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MANON REINHARDT

M2 JOURNALISME
ANNÉE UNIVERSITAIRE

RAPPORT
2021/2022

DE STAGE
À L'ATTENTION DE PAULINE AMIEL
ET DE STÉPHANE CABROLIÉ
SOMMAIRE
Introduction
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I. Présentation du média
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II. Les missions d'une localière


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III. Corse-Matin : reflet de la PQR


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IV. Les enjeux de l'information de proximité


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Conclusion
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INTRODUCTION

Le 1er juillet dernier, je débutais mon stage d'été en presse quotidienne régionale
au sein de Corse-Matin, affectée au bureau de Calvi, en tant que journaliste. Pour
ce stage de première année, mon choix s'est naturellement porté sur cette
rédaction qui, en plus d'offrir un cadre de travail exceptionnel, me permettait de
vivre une expérience journalistique unique tout en me formant au traitement de
l'actualité rurale et locale. La couverture de l'agence calvaise étant vaste - elle
comprend l'ensemble de la Balagne - j'ai été amenée à travailler sur des sujets
dans des grandes villes telles que Calvi ou L'Ile-Rousse mais également dans des
petits villages où les informations utiles et pratiques se veulent d'autant plus
essentielles. Si cette expérience m'a dotée de compétences techniques et
professionnelles, elle a également renforcé mes qualités humaines, notamment en
termes d'entretien d'un réseau de sources sur un territoire insulaire et de travail
en équipe avec mes collègues ou avec la rédaction en cheffe à Ajaccio.

Riche de son histoire, de son patrimoine et de son actualité tant politique,


culturelle que sociétale, le territoire Corse présente des particularités
journalistiques qui seront développées sous plusieurs points au cours de ce
rapport.

Dans un premier temps, nous reviendrons sur l'historique du journal Corse-Matin,


pour, dans un second temps, évoquer mes missions et les difficultés rencontrées
durant ces deux mois de stages. Nous aborderons ensuite les problématiques
auxquelles fait face, de manière générale, la presse quotidienne régionale en
France tout en démontrant que Corse-Matin demeure un parfait exemple de sa
situation presque chaotique. Pour finir, dans un objectif d'analyse et de recul
professionnel, nous présenterons les différents enjeux de l'information de
proximité afin d'en déceler quelques questionnements au regard de la bonne
pratique journalistique.
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I. PRÉSENTATION DU
MÉDIA

Depuis 1999 et après la suppression de l'édition Corse du Provençal, le journal


Corse-Matin reste l'unique quotidien sur le territoire insulaire et s'impose comme
une institution locale. Sa ligne éditoriale est principalement concentrée sur les
actualités locales avec une réelle mise en avant de l'information de proximité et
de la ruralité. Tous types d'actualités y sont traitées en laissant une place très
importante à la politique. Une page est également consacrée à l'actualité
nationale. Le fil conducteur du quotidien demeure le même : la Corse.

Corse-Matin a été fondé en 1944 dans un contexte d'après guerre. Distribué par
Corse Presse, il est aujourd'hui détenu à 51% par le groupe La Provence et, depuis
2018, à 49% par le Consortium CM Holding qui réunit près de 150 sociétés corses.
En 1999, Roger Antech est nommé PDG de la société Corse Presse. Il est ensuite
promu rédacteur en chef puis directeur de la publication et de la rédaction. Corse
Presse emploie aujourd'hui 200 salariés au total. Le siège social se trouve à
Ajaccio. En 2020, sa diffusion moyenne journalière s'est établie à 26 231
exemplaires. Un chiffre en baisse constante alors qu'il s'élevait à 28 733 en 2019,
à 32 951 en 2016, à 46 677 en 2005. En près de vingt ans, le quotidien a perdu
plus de 20 000 exemplaires. Face à la mutation vers le numérique et suite au
développement des outils en ligne, le groupe lance son site internet en 2009. Une
interface qui a été entièrement revue l'année suivante afin d'offrir aux lecteurs
une nouvelle ergonomie. La rubrique "Le direct" fait également son apparition
pour proposer une actualité en temps réel. En juillet dernier, Corsematin.com a
enregistré en moyenne plus de 13 000 visites sur le site fixe contre plus de 75
000 visites sur l'application pour un nombre total de 2 746 336 visites
mensuelles.
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Les points forts de l'entreprise sont multiples : Corse-Matin est l'unique quotidien
sur ce territoire, les journalistes sont pour la plupart d'origine corse et connaissent
parfaitement les problématiques insulaires, la rédaction en cheffe échangent
énormément avec les équipes et l'intrasite Melody facilite le travail d'édition.

