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de la couverture
de ce numéro :
Interprétation d'une tête
de Bouddha
située entre
le IV e et le V I e siècles
après J.-C.
A la recherche
d'un état
de conscience supérieur,
d'un point fix e
de l'esprit d'où cesserait
de se poser
l'énigm e de l'existence.
PLANETE
LA PR EM IÈR E R E VU E DE B IB L IO T H È Q U E
É D IT IO N S R E TZ
A D M IN IS T R A T IO N
46 RUE DE LILLE A PARIS 7
S O M M A IR E
R ÉDACTION
8 RUE DE BERRI PAR IS 8
DIFFUSION
Éditorial
DENOEL - N.M.P.P.
5
Le Savoir en liberté par Louis Pauwels
A B O N N EM EN TS
6 NUM ÉROS 27 NF.
12 N UM ÉROS 48 NF. C hronique de notre civilisatio n
C .C .P . 18.159.74 9
11 nous faut des avocats de l'avenir par Robert
A B O N N E M E N T S BELGIQUE Jungk
A . B. G. E. 116 AVENUE LOUISE
BRUXELLES - 5 -
Le m o u vem en t des connaissances
6 NUM ÉROS 350 F. B.
12 NUM ÉROS 580 F. B.
12
La grande révolution est commencée par Jean
C .C . P. 582.11
Charon
138 155
La sociologie / Un nouveau mouvement d'idées I La m usique / Une conversation avec Igor
Création d'une économie évolutionnaire / Les Markevitch / Ce que fait un chef-d’orchestre ;
travaux de Bloch-Morhange Mémoire / Magnétisme
Le savoir en liberté
Louis P auw els
Editorial
notre vision de la psycho-physiologie humaine : complexe d ’Abraham : les pères tuent les fils.
notamment dans la physiologie si déroutante des Les gouvernements, qu’ils soient démocratiques
états mystiques, des guérisons miraculeuses, etc... ou totalitaires, renonceront-ils à ces expériences
Ainsi, encore une fois, la recherche libre aboutit catastrophiques? Certainement pas. Ils n ’y renon
à une action libératrice : à un accroissement de ceront pas pour deux raisons au moins. La
notre conscience des possibilités infinies de la première est que l’opinion populaire ne peut
nature et de la vie. être saisie de la question. Elle n ’est pas au niveau
de mentalité planétaire qu’il faudrait pour réagir.
La seconde raison est qu’il n ’y a pas encore de
DÉCOLONISER LE SAVOIR gouvernements doublement éclairés par la science
et la conscience, mais des sociétés anonymes à
capital humain, chargées, non de faire l’histoire,
Pourquoi insistons-nous sur ces travaux? C ’est mais d ’assumer les divers aspects de la fatalité
que nous sommes dans une époque où les savants historique.
n ’ont ni tout à fait le temps, ni tout à fait le
droit de pratiquer une recherche libre. Tous les
UN MONDE OU TOUT EST POSSIBLE
efforts et tout le matériel sont concentrés sur
l’efficacité immédiate : financés par le pouvoir
pour le maintien du pouvoir. La recherche fonda Cependant, la fatalité n'exerce son poids mortel
mentale est remisée à l’arrière-plan. L ’urgent est qu ’à partir des zones que l’intelligence n'atteint
de tirer le maximum de ce que l’on sait déjà. pas. Nous croyons en l’extensibilité illimitée de
Pouvoir importe plus que savoir. Or, c’est par l’intelligence. Nous croyons donc que libérer la
notre attention, notre sympathie, notre vigilance, connaissance est vaincre la fatalité : cesser de
que nous pouvons aider la connaissance à s’affran subir l’histoire pour la faire.
chir. Mais, évidemment, nous n ’aurons d ’ardeur La physique nucléaire, colonisée par le pouvoir,
à le faire que dans la mesure où nous nous y va-t-elle, comme le dit Jean Rostand, « gaspiller
serons suffisamment intéressés pour comprendre le capital génétique de l’humanité »? Oui, sans
qu’elle va dans le sens du progrès de l’homme doute, durant quelques années. On peut nourrir
lui-même, de la conquête de son cosmos intérieur, une confiance éclairée dans le destin de l’humanité
et que, à y bien regarder, c’est l’homme qui est et la montée générale du phénomène humain,
le créateur de l’homme. sans pour autant tomber dans an optimisme
Où en sommes-nous, pour l’instant? Le contact naïf. Mais il nous appartient à tous d ’aider la
avec des neutrons rend radio-actifs tous les science à dénouer le nœud qu’elle vient de faire.
éléments. Comme le montre dramatiquement Les tâches sont multiples dans ce sens, et chacun
Robert Jungk dans ce même numéro de Planète, de nous a ses moyens et sa voie. Notre tâche, à
les explosions nucléaires empoisonnent l ’atm o nous, est, modestement, d ’attirer l’attention sur
sphère de la terre. Cet empoisonnement, qui les idées nouvelles, d'établir des circulations
progresse de façon géométrique met en péril les entre les connaissances et les esprits, d ’exprimer
générations à venir, et nous préparons un génocide, cet ardent besoin de refaire l’apprentissage de la
dans lequel Gaston Bouthoul, en une autre réalité, qui constitue la saveur même de notre
étude de ce numéro, voit l’effarant effet du époque.
Editorial
Les méthodes de transmutation actuellement
connues, ne permettent pas de juguler l’énergie
et la radio-activité. On opère des transmutations
étroitement limitées, dont les effets nocifs sont,
eux, illimités. Si les alchimistes ont raison, il
existe des moyens simples, économiques et sans
danger de transmuter la matière. La nature
elle-même nous fournirait ces moyens. Curieu
sement, des travaux comme ceux de Kervran
et d ’autres chercheurs isolés, font écho à l’antique
enseignement. Si ces travaux ont quelque justi
fication et s'il existe une énergie spécifique de la
vie, transformatrice de la matière, le Livre de la
Nature, comme le pensaient les Sages, ne nous
enseigne pas la mort fatale, mais tout au contraire
la résurrection permanente et, somme toute, la
direction du salut. Comme le fait remarquer
Kervran, aucun acquis de la physique d ’aujour
d ’hui ne nous permet d ’admettre de telles trans
mutations « naturelles >< dont la réalité ouvrirait
de bouleversantes perspectives. Mais notre igno
rance de la nature des forces nucléaires et de la
structure du noyau doit nous obliger, si nous
sommes honnêtes, à ne pas parler d ’impossibilités
radicales. Toute bonne encyclopédie d ’aujourd’hui
devrait être d ’abord une encyclopédie des igno
rances : on y découvrirait l’infinité du possible.
L ’imagination se réveillerait, les idées neuves
afflueraient : c ’est ce dont, justement, la science,
jugulée par les pouvoirs, a besoin. Et ce dont
tous les hommes ont besoin, c ’est de se sentir dans
un monde où tout est possible, Mais quand tout
est possible, tout n ’est pas permis : notamment le
mandarinat. Ce qui nous ramène à notre propos
du début, et au sens même de notre action.
LO U IS PAUW ELS.
Editorial
Il nous faut des avocats de l'avenir
R obert Ju n g k
Nous avons déjà présenté Robert NOUS LAISSERONS DES DETTES ÉNORMES
Jungk (voir notre numéro 1) écrivain
et journaliste, auteur des ouvrages On le dit, on le redit, en cette période d ’essais d ’armes atomiques :
célèbres : « Le Futur est déjà com
mencé », « Plus Clair que Mille
nos enfants, nos petits-enfants et leurs lointains descendants payeront
Soleils », « Vivre à Hiroshima ». la note de notre génération, la première génération de l’ère atomique.
Témoin de la science en marche et Nous sommes légers. Nous sommes aveuglément et criminellement
des forces prospectives qui orientent légers.
le monde, son audience est inter On a dépeint avec assez de précision les futurs enfants monstres
nationale. touchés par les retombées radioactives. On a imaginé et même cherché
Il vient de nous faire parvenir d’Alle à évaluer avec précision le nombre d ’êtres humains qui, au troisième
magne cet appel, avant d’entre millénaire, seront atteints de cécité, de cancer du foie et de difformités
prendre dans divers pays une série congénitales. Et puis? Le silence. Des chœurs de protestations se
de démarches en faveur de son projet.
Robert Jungk, on le sait, est opti sont élevés durant quelques heures, quelques jours, ou quelques
miste : il croit en l’avenir de l’intel semaines. Ils ont sombré, ils sont déjà presque oubliés. Qui se souvient
ligence, et il est persuadé que c’est, même des télégrammes affolés d ’Einstein? Chaque fois que les
finalement, l ’intelligence qui pren hommes du présent commettent des crimes irréversibles contre
dra le pouvoir. C’est au nom de cet l’avenir, on voit ainsi flamber la paille des âmes pures et impuis
optimisme même, qui est le nôtre, santes. Cela éclaire la scène un instant, puis ne laisse que l’obscurité
qu’il propose la création d’un « ordre plus profonde, propice à de nouveaux attentats.
des avocats du futur », afin que Il faudrait enfin faire davantage. Il faudrait enfin entreprendre une
l’image des mutations ascendantes
ne se « reflète pas dans un miroir
action réelle. Les beaux cris isolés des « humanistes » ne sont rien,
noir ». la littérature fondée sur la mauvaise conscience n ’est, en dépit de
Cet appel de Jungk correspond, dans ses louables intentions, que de la littérature. Voici une proposition.
ce même numéro de Planète, à l’ar L ’idée est née de la constatation d ’un des faits essentiels de
ticle de Gaston Bouthoul sur une notre époque : l’homme, jusqu’ici, développait son action dans
nouvelle vision de la guerre et, d’une l’espace ; il la développe désormais dans le temps, il la fait rayonner
certaine manière, à l’étonnante étude
de Konrad Lorenz sur « le loup et
la colombe ».
Le m o u v e m e n t des connaissances
s’élever au-dessus de leur propre condition de qui situe cet Homme-conscience par rapport à
« super-animal ». Mais le phénomène important l’évolution de la totalité du cosmos, on la retrouve
de notre époque paraît être que cette attitude n ’est en Physique, dans cette recherche des lois de la
plus seulement le privilège de quelques-uns, c ’est Nature formulées pour un « super-observateur »
un véritable mouvement de masse. Tout nous le qui ne serait pas tributaire des restrictions asso
montre et, indépendamment de la Science et de la ciées au mouvement ou aux sens de l’observateur
Philosophie, la tendance artistique actuelle, avec ce ordinaire. On la discerne encore en Médecine,
désir de l’abstrait (qui n ’est pas autre chose qu’une puisque notre siècle a multiplié ces maladies
recherche d ’union à la Nature ou à autrui par-delà d ’ « inadaptation au Monde » qui concernent,
les simples sens de l’Homme-objet), est encore là fondamentalement, non pas tant l’Homme-objet,
pour nous le confirmer. que l’Homme-conscience. Toute la tendance
artistique de notre époque est un effort pour une
LA JEUNESSE VEUT communion directe de l’Homme et de la Nature.
