA TRADUCTION

existe des fautes de langue et des fautes de traduction.


La méthode d’enseignement de la traduction didactique diffère de
la méthode utilisée en enseignement de la traduction professionnelle.
L’auteur d’un manuel de traduction didactique, Isabelle Perrin
(1996) propose une méthode de traduction s’appliquant uniquement
à la traduction didactique. Ce «genre» de traduction présente, selon
elle, des contraintes particulières :

Les objectifs de la traduction universitaire et des autres types


de traduction sont fondamentalement différents. Les autres
traductions donnent à leur public l’accès à un texte écrit dans
une langue étrangère inconnue. Ce qui compte, c’est le texte
d’arrivée en tant que tel, dans la mesure où il permet au lec-
teur de juger le contenu du texte de départ. La traduction
universitaire, elle, a pour seul objectif de permettre au «pu-
blic» (ici, l’enseignant, le correcteur) d’analyser l’opération
de traduction elle-même. Ce qui compte alors, c’est le texte
d’arrivée par rapport au texte de départ, dans la mesure où
il permet au lecteur de juger le traducteur. En d’autres
termes, le résultat d’une traduction universitaire n’a d’impor-
tance que parce qu’il permet en retour, comme par effet de
miroir, d’évaluer l’étudiant traducteur (Perrin 1996 : 11).

Au XVIIIe siècle, Nicolas Beauzée avait établi la même distinction


entre traduction didactique et traduction professionnelle dans l’article
qu’il rédigea pour l’Encyclopédie et en des termes assez comparables
à ceux employés par Isabelle Perrin : «Il me semble que la version est
plus littérale, plus attachée aux procédés propres de la langue origi-
nale, et plus asservie dans ses moyens aux vues de la construction
analytique; et que la traduction est plus occupée du fond des pensées,
plus attentive à les présenter sous la forme qui peut leur convenir dans
la langue nouvelle, et plus assujettie dans ses expressions aux tours et
aux idiotismes de cette langue» (cité dans D’hulst 1990 : 42-43). Si
l’on adhère à la définition du thème et de la version proposée par
N. Beauzée et I. Perrin, la fidélité en traduction didactique se définit
principalement en termes d’adéquation entre le texte de départ et le
texte d’arrivée.
Cette approche privilégie la traduction littérale. Il s’agit de «rester
aussi fidèle que possible au texte de départ sans faire violence à la
langue d’arrivée» (Perrin 1996 : 15). La consigne : rechercher une for-
mulation aussi proche que possible de celle du texte de départ. L’idéal

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ASPECTS MÉTHODOLOGIQUES

poursuivi par cette démarche cibliste est celui de la traduction-


annexion, idiomatique, transparente. «Traduire, c’est, d’une certaine
façon, se réapproprier le texte d’origine» (ibid. : 87). Le texte original
est ainsi détourné de sa fonction première et de sa finalité. Il n’existe
plus en tant qu’œuvre (littéraire) ou texte pragmatique doté d’une
fonction communicative précise, mais uniquement en tant qu’instru-
ment de formation et d’évaluation. «La traduction n’est alors plus une
fin mais un moyen, dans la mesure où ce qui importe, ce n’est pas le
message, le sens que le texte véhicule, mais l’acte de traduire et les
différentes fonctions qu’il remplit : acquisition de la langue, perfec-
tionnement, contrôle de la compréhension de la solidité des acquis, de
la fixation des structures» (Lavault 1985 : 18). En outre, l’enseignant
(ou le correcteur) devient le destinataire à qui il faut plaire, car c’est
lui qui va juger l’étudiant traducteur. Cette façon d’aborder la traduc-
tion et de juger le produit fini ne correspond pas du tout à l’en-
seignement de la traduction professionnelle, tel qu’il se pratique dans
les grandes écoles.
Le chapitre 5 de L’Anglais : Comment traduire? décrit «Les diffé-
rentes étapes de la traduction». La première est centrée sur la langue
de départ et consiste
à faire un premier jet aussi «basique» que possible. On pour-
rait presque qualifier ce mot à mot de «décalquage de l’ori-
ginal», car il en respectera scrupuleusement les structures et
la formulation, quitte à être illisible dans la langue d’arrivée.
Le véritable travail de révision stylistique viendra plus tard.
Comme l’indique l’appellation «mot à mot», il s’agit à ce
stade de se comporter en simple machine à traduire, aussi
fidèle et minutieuse que peu créative (Perrin 1996 : 88).

