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Westmoreland et spirituel
LE VIETNAM
(page 50)
ADMINISTRATION
42 RUE DE BERRI. PARIS 8
RÉDACTION
ET RENSEIGNEMENTS
114 CHAMPS-ELYSÉES. PARIS 8
prises pour que les frontières Les titres, les sous-titres, les inter
titres et les éléments de présentation
soient visibles entre ces divers et d'illustration des articles sont
établis par la rédaction de Planète
LE JOURNAL DE PLANETE
167 La vie et les idées / Apprendre à lire 189 Cinéma / La mise en scène devient-elle
171 M.O.C. / La C.I.A . et les soucoupes volantes un privilège social?
175 Sociologie / Les nouveaux matériaux 191 Photographie / Une technique devenue un art
178 Biologie / Le veau est-il alchimiste? 193 Peinture / L'art et la technique
180 Ethnologie / Les rites de mort des Sara sont de plus en plus intégrés
181 Voyages / L'Europe sauvage sans frontière 195 Architecture / Le Japon à l'avant-garde
182 Les notes de lecture d'André Brissaud de l'architecture
5
portes sur la Renault 16...
Non ! Elle manquerait à la Renault 16 si elle n ’existait pas,
cette porte arrière qui permet le chargem ent facile
des objets encombrants. Mais ce n’est pas suffisant pour faire une
voiture «complète». C’est pourquoi la Renault 16
n’oublie rien de ce que vous pouvez exiger.
La s é cu rité ? Nous lui avons accordé une priorité totale. Et si vous
êtes déjà monté en Renault 16, mieux, si vous l’avez déjà conduite,
vous savez que sa tenue de route, sa visibilité, sa suspension,
son freinage sont exceptionnels.
Les perform ances? La Renault 16 roule à 145 km/h chrono
y en a-t-il une de trop ?
et accélère de 0 à 100 km /h en 39 secondes. Sa sécurité et son
confort en font la voiture des très belles moyennes sans effort... pour
une consommation inférieure à dix litres aux 100.
Le co n fo rt? Nous avons choisi de faire de la Renault 16
la grande routière dans laquelle vous ignorerez les kilomètres...
L’espace ? Il n’existe aucune autre voiture au monde dont le coffre
à bagages soit extensible et qui permette 7 com binaisons différentes
d ’aménagement intérieur, adaptées à chaque circonstance d ’utilisation.
Alors, que manque-t-il à la Renault 1 6? Rien.
Mais il vous manque peut-être, à vous, de l’avoir essayée. RENAULT
Renault 16: une voiture intelligente
TQ17TK
àfrique , «V
SAB EN A
SWEERTS
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BELGIAN t i t t U AIRLINES
installé sur le pont d’un
Les faits navire à environ deux mille
mètres du point central.
• c © '» L’explosion de la bombe
S' maudits atomique coula presque
instantanément le navire.
Miraculeusement libéré
VOUS de ses entraves, le cochon
311 nagea vers l’îlot. Il fut
aïïiuse George Langelaan trouvé bien vivant et en
bonne santé lorsque les
premiers savants purent
La science est une sorte de
guerre civile. Peu importe qui débarquer. Bien qu’irradié
la gagne, c’est toujours une tout autant que tous les
victoire scientifique en fin de autres animaux qui mou
compte. Charles Fort. rurent tous plus ou moins
rapidement, le cochon 311
se portait à merveille. Il
vécut une longue vie tran
Notre collaborateur poursuit ici quille au cours de laquelle
la rubrique qu’il a ouverte dans il procréa de nombreux
le numéro 31 et qui porte
sur les faits et phénomènes que
petits cochons, tous par
notre culture dédaigne parce qu’ils faits et en bonne santé et
n’entrent dans aucune des sciences qui, à leur tour, ont donné
existantes. vie à d’autres petits co
chons bien portants.
JOSEF KRIPS
STRAUSS VALSE
OE L EMPEREUR
SUR C E
GRAN D DISQUE PIERRE BOULEZ
PATH É-M ARCON I H4NOEI WATER
MUSIC (titrait!)
BÉCAUD
La patit onaau da
GEORGES CHELON toutai las coulaurt
Préluda CARL SCH URICH T
WAGNER LOHENGRIN (Préluda)
V O U S E C O N O M IS E Z PLUS DE 6 0 % BO N PO U R UN D IS Q U E 30 C M
Oui, vous avez bien lu. Vous recevrez un grand disque 30 cm pour seulement PO UR 7.50 F
7,50 Frs et ceci sans adhésion à un club I Nous faisons cette offre sans précé | Le Club des Grandes Vedettes - 197. rue Jean-Jaurès- 92, Levallois-Perret
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réserver à ceux qui ne connaissent pas encore le Club des Grandes Vedettes.
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Postez le bon ci-con tre a ujourd'hui même. Le fa it d'accepter un de ces disques | tion du disque. Il est bien entendu que ceci ne m’ engage pas à
m aintenant ne vous abonne pas à un Club et ne vous engage absolum ent à rien. acheter d’ autres disques ni à adhérer à un club.
CES M A G A S I N S S O N T A V O T R E D IS P O S IT IO N
A PARIS : 222. rue de Rivoli (1•') • 4. rue de Vienne (8*) • 90. rue de Vaugirard (6*) • 28. avenue Mozart (16*) • 49. rue Vivienne (2*)
• 20. rue de la Baume (8*) • 182. rue du Fbg-St Denis (10*) • LEVALLOIS-PERRtT : 97. rue Jean Jaurès.
PROVINCE AMIENS 14. rue des Sergents • BORDEAUX : 123. cours Alsace Lorraine • DIJON : 10 12. avenue Foch • GRENOBLE : I PRENOM
1. place de lE toile • LE HAVRE : 16. avenue Foch • LILLE : 9. place de Béthune • LYON : 23. place des Terreaux • MARSEILLE :
26 rue de I Académie • MONTPELLIER : 39. rue St Guilhem • NANCY : 105. Grande Rue • NANTES 5. rue J J Rousseau •
NICE 12 rue Chauvam • RENNES : 3. rue Beaumanoir • ROUEN : 59. rue Jeanne d Arc • SAINT-ETIENNE : 7. rue de la Résistance
• STRASBOURG : 52. rue du Vieux Marchéaux-Poissons • TOULOUSE : 58. rue Bayard • TOULON : 6. place d'Armes.
r
1 VILLE
1
▼
tateurs étaient invités à témoins de l’époque affir
casser le pavé à l’aide d’un ment qu’en collant un Le détenu tuait
gros marteau! Il se faisait journal contre son dos, il les juges à distance
aussi briser des planches était possible de lire les
de cinquante millimètres titres à tràvers sa poitrine !
Voici un cas très différent
d’épaisseur sur la tête. de coïncidences impos
Billy Wells mourut à l’âge Il y avait quelques obèses sibles.
de soixante-dix ans. Un imposants, dont la« Géante Au mois d’avril 1922, le
médecin qui l’examina du Connecticut», qui juge de Eastbourne, dans
alors déclara que son pesait plus de 300 kilos à le Sussex, condamna un
crâne avait une épaisseur l’âge de dix-huit ans. Mais syndicaliste bien connu de
de trente millimètres dans le record appartient à la région, John Blackman,
la région frontale allant Robert Earl Hougues, de soit à payer la pension due
jusqu’à cinquante milli Bremen, dans l’Indiana, à sa femme à la suite de
mètres pour l’os pariétal. qui pesait 553 kilos! Lors leur divorce, soit à aller
qu’il mourut il y a quelques réfléchir pendant un mois
Barnum en son temps années, les pompes funè en prison. Blackman choi
exhiba une extraordinaire bres refusèrent de s’en sit la prison et il y était
variété de « monstres » charger: il fut finalement encore lorsque le juge
allant du nain au géant et enterré par les services mourut soudainement.
passant par les hommes spéciaux de secours de la Après sa libération, Black
velus, les femmes à barbe, police dans une caisse à man eut un délai pour
etc. Nombre d’entre eux piano renforcée. s’acquitter de la pension
n’étaient pas de véritables alimentaire. Il ne paya pas
monstres. Parmi les vrais Un des plus jolis monstres, et, convoqué devant un
citons Jonathan R. Bass et sinon un des plus curieux, nouveau juge, il expliqua
le Comte Orloff qui souf fut Francesco A. Lentini, qu’il ne paierait jamais.
fraient tous deux d’étran un fort bel homme né en Il fut cette fois envoyé
ges maladies contraires et 1890, en Sicile, avec trois pour trois mois en prison
à cette époque mal con jambes au lieu de deux et, comme son prédé
nues. Jonathan Bass s’ossi Jusqu’à l’âge de sept ans, cesseur, le juge mourut,
fiait de jour en jour et il Francesco courut fort bien accidentellement.
mourut alors que tout son avec ses trois jambes mais, Sa peine purgée, John
corps était devenu rigide à partir de cet âge, seules Blackman alla porter des
avec d’énormes os. Le deux des jambes conti fleurs sur les tombes de ses
Comte Orloff, un Hon nuèrent à grandir. La troi juges. Mais il refusa tou
grois, n’avait, lui, presque sième jambe resta cepen jours de payer.
plus d’os et ses membres dant active et la grande La justice ne peut admettre
se tordaient comme du joie de Francesco était de l’entêtement et John Black
caoutchouc. Il était de jouer au football avec ses man se trouva face à un
plus transparent et des trois jambes! troisième juge.
Indira G A N D H I
Anne Cublier
la première étude
française sur la
femme,
Premier Ministre
de l’Inde
i vol. 16,95 F. t.l.i.
(grand form at femme)
classée
classable
dans la mêm e collection:
Solange Lambergeon: Psychosomatique
toujours
et angoisse féminine actuelle
Gabriella Parca Les Italiennes se confessent
Betty Friedan La femme mystifiée jamais
Clara Malraux Civilisation du Kibboutz
Evelyne Sullerot La vie des femmes
démodée
G ON TH IER - D EN OEL TOUS LES M O IS 6 ,5 0 F
(à suivre)
Les faits maudits
LA P H ILO S O P H IE DE P L A H ETE
New York J ’ai passé les premiers jours de juin à Évian. De mon balcon, je voyais
des pelouses, le lac paisible, des bateaux blancs. Je buvais de l’eau de
Le Caire source, respirais un air propre, dormais douze heures profondes avec
l’assentiment des montagnes suisses, infirmières de l’Europe. J ’allais
Tel Aviv dîner à Saint-Saphoryn, village vigneron. Dans ma voiture, j ’écoutais
les communiqués du soir, les voix du Caire, de Tel Aviv, de New York,
Moscou de Moscou, sur la route entre l’eau et les vignes, regardant le paysage
et un lac et les gens de Ramuz, des images de l’enracinement, un monde tran
quille à la taille de l’homme. Des agents arabes à Lausanne, chinois à
paisible Genève, téléphonent fébrilement dans des cabines d ’hôtels feutrés qui
sentent la cire et le chocolat. Dans toutes les grandes villes de la terre
s’agitent les ambassades, les services secrets, les états-majors, les
partis. L’Arabie rêve de G uerre Sainte et compte ses Mig. Les moteurs
des Mystère soulèvent les sables bibliques. Les Kabbalistes de Safed
récitent les noms secrets de Dieu. Au-dessus des glaces polaires, de
chaque côté d ’une ligne abstraite dans le ciel, tournent des bombardiers
Positions Planète 1
russes et américains. Je m’arrête devant l’auberge de l’Onde. J ’entends
la fontaine, le piaillement des étourneaux. Dans un petit jardin sus
pendu, parmi les étagements des ceps, deux villageoises en tablier noir
cueillent des pivoines. Les cerveaux électroniques des satellites mul
tiplient leurs observations. Des usines à lancer la mort atomique
naviguent dans les fonds méditerranéens. Chaque secousse, désormais,
brasse les temps, mélange dans un bouillonnement le passé et l’avenir.
Sans doute nous faudrait-il autre chose que la passion ou le froid calcul,
autre chose qu ’une conscience ancienne ou une conscience moderne,
pour interpréter les signes qui se forment à la surface de ce chaudron
magique. Un autre niveau de conscience? Une autre dimension de
l’esprit? Impuissantes victimes de la puissance, nous voilà des centaines
de millions, ce soir, à nous dem ander si c’est le début de la troisième
guerre mondiale. Trois générations nous auront appris à nous méfier de
l’été. Devant un feu de sarments, de vrais poulets de grain tournent sur
la broche ancienne de l’auberge. Que faire de l’instant, sinon le vivre
tout entier? Prends ce monde et embrasse-le, voilà ce que commande
l’esprit. Assis à cette table de vigneron et cependant relié au monde, car
il n’y a plus de lieu protégé, j ’embrasse la continuité paisible et l’errance
dangereuse, la douceur et l’horreur, l’éternel et l’angoisse.
Un homme Ces coups sourds qui ébranlent l’humanité, ce n’est pas l’Histoire qui
frappe à la porte, c ’est le Destin. Comme chaque homme qui descend
qui dînait en lui-même pour étreindre la réalité, celle-ci m ’apparaît à la fois dans
l’histoire et hors l’histoire, débordant les stratégies et les politiques.
au-dessus de L’esprit de calcul, en moi, examine des chiffres, discute les alliances,
compare les déclarations de chefs d ’État, lit des cartes, interroge des
l'abîme spécialistes, prend des repères sur une ligne de l’histoire. L’esprit de
méditation dénonce tout cela comme apparences, voit un mouvement
de temps mêlés, des forces surhumaines en action, l’ombre projetée
d ’une obscure finalité. Sartre dit que la bombe atomique est exécrable
parce que c ’est une arme contre l’histoire. La menace d ’une guerre
totale, en effet, qui apparaît au-dessus de tout événement historique,
arrache celui-ci à l’historicité pure, lui donne une autre coloration, le
relie au destin humain global, provoque en chacun de nous une ré
flexion en croix: l’esprit de calcul sur la ligne horizontale, l’esprit
de méditation sur la ligne verticale. Mais c ’est quand nous sortons de
l’histoire que nous embrassons le monde, comme le commande l’esprit:
un monde dans lequel, justement, l’histoire peut venir à nous manquer.
Est-ce un commencement d ’apocalypse? Est-ce l’accident fatal? La
puissance infinie de l’homme va-t-elle lui éclater entre les mains? Y
18 La philosophie de Planète
a-t-il une condamnation? Faudra-t-il tout reprendre, refaire dans des
déserts et en haillons la longue marche de l’esprit? Prends ce monde et
embrasse-le, même si demain nos os craquent et nos yeux fondent sous
un éclair plus ardent que mille soleils. Cela peut arriver. Il y a eu
d ’autres fins du monde: pour les Sumériens, pour les Mayas. Chaque
seconde sur cette terre, un homme sent son cœ ur s’arrêter, venir pour
lui la fin du monde. Je n’ai pas peur. Cette absence de peur et l’amour
que j ’éprouve viennent de plus haut que moi. Parole de Moïse: « Rien
de ce qui est hors de l’homme et qui entre dans lui ne le peut souiller;
mais ce qui sort de lui, voilà ce qui souille l’homme.» Il me semble
confusément, en cette attitude, agir, implanter quelque chose
d ’immortel. En même temps, et tandis que je commande mon dîner,
mille images simultanées m’apparaissent. Je vis quantité de vies,
éprouvant le goût particulier de chacune: intellectuel révolutionnaire
fanatique, pilote froid d ’Anchorage, diplomate insomniaque, agent de
services spéciaux à l’esprit brûlant comme glace, technocrate de la
géopolitique, rabbin en prière, partisan, le sang au cerveau. Parti
cipant de toutes ces forces tendues au-dessus d ’un abîme, plein d’amour
de la vie et de toutes les vies, une sorte de prière monte en moi, sans
autre objet qu’elle-même, sans forme ni direction, au-delà de l’enga
gement comme de l’indifférence, de l’espoir et de la crainte. Je fais
acte de vivant.
Positions Planète 19
Porter Les Anciens interrogeaient les dieux, archétypes de la relation de
l’homme au Tout. La conscience d ’une telle relation, confusément,
sur le monde demeure en nous. Nous avons décrété la mort de Dieu, et du même
coup sacralisé l’histoire. (On voit, à Moscou, des vieux piliers de
un regard l’Académie Marx-Engels porter à la boutonnière le portrait de Lénine
bébé.) Nous avons prétendu ramener la liberté à l’engagement. Et
oblique pourtant, quand la vie nous habite de toutes ses forces débordantes,
nous ne parvenons pas à nous sentir dans l’histoire comme des poissons
ou tenter dans l’eau. Ou bien, c ’est comme des poissons volants. Nous savons,
de le regarder malgré tout, que l’eau n’est pas le seul domaine du vivant. Remués par
de lourds événements, nous interrogeons les faits, les forces matérielles
en face en présence, nos appartenances, nos opinions, comme des hommes tout
à fait immergés dans l’histoire. Mais, en même temps, par un mou
vement instinctif, nous essayons d ’atteindre le fond de notre cœur,
d ’éprouver la plus fine pointe de notre âme, pour savoir ce qui va se
passer. C ’est que, dans sa plénitude, l’univers de chaque homme est
universel et contient toute l’histoire de l’homme. C’est que l’histoire de
l’homme ne se superpose pas exactement à l’histoire: elle la déborde,
en arrière et en avant. Mais la réponse ne nous parvient pas, ou si
brouillée qu ’elle est indéchiffrable, parce que nous ne sommes jamais
dans la plénitude de notre être. Si nous l’étions, nous serions devins.
Nous comprendrions le sens ultime de ces tragédies où chacun a raison.
Nous aurions une idée de la finalité. L’histoire ne cesserait pas, mais
son assomption commencerait en nous. Dans l’affreuse tenaille des
événements, à l’intérieur même de nos actes engagés, nous serions
libres et pleins d ’amour. Nous ne porterions plus sur le monde ce
regard oblique qui ne nous renseigne que sur son profil. Je songeais à
l’écrivain qui m’est le plus fraternel, Henry Miller. Je l’entendais:
« Il est possible que ce que nous appelons « l’historique» cesse d’exister
(ou plutôt, à mon avis, d ’exister seul) une fois que nous aurons exécuté
ce simple mouvement du soldat: F ixe’ »
J’admettais l’idée d ’une apocalypse atomique. Mais, de toutes ses
forces, mon intelligence d ’Occidental la repoussait comme une chose
informe, illégitime: ne correspondant pas aux structures de la moder
nité. Je cherchais une meilleure position que celle proposée par
l’histoire immédiate avec son cortège d ’humeurs variables et de m en
songes, afin d ’essayer de regarder le monde en face. A défaut de
profond éclairement, je me faisais, à ma manière, un cours de géo
politique.
Je me disais qu ’une tempête peut, un moment, inverser le mouvement
des vagues, mais que la marée se fait tout de même. C ’est le flux
montant des sciences et techniques occidentales. « Il n’y a qu’un point
2 0 La philosophie de Planète
indivisible qui soit le véritable lieu de voir les tableaux, disait Pascal.
Les autres sont trop près, trop loin, trop bas. La perspective l’assigne
dans l’art de la peinture. Mais dans la vérité et la morale, qui l’assi
gnera?» Dans la vérité historique? Dans la morale politique? De mon
point de recul, dont je ne sais s’il est le bon, sachant seulement qu’il
faut reculer, voici ce que je vois.
Une image « L’avenir est bien représenté dans ce petit microcosme du futur qu’est
le continent antarctique. Ici, point de militaires, point de fusées, point
jeune soviétique d’armes: il s’agit d ’un univers de savants. Nous ne sommes plus dans les
années 60 de notre siècle mais au-delà de l’an 2000. Nous ne parlons
de l'avenir 1. Je me reporte ici à la rem arquable docum entation rassemblée par Jean M arabini, l’un des meilleurs obser
vateurs de la Russie moderne. On lira avec le plus grand profit son dernier livre sur la question: l'U .R.S.S.
à la conquête du futur (Éd. Denoël).
Positions Planète
plus la même langue que la vôtre. Il n’y a plus de spéculations, plus de
police politique, plus de régimes économiques différents. Toutes ces
séquelles sont balayées. Les hommes qui vivent dans l’Antarctique,
aussi bien Américains, Russes, que les autres, s’intéressent en plein
accord à découvrir avec émerveillement un sixième continent de
quatorze millions de kilomètres carrés, aussi étendu que l’Amérique du
Sud, plein de fabuleuses richesses recouvertes par une couche de
glace de deux à quatre kilomètres d ’épaisseur dont la fonte ferait
remonter tous les océans du globe d ’un niveau de soixante mètres.
Comme nous sommes au-delà du colonialisme dans un monde neuf,
point de querelles de clocher mais une solide foi commune dans la
science. Et si nous abordons encore nos emblèmes nationaux, c ’est
pour nous reconnaître, comme des sportifs aux Jeux olympiques2.»
Cette vision est-elle naïve? Est-elle, au contraire, la juste espérance
des élites d ’une super-nation? Nous devrions nous méfier avant de
parler de naïveté. Allons-nous maintenant, comme nous le faisions
sottement pour les Américains, traiter les Russes de «grands enfants»?
22 La philosophie de Planète
futur possible d ’un équilibre planétaire. Le Tiers Monde agit contre lui-
même en provoquant des troubles qui freinent le mouvement. Ses
rhéteurs gâchent l’effort de l’homme blanc industriel et mathématicien
qui pourrait donner demain au monde des statuts d ’adulte. Un peu de
messianisme passe par les continents sous-développés. Beaucoup de
messianisme se concentre sur l’Occident.
Les Américains Le grave est que la Chine revendique une grande partie de la Sibérie4.
Peut-elle un jour s’en emparer? Le nombre n’est rien, même dans une
se trouvent guerre conventionnelle: ce sont les cerveaux qui la gagnent, par
l’information et l’électronique. Fabriquer des cerveaux suppose que
chargés du l’on donne le pas aux scientifiques sur les idéologues. Le grave, dans
l’immédiat, est que la Chine impose à la Russie une concurrence idéo
« sale travail » logique. Elle retarde ainsi son mouvement d ’expansion. Elle redonne du
poids, dans la conduite des affaires soviétiques, aux «dogmatiques».
et il y a Elle oblige l’U.R.S.S. à un double jeu coûteux avec l’Amérique. Elle la
la menace paralyse en l’obligeant à disperser ses efforts sur les divers fronts de la
guerre révolutionnaire tri-continentale qu’elle suscite ou attise.
chinoise En réalité, si l’homme blanc de l’ère atomique veut planter solidement
les bases d ’un humanisme scientifique, d ’une société technocratique
capable d ’unifier la planète, il lui faut encore pouvoir travailler
beaucoup chez lui, dans le cadre d ’une civilisation russo-américaine.
Pour cela, il est nécessaire de contenir la grande Jacquerie des démunis,
des impatients, des différents, qui gronde de l’Asie à la Palestine, de
l’Afrique à la Terre de Feu. Il est nécessaire d ’endiguer la nouvelle
Internationale des continents pauvres. Cependant, pour les Russes, il
n’est pas mauvais que les Américains se trouvent chargés du sale
travail, comme, par exemple, au Vietnam. Ce qui pèse sur la croissance
économico-culturelle et le crédit moral des U.S.A. permet à l’U.R.S.S.
de s’employer pacifiquement à prendre un jour la tête de la nouvelle
civilisation occidentale à vocation planétaire.
Cette nouvelle civilisation, à peine née, va-t-elle exploser à l’occasion de
la bataille d ’Israël? Je refusais d ’y croire pour les raisons que j ’ai dites.
Et pour une autre, plus sûre à mes yeux et pourtant au-delà de l’histoire
Cette civilisation est fille de la pensée juive. Je n’évoquais pas seu
lement Marx, Freud, Einstein. Je songeais à la tradition du peuple élu:
l’esprit jamais assouvi; l’intelligence du déracinement; l’abstraction
fervente; l’idée que l’incarnation est à venir; le messianisme de
l’Hom m e qui commande à l’océan, au soleil, à la matière. Je me rap
pelais la belle parole de Léon Bloy, qui résume l’élan occidental,
4. « Nous revendiquons une grande partie du territoire sibérien comme appartenant à la Chine. » Lin Piao, 1967.
Positions Planète 23
s’applique à notre temps, et que nos âmes entendent, fermées ou non:
« L’histoire des Juifs barre l’histoire du genre humain comme une digue
barre un fleuve, pour en élever le niveau. »
Une guerre Quand je revins à Paris, une guerre d ’un genre nouveau s’achevait.
Quelques heures avaient suffi, non pour décider de la victoire, mais
d'un genre pour confirmer celle-ci. De fait, cette guerre avait été gagnée avant
d ’être commencée. L’essentiel ne s’était pas déroulé sur le terrain, mais
nouveau avant: sur du papier, avec des chiffres et des courbes. Israël n’avait
pour lui ni le nombre d ’hommes ni le nombre d ’armes. Mais il avait la
suprématie de l’électronique, de l’information, de la prévision, de
l’équipement intellectuel. La tactique décidée et tous les coups prévus,
au premier déplacement de pion sur l’échiquier, le mat était fatal. A
peine ouverte, la partie était jouée, mathématiquement. Ce que les
Américains, de crainte qu'ils ne s’égarent faute de bons renseignements,
firent savoir aux Russes. Du côté des modernes, tout se fit à froid, au
niveau de l’intelligence technicienne. « Le degré de culture (et donc
d ’invincibilité) d ’un pays se mesure au niveau mathématique moyen de
ses habitants5.» L’action américaine, le retrait soviétique, la victoire
israélienne sont les effets de jeu de la même intelligence. C ’est une
partie entre champions de même race: je veux dire de même structure
mentale. Il n’y a pas complot, il y a complicité d ’essence. Cette
évidence laisse les Arabes, et avec eux leurs frères en Jacquerie, dans
un plus grand sentiment de séparation, d ’infériorité. Elle accroît leurs
raisons de jalouser, et donc de détester l’Occident. Elle avive la haine
qu’ils nourrissaient à l’endroit d'Israël, révélateur de l’unité et de la
puissance de la civilisation technocratique blanche.