Q U ’ON OUVRE LES FENÊTRES La Jeunesse se révolte de façon de plus en plus
pressante en constatant que notre structure sociale
La Jeunesse du Monde est, peut-être mieux que immobile l’empêche d ’échapper à cet « engrenage »
quiconque, un témoin de cette nouvelle attitude que l’Homme-objet a fait de la Vie, et elle aspire
vis-à-vis du phénomène cosmique. Depuis quelques ardemment à de nouvelles réalités.
générations cette Jeunesse cherche en effet à
briser des structures de pensée qu’elle considère LA FIN D U PESSIMISME
comme complètement dépassées. Souvent, elle
s’essouffle, elle se lasse, et finit enfin par se laisser Tout ceci, ne le doit-on pas, en définitive, à la
prendre à notre « engrenage » traditionnel. Mais Science? Sans doute, cette Science n ’a pas uni
la génération suivante reprend le flambeau, avec quement apporté avec elle des bienfaits ; mais cela
toujours une soif grandissante de changement. doit-il justifier le sombre pessimisme dont on veut
Cette Jeunesse se révolte contre l’immobilisme des parfois l’affubler? Ne voit-on pas poindre les
« vieux », contre leur façon de porter des jugements premier symptômes d ’un nouvel humanisme, où
sur une réalité q u ’elle aperçoit à travers une l’Homme-conscience prendrait enfin le dessus sur
optique totalement différente. La Jeunesse actuelle le comportement de l’Homme-objet? N ’est-ce
étouffe, elle aspire à un renouveau, elle crie son pas la Science, et cet accroissement considérable
impatience devant notre hésitation à ouvrir les de nos connaissances, qui nous a conduits dans ce
fenêtres sur d ’autres horizons. Les « vieux » cas vers cette « prise de conscience globale » et ce
blâment parfois l’énergie que dépensent souvent nouvel humanisme aux dimensions du cosmos,
les Jeunes dans un comportement qui leur paraît et que l’on aimerait nommer l’« Universalisme »?
incompréhensible, et donc inacceptable; ceux-là N ’est-ce pas la Science, et la conquête de l’espace
se trompent : la Jeunesse est incompréhensible qu’elle nous laisse présager pour bientôt, qui nous
parce q u ’elle prend conscience d ’un Monde que impose d ’élargir notre façon de penser ? Et, après
nous ne comprenons pas encore. tout, même pour ceux qui ne sont pas pleinement
consentants, n ’est-ce pas la Science et les menaces
PARTOUT L'ÉCLOSION qu’elle laisse planer sur nos têtes, si nous n ’y
D ’UNE NOUVELLE CONSCIENCE prenons garde, qui nous sollicitent à adopter de
toute urgence de nouveaux points de vue? N ’a-t-on
Cette « verticalité », qui a fait s’élever au-dessus de pas le droit, dans un moment si critique, à un
l’Homme-objet un Homme-conscience, on semble peu d ’optimisme? N ’a-t-on pas le devoir d ’espérer
donc pouvoir la reconnaître tout autour de nous. que la Science nous apportera demain, en même
Issue des philosophies teilhardienne et jungienne, temps que des Terres nouvelles, des Hommes
nouveaux ?
JE A N C H A R O N .
Idoles cimmérienrtes
trouvées à Tiritaka : Les civilisatio n s disparues
figure virile, figure féminine.
a 7 kilomètres de long. Des milliers d ’hommes et L ’ÉNIGM E DE LA CULTURE FATIAN
de femmes y vivaient. Ces êtres étaient divisés en
trois castes : les prêtres du feu, les guerriers et les Dans un livre préfacé par l’académicien A.N.
simples citoyens. Des archéologues soviétiques Nesmianov (président de l’Académie des sciences
comme S.P. Tolstov commencent à dégager un l’U.R.S.S. en 1960), Gleb Goloubev écrit : « A une
passé inconnu que l’on ne peut guère reconstituer heure de train électrique de Moscou, les mystères
que par recoupements. Tolstov retrouva des de Fatian se dressent toujours, plus étranges
références au second empire de Khorézime dans encore que ceux de l’île de Pâques. On y trouve
les chroniques chinoises. Il a pu ainsi faire resurgir des tombeaux, mais aucune trace d ’habitation.
tout le sixième siècle de l’ère chrétienne dans la C ’est à se demander si nos ancêtres de la culture
région. Grâce à ces chroniques chinoises, nous de Fatian n ’habitaient pas dans une autre planète
apparaît une organisation sociale assez semblable et n ’arrivaient pas sur la Terre dans leurs astronefs
à celle de l’ancienne Rome avec non seulement uniquement pour y enterrer leurs morts. »
l’esclavage, mais la notion de « clients », c’est-à-dire C ’est une boutade. Il n ’en reste pas moins que le
de personnes dépendant d ’une famille de citoyen. mystère Fatian est certainement un des plus
Une révolution paraît avoir éclaté vers 588 et les étranges de la Terre. Il y a près d ’un siècle déjà,
Chinois auraient envoyé une armée au secours un noble seigneur s’intéressant à l’archéologie,
d ’un des empereurs rivaux. Au vm e siècle, le le comte Alexei Sergeïvitch Ouvaroff, commença
royaume de Khorézime est conquis par les Arabes. de faire des fouilles dans la région du village de
Au xm e siècle, ce sont les grands combats grâce Fatianovo, non loin de Moscou. Il découvrit une
auxquels sont arrêtées les hordes de Genghis Khan. culture de l’âge du bronze, vieille de quatre mille
Ainsi deux mille ans d ’histoire de Khorézime ans. Mais ce qu’il avait découvert, c’étaient des
viennent d ’être en partie reconstitués. Quatre tombes, avec des porcelaines, des haches, des
cents sites ont été repérés dont quatorze seulement objets de bronze. Il découvrit bien d ’autres
explorés. Une salle des rois a été découverte à tombes provenant de cette civilisation, situées le
Toprak-Kale : d ’énormes statues assises montrent plus souvent dans le voisinage des rivières. Il y
les rois de Khorézime du m e siècle, avec leurs trouva, enterrés verticalement, des hommes, dés
couronnes en forme d ’aigles blancs. Toprak-Kale femmes, des ours, et, quelquefois, des bobines
se présente comme un rectangle de cinq cents de fils d ’or de plusieurs centaines de mètres de
sur trois cents cinquante mètres, dominé à l’époque long. De nouvelles fouilles mirent au jour éga
par trois tours colossales maintenant détruites. lement des sépultures contenant de la céramique
De véritables usines ont été trouvées : fonderies, fine d ’excellente qualité et très originale par ses
usinage du bronze, et des sortes de laboratoires motifs décoratifs, des cailloux marqués de signes
chimiques dont le rôle n ’est pas encore défini. étranges, des haches de formes spéciales. Pas la
Le palais royal n ’avait pas de fenêtres. Il était moindre trace d ’habitation de ceux qui enterraient
éclairé par des « puits à lumière » qui diffusaient ainsi avec pompes et cérémonies leurs morts.
le jour sur tout l’ensemble d ’un étage. Après En 1932, on trouvait près de Vaoulovov, dans la
l’abandon du palais en 305, la ville de Toprak-Kale région de Yaroslav toute une série de tombes
a survécu pendant deux siècles encore. On vient de Fatians dont une enfermait les restes d ’une
d ’y retrouver un certain nombre d ’inventaires chèvre sacrifiée selon un rite rappelant le vaudou
écrits à l’encre de chine sur du bois ou du cuivre haïtien et une autre où avaient été déposés des
et qui complètent les onze documents que nous colliers de dents d ’animaux ou d ’ossements
mentionnions ci-dessus. d ’oiseaux. Un examen de la densité du sol autour
Mais les archéologues soviétiques, dont l’effort du tombeau de la chèvre montra que l’on avait
est relativement récent, butent sur des mystères dansé pendant des années, selon un rite aussi
plus profonds que ceux de Khorézime. vieux que l’humanité, un rite magique rejoignant
ces profondeurs du temps dont parle H.P. habitations des hommes de Fatian soulève le
Lovecraft. problème le plus difficile qui se soit jamais posé
Après la guerre, sur l’impulsion de P.D. Stepanoff, à l’archéologie » déclarait récemment le professeur
on tenta de résoudre l’énigme de Fatian. Sans A.B. Artrukovsky. Actuellement on essaie, à
résultat. On pensa q u ’il s ’agissait de nomades : l ’aide de la photographie aérienne, de retrouver
mais ils possédaient des troupeaux abondants les pistes qui devaient aller des tombeaux de
qu’il n ’était guère possible de mener à travers les Fatian à leurs mystérieuses habitations. Il n ’est
forêts épaisses de la Russie à l’époque. Il fallait évidemment pas facile de retrouver des sentiers
donc qu’ils aient des habitations fixes. On avança datant de quarante siècles...
qu’ils étaient des nomades des rivières flottant
sur d ’immenses radeaux. L ’hypothèse n ’est abso PAR ORDRE CHRONOLOGIQUE
lument pas prouvée. En 1958 on retrouva de
nouvelles tombes, enfermant, cette fois-ci, des Khorézime et Fatian sont, en quelque sorte, les
guerriers tombés au combat par des flèches de deux pôles de l’archéologie soviétique. D ’une part,
pierre. Le problème n ’est toujours pas résolu. des révélations si abondantes que l’on n ’arrive
« La disparition mystérieuse de toutes traces des guère à tout exploiter. D ’autre part, le mystère
Nul n’a oublié l ’admirable expé LETTRE SUR LES HOMMES OUBLIÉS
dition de Mazière dans les forêts
de l’Amazonie. Avec des hommes M on cher Pauwels,
comme Dominique Gaisseau, Ma Vous me demandez de reprendre la communication que j ’avais cru
zière fait partie de la génération des devoir faire à la Conférence des Sommets de Bruxelles. Il s’agissait
grands aventuriers de l’ethnologie, pour moi, et cela dans le cadre d ’un vaste effort collectif pour renou
parfaitement décidés à risquer leur veler les méthodes d ’approche de la connaissance, de tenter de situer
vie pour pénétrer, sans préjugés ni la tradition orale des « primitifs » par rapport à la pensée moderne.
anciens ni modernes, les mystères, En présence de la lucidité d ’hommes de science comme Zwicky et
la pensée et les techniques du monde Von Karman, nous pouvions alors tenter cette connection et nous
primitif que nous avons condamné apercevoir que, dans le domaine de la physique céleste, par exemple,
à la disparition sans aucun souci le chiffre de la plus récente pensée mathématique rejoint cette tradition
d’en rien recueillir. orale. Quand un savant comme Von Karman nous parlait, à Bruxelles,
Francis Mazière prépare en ce du monde des supernovae, il y avait dans sa pensée la perception
moment la première expédition d ’une science fondamentale qui l’engageait à s’inquiéter des quelques
vraiment complète et scientifique paroles que la Tradition orale ose nous livrer. Aux portes d ’une
dans l’île de Pâques. II y a urgence : mutation voulue, nous avons sans doute profit à prospecter certaine
des projets militaires menacent de connaissance dite primitive, qui s’avère subitement faire appel à une
faire disparaître, sur cette île, les forme d ’entendement supérieur.
vestiges d’une des plus grandes Je n ’avais jamais osé croire que M. Zwicky, directeur de l’Observatoire
énigmes laissées par l’ancienne du M ont Palomar, puisse, au travers des calculs les plus précis, rejoindre
humanité. la vision d ’un monde, évidemment supra-terrestre que la mentalité
Il vient de m’écrire cette lettre pleine dite primitive envisage depuis des millénaires.
de passion, d’inquiétude, d’impa Il s’agit maintenant de savoir si nous considérons les primitifs comme
tience. Nous la publions sans y rien des primaires au sens de notre dialectique, ou si les sciences les
changer. L.P. plus avancées ne recherchent pas des vérités contenues dans les
Des transmutations Toutes les études actuelles sur la médecine, sur la nourriture de
au sein de la nature? l ’homme et des animaux, sur l’agriculture, en somme toutes nos
connaissances sur les mécanismes de la vie sont basées sur la chimie :
Un curieux retour les phénomènes vitaux sont des phénomènes chimiques.
