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Anne Hidalgo officiellement candidate…
mais pour dire quoi ?
PAR FABIEN ESCALONA
ARTICLE PUBLIÉ LE LUNDI 13 SEPTEMBRE 2021
Anne Hidalgo dimanche 12 septembre à Rouen © Thomas Samson / AFP
L’appareil et les élus socialistes promouvaient depuis
plusieurs mois la candidature présidentielle de la maire
de Paris. Celle-ci vient de se déclarer officiellement à
Rouen mais doit encore gagner une primaire interne
avant d’être investie par le PS.
«Je ne dis pas qu’Anne Hidalgo est une candidate
par défaut… mais qui d’autre pouvait-on présenter?»
C’est de cette manière qu’un jeune militant nous
parlait de la candidature présidentielle de la maire
de Paris, fin août, aux universités d’été du PS à
Blois. De fait, la direction du parti s’est ralliée à
cette option au fur et à mesure que les autres forces
de gauche avançaient leurs propres candidatures,
justifiant opportunément ce choix par la bonne
tenue du parti aux dernières élections municipales et
régionales.
Si cette candidature ne faisait plus de doute, il restait à
l’officialiser. Anne Hidalgo vient de le faire à Rouen
(Seine-Maritime) dimanche 12 septembre, allocution
qui doit être suivie d’un entretien télévisé au JT de
France 2 (selon Le Parisien, elle n’a pas réussi à
convaincre TF1 de l’inviter).
« Je viens ici vous parler de la France, moi, une
femme française née en Espagne, arrivée dans notre
pays à l’âge de deux ans, élevée à Lyon dans un
quartier attachant, dans un quartier populaire», a
déclaré la maire de Paris depuis la capitale normande,
déroulant les mêmes thématiques que celles qu’elle a
développées ces derniers mois. Un discours empreint
aussi de care (sans prononcer le mot), évoquant parfois
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les précédentes campagnes socialistes par certaines
expressions («changer la vie») ou par certaines
phrases (être candidate pour mettre fin « au mépris »,
après un quinquennat qui a «divisé comme jamais» les
Français).
« Avec du travail, l’amour des autres et du courage,
on peut changer la vie, on peut changer le monde»,
a affirmé Hidalgo, entourée des élu·e·s qui la
soutiennent comme Mathieu Klein, Johanna Rolland,
Carole Delga ou Valérie Rabault.
L’investiture du PS reste encore à obtenir, même si
ce n’est qu’une question de temps. Olivier Faure,
premier secrétaire du parti depuis 2018, vient en effet
de remporter un scrutin interne avant le congrès qui
s’ouvre à Villeurbanne samedi 18 septembre prochain.
Pendant l’été, il avait modifié le texte d’orientation
qu’il défendait pour y ajouter une mention explicite
de son soutien à la candidature d’Anne Hidalgo. Une
façon de dénier le procès en « effacement» du parti
intenté par le texte concurrent mené par la maire de
Vaux-en-Velin Hélène Geoffroy. Selon les résultats
communiqués par le parti, la motion de la direction
sortante a recueilli plus des trois quarts des suffrages
militants. Le score présage d’un large soutien de
l’appareil socialiste à la maire de Paris.
Les statuts du parti prévoyaient cependant une
primaire ouverte à tous les citoyens. En 2011 puis en
2016, c’est ce système qui avait abouti à la désignation
de François Hollande et de Benoît Hamon. Mais
ni Anne Hidalgo ni Olivier Faure ne souhaitaient
reconduire une telle procédure, craignant d’étaler des
divisions entre socialistes devant le grand public, déjà
désorienté par la multiplication des candidatures à
gauche.
Jeudi 9 septembre, en même temps que le vote sur
les textes d’orientation, les militants ont donc été
consultés sur une réforme statutaire actant l’abandon
de la primaire ouverte, et ouvrant la voie à son
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remplacement par une primaire fermée, réservée aux
adhérents. Le changement a été adopté à environ 70%
des votants.
Anne Hidalgo dimanche 12 septembre à Rouen © Thomas Samson / AFP
Par conséquent, et selon des modalités encore à
préciser lors du congrès de Villeurbanne, il reviendra
aux seuls socialistes encartés de trancher entre la
candidature d’Anne Hidalgo et celle de Stéphane
Le Foll. L’ancien ministre de l’agriculture sous le
quinquennat de François Hollande, maire du Mans
et concurrent malheureux d’Olivier Faure pour le
poste de premier secrétaire du parti en 2018, est pour
l’instant le seul à s’être déclaré candidat face à la maire
de Paris. Le mantra de ses soutiens est d’avoir un débat
interne, qu’ils jugent étouffé par la direction actuelle.