I
rétif qui, pénétrant dans l’historicité avec les armes les plus modernes,
rend manifeste ce qui la nie: le mythe, la foi, la soif d ’éternité.
Étrange bouillonnement! Nous ne pouvons mettre le doigt là-dedans
sans ressentir une brûlure qui porte au cœur. A moins d ’être des morts.
Positions Planète 25
qui sont aussi les différents, freinent par leur croisade l’Occident, lui
jettent, comme des bâtons dans les roues, des motifs de réflexion. Ils
brouillent les chances d ’un œcuménisme faustien. De même Israël, lieu
de croisements et de contradictions, mêle aux succès de l’intelligence
technicienne les revendications de la foi et entretient, dans la nou
velle civilisation montante, dont il participe si fortement, l’inquiétude.
(A suivre — Voir les numéros 25, 26, 27', 28, 30, 31, 32, 33 de Planète.)
Une humanité sans autre histoire
que son perfectionnement technique...
Dessin de Pierre M ignot.
2 6 La philosophie de Planète
LA PRIÈRE
« Écoute les supplications de ton serviteur et de ton peuple Israël, lorsqu’ils
prieront en ce lieu. Toi, écoute du lieu où tu résides, du ciel, écoute et
pardonne.
«Si un hom m e pèche contre son prochain, et que celui-ci p ro no nce sur lui un
serm ent im précatoire et le fasse ju re r devant ton autel dans ce Temple, toi,
écoute du ciel et agis; juge entre tes serviteurs; rends au m échant son dû en
faisant re to m b e r sa conduite sur sa tête, et justifie l’innocent en lui rendant
selon sa justice.
« Si ton peuple Israël est battu devant l’ennem i parce q u ’il aura p éché contre
toi, s’il se convertit, loue ton N om , prie et supplie devant toi dans ce Temple,
toi, écoute du ciel, pard on ne le péché de ton peuple Israël, et ramène-le dans
le pays que tu lui as donné com m e à ses pères.
« Q uand le ciel sera fermé et q u ’il n ’y aura pas de pluie parce q u ’ils auront
péché contre toi, s’ils prient en ce lieu, louent ton N om , se repentent de leur
péché, parce que tu les auras humiliés, toi, écoute du ciel, pard on n e le péché
de tes serviteurs et de ton peuple Israël, — tu leur indiqueras la bonne voie
q u ’ils doivent suivre, — et arrose de pluie ta terre, que tu as donnée en héritage
à ton peuple.
« Si ton peuple part en guerre contre ses ennemis par le chemin où tu l’auras
envoyé, s’il te prie, tou rné vers la ville que tu as choisie et vers le Tem ple que
j ’ai construit po ur ton N om , écoute du ciel sa prière et sa supplication et fais-
lui justice.
« M aintenant, ô mon Dieu, que tes yeux soient ouverts et tes oreilles attentives
aux prières faites en ce lieu! Et m aintenant
Dresse-toi, Yahvé Dieu,
fixe-toi, toi et l’arche de ta force!
Q ue tes prêtres, Yahvé Dieu, se revêtent de salut
et que tes fidèles jubilent dans le bonheur!
Yahvé Dieu, n ’écarte pas la face de ton oint, D euxième livre des Chroniques,
VI. 21-42 Bible de Jérusalem,
souviens-toi des grâces faites à David ton serviteur! éditions Planète, 1965.
Pourquoi j ’ai bâti
ma maison à Jérusalem
A ndré C h o uraq ui, ex-conseiller personnel de David ben Gourion, maire adjoint de Jérusalem.
La vie spirituelle 31
là, car je m ’en suis épris.»1 C’est alors qu’il bien s’ériger ainsi sur le toit du monde, face
me fallut lever la pioche, retourner la terre, aux grands déserts asiatiques arc-boutés en
poser la pierre, faire les premiers gestes du face de l’Afrique et, par sa côte méditerra
constructeur. néenne, ouverte aux grands vents de l’Occi-
Devant nous, la vallée de la Géhenne, celle dent, point de rencontre et carrefour où ses
de Jézréel, les collines qui encadrent Jéru puissantes racines peuvent puiser toute la
salem: une vision d ’apocalypse sous la sagesse de l’Orient et l’articuler en un lan
lumière diffuse, argentée, des nuages qui sou gage nouveau qui propose aux hommes la
lignaient encore l’intensité de la vision ter grande aventure du royaume de Justice.
restre: d ’un seul regard, nous embrassions les C ’est là, sous nos yeux, au cœ ur de Jérusalem,
monts de Moab, la dépression de la mer que s’éleva le Temple de Salomon, au lieu
Morte et, plus près de nous, le village de choisi de l’insertion du Verbe incréé au sein
Siloeh; en arrière-fond, le mont des Oliviers, de la création, pour que là se rassemblent les
Gethsémani; sur les collines qui cernent les prophètes et que de là surgisse le déferlement
murs de la Vieille Ville, la tache sombre des de l’esprit d’unité et d’amour sur les nations
cyprès autour de la mosquée d ’Omar; et voici et sur les siècles. On n’a jamais assez sou
encore le mont Sion, l’Église de la Dormi- ligné le paradoxe que constitue dans l’Histoire
tion, la Tour de David, les puissants remparts la naissance en ces montagnes de Judée du
de cette ville, inaccessibles, en face de moi. mouvement prophétique et le paradoxal
Car le terrain sur lequel allait s’édifier notre destin de la Bible, née au carrefour des civili
maison est situé exactement à la frontière qui sations de l’Orient ancien, qui devait devenir
coupait en deux Jérusalem, d ’où a jailli pour l’infatigable ambassadeur d ’une loi de justice
le monde entier le message de l’unité. auprès des nations de la terre, l’intercesseur
entre les races, les cultures, les siècles.
C'est à Jérusalem que l'esprit Siloeh, sous nos yeux encore, dans la lumière
s'est fait entendre aux hommes d’or de ses humbles murailles, est le village
où, voici quatre millénaires, Abraham vint
Lieu de la Révélation, c’est d ’abord cela, s’établir après avoir quitté Uhr en Chaldée.
Jérusalem. C ’est là où, avec le plus de puis Entre la Siloeh des patriarches et la Jérusalem
sance, l’esprit se fit entendre aux hommes. moderne, il y a quatre millénaires d ’histoire
D ’Abraham à Moïse, de Moïse à David, de qui mesurent la plus grande arche de temps
David à Amos, et à la suite d ’Amos tous les de notre civilisation, et ces quarante siècles
prophètes d ’Israël, et les juges, et les rois, peuvent, avec une rigueur quasi arithmétique,
et les scribes, et les docteurs, et Jésus, et les se découper p ar pans de mille ans.
apôtres vinrent boire à ces eaux et, autour On compte, en effet, un millénaire entre
d’elles, édifier le Temple pour préserver les Abraham et David, entre l’époque patriarcale
sources de l’esprit. «C ar les Trônes du juge et la confirmation de la royauté. Israël, né en
ment sont érigés là... les Trônes de la Maison tant que peuple, s’agglutine à la Terre de pro
de D avid.»2 mission, draine ses tribus et ses hommes des
Sur les collines de Judée, Jérusalem semble milieux avoisinants de haute civilisation.
1. Psaume 132.
Entre David et Salomon qui construisent le
2. Psaume 122. Temple de Jérusalem et la destruction de ce
La vie spirituelle 33
guerre sont arrachées aux Juifs dans les chênes à feuilles caduques, d’eucalyptus.
derniers soubresauts des combats qu ’ils ont Flanquant la riche plaine côtière, les collines
menés pour leur indépendance nationale. centrales atteignent au Djebel Djernak, près
Depuis l’an 134 jusqu’à la révolte du ghetto de Safed, 1 500 mètres d ’altitude: elles per
de Varsovie en 1943, les Juifs ont traversé mettent de contempler les paysages, les
l’Histoire sans jamais se battre. Ils n’étaient espèces et les essences européennes et nor
pas un peuple d ’objecteurs de conscience, diques qui, grâce à l’altitude, s’acclimatent
mais une communauté d ’hommes tragi parfaitement dans ce pays subtropical. Le
quement mis dans l’impossibilité de réagir sapin des hautes terres de Suède y voisine
contre la violence dont ils devaient subir la avec le chêne et le cèdre.
loi. Ce troupeau désarmé, par son martyre, a Mais voici que l’éventail s’ouvre tout à coup
du moins prouvé qu’une société d ’essence ini vertigineusement; la dépression de la vallée
tiatique, par la seule force de l’esprit, était du Jourdain et de la mer Morte, au pied des
en mesure de survivre aux plus formidables collines de Galilée et de Judée, à 392 mètres
empires de ce monde et d ’en mesurer la sous le niveau de la mer, constitue une serre
durée. naturelle unique au monde où l’on trouve les
espèces et les essences tropicales, voire équa
La Bible est une arche toriales. Israël est ainsi le seul pays du monde
entre l'Asie et l'Occident à réunir dans ses frontières la culture du blé,
du riz, du coton, du café, de la canne à
Il faut cependant aussi parler de la terre qui sucre, de la mangue, de l’avocat. Près des
fut celle des prophètes et des apôtres, de champs de blé, on peut photographier des
Moïse et de Jésus, la nôtre et celle de nos champs de bananiers; à quelques kilomètres
enfants. Je voudrais ici dire d’elle sa variété. du pommier, on peut grimper sur le tronc
Dans ses limites exiguës, entre la Méditer d’un palmier pour savourer le suc des dattes
ranée, le Liban, la Syrie, la Jordanie, l’Arabie les plus exquises.
séoudite, la mer Rouge et l’Égypte, F État La géographie de ce pays, sa faune et sa flore
d’Israël compte aujourd’hui 20 700 km2, la correspondent assez admirablement à sa
superficie de deux petits départements fran vocation historique pour que ce lien mérite
çais. Mais on y dénombre 41 types de climats encore d’être souligné. Cette universalité est
et de paysages. Cette diversité est si grande bien évidente en ce qui concerne la Bible.
qu’on se trouve, en fait, devant une pro Ce livre est écrit au confluent des grands
jection de l’univers tout entier dans les courants de la civilisation antique, au lieu de
limites d’une province. Tout se passe comme rencontre des sagesses de l’Afrique (Moïse
si la nature avait voulu prouver, dans un est un Égyptien) et de l’Asie (Abraham est
raccourci saisissant, la formidable profusion né en Chaldée). La vocation de ce petit livre
de la vie planétaire. Ce fait constitue une écrit en Asie s’accomplit cependant en Occi
contradiction géographique qui mérite d’être dent, où il apparaît comme l’arche maîtresse
connue et méditée. jetée entre les univers.
Israël est situé au bord de la Méditerranée, Si la Bible, qui constitue sans aucun doute le
dont les paysages, ici comme ailleurs, sont plus remarquable produit de ce pays, a eu
ornés de pins, d ’oliviers, d ’agrumes, de ainsi une vocation médiatrice entre les
La vie spirituelle 35
retour des juifs vers le pays de leurs pères: installés en Israël au cours des dernières
24 000 juifs en 1882 en Palestine; 47 000 en années proviennent de 102 pays différents.
1890; 85 000 en 1914; 150000 en 1927; Toutes les races, tous les types humains,
174 610 en 1931. A partir de cette date, les toutes les couleurs de peau, tous les modes
persécutions hitlériennes précipitent le mou de pensée, tous les âges de la civilisation,
vement, illustrant la vieille croyance des apo tous les modes de la culture se heurtent et
calypses d’Israël, selon laquelle le retour du se mêlent dans le pays. La rencontre de ces
peuple serait l’œuvre de ses pires ennemis. juifs et de ces juives, roux, blonds, noirs,
En décembre 1947, 629 000 juifs vivaient en jaunes, qui sont surpris eux-mêmes de se
Palestine. Plus de 80% d ’entre eux étaient trouver soudain confrontés les uns aux autres,
originaires d ’Europe. constitue l’éclat de rire qui répond à l’imbé
cillité des théories racistes. Car le paradoxe
C'est un homme nouveau est tel: pendant les deux millénaires de leur
qui est en train de naître exil, les juifs, dans quelque pays qu’ils fussent
réfugiés, y ont été déclaré inassimilables et
Au lendemain de la proclamation de l’indé considérés indélébilement pour juifs. De
pendance d’Israël, le 15 mai 1948, le premier retour en Israël, ils ne se définissent plus,
gouvernement de l’État lança un appel aux tout à coup, que par leur nationalité d’ori
juifs du monde entier pour qu’ils reviennent gine. Comme tous les immigrants sont juifs, le
en T erre sainte. Israël fêta son premier million facteur commun disparaît et, dans la confron
de juifs en 1949; en 1961, il passa le cap du tation du retour, il ne reste plus que des
deuxième million. De 1947 à 1964, la popu Russes, des Polonais, des Allemands, des
lation du pays a quadruplé. Les problèmes Français, des Anglais, des Américains, des
qu’lsraël a eu ainsi à résoudre sont ceux qui Yéménites, des Irakiens, des Persans, des
se seraient posés à la France si sa population Égyptiens, des Libyens ou des Nord-Africains.
était passée de 45 millions à 180 millions La contradiction est encore plus digne d ’être
dans les quinze dernières années: cela, soulignée quand on note que le retour des
compte tenu de ce que Israël était complè juifs rassemble non seulement tous les lam
tement dépourvu de toutes les infrastructures beaux de la race humaine, mais encore tous
agricoles, industrielles, administratives et les âges de l’Histoire. Les juifs, réunis dans
politiques qui font la force de la France. Il a les universités et les instituts scientifiques
fallu partir de presque rien, ressusciter à la d ’Israël, appartiennent dans un certain sens
fois la terre, le peuple et la langue d’Israël. au xxic siècle que leurs travaux préparent.
L’aventure a pris soudain une dimension nou Auprès d ’eux, dans la même ville, souvent
velle que Herzl seul avait su pressentir. Une dans la même rue, voisinent les juifs qui sont
vieille croyance juive donne une finalité à la venus des déserts du Yémen, des confins du
dispersion d’Israël parmi les nations, celle de Sahara, ou bien des cavernes de Libye où des
reconstituer l’unité du monde en recréant à communautés entières vivaient en troglo
partir de la diversité des nations l’unité du dytes: ces hommes, par leurs habitudes men
peuple juif de retour en Terre sainte. tales, leurs habits, leur mode de vie, sortent
L’œuvre de dispersion fut bien faite si l’on directement des origines de l’Histoire.
songe que les 1 100 000 juifs qui se sont D ’autres débarquent tout droit de l’époque
La vie spirituelle 37
pour moi l’homme qui est né dans mon vil attendant, on a pu dire plaisamment que
lage, qui parle ma langue; il n’est plus seu l’Israélien moyen était... un Tchécoslovaque
lement «celui à qui je fais miséricorde». Je du x i i i c siècle.
dois, ici, inéluctablement reconnaître pour tel
l’homme dans sa nudité et dans sa plénitude, L'arrivée du nouvel immigrant
à quelque race qu’il appartienne, quels que est comme une initiation
soient sa langue ou sa génération, la couleur
de sa peau ou les degrés de son savoir. Dans Jusqu’à ce qu’une dominante surgisse de
ma rue, à Jérusalem, la totalité de l’espace cette rencontre, les particularités de ces
planétaire et des temps de l’Histoire s’impose groupes divers s’exacerbent: l’Allemand se
irrésistiblement à moi. Je n’ai aucune échap sent plus allemand qu’il ne le fut jamais; le
patoire et dois les accepter, les reconnaître Russe devient plus mystique et plus fermé, le
et, si je veux survivre ici, les aimer comme Méditerranéen plus impétueux et plus anar
moi-même. chique. Il y a là comme un paroxysme des
Le Russe fermé et mystique, l’Allemand lent vertus et des défauts des nations. Chacun
et précis, l’Américain accordé au siècle, le risque de s’enfermer en lui-même, de se
Yéménite attentif à l’éternité, le Brésilien replier non pas comme en exil dans un ghetto
dont la voix est comme hantée par le rythme judaïque, mais dans une juxtaposition de
d’une «macumba», l’Hindou hermétique et ghettos nationaux. L’exacerbation de la
détendu, étonné de voir fleurir sa moisson diversité des origines se corrige par une inter
nouvelle, brun comme un champ de sarrasin, pénétration des caractères. Si, en face de
le Nord-Africain impétueux et violent comme l’Oriental, l’Occidental se sent plus occi
l’oued qui gronde dans la vallée, l’Occidental, dental qu’il ne l’était à l’origine, en fait il
pour oser une plus large généralisation, ana cesse de l’être entièrement: il a changé de
lytique, soucieux d ’exactitude, de technicité, terre et habite en Asie, il a changé de langue
de précision, amateur de machines, l’Oriental et parle une langue sémitique, l’hébreu. Si
volontiers contemplatif, intuitif, allusif, tourné l’Oriental, en face de l’Occidental, voit mieux
vers les grandes synthèses et n’acceptant pas la lumière de son Orient originel, il cesse
sans réserve les magies de la technique; tous pour autant de lui appartenir: il est condamné
les caractères coexistent en Israël, s’y à vivre dans un pays dont les structures
croisent, s’y rencontrent, s’y entrechoquent, sociales et les techniques appartiennent à
s’y déchirent parfois, cela d ’autant plus iné l’Occident. En vérité, ni l’Orient ni l’Occident
luctablement que chacun ici se sent en mino ne peuvent ici demeurer tels qu’ils étaient
rité. Les juifs originaires d'O ccident cons hier. Chaque immigrant, et c’est cela sans
tituent un tiers de la population, ceux doute qui donne tout son prix à l’aventure
d ’Orient représentent également un tiers de d’Israël, connaît dans sa chair et son sang
la population, et la dernière partie, dont qu’elle l’arrache à son ipséité, le confronte
l’importance va en grandissant, est composée à la totalité de l’humain, tue en lui le vieil
par les Sabrés nés dans le pays. Mais, à homme et le fait renaître tout entier à une
l’intérieur de chacun de ces groupes, les dif vie nouvelle.
férences sont telles que l’on ne peut définir L’attention est tenue en constante haleine
l’élément qui, en définitive, l’emportera. En parce que, à chaque instant, l’interlocuteur
La vie spirituelle 39
dans le monde entier ses agrumes, ses technique de l’Occident. Toutes ces contra
bananes, ses tomates et, l’an passé, il a dictions fondamentales se heurtent dans les
déversé sur le marché mondial deux milliards frontières d ’un État minuscule et qui n’a
et demi d ’œufs. Un chiffre symbolique : un d ’autre voie, s’il veut seulement survivre, que
œ uf pour chaque habitant de la planète. de les résoudre et qui, en fait, ne cesse
Si j ’avais à la définir en une seule formule, d ’inventer, de définir, de promouvoir les
je dirais que la cité d’Israël est avant tout recettes de l’unité nouvelle.
une machine à résoudre les contradictions.
Celles-ci résident au cœ ur même des réalités Un jour prochain,
de notre renaissance et elles sont plus que la maison sera prête...
partout ailleurs accusées et graves. C ontra
diction entre la faim de l’homme et une terre Il y aurait à expliquer le retour d ’Israël par
faite de cailloux et de sables, privée d ’eau. la qualité exceptionnelle et la présence de
Contradiction entre le peuple condamné l’amour ici, non pas l'amour sentimental,
depuis deux mille ans à l’exil, mis au ban des mais bien sa plus haute incarnation ontolo
nations et dont chaque membre doit se gique. Nous avons à faire face ici à la pré
réconcilier avec lui-même afin de revenir à la sence d ’un amour d’au-delà du désespoir, au
vie. Contradiction entre le peuple banni et triomphe d’un amour qui jaillit de nos cœurs
le travail de la terre dont il faut réapprendre blessés de ressuscités. Car la renaissance de
tous les gestes. Contradiction entre les im ce peuple et de cette terre s’accomplit selon
migrants venus des pays riches, pourvus de un développement organique qui se rit,
savoir technique, de machines, d ’argent et de semble-t-il, de toutes les conventions, de
culture, et les immigrants venus des pays de toutes les règles, de tous les préjugés, de tous
la faim dont ils étaient souvent les habitants les attendus de la loi des hommes et de la loi
les plus déshérités. Contradiction au sein de de la nature. Le rythme s’est emparé de ce
chacune de ces communautés rassemblées peuple, il en a fait sa proie, rythme iden
autour de Jérusalem, entre les classes, les tique aux premières pulsations de la création
riches d ’un côté, les pauvres de l’autre, qui des mondes. C’est ainsi que nous assistons à
doivent réapprendre à vivre ensemble. Contra la genèse d ’une anthropocratie qui a pour
diction entre les générations nées dans l’exil vocation et pour mission, sans autre choix
et leurs enfants nés sur la terre retrouvée possible, d ’accomplir dans l’histoire des
qui se savent un commencement absolu: plus hommes les promesses de la théocratie bi
que partout ailleurs, ils sont saisis du vertige blique, de réaliser sur terre les rêves de la
de se sentir presque absolument étrangers à démocratie initiatique de l’exil : totaliser les
leurs géniteurs. Contradiction entre les juifs âges pour le triomphe de la plus haute incar
et les Arabes. Contradiction entre Israël et nation de l’homme.
les Églises chrétiennes qui vivent toutes dans A la fin du printemps, je revins en Israël,
nos murs dans la diversité de leurs rites, de après avoir visité quelques pays d’Europe
leurs liturgies, de leur culture. Contradiction, occidentale et l’Algérie où vit ma mère. Dès
enfin, entre les hommes dont le cœ ur reste que la carlingue s’ouvrit, à Lydda, je ressentis
éclairé à la lumière contemplative de l’Orient sur mon visage la chaleur des grands vents du
et ceux qui ont été submergés par l’exigence désert. Sur la route de Jérusalem, dans ces
La vie spirituelle 41
LE DIEU CORNU
ressuscite en Grande - Bretagne
De notre envoyé spécial George Langelaan Photos Jacques Prayer
A gauche:
La nouvelle prêtresse de l’antique culte.
A droite:
Une mandragore magique et humanisée.
sur celle de ces hommes. Si jadis l’invincible danses que sorciers et sorcières avaient exé
Arm ada a coulé dans la tempête, c’est, cutées totalement nus. J ’ai su aussi que,
sachez-le, parce que tous les coven d ’Angle quelque part dans le coin le plus méridional
terre l’avaient appelée. Nous avons agi sur du champ, un grand phallus de bronze avait
Napoléon au camp de Boulogne et, en 40, été enterré, pointant vers le nord; des gens
nous avons agi sur Hitler, le mal personnifié. dignes de foi, médecins, magistrats, m’ont
Le mal est le plus souvent concentré en un confirmé différents événements: la fille de la
individu unique qui, sans que l’on puisse reine du coven miraculeusement guérie après
s’expliquer pourquoi, possède soudain un don un accident, une vieille dame auteur de
d’envoûtement des masses. Lorsqu’on le lettres anonymes punie grâce à une poupée
connaît, on peut agir sur lui; cela prend du de cire.
temps, mais on finit toujours par l’abattre. Il y a des sceptiques, mais qui n’en sont pas
— Comment? moins tolérants, ainsi les policiers de l’île.
— Par la répétition inlassable, par la pensée — Tant que nous ne recevrons pas de plainte
faite volonté. Pendant des heures, nus dans le d’empêcheur de danser en rond, comme on dit
cercle, les sorciers murmurent la litanie «tu en français, nous les laisserons danser nus la
ne peux pas, tu ne peux pas, tu ne peux nuit dans les endroits déserts, m’a dit un chef
pas...». de la police. Nous en connaissions beaucoup,
N’est-ce pas le principe même d ’une « cen des jeunes, des moins jeunes, mais pour
trale d ’énergie»? autant que nous le sachions, des gens parfai
— Lorsque nous travaillons, me dit ainsi tement respectables.
l’ancien officier, nous avons besoin de donner
le plus de « force vive» possible. Deux choses Les rois d'Angleterre
nous aident: le cercle où nous formons un s'adonnaient-ils au paganisme?
groupe «émetteur», et notre nudité qui nous
permet de mettre tout notre corps, toute Que l’on essaie de le minimiser ou de le
notre puissance enjeu. Nous sommes alors de noircir, c ’est donc un phénomène étrange. Il
véritables phares psychiques. est difficile à analyser, car seuls ceux qui se
disent «witches» savent si leur foi est sin
J ’ai promis de ne pas prendre position. Je cère. Il est difficile à expliquer. Pourtant le
tiendrai ma promesse. Mais j ’avoue que j ’ai culte du dieu cornu paraît sous-jacent à toute
voulu recueillir des témoignages. Un médecin l’histoire de l’Angleterre: il y eut des mani
entra tout à fait dans les vues de mes sorciers. festations populaires semblables à celles des
J’ai parlé à un paysan dont le champ, à la autres pays européens, mais aussi des faits
suite d ’un rite de fertilité, avait produit une révélateurs parmi la caste dirigeante. Il
récolte triple de celle des champs voisins. Il convient de citer l’incident fameux qui est à
ne savait pas au juste ce qu ’avaient fait les l’origine de l’Ordre de la Jarretière. Au cours
sorciers, mais il leur était reconnaissant. Il ne d ’un bal donné en 1348 par Edouard III, la
tenait pas tellement à savoir, mais moi j ’y comtesse de Salisbury perd une jarretière de
tenais, et j ’ai appris qu’une certaine nuit de satin bleu et d ’émeraudes comportant aussi
nouvelle lune s’étaient déroulées des danses une boucle de diamants noirs et un rubis.
de fertilité en certains endroits du champ, Le roi la ramasse et la lui rend en prononçant
WESTMORELAND
p a r B ernard Thomas
Deux hommes
Deux peuples
Deux guerres
Notre dossier 57
Les idées com m unistes n ’avaient pas encore (et pas seulem ent celle du Vietnam), et la
eu le tem ps de se dé v e lo p p e r parm i la j e u stratégie. Sans se destiner le moins du m onde
nesse universitaire. On avait des idées de e ncore à la carrière des armes, il avait
gauche, sans que rien soit précisém ent for dévoré tous les ouvrages parus à l’ép oq ue sur
mulé. Et puis, c ’était dangereux. G iap n’était la guerre, de Clausewitz aux livres chinois en
inscrit à aucun parti, ce qui ne l’e m p êchait passant p ar N apoléon. Pauvre, presque misé
pas d ’être mal vu, déjà, par les autorités rable, il se nourrissait à peine, courait d ’un
françaises: bien q u ’on n’ait rien eu de précis gro up e à un autre, était ou vert à tous les
à lui rep rocher, on lui avait refusé sa bourse problèm es, épuisant de vitalité et fascinant.
d ’études. Il devait do nc gagner sa vie par lui- Il n ’avait m êm e pas le tem ps de p ré p a re r ses
même. exam ens. Sa facilité était telle que, en s’y
Il résolut bientôt le prob lèm e en trouv ant le p re n an t huit jo u rs à l’avance, il obten ait régu
moyen d ’être à la fois élève à la Faculté de lièrem ent les meilleures notes. Pour l’oral,
droit qui venait d ’ouvrir ses portes et profes c ’était plus difficile. C ’est ainsi q u ’à l’oral de
seur dans une institution privée, le cours la d ernière année de licence, M. Guillain,
T hang-Long, dirigé p a r l’un de ses amis. Il y professeur de droit public, lui mit une note
enseignait un peu tout, du français aux éliminatoire. Malgré une m oyenne générale
m athém atiques, en passant par l'histoire. co nfortable, G iap fut recalé. Il avait projeté,
Physiquem ent, il a le m asque un peu lourd, une fois son diplôme en poche, d ’ob te n ir une
les traits m arqués, une carrure impression bourse p ou r term iner ses études à Paris: son
nante: e x a c te m e n t l’opposé du fluet H o Chi- é ch ec le força à rester sur place.
minh - d ’ailleurs miné par la tuberculose. Il alla trouver Guillain.