Tel est l’axiome jusqu’ici indiscuté.
aux sources Les progrès de la physique, les découvertes sur l’atome n ’ont fait
alchimiques que préciser ce q u ’est, à l’échelle de l’atome, une réaction chimique.
Un atome est composé d ’un noyau électriquement positif, autour
S ’agit-il d’une duquel tournent des particules négatives, les électrons, sur des orbites
découverte capitale? placées à diverses distances du noyau. Dans une réaction chimique,
ce sont seulement les électrons périphériques qui se déplacent.
Ainsi la physique nucléaire venait appuyer la chimie classique,
l ’expliquer, de même que la classification des éléments, des « corps
simples », établie empiriquement, trouvait une explication au niveau
de l’atome de chacun de ces corps simples.
Cependant l’étude de la radioactivité apportait une petite brèche
dans ce bel édifice : alors qu’on avait admis que les corps simples
sont immuables, q u ’il est impossible de créer du carbone, du sodium,
etc., que ces éléments peuvent passer d ’une molécule à l’autre, se
combiner entre eux, mais qu’on doit toujours retrouver quantita
tivement et qualitativement ces corps simples, la radioactivité montrait
q u ’un corps simple pouvait se transmuter et, du radium, par exemple,
on pouvait aboutir au plomb.
La physique nucléaire déterminait les lois de ces transmutations et
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(Photo Lipnitzki)
Une expérience scientifique sur la voyance
A im é M ichel
74
L'homme va ouvrir une porte fabuleuse
Em ilio S ervad io
Hippocam pe mutant
llhan Koman
(1961) Les ouvertures de la science
faire q u ’un grand peintre cesse d ’être tel. C ’est En 1924, le fameux toxicologue Lewin publia
un fait que la psychopharmacologie, assistée par un livre, maintenant presque introuvable, dans
la psychologie des profondeurs, peut transformer lequel il distribuait les drogues en cinq classes :
ab imis l’expérience humaine, donc l’expérience euphoriques, enivrantes, fantastiques, hypno
poético-littéraire. La question du « bon usage » tiques et excitantes. A cette liste se sont ajoutées
ou du « mauvais usage » de telles possibilités, pour récemment des substances que Lewin aurait pu
importante q u ’elle soit, est en dehors de notre nommer : ataraxiques. C ’est-à-dire les « tranquil
savoir, et en un sens de notre devoir scientifique. lisants », qui calment sans endormir. Mais
l’attention des chercheurs s’est particulièrement
LES DROGUES PEUVENT CRÉER arrêtée sur quelques nouvelles variétés de la classe
UNE ROSE EN VOUS... fantastique, plus volontiers nommées aujourd’hui
hallucinogènes, ou psychotomimétiques, ou autres.
La célèbre affirmation de Gertrude Stein A rose Parmi elles, la mescaline et la diéthylamide de
is a rose is a rose est, pour ne pas quitter l’anglais, l’acide lysergique (LSD 25).
un nonsense neurophysiologique. Personne ne
peut dire ce q u ’est une rose. Nous pouvons UNE PARTIE DE LA PERSONNALITÉ
seulement dire que c’est une configuration d ’impul RESTE LUCIDE
sions nerveuses, un ensemble de schèmes visuels
interprétés comme formes-couleurs (et de même Le LSD 25 constitue un des principaux instruments
pour l’olfaction, la mémoire, l ’expression verbale, des grandes explorations intérieures de demain.
etc.), de sorte que « l’information » finale est C ’est le plus puissant hallucinogène découvert à
« rose » et non, par exemple, « beefsteak ». Mais cette date. Une dose de vingt microgrammes (la
il faut bien concevoir que le rapport sujet-objet, sept cent millionième partie du poids d ’un homme
qui détermine habituellement cette information, moyen) produit déjà des effets sensibles. Des
n'est p a s indispensable. On peut avoir l’expérience doses peu supérieures transportent l’individu dans
que nous appelons rose en stimulant électriquement un monde changeant et presque incroyable
certains points du cortex cérébral, ou par l’action d ’expériences subjectives, que des volontaires ont
de quelques millièmes de milligramme de diéthy- décrit, de même qu’Aldous Huxley et Henri
lamide de l ’acide lysergique. Pour le moment, Michaux ont raconté leurs aventures avec la
ce type d ’information n ’est pas exactement contrô mescaline.
lable : mais il le sera avant peu. La psylocybine est le principe actif de certains
champignons mexicains, utilisés de temps immé
UN NOUVEAU VOYAGE morial lors de rites religieux, redécouverts par
DANS LE FANTASTIQUE Gordon Wasson et étudiés à fond par le célèbre
mycologue Roger Heim. Elle produit également,
Quand Gautier se retrouvait avec les autres à faibles doses, de grands changements psycho
membres du « Club des Haschichins » à l’hôtel logiques, des « départs » pour les excursions les
Pimodan et s’abandonnait aux ivresses de la plus imprévues dans la pensée.
cannabis indiana, il voyait passer des créatures Ces substances se différencient nettement de celles
imaginaires, des licornes, des griffons, des vautours, qui produisaient les paradis artificiels du siècle
tout un sérail de monstres qui trottaient, passé : 1° à doses raisonnables, elles ne sont pas
pirouettaient, hurlaient dans la pièce. La neuro toxiques ; 2° elles ne produisent pas d ’accoutu
physiologie, la psychopharmacologie, la psycha mance; 3° enfin, et c ’est leur caractère le plus
nalyse d ’aujourd’hui permettent de considérer important, elles n ’entraînent jamais totalem ent
ce type d ’aventures psychiques comme le géographe celui qui les absorbe. Une partie de la personnalité
moderne considère les descriptions de Marco Polo. reste indemne, en contact avec le milieu et avec
Changer la vision.
L’hom m e va ouvrir une porte fabuleuse (C om position de M onastério)
Ambrose Bierce le prince des ténèbres
Jacques Sternberg
La littérature différente
é r u d itio n : poussière tom bée d ’un livre dans un
crâne vide.
lo n g é v ité: prolongation peu com m une de la
crainte de la m ort.
Le dictionnaire to u t entier a ce ton, cette férocité.
Rien n ’échappe à la volonté systématique de
Bierce de m ettre l’univers en coupe, rien ne
trouve grâce à ses yeux. C ’est que ce poète d ’un
fantastique si opposé à celui que nous prospectons
dans PLA N ÈT E, connaît à merveille l’art de
ferm er toutes les portes et toutes les fenêtres.
Il n ’y a pas la m oindre lueur d ’espoir ou d ’o p ti
misme à glaner dans toute son œuvre. Même
si la vie lui accorde quelque répit et, en fin de
com pte, quelques coups de chance, Bierce, lui, JACQUES STERNBERG
n ’accorde jam ais aucun répit à sa volonté de Né à Anvers (Belgique), en 1923. Publie
broyer le noir. De tous les grands nom s de l ’école « Le D élit » chez Pion après avoir été
refusé par tous les éditeurs pendant
du Pessimisme, il est peut-être le plus lucide 7 ans. Mais il se venge de ce refus en
et l ’un des seuls qui n ’ait jam ais espéré quoi que refusant de son côté une vingtaine
ce soit, jam ais cru à rien, ni à la diversion, ni au d ’em plois après les avoir « e ssa yé s»
bonheur de la m inute qui passe, ni à l’au-delà, pendant quelques mois.
Tenté par l'irréalité absurde que dégage
ni à l’en dessous. Il n ’y a pas une phrase rose n'im porte quel fait quotidien, il écrit
à glaner dans son œuvre. Il n ’y a pas non plus « La Géométrie dans l ’im possible ».
à glaner la m oindre stupidité. On ne peut lui Puis aborde le saugrenu galactique
dans « La sortie est au fond de
reprocher que son zèle extrêm e à s ’enfoncer
l ’espace » et « Entre deux mondes
dans la nuit, quelques surcharges de style, et un incertains » (Denoël).
œil charbonneux qui ne fait jam ais la p art des Il se jette ensuite dans une biographie
choses. C ’est le veuf, le ténébreux, l ’inconsolé du délire avec « L ’ Employé » (Éditions
de Minuit) et vient de publier chez
dont parle un vers célèbre. Inconsolé, il le demeure E. Losfeld « Un Jour ouvrable » que
toute sa vie : ni l ’am our, ni la gloire, ni l ’argent l ’on peut considérer comme le retour
n ’arrangèrent jam ais rien. A ce prix-là, on peut ou la revanche de l ’Employé.
Il a toujours échappé sans difficu lté
l ’adm irer, le lire sans rien y chercher de positif, aux prix littéraires, sauf au Grand Prix
et penser à lui avec quelque pitié. Il fut de ceux de l ’Humour noir qui lui fu t décerné
qui vécurent leur vie com me on s ’acquitte d ’une cette année.
dette particulièrem ent lourde. C et homme de
glace précède et surplom be nos écrivains de
l ’angoisse. Il demeure le plus m oderne de tous
les auteurs am éricains du siècle passé.
LA PENDAISON DU CALIFORNIEN
La littérature différente
L’ÉQUIPAGE DU CANOT DE SAUVETAGE Vous laissez entendre que vous prendrez l’une
ou l’autre, mais non les deux à la fois. Si c’est bien
Le Vaillant Équipage d ’une station de sauvetage ce que vous voulez dire, je vous en prie, prenez
était sur le point de lancer un canot à la mer ma vie.
pour effectuer un tour de surveillance au large — Ce n ’est pas ce que je voulais dire, répondit
des côtes lorsqu’il aperçut, à quelque distance, un le Voleur de Grand Chemin. Vous ne pouvez
bateau qui venait de chavirer avec douze hommes sauver votre bourse en donnant votre vie.
accrochés à la quille. — Dans ce cas, prenez-la tout de même, dit le
— Nous avons eu de la chance, dit le Vaillant Voyageur. Si elle ne peut sauver ma bourse, elle
Équipage d ’avoir vu cela à temps. Nous aurions n ’est bonne à rien.
pu avoir le même sort q u ’eux. Le Voleur de Grand Chemin fut tellement séduit
Ils rentrèrent donc le canot et demeurèrent sains par la philosophie et l’esprit du Voyageur qu’il
et saufs sur le rivage afin de pouvoir encore le prit comme associé et la splendide combinaison
servir leur pays. de leurs talents donna naissance à un journal.
Un Homme d ’Affaires Prospère, ayant l’occasion Jamrach le Riche, soucieux d ’atteindre la Cité
d ’écrire à un Voleur, exprima le souhait de le de la Gloire Politique avant la tombée de la nuit,
rencontrer et de lui serrer la main. arriva à la croisée de deux chemins et, ne sachant
—■ Non, répondit le Voleur. Il y a certaines choses lequel prendre, consulta une Personne qui avait
que je me refuse à prendre : votre main, entre l’air d ’un Sage.
autres. — Prenez celui-là, dit ce dernier. Il est connu
— Il vous faut user d ’un peu de diplomatie, dit un sous le nom de G rand’Route Politique.