Ici encore, cette démarche est contraire à celle de l’enseignement


de la traduction professionnelle. Cette traduction «illisible», «peu créa-
tive» comme en produirait une «machine à traduire» fidèle (?!) entre-
tient l’illusion que le «mot à mot» offre une garantie de fiabilité et
d’exactitude. Or, les recherches en traductologie prouvent exactement
le contraire. La photographie lexicale en langue-cible ne saurait être
une caution d’exactitude. Le mot à mot n’est pas, comme le croit à
tort l’auteur, «une base fiable à 100 %» (ibid.). L’anglais se dissimule
sous des mots français. Est-il vraiment nécessaire de passer par l’étape
de la «traduction-machine», de la «traduction bête», même dans un
exercice de traduction scolaire, pour dégager et réexprimer le sens

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ENSEIGNEMENT PRATIQUE DE LA TRADUCTION

d’un texte? Qu’il nous soit permis d’en douter. Ce décalque laborieux
du texte original nous semble inconciliable avec le processus cognitif
normal de la compréhension. N’y a-t-il pas danger, en outre, d’incul-
quer aux étudiants de faux réflexes qui risquent d’être préjudiciables
à ceux d’entre eux qui poursuivraient des études en traduction pro-
fessionnelle? Traduire est une démarche cognitive qui ne consiste pas
à «décalquer» des mots (encore moins des morphèmes), mais à extraire
le sens dont ils sont porteurs, et cette opération passe par l’étape
obligée de la déverbalisation, suivie, bien entendu, d’une étape de
vérification qui n’exclut aucunement un retour au texte de départ. La
véritable traduction se situe entre la servitude de la lettre et la licence
du commentaire. Il est difficile de croire qu’«au terme de la rédaction
du premier jet, on obtient une ébauche d’une fidélité absolue au texte
de départ» (ibid. : 100). L’auteur donne ici aux mots fidélité et texte
un sens bien particulier. L’idéal de fidélité vers lequel tend la traduc-
tion didactique est un idéal d’asservissement aux formes du texte de
départ. Peu de place est faite à la créativité du traducteur, à sa liberté
de réexpression. Georges Mounin avait dénoncé le mot à mot pratiqué
dans les universités qui, selon lui, «stérilise» une bonne partie des
classiques étrangers (Mounin 1994 : 59). Le mot à mot ne permet pas
de rendre l’atmosphère d’une œuvre, son mouvement, ses sonorités,
ses rythmes.
Soit la phrase suivante extraite d’un roman d’espionnage : The
driver flashed from dip to full beam and back again (Perrin 1996 :
109). Le premier jet, d’une littéralité absolue, donna : «Le conducteur
passa de codes à phares, puis repassa en codes» (ibid. : 110). La visua-
lisation de la scène et une bonne exploitation des ressources de la
langue française conduit à la formulation idiomatique : «Le conducteur
fit un appel de phares» (ibid.). La traduction, qu’elle soit profession-
nelle ou didactique, oblige le traducteur à se détacher de l’influence de
la langue de départ, à dissocier les langues. C’est une loi du genre, sauf
dans les cas exceptionnels et plus ou moins expérimentaux des
traductions-calque (la Bible d’André Chouraqui, par exemple). C’est
pourquoi nous jugeons inutile le premier jet d’une excessive littéralité
proposé par Isabelle Perrin, car il n’est en fait qu’une réécriture du
texte original avec des mots français. La rémanence du texte de départ
sous des mots français est incompatible avec le processus de déverba-
lisation évoqué plus haut. Ce transcodage servile est de nature à nuire
à la réexpression spontanée, idiomatique. Isabelle Perrin montre bien
elle même que pour arriver à une équivalence idiomatique («Le
conducteur fit un appel de phares»), il faut visualiser la scène et suivre