— Pourquoi m ’avez-vous collé? lui de m a n da -
Un exam inateur français a peut-être t-il. J ’ai des bonnes notes ailleurs. C ’est
changé le destin du Vietnam injuste.
Jeune hom m e, répondit le professeur, je
Il avait, parmi d ’autres activités, entrepris n’ai de c om ptes à rendre à p ersonne, pas
d ’écrire une histoire du Vietnam basée sur les m êm e au président de la République fran
légendes. Ce qui l’avait co nd uit à a p p re n d re çaise.
les cara c tère s chinois. Le d im anche, il allait Le qu a tre sur vingt de M. Guillain venait de
de village en village interroger les paysans, c hang er non seulem ent le destin du jeun e
retrouver des vestiges du passé, relever des G iap, mais sans dou te celui de tout le Viet
insc riptionssur les pierres. M onsieur Kherian, nam. Un économ iste notoire, arrivé de Paris,
alors doyen de la Faculté de droit, l’aidait G a é ta n Pirou, te n ta e n co re de fléchir l’in tra n
beaucoup. Il s’était improvisé son tuteur. sigeant exam inateu r: il venait vérifier le
G iap était égalem ent très lié avec un certain niveau des études à l’université de H anoi et,
G o u ro u , a u te u r de l’ouvrage de base sur le po u r ce faire, avait proposé un sujet: « Du
Vietnam du N ord, les Paysans du delta tonki rétablissem ent a u to m atiq ue et dirigé de la
nois. Il l’aidait à rédiger sa thèse, l’a c c o m balance des com ptes». Les copies étaient
pagnait dans ses dép lacem en ts, et lui servait a bsolum ent anonymes. Nul ne pouvait c o n
souvent de traducteur. naître leur auteur. Le doyen Kherian, qui eut
Il avait deux passions principales: l’histoire le prem ier entre les mains celle de G iap, lui
Notre dossier 59
Japonais et les Français; instaurer une R é p u L’un d ’entre eux m ’a c e p e n d a n t affirmé que
blique d é m ocratique. Le dra p e a u rouge à Giap. au déb ut, ne nourrissait pas de senti
étoile d ’or, choisi po ur em blèm e, dit n e tte ments systém atiqu em en t antifrançais:
m ent l’inspiration. - Nous luttons avec les bons Français contre
Le petit noyau révolutionnaire établit d ’abord les mauvais Français du général Decoux et
une ligne politique: faire passer, dans un co ntre les Japonais, disait-il.
prem ier temps, le nationalism e indochinois En 1943, lorsqu'il s’aperçut que l’avèn e m en t
avant le com m unism e. Le second tem ps du gaullisme ne signifierait pas l’in d é p en
viendrait ensuite. Puis ils réfléchirent aux dance de son pays, il cha n g e a radicalem ent
m éthodes à em p lo yer p o u r s’e m p a re r du d ’attitude et mit tous les Français dans le
pouvoir. Ils é tud iè re nt la tactique de la mêm e sac.
guérilla, et G iap créa les prem iers groupes A la m êm e époque. Ho vint le rejoindre. Les
de guérilleros. A vrai dire, faute d ’effectifs autorités de Hanoi c o m m e n c è re n t à s’in
et d ’arm em ents, ce furent d ’abord plutôt des quiéter de leurs activités. On décida une
«unités de p r o p a g a n d e » que de véritables expédition de « nettoyage» contre eux. Trois
com battants. Leur action, cep e n d a n t, fît peu jours avant que la colonne ne se m ette en
à peu tache d ’huile ju s q u ’aux a bords du delta route, le 9 mars 1945, les Japonais s’e m p a
tonkinois. rèrent du pouvoir à Hanoi, en ferm an t la
En 1942, Ho décida d ’aller convertir à ses garnison dans la citadelle et supprim ant ainsi
idées T c h a n g Kaï-chek. Mal lui en prit. Il l’obstacle n° I qui séparait les Viet-minh du
fut jeté dans les prisons du K uom intang. Il y pouvoir.
resta 18 mois. On le crut mort. Il ne fut libéré
que sur la prom esse formelle de ne rien faire Au début, il n'y avait
qui puisse nuire à la politique chinoise: ni que 3 4 hommes et aucun matériel
com m un ism e, ni nationalisme excessif. Il
prom it tout ce q u ’on voulut. Son habileté dia Le 6 ao ût 1945, c ’est Hiroshima. Le 15, le
bolique le fit n o m m e r ministre d ’une org a Japon d e m a n d e l’armistice. Sur place, son
nisation d ’inspiration chinoise, destinée à a rm ée, malgré la défaite, est en c o re puis
libérer le Vietnam au profit de Pékin. Au sante. Les Chinois anticom m unistes de
bout de quelques mois, il en devint le chef. T c h an g Kaï-chek rêvent de s’e m p a re r de
Il avait désorm ais ce q u ’il voulait: de l’argent, Hanoï, par l'interm édiaire des nationalistes
versé tous les mois par les Chinois... qui le indochinois; Sainteny, au nom de la France,
recevaient des A méricains. Il l’expédiait à aim erait restaurer notre autorité; les A m é
G iap, dans sa m ontagne, qui en faisait le ricains lui m ettent des bâtons dans les roues:
meilleur usage. bref, la situation est d 'u n e confusion inextri
Q uelques Français e u re n t des c on tacts avec cable. C ’est alors que, à la stupéfaction g é n é
G iap pen d a n t cette période. Ils faisaient rale, aidé, il faut le dire, par la passivité des
partie des rares résistants q u ’a com ptés Japonais et la duplicité des A méricains, les
l'Indochine. Il n ’y en eut pas b e au c o u p parmi Viet-minh s’e m p a rè re n t du pouvoir, non sans
eux po ur oser e n tre p re n d re le voyage de C ao m assacrer au passage quelques ressortissants
Bang. Encore moins p o u r s u p p o rte r la vie Français.
dans la m ontagne. Très peu sont revenus. Ce coup d 'éclat, c ’est bien sûr la diplomatie
Notre dossier
rendre à l’évidence: jam ais les Français que des assiégés, agrippés aux e scarpem ents
n’a c c o rd e ra ie n t l’in d ép e n d a n c e totale. m ontagneux de la région de Tuyen Quang.
En public, Ho, sans d oute de b on ne foi, tenta Ils n ’avaient survécu que p ar des prodiges de
ju s q u ’au bout de tro uv er un com prom is. En courage, d ’en d u ra n c e , de tén acité, de d é
sous-main, infatigable, G iap mobilisait, re brouillardise G iap les portait à bo ut de bras.
crutait, organisait. Le 23 novem bre 1946, le Il leur avait insufflé son âm e d ’acier, le
colonel Dèbes, sur ordre du général Valluy, d é c o u ra g e m en t n ’ayant pas de prise sur lui.
successeur de Leclerc, voulut faire éva c u e r La discipline, l’e n d o c trin e m e n t étaient restés
H a iphong par les tro up es vietnam iennes, efficaces. Mais ils ne disposaient d ’aucun
trop fortes à son gré. Echauffourées, c o n matériel. L’arrivée des c om m unistes au
fusion: 6 000 m orts vietnamiens. G iap voulut pouvoir en Chine, en 1949, bouleversa la
alors sa revanche: il te n ta un co up de force situation. Désormais, ces isolés, ces traqués
sur Hanoi. Le 19 d é c e m b re à 20 heures, il e u re n t un allié puissant — et qui plus est,
dé clench ait l’insurrection con tre les Français. voisin. Le g o u v ern e m en t en exil de M. H o fut
Ses troupes régulières, ses milices, ses recon nu par une dizaine de pays. L’arm ée de
commissaires politiques, p a tiem m ent, m in u G iap put enfin se développer.
tieusem ent formés, e n trè re n t en action. Son
plan était simple: m assacrer p ar surprise tous Avec une patience de fourm i,
les Français. Les c om bats se prolongèrent Giap a mis tout un pays en armes
longtem ps dans les q uartiers sino-annam ites.
11 y eut des milliers de morts de p a rt et De l’autre côté de la frontière, il put disposer
d ’autre. Mais les troupes françaises étaient de cen tres d ’e n tra în e m e n t; il eut les cadres et
prévenues et leur c o n ce n tratio n était trop l’a r m e m e n t qui lui m anquaient. On s’est long
forte. Les h o m m es de G ia p n ’avaient pas un temps d e m an d é si ce n’était pas les Chinois
a r m e m e n t suffisant à leur opposer. Il prit qui c o m m an d a ie n t en sous-main. On sait à
lui-même la décision d ’a b a n d o n n e r le delta, présent que G iap était le c h e f incontesté de
brûlant tout sur son passage, co m m e il avait l’arm ée, com m e H o était celui de la d iplo
prévenu les Français q u ’il le ferait. matie. Du reste, avec son habileté ordinaire,
Ho et G ia p se re tro u v è re n t dans la m ontagne « l’o ncle» prit grand soin de c o n tre b a la n ce r
q u ’ils avaient quittée 16 mois plus tôt. L’irré l’influence de Pékin p ar celle de M osc o u : ce
parable était accompli. qui ne lui fut pas très difficile, é ta n t d onné
Il y eut au d é b u t deux guerres c o m p lé m e n le rôle q u ’il avait longtem ps jo u é au sein du
taires; celle des Viet-minh au N ord et celle K om inform et les relations q u ’il n ’avait cessé
des nationalistes au Sud. Mais, au b ou t de d ’e n treten ir avec le Kremlin. La stratégie,
trois ans, les nationalistes, mal organisés, elle, fut l’œ u vre de G iap. C et intellectuel qui,
furent décim és. G iap leur d o n n a lui-même le en d ’autres circonstances, serait devenu his
co up de grâce en faisant assassiner Nguyen torien ou avocat, appliqua à l’action la puis
Binh, leur chef, qui risquait de devenir un sance de sa réflexion. Les plans de bataille
leader o p po sition nel dang e re u x . L ’effort étaien t de lui. C ’est lui qui do nn ait les ordres.
militaire français put alors se re p o rte r tout Sans lui, la prise du pouvoir par H o serait
entier co ntre le N ord. Les Viet-minh sans do u te restée un beau rêve. D ans l’om bre,
n’étaient, selon l’expression de H o lui-même, sans jam ais se m ettre en avant, c ’est lui qui a
Notre dossier 63
Très vite, il fallut se rendre à l’évidence: les dans le delta. Il leur fit re pre nd re confiance.
Français n’é taient pas assez résistants p o u r la G iap, qui ne s’y atten dait pas, et qui voulait
guerre de jungle. La nature était p o u r les re m p o rte r un succès de prestige, ad o p ta po ur
Viet-minh. Elle les protégeait de son silence, la prem ière fois une tactique inédite: il lança
de son camouflage, que les A m éricains eux- ses réguliers en plein jo u r, sur un terrain rela
mêm es, malgré les moyens mis en œ uvre, tivem ent d écouvert. Ce fut la terrible bataille
n’arrivent pas à percer. Le climat, l’épaisseur de Vinh Yen. De Lattre eut le tem ps de
de la forêt, les maladies é taient p o u r eux. Les r e g ro u p e r ses troupes. Le terrain lui perm it
Français te n tè re n t de tenir au moins les d ’e m p lo ye r les grands moyens, aviation, artil
routes. Ils to m b è re n t dans des em b uscad es lerie, napalm. L’affaire se solda par une
effroyables, sur le RC I n o tam m en t. Des lourde défaite viet-minh — la seule.
colonnes entières furent détruites à la fro n G iap re to u rn a alors dans la forêt et p ro c é d a à
tière de Chine. On se replia d on c sur le delta. une nouvelle analyse de la situation. Il ne
De Lattre, qui venait d ’être no m m é, se mit à p ourrait pas g agn er de g rande bataille dans le
y to u rn er en rond, essayant de deviner par où delta, mais il tenait suffisamment bien le pays
l’ennem i allait attaqu er. C h a q u e fois, les p o u r y mobiliser, y user les troupes te rrito
Viet-minh d é c le n ch aie n t l’em bu scade à riales et régulières de son adversaire: ce qui
l’endroit où on les atten dait le moins. La lui laissait les mains libres p ou r p o rte r ses
complicité de la population était leur plus efforts ailleurs. Il choisit la jungle touffue du
grande force. Laos, la région du fleuve Rouge. Les Français
d u re n t se lancer dans la guerre de jungle. Ce
Dien-Bien-Phu démontra le génie fut trop d u r p o u r la plupart d ’entre eux.
stratégique et tactique de Giap Minés p a r la maladie, épuisés p ar les longues
m arches, sans cesse harcelés, dans un pays
Lors de cha q u e opération, G iap, acco m pagn é qui n’était pas le leur, ils ne le su p p o rtè re n t
parfois d ’H o Chi-minh et du N am -B ô, le pas - excepté les paras. Les batailles furent
Com ité révolutionnaire, établissait son P.C. atroces. Cela d u ra dix-huit mois.
sur place. Il s’entou rait d ’un luxe de p ré Salan venait de succéd er à De Lattre. Puis ce
cautions extraordinaires. Seuls quelqu es res fut N avarre et D ien-Bien-Phu: un véritable
ponsables savaient où il se cachait. Sa plus duel en ch a m p clos, ch acu n des deux camps
grande c rainte: les raids des parachutistes a c c e p ta n t en quelque sorte que le vainqueur
français. Un jo u r, à Bac Kan, un c o m m a n d o du tournoi soit le vainq ueur définitif, m êm e si
le m an q u a à deux m inutes près. des forces éno rm es n ’étaient pas en jeu. Au
- En six mois, je nettoie les Français, dit m o m ent de l’attaq ue, les deux cam ps étaient
G iap en 1953, en lançant son o rdre de contre- sûrs d ’eux-mêmes.
offensive généralisée. N avarre et son état-m ajo r sous-estim èrent
Effectivement, il faillit réussir dans les délais deux faits: le génie du général vietnamien,
q u ’il s’était fixés. Mais dans son analyse de la et l’en d u ran c e de ses hommes. C o m m e n t les
situation, G iap sous-estima un facteur: le Français auraient-ils pu imaginer que G iap
coup de fouet q u ’avait d o nn é au corps expé réussirait à tra n sp o rte r à pied, dans une
ditionnaire l’arrivée de De Lattre. région aussi inaccessible, au tant de matériel
De L attre c o n c e n tra le gros de ses troupes et de matériel lourd? Et p ourtant, il l’a fait.
Notre dossier 69
s’était d éjà enterré. C ’est une vieille habitude. ficelle tie nn e nt en échec l’arm ée la plus puis
G iap pratiquait déjà la m éth o d e du tem ps des sante du m onde et partou t, derrière c haqu e
Français, mais à une m o indre échelle. nouvelle astuce, chaq ue nouvelle trouvaille,
A présent, ils y passent leurs jo u rn é e s, ne on retrouve l’em p re in te de G iap. G iap s’est à
sortant que la nuit. M ê m e les moissons se présent enfoncé au plus im pénétrable de la
font: au lieu de cultiver le jou r, on cultive forêt, à la frontière entre le N ord et le Sud.
la nuit. Et puis, faute de riz, il y a le manioc, Sa stratégie actuelle consiste à attirer le plus
la nourritu re de base du soldat, qui se possible les A m éricains dans la guerre de
confond tellem ent avec la végétation que les jungle. Là, il est à son affaire. Là, la puis
A m éricains ne p euv en t pas le supprimer. sance technologique a b e a u c o u p moins
d ’effets. Là, seul co m p te le choc de l’hom m e
Tout le pays s'est enterré con tre l’hom m e, au corps à corps.
pour résister à l'arm ée U.S. Le résultat? La pro portio n des pertes am éri
caines p a r ra p p o rt à celles du Viet-cong était
Les A m éricains pilonnent les villes du N o rd: au d é b u t de 1967 de un tué p o u r 12 Viet-minh
c ’est gênant. Cela fait des morts. Mais pas morts. Elle est en juin 1967 de un p o u r quatre.
a u ta n t que l’aurait cru le P entagone. Et Les coups des Am éricains sont de plus en
surtout, cela ne paralyse pas la vie. Les usines plus durs. Mais l’organisation de G iap n ’a pas
p éniblem ent reconstruites p en d a n t les quel craqué. Des millions de gens sont exilés,
ques années de calme relatif sont détruites: réfugiés dans des cam ps; des millions d ’autres
on les rebâtit en les dispersant un peu plus. vivent sous terre, mais les enfants, les fem mes
Les centrales électriques sont écrasées: on se et les soldats c o ntin ue nt de c om battre. La
passe d ’électricité. discipline n’a pas faibli. La dureté impi
Les A m éricains te n te n t d ’a n é an tir les voies toyable de G iap, sa rigueur inhum aine devant
de c o m m u nicatio n: on les rem et en état la l’inhum aine escalade de la violence, sa
nuit. Ils b o m b a rd e n t un p on t: toute la p o p u minutie infatigable non plus. Qui s’effondrera
lation se m et à tresser des ponts de lianes, le prem ier? Les A m éricains saisis de vertige,
suffisamment forts p o u r p o rte r canons et ou le général génial et ascétique, que p e r
camions. Le jo u r on les immerge; la nuit, on sonne ne voit, qui p a rc o u rt c haqu e nuit, à
les sort de l’eau et la circulation continue. pied, c o m m e les autres, des dizaines de
Les troupes régulières de G ia p reçoivent de kilomètres, en se nourrissant d ’un seul bol de
Chine et de Russie de l’a r m e m e n t m oderne. riz?
Mais ch aqu e village participe à la guerre On peut d u re r au ta n t q u ’on veut, a dit un
co m m e p a r le passé: c o n tre les hélicoptères, responsable Viet-cong à l’un de mes amis. On
on fiche en terre des pieux aiguisés. Les est sous terre. Ils tapent.
c o m m a n d o s s’y em palent. - Cela peu t d u re r 20 ans. On a le temps,
C o ntre les fantassins, on invente des pièges ripostent les Américains.
de toutes sortes: trous couverts d ’herbes, C ette g uerre, en to ut cas, recule to ut ce
cac h an t des pieux e m poisonnés; b o m b es sus q u ’on croyait savoir sur les limites de la résis
pend ues à des lianes, qui explosent dès q u ’on tance hum aine. Cela ira ju s q u ’où?
les to u c h e ; mines fabriquées avec une douille LUCIEN BODARD.
et une am po ule électrique: bref, des bouts de
C’est un chef:
il porte toute la guerre sur ses épaules
et il connaît ses hommes presque un par un...
P hoto Ja m e s P ic k ere ll-C a m e ra p re s s /H o lm e s -L e b e l.
Notre dossier 73
soldats, de l’h o m m e qui a droit de vie et de turier. D ’ailleurs, il choisit une arm e savante:
m ort sur des millions d ’individus — et dont l’artillerie. Car, en bon A m éricain de son
p eu t dép e n d re l’avenir de l’hum anité tout é po qu e, il est épris de science, de technique,
entière. A notre avis, le seul fait que ce ton d ’efficacité. Il invente m êm e un «appareil de
soit, m êm e partiellem ent, justifié p ar la réa prép aration de tirs», toujours en service dans
lité est plutôt inquiétant. C a r c’est bien de no m breu ses unités.
l’image d’un boy-scout qui s’impose d ’abord
lorsqu’on parle de «W esty». Tous les A m é A 4 2 ans, il était
ricains, d é m o cra tes ou républicains, « fau le plus jeune général américain
cons» ou «co lo m bes», sont d ’accord sur ce
point. Puis les guerres servent son a vancem ent. Il
Peu de personnages parvenus au so m m et du d é b a rq u e en Tunisie et en Sicile à la tête
pouvoir, en quelque dom aine que ce soit, ont d ’un bataillon d ’artillerie. On le retrouve à
été aussi influencésque lui par leur expérience Utah Beach, au « jour le plus long». Il se
scout. M oins encore seraient prêts à l’a d couvre de gloire p en d a n t toute la cam pagne,
mettre. Lui s’en vante, avec un mélange ju s q u ’à Berlin. En 1944, à 30 ans, il est le plus
d ’orgueil et de naïveté. A 15 ans, il était je u n e colonel de l’arm ée. Cinq ans de paix.
m e m b re de la «patrouille des Aigles». On 1952: la Corée. W e stm oreland a pris du galon
dirait q u ’il n’en est jam ais sorti. Le grand et changé d ’arm e: il c o m m a n d e à présent un
ja m b o r e e mondial de 1929, tenu en Angle régiment de parachutistes. A l’armistice, il
terre, l’a laissé ébloui. Les discours de est, à 42 ans, le plus je u n e major-général
Baden-Powell sur la justice et la droiture américain.
l’ont enflammé. Il a enco re des frémissements En 1958, il attire l’attention du haut État-
dans la voix p o u r en parler: M ajor en réorganisant de fond en com ble la
- C ’est là que j ’ai eu la révélation de ce 10" division aé ro p o rté e, c a n to n n é e à Fort
que je voulais faire de ma vie, dit-il, avec une C am pbell (Texas). A n e c d o tiq u e m e n t, un
lueur au fond de ses yeux noirs. accident d ’e n traînem ent fait parler de lui
Sa vie, bien en tendu , allait être l’arm é e : il dans les journaux. Cinq de ses paras viennent
venait de se d écouv rir le goût de l’uniforme. de tro uv er la mort au cours d ’un saut. Des
En 1932, à 18 ans, il entre à W est Point, la vents violents et irréguliers en sont la cause.
célèbre école militaire am éricaine, p ar où Le lendem ain, W estm oreland e m ba rque tout
sont passés tous les M a c A rth u r et les son m onde dans les avions. Pas question que
Eisenhower, ses futures idoles. 11 en sort capi q u e lq u ’un d ’autre aille se noyer dans les
taine des cadets de sa prom otion, ce qui marais: il saute le premier. T o u t seul. Pour
don ne déjà le ton de sa carrière. Il n’a rien essayer les vents. Lorsque chacun a pu cons
d ’un athlète vulgaire, c e p e n d a n t, ni d ’une ta te r que le général s’est bien reçu, la divi
tête brûlée, rêvant de pa n a c h e , de gants sion suit. Ce genre de geste fabrique une
blancs et d ’assauts rom antiques. C ’est un être légende: son passé en déborde.
sain, avec le culte de toutes les santés, res
pectu eu x de toutes les hiérarchies, un modèle Telle cette autre histoire, à Fort Campbell
d ’adaptation sociale, qui désire seulem ent égalem ent. Une section s’exerçait à franchir
servir la collectivité: le contraire d ’un aven un cours d ’eau à l’aide d ’une co rd e: parcours
Notre dossier 75
La V IIe flo tte am éricaine du Pacifique
est à elle seule égale à trente fois
l'arm em en t conventionnel de la Chine tout entière.
Photo André Serfati.