Philosophe à qui l’Homme d ’Affaires Prospère — Merci, dit Jamrach prêt à repartir.
avait rapporté la réponse hautaine du Voleur. — Quel est approximativement le prix de votre
Laissez pendre votre main une nuit et il la gratitude? demanda l’autre.
prendra. Ce n ’est pas la stupidité qui avait aidé Jamrach
Une nuit donc, l’Homme d ’Affaires Prospère à faire fortune. Aussi donna-t-il un peu d ’argent
laissa sa main hors de la poche de son voisin à son guide et, se hâtant, il arriva bientôt à une
et le Voleur s’en empara avec avidité. barrière gardée par un Monsieur Bienveillant
à qui il dut remettre une petite somme pour avoir
le droit de passer. Un peu plus loin, il atteignit un
pont jeté en travers d ’un cours d ’eau imaginaire.
Là, un Ingénieur des Ponts et Chaussées — celui-là
LE VOLEUR DE GRAND CHEMIN même qui avait bâti le pont — lui demanda
ET LE VOYAGEUR l’intérêt de l’investissement consenti et il l’obtint
sans difficulté. Il commençait à se faire tard
Un Voleur de Grand Chemin arrêta un Voyageur lorsque Jamrach arriva au bord d ’une sorte de lac
et, le menaçant d ’une arme à feu, cria : « La d ’encre noire. Le chemin n'allait pas plus loin.
bourse ou la vie! » Apercevant un Passeur dans son bateau il paya
— Mon bon ami, dit le Voyageur, si j ’en crois son passage et se prépara à embarquer.
les termes de votre demande, ma bourse va — Non, dit le Passeur. Passez votre cou dans ce
sauver ma vie, ma vie va sauver ma bourse. nœud coulant et je vous remorquerai jusqu’à
La littérature différente
Dans une rue déserte, le « Sbirro's »,
une façade de briques, c'est peut-être le dernier établissement de la ville à s'éclairer au gaz■
La spécialité de la maison
S ta n le y Ellin
La littérature différente
Costain se sentit vexé. En dépit d ’un titre ronflant avec curiosité autour de lui. La pièce n ’était pas
et d ’un gros salaire, il n ’était q u ’un employé grande et la demi-douzaine de becs de gaz qui
du prétentieux petit bonhomme ; malgré cela constituaient le seul éclairage jetaient une lumière
il se crut autorisé à réagir. « Si vous le désirez, si trompeuse que les murs donnaient l’impression
déclara-t-il froidement, je puis prendre d ’autres de vaciller et de s’évanouir par moments dans une
dispositions et passer ma soirée ailleurs. » Ses espèce de brouillard opaque.
yeux bovins fixés sur Costain et la brume collant Il n ’y avait guère plus de huit à dix tables, installées
à sa face rougeaude, Laffler semblait mal à l’aise. de façon à assurer à leurs occupants le maximum
«N on! non! déclara-t-il enfin. Absolument pas. d ’intimité. Toutes étaient occupées, et les quelques
Il est essentiel que vous dîniez au Sbirro’s avec garçons, peu nombreux, se déplaçaient entre elles
moi. » sans gestes inutiles. L ’air résonnait doucement
Il agrippa fermement le bras de Costain et l ’en du cliquetis assourdi de l’argenterie et du mur
traîna vers la grille en fer forgé menant au sous-sol. mure à peine perceptible des conversations.
« C ’est que, voyez-vous, vous êtes la seule per Costain hocha la tête d ’un air appréciateur.
sonne du bureau à s’y connaître à peu près en Laffler poussa un léger so'upir de soulagement.
bonne chère. Quant à moi connaître l’existence — Je savais que vous partageriez mon enthou
du Sbirro’s sans en faire partager le secret à un siasme, dit-il. Incidemment, avez-vous remarqué
ami capable de l’apprécier, c’est comme posséder qu’il n ’y a pas de femmes, ici?
une pièce d ’art unique enfermée dans une pièce Costain leva les sourcils, l’air interrogateur.
où personne d ’autre ne peut l’admirer. » « Sbirro, expliqua Laffler, n ’encourage pas les
Ces paroles eurent le don de faire fondre le ressen représentants du sexe faible à venir chez lui.
timent de Costain. « Et pourtant, fit-il, j ’ai entendu Et je puis vous garantir que sa méthode pour
dire que bon nombre d ’amateurs d ’art avaient les en empêcher est efficace comme pas une. J ’ai
cet égoïsme. assisté, récemment, aux avatars d ’une femme qui
— Je ne suis pas du nombre! s’écria Laffler. s’était aventurée dans ces parages. Elle est restée
Avoir gardé pendant des années le secret de assise à une table une heure durant, attendant
l’existence du Sbirro’s m ’est devenu intolérable. » vainement qu’un garçon vienne prendre sa
Il chercha un instant à côté de la grille, puis le commande. »
son frêle et discordant d ’un vieux carillon retentit — N ’a-t-elle pas fait du scandale?
à l’intérieur. Une porte s'ouvrit et Costain se — Si. Laffler sourit en y pensant. Elle a réussi
trouva nez à nez avec un visage bronzé dont le à jeter la perturbation parmi les clients, à placer
seul trait visible était une rangée de dents éclatantes. dans une situation embarrassante l’homme qui
« Missié? demanda le visage. l’escortait, et rien de plus.
— Mr. Laffler et un invité. — Et Mr. Sbirro?
— Missié, déclara le visage, cette fois d ’un ton — Il ne s’est même pas dérangé. Dirigeait-il,
dénotant une invitation. L ’homme s’effaça et, invisible, les opérations contre l’adversaire? Je
précédé de son compagnon, Costain descendit l’ignore. Toujours est-il qu’il a remporté une
une marche. Grille et porte grincèrent derrière victoire totale. La femme n ’est jamais revenue,
lui, puis il se retrouva dans un petit vestibule. pas plus d ’ailleurs que le stupide individu qui en
Il lui fallut quelques secondes pour se rendre l’amenant a été le véritable responsable de
compte que la silhouette qui le fixait n ’était que l’incident.
son propre reflet dans un vaste trumeau s’étendant — Un net avertissement à tous les présents,
du plancher au plafond. déclara Costain en se mettant à rire.
« Quelle atmosphère! » se dit-il, et il sourit inté Un garçon se dressa devant eux. Son teint brun,
rieurement tout en suivant Laffler vers une table. son nez et ses lèvres finement ciselés, ses grands
Ils s’installèrent, face à face, et Costain regarda yeux humides aux cils fournis, ses cheveux blanc
La spécialité de la maison
argent tellement épais et soyeux q u ’ils donnaient un dédale de plats. Vous devez peser, évaluer et,
l’impression d ’une perruque — tout cela indiquait malgré cela, faire un choix susceptible de susciter
un Hindou ou, du moins, un Oriental. Telle fut, sur-le-champ vos regrets. Il en résulte un malaise
du moins, l’impression de Costain. L ’homme qui vous pèse, si léger soit-il. Et pensez aux autres
tira sur la nappe, comme pour en effacer quelques aspects de la question. Au lieu d ’une cuisine où
plis invisibles, remplit d ’eau glacée deux grands d ’innombrables cuisiniers en sueur courent de
gobelets de cristal, puis les posa à la droite de tous côtés, vous avez ici un chef calme, serein,
chacun des deux dîneurs. solitaire, consacrant tout son talent à l’achè
« Dites-moi, demanda vivement Laffler, y a-t-il vement d ’une seule tâche, et sûr, d ’avance, de
de la spécialité, ce soir? Le garçon sourit d ’un son triomphe.
air de s’excuser et, ce faisant, découvrit des dents — Alors vous avez été aux cuisines?
aussi impressionnantes que celles du maître — Malheureusement non! Le tableau que je vous
d ’hôtel. brosse est hypothétique, et je l’ai reconstitué
— Je regrette, Missié, il n ’y a pas de spécialité grâce à de petits fragments de conversation
ce soir. » surpris depuis des années. Je dois néanmoins
Laffler ne put dissimuler une vive déception. avouer que visiter les cuisines de ce restaurant
« Il y a si longtemps... Il y a plus d ’un mois que est devenu ma principale obsession.
nous n ’en avons eu. J ’espérais montrer à mon ami... — En avez-vous parlé à Sbirro?
— Vous vous rendez compte de nos difficultés, — Des dizaines de fois. Il se contente de hausser
Missié. les épaules.
— Bien sûr, bien sûr. Laffler regarda Costain — Voilà, me semble-t-il, une attitude curieuse.
avec tristesse, puis haussa les épaules. J ’avais — Du tout, du tout, se hâta de dire Laffler. Un
l’intention de vous faire goûter la merveille de artiste de génie n ’a jamais à se plier à des règles
Sbirro, malheureusement elle ne figure pas au de fausse courtoisie. Malgré cela, je n ’ai pas
menu ce soir. perdu tout espoir. » Le garçon réapparut, porteur
— Désirez-vous être servi maintenant, Missié? » de deux assiettes creuses qu’il plaça avec une
demanda le garçon. Laffler acquiesça de la tête précision mathématique devant les deux hommes,
mais, à la grande surprise de Costain, le garçon ainsi que d ’une soupière d ’où il servit méticuleu
se retira sans prendre de commande. sement un consommé clair et liquide. Costain
«Aviez-vous commandé d ’avance? demanda-t-il. plongea sa cuiller et goûta avec une certaine
— Ah! j ’aurais dû vous expliquer que Sbirro curiosité. Le potage dégageait un goût délicat,
n ’offre aucun choix. Vous ferez le même repas presque insipide. Costain fit une légère grimace
que tous les clients ici présents. Demain soir, le et chercha des yeux le poivre et le sel. Il n ’y en
menu sera complètement changé, mais il sera de avait pas sur la table. Il leva son regard, aperçut
nouveau identique pour tous. que Laffler l’observait. Il sourit et, indiquant le
— Combien extraordinaire, dit Costain, et potage, déclara : « Excellent. »
combien désagréable, parfois. Que fait-on lorsque Laffler lui rendit son sourire. « Vous ne le trouvez
le plat qui vous est offert ne vous plaît pas? nullement excellent, dit-il froidement. Vous esti
— N ’ayez aucune crainte à ce sujet, fit Laffler, mez qu’il est sans goût et manque de condiments. »
solennel. Je puis vous donner ma parole q u ’aussi Costain leva les yeux, l’air surpris. « Je le sais
difficile que vous soyez, vous mangerez jusqu’à la parce que telle fut ma propre réaction, voici de
dernière bouchée les plats q u ’on vous servira. » nombreuses années, et parce que, à votre instar,
Devant l’air dubitatif de Costain, il se mit à rire. je voulais saler et poivrer, la première bouchée
« Avez-vous réfléchi aux avantages du procédé ? avalée. Je découvris alors, avec surprise que
Lorsque vous consultez le menu de n ’importe Sbirro ne mettait aucun condiment à la dispo
quel restaurant vous vous trouvez perdu dans sition de ses clients. »
La littérature différente
Costain ne cacha pas son étonnement. « Même — En alternant stimulants et narcotiques, vous
pas de sel? rompez le délicat équilibre de votre goût d ’une
— Même pas. Le simple fait que vous vouliez manière tellement violente que vous lui enlevez
en mettre dans votre potage prouve que votre sa qualité la plus délicate : l’appréciation de la
sens du goût est édulcoré. Je suis sûr que vous bonne chère. A ma vive satisfaction, j ’ai pu me
ferez la même découverte que moi : une fois votre rendre compte de cette vérité au cours des nom
potage achevé, vous n ’aurez plus envie de sel. » breuses années où je suis venu ici.