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ASPECTS MÉTHODOLOGIQUES

d’autres voies que celle des mots : processus cognitif, exploitation in-
telligente de son bagage cognitif, association d’idées, rapprochements
analogiques, etc. Le détour par le décalque bête des mots et de leurs
composantes morphologiques est improductif. Cela constitue même à
nos yeux une erreur de méthode. Du moins en apprentissage de la
traduction professionnelle.
En somme, le petit manuel d’Isabelle Perrin décrit une méthode
de traduction bien laborieuse. Cette méthode ne saurait être appliquée
dans les écoles de traduction professionnelle. Les conseils d’Isabelle
Perrin valent uniquement pour la traduction didactique. On peut même
se demander s’il est utile de procéder au calque servile, comme elle le
conseille pour accéder au sens d’un texte et le rendre fidèlement. En
traduction, est-on vraiment fidèle à un texte lorsqu’on est fidèle
d’abord à la langue de ce texte? Quoi qu’il en soit, les règles du jeu de
la traduction didactique ne sont manifestement pas celles de la tra-
duction professionnelle.
Je suis conscient aussi que beaucoup de rédacteurs de manuels se
refusent à ériger une frontière trop étanche entre ces deux formations,
qui ne sont pas tout à fait étrangères l’une à l’autre. On peut même
dire qu’il existe entre elles un certain degré d’interdépendance. Ces
deux enseignements se distinguent, néanmoins, quant à leur finalité.
Au sujet de la traduction à l’université, Danica Seleskovitch a toujours
souhaité – c’est un de ses chevaux de bataille –, «que soit dissipée [...]
l’ambiguïté qui entoure les exercices de version et de thème. Entend-
on enseigner les langues par le biais de la traduction, ou la traduction
par le biais des langues?» (Seleskovitch 1983 : 99).
Les tableaux des pages suivantes exposent de façon schématique
et détaillée les similitudes et les différences qui existent entre ces deux
formations. Nous conclurons ce chapitre en proposant une définition
de la traduction didactique et de la traduction professionnelle du point
de vue de l’enseignement.

traduction didactique
Exercice de transfert interlinguistique pratiqué en didactique
des langues et dont la finalité est l’acquisition d’une langue
étrangère. Cet exercice sert aussi à l’enrichissement du voca-
bulaire, à l’assimilation de nouvelles structures syntaxiques,
à la vérification de la compréhension et au contrôle des
acquis. Il se fait indifféremment vers la langue dominante
(version) et vers la langue seconde (thème). La stratégie de

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ENSEIGNEMENT PRATIQUE DE LA TRADUCTION

traduction privilégiée est la traduction littérale de phrases


hors contexte ou de fragments de textes (parfois bricolés),
analysés d’un point de vue comparatif. Le contrôle des con-
naissances linguistiques se fait par rapport au texte de départ
qu’il s’agit de reproduire au plus près. L’étudiant traduit pour
le professeur, à la fois destinataire, correcteur et juge de sa
performance. Pratiqué à un niveau avancé, la traduction
didactique peut servir d’instrument de perfectionnement lin-
guistique.

traduction professionnelle
Exercice pratiqué dans les écoles, instituts ou programmes de
formation de traducteurs et conçu comme un acte de commu-
nication interlinguistique fondé sur l’interprétation du sens de
discours réels. La finalité de l’exercice est de rendre acces-
sible le contenu d’un écrit (pragmatique ou littéraire) rédigé
dans une langue incomprise par les destinataires. Ce genre de
traduction, qui se fait normalement vers la langue dominante
de l’apprenti traducteur, vise à faire acquérir à ce dernier un
savoir-faire et une qualification professionnelle et à le pré-
parer à intégrer le marché du travail. L’exercice de traduction
contribue, notamment, à lui inculquer une bonne méthode de
travail, à l’initier aux techniques de la recherche documen-
taire, à le familiariser avec les langues de spécialité les plus
courantes et à l’habituer à se servir des aides à la traduction
et des outils de bureautique utiles aux traducteurs de métier.
Les textes traduits sont des textes authentiques et contextua-
lisés, généralement pragmatiques. Par conséquent, les stra-
tégies de traduction appliquées varient énormément et dépen-
dent du genre de texte à traduire, de leur fonction, de leur
finalité et du public visé. La performance des étudiants est
jugée d’après les paramètres de la communication.