Anne Hidalgo, de son côté, n’a pas fait mystère
de son manque de motivation à en passer par une
compétition préalable à son entrée dans la grande
arène. « Je n’ai pas à débattre avec Stéphane Le Foll»,
s’est-elle ainsi agacée fin août auprès de journalistes
à Blois. « En vertu de quoi?! Le parti n’est pas
une royauté», s’étranglait en retour Pierre Pribetich,
soutien de Stéphane Le Foll et membre du bureau
national du PS, à qui nous rapportions ces propos.
De façon générale, la maire de Paris ne s’est jamais
investie dans les affaires internes du parti et a
plutôt cherché à prendre de la distance avec une
organisation en lambeaux à l’issue du quinquennat
de François Hollande. Lors de sa dernière campagne
municipale et dans le cadre de son club « Idées
en commun », une plateforme préparatoire à sa
candidature présidentielle, Anne Hidalgo avait fait
disparaître les mentions, logos et couleurs témoignant
de son appartenance au PS. Le rassemblement de
ses soutiens à Villeurbanne, le 12 juillet dernier,
ressemblait d’ailleurs à une prise d’autonomie des
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grands élus locaux du parti, sur la base d’une légitimité
ancrée dans « les territoires», plus que d’une légitimité
partisane.
Une campagne présidentielle exige cependant de
recueillir 500 signatures d’élus et de mobiliser
des millions d’euros. Nécessité faisant loi, Anne
Hidalgo doit donc souffrir d’en passer par les
procédures socialistes. Son choix de la Seine-Maritime
pour officialiser sa candidature ne pouvait être
plus symbolique : dans ce département autrefois
quadrillé par les réseaux de Laurent Fabius (un
des « éléphants » historiques du PS), la fédération
socialiste a abrité de nombreux « emplois politiques »
et cultivé un entre-soi militant assis sur les ressources
financières des collectivités (lire notre enquête).
Un discours encore flou sur le travail et
conservateur sur la République
Une fois mise sur orbite, quel sens politique aura la
candidature d’Anne Hidalgo ? Par petites touches,
au fil des discours et entretiens qu’elle a consentis
depuis l’été dernier, on a vu se dessiner des lignes
de force. L’une d’entre elles est le travail : ses
conditions, comme sa rémunération, doivent être
améliorées. Après l’absence de grande réforme sociale
durant le quinquennat Hollande, et l’effet révélateur
de la pandémie sur les « premiers de corvée », la
candidate insiste sur cette dimension, également mise
au centre du tout nouveau projet du PS. Le contenu
programmatique de cette ambition reste toutefois à
préciser, de même qu’en ce qui concerne la conscience
écologiste dont se prévaut la candidate.
Un autre mot revient sans cesse dans sa bouche et
dans celle de son entourage : «la République». Comme
pour la question sociale, il s’agit en filigrane de se
différencier des écologistes, censés être plus faibles
sur ces enjeux. Pour l’instant, aucune innovation forte
n’est cependant en vue en ce qui concerne la stricte
question institutionnelle.
Tout en déplorant la brutalité avec laquelle Emmanuel
Macron a exercé son pouvoir personnel, Anne Hidalgo
a ainsi affirmé à l’hebdomadaire Le Point qu’elle
n’était « pas pour l’instauration d’une VIe République.
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La Ve a montré sa solidité». « Il faut remettre le
pouvoir présidentiel à sa juste place», a-t-elle ajouté
sans précision, alors que le projet du PS dévoilé en août
va, pour le coup, assez loin, envisageant un nouveau
mode de scrutin aux législatives, une modification
du calendrier électoral pour « décorréler» l’élection
des députés et celle du chef de l’État, et enfin de «
confier au premier ministre le pouvoir de dissolution
de l’Assemblée nationale».
En fait, la République est brandie par Anne
Hidalgo comme l’occasion d’un récit – celui
de sa propre trajectoire de fille d’immigrés
espagnols, qu’elle détaillera dans Femme française,
titre de son essai à paraître le 15 septembre–,
mais aussi comme l’occasion de reformuler une
promesse d’émancipation et de justice sociale. À
cet égard, son discours comporte deux facettes
contradictoires, dont l’une vient conforter l’air du
temps ultraconservateur.