La guerre elle-m êm e est une suite d ’échecs et sion sont inévitables dans cet étrange pays, au
d ’hum iliations: l’arm ée de la République moins q u ’on ne les re m a rq ue pas. Q u ’un res
sud-vietnam ienne (on dit les A R V IN , com m e ponsable soit nom m é une fois po ur toutes.
on dit les Vici, pou r Viet-congs) semble plus Q u ’on sache à qui s’adresser. Q ue la situation
à son aise sur les terrains de m an œ uv re s soit claire. Le 19 février, il obtient gain de
que dans la boue des rizières; elle n’a pas le cause: le général Ky, co m m a n d a n t de l’avia
feu sacré, c’est le moins q u ’on puisse dire. tion, dont le rôle n ’a cessé de croître, s’e m
Les hom m es désertent p a r milliers; les arm es pare du pouvoir et ne le lâche plus. S’il n’est
passent à l’ennem i en tel no m b re que les Viet- pas parfait, il a au moins deux mérites: c’est
congs les utilisent p o u r moitié. E m buscades, un h om m e de guerre, un ultra, un ju sq u ’au-
sabotages, atten tats se succèd en t, tous plus boutiste, qui, en sa qualité de Nordiste
dém oralisants les uns que les autres. réfugié, hait H o Chi-minh et les com m unistes
ju s q u 'à l'obsession. Il ne chicane d onc pas sur
W estm oreland a mis fin à la cascade les moyens à employer, m êm e lorsqu’il s’agit
des coups d'É tat au Sud-Vietnam de b o m b a rd e r Hanoi. Q u a n t à ses velléités
d ’indépendance, peu im porte: avions et
Q u a n t à l’aspect politique, c’est une véritable réservoirs de kérosène sont américains. Il
catastro ph e. La dictatu re des N ghô, N ghô suffit de lui en interdire l’accès s’il ne se tient
Dinh Diem et son frère, N ghô Diuh Nhu, su c pas tranquille.
cesseurs de l’e m p e re u r Bao Daï, s’est effon
drée le \ci nov em bre 1963 au bo ut de 9 ans Il a exporté en Asie
et 5 mois de te rr e u r catholique. D epuis ce l#« am erican w ay of w ar »
temps, on dirait le go uv e rn e m en t rongé par
un can c e r: les politiciens s’e n tre -d é vo rent; Précisons tout de suite que W estm oreland n’a
les militaires les accusent, les renversent, les rien d ’un politique. Les dîners en ville, ce
font assassiner; ils se b a tte n t en tre eux; se n’est pas son genre: son esprit de repartie
fusillent. Les putsch se su c c èd e n t à une allure n’y brille pas particulièrem ent. Plusieurs
vertigineuse. Le général M inh succède en diplom ates am éricains ra co nte nt m êm e avoir
d é c e m b re à N guyen Ngoc T h ô ; en janvier été passablem ent é ton nés p ar ses tentatives
1964, c ’est le général K h anh ; le 27 août, de digressions philosophiques au cours de
nouveau putsch; un autre le 13 septem bre, certaines réceptions.
m ené par le général D ue; Maxwell Taylor L’am b a ssa d e u r des États-Unis (C abot Lodge,
rétablit K hanh; le 20 d éc e m b re , on d é b o u puis Maxwell Taylor) est là p o u r se ch arger
lonne le H au t Conseil de la N a tion; le des relations diplom atiques avec le go uver
28 janvier 1965, K hanh revient en force et nem ent. W e stm oreland se c a n to n n e dans des
fait couvrir les murs de la ville d ’inscriptions ra pports stratégiques ou tactiq ues avec Ky,
hostiles à Maxwell Taylor... en tant que c h e f de l’arm ée. Mais l’âm e a n n a
A quoi peut servir n’im porte quelle action mite, il n’y c o m p re n d rien. Il ne d on ne pas
militaire, dans un climat pareil? La pourriture l’impression, du reste, de faire b e a u c o u p
g ou vern em entale ruine toute la fermeté am é d ’efforts p o u r y parvenir: il n’a pas appris
ricaine sur le terrain. W estm oreland tape du un m ot de la langue du pays, pas m êm e les
poing sur la table. Si l’intrigue et la co ncu s dix formules passe-partout c o n te n u es dans
Notre dossier 79
se m ettent à pleuvoir. De quel support aérien C ette opération-là a mis 1 000 Viet-congs
peut-on disposer? C om bien de B 52 a rr o hors de co m b a t et «assaini» une zone trop
seront la zone avant l’opération? C om b ien de longtemps occ u p é e par eux. C ela coûte cher,
tonnes de bombes? Quelles bom bes? Avez- mais q u ’importe! Certains économ istes vont
vous prévu de faire faire des o pérations de ju s q u ’à affirmer que la guerre du Vietnam
diversion? C om bien peut-on utiliser de B 52 est salutaire p ou r les États-Unis; sans elle, ce
p endant l’opération elle-même? Quels ef super-géant serait victime d ’une effroyable
fectifs viet-congs sont censés se tro u v e r dans crise de surproduction et de chôm age. Les
la zone? Vos renseignem ents sont inexacts. 11 millions de tonnes d ’acier gaspillées au Viet
faut co m p te r un bataillon de plus. Estimation nam c oûtent moins cher, selon cette opinion,
des risques. Les terrains d ’atterrissage de la que l’éventuelle stagnation industrielle.
région ne sont ni assez no m b reu x ni assez - L'im m oralité de cette guerre réside dans le
bien aménagés. Il faut en construire d ’autres. fait tragique q u ’aucun intérêt vital américain
Où? Com bien? Je ne veux plus voir un seul de n’est en jeu, répètent les opposants avec le
ces arbres de 5 mètres de haut dans les e n pasteur Martin Luther King.
virons. Il faut les détruire. C o m m e n t sont les Peut-être que si, en réalité. Peut-être était-il
techniciens chargés des scies? C om bien de nécessaire, po ur faire to u rn e r la m achine, de
scies? Où seront les hôpitaux de cam pagne? co nsa c re r 5 6 % du budget national, soit
C om bien d ’hélicoptères chargés de l’éva 75,5 milliards de dollars, à la Défense, dont
cuation des blessés vers l’arrière? Les troupes 22 po ur le Vietnam, c om m e le fait celui de
sont-elles con tentes du nouveau fusil M 16? 1967. Soit 30 milliards d ’anciens francs par
La grêle de « c o m b ie n » est term inée. « A n ti jour.
lope» est satisfait. « G o o d luck. Le plan m ’a W estm oreland est là p ou r gérer cette m anne
l’air bon». Il saute dans son hélicoptère pour de dollars. Ce q u ’il fait en grand c h e f d ’e n tre
se rendre ailleurs. Le surlendem ain, à l’heure prise. Véritable proconsul en Asie du Sud-
H, les B 52 ne laissent plus derrière eux que Est, il a l’œil à tout: diriger une dizaine d ’o p é
quelques troncs calcinés dans la jungle; les rations en m êm e temps; c o o rd o n n e r son
hom m es sautent des hélicoptères Chinook, action avec la VIL- force du Pacifique
ils com m encent à se battre, l’artillerie pilonne. (50 000 marins et aviateurs), avec les B 52
A l’heure H plus 5 une piste d ’atterrissage de la base de G uam , avec les forces spéciales
pour les avions de transport C aribou a été (les fameux bérets verts), avec les ARVIN
construite; une autre po ur les C 130 Hercules; du général Ky. N ous verrons tout à l’heure
le quartier général est implanté; les réservoirs com m ent il s’y prend. Retenons pour l’instant:
de fuel, les tentes, les douches, le mess, les 1/ que le re n d e m e n t est m édiocre. C haque
foyers sont prêts. Des milliers de pizzas sur Viet-cong tué coûte plusieurs millions;
gelées, des chewing-gums, des magazines, le 2 / que la masse énorm e des moyens te c h n o
courrier, des cure-dents attendent. logiques mis en œ uvre a un gros inconvénient:
A peine arrivés, les A m éricains ont déjà sur ses 450 000 hommes, W estm o relan d ne
c o n s tru it u ne ville p r ê te à r e c e v o ir peut disposer que de qu atre divisions de
18 000 hommes. Il ne m anque pas une four c om bat, tous les autres étan t des « engineers»,
chette, pas un cube de glace, pas un venti tandis que, sur 250 000 hom m es, le Viet-
lateur ni un bo uton d ’uniform e Le résultat? cong a 250 000 com battants;
Notre dossier 81
prem ière main aussi détaillée de la situation, d é b a rq u e r une com pagnie, arrivée en droite
à tous les niveaux. ligne des États-Unis.
Au cours de ces périples, il p a rc o u rt des c e n H u rlan t dans son haut-parleur un petit
taines de kilomètres, sautant d ’un avion dans speech de bienvenue sur le th è m e « le Sud-
un hélicoptère, se nourrissant de sandwiches Vietnam lutte p o u r le m êm e droit à l’indé
et de thé glacé, d é b a rq u a n t au pas de p e n d a n c e que nous en 1776», il est le seul à
course dans tous les briefings qui l’a tten den t. ne pas ruisseler de sueur. N o u v e a u briefing
1 mètre 80, physique puissant, épaules avec les officiers, nouvelles questions. A
carrées, yeux noirs perçants, cheveux gris 12 heures 5, en retard de dix m inutes sur
coupés court qui lui do n n e n t l’air d ’un enfant l'ho raire, il visite le 85' hôpital d ’é v a c u a tio n
de c h œ u r: il impressionne. Ses m anières à Q u o n s e t en c o m p ag n ie de d o c te u r s et
courtoises, son a ccen t de Caroline du Sud, les infirmières, e n c o u ra g e les blessés, plaisante,
expressions arch aïqu es q u ’il em ploie, mêlées envoie son o r d o n n a n c e c h e r c h e r au galop
à de l’argot d ’étudiant, n’ô te n t rien à son des m édailles au Q .G . local p o u r d é c o r e r
autorité. On le respecte tant q u ’on ne lui a ces braves types. Ses yeux s’e m b u e n t de
pas donné de su rno m : à peine si on l’appelle larmes, de vraies larmes, devant un G.I.
« Westy » parfois. aveugle de Caroline du Sud, où il est né.
A 6 heures, tous les matins, il est d e b o u t dans
sa villa de stuc du cap T ran Quy, alors que Il n'y a rien d'autre dans sa vie
Saigon do rt en core, en pleine hébétude. que le m étier des armes
A 6 heures 30 il p rend le petit déjeuner, seul,
dans le living bleu. Sa femme et ses trois Une je e p le reconduit à l’a éropo rt. Un
enfants ont été évacués, à la d e m a n d e de B eechcraft lui fait survoler une zone viet-
Johnson, depuis q u ’il a été nom m é général en cong. C o m m e n ta ire : « C e sont les meilleurs
chef. Il semble se passer assez bien de leur guerilleros du m onde. Ils ont l’expérience et
p résence: indifférence ou stoïcisme, le vague- la connaissance du terrain.» A 13 heures 25, à
à-l’âm e n’est pas son genre. Il est déjà régle Tuy H oa, sur la côte (« C ’est là que j ’ai
m en ta ire m e n t sanglé dans son treillis. attrap é la prem ière de mes trois crises de
- Je le soup ço nn e de dorm ir au garde-à- dysenterie am ibienne»), il p ré p a re une grande
vous, dit un de ses colonels. op ératio n avec l’état-m ajo r de la p rem ière
Les œ ufs brouillés et le café chaud avalés, division a é ro p o rté e; se fait dép o se r par un
tandis que les o rd o n n a n c e s s’affairent, il hélicoptère dans un avant-poste où il re c o n
saute sur la casq uette de jo u e u r de base-bail naît un sergent qui com battait sous ses ordres
qui lui sert de couvre-chef, bondit dans son en C orée, au 187e. Jungle partout. H om m es
auto herm é tiq u e m en t close p ar crainte des sales, les pieds dans la boue, au garde-à-vous
attentats, court au petit trot ju s q u ’à l’hélicop sous le soleil. Il les aime ceux-là, cela se sent.
tère don t les pales to u rn e n t déjà. La course contre la m ontre continue. A
A 7 heures 20 il est en l’air. A 8 heures 10, il 100 kilom ètres de là, il va inspecter une
est à Long Binh où un convoi vient de arm a d a de bull-dozers qui am én agent une
to m b e r dans une em buscade. A 9 heures, plage. Conversation technique. A hurissem ent
fin du briefing. Un b iré a c teu r l’attend, le des « engineers» : il sait tout du re n d e m en t,
dépose à Qui N han, sur la côte où vient de du fonctionnem ent, des avantages des engins.
Il n’y a pas de place dans la vie de W e stm o Faut-il envisager de voir un jo u r W estm o
reland p ou r autre chose que son métier. Il le reland, élu général-président, m e n e r les États-
fait de façon im pressionnante, en parfait Unis sous sa poigne de fer? Sa popularité,
technicien, mais aussi en h om m e doué au s’il sortait vainq ueu r du conflit, le lui p e r
plus haut point de l’instinct guerrier. Il suffit m ettrait sans doute. En réalité nous ne le
de l’avoir regardé lire une carte d ’état-m ajo r pensons pas: W estm o relan d est trop hom m e
p o u r s’en convaincre: ses muscles se tendent, de guerre et trop peu ho m m e d ’État. Sa mala
ses yeux noirs brillent d ’un éclat plus vif au dresse, hors de son métier, le lui interdirait.
fur et à m esure q u ’il imagine les m ouvem ents B e a uc ou p plus im pressionnant est l’accrois
ennemis. Son flair est légendaire. sem en t progressif de ses pouvoirs: au d ébut
Mais surtout, son métier, il le fait avec foi. de l’escalade aérienne sur le Vietnam du
Il sait q u ’il c o m m a n d e ici les forces du bien N ord, seul Jo hnson pouvait d é c le n c h er les
co ntre celles du mal. La d é m o c ra tie , la libre b o m b ardem en ts. A présent, W estm orelan d
entreprise c o n tre le com m unism e. Saint peut faire pilonner tous les points straté
G eo rg e s co n tre le D ragon. C ’est pourquoi les giques q u ’il lui semble utile de détruire.
déclam ations pacifistes faites p a r certains C o m m e le général Harkins, son prédécesseur,
A m éricains ou le refus de Cassius Clay de se sur le papier il n’est p o u rta n t que le dernier
laisser mobiliser l’atteignent p rofon dém en t. maillon d ’une longue chaîne de supérieurs
Il l’a dit p e n d a n t le périple q u ’il a accompli hiérarchiques qui, p a rta n t de la Maison-
aux États-Unis, en avril dernier, à la d e m a nd e Blanche, en passant par M ac N am ara, les
Notre dossier 85
chefs d ’état-m a jo r généraux du Pentagone et ricains p o u r que to ut se décide au corps à
l’amiral G r a n t Sharp, c o m m a n d a n t de la zone corps. Ils sont fatigués; ils ont de lourdes
militaire du Pacifique à H onolulu, a b o u pertes. P o urtant, le pro blèm e n ’est pas là.
tissent ju s q u ’à lui. C e tte autorité grandis Le p ro blèm e est que plus on en tue, plus il y
sante, ces troupes, ce matériel s u p p lé m e n en a. Po ur expliquer cette génération sp o n
taires, W e stm oreland ne les a pas grignotés tan ée, on dit q u ’ils s’infiltrent du N o rd : leurs
p o u r le seul plaisir d ’être puissant. Il les a aller et re to u r n ’ont jam ais cessé.
obtenus en acc o rd avec le présid en t des Le pro blèm e est q u ’une fois une bataille
États-Unis. gagnée (lorsqu’on l’a gagnée), il faut o c c u p e r
Et la plus grande force consistait logiquem ent le terrain, le pacifier, obten ir la collaboration
à réu'nir toutes les responsabilités sur une des gens. Et c ’est là la grande faille, ju s q u ’à
m êm e tête. N ’im porte qui d ’autre que W est présent, de la stratégie de W estm oreland.
m oreland vacillerait parfois sous cet amas J u sq u ’au mois de mai en effet, les tro up es
d ’honneurs, de prérogatives et de problèm es. vietnam iennes étaient chargées de la pacifi
Lui, jamais. Il a trop le sens de la discipline. cation: elles se conduisaient davantage en
Il travaille trop. La plup art des chocs hordes de pillards q u ’en pacificateurs c o m
é m otionnels qui e n c o m b re n t nos vies ne préhensifs. L ’h om m e de la Caroline du Sud a
sem b lent pas m êm e l’atteindre. décidé d ’accom p lir lui-même ce travail.
Il ne tru q u e pas ses co m p tes rendus, il ne Hélas! O u tre les 200 000 G.I. supplém entaires
bluffe pas, il ne fait pas une p e inture rose de indispensables p o u r sim plem ent c o m m e n c e r
la situation dans ses rapp orts et ses d écla l’expérience, on p e u t imaginer ce qui va se
rations; il est le pre m ie r à dire que la guerre passer lorsque les A m éricains o c c u p e ro n t vil
est d ure et q u ’elle sera longue. P ro fo n d é m e n t lages et régions. Ces grands gaillards blonds,
pragm atique, la tactique q u ’il a choisie sur le au c o n ta c t des A nnam ites, font l’impression
terrain, parm i toutes celles qui s’offraient à d ’éléph ants dans un magasin de porcelaine.
lui, est a d aptée à la situation: elle est mobile Le plus grave est que leur c h e f est à leur
et agressive. Elle consiste à aller fra p pe r l’e n image: il n’a auc u n e com p réh en sio n viscérale
nemi là où il se trouve, à p é n é tr e r ses lignes de l’h o m m e asiatique dans son contex te viet
de forces assez p uissam m ent p o u r l’obliger à namien. Ce personnage tro p p ro pre, trop
sortir de ses trous: «V aincre l’offensive par clair, ne p e u t m atériellem ent pas, il l’avoue
l’offensive, et l’e m b u sc ad e p a r l’em b uscade.» lui-même, saisir la com plexité psychologique
De fait, la rapidité avec laquelle des divisions et politique de cette guerre sale et boueuse.
a é ro p o rté es de 450 hélicoptères réagissent Là est son plus grave échec. Ce n ’est pas sa
tient du miracle. Est-ce efficace? Oui. faute: peut-être le meilleur ho m m e de guerre
Les Viet-congs ont appris à leurs dép e n s que, A m éricain à l’h eure actuelle n’est-il pas fait
dès q u ’ils lèvent le petit doigt, ils ont des p o u r cette guerre. Peut-être aucun A m éricain
avions aux trousses un q u a r t d ’heure plus n’est-il fait p o u r cette guerre. Ce qui ne veut
tard. Ils font donc très atten tion à ce q u ’ils pas forcém ent dire q u ’ils ne la g agn eron t pas.
e n tre p re n n en t. T o u t gros dé p lo ie m e n t de BERNARD THOM AS.
forces leur est interdit. Sauf lorsque, com m e
à la cote 881, ils réussissent à suffisamment
im briquer leurs lignes avec celles des A m é
C’est une guerre inhumaine:
mais il y a encore place
pour des gestes d'humanité...
P h o to A n d ré S crfati.
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(a b o n n e m e n ts p l a n è t e )
M a î tr e s s e R o y a le ( c ra y o n de c o u C o m p o s i t i o n no 43 (h u ile s u r toile). L a t o u r d e s œ u f s d e d i a m a n t de
leur). Disc iple du m i n e u r L esage, F leu ry - Saint A d o l f d e H as lith a l ( c ra y o n s
Alo ïse (1886-1964) né e à L a u s a n n e , J o s e p h C r é p i n (1875-1948) avait d e c o u l e u r ).
fît d e b o n n e s é t u d e s et d e v in t d a n s la m ê m e région d u P as-de- N é d a n s la régio n b e r n o i s e d e
b a c h e l i è r e . Elle d e m e u r a c é l i b a C a la is u n e e n t r e p r i s e d e p l o m b i e r- p a r e n t s m i sé r a b le s , A d o l f Wôlfli
taire. A p r è s a v o ir o c c u p é d ivers p u isa tie r . A 56 ans, il a d jo ig n a it (1864-1930) tr a v a illa d è s l'â ge d e
p o s t e s d e g o u v e r n a n t e en Suisse à c e t t e a c tiv ité celle d e g u é r iss e u r, 8 a n s c o m m e c h e v r i e r , fut e n s u ite
et en A l l e m a g n e , elle d o n n a , à p uis se p t a n s plu s ta r d , il e n t r e p r i t , b û c h e r o n et v alet d e f e r m e , puis
27 ans, d e s signes d e s c h i z o p h r é n i e à l’i n sta r d e L e sa g e , de fa ire d e s m a n œ u v r e à la ville. A 25 ans, il
et fut i n t e r n é e cinq a n s plus ta r d , t a b l e a u x d o n t il affirm ait q u e d es m o n t r a i t u n e a n o r m a l e in clin atio n
en 1918, d a n s un asile d u c a n t o n es p rits t u t é l a i r e s les lui faisaient p o u r de t r è s j e u n e s fillettes, ce qui
de V au d où elle p a s s a t o u t le reste e x é c u t e r sa n s q u e lu i - m ê m e y p rît lui v alu t p lu sie u r s a r r e s t a t i o n s fina
d e sa vie. Elle c o m m e n ç a à é c r i r e p a r t . C e t t e p r o d u c t i o n l’o c c u p a l e m e n t a s so r tie s d e d e u x a n s d e
et d e s s i n e r é p i s o d i q u e m e n t p eu d u r a n t les dix d e r n i è r e s a n n é e s de p r iso n . Q u e l q u e s a n n é e s plus ta r d ,
a p r è s son e n t r é e à l’as ile; m ais sa vie. à 31 ans, un n o u v el a t t e n t a t de
c ’es t à p a r t i r d e 1941 (à 55 ans) m ê m e s o r t e p r o v o q u a so n i n t e r
q u e ses des sins l’o c c u p è r e n t très n e m e n t , qu i allait ê t r e définitif, à
a s s i d û m e n t , j u s q u ’à sa m o r t, c o n Jean Rad page 93 l’hôp ital de la W ald au . Ses tr o u b le s
c u r r e m m e n t a v e c le r e p a s s a g e du p sy c h i q u e s s ’y a g g r a v è r e n t t elle
D a n s e u s e ( m in e d e p l o m b et
linge d e l’é t a b l i s s e m e n t q u ’elle m e n t q u ’il fallut, p r e s q u e en p e r
a s su r a it très p o n c t u e l l e m e n t . c r a y o n d e c o u le u r ).
m a n e n c e p e n d a n t plus d e vin gt
J e a n R a d , né en 1913 en S erb ie,
ans, l’iso ler en cellule. V ers 1899,
fut b e r g e r , pu is so ld a t. Il s’é v a d a
âgé d e 35 ans, il c o m m e n ç a à d es si
Laure page 91 en 1943 d ’Italie, o ù il é ta it p r i
n e r , é c r i r e et c o m p o s e r d e la
s o n n i e r d e g u e r r e , et p a s s a en
C a h i e r d e dessin d e 16 p a g e s m u s i q u e et ne ce s sa plus d e le
Suisse, o ù il fut h é b e r g é d a n s un
( e n c r e b l e u e su r p a p i e r des sin). faire , y tr a v a i l la n t sa n s ces se du
c a m p d e r éfu g iés puis ho sp italis é
L a u r e P igeon (1882-1965) se s é p a m a tin au soir. Il é ta it p a r m o m e n t s
p o u r s c h i z o p h r é n i e p a r a n o ï d e . Il
ra de so n m a r i, qu i é tait d e n t i s t e , t rès v io le n t, b risan t les m e u b l e s et
y d e m e u r a c in q an s, au c o u r s
à l’âg e d e 51 a n s ; elle v é c u t e n f r a p p a n t g a r d i e n s et m a l a d e s . Sa
d e s q u e l s il e x é c u t a i t d e s dessins
su ite so litaire d a n s un a p p a r t e m e n t p r o d u c t i o n qu i, s a u f q u e l q u e s
co l o r i é s . Il d u t y ê t r e a m p u t é d ’u n e
d e la b a n l i e u e p a r i s i e n n e . Peu i n t e r r u p t i o n s , s’é t e n d i t s u r t r e n t e
j a m b e et fut f in alem en t r e n v o y é en
a p r è s la s é p a r a t i o n , elle s ’a d o n n a a n n é e s , est c o n s i d é r a b l e ; p lu sie u r s
Y o u g o s la v ie en 1948.
au s p ir itism e et c o m m e n ç a à faire c e n t a i n e s de des sins, u n e pile
d e s d essin s a u x q u e l s elle a t t r i d ’écrits plus h a u te q u e lui, et un
b u ait un c a r a c t è r e m é d i u m n i q u e . Scottie W ilson page 93 g r an d n o m b r e de feuilles p o r teu ses
Elle ne ce s sa plus d è s lors, au long de p artition s d e m u siq ue j o lim e n t
de vingt a n n é e s , d e p r o d u i r e r é g u D e u x t ê t e s s u p e r p o s é e s s u r fond d é c o r é e s , q u e nul j u s q u ’à p r é s e n t
l i è r e m e n t d e s des sins q u ’elle ne v er t ( e n c r e s d e c o u le u r ). n ’est p a r v e n u à lire; elles s e m b l e n t
N é à G l a s g o w en 1888, S co ttie p r é t e n d r e à un effet visuel p lu tô t
m o n t r a i t à p e r s o n n e et d o n t p lu
W ilson ne sait ni lire ni é c rire . q u ’à u n e f o n c t i o n i n s t r u m e n t a l e .
sie u rs c e n t a i n e s f u re n t tr o u v é s c h e z
Il c o m m e n ç a à t r a v a i l le r très j e u n e ,
elle, q u a n d , â g é e d e 83 an s , elle
t r afiq u an t d e m e n u e s b r o c a n t e s en
m o u r u t.