Je donnerai le mot de la fin à Christian Balliu qui, stigmatisant une


traduction faite dans le style des traductions pédagogiques, écrit :«La
traduction pédagogique [est] dévouée corps sans âme à reproduire les
structures lexicales, grammaticales et syntaxiques du texte de départ.
La force des mots devient la farce des mots et rend la syntaxe française
quelque peu bancale. [...] Le mirage du texte écrit est sans doute l’une

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ASPECTS MÉTHODOLOGIQUES

des hallucinations les plus tenaces de l’étudiant. Il lui brouille la vue,


il engourdit sa clairvoyance» (Balliu 2003 : 20). Il semble que certains
traducteurs et certains professeurs, comme nous venons de le voir,
sont aussi victimes de ces «hallucinations» tenaces. Quoi qu’il en soit,
la traduction professionnelle ne suit pas les mêmes chemins que la
traduction didactique comme en fait foi le tableau comparatif des
pages suivantes.

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ENSEIGNEMENT PRATIQUE DE LA TRADUCTION

SIMILITUDES

EN TRADUCTION DIDACTIQUE COMME EN TRADUCTION


PROFESSIONNELLE :

On apprend à dissocier les langues, à éviter les interférences.

On apprend à repérer les difficultés de traduction.

On apprend à mettre en œuvre des stratégies (règles, procédés, etc.)


de traduction.

On complète l’apprentissage de la traduction par l’acquisition de


connaissances sur la culture, l’histoire ou les institutions.

On apprend que la traduction ne s’exerce pas dans une subjectivité


pure, mais qu’elle obéit à certaines règles.

On applique aux textes à traduire la méthode de réflexion logique


et analytique.

On développe la souplesse dans le maniement du langage.

On traduit parfois des textes bien contextualisés (selon les exigences


de la traduction professionnelle), et en traduction professionnelle,
on traduit parfois, en exercice, des phrases réelles, mais hors
contexte (comme cela se pratique en traduction didactique).

On cherche à reproduire l’articulation d’une pensée dans un dis-


cours lorsqu’on traduit des textes entiers.

Le métalangage est plus ou moins le même.

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ASPECTS MÉTHODOLOGIQUES

DIFFÉRENCES

TRADUCTION TRADUCTION
DIDACTIQUE PROFESSIONNELLE

Finalité de l’enseignement : ac- Finalité de l’enseignement : ac-


quisition de connaissances lin- quisition d’une qualification
guistiques (maîtrise d’une lan- professionnelle (c.-à-d. compé-
gue seconde). tence d’un spécialiste en trans-
fert interlinguistique et intercul-
turel).

Cours de traduction donnés par Cours de traduction donnés par


des professeurs de langue (an- des professeurs de carrière (an-
glicistes, hispanistes, germa- ciens traducteurs, souvent), soit
nistes, etc.). par des traducteurs de métier.

Aucune exigence concernant Importance de préparer l’inté-


une profession en particulier. gration à la profession de tra-
ducteur ou d’interprète.

Compétences à acquérir : lin- Compétences à acquérir : ma-


guistique (acquisition des niement du langage et com-
moyens d’expression d’une lan- pétences méthodologique, disci-
gue seconde) et périlinguisti- plinaire, technique (voir ci-
que civilisationnelle (aspects dessous).
culturels, institutionnels, poli-
tiques, etc., de cette langue
seconde).

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ENSEIGNEMENT PRATIQUE DE LA TRADUCTION

TRADUCTION TRADUCTION
DIDACTIQUE PROFESSIONNELLE

L’initiation à la traduction s’ac- L’enseignement de la traduction


compagne d’une initiation à professionnelle requiert une ex-
l’utilisation des dictionnaires cellente connaissance des dic-
usuels : argot, langue, traduc- tionnaires généraux et spécia-
tion, anglicismes, etc. lisés, mais en plus une forma-
tion poussée en recherche do-
cumentaire. «Compétence mé-
thodologique» (Roberts 1984 :
172).

