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TRADUCTION DIDACTIQUE
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ASPECTS MÉTHODOLOGIQUES
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d’un texte? Qu’il nous soit permis d’en douter. Ce décalque laborieux
du texte original nous semble inconciliable avec le processus cognitif
normal de la compréhension. N’y a-t-il pas danger, en outre, d’incul-
quer aux étudiants de faux réflexes qui risquent d’être préjudiciables
à ceux d’entre eux qui poursuivraient des études en traduction pro-
fessionnelle? Traduire est une démarche cognitive qui ne consiste pas
à «décalquer» des mots (encore moins des morphèmes), mais à extraire
le sens dont ils sont porteurs, et cette opération passe par l’étape
obligée de la déverbalisation, suivie, bien entendu, d’une étape de
vérification qui n’exclut aucunement un retour au texte de départ. La
véritable traduction se situe entre la servitude de la lettre et la licence
du commentaire. Il est difficile de croire qu’«au terme de la rédaction
du premier jet, on obtient une ébauche d’une fidélité absolue au texte
de départ» (ibid. : 100). L’auteur donne ici aux mots fidélité et texte
un sens bien particulier. L’idéal de fidélité vers lequel tend la traduc-
tion didactique est un idéal d’asservissement aux formes du texte de
départ. Peu de place est faite à la créativité du traducteur, à sa liberté
de réexpression. Georges Mounin avait dénoncé le mot à mot pratiqué
dans les universités qui, selon lui, «stérilise» une bonne partie des
classiques étrangers (Mounin 1994 : 59). Le mot à mot ne permet pas
de rendre l’atmosphère d’une œuvre, son mouvement, ses sonorités,
ses rythmes.
Soit la phrase suivante extraite d’un roman d’espionnage : The
driver flashed from dip to full beam and back again (Perrin 1996 :
109). Le premier jet, d’une littéralité absolue, donna : «Le conducteur
passa de codes à phares, puis repassa en codes» (ibid. : 110). La visua-
lisation de la scène et une bonne exploitation des ressources de la
langue française conduit à la formulation idiomatique : «Le conducteur
fit un appel de phares» (ibid.). La traduction, qu’elle soit profession-
nelle ou didactique, oblige le traducteur à se détacher de l’influence de
la langue de départ, à dissocier les langues. C’est une loi du genre, sauf
dans les cas exceptionnels et plus ou moins expérimentaux des
traductions-calque (la Bible d’André Chouraqui, par exemple). C’est
pourquoi nous jugeons inutile le premier jet d’une excessive littéralité
proposé par Isabelle Perrin, car il n’est en fait qu’une réécriture du
texte original avec des mots français. La rémanence du texte de départ
sous des mots français est incompatible avec le processus de déverba-
lisation évoqué plus haut. Ce transcodage servile est de nature à nuire
à la réexpression spontanée, idiomatique. Isabelle Perrin montre bien
elle même que pour arriver à une équivalence idiomatique («Le
conducteur fit un appel de phares»), il faut visualiser la scène et suivre
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d’autres voies que celle des mots : processus cognitif, exploitation in-
telligente de son bagage cognitif, association d’idées, rapprochements
analogiques, etc. Le détour par le décalque bête des mots et de leurs
composantes morphologiques est improductif. Cela constitue même à
nos yeux une erreur de méthode. Du moins en apprentissage de la
traduction professionnelle.
En somme, le petit manuel d’Isabelle Perrin décrit une méthode
de traduction bien laborieuse. Cette méthode ne saurait être appliquée
dans les écoles de traduction professionnelle. Les conseils d’Isabelle
Perrin valent uniquement pour la traduction didactique. On peut même
se demander s’il est utile de procéder au calque servile, comme elle le
conseille pour accéder au sens d’un texte et le rendre fidèlement. En
traduction, est-on vraiment fidèle à un texte lorsqu’on est fidèle
d’abord à la langue de ce texte? Quoi qu’il en soit, les règles du jeu de
la traduction didactique ne sont manifestement pas celles de la tra-
duction professionnelle.
Je suis conscient aussi que beaucoup de rédacteurs de manuels se
refusent à ériger une frontière trop étanche entre ces deux formations,
qui ne sont pas tout à fait étrangères l’une à l’autre. On peut même
dire qu’il existe entre elles un certain degré d’interdépendance. Ces
deux enseignements se distinguent, néanmoins, quant à leur finalité.
Au sujet de la traduction à l’université, Danica Seleskovitch a toujours
souhaité – c’est un de ses chevaux de bataille –, «que soit dissipée [...]
l’ambiguïté qui entoure les exercices de version et de thème. Entend-
on enseigner les langues par le biais de la traduction, ou la traduction
par le biais des langues?» (Seleskovitch 1983 : 99).
Les tableaux des pages suivantes exposent de façon schématique
et détaillée les similitudes et les différences qui existent entre ces deux
formations. Nous conclurons ce chapitre en proposant une définition
de la traduction didactique et de la traduction professionnelle du point
de vue de l’enseignement.
traduction didactique
Exercice de transfert interlinguistique pratiqué en didactique
des langues et dont la finalité est l’acquisition d’une langue
étrangère. Cet exercice sert aussi à l’enrichissement du voca-
bulaire, à l’assimilation de nouvelles structures syntaxiques,
à la vérification de la compréhension et au contrôle des
acquis. Il se fait indifféremment vers la langue dominante
(version) et vers la langue seconde (thème). La stratégie de
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traduction professionnelle
Exercice pratiqué dans les écoles, instituts ou programmes de
formation de traducteurs et conçu comme un acte de commu-
nication interlinguistique fondé sur l’interprétation du sens de
discours réels. La finalité de l’exercice est de rendre acces-
sible le contenu d’un écrit (pragmatique ou littéraire) rédigé
dans une langue incomprise par les destinataires. Ce genre de
traduction, qui se fait normalement vers la langue dominante
de l’apprenti traducteur, vise à faire acquérir à ce dernier un
savoir-faire et une qualification professionnelle et à le pré-
parer à intégrer le marché du travail. L’exercice de traduction
contribue, notamment, à lui inculquer une bonne méthode de
travail, à l’initier aux techniques de la recherche documen-
taire, à le familiariser avec les langues de spécialité les plus
courantes et à l’habituer à se servir des aides à la traduction
et des outils de bureautique utiles aux traducteurs de métier.
Les textes traduits sont des textes authentiques et contextua-
lisés, généralement pragmatiques. Par conséquent, les stra-
tégies de traduction appliquées varient énormément et dépen-
dent du genre de texte à traduire, de leur fonction, de leur
finalité et du public visé. La performance des étudiants est
jugée d’après les paramètres de la communication.
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SIMILITUDES
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DIFFÉRENCES
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Ce qui compte, dans les exer- Ce qui compte dans les excer-
cices de traduction, c’est le TA cices de traduction, c’est l’effi-
par rapport au TD, car il per- cacité de la communication
met de juger l’étudiant qui (textes pragmatiques) ou le res-
apprend une langue seconde2. pect des qualités littéraires
d’une œuvre (textes littéraires).
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