Éco ss e, puis à L o n d re s , puis au
C a n a d a , à T o r o n t o , où il ten ait b o u
t iq ue. C ’es t là qu 'il c o m m e n ç a ,
âg é d e 40 ans, à faire d e s d essin s
qui d e v i n r e n t e n s u i te so n o c c u
p a t i o n exclu siv e. Il les v e n d a i t à
b as prix, s u r les m a r c h é s . ___________
La psychologie différente 99
la pellicule. De la matérialisation du fantôme Des articles ont paru, non seulem ent dans des
de Jean Lafitte en galante com pagnie, qui ne revues spécialisées et populaires telles que
douterait? Malgré leur dire, sû re m e n t Serios Fate, mais dans des publications de grande
et Jo ha n ne s en doutaient-ils au fond d ’eux- audien ce co m m e YObserver. Le début des
mêmes... Mais les récits d ’apparitions de événem ents se situe p o u rta n t en 1955. Mais
fantômes font partie de la culture populaire au fur et à mesure que le cas Serios s’est
et n ’im porte qui p e u t en inventer de son précisé et développé, l’intérêt, loin de faiblir,
propre crû sans que cela fasse question, bien a crû ju s q u ’à atteindre actu ellem en t un point
au contraire. Il est certain que si les ex pé culminant.
riences de nos deux liftiers am éricains s’en M ainte patrouille s’active sur cette lointaine
étaient tenues là, p ersonne n’en aurait jam ais frontière de la recherche...
parlé. Mais ce qui suivit a d éclen ché de vio
lentes controverses au sein des milieux scien Les premières vérifications
tifiques U.S. et a fait déjà co uler b e a u c o u p durèrent deux années
d ’encre. C a r le d é v e lo p p e m e n t de la pelli
cule aurait « révélé» q u ’elle ne com p ortait Les prem iers informés furent les m em b res de
nullem ent, co m m e la raison l’eût voulu, de la Société de parapsychologie de l’Illinois. Il
successifs portraits de T ed Serios en état faut souligner que ce fut seulem ent quelq ues
avancé d ’hypnotisme peut-être, d ’ébriété années après les é v énem ents «historiques»
sûrem ent — c a r le whisky était un indis de 1953. En 1960, dès q u ’elle eut connais
pensable accessoire de ces curieuses séances! sance des faits, la vice-présidente de la
On y discernait, paraît-il, des vues de pay société, Mrs. Pauline O ehler, se ch argea de
sages divers. Et sans le secours de l’hy p n o l’en qu ête. Serios lui ra c o n ta ses d éb uts et lui
tisme? Encore mieux! Il y avait bien des films, assura que, p en d a n t des mois et des mois, lui
soit c o m p lè te m e n t sous-exposés, soit c o m p lè et Jo h a n n es avaient essayé de trou ver un
te m e n t surexposés. Mais Serios se targua de m oyen qu e lc o n q u e de faire fortune grâce à
faire apparaître des églises romaines, des voi ce don. En vain. Mrs. O ehler ne se c o n te n ta
tures, des scènes de rue, et m êm e une fois un pas de ce récit; elle travailla avec T ed Serios
engin spatial soviétique! Parti à la chasse au p en d a n t près de deux ans. Les expériences se
trésor, Serios venait de découvrir, ou plutôt dérou laient toujours dans un local choisi par
de redécouvrir le p h é n o m è n e le plus mal elle-m êm e et c ’est elle-même aussi qui four
connu du vaste dom aine de la p a rap sy c h o nissait l’appareil (de m arque Polaroid) et les
logie; la psychop ho to graph ie, oubliée de tous pellicules. Le p h é n o m è n e se reproduisit des
depuis des d écen nies et qui renaît ainsi de ses dizaines et des dizaines de fois. T ed Serios
cendres de façon in attendu e et très s p e c ta faisait surgir sur les pellicules aussi bien le
culaire. Taj Mahal que le Pentagone. Un des vice-
C a r un liv r e 1 vient d ’être publié sur le cas de présidents de la Polaroid, mis au courant,
T ed Serios — un livre que to ut le m on de s’ac avait avoué ne pas imaginer c o m m e n t un
corde d ’ores et déjà à consid érer c o m m e un I . The world o f Ted Serios. p a r le d o c te u r J u le E isen b u d (W illiam
classique de la littérature parapsychologique. M o rris an d c o , N ew Y o rk , é d ite u rs).
»<«««
Ils meurent de faim, mais ils versent du lait sur les statues
P h o to s M arily n S ilv e rsto n c /M a g n u m .
Ph o to s D avid C h a n n e r - C a m é ra p res s /H o lm c s -L c b e l.
Du tronc ancien
poussent les nouvelles racines...
Le monde futur 1
la trouver. Mais on ne me dé c ou ra g e pas lequel nous vivons ou, éventuellem ent, pour
facilement: j ’ai aussitôt télépho né à S.V.P. le détruire.
S.V.P. me d e m a n d a d ’attend re vingt-quatre L’inform atique p eu t donc d o n n e r au m onde
heures, puis me conseilla finalement de télé et à la France en particulier un nouveau
p h o n e r à une annexe du com m issariat à visage. Le délégué du g o u v e rn e m e n t à
l’Énergie atom ique, 29, rue de la F é d é ra tio n : l’info rm atiq ue, R obert Galley, déclare à ce
c ’était là, semblait-il, que se tenait le Plan sujet:
Calcul. J ’entrai donc bientôt en c o m m u n i
cation avec une prem ière standardiste qui « Il ne s’agit ni d ’un pari ni d ’un défi, mais
n’était « au cou ra n t de rien». Je décidai de d ’une nécessité d o n t l’avenir du pays dépend.
rappeler un peu plus tard et obtins une autre Ce plan, voulu p ar l’État, sera l’œ uv re de
téléphoniste, que j ’entendis d e m a n d e r à la tous, organismes publics et privés. L’intérêt
ca n to n a d e : général coïncide dans ce dom ain e avec celui
— Le Plan Calcul, qu 'est-ce que c ’est que ça? de chacun . Pour rép on dre à nos besoins
Une voix je u n e et cha rm a nte lui répondit: civils et militaires, à notre vocation d ’e x p o r
Mais tu sais bien ce sont ces trois gars qui tate u r en matière d ’inform atique, tous les
viennent d ’arriver... moyens disponibles de nos universités, de
Après cela, on me passa une succession de nos b anq ues et de nos industries seront mis
personnages, tous très mal informés, ju sq u 'à en œ u vre, aussi bien p o u r la rec h e rch e que
ce q u ’un certain M. Benoit me d o n n â t les p o u r le dévelo ppem ent, p o u r la fabrication
c o o rd o n n é e s d ’un adjoint de M. Galley, que p o u r la mise en application.
M. Falquet: Délégation à l’inform atique, » Ils co nfirm eron t alors dans les faits et san c
243, boulevard Saint-G erm ain, INV. 41-19. tio n n e ro n t p ar leur succès les progrès cons
(J’espère que je ne livre pas un secret de la tants de notre électronique, qui a déjà acquis
Défense nationale.) de nouvelles lettres de noblesse.
» L’enjeu est la m odernisation rapide, p r o
Ni un pari ni un défi : une nécessité fonde et nécessaire de nos structures, que
dont dépend la prospérité du pays pro v o q u e ra cette indispensable révolution
technologique. La con séq ue n c e en sera le
M. F alquet et ses collaborateurs, renco ntrés visage nouveau de la F ran ce, toujours fidèle à
à la Délégation g ou ve rne m e nta le à l’infor elle-mêm e, mais soucieuse égalem ent dans le
m atique, se sont m ontrés aim ables et patients, se c teu r de pointe de l’information - qui en
m ’ont consacré b e a u co u p de temps et m ’ont co nditionne tant d ’autres — d ’ép o u se r son
fourni un m aximum de renseignements. siècle. »
T o u t d ’abord, q u ’est-ce que l’inform atique? C ette transform ation, qui doit d o n n e r à la
C ’est une science q u ’il ne faut co nfon dre ni France son visage du troisième millénaire,
avec la théorie de l’inform ation, ni avec la devra se ré p e rc u te r dans tous les domaines.
cybernétique. L ’inform atique, c ’est la science Et to ut d ’abord dans celui de la rech erche
qui s’attach e à c o m p re n d re ce qui se passe scientifique. Un c o m m u niqu é publié le 16 mai
dans les grandes machines à calculer et qui 1967 p ar I.B.M . nous en d o n n e l’explication:
s’efforce de nous a p p re n d re à les utiliser « O n évalue dans la région parisienne à e n
intelligemment po ur am éliorer l’univers dans viron cinqu ante mille le nom b re des c h e r
Le monde futur 1
rôle du malade. L’é tu dia nt l’interroge et fait pagnie Internationale p o u r l’inform atique,
des mesures qui lui indiqu ent les symptômes. (née de la fusion entre la C om pagnie E u r o
Il pose alors son diagnostic et la m achine lui péen ne d ’A uto m atism e É lectronique - filiale
dit s’il est juste. C .G .E . — et la C.S.F.) et la Société d ’Élec-
On prévoit q u ’assez ra p id e m e n t l’inform a tronique et d ’A utom atism e (filiale S chneider
tique libérera une g rand e partie du temps et Cie). Ces sociétés seront aidées au
des instituteurs et des professeurs et que ce maxim um p a r le Plan Calcul et par l’État.
temps libéré p o u rra être con sacré à des Des spécialistes en calcul et électronique du
contacts hum ains avec l’étudiant. Ainsi l’e n com m issariat à l’Énergie atom ique seront
seignem ent autom atisé sera-t-il — c ’est un délégués auprès de ces nouvelles sociétés et
des n om breu x et sym pathiques parado xes de celles-ci recevron t des co m m a n d e s de l’État.
l’inform atique — plus hum ain et plus favo La C om pagnie Internationale p ou r l’infor
rable à l’étudiant que l’e nseignem ent actuel. matique envisage d ’em ployer, q uan d elle sera
en pleine extension, 5 000 personnes et
Un institut va m ettre en liaison d ’avoir deux usines, une usine mère à
les chercheurs et l'industrie T oulouse et une filiale à Bordeaux. Le chiffre
d ’affaires annuel prévu est de 660 millions
C ’est parallèlem ent à toutes ces applications de nouveaux francs environ.
de l’inform atique que se d éveloppe le Plan M. Galley, délégué à l’inform atique, a
Calcul, d o n t l’une des réalisations prem ières n o ta m m e n t la charge d ’associer largem ent
a été la création de l’I.R.I.A. (Institut de d ’autres industries à l’action de la nouvelle
R e c h e rc h es sur l’inform atiqu e et l’A uto- com pagnie, de c o o rd o n n e r l’ensem ble de
matisme). C ’est un des co llab orateu rs de cette opératio n complexe et d ’en c o ntrô le r
M. Galley, M. Lecerf, qui m ’a très aim a les d éveloppem ents. Le Plan Calcul, d ’autre
blem ent et très clairem ent informé sur part, va se charger, co m m e je l’ai déjà
PI.R.I.A. expliqué, de tra nsform e r toute l’adm inis
L’I.R.I.A. siège p rovisoirem ent à Vaucresson. tration française en une vaste m achine à
Il sera installé définitivement aux environs de traiter l’information. Enfin, il va être créé
Saclay. C ette installation sera faite dans les à l’intérieur du Plan Calcul une section
cinq années à venir. exp ortation p e rm e tta n t à la F ran ce d ’équi-
L’I.R.I.A. s’o c c u p e ra de la liaison entre les librer son budget international techn iq ue et
ch erch eurs français et l’industrie. C ’est là un d ’e x p o rte r des machines, de l’appareillage
aspect très im p ortant de ses activités futures, auxiliaire, des brevets, des program m es, des
car les ch erc h eu rs français, d o n t les idées licences de fabrication et des idées. C ette
sont souvent rem arquables, ont parfois des exp ortation p o u rra p o rte r non seu lem ent sur
difficultés à e n tr e r en ra p p o rt avec l’industrie. des pays qui ne disposent pas d ’une grande
L’I.R.I.A. va m ettre au point ces idées, les industrie de l’info rm atiq ue, mais aussi é v e n
couvrir par des brevets et o b te n ir de l’in tuellem ent sur les États-Unis, le C a n a d a et
dustrie q u ’il y ait effectivem ent exploitation. l’U.R.S.S.
Des liens très étroits seront en particulier En ce qui co nc e rne le dom aine des possibi
créés dans ce d om aine entre les deux sociétés lités françaises et des idées nouvelles appli
p u re m e n t françaises spécialisées: la C o m quées à l’inform atique, de nom breux lecteurs
LA VIE ET LES ID É E S, PA R A N D R É A M A R
Rédaction
T ous les deux m ois, le Journal
de Planète fait le bilan de la vie
Apprendre à lire
culturelle et scientifique. N ous
avons réuni une équipe de spé Dans ma dernière chronique ‘, j ’ai essayé de répondre à tous ceux
cialistes qui sont constam m ent qui, intéressés par les grands mouvements d’idées, sont cependant
inform és de ce qui se passe découragés par la masse souvent indigeste des écrits philo
dans leur dom aine respectif. sophiques, par le vocabulaire spécialisé, par la pénurie d’ouvrages
qui ne seraient ni des manuels scolaires ni des études savantes ou
LA VIE SCIENTIFIQUE:
Sciences physiques: Jacques érudites, mais qui parleraient sérieusement et simplement à un
Bergier, François D errey; lecteur adulte.
Sciences naturelles: Aimé M ichel,
Louis K ervran, M ichel La philosophie est drais rappeler ici quel était
G auquelin, C laude G iraudy; une hygiène de la pensée le comportement intellectuel
Sciences humaines: Jacques Or, sur ces entrefaites, j’ai reçu d’Alain et quelles leçons nous
M énétrier, Jean-P aul C lébert.
et lu — avec quel plaisir — un pouvons en tirer, tous tant que
LA VIE CULTU RELLE: livre court et fort bien fait de nous sommes. Nous verrons
Philosophie : A ndré A m ar; M. Jean M iquel: Les Propos ainsi, en quelque sorte sur le
Religion: Jean C hevalier; d’Alain2. Je ne saurais mieux vif et mieux que par des consi
Littérature: A ndré B rissaud; faire que recommander ce livre dérations abstraites que la pre
Histoire: G uy B reton; à tous ceux qui désirent s’initier mière condition de l’initiation
Humour: Jacques Sternberg. à la philosophie, par contact philosophique est non pas l’ac
direct avec un philosophe qui cumulation de lectures, mais la
LA VIE A R T ISTIQ U E : fut considéré à juste titre comme
Peinture: P ierre R estany; pratiqueconstante d’une hygiène
Expositions : M uriel C luzeau; un maître à penser. de la pensée. Le livre de Jean
Architecture : M ichel R agon; On sait que le pseudonyme Miquel m’apporte sur ce point
Photographie : J.-L . Sw iners; d'Alain a été adopté par Émile une aide précieuse.
Musique: C laude R ostand; Chartier (1868-1951) professeur Pour Alain, tout était occasion
Théâtre: R oger Iglésis, de philosophie dans la « khâgne » à réflexion et à méditation : une m~
C laude Planson; du lycée Henri IV. J’ai déjà eu
Cinéma: M ichel C aen; l’occasion de parler d’Alain 1. C o m m e n t p e u t-o n ê tre p h ilo so p h e. Planète
Télévision: Raym ond de Becker. n u m éro 34.
dans cette revue m êm e3 et je 2. É d itio n s d e la Pen sée m o d ern e .
n’y reviendrai pas. Mais je vou 3. Pourquoi la philosophie? Planète n u m éro 31.
167
tragédie d’ Eschyle, un tableau voulez, si vous le pouvez. Bien sûr, tous les livres ne
de M onet, le coup de rabot du Écrire est différent: c’est donner méritent pas d’être lus ainsi.
menuisier, l’enseignement de forme à sa pensée, c’est lui A côté de la littérature que
l’alphabet aux enfants, le conférer l’achèvement. Nous j ’appelle d’approfondissement,
démontage et le remontage du croyons penser parce que nous il existe une littérature de
fusil par un conscrit, le mou émettons quelques idées plus délassement qui a son agrément
vement des astres, le Cimetière ou moins consistantes. Mais ce et son utilité: elle repose, elle
marin de Valéry. Son esprit ne sont là que des balbutiements vide le cerveau. Elle répare nos
toujours en éveil ne se perdait et l’on manie des ombres. Tout forces comme le fait le sommeil
jamais dans les nuées, mais semble facile alors. Devant la en nous coupant du reste du
naviguait toujours au plus près page blanche, c’est bien autre monde; il faut seulement se
des choses. Et, de ce contact chose. Écrivez, soyez difficile garder d’en abuser. Au con
avec le concret, naissait une pour vous-même. Quand j ’étais traire, la littérature d’appro
pensée tous les jours brassée, étudiant en Sorbonne, un de fondissement nous réinstalle
remuée, pétrie, prise et reprise. mes condisciples qui se des dans le vrai, dans le réel, mais
C’est cette pensée quotidienne tinait à la prêtrise me disait aussi elle appelle notre partici
qui apparaît dans ses fameux qu’au séminaire il était astreint pation active et c’est cet effort
«propos», si bien présentés et à une heure de méditation tous actif qui est salutaire.
commentés par Jean Miquel. les jours. «Nous sommes seuls
Alain écrivait court. Aucun de avec nous-mêmes; nous cou Attention à
ses propos ne dépasse quelques chons nos pensées sur le papier, l'« affairem ent culturel »
pages. Ses livres les plus longs puis nous déchirons le papier Deuxième conseil: choisir. On
sont quatre ou cinq fois et le lendemain nous recom ne peut pas tout lire, même
moindres que ces épais ouvrages mençons. » Celui qui a la volonté dans un domaine particulier.
de philosophie qui, depuis une de pratiquer cet exercice quoti Nous sommes submergés de
quinzaine d’années, paraissent à dien finira par acquérir une journaux, de revues, de publi
une cadence telle que la culture puissance intellectuelle dont il cations de toutes sortes.
est transformée en une course à n’a même pas le soupçon. L’homme moderne est saisi de
la lecture. Nous succombons Ne lisez point passivement, mais la crainte de ne pas se tenir au
sous la masse imprimée; nous la plume à la main. Entendez- courant et, pour se tenir au
ne dégustons plus, nous avalons. moi: il ne s’agit pas de prendre courant, il court et il s’essoufle.
Les brefs écrits d’Alain, au des notes et de remplir des Tout le sollicite: le dernier
contraire, laissent le lecteur fiches. Les étudiants excellent à prix littéraire, la dernière expo
respirer; mieux encore, ils cette besogne, mais ces résumés sition, le dernier éditorial, la
suscitent le dialogue; ils n’édi fastidieux ne sont d’aucune dernière théorie philosophique.
fient aucune construction systé valeur. Faites le contraire: au Heidegger dénonce justement
matique mais, peu à peu, par lieu de contracter et de des ce qu’il appelle l’affairement
touches légères et innombrables, sécher la pensée de votre culturel (der Kulturbetrieb) de
ils dessinent une pensée ample, auteur, accompagnez-la, déve notre époque. Il faut se garder
forte et cohérente. C’est en loppez-la; que votre pensée de cette agitation et savoir
prenant exemple sur Alain, sur marche avec la sienne et tou refuser autant que prendre.
son comportement intellectuel, jours en écrivant, en donnant Mais comment? Suivant quel
que j ’oserai maintenant donner toute votre attention à l’ordre critère de choix?
trois conseils à ceux qui désirent des idées, à la précision du Il n’en est pas d’autre que vos
s’initier à la philosophie. vocabulaire, à l’économie des propres pensées et c’est pour
mots. Quand vous n’aurez en quoi écrire, qui met en forme
Il faut lire définitive écrit que trois ou les pensées, pose aussi les
la plume à la main quatre phrases sobres, claires et jalons, les enchaînements, la
Premier conseil: écrire. Je ne sensées, vous aurez fait plus de continuité de l’activité intellec
dis pas publier; publier, c’est véritable progrès intellectuel tuelle. Je me rappelle avoir
projeter hors de soi un produit qu’en avalant tout un traité de entendu Alain dire à ses élèves:
fini. Vous publierez si vous le philosophie. «Voici le sujet de votre pro
168
chaine dissertation: l’égoïsme. indifférent et neutre, mais tou à lire les lignes du livre, et aussi
Je vous donne trois conseils: jours en esprit actif. Alain s’in les lignes du sol qui dessinent
faites cette dissertation, refaites- téressait aux choses humbles et les maisons, les routes, les cités,
la, et enfin continuez-la pendant matérielles, à l’essieu d’une les champs, les portes, les
toute l’année. L’égoïsme vous roue, au pas d’une vis, à la canaux, en un mot les signes de
conduit aux passions, les pas pointe d’un clou. Dans les pro l’homme sur la terre. Je ne
sions à la volonté, la volonté à fonds et spirituels Entretiens au saurais donner meilleur exemple
l’action, l’action à la pensée et bord de la mer je lis ces lignes: de vision active que le récit que
ainsi de suite; vous ne finirez « Là-dessus je tirai de ma poche Hugo a fait de son voyage sur
jamais, mais peu à peu vous une vis à bois: Voilà, lui le Rhin. Le lecteur est frappé
construirez une étonnante ma répliquai-je, un autre clou, qui par la précision de l’observation
chine de guerre qui vous per n’est nullement un clou. Cela concrète, par la justesse du
mettra d’affronter la bataille de me rappelle qu’au temps où je coup d’œil, et cependant l’en
l’examen. » pensais à une thèse doctorale semble ne disparaît jamais sous
Que votre pensée soit le guide comme à une chose non impos les détails. Voir le geste de
de vos lectures. N ’ayez pas peur sible, j ’avais trouvé ce beau l’homme, c’est continuer à lire
d’être pauvre d’érudition. Jean titre: Le clou et la vis. Mais, sa pensée.
Miquel cite (page 96) cette outre que je ne me souciais nul Tels sont les trois conseils que
phrase d’Alain : « Et il n’est lement de l’approbation des je me suis permis d’adresser à
point nécessaire qu’un homme gens de Sorbonne, je n’espérais ceux qui désirent s’initier à la
sache tout et comprenne tout; point qu’ils prendraient au philosophie. C’est-à-dire qu’il
il suffit qu’il sache et comprenne sérieux mes pensées ouvrières. ne faut pas aborder la philo
bien une seule chose pour qu’il Si j’avais traduit le Phédon en sophie comme on le ferait de la
se sente en cela le frère et le faisant seulement deux contre physique ou de la biologie, par
semblable de tous ceux qui sens à la page, ils auraient des manuels ou des traités spé
savent et comprennent.» En mieux reconnu leur manière.» cialisés. La philosophie n’est
d’autres termes, cela signifie (Quatrième entretien). pas une science: elle n’enseigne
que, pour qui veut penser la Il faut savoir aussi quitter la rien de la structure de la matière
peinture, il n’y a pas plus dans dialectique, car une pensée qui ou du code génétique. Elle est
cent tableaux que dans un seul, n’est pas confrontée avec les une lecture de la pensée de
que, pour qui veut penser la choses tourne à vide. François l’homme à travers les mots qu’il
poésie, il n’y a pas plus dans Bacon disait que « le syllogisme prononce, les signes qu’il pré
cent poèmes que dans un seul. lie la pensée et non les choses». sente, les gestes qu’il accomplit.
La culture livresque est sans Voulez-vous être philosophe?
La culture livresque André A mar.
vie. Il faut que nous apprenions Apprenez à lire.
est sans vie
Ce qui est une valeur n’est pas
divisible, et ne gagne rien à être
quantitativement accru. Une
seule pensée de Platon contient
toute la philosophie, à condition
toutefois que vous sachiez l’ex
traire et la relier à toute votre
expérience intellectuelle. Et
nous voilà ainsi ramenés à ce
travail sur soi, à ce prodigieux
exercice de l’écriture qui tout
à la fois nourrit la pensée et
filtre ce qu’elle doit absorber.
Troisième conseil: voir. C’est
sortir des livres et regarder le
monde. Non pas en spectateur
169
Les m ém oires
du 114
On rêvait déjà
de planètes
au début du siècle
au 114, Champs-Élysées.
Alberto Santos Dumont
(1873-1932),
pionnier de l’aviation
en France, habitait
l’immeuble où sont
installés nos bureaux.
Santos Dumont
n’hésitait pas
à utiliser
les Champs-Élysées
comme terrain de
manœuvre. La page de
dessins ci-contre
est extraite
des« Belles Histoires
de l’oncle Paul »,
publiées dans Spirou.
Nous la reproduisons
avec l’aimable
autorisation
de World Press.
170
M.O.C.
Une lutte inattendue:
la C.I.A. contre les soucoupes volantes
Vers le début du dernier mois de mai, les jo urnaux, surtout outre- estimer que le contrôle proposé
Atlantique, reproduisaient les déclarations d ’un savant américain par l’Air Force devait être
en colère. Ce savant, le physicien James E. M ac Donald, affirmait entrepris. Un crédit fut débloqué
que, depuis 1953, la commission d ’enquête de l’U.S.A.-Air Force et le Dr James E. Mac Donald se
sur les objets volants non identifiés avait constam m ent menti au chargea du travail. Ce travail,
public et trompé les hommes de science. on peut dire qu ’il a été conduit
jusqu’au bout: M ac Donald a
Les savants am éricains appelée Project Blue Book) et consacré dix mois entiers à
contre le « Project Blue Book » l’astronome Joseph Allen Hynek, éplucher les dossiers du Project
Sur quoi se basait Mac Donald conseiller scientifique du Project Blue Book, à interroger les
pour lancer une si grande ac cu Blue Book. La déposition de ces auteurs des rapports et à con
sation? Le savant américain deux experts, on s’en souvient, trôler l’honnêteté de ces rap
vient de nous com m uniquer son avait rapidement tourné à une ports en interrogeant les témoins
dossier. Force est d ’avouer que, mise en accusation de l’U.S.A.- eux-mêmes d ’un bout des États-
bien que le soupçon de ces faits Air Force par les savants. Unis à l’autre. Avant d ’exposer
nous fût depuis longtemps venu Ceux-ci lui reprochaient de ne les résultats de ce travail, pré
à l’esprit, par ses révélations faire aucune enquête sérieuse cisons que M ac Donald est un
Mac Donald ajoute un chapitre, et de se satisfaire de la pre spécialiste connu de la physique
et peut-être le plus désastreux, mière explication venue. L’U. de l’atmosphère, « senior phy-
à l’histoire de la guerre secrète S.A.-Air Force, piquée, fit alors sicist» à l’institut de physique
et des méfaits des services de savoir que ses dossiers étaieni atmosphérique de l’université
renseignements. ouverts à tout homme de science de l’Arizona depuis 1954, et
J ’ai déjà rapporté ici dans professionnel qui voudrait cons qu ’avant cette date il enseignait
quelles circonstances la vague tater l’excellence de ses mé à l’université de Chicago.
d ’observations de 1965-66 avait thodes de travail. Il semble que,
amené le sénat américain, au ce faisant, l’Air Force avait La C .I.A .
printemps 1966, à réunir la compté surtout sur l’indifférence su b m ergée de soucoupes!
commission de l’U.S.A.-Air des savants à l’égard d’un sujet Son premier soin fut, com me
Force et à m ander devant celle- aussi « ridicule » que les sou l’Air F orce l’avait im prudem
ci les principaux experts en coupes volantes. En quoi elle ment proposé, d’examiner à la
matière d ’objets non identifiés, com mit une erreur, dont elle loupe les dossiers du Project
c ’est-à-dire, essentiellement, le est maintenant en train de Blue Book, à la base militaire de
major Hector Quintanilla, chef payer les conséquences. En Dayton, dans l’Ohio. Un fait
de la commission d ’enquête de effet, il se trouva une univer l’intrigua bientôt : ju squ’en 1953,
l’U.S.A.-Air Force (commission sité, celle de l’Arizona, pour les cas «inexpliqués» repré-
m~ sentaient des pourcentages Q uand les savants américains, ayant estimé que ces rapports
allant jusqu ’à 27 p our cent de mais aussi français, anglais, etc., ne prouvaient l’existence d ’au
l’ensemble des cas. Après 1953, eurent lu que des gens aussi cune activité hostile, « il était
ces pourcentages se stabilisèrent com pétents que les m embres du urgent de tarir à sa source un
soudain aux alentours de 2 ou 3 jury Robertson, ayant étudié le « bruit de gong » capable de noyer
pour cent et ne varièrent plus problème, n’y avaient trouvé les informations réellement inté
autour de ces chiffres très bas. qu ’un fatras de ballons-sondes, ressantes pour les services de
En 1953 (tous ceux qui ont lu le étoiles filantes, etc., leur opi sécurité». A utrem e n t dit: « Puis
livre de R u p p e l1, alors chef du nion fut faite: les soucoupes qu’il ne s ’agit pas de guerre froide,
Project Blue Book, s’en sou volantes étaient une fumisterie, non seulement ça ne nous inté
viennent), l’Air Force avait née de l’ignorance de témoins resse pas, mais ça nous gêne. Il
réuni un jury d ’hommes de incapables de reconnaître ce faut donc que vous nous débarras
science réputés pour examiner qu ’ils avaient vu et propagée siez de cette affaire, par n ’importe
la question et d onner leur avis. par des illuminés et des escrocs. quel moyen ».