Aucune compétence technique Initiation à l’utilisation des aides


particulière n’est exigée des à la traduction : mémoires de
étudiants dans les cours de tra- traduction, bi-textes, logiciels de
duction, axés sur l’acquisition traduction assistés par ordina-
de moyens d’expression. teur, concordanciers, banques
de terminologie. «Compétence
technique» (ibid. : 173).

L’enseignement de la traduction Grande importance accordée


didactique ne porte pas prin- aux langues spécialisées dans
cipalement sur les langues spé- les cours de traduction techni-
cialisées. que, économique, informatique,
juridique, médicale, etc. «Com-
pétence disciplinaire» (ibid :
172).

Aucun cours de terminologie Les bons programmes de for-


(discipline) ne figure dans les mation de traducteur compor-
programmes de langue. tent un cours de terminologie et
un cours de recherche docu-
mentaire.

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ASPECTS MÉTHODOLOGIQUES

TRADUCTION TRADUCTION
DIDACTIQUE PROFESSIONNELLE

Choix de textes variés, géné- Choix de textes variés, générale-


ralement littéraires, afin d’illus- ment pragmatiques, afin d’illus-
trer une gamme étendue de trer une gamme étendue de dif-
difficultés de traduction (gram- ficultés de traduction et le genre
maticales, lexicales, genre de de textes traduits en situation
textes, etc.) réelle de travail.

Stage d’immersion à l’étranger Stage en milieu de travail afin


pour parfaire la connaissance de de parfaire la formation pratique
la langue seconde. et de faciliter l’intégration au
marché du travail à la fin des
études.

Acquisition d’un métalangage Acquisition d’un métalangage


utile pour l’analyse des phéno- utile pour apprendre à traduire
mènes de traduction. de façon professionnelle ET en
vue d’utiliser ultérieurement ce
métalangage dans l’exercice du
métier.
La traduction didactique est La traduction professionnelle est
essentiellement un moyen pour une fin en soi. Elle est un acte
apprendre une langue, contrôler de communication exigeant par-
la compréhension. fois la modification du texte de
départ pour satisfaire des con-
traintes autres que linguisti-
ques1.

On peut traduire sans tout On ne traduit pas pour com-


comprendre, le but des exer- prendre, mais pour faire com-
cices de traduction étant d’amé- prendre. Il faut donc avoir la
liorer la compréhension. compréhension la plus parfaite
possible du texte de départ.

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ENSEIGNEMENT PRATIQUE DE LA TRADUCTION

TRADUCTION TRADUCTION
DIDACTIQUE PROFESSIONNELLE

L’étudiant traduit pour le pro- L’étudiant traduit pour un pu-


fesseur, à la fois correcteur, blic ou un destinataire autre
destinataire et juge de la per- que le professeur, qui juge néan-
formance des étudiants2. moins de la qualité des traduc-
tions en fonction des paramètres
de la situation de communi-
cation, de la nature des textes,
de leur fonction, etc. (Ladmiral
1972 : 8-39)3.

Il est possible de traduire en On traduit des textes réel :


exercice des textes «trafiqués» articles de presse, rapports mi-
ou des phrases fabriquées, pour nistériels, communiqués, pros-
enrichir le vocabulaire, acquérir pectus d’emballage de médi-
de nouvelles structures syntaxi- caments, instructions, directives,
ques, etc. La traduction linguis- etc. Pratique de la traduction-
tique est souvent pratiquée. interprétation par opposition à
(Lederer 1994 : 15; 50; 216- la traduction linguistique.
217).
Le sens des exercices de traduc- Normalement, la traduction se
tion est bidirectionnel : thème fait vers la langue maternelle
et version. du traducteur (de l’étudiant).

Ce qui compte, dans les exer- Ce qui compte dans les excer-
cices de traduction, c’est le TA cices de traduction, c’est l’effi-
par rapport au TD, car il per- cacité de la communication
met de juger l’étudiant qui (textes pragmatiques) ou le res-
apprend une langue seconde2. pect des qualités littéraires
d’une œuvre (textes littéraires).