J'ai constaté que trop peu de place était accordé au web. Corse-Matin ne donne
pas de priorité au site puisqu'il reprend essentiellement les articles publiés dans
le journal du jour. Aucun papier web n'est demandé avant l'écriture de celui dédié
au Print. Les faits divers sont les uniques informations que nous avons dû traiter
rapidement sous forme de brève web. Un point faible alors que le virage vers les
nouvelles technologies est inévitable pour les rédactions.

L'indépendance journalistique du journal a récemment été remise en cause. En


octobre 2018, la direction a été accusée d'avoir censuré le nom d'un groupe
criminel après l'interpellation et la mise en examen pour "association de
malfaiteurs en vue de commettre un crime" de Guy Orsoni, fils d'un ex-leader
nationaliste. Arrêté en compagnie d'un deuxième homme, ils circulaient dans le
quartier de leurs rivaux sur un véhicule à deux roues et étaient lourdement armés.
Les enquêteurs en ont alors immédiatement déduit qu'ils souhaitaient s'attaquer
au groupe "Le Petit Bar". Mais le nom du clan a été sciemment supprimé de deux
articles, le qualifiant finalement "d'équipe rivale".

La journaliste qui les avait rédigés n'a pas été prévenue de cette modification. Le
Parisien a notamment relaté sa réaction : « Il ne s'agit pas de modifications
anecdotiques. Force est de constater que cette intervention n'est pas la première
effectuée ces derniers mois. Elle met en cause l'équilibre fragile de neutralité et
d'indépendance que nous, journalistes, nous devons de conserver [...] Tout soupçon
d'inféodation à l'un ou à l'autre de ces interlocuteurs – au-delà de la faute
déontologique qu'il constitue – est une mise en danger physique du signataire de
l'article concerné ». Un choix éditorial que l'ensemble de la rédaction a dénoncé.
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Corse-Matin a été accusé de protéger le clan Ajaccien, d'autant que son PDG en
place à l'époque, Antony Perrino, a toujours assumé ses liens amicaux avec les
membres du "Petit Bar". De vives tensions avaient alors éclatées au sein de la
rédaction. La direction s'était, de son côté, défendue de toute censure. En mars
2019, l'ancien patron annonçait sa démission après avoir été placé en garde à vue
puis en détention provisoire pour des soupçons d'abus de biens sociaux et de
blanchiment des activités illicites de la bande criminelle. "Une affaire interne" qui
a incontestablement entaché et détérioré l'image du quotidien. Plus largement, le
territoire insulaire impose des conditions de travail bien différentes de celles que
connaissent les journalistes installés sur le Continent, pouvant notamment
recevoir des pressions de certains groupes, d'autant plus lorsque la question du
grand banditisme corse est traitée. Depuis, la rédaction en cheffe a été
entièrement renouvelée.

L'organigramme actuel de l'équipe de direction


chez Corse-Matin. Source : Corse-Matin
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L'organisation des équipes rédactionnelles dans


les agences de Corse-Matin. Source : Corse-Matin

Plusieurs agences sont implantées sur le territoire insulaire et travaillent en


autonomie : à Ajaccio, à Bastia, à Ghisonaccia, à Sartène, à Calvi, à Corte et à
Porto-Vecchio. Il y a également un service sport qui est entièrement dédié aux
actualités sportives en Corse.

Présentation de l'intranet Melody


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En termes de fonctionnement interne, le chemin de fer du journal se réalise via


l'application numérique Melody. Depuis mars 2020, c'est par ce site internet que
tous les journalistes écrivent leurs articles, puis que l'équipe de secrétaires de
rédaction éditent le quotidien chaque jour. Grâce à ce logiciel conçu expressément
pour Corse-Matin, nous pouvions suivre en temps réel toutes les brèves et articles
qui étaient en cours de rédaction ou d'édition. Il s'agit d'une interface intuitive et
facile à utiliser que j'ai rapidement pris en main après une rapide formation du chef
de la locale calvaise.