Laffler avait raison. Au fur et à mesure q u ’il — Puis-je vous demander pourquoi vous estimez
mangeait, Costain découvrait avec un plaisir que seuls des motifs de nature esthétique président
croissant toutes les nuances du potage q u ’on lui à de telles interdictions ? Que faites-vous de
avait servi. Laffler poussa de côté son assiette vide, raisons aussi terre-à-terre que le prix élevé d ’une
mit ses coudes sur la table : licence pour la vente des alcools ou l’éventualité
« Êtes-vous maintenant de mon avis ? que des clients puissent trouver à redire à une
— A ma grande surprise, oui », reconnut Costain. atmosphère enfumée dans une pièce aussi petite ? »
Le garçon revint desservir, et le ton de Laffler Laffler secoua énergiquement la tête.
se fit confidentiel. « Si jamais vous faites la connaissance de Sbirro,
« L ’absence de condiments n ’est q u ’une des vous comprendrez immédiatement qu’il n ’est
caractéristiques de l’endroit. Il vaut mieux que pas homme à prendre des décisions basées sur
je vous mette au courant. Ainsi, vous ne verrez des considérations terre-à-terre. En fait, c ’est
jamais ici de boissons alcoolisées. En fait, on ne Sbirro lui-même qui, le premier, m ’a fait connaître
sert jamais autre chose que de l’eau glacée, la ce que vous entendez par « motifs de nature
première boisson de l ’homme et la seule qui lui esthétique ».
soit nécessaire. — Quel curieux homme », dit Costain cependant
— En dehors du lait maternel. Le ton de Costain que le garçon s’affairait à servir l’entrée.
était sec.
— Je répondrai à cela que les clients de Sbirro ont Laffler se tut et ne rouvrit la bouche qu’après
dépassé ce stade primaire de leur développement.» avoir dégusté une partie appréciable de sa viande.
Costain se mit à rire. « J ’hésite à employer des superlatifs, déclara-t-il,
« Touché, dit-il. mais, à mon avis, Sbirro représente l’homme
— Très bien. Le tabac sous toutes ses formes parvenu au sommet de la civilisation. »
est également interdit. Une fois de plus, Costain leva les sourcils et se
— Grands dieux! s’exclama Costain. Ce res mit en devoir de manger le rôti, arrosé d ’une
taurant n ’est-il pas davantage un repaire de épaisse sauce, mais non garni de légumes. La
naturistes q u ’un sanctuaire de gourmets? légère vapeur qui chatouillait ses narines était
— Je crains, déclara Laffler avec un renouveau chargée d ’un parfum subtil et appétissant qui
de solennel, que vous ne confondiez les mots lui faisait venir l’eau à la bouche. Il mastiqua
« gourmet » et « gourmand ». Ce dernier, en se une bouchée avec lenteur et le soin qu’il aurait
gorgeant, recherche une plus large échelle d ’expé mis à analyser les nuances d ’une symphonie de
riences pour stimuler ses sens émoussés, alors Mozart. Il découvrit alors une gamme de sen
que le véritable gourmet préfère la simplicité à sations absolument extraordinaire, depuis le
toutes choses. Le pâtre grec, vêtu de son rude plaisir de sentir craquer sous ses dents la croûte
chiton et savourant l’olive mûre, le Japonais extérieure du rôti jusqu’au goût fade mais enivrant
assis dans une pièce nue et contemplant la courbe du sang dégouttant de la viande, à moitié crue
.d’une tige de fleur, voilà de vrais gourmets. à l’intérieur.
— Une goutte de fine par-ci, une pipe par-là, Ayant avalé cette bouchée, il se découvrit une
me semblent à peine exagérées. envie féroce d ’une autre, puis d ’une autre encore,
La spécialité de la maison
et dut faire un effort pour ne pas engloutir en Amirstan est une vraie rareté et seule la chance
affamé viande et sauce, sans tirer une voluptueuse vous conduit à vous trouver là le jour où l’on
satisfaction de la moindre parcelle... Ce n ’est en sert.
qu’après avoir raclé le fond de l’assiette q u ’il — Mais, rétorqua Costain, Sbirro ne pourrait-il
s’aperçut que Laffler et lui avaient mangé sans prévenir ses clients à l’avance?
échanger un seul mot. Il le fit observer, et Laffler — Votre objection ne tient pas debout. Il existe
répondit : dans cette ville un nombre colossal de gloutons
« Croyez-vous que des mots soient nécessaires, professionnels. Si on le savait d ’avance, le bruit
en présence d ’une telle perfection? » Costain s’en répandrait partout et il est infiniment pro
regarda autour de lui et vit la pièce aux tentures bable que, par simple curiosité, ces gens-là vien
fatiguées, les lumières diffuses et les silencieux draient manger de ce plat et supplanteraient les
convives sous une toute nouvelle perspective. habitués que vous voyez assis autour de vous.
« Non, reconnut-il avec humilité, je ne crois pas. — Vous voulez dire que les quelques personnes
Pour tous les doutes que j ’ai pu avoir, je vous présentes sont les seules dans toute la ville et,
présente mes excuses sans aucune réserve. Dans pour autant que je comprenne, dans le monde
tous les compliments que vous m ’avez faits sur entier, à connaître l’existence de l’établissement?
Sbirro, pas un seul m ot n ’était exagéré. — A peu de choses près, oui. Il y a encore un
— Ah! fit Laffler ravi, mais ceci n ’est que peu ou deux autres habitués qui, pour une raison ou
de chose. Vous m ’avez tout à l’heure entendu pour une autre, n ’ont pu venir ce soir.
parler de la spécialité qui, malheureusement, ne — Incroyable!
figure pas au menu d ’aujourd’hui. Ce que vous — Mais vrai. » Puis il y eut comme une légère
venez de manger n ’est rien comparé aux délices menace dans la voix de Laffler. « Chaque habitué
que ce plat vous réserve. se fait un point d ’honneur de garder le secret
— Grands dieux! s’écria Costain. Q u’est-ce donc? le plus absolu. Ayant accepté mon invitation,
Des langues de rossignol ? Des filets de licorne ? vous avez automatiquement assumé cette obli
— Ni l’un ni l’autre. C ’est de l’agneau. gation. J ’espère que je puis avoir confiance. »
— De l ’agneau? » Costain rougit. « Le fait que je sois votre employé
Laffler demeura un instant songeur. devrait servir de garantie. Je doute néanmoins
« Si, déclara-t-il enfin, jf' devais vous donner mon de la sagesse d ’une politique qui prive d ’une aussi
opinion sincère sur ce plat, vous me jugeriez fou, bonne chère bon nombre d ’amateurs capables
tellement forte est l’impression que je ressens de l’apprécier.
rien qu’en y pensant. Ce ne sont ni des côtelettes, — Savez-vous quel serait le résultat de votre
trop grasses, ni du gigot, trop ferme. Non, c’est politique? demanda Laffler avec amertume. Un
un morceau particulier de l’agneau le plus rare afflux d ’idiots qui se plaindraient à longueur de
qui soit au monde et qui porte le nom de l ’espèce : journée de ne jamais manger de canard rôti à la
agneau Amirstan. » Costain fronça les sourcils. sauce chocolat. Pouvez-vous supporter une telle
« Amirstan ? idée?
— C ’est un coin désolé situé aux confins de — Non, reconnut Costain. Je suis contraint
l’Afghanistan et de la Russie. D ’après de brèves d ’admettre que vous avez raison. »
phrases lâchées par Sbirro, j ’ai pu deviner que Laffler se rejeta sur sa chaise, l’air las, et se passa
c’est un plateau où paissent les derniers survivants la main sur les yeux, d ’un geste hésitant.
d ’une superbe race de moutons. D ’une façon ou « Je suis un homme solitaire, fit-il doucement,
d ’une autre, Sbirro a obtenu l’exclusivité d ’achat bien que je n ’aie pas choisi cette solitude. Cela
de ces animaux et se trouve être le seul restau peut vous paraître étrange, voire proche de l’insa
rateur au monde à pouvoir présenter ce plat nité, mais, au fond de moi-même, je considère
sur son menu. Je puis vous dire que l’agneau ce restaurant, ce havre chaud dans un monde
La littérature différente
froid et atteint de folie, à la fois comme ma découvrir le Sbirro’s Laffler lui-même, aujourd’hui
famille et comme mon ami. » rondouillard, pouvait avoir été très sec et osseux.
Et Costain qui, jusqu’alors, n ’avait jamais consi De toute évidence, il y avait donc tout à gagner
déré son compagnon que comme un patron tyran et rien à perdre en acceptant les invitations.
nique ou un hôte occasionnel, sentit une immense Après avoir goûté aux délices du fameux agneau
pitié tordre son estomac confortablement garni. Amirstan et fait la connaissance de Sbirro, un
ou deux refus seraient peut-être de bonne politique.
Au bout de quinze jours, l’invitation de Laffler Mais certainement pas avant.
de venir partager son repas au Sbirro’s était Ce soir-là, deux semaines jour pour jour après sa
devenue rituelle. Chaque jour, à cinq heures première venue au restaurant, Costain eut la
et quelques minutes, Costain sortait dans le satisfaction de voir ses deux désirs se réaliser :
couloir et fermait la porte de son cagibi. Il pliait de l’agneau Amirstan fut servi au dîner, et il fit
ensuite soigneusement son pardessus sur son bras la connaissance de Sbirro. L ’un et l’autre surpas
gauche, jetait un coup d ’œil dans la vitre de la sèrent tout ce qu’il avait imaginé.
porte pour s’assurer que son feutre était bien Lorsqu’ils eurent pris place et que le garçon se
posé sur sa tête. Il avait été un temps où il aurait fût penché pour leur annoncer gravement : « Ce
alors allumé une cigarette mais, encouragé par soir, il y a de la spécialité », Costain nota, avec
Laffler, il avait décidé d ’essayer de ne plus fumer. surprise, que son cœur battait follement. Sur la
Puis il enfilait le couloir et retrouvait comme par table, devant lui, il vit trembler les mains de
hasard Laffler à ses côtés. Celui-ci se raclait la Laffler. « Mais ce n ’est pas normal », pensa-t-il
gorge et disait : soudain. « Deux adultes, présumés intelligents
« Ah ! Costain ? Pas de projets pour ce soir, et en pleine possession de leurs moyens, frétillant
j ’espère ? comme une paire de chats attendant leur pâtée ! »
— Non, répondait Costain, je suis libre comme « Et voilà! » La voix de Laffler le fit sursauter sur
l’air, » ou bien, « à votre disposition, » ou quelque son siège. « Le triomphe culinaire de tous les
autre phrase tout aussi banale. Parfois il s’était âges. Et, sur le point de l’affronter, vous vous
demandé s’il n ’aurait pas été plus poli de refuser sentez tout ému.
à l’occasion, mais la joie avec laquelle Laffler — Comment avez-vous deviné? demanda fai
accueillait son acceptation, et la façon amicale blement Costain.
dont il lui attrapait alors le bras l’empêchaient — Comment? Parce que, il y a dix ans, j ’ai passé
de donner suite à ce projet. par le même stade. Ajoutez à cela votre air de
Parmi les écueils du monde des affaires, se disait répulsion et il est facile de comprendre combien
Costain, quel meilleur moyen de faire carrière vous souffrez de constater que même un homme
que de s’assurer l’amitié de son patron? Déjà salive en pensant à sa viande.
un secrétaire du conseil d'administration avait — Et les autres ? murmura Costain. Éprouvent-ils
publiquement exprimé l’estime dans laquelle la même sensation?