Ce jury, présidé par le physi Seulement, ni le livre de Ruppel
cien H.P. Robertson, du Cali- ni naturellem ent le co m m u Les soucoupes d evie n n en t
fornian Institute o f techno- niqué publié par le jury Robert « to p secret »
logy, était composé de Luis son ne disaient l’essentiel: à C ette décision, prise par les
W . Alvarez, Lioyd V. Berkner, savoir que les meneurs de jeu hommes de la C.I.A. et par le
Samuel A. Goudsmit et Thorom- du prétendu jury n’avaient été brigadier-général Garland, chef
ton Page. En trois jours, du ni Robertson, ni Goudsmit, ni des services de renseignement
14 au 17 janvier, ce jury expédia aucun des savants présents, de l’U.S.A.-Air Force, fut ava
son travail et rédigea un co m mais bien trois messieurs qui lisée par six savants américains
muniqué disant: 1/ q u ’il n’exis n’étaient nommés dans aucun de grande réputation. Elle le fut
tait aucune preuve d'une acti d o cum ent publié et qui avaient non seulem ent aux yeux du
vité hostile dans le phénom ène nom H. Marshall Chadwell, public, mais à ceux de leurs
étudié; 2 / q u ’il n ’y avait pas Ralph L. Clark et Philip G. collègues du m onde entier.
davantage de preuve de l’exis Etrong, de leur profession hono Lâcheté devant le pouvoir ou
tence du moindre «certifact» rables agents de la C.I.A. Aucun patriotisme? L’histoire jugera.
(activité intelligente); 3 / que docum ent publié ne faisait état Huit mois plus tard, en août
l’on recommandait l’élaboration non plus d ’un quatrièm e point, 1953, PU.S.A.-Air Force prenait
d ’un program m e éducatif en écrit en toutes lettres en con toutes les dispositions pour le
vue de rendre familier au public clusion du d o cum ent approuvé «systematic debunking». Une
les divers phénom ènes naturels par le «jury», et qui rec om directive enregistrée sous la
observables dans le ciel: mé mandait fermement, au nom de référence AF-200-2 était en
téores, traînées de c onde n la C.I.A. et de la sécurité des voyée aux responsables de la
sation, halos, ballons-sondes, États-Unis, « une réfutation sys commission d ’enquête {Project
etc. de façon à « effacer l’aura tém atique des soucoupes vo Blue Book) spécifiant que ceux-
de mystère que les objets volants lantes» (a systematic debunking ci auraient désormais « à réduire
non identifiés avaient m alen o f the flying saucers, selon les le pourcentage des non-identiflés
contreusem ent acquise ». term es exacts employés dans le à un minimum » ( the percentage
Ce communiqué, répandu dans texte officiel et secretj. Et pour o f unidentified must be reduced
le monde entier avec tout le quoi la C.I.A. tenait-elle tel to a minimum) ». C ette directive
poids de six éminentes signa lement à cette réfutation systé fut assortie d ’une ordonnance
tures, est à l’origine de tout matique? Parce que « l’énorme de la justice militaire prévoyant
ce qui s’est passé depuis dans vague de rapports de l’année des peines pouvant aller ju sq u ’à
le domaine des « soucoupes 1952 (1 500 dans les seuls dos 10 ans de prison et 10 000 dollars
volantes». siers du Project Blue Bookj d ’am ende (5 millions d ’anciens
avait submergé l’activité des ser francs) contre tout personnel
1. E d w ard R u p p e l, Report on unidentified vices de renseignement à un degré militaire coupable d ’avoir di
flying objects; G o llan c z , é d ite u r, L on d res. alarmant» et que, les savants vulgué toute information sur
tout cas d ’objet volant non suivre l’objet ju sq u ’à l’arrivée «nageoire». Une luminosité
identifié. En revanche, il était d ’une caméra. L’objet s’éloi conique diffuse ém anait de sa
laissé toute liberté aux com gnant de nouveau, les deux surface inférieure. L’altitude de
mandants locaux de com m u policiers remontèrent en voiture l’objet varia au cours de la
niquer à la presse ou au public et suivirent l’objet qui filait au- poursuite d ’une centaine de
toute information sur les cas dessus de la route nationale qui, mètres à six ou sept cents
pour lesquels une explication sur plus de 100 kilomètres, mètres. Q uand il était très bas,
conventionnelle était évidente. conduit au-delà de la frontière il allait en zig-zag au-dessus de
de l’Ohio, jusqu’en Pennsyl la route. La façon dont le poli
Un cas inexp licab le vanie. En route, deux autres cier Huston se joignit à la pour
et p o u rta n t « expliqu é » policiers, Wayne Huston, de suite est particulièrement inté
Le professeur Mac Donald tint à Palestine, Ohio, et Frank Pan- ressante. Ayant intercepté les
voir dans le détail com m ent ces zanella, de Conway, Pennsyl conversations radio de Spaur et
directives avaient été appli vanie, virent eux aussi arriver Neff avec leur poste, il comprit
quées. 11 ne semble pas qu ’il l’objet et se lancèrent à sa que ceux-ci arrivaient par la
ait trouvé des cas de militaires poursuite. route 14 et alla les y attendre.
emprisonnés pour avoir parlé. Tous ces policiers décrivirent Q uand il arriva, il stoppa,
On sait d ’ailleurs q u ’à partir de séparém ent un objet circulaire regarda le ciel et ne vit rien.
1953 aucune information offi d ’une douzaine de mètres de Mais bientôt, l’objet apparut à
cielle n’est plus venue des diamètre, brillamment illuminé, basse altitude au-dessus de la
États-Unis sur ce sujet, à l’ex et dont la face supérieure pré route, talonné par la première
ception des com muniqués sentait com m e une espèce de voiture de police.
annuels anno nçant que tant de
ces cas avaient été « soigneu
sement étudiés», que 9 8 %
étaient des ballons-sondes, des
étoiles filantes, etc... et que le
reste n’avait aucune signifi
cation. En revanche, il put voir
com m ent avaient été obtenus
ces merveilleux pourcentages
de cas expliqués. En voici un
entre des milliers d ’autres.
Le 17 avril 1966, vers 5 heures
du matin, deux officiers de
police, Dale Spaur et W.L.
Neff, du com té de Portage,
Ohio, étaient en train d ’exa
miner une voiture abandonnée
au sud de Ravenna, dans l’Ohio,
lorsque dans la demi-obscurité
de l’aube proche, un très gros
objet aérien lumineux sortit au-
dessus d ’une colline boisée voi
sine, avança jusqu’au-dessus
d ’eux et s’arrêta, illuminant
tout le paysage, puis s’éloigna
et stoppa de nouveau un peu
plus loin. Les deux policiers
appelèrent leur poste par radio.
On leur dit d ’observer et de
173
Panzanella, le quatrièm e poli enregistrée, et Mac Donald put
P A R A P S Y C H O L O G IE
cier, n’avait rien intercepté du l’é c oute r lors de sa propre
tout: c ’est en voyant arriver enquête: elle se résume, dit-il,
l’objet sur la route, près de à une brutale tentative de Quin Nouveaux progrès de la
Conway où il se trouvait, q u ’il tanilla de faire croire aux parapsychologie
se lança lui aussi à sa pour témoins q u ’ils avaient vu Écho en U .R .S .S.
suite. La poursuite dura encore et la planète Vénus.
quelques minutes, puis les quatre Le fait que, lorsque Huston vit L’étude de la parapsychologie
policiers virent l’objet bondir à l’objet arriver et passer sur sa se poursuit très activement en
la verticale à très grande vitesse tête, la poursuite durait depuis U.R.S.S. Parmi les journaux qui
et disparaître dans le ciel. plus d ’une heure, fut écarté ont récem m ent parlé du sujet il
Tels sont les faits consignés par sans examen par le major de faut citer: Le drapeau de Lénine,
les policiers dans leurs rapports l’U.S.A.-Air Force, et l’expli 2 avril 1967; La Pravda de Mos
et confirmés oralem ent par cation par le satellite et la cou, des 2 mars, 8 mars et 9 avril
chacun d ’eux à M ac Donald. planète maintenue. Le 30 sep 1967; Le journal des transports
te m bre 1966, le colonel H ayden maritimes, du 21 février 1967.
Le p ro jet M a n h a tta n P. Mims, de l’Air Force, écrivit Tous ces journaux publient des
v a -t-il résoudre le problèm e? au sénateur Stanton q u ’une études sur la parapsychologie,
Je cite maintenant Mac Donald : dernière enquête avait confirmé décrivent les résultats d ’expé
« L’enquête de l’Air Force sur l’explication Écho-Vénus. Or, riences et notamment les récents
ce cas se serait bornée à une souligne Mac Donald, cette essais de liaison Moscou-Lenin-
conversation téléphonique de «dernière enquête» était in grad. La Pravda de Moscou du
quatre minutes du major Quin- ventée de toutes pièces, puis 9 avril fait observer qu’à côté
tanilla avec Spaur (conversation que aucun des témoins n’avait du laboratoire où l’on reçoit les
au cours de laquelle Quintanilla jamais plus été interrogé. Peu émissions télépathiques, il y a
essaya de persuader Spaur qu ’il importe: le cas fut et dem eure une plaque: « C ’est ici que le
avait vu le satellite Echo, puis classé parmi les « expliqués ». 24 mars 1896 A.S. Popov a reçu
la planète Vénus), s’il n’y avait Depuis le début de mai, Mac les premiers signaux radio. »
eu l’intérêt soulevé par l’affaire Donald, que son enquête semble Le 13 mars 1967, un séminaire
dans la presse locale.» Le séna avoir rendu furieux, parcourt sur le thèm e: « Peut-on com m u
teur William Stanton intervint tous les grands laboratoires niquer avec les civilisations
pour q u ’il y eût une vraie am éricains pour en exposer les extra-terrestres par télépathie? »,
enquête. Quintanilla alla donc résultats à ses collègues. J ’eus organisé par la section de phy
voir les quatre officiers de des échos de son passage au sique de la Société astrono
police. Leur conversation fut Bureau de recherches navales mique, s’est tenu à Moscou.
(Office o f Naval Research) dans
différents centres de la NASA,
à Los Alamos... On me dit que
l’opinion scientifique américaine
exerce désormais une « pression
irrésistible» pour la prise en
considération du phénom ène,
que la commission Condon,
avec ses cent cinquante millions
de dollars, est d ’ores et déjà
dépassée. Certains parlent même
d’une reconversion de la NASA, Trois parapsychologues russes,
d ’un «projet M an hattan», pour Kamensi, Naumow et Nikofaew,
résoudre enfin le problème. étudient les résultats
Voilà où l’on en est aux États- de l’expérience de Novosibirsk.
Unis. A imé Michel.
174
■ESSEBSÜI^H
S O C IO L O G IE Les nouveaux matériaux :
une des clés de notre avenir technique
Il n’est pas évident p o u r le public q u 'u n e des clés de l’avenir ne s’agit pas seulement de fa
réside dans la d é c o u v erte de nouveaux m atériaux do nt les briquer ces nouveaux m até
perform an ces surpasseront de très loin celles auxquelles nous riaux, il faut encore apprendre
som m es habitués a u jo u rd ’hui. De telles considérations à les travailler, et le problème
sem blent ressortir de la pure tech nique, et l’on sait q u ’en est, à ce stade, encore plus
difficile.
France ces p ro blèm es ne sont pas très populaires.
Discuter la nature des quasars, Une fusée m oderne se caracté Le g rap h ite est
ou l’architecture intime de la rise par une masse sèche extra plus résistant que l'a cier
matière paraît une activité plus ordinairem ent faible. Q u ’est-ce Mais, pour les grandes révolu
noble, plus excitan te p o u r à dire? Lorsqu’on construit un tions technologiques de l’avenir,
l’esprit. Pourtant notre siècle, lanceur, on a évidemm ent in il faudra franchir un degré de
et plus encore le x x r , repose térêt à em porter un maximum plus dans ce dom aine: obtenir
d'abord et avant tout sur la de combustible. Il faut que le des super-matériaux, On sait
technologie. Cette avance am é poids de la fusée vide, poids qui aujourd’hui ce que seront ces
ricaine que l’on déplore et dont représente une charge inutile, matériaux miracles de l’avenir:
on s’inquiète en tous lieux se soit le plus faible possible. De ce seront des matériaux hybrides.
situe d'abord sur ce plan. En ce point de vue, on est parti, On va am algamer des fibres
matière de science pure, l'Eu après la guerre, de fusées ayant dans le matériau pour le ren
rope supporte assez bien la une masse «sèche» égale à forcer. Pourquoi et com ment
comparaison avec les États- 31 % du poids total au départ. réaliser un tel mariage?
Unis. Tel était le rapport pour la V \
Dans de nombreux domaines, Les grandes fusées modernes:
on voit donc se dessiner des Atlas, Saturne V, possèdent des
possibilités de progression qui rapports fusée pleine/fusée vide
sont présentem ent barrées par de l’ordre de 4 % ! C ’est là
des problèmes de technologie d'abord que réside la progres
et, plus particulièrement, des sion fantastique des perfor
questions de résistance des ma mances réalisées. Pour alléger
tériaux. Il n’est pas exagéré de dans de telles proportions la
dire que, très souvent, la mise structure des lanceurs, il a fallu
au point d'un nouveau matériau mettre au point de nouveaux
a permis directem ent et immé aciers dont la résistance dépasse
d ia te m e n t la réalisation de de très loin tout ce qui avait
progrès importants dans les do été réalisé auparavant. Au début
maines les plus divers: trans de l’ère spatiale, les meilleurs
ports, énergie, espace, etc. aciers spéciaux avaient une
résistance de 50 k g / m n r . Au
Des aciers plus légers jourd'hui on utilise des aciers à
pour les fusées 350 k g /m m ’2.
Pour prendre ce dernier exemple, On p o u r ra it m ultiplier les
sait-on que les extraordinaires exemples de cet ordre. L’avia
progrès accomplis en moins de tion à mach 3 dépend du titane,
dix ans par les fusées sont certains réacteurs nucléaires du
d'abord d'ordre métallurgique? béryllium. Dans tous ces cas, il
175
pw- On veut obtenir un solide aussi
résistant que possible. Il convient
donc de se d em an der ce q u ’est
la solidité. Disons qu’elle pro
vient des forces de liaison qui
soudent atomes et molécules.
Ces forces sont considérables,
elles devraient conférer des
résistances fabuleuses. Prenons
un exemple très ordinaire: le
graphite. Sa résistance est très
faible ainsi que vous pouvez
aisément le constater par vous-
même. Pourtant, si l’on calcule
les forces de liaison entre les
atomes, on découvre que la ré
sistance du graphite doit être
dix fois supérieure à celle des
meilleurs aciers spéciaux!
Les tric h ite s son t-elles
la clé de l'avenir?
C om m ent expliquer un tel para
doxe? Q uand on calcule la le plus faible. Voilà qui explique une spirale ascendante autour
force des liaisons entre les cet écart énorm e entre les résis d ’une cavité centrale. On obtient
atomes pour en déduire la résis tances théoriques et réelles. ainsi une sorte d ’aiguille extra
tance du matériau, on reste sur Voilà aussi qui nous perm et de ordinairem ent fine. Pour ce qui
un plan purem ent théorique. com prend re com m ent on pour nous concerne, elle possède
P ratiquem ent les atomes ne rait avoir des matériaux dotés une qualité surprenante: c ’est
sont pas tous liés avec cette de résistances fabuleuses: il un monocristal, c ’est-à-dire que
force car l’architecture intime faudrait q u ’ils possèdent une son architecture cristalline est
du solide est très imparfaite. structure cristalline parfaite. parfaite.
Dans un cristal, les atomes, en Mais, voilà, est-ce possible?
principe, se répartissent très D e nouveaux m a téria u x
régulièrement selon une sy O btenir un solide massif exempt supra-résistants
métrie parfaitem ent définie. de toute imperfection est, pour Ces fibres présentent donc une
Ainsi agencé, le solide possède l’heure, impossible. H e u re u résistance effective égale à la
bien cette résistance théorique sement, il y a les trichites. Dans valeur théorique, c’est-à-dire
énorme. Hélas! en pratique le certaines conditions particu qu ’elles surpassent, et de très
meilleur cristal présente des lières, il peut apparaître sur les loin, tout ce que perm ettent les
dislocations, des irrégularités, métaux des filaments, des sortes aciers les plus modernes. M al
bref, des points où les atomes de poils que les Anglo-Saxons heureusement, on n’obtient ainsi
sont faiblement liés, des points ont baptisés des whiskers et les que des fibres très courtes,
de moindre résistance. O r vous Français trichites. Ils se forment quelques centim ètres au maxi
savez que la résistance est spontaném ent par un p héno mum, et très fines. Que faire de
toujours celle du point le plus mène de croissance cristalline. ces trichites? La N ature montre
faible. Peu importe d’avoir un C ’est-à-dire que les atomes se la solution. La charpente des
tissu très résistant s’il est mal m ettent à s’empiler réguliè êtres vivants, le bois, les os, est
raccom m odé en un point. A la rem ent les uns sur les autres en composée d ’une structure fila
première traction, il cédera à une architecture cristalline. Ici m enteuse prise dans un milieu
cet endroit. La résistance d ’en cette architecture rappelle celle plastique. L’une fournit la ré
semble est donc celle du point de la tour de Babel. Elle forme sistance, l’autre donne la coh é
176
sion. Ainsi, on pourrait se servir on n’en est pas encore à envi
G É N É T IQ U E
des trichites pour renforcer des sager une fabrication industrielle.
matériaux qui feraient office de Q uand on saura produire ces
matrice plastique dans laquelle matériaux, il faudra encore Un traitem en t prénatal
les fibres seraient emprisonnées. a p p r e n d r e à les travailler. accroît l'intelligence
C ette technique est déjà ap C o m m en t pourra-t-on les la
pliquée dans les plastiques ren miner, les souder? T o ute une
forcés. On se sert alors com me nouvelle métallurgie sera à Ce traitem ent a été mis au point
fibre de la fibre de verre et l’on inventer. En tout état de cause en Afrique du Sud par le pro
utilise une résine com m e ma on sait q u ’ils resteront très fesseur Heyns. Il consiste à
trice liante. Mais la fibre de chers et par conséquent ne dim inuer la pression atmos
verre n’est absolument pas un constitueront pas des matériaux phérique pendant une demi-
monocristal parfait, en revanche de structure: ce serait ruineux. heure au-dessus de la tête de la
on peut en obtenir des fils Ils seront utilisés pour renforcer femme enceinte. On l’applique
continus. C ette technique des les machines aux points de d ’une façon quotidienne pen
plastiques renforcés se déve grandes contraintes. On sait dant les dix dernières semaines
loppe aujourd’hui d ’une façon déjà, par exemple, que ces de la grossesse. Le traitem ent
spectaculaire. Ces matériaux corps conservent une grande a été appliqué à dix mille
ont servi à faire le troisième solidité à des tem pératures très femmes, le but originel était
étage de Diamant, la carros élevées. Ils constituent donc le sim plement de faciliter l’accou
serie de la voiture Matra-Sport, matériau idéal pour tous les chement. Mais dans deux cas
le plafond de l’Opéra, etc. On « points chauds». On sait q u ’on sur cinq, on a d écouvert que les
les emploie dans la construction a toujours intérêt à travailler à enfants ainsi traités avant leur
navale, le bâtiment, l’aé ronau la te m pératu re la plus élevée naissance étaient nettem ent
tique. Un peu partout, elle possible pour améliorer le ren plus intelligents.
concurrence le métal en le sur dem ent dans les échanges éner C ’est ainsi qu ’alors qu’un enfant
passant souvent en résistance gétiques. Les trichites vont per de dix-huit mois peut prononcer
mécanique, en neutralité chi mettre d ’accomplir de véritables en moyenne cinq mots, les
mique et en légèreté. révolutions dans tous ces do bébés du professeur Heyns en
maines. Les machines-outils prononcent deux cents. A deux
Il fa u t inven ter vont égalem ent accomplir une ans, certains d ’entre eux savent
une nou velle m é ta llu rg ie progression spectaculaire. D ’une téléphoner et d ’autres expli
Mais cela n’est encore qu ’un gaçon générale, toute la m éca quer com m ent marche un poste
début, il faut m aintenant appri nique tirera un profit considé à transistors. A trois ans, l’un
voiser les trichites. On sait rable de ces recherches. Sur d ’eux parle quatre langues.
aujourd’hui les obtenir au stade une machine il y a toujours des Leur résistance physique est
du laboratoire, mais la grande « points d ’usure». On doit l’aban plus grande que celle des enfants
production industrielle n’est donner alors que l’ensemble normaux ainsi que leur agilité et
pas encore lancée. Il faut éga tient encore, mais quelques leur adresse manuelle, notam
lement apprendre à fabriquer pièces essentielles sont «mortes». ment pour des tâches telles que
ces matériaux hybrides. Là, on En renforçant ces points d é la construction d ’un poste de
n’en est encore qu ’aux balbu licats, on va accroître considé T.S.F.
tiements. Dans tous les pays, on r ab le m en t la résistance de D ’après des mesures faites par
travaille fiévreusement à ce l’ensemble. le professeur Heyns, si on
problème. Il faut obtenir un On le voit, ces austères consi donne 100 de coefficient au
matériau d ’une certaine hom o dérations sur la résistance des bébé normal, le bébé traité
généité dans lequel les trichites matériaux et les trichites cons atteint 173. L ’explication du
soient très fortement liées. A ce tituent bien l’une des clés de phénom ène reste à trouver,
stade les problèm es technolo l’avenir, elles contribueront à mais si les résultats sont confir
giques sont énormes. Mais des changer le monde dans lequel més, il s’agit peut-être d ’une
échantillons très intéressants vous vivrez demain. des plus grandes découvertes
ont déjà été obtenus. Toutefois, François Derrey. de notre siècle.
177
?