Tous les matins, une conférence de rédaction est organisée en visio à 9h30. La
rédaction en cheffe ainsi que le pôle de l'édition échangent avec les différents
chefs des locales sur les sujets du jour à traiter. A Calvi, Jean-François Pacelli,
journaliste, pilote l'agence. Il est secondé par Serena Dagouassat, également
journaliste. Ils travaillent en binôme sur toute la Balagne avec un photographe
professionnel et indépendant, Olivier Sanchez. Le siège social a installé une
communication permanente avec les agences installées sur le terrain. Un grand
atout pour une rédaction telle que Corse-Matin que j'ai pu apprécié tout au long du
stage. Les différents rédacteurs en chef, qui pouvaient changé selon les jours, ont
manifesté un vrai intérêt pour mon travail et ont pris le temps de m'accompagner.

Chacune des pages locales doivent être rendues et placées "en relecture" avant 17
heures. Les journalistes au sein des différents agences sont libres d'organiser et de
monter leur locale comme ils le souhaitent, tout en prenant compte des publicités
qui leur ont été affectées. Après 18 heures, la rédaction s'occupe essentiellement
de l'actualité dite "chaude" en élaborant les premières pages du journal, que l'on
appelle plus communément "la corinf".

Durant la saison estivale, Corse-Matin propose plusieurs suppléments tels que le


Journal de l'été (JDE) qui traite uniquement de l'actualité culturelle et patrimoniale
Corse. Il existe également le Settimana, une formule publiée tous les vendredis
depuis 2018 dans laquelle toutes les activités de loisirs sont présentées en
dressant un agenda.
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II. LES MISSIONS D'UNE


LOCALIÈRE

Durant ces deux mois de stage, mes missions ont été multiples : le calage des
reportages, la rédaction d'articles et d'interviews, la recherche de sujets pendant
une période de l'année où l'actualité s'avère plutôt calme, le montage et l'édition
de notre page Calvi, la couverture de conférences de presse et de festivals
balanins ou encore la permanence de faits divers potentiels. Tous les jours, il
fallait monter notre page locale en y insérant les informations sur les transports
(numéros utiles, horaires des liaisons maritimes, aériennes et chemin de fer) ainsi
que les échos pour les informations pratiques. Une expérience professionnelle
enrichissante et plus que formatrice. Entièrement autonome dans mon travail, j'ai
su m'imposer au sein de l'équipe comme une journaliste à part entière. Dans
l'agence calvaise, l'objectif était de traiter avant tout une actualité propre à la
Balagne, de cerner les problématiques rurales qui composent le paysage.

Dès le mois de juillet, nous avons été confrontés à un contexte sanitaire sans
précédent à Calvi et sur toute la Balagne. En effet, deux clusters ont été décelés à
la suite d'événements privés et ont entraîné une multiplication exponentielle du
nombre de cas de Covid-19 en seulement quelques jours. Pendant plus d'une
semaine, nous avons dû gérer la page de la locale mais également rédiger de
nombreux articles pour l'ouverture du journal. Calvi et L'Ile-Rousse ont été les
premières grandes villes françaises à expérimenter le pass sanitaire dans les
restaurants. Un sujet sur lequel j'ai d'ailleurs travaillé plusieurs fois.

Durant l'été, J'ai été amenée à couvrir de multiples actualités culturelles,


notamment de grands festivals organisés en Balagne où la littérature et la lecture
ont été mises à l'honneur. Ce type de sujets m'a permis de mieux connaître le
territoire Corse et ce sur quoi les différents acteurs locaux travaillaient toute
l'année.
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Dans le cadre de la première édition des Culturelles d'Aostu, un festival littéraire


qui s'est installé plusieurs jours dans trois villages, j'ai réalisé l'interview de
Valérie Perrin, autrice de l'ouvrage "Trois" sortie en mars dernier. Cette rencontre
a été l'un de mes moments forts lors de cette expérience professionnelle.
L'interview n'est pas un exercice facile mais je l'ai particulièrement apprécié.

Il est nécessaire de mettre en confiance la personne interrogée, poser les bonnes


questions afin de faire ressortir les émotions et déceler les différents éléments à
mettre en avant. Ce sont des missions qui font partie du métier de journaliste et
s'inscrit dans son objectif de raconter. Pour cela, j'ai préparé l'entretien en amont
afin d'évoquer avec elle sa participation au festival, ses différents livres, ses
inspirations, ses projets ainsi que son actualité. J'ai adoré échanger avec cette
écrivaine et retranscrire ses propos. Ces instants ont été pour moi passionnant
tant sur le plan professionnel que sur le plan personnel.