Laffler tenait Costain. Tout allait donc pour le — Jugez-en par vous-même. »
mieux. Costain jeta un regard furtif autour de lui. « Vous
Et que dire des repas, des incomparables repas avez raison. On est au moins réconforté de ne
de Sbirro ? Pour la première fois de sa vie, Costain, pas être le seul. »
homme maigre à l’ossature marquée, s’apercevait Laffler inclina légèrement sa tête de côté. « Un
avec joie qu’il grossissait. En l’espace de quinze des habitués sera certainement très déçu. »
jours, ses os avaient disparu sous une couche de Costain suivit le regard. A la table que Laffler
chair ferme et lisse, avec, ici et là, de légers signes indiquait, un homme était assis manifestement
d ’un futur embonpoint. Un soir, en prenant son seul, et Costain fit la grimace en voyant la chaise
bain, Costain se dit tout à coup q u ’avant de vide en face de lui.
La spécialité de la maison
« Tiens, oui, fit-il. N ’est-ce pas ce très gros homme Costain se leva et serra la main tendue. Elle était
chauve? Je crois bien que c’est le premier repas chaude et sèche, dure comme une pierre à briquet.
qu’il manque depuis quinze jours. « Je suis tellement heureux, Mr. Costain. Tel
— Depuis dix ans serait plus exact, déclara lement, tellement heureux », ronronna la voix.
Laffler, une note de sympathie dans la voix. « M on modeste établissement vous plaît, hein?
Qu’il pleuve ou qu’il vente, que la crise batte son Vous avez un grand festin en perspective, je vous
plein ou que les calamités s’abattent sur le monde, l’assure. »
je ne pense pas q u ’il ait raté un seul dîner au Laffler fit entendre un petit rire. « Oh ! dit-il,
Sbirro’s depuis la première fois où moi-même j ’y Costain a régulièrement dîné ici depuis quinze
suis venu. Imaginez sa déception lorsqu’il appren jours. Il est en bonne voie pour devenir un de vos
dra qu’à sa première absence l ’agneau Amirstan fervents admirateurs, Sbirro.
était le plat du jour. » Les yeux étaient fixés sur Costain.
Costain regarda de nouveau la chaise vide, res — Un très grand compliment. Vous me gratifiez
sentant un vague malaise : « Sa toute première? » de votre présence, et je vous rends la pareille
murmura-t-il. avec mes repas, hein? Mais l’agneau Amirstan
— « Mr. Laffler! Et avec un ami! Je suis si est de beaucoup supérieur à tout ce que vous avez
heureux! Tellement, tellement heureux! Non, pu déguster dans le passé, je vous l’assure. Tous
ne vous levez pas. Je vais prendre une chaise. » les ennuis pour l’obtenir, tous les soucis pour la
Comme par miracle, un siège apparut derrière préparation, tout cela est pleinement justifié.
l’homme qui se tenait devant leur table. « L ’agneau Costain luttait pour échapper à l’exaspérant
Amirstan sera un succès total, hein? Je l’ai fait problème posé par ce visage.
mijoter moi-même toute la journée dans cette « Je me suis demandé, déclara-t-il, pourquoi,
modeste cuisine, secouant cet idiot de chef pour étant donné toutes les difficultés auxquelles vous
qu’il fasse tout comme il faut. Ce « comme il faites allusion, vous prenez la peine d ’offrir de
faut », voilà l’essentiel, hein? Mais je constate l ’agneau Amirstan à vos clients? Sans aucun
que votre ami ne me connaît pas. Que diriez-vous doute vos autres plats sont suffisamment suc
d ’une présentation? » culents pour soutenir votre réputation. » Le
Les mots coulaient en un torrent fluide et discret. sourire de Sbirro s’élargit au point que son
Ils étincelaient, ronronnaient, hypnotisaient visage devint tout à fait rond. « Question de psy
Costain qui se trouva sans voix, les yeux fixes. chologie, peut-être. Quelqu’un découvre une
La bouche qui déroulait ce sinueux monologue merveille et désire la partager avec les autres.
était d ’une alarmante grandeur, aux lèvres minces Peut-être aussi ne remplit-il sa coupe jusqu’au
qui se relevaient et se tordaient à chaque syllabe. bord qu’en observant l’évident plaisir de ceux
Sous le nez plat, des poils follets dessinaient qu’il a conviés à ce partage. Ou bien, après tout,
une vague ligne ; des yeux écartés, presque bridés, n ’est-ce qu’un simple truc commercial.
qui brillaient à la lueur des becs de gaz ; de longs — Prenant en considération tout ce que vous
cheveux lisses, descendant du sommet du crâne venez de dire, tenant compte de toutes les règles
sur un front sans ride, des cheveux si pâles q u ’ils que vous avez imposées à vos clients, pourquoi
semblaient décolorés. Certainement un visage ouvrez-vous ce restaurant au public au lieu d ’en
extraordinaire et, à sa vue, Costain se sentit faire un club privé? »
torturé par la conviction q u ’il lui trouvait quelque Le brillant regard plongea brusquement dans
chose de familier. Il se creusa la cervelle, mais celui de Costain, puis se détourna. « Si perspicace,
ne put faire remonter le moindre souvenir. La hein? Alors, je vais vous expliquer. Il y a plus
voix de Laffler tira Costain de ses pensées. d ’intimité dans un restaurant ouvert au public
« Mr. Sbirro, Mr. Costain, un excellent ami et que dans le club le plus fermé. Ici, personne ne
collaborateur. » s’occupe de vos affaires, personne ne désire
La littérature différente
connaître les détails de votre existence. Ici, l’on Sbirro. Un ami, avez-vous dit? Sa disparition a
mange. Nous n ’avons aucune curiosité en ce qui dû beaucoup vous affecter? »
concerne les noms, adresses, raisons des allées et Le visage de Sbirro s’allongea. « Beaucoup, je
venues de nos clients. Ici nous sommes heureux vous l’assure. Mais envisagez tout cela de la
de vous accueillir et nous n ’avons aucun regret façon suivante : il fut probablement plus grand
lorsque vous n ’y venez plus. Voici ma réponse. dans sa mort que dans sa vie. D ’une tournure
Q u’en dites-vous? » d ’esprit encline à prendre les choses au tragique, il
Costain fut surpris de cette véhémence. « Je n ’avais m ’a souvent dit que ses seules heures de bonheur,
pas l’intention d ’être indiscret », balbutia-t-il. c’est à cette table qu’il les avait connues. Pathé
Sbirro fit courir le bout de sa langue sur ses tique, n ’est-ce pas? Et pensez que la seule faveur
lèvres minces. que j ’aie pu lui accorder a été de le laisser
« Non, non, rassura-t-il, vous n ’êtes pas indiscret. contempler les mystères de ma cuisine, qui n ’est,
Ne me laissez pas vous donner cette impression. en dépit de tout, qu’une simple cuisine très
Au contraire, je sollicite vos questions. ordinaire.
— Allons, Costain, dit Laffler, ne vous laissez — Vous semblez bien certain de sa mort, fit
pas intimider par Sbirro. Je le connais depuis observer Costain. Après tout rien ne la prouve. »
des années et je vous garantis qu’il crie plus fort Sbirro contempla le portrait.
qu’il ne mord. Avant que vous vous en soyez « Rien, reconnut-il doucement. Remarquable,
rendu compte, il vous aura fait connaître tous hein? »
les secrets de la maison — hormis vous faire Le plat arrivait. Sbirro sauta sur ses pieds et se
visiter sa précieuse cuisine, cela va de soi. mit en devoir de les servir personnellement. Les
— Ah! sourit Sbirro, pour cela Mr. Costain yeux étincelants, il prit la casserole sur le plateau
aura sans doute à atténdre un peu. Pour tout le et renifla son fumet avec une joie sensuelle. Puis,
reste, je suis entièrement à son service. » prenant soin de ne pas répandre une seule goutte
Laffler assena un joyeux coup de main sur la de sauce, il remplit les deux assiettes de petits
table. morceaux de viande dégoulinant de jus. Ceci fait,
« Qu’est-ce que je vous disais! Maintenant, et comme si cette tâche l’avait exténué, il se laissa
dites-nous la vérité, Sbirro. Quelqu’un, en dehors retomber sur sa chaise et respira très fort.
des employés, a-t-il jamais pénétré dans ce sanc « Messieurs, déclara-t-il, bon appétit. »
tuaire sacro-saint? » Costain mâcha la première bouchée avec le plus
Sbirro leva les yeux. grand soin, l’avala. Puis, le regard brillant, il
« Sur le mur, au-dessus de votre tête, vous voyez contempla les dents de sa fourchette.
le portrait de quelqu’un à qui j ’ai fait cet honneur, « Grands dieux! murmura-t-il.
déclara-t-il gravement. Un très cher ami, et un de — C ’est bon, hein? Meilleur que vous ne
mes plus anciens et fidèles clients ; preuve, aussi, l’imaginiez? »
que ma cuisine n ’est pas inviolable. » Costain Costain secoua la tête, comme étourdi. « Il est
étudia le portrait, puis s’écria : aussi impossible au non-initié de concevoir les
« Mais c’est ce fameux écrivain — vous savez, délices de l’agneau Amirstan qu’à l’homme
Laffler — celui qui écrivait d ’admirables nouvelles mortel de regarder au fond de son âme », dit-il
et qui rédigeait des maximes cyniques. Puis, un lentement.
beau jour il prit ses cliques et ses claques et partit « Peut-être — et Sbirro avança la tête si près
brusquement pour le Mexique où l’on perdit sa que Costain put sentir la chaude et fétide haleine
trace. balayer ses narines —, peut-être venez-vous de
— Bien sûr! s’exclama Laffler. Imaginez que je jeter un coup d ’œil au fond de votre âme, hein? »
me suis assis sous ce portrait pendant des années Costain essaya de se reculer sans que son geste
sans jamais m ’en apercevoir! Il se tourna vers parût offensant.
La spécialité de la maison
« Peut-être, dit-il. Et quel tableau encourageant Comme faisant écho à ses mots, un hurlement
— rien que des griffes et des crocs! Mais, sans perçant parvint du bout de la rue et stoppa les
vouloir vous insulter en aucune façon, je ne deux hommes.
voudrais pas bâtir mon église sur l’agneau en « Quelqu’un est en danger, dit Laffler. Regardez. »
casserole. » Non loin de l’entrée du Sbirro’s on apercevait
Sbirro se leva et lui posa doucement une main deux silhouettes en train de lutter dans la semi-
sur l’épaule. obscurité, tantôt avançant, tantôt reculant. Elles
« Si perspicace, déclara-t-il. Un jour, lorsque vous s’effondrèrent soudain sur le trottoir et le pitoyable
n ’aurez rien d ’autre à faire sinon vous asseoir hurlement retentit à nouveau. En dépit de son
quelques instants dans une pièce sombre et songer embonpoint, Laffler se mit à courir relativement
à ce monde— à ce q u ’il est et à ce q u ’il deviendra— vite, cependant que Costain le suivait prudemment.
alors consacrez un peu de vos méditations à la Un des serviteurs au teint foncé et aux cheveux
signification de l’Agneau en religion. Ce sera blancs de Sbirro était étendu sur le trottoir. Ses
tellement intéressant. Et maintenant — il s’inclina doigts essayaient vainement d ’arracher les larges
profondément devant les deux hommes —, je vous mains qui encerclaient sa gorge, tandis que ses
ai empêché de manger suffisamment longtemps. J ’ai genoux cognaient contre l’énorme buste de
été extrêmement heureux — il fit un signe de tête l’homme qui l’écrasait brutalement de tout son
à Costain — et je suis sûr que nous nous rencon poids. Laffler arriva tout essoufflé. « Arrêtez!