178
A savoir
lisme du calcium, que le cal vaille à l’institut d’énergie ato
cium remontera. On voit en A S T R O N A U T IQ U E
mique Kourtchatov à Moscou.
outre que ce m anque de calcium Cet article vient de paraître
ne peut être soigné par l’admi Nouveau péril dans Priroda (février 1967,
nistration de calcium, mais par sur la Lune page 85). Dans cet article,
du magnésium. l’auteur décrit également un
Durlach, de 1959 à 1963, a pour l'hom m e phénomène qui doit logiquement
montré que la baisse du cal se produire sur la Lune si les
cium est due au m anque de Le «grand feuilleton» de la antimétéorites existent. Sur la
magnésium. Petersen aussi science, com me le disait le Terre, les antim étéorites s’an-
(1963) a établi que la correction regretté Jacques Spitz, ne ces nihilent dans l’atmosphère. Sur
du trouble calcique se fait par sera jamais de me surprendre. la Lune, p a r contre, elles
la magnésithérapie, et L. Ber Je n’aurais jamais pensé que les frappent la surface et celle-ci
trand écrit: « L’administration recherches sur la fameuse explo doit com porter alors des taches
de calcium non seulement est sion sibérienne de 1908 puissent radioactives qui peuvent rester
inefficace, mais peut augm enter un jo u r conduire à quoi que ce dangereuses pendant des mil
les symptômes de la tétanie soit de pratique (voir Planète lions d ’années! Avant de se
hypomagnésienne.» Par la n° 8). Or, elles viennent de poser sur la Lune, il faut donc
magnésithérapie, « en général révéler un péril inédit qui guette détec ter ces taches, ce qui sera
l’amélioration s’observe ici les astronautes en chemin vers fait par des chenillettes télé
encore après un intervalle libre la Lune et elles vont peut-être guidées circulant sur la Lune.
variable (une semaine à trois perm ettre de leur sauver la vie. Ainsi une re c h e rc h e a p p a
mois); le traitem ent doit être Après l’élimination de l’hypo rem m ent fantastique aura-t-elle
prolongé aussi longtemps que thèse de la com ète et de celle peut-être sauvé des vies humaines.
la décom pensation l’exige et d ’un astronef interstellaire, il
sans surveillance particulière, devient assez probable que U n e grande p rédiction
le magnésium étant atoxique». l’explosion de 1908 fut causée de la scien ce-fictio n
Ainsi ces recherches confirment par de l’antimatière — exac Terminons sur la science-fiction:
que s’il y a carence en calcium, tem ent par une antimétéorite. l’hypothèse des antimétéorites
ce n’est pas du calcium q u ’il Les auteurs de science-fiction et de leur capture a été exposée
faut don ner à l’organisme, dans l’avaient écrit et on s’était pour la première fois il y a vingt
ces cas, mais du magnésium. moqué d ’eux. Lorsque le prix ans dans le roman de science-
Les recherches de P. Larvor Nobel Libby et d ’autres savants fiction La Nef d'Antim, publié en
- confirmant d ’autres que j ’ai éminents ont émis la même français dans la collection Rayon
citées dans mes ouvrages — hypothèse {Nature n» 15, 1965), fantastique après la guerre et
m ontrent que l’animal peut on com m enç a à prendre l’idée signé W ill Stew art. Elle ne pro
«sortir» de ses voies digestives très au sérieux et notamment voqua à l’époque de la part
beaucoup plus de calcium que en Russie. L’académicien B.P. des spécialistes que des rica
ce qu’il ingère, sans que cela Constantinov a cherché à d é nements. Mais je peux révéler
entraîne de décalcification. Les tecter des antimétéores anni maintenant que W ill S tew art est
veaux témoins, par exemple, hilés dans notre atmosphère. Il le pseudonyme de Jack W il-
suralimentés en magnésium, utilisa des détecteurs trans liamson et que celui-ci est non
sont des bêtes magnifiques, à portés à des altitudes se situant seulement auteur de science-
la charpente développée et entre 13 et 18 km par ballons et fiction, mais professeur d ’uni
solide; les photos accom pa fusées. Les Soviétiques révèlent versité et qu ’il fut, pendant la
gnant le texte de P. Larvor maintenant que depuis 1961 guerre, conseiller des services
m ontrent la grande différence plus de deux mille émissions in m étéorolog iques de l’arm ée
qu ’il y a entre les témoins et tenses pouvant être attribuées à américaine. Il semble que son
ceux qui ont été carencés en l’annihilation des antimétéorites idée doive rester parmi les
magnésium pendant quatre ont été effectivement détectées! grandes prédictionsde la science-
semaines. On trouvera les détails dans un fiction.
Louis Kervran. article du Dr N.A.VIasov qui tra Jacques Bergier.
■BSEEEEHI^B
E T H N O L O G IE
Les rites de mort des Sara :
un ethnologue s'est fait initier au Tchad
Les Sara sont la plus im portante tribu noire du Tchad. Ils occupent turne, les gémissements des
essentiellement la moitié sud de cette république. Un ethnologue rhombes, les cris des hommes.
français, attaché de recherches au C.N.R.S., Robert Jaulin, a Mais l’auteur n ’est pas en quête
décidé, après plusieurs séjours au T chad, de participer à la plus d ’ésotérisme. Son expérience
secrète de leurs cérémonies: l’initiation, malgré l’avis des respon n’a rien à voir avec le fantas
sables christianisés de ce jeune État africain. tique ou le surnaturel. De
Pous mieux faire com prendre courant dynamique, en oppo l’échange des femmes à la signi
son entreprise, Robert Jaulin 1 sition avec les anthropologues fication profonde de l’initiation,
présente tout d ’abord une étude qui veulent examiner les so Jaulin essaie de dégager une
détaillée de l’initiation en ciétés u n iq u e m e n t dans ce réalité sociale structurée.
Afrique. Il s’agit de rites essen qu’elles ont de stable et d’éternel.
Il est reproché notam m ent aux Être initié,
tiellement secrets et l’on com
prend les difficultés de toute structuralistes, reproches que c'e st m o u rir pour naître
sorte que renco ntrent dans les Jaulin prend à son com pte, de Q u ’est-ce donc que l’initiation
milieux de culture traditionnelle nier l’histoire ou tout au moins sara? Après avoir été «tués»
ceux qui veulent obtenir une de la mettre entre parenthèses par les Mih (grands prêtres), les
documentation approfondie. En ou de ne d onner que des Koy (non initiés) sont ab an
tout cas, Robert Jaulin a réussi éclairages réductionnistes d ’une donnés au Bra-ndo et Ka-ndo,
à faire accepter sa participation culture en privilégiant le dis c’est-à-dire leurs père et mère
à une cérémonie. Mais avant de cours ou le récit mythique. culturels qui sont chargés de
dire l’intérêt extrême de ce livre Robert Jaulin semble avoir pris les instruire, les soigner, leur
et l’importance exceptionnelle le meilleur de ses maîtres, mais apprendre la langue secrète,
de cette entreprise qui englobe s’est refusé à privilégier tel ou l’histoire, les prophéties, aussi
dans une analyse à la logique tel domaine culturel. bien que la peche, la culture ou
serrée une culture dont la ri Jaulin n ’est pas un écrivain la chasse. Émancipés, ils quittent
chesse n’échappe pas au lecteur à la recherche d ’émotions épi- l’univers de leur enfance pour
même si elle est systématisée, dermiques. Son livre, qui n’en « naître » et ac céder ainsi au
nous voudrions situer Jaulin. est pas moins plein de beauté et monde de la culture. La struc
Les sciences humaines sont en de richesse, est le témoignage ture sociale sara est donc mimée
révolution. Dans le débat qui d ’une honnêteté toujours en dans la cérémonie de l’initiation.
oppose les différentes écoles, éveil. Nous suivons avec inté Dans la seconde partie, l’auteur
Robert Jaulin se fait en quelque rêt, dans ses moindres détails, s’est attaché à faire l’inventaire
sorte le promoteur d ’un nouveau le d éroulem ent de l’initiation. des différents aspects et mani
1. La Mort sara, p a r R o b e rt J a u lin , éd it. L’atm osphère de mystère est festations de la culture sara. Il
P ion, 1967. renforcée par l’orchestre noc l’a abordée en recherchant la
valeur symbolique des rites,
leurs vertus propres, leurs fonc
tions. En rassemblant les dif
L'Europe
V O Y A G ES
182
A lire
les temps, confrontation de ce
qui a été, aurait pu être, avec
ce qui est, pourrait être? Guy «Ca,m c'est New York»
m
Marie-Thérèse de Brosses: La
Dimension d ’absence (Christian
Bourgois).
« Que peuvent-ils bien accom New York est une jungle de béton où se débat la faune humaine.
plir, ces agités infatigables? » se
dem andait Sôren Kierkegaard. pas rapidement Sczianski. Marie- l’ascèse d ’un homme, d ’un
C ’est aussi la question que se Thérèse de Brosses sait cam per «étranger», qui, à partir de la
pose Sczianski, le héros de ce un personnage sans en avoir révélation éblouissante d ’un
roman insolite et fort beau, trop l’air, le faire vivre, lui phénom ène physique aberrant,
héros étrange mais lucide, qui d onn er une singulière présence veut affirmer sa différence es
paraît échappé d ’un chapitre humaine. On ne pourra éc h a p sentielle, s’épuiser parfaite
de Ou bien... Ou bien. Ceux qui per aux prolongem ents de l’his ment, sans pour autant tout à
liront ce roman n ’oublieront toire qui nous est contée: fait y parvenir.
183
Librairie
Simonne Jacquemard : Naviga H IS T O IR E prendre ce qu ’est le co m m u
tion vers les îles (Seuil). nisme russe, ce q u ’il fut sous
Depuis son premier roman, Les Staline et ce qu ’il est à présent.
Fascinés, Simonne Jacquemard Gilette Ziegler : Histoire secrète
(Prix R enaudot 1962 p our Le de Paris (Stock). Jean-Louis Rieupeyrout: Histoire
Veilleur de nuit) n’a cessé de L’auteur de Les coulisses de du Far West (Tchou).
perfectionner sa langue et son Versailles, nous offre ici le Le VIIe Art, en produisant un
style, n ’a cessé d ’explorer le dossier des mystères de Paris de nombre incalculable de wes
monde des signes. Laissons à saint Louis à nos jours, le Paris terns, nous a familiarisés avec
Simonne Jacquemard le soin de des magiciens, des alchimistes, les hommes du F ar West. A u
présenter elle-même son très des satanisants, des sorciers... jo u rd ’hui encore un bon western
beau recueil de nouvelles: «A La légende se mêle souvent à attire les foules. Il restait à
voir voler les oiseaux et les astres, des événem ents réels et tous les écrire, du moins en Europe, une
comment ne pas désirer passion témoins ne sont pas dignes de véritable histoire du F ar West,
nément la non-pesanteur? Et foi, trop enclins à mettre sur le cette épopée américaine de la
pareille obsession ne pourrait- dos du Diable ce qui leur paraît conquête de l’Ouest. C ’est chose
elle influer sur la manière d ’envi insolite ou simplement nouveau. faite. Ce gros volume très il
sager le temps — les événements Et pourtant... la chaîne d ’Isis la lustré est la plus minutieuse his
passés, présents et à venir s ’insé mystérieuse n’est pas rompue. toire et la plus objective qui soit
rant dans un espace tangible, im Ce livre est un com plém ent au sur le sujet. Il est impossible de
muable, obéissant à des alter livre de Kurt Seligmann: His résumer cet ouvrage qui se lit
nances semblables à celles des toire des magies (Encyclopédie de bout en bout sans que l’in
grands courants d ’oiseaux migra Planète, 1964). té rêt faiblisse un seul instant.
teurs qui ramènent, remportent C ’est un livre indispensable non
sans cesse la vie d ’un pôle à Evguenia S.Guinzbourg : Le Ver seulem ent à la connaissance du
l’autre? » tige (Le Seuil). F ar W est mais aussi, mais
Une communiste russe entre surtout à la connaissance de la
Staline et le Parti: deux ans mentalité américaine actuelle
suspecte, trois ans prisonnière, et passée.
É SO T É R ISM E quatorze ans déportée et, au
jo u r d ’hui, témoin. Attention! Il
ne s’agit pas d ’un livre com me
Mario Fille - René Odin : Un les autres. Je veux dire que RE L IG IO N
oracle kabbalistique (Éditions l’au teu r n’a rien renié de sa foi
Romanes). communiste, qu ’elle n’est pas
Voici un petit ouvrage qui transfuge. Libérée sous le secré Louis Charpentier: Les mystères
devrait figurer aux côtés du tariat de Nikita K hrouchtchev, templiers (R o bert Laffont).
livre de G érard de Sède par Evguenia S.Guinzbourg fut ré L’auteur nous est connu: il a
exemple (où celui-ci nous dé habilitée et réintégrée dans le publié, l’an dernier, un livre
voilait les mystères du château parti. Elle enseigne aujourd’hui fascinant sur Les mystères de la
de Gisors): l’étrange docum en t à Moscou, et celui de ses fils cathédrale de Chartres. Celui-ci
d ’origine cathare et templière qu ’elle a retrouvé est le rom an com plète le précédent. C ette
fut trouvé à M ontségur même cier soviétique V. Axionov. Ce fois, nous accom pagnons en
en 1935. On y trouve d’étranges qui frappe dans ces Mémoires, T erre Sainte les neuf chevaliers
révélations sur des secrets de c’est l’authenticité. Ce qui est qui avaient pour mission de
haute magie encore utilisables saisissant, c’est ce qui nous est retrouver l’A rche d ’Alliance et
aujourd’hui. C ’est du moins ce révélé — de l’intérieur — de les Tables de la Loi. Sont-ils
que les auteurs nous affirment l’idéologie d’un m embre du revenus, au bout de huit ans,
en nous donnant la marche à parti vers 1935, des «raisons» avec ce qu ’il faut bien appeler
suivre. Q u ’en penser? C ’est à non moins que du fait même de «la clef de l’univers»? Rien ne
nos lecteurs qu ’il appartiendra sa révolte. C ’est un livre extra perm et de penser que les neuf
de s’en assurer! Serge Hutin. ordinaire qui perm ettra de com chevaliers aient échoué. Bien
184
A lire
au contraire, tout laisse sup n'étais pas la seule à implorer le te m en t les images américaines
poser qu ’ils ont ram ené en Maître. Il y avait dans la salle qui nous sont présentées sont
France l’A rche et les Tables. une telle ferveur qu’elle était trop intellectuelles pour avoir
En nous retraçant la prodigieuse presque palpable...), Kathryn une valeur générale. Il n’en est
histoire des Templiers, Louis Hulme nous dit que sa vie inté pas moins vrai q u ’à travers ces
C harpentier nous perm et d ’ac rieurefut comme morte. Pourtant, intellectuels américains on
céder à un certain nombre ajoute-t-elle, sa voix me parvint: trouve certaines constantes: le
de secrets étranges et de sur — Tant que nous poursuivrons le culte des faits, la difficulté
prenantes missions. Pourquoi même idéal, nous ne serons pas d ’imaginer tant dans le do
les bûchers de l’inquisition séparés. Et, un jour, elle retrouva maine politique que littéraire,
mirent-ils fin à l’activité de le chemin de la vie intérieure la croyance que l’hom m e a des
l’O rdre du Tem ple qui, pendant en se convertissant au ca tho pouvoirs illimités, la conscience
deux siècles, avait déposé les licisme. aiguë du décalage entre le rêve
germes de ce qui aurait pu être Ce docum ent humain d ’une et la réalité, la tentation de la
la plus extraordinaire civili beauté rarem ent atteinte ne mauvaise foi lucidement re
sation du m onde m o d e rn e ? souffre pas le com m entaire. Il fusée, la présence de la m é ta
Parmi les énigmes de l’univers faut le lire. phore sexuelle, l’humanitarisme
celle-ci est de première grandeur. moral, la recherche inquiète,
passionnée d ’une identité indi
Kathryn Hulme: Ma conversion, viduelle et nationale. Ce livre
de Gurdjieff au catholicisme N O T R E T E M PS original, précieux par la qualité
(Stock). et le sérieux de la recherche,
K athryn H ulm e est un auteur est une œ uvre intéressante qui
célèbre: son livre Au risque Pierre Dommergues: Les U.S.A. mérite attention — même si, par
de se perdre — l’histoire d ’une à la recherche de leur identité expérience, on ne partage pas
religieuse r e n tr é e d a n s le (Bernard Grasset). tous les points de -vue des écri
siècle — a été lu dans le monde L ’auteur s’est entretenu avec vains interrogés, m ême si la
entier. A ujou rd’hui, renonçant quarante écrivains américains, fixation du centre de gravité
à la fiction, elle nous donne mais ce livre n’est pas un recueil littéraire sur New York nous
son autobiographie. Quel livre d ’interviews. C ’est une sorte de paraît exagérée.
étonnant! Ce n’est pas le côté «confession» à quarante voix,
anecdotique - très captivant orchestrée autour de thèmes lit René Sédillot: Survol de l’his
pourtant —qui intéresse le plus. téraires, sociologiques ou poli toire de l’Europe (Fayard).
Ce livre com m ence ainsi: J ’ai tiques. Trouve-t-on là, com me Q uand M. René Sédillot entend
toujours éprouvé le besoin — un le veut l’auteur, « les constantes «survoler» un sujet, on peut
besoin aussi urgent que de manger de l’âme américaine»? Je n’ose être certain de lire un livre
ou de boire — de vivre par l’affirmer. L’image, ou plus exac com plet sur le sujet. Il a l’art» » “
l’esprit... Au cours d ’un séjour à
Paris, j ’eus la chance de trouver
un maître. Ce maître était
Gurdjieff.
Une grande partie de l’ouvrage
est consacré à Gurdjieff. Ces
pages sont d ’un intérêt consi
dérable et éclairent singuliè
rem ent le visage de celui à qui
Louis Pauwels a consacré une
étude, il y a quelques années,
et qui a encore, par delà la
mort, de nombreux disciples.
Une fois Gurdjieff disparu (Que
faire maintenant? Où aller? Je
p»~et la manière de réussir magis
tralement ce que les Américains
appellent un « digest». Ceux qui
L IN G U IS T IQ U E Paul Robert
ont déjà lu Survol de l’histoire
du monde. Survol de l’histoire de Le Petit Robert vient de paraître, et les linguistes (voir notam m ent
France, ou encore, Histoire des les chroniques de Le Bidois dans le Monde ) en ont dit tout le bien
colonisations, Histoire des mar q u ’ils pensaient.
chands et des marchés, sans 54 000 mots com prenant notam Robert est venu à la linguistique
oublier son magistral essai ment ceux de la science et de en am ateur. Né en 1910 en
L ’Histoire n ’a pas de sens, ne me la technique la plus moderne Algérie d ’un père minotier, il a
contrediront pas. C ’est assez y compris les anglicismes, fait des études de droit et d ’éco
dire qu ’il faut lire ce Survol de 20 000 citations, date du p re nomie politique. En 1942, alors
l’histoire de l’Europe, à moins mier emploi du mot, étymologie, q u ’il préparait une thèse d ’éc o
d'un an de l’entrée en vigueur le tout en un peu moins de nomie sur les oranges, il fut
de toutes les clauses du M arché 2 000 pages, le Petit Robert se affecté aux services secrets
commun. M. René Sédillot ne présente com m e une irrem alliés en Afrique du N ord et
présente pas l’histoire de l’Eu plaçable somme de la langue chargé de préparer un code, ce
rope selon la version facile et française actuelle, écrite et qui orienta ses réflexions sur les
complaisante à laquelle nous parlée. Les écrivains, de leur vertus des mots. Après la Libé
sommes beaucoup trop habitués côté, ont souligné ses qualités ration, s’étant mis à l’anglais, il
depuis l’école primaire. Au lieu uniques d ’outil pour quiconque constata que le passage facile et
de refaire l’histoire des nations, se mêle d ’exprim er ses idées rigoureux d ’une langue à l’autre
il a rassemblé l’histoire d ’un par des phrases et des mots: le n’était assuré par aucun dic
continent, sans chercher à sou principe du Robert étant fondé tionnaire existant.
tenir une thèse et à prouver une sur l’analogie et l’association — Mais, dit-il, ma véritable
vocation, sim plement (si j ’ose d ’idées, ce petit dictionnaire illum ination', com m e Rimbaud
dire) en consignant les faits. Le ouvre à l’hom m e d ’écriture la ou com m e Claudel, date d ’oc
résultat est assez stupéfiant et claire-voie d ’une pensée rigou tobre 1945. J ’étais encore dans
séduisant. Tous les historiens reuse dans la forêt des approxi les Hautes-Alpes, et c ’est au
modernes qui ont quelques mations. cours d ’une prom enade que la
connaissances savent que l’Eu révélation m ’est soudainem ent
rope (romaine, de Charlemagne, Un éc o n o m iste converti apparue de la m éthode qui me
gothique, de la Renaissance, à la lin g uistiq ue permettrait de relier l’ensemble
classique, des « Lumières» , na Mais c ’est un autre aspect de ce du vocabulaire, mot par mot.
poléonienne, etc.) n’a jamais m onum ent de science et d ’éru Les mots sont rattachés les uns
existé en tant que telle. C ’est dition que l’on voudrait souli aux autres par des analogies.
sans doute parce que l’Europe gner ici, un aspect essentiel et C haque mot est solidaire des
est difficile à définir (la fameuse qui confirme ce que nous ne autres par tout un ensemble de
« barrière de l’Oural» n’est qu’un cessons de répéter depuis le fils qui s’entrecroisent direc-
mythe, car elle n’a jamais arrêté prem ier numéro de Planète sur te m entou indirectement, comme
personne), parce que l’Europe le rôle salutaire des francs- un réseau de té lécom m uni
est avant tout une com m unauté tireurs dans le progrès des cations.
de civilisation, une civilisation sciences.
qui, com me toutes les civili Qui est en effet Paul Robert, le Un d ic tio n n a ire réalisé
sations, avance, recule, a des cré ate ur et l’anim ateur de selon des m éthodes modernes
nuances. Il en résulte q u ’il y a l’œ uvre qui désormais porte son Dès lors, voilà notre spécialiste
eu plusieurs Europes et des nom? Un linguiste profession du marché des oranges lancé
Europes différentes, qui ont nel? Non, et loin de là. Ou plus dans la folle entreprise d’un
peut-être préparé l’Europe d’au précisém ent (car qui refusera le vocabulaire logique global. Il
jo u rd ’hui et de demain. titre de linguiste à l’auteur de
A ndré Brissaud. l’œ uvre linguistique française la 1. R a p p o rté p a r Paul M o re lle d an s le Monde
plus importante du siècle?) Paul du 10 m ai 1967.
a construit son dictionnaire
comme un réseau de télécommunications
étudie le travail fait par Littré avec hum our q u ’il a remplacé l’érudition n’enrichirait-elle pas
au siècle dernier, constate que l’artisanat de Littré par les son homme?
ce travail (génial) relève de méthodes industrielles. Il n’est Mais surtout, pourquoi un spé
l’artisanat, que si l’on veut être toujours que docteur ès sciences cialiste en agrumes a-t-il pu
de son temps il faut user des économiques et, aux yeux faire ce dont cent linguistes
méthodes modernes, c ’est-à- de l’Université, spécialiste en avaient vainement rêvé avant
dire d ’abord créer une équipe, agrumes. Il n’enseigne nulle lui? La F rance et l’Allemagne
un laboratoire, un protocole de part. Son chef-d’œ uvre de lin ont les meilleurs linguistes du
travail rationnel. Il va donc guistique est aussi une excel monde. Ce n’étaient pas les
co m m en cer par recruter des lente affaire. Il est riche. Il com pétences qui manquaient,
collaborateurs. Des linguistes, habite et travaille à Auteuil, ni même les moyens. Quoi alors?
cette fois? Pas du tout: encore dans un bel immeuble confor- L’Université a une leçon à tirer
des amateurs, mais ils sont intel fortable. Cela aussi est moderne. de la réussite de Paul Robert.
ligents et intéressés par son M oderne et moral: pourquoi Serge A rnaud.
dessein.
Par le jeu de hasard de ses rela
tions personnelles, ces am a
teurs se trouvent être des
officiers de la G ard e républi
caine!
■■ La mise en scène
devient-elle un privilège social?
Q u ’ils soient tout juste majeurs (com m e Alain Castanet, Pierre Q u ’on le veuille ou non, le
Delanjeac, Francis Girod, Francis Leroi) ou q u ’ils aient passé la ciném a français est de plus en
trentaine (com m e Luc Moullet, Jacques Roufio ou José Varela), plus tributaire du marché am é
c’est bien le même problèm e q u ’ils affrontent ou q u ’ils viennent ricain. O uv ertem ent ou non, les
de résoudre: com m ent peut-on, aujourd’hui, en France, réaliser grandes firmes US ont étendu
son premier film de long métrage? leur pouvoir sur l’Europe. Que
ce soit du côté des producteurs,
Le m ê m e p ro b lèm e pour ce q u ’ils veulent. Le fait est co-producteurs ou sim plement
le réalisateur e t le pro du cteur connu depuis belle lurette: les distributeurs, on ne monte plus
Ce n’est pas, en fait, de réali producteurs n ’ont plus d’argent. une affaire réputée sérieuse sans
sation q u ’il s’agit. Ils ont à ce Il leur faut em prunter, trouver l’accord des Américains. Quelle
sujet plus d’idées préconçues et les sommes nécessaires et par chance peut avoir, dans ces
révolutionnaires qu ’il n’en faut. conséquent passer de la position conditions, le m etteur en scène
Le point délicat n’est pas un d ’a c h e te u r (par rap p o rt au inconnu d ’intéresser les grands
point de style. Ce qui les préo c m etteur en scène) à celle de patrons de la Fox ou de la
cupe avant tout n’est pas l’écri vendeur (par rapport aux com M G M ? Minime. Reste la solu
ture ciném atographique — cela manditaires). D ’où la tendance tion de l’avance sur recettes. La
viendra après — mais bien: à ne prendre en considération dite avance est consentie par le
« C o m m en t m onter l’affaire?». qu ’une marchandise présentant CN C (Centre national du ci-
Il suffit d ’essayer pour se rendre un maximum de garanties. Ou céma) après examen d ’un scé
com pte que cela ressemble supposée les présenter, puisque, nario extrêm em ent détaillé et
d ’assez près au treizième travail fort heureusem ent, il n’est pas d ’un budget théorique. La com
d ’Hercule. Depuis 1957, les encore possible de prévoir le mission chargée d ’examiner les
temps ont changé. Les pro succès ou l’échec d ’un film avec projets, si elle juge que le film
ducteurs sont devenus plus m é une règle à calcul. présente suffisamment d’intérêt,
fiants et il faut les com prendre: peut décider d ’ac corder un prêt
tout le monde n’a pas découvert Les q ualités e t les défauts remboursable sur les recettes
un G odard! L’homme de finance du C e n tre n ation al du cin ém a du film, prêt se chiffrant entre
préfère aujourd’hui jo u e r à En 1967, le cinéaste débutant dix et soixante millions.
coup sûr, quitte à miser gros ne trouve plus avec la même Avec beaucoup de chance,
sur la couleur plutôt que de facilité un D aum an, un Braun- quelques relations, du savoir-
risquer une mise minime sur le berger ou un de Beauregard faire et un scénario qui ne soit
numéro isolé. Il faut ajouter, à prêt à lui confier les quelque pas délibérém ent provocateur,
leur décharge, que les pro trente millions (anciens) néces l’aspirant cinéaste peut espérer
ducteurs non plus ne font pas sités par sa première œuvre. une avance de quinze ou trente * r -
189
C in ém a
w * millions. Si le budget total du
film ne dépasse pas quatre-vingt-
dix ou cent millions, il a de
fortes chances de décider un
producteur à engager les sommes
complémentaires. Encore faut-il
faire vite. Une fois l’avance du
Centre accordée, l’affaire doit
être montée dans les semaines
ou les mois qui suivent sous
peine d’être oublié.