Les sujets que j'ai pu couvrir ont été tous bien différents des uns des autres.
Notamment, j'ai suivi les politiques locales menées par la Communauté des
communes de Calvi-Balagne. Mi-juillet, elle présentait ses ambitions écologiques
avec de multiples projets, comme l'installation d'une micro-step dans la vallée du
Giussani. Suite à la publication de mon article, des citoyens habitant cette zone
géographique et souhaitant protéger l'écosystème m'ont directement contactée.
J'ai alors été conviée à une réunion animée par ce collectif de citoyens qui
demandait des réponses sur le projet. Il dénonçait particulièrement le silence des
élus locaux et le manque de transparence des acteurs territoriaux sur le sujet.
Dans un souci du respect du contradictoire, avant de publier ce papier, j'ai
interviewé le président de la Communauté des communes. Ce fut l'un des sujets
les plus sensibles sur lequel j'ai travaillé puisque le collectif soupçonnait une
manœuvre d'ordre privée financée avec de l'argent public.

J'ai également couvert les dernières actions menées par Core in Fronte, célèbre
groupe nationaliste et indépendantiste corse, en Balagne. Tout cela m'a apporté
d'autant plus de rigueur dans ma manière d'écrire, de traiter et de rapporter les
faits.
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Durant ce stage, j'ai rédigé en moyenne entre deux et trois articles par jour, selon
l'actualité journalière et la demande de la rédaction en cheffe. J'ai également
beaucoup contribué au Journal de l'été, le supplément estival, avec la production
de nombreux articles sur le thème de la culture.

En contact permanent avec mes supérieurs, j'ai passé énormément de temps en


reportage sur le terrain. Dans ce cadre, j'ai pu développer de nombreuses
compétences professionnelles et réflexes journalistiques, telle qu'une écriture
plus rapide et une productivité renforcée. Mes capacités de synthèse ont
également été fortement consolidées, notamment par la limite de signes imposée
en fonction du type de gabarit qui m'était attribué. Bien qu'autonome, mes
collègues se sont rendus très disponibles lorsque j'avais besoin d'aide et m'ont
relue quotidiennement. J'avais régulièrement des retours sur le travail que je
fournissais et pouvait aisément échanger avec mon supérieur.
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III. CORSE-MATIN :
REFLET DE LA PQR

Dès mon arrivée le 1er juillet, j'ai été fortement frappée par l'abandon et
désertion du bureau calvais. Ce grand espace n'est aujourd'hui plus du tout
rentabilisé puisqu'il est occupé par seulement un poste en CDI à temps plein toute
l'année. Auparavant, l'agence était dotée d'un secrétariat et regroupait plusieurs
journalistes. Mais ces derniers, qui ont quitté le quotidien ou qui ont entamé leur
retraite, n'ont jamais été remplacés. Corse-Matin prévoit d'ailleurs de quitter les
locaux dans les prochaines semaines en faveur d'un espace partagé avec la
rédaction Télé Paese, à L'Ile-Rousse. Une décision qui, nous l'imaginons, trouve
principalement son origine dans les problématiques économiques que rencontre
actuellement le quotidien.

Ces constats, en termes de manque de personnel et de manque de moyens


financiers, sont le reflet d'une conjoncture généralisée dans la presse quotidienne
régionale française. Aussi, depuis le début de la crise sanitaire, la plupart des
salariés travaillent en télétravail. De ce fait, les agences ne sont plus équipées de
wifi. Une difficulté que j'ai dû résoudre par mes propres moyens et qui s'est
également présentée dans d'autres locales de quotidien régional.

De la même manière, la situation financière de Corse-Matin demeure


extrêmement fragile. En effet, depuis qu'il a été repris par le consortium CM
Holding en 2018, les actionnaires se livrent une bataille sans failles. Le 22 juin
dernier, la société qui rassemble plus de 150 entreprises insulaires, publiait un
communiqué dans lequel les actionnaires exprimaient la possibilité de se retirer
du capital du quotidien. Un coup dur pour Corse-Matin qui se trouve actuellement
dans une situation économique critique.
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Ce dernier a enregistré un déficit de 4 millions d'euros sur l'année 2020. Dans ce


communiqué, CM holding souhaite notamment "un repreneur insulaire pour éviter
la disparition du quotidien, à moins qu'il ne demeure dans les mains d'un grand
groupe continental". Deux des membres du consortium, dont Antony Perrino, ont
démissionné de leurs postes d'administrateurs après avoir été impliqués dans des
affaires judiciaires. Le 13 juillet, les représentants syndicaux de Corse-Matin
publiait une lettre dans les pages du quotidien en alertant sur l'avenir de
l'entreprise et de ses salariés.