trerons de nouveau. » Les dents brillèrent, les cria-t-il. Que se passe-t-il? »
yeux étincelèrent et Sbirro s’en alla entre la Des yeux suppliants, saillant hors des orbites, se
double rangée de tables. tournèrent vers Laffler. « Secours, Missié... Cet
Costain se retourna pour regarder la silhouette homme... ivre... » « Ivre, hein, espèce de sale... »
qui s’éloignait. Costain voyait maintenant que l’autre homme
« L ’ai-je offensé de quelque façon? » demanda-t-il. était un marin vêtu d ’un uniforme crasseux. Il
Laffler leva les yeux de son assiette. émanait de lui une horrible odeur d ’alcool qui
« L ’offenser ? Il adore ce genre de conversation. empuantait l’air. « Tu m ’fais les poches, et t ’oses
L ’agneau Amirstan est quelque chose de rituel, me traiter d ’ivrogne, hein? » L ’étau de ses doigts
en ce qui le concerne. Déclenchez le mécanisme se resserra, et sa victime gémit.
et Sbirro se jettera sur vous avez une ardeur douze Laffler attrapa l’épaule du marin. « Lâchez-le,
fois plus grande que celle d ’un prêtre opérant une entendez - vous! Lâchez - le immédiatement! »
conversion. » s’écria-t-il. L ’instant d ’après, il s’abattait sur
Costain se replongea dans son repas, hanté par Costain qui trébucha sous la violence du coup.
le souvenir du visage. « Un homme intéressant, Cette fois, l’attaque avait été dirigée contre lui,
fit-il observer. Très intéressant. » et Laffler prit l’offensive. Sans un cri, il sauta sur
Il lui fallut un mois pour découvrir tout ce que le marin, frappant des pieds et des mains le visage
ce visage avait de familier, et cette découverte et les côtes de l’adversaire. D ’abord étourdi,
le fit rire tout haut dans son lit. Bien sûr, voyons ! l’homme finit par se redresser et se précipita sur
Sbirro aurait pu servir de modèle à l’image du Laffler. Un moment, ils demeurèrent enlacés, puis,
chat du Cheshire, dans Alice au pays des merveilles ! Costain s’étant joint au combat, ils s’affalèrent
Il fit part de cette idée à Laffler le lendemain soir, tous les trois sur le sol. Laffler et Costain se rele
tandis qu’ils se dirigeaient vers le restaurant, vèrent lentement, et contemplèrent le corps
luttant contre un violent vent froid. Laffler n ’eut étendu à leurs pieds.
aucune réaction. « Ou bien il est ivre mort, déclara Costain, ou
« Vous avez peut-être raison, dit-il, mais je serais bien il a pris un coup à la tête en tombant. De
mauvais juge. Il y a si longtemps que j ’ai lu ce toute façon, c ’est à la police de s’occuper de lui. »
livre, si longtemps! » « Non, non, Missié. Le garçon se remit péni
La littérature différente
blement debout et se tint mal en équilibre. Pas de parvenu au sommet de la civilisation. Voyez-vous
police, Missié. Mr. Sbirro pas vouloir ça. Vous pourquoi, maintenant? Être brillant, il comprend
comprenez, Missié? » Il attrapa le bras de Costain pleinement la nature des humains mais, contrai
et ce dernier jeta un regard interrogateur à Laffler. rement aux hommes moins intelligents que lui,
« Bien sûr que non, dit celui-ci. Nous n ’avons il consacre tous ses efforts à la satisfaction de nos
pas à nous occuper de la police. Elle le retrouvera natures cachées sans qu’il en résulte de dommage
toujours suffisamment tôt, cet ivrogne animé pour l’innocent passant.
d ’idées homicides. Comment, bonté du ciel, tout — Quand je repense aux merveilles de l’agneau
ceci a-t-il commencé? Amirstan, dit Costain, je comprends parfaitement
— Cet homme, Missié, il marche tout de travers, où vous voulez en venir. Au fait, ne devrait-on pas
et sans vouloir, je cogne dans lui. Alors, il attaque, nous en servir bientôt? Voilà plus d ’un mois
accusant moi le voler. que nous n ’en avons eu. »
— C ’est bien ce que je pensais. » Laffler aida Le garçon qui remplissait leurs gobelets, hésita
doucement le garçon à avancer. « Maintenant, un instant.
rentrez et fai tes-vous soigner... » « Désolé, Missié, pas de spécialité ce soir. »
L ’homme semblait sur le point d ’éclater en « Voilà la réponse, grogna Laffler, et j ’aurai
sanglots. probablement la veine de manquer la spécialité
« A vous, Missié, je dois ma vie. S’il y a quelque la prochaine fois. » Costain ouvrit de grands yeux.
chose que je peux faire... » « Allons donc! C ’est impossible.
Laffler fit quelques pas en direction de la porte •— Eh! non, du diable si ça l’est. » Laffler avala
du Sbirro’s. « Mais non, mais non, ce n ’était la moitié de son verre d ’eau que le garçon remplit
rien. Allez, et si Sbirro vous pose des questions, aussitôt. « Je pars pour l’Amérique du Sud, pour
envoyez-le moi. Je le renseignerai. un voyage-surprise d ’inspection. Un mois, deux
— Ma vie, Missié », furent les derniers mots mois, Dieu sait combien!
q u ’ils entendirent comme la porte se refermait — Les choses vont si mal que ça, là-bas?
sur eux. — Elles pourraient aller mieux. Un sourire
« Nous y voilà, Costain », dit Laffler quelques éclaira soudain le visage de Laffler. N ’oublions
minutes plus tard, en s’installant sur sa chaise. pas qu’il faut des dollars sonnants et trébuchants
« L ’homme civilisé dans toute sa gloire, puant pour payer les notes d ; Sbirro.
l’alcool, et étranglant un pauvre innocent qui — Je n ’ai pas entendu parler de ce voyage, au
s’était trouvé sur son chemin. » bureau.
— Ce ne serait plus un voyage-surprise si vous
Costain dut faire un effort pour parler de cet aviez été mis au courant. Personne ne le sait sauf
incident qui lui avait mis les nerfs sens dessus moi — et vous, maintenant. Je veux leur tomber
dessous. « Ce sont les anormaux qui cherchent sur le dos d ’une manière tout à fait inattendue. Je
l’oubli dans l’alcool, dit-il. Il y a sûrement une veux découvrir leurs manigances. Pour les gens
raison pour que ce marin se soit trouvé dans un du bureau, je serai parti en vacances, peut-être
tel état. même dans une maison de repos, pour faire passer
— Une raison? Bien sûr qu’il y en a une. Sa les fatigues de ma charge. De toute façon, la
sauvagerie atavique, tout simplement. Laffler maison sera en bonnes mains. Les vôtres, entre
balaya l’air de ses bras. Pourquoi sommes-nous autres.
assis ici devant un plat de viande? Non seulement — Les miennes? répéta Costain, surpris.
pour apaiser des besoins physiques, mais parce — En arrivant demain au bureau vous recevrez
que notre « Moi » atavique lutte pour se libérer. un avis d ’avancement, même si je ne suis pas là
Réfléchissez, Costain. Vous vous souvenez que je pour vous le remettre personnellement. Ça n ’a
vous ai une fois décrit Sbirro comme l’homme d ’ailleurs strictement rien à voir avec notre amitié.
La spécialité de la maison
Vous avez fait de l’excellent travail et je vous que sa voix s’élevait d ’un ton. « Par le corps
en suis infiniment reconnaissant. » Ces éloges et le sang de votre Dieu, Missié, je vous aiderai,
firent rougir Costain. même si vous ne le voulez pas. N 'a llez p a s dans
« Vous ne pensez pas être au bureau demain la cuisine, M issié. J ’échange ma vie contre la
matin ? Vous partez donc ce soir même ? » vôtre, Missié, en disant ces mots. Ce soir ou
Laffler inclina la tête affirmativement. aucun autre soir de votre vie, n ’allez pas dans la
« J ’ai essayé q u ’on me retienne une place. Si ça cuisine de Sbirro. »
marche, ce sera notre dîner d ’adieu. Laffler se rejeta dans sa chaise, muet d ’étonnement.
— Savez-vous que j ’espère de tout mon cœur « Ne pas aller dans la cuisine? dit-il enfin. Pourquoi
que ça ne marchera pas? Peu à peu, nos dîners n ’irais-je pas à la cuisine si un jour Mr. Sbirro mani
en sont venus à signifier pour moi beaucoup plus festait l’intention de m ’y inviter? Que signifie? »
que je n ’osais l’imaginer. » Une main sèche se posa sur le dos de Costain,
La voix du garçon retentit au-dessus d ’eux, les une autre empoigna le bras du garçon. Ce dernier
faisant sursauter. demeura cloué sur place, les yeux baissés.
« Désirez-vous q u ’on vous serve maintenant, « Que signifie quoi, messieurs ? ronronna la voix.
Missié? Quelle arrivée opportune! A temps comme
— Mais oui, mais oui, déclara sèchement Laffler. toujours, pour répondre à toutes les questions,
Je ne m ’étais pas aperçu que vous attendiez. hein? »
— Ce qui m ’ennuie, poursuivit-il après que le Laffler eut un soupir de soulagement. « Ah! Sbirro,
garçon se fut éloigné, c’est la pensée de l’agneau Dieu merci, vous êtes là. Cet homme me disait
Amirstan que je vais forcément rater. Pour vous quelque chose, m ’incitait à ne pas aller dans votre
avouer la vérité, j ’ai déjà retardé mon départ d ’une cuisine. Savez-vous ce qu’il entendait par là? »
semaine, espérant tomber sur un bon jour, mais Un large sourire fit briller les dents.
je ne puis plus attendre. Je souhaite vivement « Mais bien sûr. Ce brave homme vous donnait
que, lorsque vous serez assis devant votre portion un conseil en toute simplicité. Il se trouve que
d ’agneau Amirstan, vous pensiez à moi avec des mon trop irritable chef a eu vent de certains bruits
regrets de circonstance. » selon lesquels j ’inviterais quelqu’un dans sa
Costain se mit à rire. « Je n ’y manquerai pas », précieuse cuisine, et il est entré dans une rage folle.
dit-il en attaquant son repas. Et quelle rage, messieurs! Il a même menacé de
A peine avait-il vidé son assiette que le garçon me rendre son tablier sur-le-champ, et vous
la lui enleva silencieusement. Ce n ’était plus leur comprendrez facilement ce que cela signifierait
serveur accoutumé, mais la victime de l’agression. pour Sbirro, hein? Heureusement, j ’ai réussi à lui
« Et alors, demanda Costain, comment vous expliquer quel insigne honneur serait pour lui
sentez-vous maintenant? Encore sous l’influence q u ’un fidèle habitué et un véritable connaisseur
du choc? » le vît travailler. Et maintenant, il est redevenu
Mais l’homme ne lui accorda aucune attention. complètement amène ; complètement, hein? »
Au lieu de cela, de l’air de quelqu’un faisant un Il lâcha le bras du garçon. « Vous vous êtes
grand effort, il se tourna vers Laffler. « Missié, trompé de table », dit-il doucement. « Veillez à ce
murmura-t-il, ma vie, je vous la dois. Je veux que cela ne se reproduise pas. » Le garçon s’éloigna
acquitter ma dette. » sans oser lever les yeux, et Sbirro, attirant une
Laffler le contempla, stupéfait, puis hocha fer chaise vers soi, y prit place et se passa la main dans
mement la tête. « Non, dit-il, je ne veux rien de les cheveux. « Je crains que la surprise ne soit
vous, compris? Vous m ’avez suffisamment payé éventée, maintenant, hein ? Cette invitation que je
en remerciements. Allez, retournez à votre travail, vous fais, Mr. Laffler, devait être une surprise ;
et n ’en parlons plus. » celle-ci disparue, il ne demeure que l’invitation. »
L ’homme ne bougea pas d ’un pouce, cependant Laffler essuya les gouttes de sueur qui perlaient
La littérature différente
à son front. « Parlez-vous sérieusement ? demanda- Costain se leva brusquement. « Je ne vais pas
t-il d ’un ton étranglé. Voulez-vous dire que nous rester assis ici, Laffler, et gâcher votre aventure.
allons vraiment assister ce soir à la préparation Et puis, ironisa-t-il, pensez à ce chef féroce qui
du repas? » attend de vous planter son coutelas dans le corps.