L’avance sur recettes présente
un autre avantage. Le CNC,
c’est à dire F État, ayant engagé
une certaine somme dans le film
et ne pouvant réc u pérer cet
argent que sur l’exploitation du
film, celui-ci est pratiquem ent
assuré d ’une distribution, ne
serait-ce que dans un circuit
appartenant à F État!
Car il ne suffit pas de produire
un film pour le voir imm édia
te m ent distribué. Combien de
premières œuvres d orm ent en
core dans un tiroir dont elles ne Moullet, réalisateur de Brigitte est bien rare qu ’un moins de
sortiront sans doute jamais? et Brigitte), c ’est-à-dire cent trente ans puisse le mettre dans
La production par elle-même fois moins qu ’un budget normal. la balance. C ’est sans doute
n’est au bout du com pte q u ’une La pratique du 16 mm et des l’une des raisons qui préside au
opération relativement aisée. équipes en participation pos recrutem ent des metteurs en
Mais à certaines conditions. Il sède ses inconvénients: le film scène parmi les couches aisées
faut accepter de n’être pas payé, réalisé selon ces principes ne de la société.
trouver une équipe technique peut prétendre à une grande Au barrage institué par le
et des acteurs qui travaillent en diffusion. Le manque de moyens Centre à l’accès au titre officiel
participation (c’est-à-dire dont est évident, les acteurs sont des de réalisateur, s’ajoute un second
le salaire est converti en parts inconnus: autant de facteurs barrage officieux, mais tyran
de production, représentant un qui aiguillent directement le film nique, celui de l’argent.
certain pourcentage sur de sur les circuits Art et Essai, dont
futures et hypothétiques re la valeur n’est pas en cause, Les cinéastes 1 9 6 7
cettes) et, bien entendu, tourner mais que certain accusent de sont des co n treb an d iers
avec des moyens qui évoquent constituer un véritable ghetto Cela n’em pêche pas le nouveau
d ’assez près ceux des pionniers cinématographique. De plus, il contingent de passer aux actes.
du cinématographe... est illusoire, dans le cas d'un Ils viennent de la critique, de
T ourné dans ces conditions d ra film de cinq ou dix millions, de la production ou du montage.
coniennes, un long métrage de co m p ter sur l’aide du CNC. Ce sont d’anciens acteurs, des
format standard peut revenir à Bien au contraire, ces films se assistants ou des outsiders. Ils
dix ou quinze millions. En com font à l’insu du centre et prati possèdent en com mun le désir
prim ant encore les dépenses et quem en t malgré lui. Le cinéaste enthousiaste de réaliser leur
en filmant en 16 mm, il est pos en est alors réduit à devenir son premier film à tout prix. Com me
sible de descendre ju sq u ’à trois propre producteur. Or, même aime à le constater Je a n Eus-
millions anciens (affirme Luc s’il s’agit d ’un mini-budget, il tache, 29 ans, auteur de l’excel-
190
A voir
lent Le père Noël a les yeux
bleus: « Autrefois, les cinéastes
essayaient de faire une carrière.
Une technique
P H O T O G R A PH IE
191
P h oto g rap h ie
jute. Impossible de savoir ce
que l’on avait attrapé avant que
d’être passé au laboratoire.
1947: un am éricain de génie,
doublé d’un businessman;
Edwin H. Land, invente le pro
cédé Polaroid. On peut en
quelques secondes, 60, puis
bientôt 10, obtenir une excel
lente image positive tirée et
développée à l’intérieur même
de l’appareil. La photographie
est libre. Procédé mécanique
de reproduction du réel, elle est
devenue prolongem ent de l’œil.
Ce livre étonnant retrace donc
pour nous les vies de lutte,
d’espoir, de renoncem ent, de
gloire ou d ’oubli de ceux qui
firent de la photographie une
technique d ’abord, un art en
suite. Les documents reproduits,
pour la plupart inconnus en
France, ont une beauté, une
Cette photo date de 1860: c’est la garde du drapeau au camp de Châlons. valeur anecdotique, archéolo
gique ou historique qui en font
les témoins perm anents de la
vie du m onde depuis un siècle
*» -part ensuite à la conquête du blème est totalement résolu vers et demi.
mouvement. En 1878, c ’est 1930. L’ascension est irrésis Une bonne bibliographie te r
chose faite. Charles Harper tible. Q ue lui r e s te - t- i l à mine cet ouvrage. Il témoigne
Bennett prend des instantanés c o n q u é r ir? le m onde. Les que la photographie est devenue
au 1/25' de seconde qui étonnent grands magazines de notre une part de notre culture.
le monde photographique. Ayant siècle. La Berliner Illustrierte J.-L. Swiners.
conquis le mouvement, elle part en 1923, Life, Look en 1936,
à la conquête de l’homme. sont là p our l’aider.
A utour de 1908, Lewis Hine, un La m ême photographie est dif
sociologue ayant fréquenté les fusée la même semaine, par leur
universités de Chicago, C o intermédiaire, à 10 millions
lumbia et New York, ph oto d ’exemplaires et vue par 30 mil
graphie avec un a pp a reil lions de personnes.
13 x 18 cm, et au magnésium, Et la couleur? Niepce, déjà,
des enfants qui travaillaient écrivait à son frère Claude à
alors en usine. En attirant l’at propos de ses travaux: «Il faut
tention sur leur exploitation, il que je parvienne à fixer les
suscite le vote des lois pro couleurs». En 1935, le koda-
tégeant l’enfance. chrom e accomplit cet exploit:
Ayant conquis la société, il reste fixer l’a r c - e n - c i e l sur trois
à conquérir l’instant, le m om ent couches chromogènes.
décisif. Jacques-Henri Lartigue, Mais jusque-là, l’appareil photo
Erich Salomon, André Kertesz, graphique était un filet à pa
Henri Cartier-Bresson : le pro pillons fait de grosse toile de
192
A voir
PH IN TUR H I L'art et la technique
sont de plus en plus intégrés
On prend un couloir, on descend quelques m arches et c’est la optique. Il a sa mythologie, ses
féerie. Par-ci par-là, des traits de néon dans des cham bres noires ancêtres et ses pionniers. L’in
et, parto ut sur les murs, des écrans lumineux qui nous offrent sans venteur mythique du lumino-
fin formes, couleurs et ombres portées en perpétuelle mouvance. cinétisme est français, com me il
C ’est le couloir de métro de l’an 2000. le L una-Park du nerf se doit. Un jésuite, Louis Ber
optique *. trand Castel, a mis au point dès
Nous ne sommes pas dans un du xxe siècle. Voilà théori 1734 le premier clavecin oculaire,
quelconque musée Grévin bé- quement les deux termes majeurs précurseur de tous les mobiles
barrassé pour la circonstance du débat contemporain. Eh lumineux actuels: un orgue dont
de ses poupées de cire au profit bien, nous en sommes loin le clavier actionnait des bandes
des petites machines, mais bien avec cette exposition, qui tient colorées transparentes éclairées
au musée d ’Art m oderne de la plus de la Foire du T rône ou de à la chandelle. N ’en déplaise à
Ville de Paris, en pleine expo la Triennale de Milan que de Voltaire, qui était son co n tem
sition Lumière et Mouvement. n’importe quel autel mondria- porain et qui n’a pas compris
Dès q u ’elle fut programmée, nesque ou reposoir c o n tem I importance de la découverte,
cette manifestation suscita un platif à la mode. le bon père vient de faire une
énorm e intérêt. On l’attendait Ne nous y trompons pas. L’évé entrée aussi triomphale que ta r
avec d ’autant plus d ’impatience nem ent a été d ’im portance. dive dans l’histoire de l’art.
qu ’elle venait à son heure. N ous avons assisté à l’acte de II faudra attendre près de deux
Après tant de temps perdu et baptêm e parisien d ’un art nou siècles pour que cette trouvaille
d’occasions manquées, le musée veau. L’op art, en tant q u ’héri luministe se perfectionne et se
municipal ouvre ses vannes. tier direct de la peinture géom é rationalise: c ’est en 1919 que
trique des Kandinsky, Malevitch Thom as Wilfred, danois émigré
Le lu m in o -g é o m é tris m e : et Mondrian, est désormais dé aux USA, met au point son
au -d elà du pop e t de l'op passé. Dans la grande mare du Clavilux, un système de pro
Mais les spécialistes qui s’atten néo-géométrisme, le lumino- jections lumineuses actionnées
daient à une revanche de l’op- géométrisme, que nous présente par un clavier com m andant une
sur le pop en seront pour leurs aujourd’hui Frank Popper, res batterie d ’ampoules électriques
frais. D ’abord parce que, en semble à ces jeunes brochets de et de réflecteurs.
dépit des étiquettes made in rivière qui se mordent la queue
USA les frontières entre les en attendant de sauter sur tous Les fo rm e s esthétiq u es
genres sont plutôt confuses. les petits poissons qui passent. s'in té g re n t à la tec h n o lo g ie
Pop(ular) a rt: un art populaire C ette troisième vague construc- Le Clavilux, revu et corrigé par
à la dimension réaliste du siècle, tiviste a fait son choix dans le Bauhaus, a fait des petits. A
un naturalisme m oderne, indus le répertoire traditionnel: elle l’occasion d ’une exposition Art
triel et urbain. Op(tical) art: un a résolument opté pour le et Lumière qui a eu lieu à Ein-
art p urem ent optique, un art de mouvem ent pluri-dimensionnel dhoven l’an dernier et qui préfi
la sensibilité rétinienne, qui se contre le statisme des formes gurait en quelque sorte la mani
propose exclusivement d ’ex simples, pour l’électricité et festation parisienne, le critique
ploiter nos différents modes l’électronique contre la lumière cinétique Jean Clay a pu si
d 'acco m m odation aux couleurs du jour: les petit-fils de Denise gnaler à juste titre la naissance
et qui, par là-même, s’inscrit René sont les boy-scouts mi « d ’un académisme néo-tachiste
dans la continuité de la peinture litants du cinétisme. des formes lum ineuses sur
1. L ’ex p o sitio n Lumière et Mouvement vient L’art cinétique est tout de même écran ».
de se te n ir au m usée d ’A rt m o d ern e . plus qu ’une branche du tronc L’art cinétique toutefois ne peut
193
P ein ture
»•" pas se limiter à la seule posté dans le grand silence blanc des hélas le musée de Copenhague
rité de Thom as Wilfred, aussi années 50, que la ténacité d ’une a refusé de faire voyager le
abondante soit-elle. Ses reliefs m archande d ’art fidèle à ses célèbre et grand tableau « Le
transformables et ses écrans vi premières amours. Pour une m ont-Blanc ».
bratoires,ses montagnes animées fois, l’occasion a été saisie au Louvre, fin novembre.
et ses environnements lumineux, bon m om ent: Paris serait-il de
ses effets de transparence op nouveau à la hauteur de son Les trésors russes
tique et ses structures spatio mythe? Au G ra nd Palais, d ’octobre à
dynamiques constituent un vaste Frank Popper ne s’est pas borné décembre, extraordinaire et pas
répertoire formel qui touche à à un simple échantillonnage de sionnante exposition de l’Art
tous les secteurs fondamentaux la nouvelle tendance. Les per russe, des origines à nos jours.
de la recherche créatrice contem spectives qu’il dégage sur l’archi 700 pièces sont réparties en
poraine. La profonde diversité tecture, l’urbanisme et le spec 4 grands chapitres: l’Art antique
du lumino-cinétisme, qui va de tacle rejoignent une idée géné et les trésors scythes; aux xvi° et
l’électronique au happening en rale du devenir esthétique: celle x v i i c siècles: 60 icônes; les
passant par l’architecture, est d’une croissante intégration des x v n r et xix° siècles riches en
bien à l’image de ses pionniers, formes au réel technologique, art populaire, et de nombreuses
des personnalités aussi contras correspondant à une nouvelle œ uvres modernes jusqu’aux
tées que l’Israélien Agam, le fonction sociale de l’art-jeu, de décors de théâtre. Dans le
Vénézuélien Soto, Nicolas l’activité ludique com me un courant de l’année cette expo
Schoeffer, Frank Malina, Vasa- langage de synthèse de l’esprit sition sera présentée en province.
rely, Kosice, Tinguely, Pol Bury, et des sens. Cette exposition Grand Palais, octobre 1967.
Takis. d ’art cinétique, dont il y aurait
C ’est entre 1955 et 1960 que sans doute beaucoup à dire dans C e n te n a ire Ingres
s’est produit le tournant crucial le détail, valait par son tonus Avant de se terminer, l’année
et que la troisième vague est d ’ensemble. C ’est une éclatante 1967 sera l’année Ingres. Pour
entrée en scène, tirant la leçon démonstration du renversement le centenaire de sa mort, le
des expériences cinétiques ou de la te nd ance culturelle: à la Musée du Louvre organise au
para-cinétiques antérieures et lettre, Paris bouge. Petit Palais, avec l’apport des
définissant avec clarté sa m é Pierre Restany. musées du m onde entier, une
thode de travail. Le Groupe de rétrospective de l’œuvre de
recherche d ’art visuel, animé par l’artiste (80 tableaux et environs
l’Argentin Le Parc, nous offre 200 dessins).
E X PO SIT IO N S Petit Palais, d'octobre 1967 à
une des tentatives les plus net
te m ent affirmées de synthèse janvier 1968.
opérationnelle du m ouvement,
basée sur la recherche de la Un aspect inconnu Un fau ve parm i les fauves
participation active du spec de Th. Rousseau Pour le 90e anniversaire de l’ar
tateur. Après être descendu Fin novembre s’ouvrira Galerie tiste, aux premiers jours d ’oc
dans la rue pour une journée Mollien, au Louvre, une expo tobre, le Musée d ’A rt moderne
entière, il y a deux ans3 des sition consacrée à Th. Rousseau. présentera la rétrospective de
C h a m p s-É ly sé es à M o n tp a r Par un choix restreint, limité à la période «fauve» de Van
nasse, le com m ando de choc du une centaine d ’œuvres: pein Dongen. 150 tableaux, dessins
cinétisme a fait une rentrée sen tures, gouaches et dessins, on et aquarelles feront revivre ce
sationnelle dans les musées. insistera sur l’aspect inconnu de mom ent étonnant d ’une si ful
Entre-temps, son chef a rem ce peintre paysagiste, en parti gurante intensité, touchant par
porté le G ra n d Prix à Venise. culier sur ses toiles de jeunesse sa je u ne sincérité dans son
J ’ai dit que cette exposition (marines, paysages d’Auvergne). paroxysme d ’expression, et si
était venue à point. Il était De nombreuses œ uvres seront déterm inante dans l’évolution
grand temps en effet que Paris prêtées par des musées des de notre art.
rende justice à ces chercheurs États-Unis, de Hollande, de A rt Moderne, octobre et novembre
qui n’eurent pour tout appui, Belgique et d ’Angleterre. Mais 1967.
194
A voir
A R C H IT E C T U R E Le Japon à l'avant-garde
de l'architecture
Alors que toute la presse o ccidentale parle actuellem ent de l’Expo- bretelles, mais comme des orga
sition Universelle de Montréal, à Tokyo on organise activement nismes vivants.
ia première Exposition Universelle d ’Asie, qui se tiendra en 1970. - Jadis, me disait Tangé à
Le Japon, devenu industriellement le troisième « G ra n d » , prépare Tokyo au printemps dernier, on
à Osaka, sa seconde grande ville, une exposition qui, com m e les attachait trop d ’im portance à
Jeux Olympiques de 1964, va am ener l’attention du m onde entier chaque élément. A ujourd’hui
vers un pays qui ne ressemble plus beaucou p à celui de « M ad am e c ’est le moyen d ’organiser ces
C hrysanthèm e ». éléments qui nous paraît le plus
C ’est Kenzo Tangé qui a été reunit les plus prospectifs des important. Jadis, c ’est la fonc
choisi com me architecte en jeunes architectes japonais tion qui était la plus impor
chef de l’exposition. Par cette dont les projets se placent sur tante. Aujourd’hui c ’est la struc
option, le Comité de l’Expo 70 le même plan que ceux des ture. La structure spatiale est
opte délibérém ent vers l’avenir. membres du G IA P à Paris ou plus importante que les éléments
Kenzo Tangé, né en 1913, est de A R C H I G R A M à Londres. q u ’elle soutient.
en effet l’un des dix plus im por
tants architectes du monde. De 1957 à 1960, Tangé prépara U n e grande d ate de
Bien q u ’il n’ait construit q u ’au une Conférence internationale l'h isto ire de l'a rc h itec tu re
Japon, la plupart de ses œ uvres du dessin et réunit à cette C ’est dans cet esprit que Tangé
ont eu un retentissement mon occasion de jeunes architectes a réalisé en 1967 la première
dial, depuis son Hiroshima com m e Kurokawa et Kikutaké. architecture rom pant avec le
Peace Center en 1949 jusqu’au C ’est avec eux qu ’il prit cons parallélépipède fermé: le Yama-
magnifique stade pour les Jeux cience que le système de l’ar nashi Com munication Center.
Olympiques en 1964. Tangé a chitecture moderne, représenté Ce bâtiment, transparent, avec
construit à T okyo aussi bien par des vedettes comme Gropius, ses circulations verticales et
l’Hôtel de Ville en 1957, en Mies van der Rohe et Le horizontales reliant les blocs
acier et verre, que la ca thé Corbusier, était en train de habitables, m arquera certai
drale catholique en 1965. Deux s’effondrer. P endant ces trois nem ent une date dans l’histoire
de ses plans d ’urbanisme sont années, l’image fondamentale de l’architecture.
cités com m e modèles dans tous de l’architecture structurale et Le groupe Métabolisme, fondé
les traités d’architecture: Tokyo- spatiale leur apparut. En 1958 en 1960 par d ’anciens collabo
sur-M er en 1960 et Skopje en déjà Kikutaké dessinait ses cités rateurs de Tangé, com prend
1965. flottantes et, en 1959, Tangé quatre architectes: Kurokawa
alla professer au Massachusetts (33 ans), Kikutaké (38 ans),
Il fa u t avoir lnstitute of Technology de Otaka (40 ans). M aki (38 ans);
un pied dans le fu tu r Harvard, où il eut notamment un « industrial designer»: Ekuan
Mais p our nous, Tangé dépasse com m e étudiant Mosche Safdie, (36 ans); un « graphie designer»:
un Niemeyer ou un Saarinen, auteur de l’H abitat 67 à l’Expo- Awazu (36 ans); un critique d’ar
dont il est l’égal quant aux sition de Montréal. En 1960, chitecture: Kamazoé (39 ans);
réalisations, par ses visions Tangé publiait son premier plan un urbaniste: Asade (42 ans); un
prospectives de l’architecture. prospectif: Tokyo-sur-Mer, où photographe: Tomatsu; un
Tangé est sans doute le seul l’organisation de l’espace rom peintre: Manabe.
architecte grand réalisateur qui pait avec les notions stric Ce groupe, donc pluridiscipli
ait un pied dans le présent et un te m en t fonctionnalistes, les naire, est actuellement l’un des
autre dans le futur. Il existe au voies de communication n’étant plus à l’avant-garde dans le
Japon une École de Tangé qui plus considérées com m e des monde. Son animateur est Kuro-
195
A rch ite ctu re
W k a w a , dont le projet de ville actuellem ent une remise en
spatiale en structures hélicoï question de l’architecture mo LIVRES D’ART
dales est bien connu. derne «classique». Mais à la
Il est intéressant de constater différence de la F rance qui ne Le monde de Vézelay ( Zodiaque)
qu’au moment où, au Japon, confie aucun travail à Friedman La collection Les points car
Tangé et ses très jeunes colla ni à M aym ont, et à l’exemple de dinaux se caractérise par une
borateurs rem ettaient en ques l’Allemagne qui a désigné leur conception particulière de cha
tion les données de l’archi égal en ce pays, Frei Otto que volume, bâti com m e un
tecture moderne, en Europe m embre avec eux en 1960 du tout, texte et images s’y en
Yona Friedman fondait en 1957 G ro u p e de recherches de l’ar chaînant sans discontinuité,
le groupe d’études d’architec chitecture mobile), pour cons pour ne pas rom pre leur har
ture mobile, dont les recherches truire le pavillon allemand à monie, la table des matières et
étaient absolument identiques. Montréal, Kurokawa doit réa des planches étant rapportée en
liser un pavillon de forme héli fin de volume. Cela donne des
U n e nécessaire coïdale en 1970 à Osaka. livres particulièrement enri
rem ise en cause Un autre groupe prospectif, chissants et Le monde de Véze
L’idée des Intrahaus de Jonas et E nvironnem ent-K ankyo, est lay est un des plus beaux. Le
celle de la ville spatiale de animé par le critique d ’art Tono choix de La Cantate à trois voix
Friedman datent de 1958. En et com prend un architecte des de Paul Claudel pour ac co m
1959, année où Tangé professait plus prospectifs: Arata Isozaki. pagner de magnifiques images
au MIT, Friedman publiait son Isozaki a travaillé pendant dix de Vézelay me paraissait, à pre
Manifeste de l’architecture mobile ans avec Tangé. Ses propres mière vue, discutable, mais en
et en 1960, la même année où projets de ville spatiale s’ap réalité c’est un choix excellent,
Tangé publiait son Tokyo-sur- puient sur le principe d ’une une harmonisation totale entre
Mer, Paul Maymont prenait son architecture croissante où l’es la pierre transfigurée de cette
premier brevet de cités flot pace construit se transforme et basilique, qui symbolise l’art
tantes. De telles rencontres, de s’agrandit com m e les rayons roman com me Chartres symbo
telles recherches parallèles d ’une bibliothèque. lise l’art gothique, et le m er
m ontrent q u ’il existe bien Michel Ragon. veilleux poèm e de Claudel. A.B.
196
A voir
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A b o n n e z-v o u s
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P U B L IC A T IO N S
A C T IV IT É S P L A N È T E LO U IS P A UW ELS
A d m in is tra tio n
Le cours de lecture rapide A propos de
Président D irecteur général
de François Richaudeau « L'industrie du futur » Louis Pauwels
D irecteur général
Les lecteurs de Planète con La Société S.E.D.E.I.S., dont Philippe Rossignol
naissent le « Cours de lecture Jacques Bergier a parlé dans C onseiller technique et com m ercial
rapide Richaudeau» (voir no son article L ’Industrie du futur François Richaudeau
tamment le numéro 26) dû à dans Planète n° 35, nous prie de Secrétaire général
François Richaudeau et Michel signaler que «la S.E.D.E.I.S. Jacques Tierce
et Françoise Gauquelin. Le est une société absolument indé Relations internationales
succès de cet ouvrage ne cesse pendante, qui ne vit que de ses A lex Grall
de s’affirmer. Tous ceux qui, à ventes et abonnements. Quant
des degrés divers, ont des res à Futuribles, dont M. de Jou- R é d a ctio n
ponsabilités en ressentent l’im venel est membre du Comité D irecteur général
portance et même l’urgence. international et directeur des Louis Pauwels
François Richaudeau a été reçu études, cette organisation a A ttaché à la direction générale
parle roi Baudoin de Belgique seulement bénéficié de la part Jacques Bergier
à qui il a présenté sa méthode. de la Fondation Ford d’un D irecteur des rédactions
Il a récemment fait une confé grant de cinq ans. Actuellement Jacques Mousseau
rence demandée par M. Bonnet, toutes les activités Futuribles, D irecteur artistique
inspecteur général de l’ensei études, groupes de recherches, Pierre Chapelot
gnement, devant 80 pédagogues colloques et collection d’ou
PU BLIC ATIO N S
au Centre national d’Éducation vrages, sont supportées par la
de plein air à Suresnes. Il parti S.E.D.E.I.S. M. de Jouvenel, PLANÈTE
PIAN ETA (Turin)
cipe également aux travaux de qui est Président-Directeur de PLANETA (Buenos Aires)
la Commission de lisibilité pour cette dernière et était à l’origine BRES PLANÈTE (La Haye)
l’assemblée générale de l’A. du projet Futuribles, garde PLEXUS
PÉNÉLA
TYP.I. qui se tiendra dans le beaucoup de reconnaissance à
cadre de l’Unesco en octobre la Fondation Ford d ’avoir aidé Adresses
1968. ce projet à ses débuts, et, bien 114, Champs-Élysées. Paris 8
que ne bénéficiant plus d’aucune Tél. : ÉLY. 8 6 .5 0 et 84.16
42. rue de Berri. Paris 8.
subvention, poursuit les études Tél. : ÉLY. 25.0 6
engagées.
Omission. Par suite d'une omission dont nous Cette indépendance, à laquelle
nous excusons, il n ’était pas signalé que ta
photo parue en page 135 de notre numéro 24 nous tenons, a son prix de
était de José Gerson travail et de difficultés. »
Les Cahiers de la publicité au « 1 1 4 »
Les Publications Louis Pauwels viennent de reprendre les
Cahiers de la publicité. Il s’agit de la seule revue française
consacrée à la sociologie d ’un des plus importants phénomène
de notre époque: la publicité. La revue continuera à publier
des études de fond sous les plus importantes signatures. La
direction en est désormais confiée à notre ami François
Richaudeau, Jean-Claude Macquet continuant à en assurer la
rédaction en chef.
D é p ô t légal 3' trim e s tre 1967
C o m m issio n p a rita ire m 38.468
N" d ’im p rim e u r: 5822
198
Activités Planète
PLANÈTE
DIRECTEUR LOUIS PAUWELS