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ASPECTS MÉTHODOLOGIQUES

TRADUCTION TRADUCTION
DIDACTIQUE PROFESSIONNELLE

La fidélité se définit essentielle- La fidélité se définit en fonction


ment en termes d’adéquation d’une intention artistique ou
entre le TD et le TA2. d’un projet de réécriture parti-
culier du traducteur (œuvre lit-
téraire) ou, dans le cas des
textes pragmatiques, des mul-
tiples paramètres de la com-
munication.

La stratégie de traduction privi- Les stratégies de traduction va-


légiée est la traduction litté- rient selon le genre et la fonc-
rale1, 2, 3. tion des textes à traduire. Le
traducteur professionnel peut
modifier la formulation du TD
pour satisfaire certains impéra-
tifs de communication1.

Le TD est détourné de sa fonc- Le TD garde sa fonction pre-


tion première et de sa finalité. Il mière. Il continue d’exister en
n’existe plus qu’en tant qu’ins- tant qu’œuvre littéraire ou texte
trument de formation, d’éva- pragmatique doté d’une fonc-
luation. tion communicative précise.

L’exercice de traduction s’ac- La traduction s’effectue essen-


compagne d’une analyse de la tiellement à partir d’une analyse
langue. du discours et des paramètres
de la communication.

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ENSEIGNEMENT PRATIQUE DE LA TRADUCTION

TRADUCTION TRADUCTION
DIDACTIQUE PROFESSIONNELLE

Sur le plan méthodologique, il Le traducteur professionnel pro-


est conseillé, dans une première cède par interprétation du sens,
étape, de décalquer l’original déverbalisation et réexpression.
en en faisant un mot à mot Sa démarche est celle du pro-
servile. cessus cognitif normal de la
compréhension.

«Enseigner une langue c’est «[...] enseigner la traduction


enseigner sa permanence; [...] c’est faire comprendre que la
enseigner les langues par le plupart des équivalences tex-
biais de la traduction c’est faire tuelles sont inédites» (ibid.).
découvrir à travers les équiva-
lences inédites les aspects in-
soupçonnés de l’emploi de la
langue étrangère» (Seleskovitch
1983 : 99).

«[...] pratiquée à un degré «On ne peut [...] pas enseigner


avancé de connaissance linguis- la traduction en enseignant les
tique, la traduction dans le vrai langues» (ibid.).
sens du terme peut servir au
perfectionnement linguistique»
(ibid. : 101).

Notes

1. Mary Wood écrit dans l’Introduction de son manuel Thème


anglais. Filière classique : «Le traducteur professionnel peut se
permettre de modifier le message originel, s’il le juge nécessaire,
mais la traduction universitaire française impose une rigueur plus
grande» (Wood 1995 : xiii).

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ASPECTS MÉTHODOLOGIQUES

2. «Les objectifs de la traduction universitaire et des autres types de


traduction sont fondamentalement différents. Les autres traduc-
tions donnent à leur public l’accès à un texte écrit dans une langue
étrangère inconnue. Ce qui compte, c’est le texte d’arrivée en tant
que tel, dans la mesure où il permet au lecteur de juger le contenu
du texte de départ. La traduction universitaire, elle, a pour seul
objectif de permettre au "public" (ici, l’enseignant, le correcteur)
d’analyser l’opération de traduction elle-même. Ce qui compte
alors, c’est le texte d’arrivée par rapport au texte de départ, dans
la mesure où il permet au lecteur de juger le traducteur. En
d’autres termes, le résultat d’une traduction universitaire n’a
d’importance que parce qu’il permet en retour, comme par effet
de miroir, d’évaluer l’étudiant traducteur» (Perrin 1996 : 11).

3. «Dans les exercices de thème et de version, la consigne est


double : 1) traduisez ce texte; 2) traduisez-le comme il faut. Et
cette seconde consigne se subdivise à son tour en deux autres
consignes : a) traduisez-le comme le texte original; b) conformé-
ment à la langue-cible. [...] Mais il y a en fait plus de deux para-
mètres à prendre en considération dès qu’il s’agit de traduction
proprement dite» (Ladmiral 1972 : 29).

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