"Nous rappelons que 200 emplois difficilement requalifiables sur le marché du travail
insulaire et la vie de 200 familles corses sont en jeu. Nous rappelons également que la
préservation de l'unique quotidien de presse écrite en Corse représente un enjeu
majeur en matière d'accès pluriel à l'information, pour toute une population.
Le maintien de ces emplois et le redressement de cette entreprise et de ce journal sont
parfaitement possibles, dès lors que des dirigeants, en auraient la volonté et les
compétences. Etant entendu que cela ne pourra se faire qu'en concertation avec les
instances représentatives du personnel", pouvait-on lire dans le texte publié dans
Corse-Matin par les représentants syndicaux qui expliquent "être prêts au
dialogue".

Evolution de la diffusion France payée depuis


2016 de Corse-Matin - Source : ACPM
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IV. LES ENJEUX DE


L'INFORMATION DE
PROXIMITÉ

La presse quotidienne régionale reste le meilleur moyen de se former aux


différents exercices journalistiques car elle nécessite une polyvalence
fondamentale de par la diversité des sujets traités. Au cours de ce stage chez
Corse-Matin, j'ai noté plusieurs grands enjeux dans l'information de proximité.

Tout d'abord, il y a une dimension géographique que l'on ne retrouve ni en presse


nationale ni en audiovisuel. Je pense particulièrement aux informations utiles qui
sont publiées chaque jour. Au sein de l'agence calvaise, nous renouvelions
quotidiennement les échos rédigés sur notre page. Il s'agit d'une proximité qui
demeure absolument indispensable. L'objectif est ici d'informer au plus près.
Comment réinscrire son enfant à l'école du village, quelles sont les horaires de
cinéma, quelles sont les horaires du jour des liaisons maritimes et aériennes, etc.
Cela va permettre d'apporter une information pratique aux lecteurs et va les
accompagner dans leur quotidien. De ce fait, il est incontestable que les titres
régionaux ont un ancrage essentiel sur les différents territoires qu'ils couvrent. Le
lecteur s'intéresse irrémédiablement à l'actualité près de chez lui. Une loi de
proximité qui offre un véritable accès à l'information de service au public. Il s'agit
d'un enjeu primordial dont j'ai pu en faire le constat lors de cette expérience
professionnelle. Par exemple, nous recevions très fréquemment des
communiqués ou des emails des différentes administrations locales afin de nous
informer de procédures ou modalités à publier sur des sujets divers et variés. De la
rentrée scolaire à la mise en place du plan canicule, transmettre l'information
utile s'est avéré au coeur du métier de journaliste localier.
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Ensuite, qui dit proximité, dit réseau. L'entretien d'un réseau de sources fait partie
intégrante des missions du journaliste. Il est d'autant plus important en presse
quotidienne régionale puisque le territoire à couvrir y est délimité. J'ai notamment
été amenée à échanger avec les mêmes personnes à de nombreuses reprises.

Cultiver et nourrir ses relations avec les différentes sources locales est un travail
de longue haleine. Pour moi, il représente plus de 50% de la mission
journalistique. Sur le sol insulaire, cette notion est d'autant plus particulière que
toutes les familles corses se connaissent entre elles. Et il faut parfois savoir
patienter avant de divulguer une information pour ne pas porter préjudice à notre
source et, de fait, perdre sa confiance. Ce type de dilemme, qui oppose relations
humaines et scoops à tout prix, amène à une réflexion de fond au sujet de la
déontologie journalistique. Si le métier de journaliste est en premier lieu de
relayer l'information, il reste essentiel pour lui de protéger ses sources. C'est
d'ailleurs ce que j'ai pu observer au cours de ce stage où les relations humaines se
sont avérées au coeur de notre savoir-être. Lors de la prise de contact avec des
interlocuteurs ou d'interviews avec des personnalités locales, le "off" est souvent
extrêmement présent. Le manque de réseau a été une difficulté supplémentaire
pour moi. Surtout sur un petit territoire comme celui de la Balagne dans lequel
tout le monde se côtoie, ne m'a pas rendu la tâche facile dans la recherche de
sujets. La connaissance d’un terrain et de ses problématiques, davantage en
presse quotidienne régionale, reste indispensable afin de couvrir efficacement la
zone. Au fil du temps, j'ai finalement réussi à me créer mon propre réseau avec les
différents interlocuteurs qui, parfois, me contactaient directement afin de me
fournir une information.