D’un côté, en effet, la candidate affirme que la
République ne devrait pas être une incantation
abstraite, mais signifie, par exemple, un meilleur
traitement des enseignants (elle envisage le
doublement de leur salaire en cinq ans – une
promesse qu’elle s’est bien gardée de reprendre
dimanche à Rouen, évoquant simplement la nécessaire
augmentation des salaires des « professeurs de nos
enfants, des soignants, des policiers, des gendarmes,
des pompiers, des soldats »), ou encore la lutte contre
les discriminations. « La plus grande injustice, c’est
de se voir assigner une vie en fonction de là où on
est né, où on a grandi, de voir son horizon réduit
en fonction des moyens de ses parents ou de leur
niveau d’éducation, d’être renvoyé en permanence
à ses origines», affirmait-elle à Villeurbanne le 12
juillet.
D’un autre côté, Anne Hidalgo conforte régulièrement
une conception étriquée de l’idéal républicain : celle
d’un universalisme abstrait aveugle aux différences
ou qui ne saurait être discuté de manière trop vive
par celles et ceux qui en sont exclus. On connaissait
sa proximité avec les partisans d’une ligne dure sur
la laïcité, qui en négligent l’interprétation libérale au
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nom d’une conception homogène de l’unité nationale.
Depuis quelques mois, elle a par ailleurs fait entrer
dans son vocabulaire, pour mieux s’en distancier, les
mots repoussoirs de tout ce que le débat public compte
d’idéologues conservateurs et identitaristes.
Interrogée par Le Point sur le « wokisme » –
un terme désignant à l’origine un état d’éveil
ou d’intransigeance vis-à-vis des injustices pesant
sur les minorités–, Anne Hidalgo ne relève pas
que la droite l’utilise systématiquement de manière
dénigrante et entreprend de rassurer les journalistes
de l’hebdomadaire conservateur sur le fait qu’elle
ne fera« pas [sa] campagne là-dessus ». En janvier
dernier, dans un entretien-fleuve à Charlie Hebdo,
elle s’en prenait à « l’intersectionnalité»– une façon
de réfléchir aux imbrications des rapports sociaux de
classe, de race et de genre –, alors que le terme était
employé par les ministres Jean-Michel Blanquer et
Frédérique Vidal dans une offensive particulièrement
violente, confuse et manichéenne de délégitimation
des sciences sociales.
Édition de Charlie Hebdo du 6 janvier 2021 © Capture d'écran
« Ça ne peut pas être un cadre politique, assenait-
elle à l’hebdomadaire satirique. À toutes celles et ceux
qui viennent m’expliquer qu’il faut d’abord conquérir
les droits de chaque minorité, et peu importe le cadre
global de l’égalité, je leur réponds : je ne comprends
pas comment on peut promouvoir un modèle qui, en
prétendant défendre les minorités, conduit aussi à une
culture de la confrontation où chacun vit dans sa
communauté sans égard pour ceux qui ne vivent pas
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comme lui. »Impossible de savoir qui Anne Hidalgo
visait dans cette tirade, mais on en devine l’intention :
un appel à ce que les militants venant questionner
les impensés de l’universalisme ne le fassent pas
de manière trop offensive ou dérangeante pour la
majorité.
De manière générale, Anne Hidalgo dit souvent
regretter la brutalité des échanges publics et aime à
promouvoir une méthode de gouvernement visant à
la concorde. Même les sujets pour lesquels il y aura
des gagnants et des perdants, et qui mettent en jeu des
modèles de société antagonistes, lui inspirent ce désir.
Pour affronter le changement climatique, affirmait-
elle à Villeurbanne en juillet, il faudra réunir « les plus
modestes parce qu’ils sont les premières victimes […]
mais aussi les entrepreneurs, les forces économiques,
les associations et les syndicats».
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En ce sens, sa candidature reflète bien la trajectoire
historique des élites sociales-démocrates, passées
d’une stratégie de compromis sociaux à une illusion
de gestion harmonieuse du capitalisme, qui ne peut
que se fracasser dans une ère de stagnation durable
des gains de productivité.
Il reste à savoir si une base sociale existe pour une telle
candidature prétendant à l’alternance face à Macron.
Le soutien du PS n’en dit pas grand-chose. « L’équipe
de France des élus » qui entoure Anne Hidalgo a
été renouvelée au cours de scrutins marqués par une
abstention record, et peu nationalisés. Quant à la base
militante du parti, elle s’est rétrécie comme jamais. Au
mieux, elle s’élève aux 20000 adhérents ayant pris part
aux votes en amont du congrès, selon un chiffre avancé
par le parti. En 2006, lors de la précédente primaire
fermée organisée par le PS, ils étaient dix fois plus.
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