La presse quotidienne régionale est également en proie aux conflits d'intérêts et


au "copinage". Sur un territoire insulaire, ce type de constat me paraît beaucoup
plus présent par rapport à d'autres terrains qui incluent moins de spécificités. J'ai
notamment été contrainte de rédiger un article sur un sujet qui, selon moi, ne
présentait aucun intérêt journalistique et n'avait aucunement sa place dans Corse-
Matin. Ce sont des manquements qui entraînent par la suite un vrai jugement de
la part du lectorat.
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C'est également extrêmement frustrant et dérangeant pour le journaliste qui signe


le papier. D'une part, il peut recevoir des remarques de lecteurs qui lui sont
directement adressés. D'autre part, cela pose un vrai problème déontologique et
soulève des questions éthiques. C'est aussi ce qui alimente la population à penser
que les journalistes ne font plus que de la communication. Cette problématique
est, selon moi, une vraie réflexion de fond sur laquelle tous les rédacteurs en chef
et directeur de publication devraient se pencher. Elle rappelle aussi le lien de
subordination d'un journaliste à sa rédaction en cheffe. Si cette dernière décide
qu'il faut traiter un sujet, le journaliste salarié de l'entreprise de presse n'a que
peu de marge de manœuvre. En presse quotidienne régionale, la proximité entre
les interlocuteurs et les journalistes accentue davantage ce risque d'écrire parfois
pour "faire plaisir".

Ces deux mois de stage en milieu professionnel m'ont donc également permis de
pointer des problématiques qui perdurent dans le journalisme et qui m'ont
conduite à me questionner.
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CONCLUSION

Cette expérience professionnelle m'a été fortement bénéfique dans ma formation


journalistique. J'ai pu arpenter le terrain, bien qu'il n'ait pas été toujours facile
notamment dû à la langue corse qui est énormément utilisée. Mais je me suis
naturellement adaptée à ce territoire particulier. J'ai développé un sens des
responsabilités, un professionnalisme en phase avec le monde du travail et eu
l'occasion de prendre des initiatives puisque mon équipe m'a tout de suite accordé
sa confiance.

Ce stage m'a permis de cultiver mon intérêt pour le journalisme mais également
pour la presse quotidienne régionale, déjà très présente auparavant. La pluralité
des sujets traités ont été très plaisants et enrichissant dans l'exercice de mes
fonctions et ont ainsi renforcé mon ouverture d'esprit. Les journées sont toutes
différentes des unes des autres et apportent une véritable plus-value à
l'enrichissement professionnel. Corse-Matin est un média que j'apprécie
particulièrement et pour lequel je ne manquerais pas de postuler si un poste
venait à se libérer à l'avenir.

Ces deux mois m'ont permis d'évoluer, de me découvrir en tant que véritable
journaliste en milieu professionnel et d'acquérir des compétences tant
journalistiques que techniques qui, j'en suis certaine, m'aideront à aborder le
marché de l'emploi beaucoup plus sereinement.
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BIBLIOGRAPHIE

AFP, « Le consortium CM Holding envisage de se désengager de Corse-Matin », Le


Figaro, juin 2021, https://www.lefigaro.fr/flash-eco/le-consortium-cm-holding-
envisage-de-se-desengager-de-corse-matin-20210624

La rédaction, «"200 emplois menacés à Corse Matin", un texte des représentants


syndicaux des entreprises du titre », Corse-Matin, juillet 2021,
https://www.corsematin.com/articles/200-emplois-menaces-a-corse-matin-un-
texte-des-representants-syndicaux-des-entreprises-du-titre-118971

Eric Pelletier, « Le quotidien Corse-Matin a-t-il censuré des articles sur un gang
criminel ? », Corse-Matin, octobre 2020, https://www.leparisien.fr/faits-divers/le-
quotidien-corse-matin-a-t-il-censure-des-articles-sur-un-gang-criminel-28-10-
2018-7930257.php
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ANNEXES

DER du journal publiée le lundi 23 août 2021


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Q
Quelques exemples d'articles que j'ai rédigés durant mes deux mois de stage chez Corse-Matin.

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