Sbirro passa un ongle aigu sur la nappe, imprimant Je préfère ne pas assister à un tel spectacle, et me
dans la toile une fine ligne droite. « Ah ! dit-il, je contenterai de vous dire « au revoir », après quoi,
suis aux prises avec un dilemme de taille. Il regarda ajouta-t-il pour couvrir le silence coupable de
attentivement la ligne. Vous, Mr. Laffler, avez été Laffler, je vous laisserai entre les mains de Sbirro.
mon client pendant de longues années. Mais votre Je suis persuadé qu’il se donnera beaucoup de mal
ami, ici présent... » pour vous offrir un bon spectacle. » Il tendit la
Costain leva la main en signe de protestation. « Je main, et Laffler la lui serra à lui faire mal.
comprends parfaitement. Cette invitation ne « Très chic de votre part, Costain, dit-il. J ’espère
s’adresse q u ’à Mr. Laffler et, naturellement, ma que vous continuerez de dîner ici jusqu’à ce que
présence est gênante. Mais il se trouve que j ’ai nous nous revoyions. Ça ne tardera pas. »
un rendez-vous tôt dans la soirée et devrai donc Sbirro s’écarta pour laisser passer Costain. «Au
partir de toutes façons. De la sorte, il n ’y a plus plaisir de vous revoir », dit-il.
de dilemme. Costain s’arrêta un bref instant dans l’entrée
— Non, dit Laffler, absolument pas. Ce ne serait faiblement éclairée pour ajuster son écharpe et
pas juste. Nous avons tout partagé jusqu’à présent, rectifier l’angle de son feutre. Lorsqu’il se détourna
Costain, et si vous n ’êtes pas là, je ne goûterai cette de la glace, enfin satisfait de son aspect, il jeta un
expérience q u ’à moitié. Certainement, à cette dernier coup d ’œil en arrière et vit que Laffler et
occasion, Sbirro voudra assouplir ses conditions. » Sbirro avaient déjà atteint la porte de la cuisine,
Sbirro tenant le battant ouvert d ’une main enga
Tous deux regardèrent Sbirro qui haussa les geante, cependant que l’autre reposait, presque
épaules d ’un geste de regret. tendrement sur les épaules dodues de Laffler.
STANLEY ELLIN.
La spécialité de la maison
Certainement un visage extraordinaire ,
mais à l'observer, on avait la conviction de lui trouver quelque chose de fam ilier
(Photo izis)
M êm e quand ils sont en liberté, notre œil les voit à travers des barreaux
L'horrible colombe et le bon loup
Konrad Lorenz
L'histoire in visib le
et aussi sur une terrible explosion de fusée qui
aurait tué une centaine de grands spécialistes
militaires et civils. A cause du secret total qui
entoure jusqu’aux circonstances de la mort des
généraux, et du fait que les Russes ne publient que
rarement leurs accidents d ’avion, toutes sortes
Modem Automatic Injectors
d ’hypothèses sont permises dans ce cas comme en
for self-odministratlon of antidotes against nerve gas
octobre dernier. »
polsonlng M .G .
By ROLF BARKMAN
Les Soviétiques mettent souvent longtemps à
From Th* C«ntrol Mlltt«r/ Phcrmûty of Th* Swé«fi*î» D*f«nc« forc«
Alm)
annoncer un événement. Certains pensent que la
catastrophe du 19 mai comme celle du 21 octobre
1960 ont en réalité été annoncées par bribes et
morceaux. Ces informateurs assurent que la véri
table catastophe s’est produite le 17 septembre
1960, alors que Khrouchtchev était en route pour
New York et qu’il se trouvait à bord du navire
soviétique « Baltika ». Ces informateurs pensent
qu’une terrible nouvelle arriva alors au chef du
gouvernement soviétique, qu’elle lui brisa les nerfs
à tel point qu’il dut se traiter au maxiton pendant
tout son séjour aux États-Unis et que, finalement
— le monde entier l’a vu sur les écrans de cinéma
et à la télévision —, il enleva sa chaussure pour
taper sur la table. Un livre est paru là-dessus chez
Rtprfat from Cassell à Londres sous le titre The Day Kruschev
TID5KRIFT I MILITÀR HÂUOVÀRD
Vol. 85, No. 4
panicked (« Le jour où Khrouchtchev s’affola »).
L ’auteur s’appelle George B. Mair et nous ne
savons rien de lui. Le livre est démentiel, délirant.
C ’est un mélange de roman d ’espionnage échevelé
et d ’hypothèses fantastiques. A priori, le type
même de l’ouvrage à ne pas prendre au sérieux.
Fac-similé de la couverture du volume 85, n° 4 du Et pourtant... Un des mots clefs de ce livre est :
journal militaire suédois. « antimatière ».
L ’auteur ne sait visiblement pas ce dont il s’agit.
Ce fascicule propose et explique l'usage d'injecteurs Éclairons notre lanterne. Avec des machines
automatiques d'un antidote contre le gaz antinerfs. spéciales on arrive à convertir partiellement
l’énergie en matière. Il apparaît alors de même que
de la matière ordinaire sous forme de protons et
de neutrons une antimatière qui est l’image de la
matière dans le miroir en quelque sorte. Cette
antimatière se compose d ’anti-neutrons et d ’anti
protons qui, au contact de la matière ordinaire,
s’annihilent en libérant de l’énergie. S’il était
possible de fabriquer à partir de ces antiparticules
une antimatière, anti-hydrogène, antimercure,
L’histoire in visib le
Le sacrifice d 'Abraham.de G. B. Tiepolo ( Gi ra udon)
La guerre: le père tue le fils
Gaston B outhoul
L'histoire invisible
bition de l ’inceste. Il en résulte une conséquence La famille patriarcale a organisé l’assujettissement
capitale : les jeunes mâles devenus adultes cessent des fils aux pères. Au point de vue économique, ils
d ’être les concurrents des pères. La libido de la sont des serviteurs et des collaborateurs. Comme
nouvelle génération est projetée sur les groupes les conflits naissent surtout entre les pères et fils
voisins. Par la razzia, le rapt, l’achat ou l’échange, dont la différence d ’âge est faible, ceux-ci sont
ces derniers sont chargés de fournir des femmes surtout éduqués par l’aïeul. C ’était jusqu’à nos
aux individus nubiles. jours la tradition confucéenne.
Autre conséquence de la prohibition de l’in
ceste : l’agressivité des jeunes se trouve tournée, LE SACRIFICE DES PLUS JEUNES
elle aussi, vers le dehors. Les pères n ’étant plus des
rivaux, la violence n ’est plus tournée contre la géné Lorsque s’organise la vie politique, des institutions
ration précédente pour la chasser et la remplacer de plus en plus précises codifient les rapports et les
vis-à-vis des femmes du groupe. La même libido devoirs des générations. Dans la tribu et dans la
les poussera à menacer ou à attaquer les groupes cité antique le pouvoir appartient aux Anciens.
voisins, proie désormais désignée à leurs convoi Il est exercé par une hiérarchie plus ou moins
tises. Chez les primitifs, la guerre naît sous forme de féodale des chefs de famille ou de tribu.
razzias et d ’embuscades, variantes « supérieures » La guerre étant la « pointe » des actions poli
de la chasse, suscitant à leur tour, aussi bien pour tiques, la hiérarchie des âges s’y montre plus
l’attaque que pour la défense, des formes nouvelles apparente que partout ailleurs. Ceux qui ont le
d’organisation et d ’entraide. mieux codifié dans l’Antiquité l’art de la guerre,
Ces dispositions nouvelles deviennent désormais les Romains, divisaient les combattants en trois
la base de la morale de « l’agressivité dirigée ». groupes d ’âge : le plus jeune était toujours
Celle-ci sera canalisée vers l’extérieur. « Tu ne engagé le premier. Il supportait le choc initial, les
tueras point », signifie : « Tu ne tueras point deux autres groupes restant en réserve et n ’inter
l’homme de ta tribu ou de ton clan. » venant que lorsque l’adversaire était déjà fatigué
Toutes les variations que les divers âges préhis de tuer. Technique gérontocratique du corps à
toriques et les civilisations historiques bâtiront corps et de la hiérarchie militaire dont on retrouve
sur l’organisation de l ’homicide, tourneront toutes partout les traits principaux.
autour de cette distinction fondamentale.
QUAND LE PÈRE
L’ASSUJETTISSEMENT DU FILS AU PÈRE MET A MORT SES HÉRITIERS
Mais il n ’a pas suffi de prohiber l’inceste pour Sur le plan politique comme sur le plan religieux,
résoudre tous les problèmes des relations entre la génération des fils était continuatrice de l’œuvre
générations successives. Des survivances incons des pères et l’héritière de leurs biens et de leur
cientes de l’antique rivalité subsistent. Elles font autorité. Ce rôle futur des fils suscite chez les pères
que le domaine des rapports entre les pères et les la sollicitude nécessaire pour préparer les jeunes à
fils est, par excellence celui de l’ambivalence. ces fonctions. Mais il peut faire naître aussi la
Même chez les mammifères dont nous avons parlé, jalousie, la méfiance ou l’inquiétude envers les
les pères montrent leur sollicitude aux jeunes, ils futurs dépositaires des biens spirituels et matériels
s’en occupent, jouent avec eux, surtout les pro qui ont fait l’orgueil de leurs possesseurs. Quel
tègent. Mais à mesure que ces jeunes grandissent, usage en feront les maîtres nouveaux ? Le fils peut
on voit l’affection des parents faiblir. La sévérité être le fidèle continuateur, mais il peut être aussi .le
s’accroît, les sentiments de jalousie et de méfiance dépositaire infidèle. Il est susceptible — la géné
s’y mêlent désormais et dégénèrent peu à peu en ration suivante s’affirmant souvent contre la
rivalités et en batailles. précédente — de trahir les desseins de celle-ci.
L’histoire invisible
glants auxquels le christianisme eut l’immense cité. C ’est en somme la pratique « en grand »
mérite de mettre fin. Les acropoles et les temples du Sacrifice d ’Abraham. Car il ne s’agit pas de
de marbre sur les promontoires n ’étaient pas autre l’offrande du sang « vil » de prisonniers ou
chose que des abattoirs où les tripes étaient d ’esclaves, mais des vies les plus précieuses,
répandues fumantes sur les autels de marbre oblations sublimes de victimes choisies parmi les
sculpté. familles patriciennes de la cité. On crut longtemps
Et pourtant ces répugnants sacrifices solennels à une calomnie romaine, jusqu’au jour où l’on
d ’animaux, auxquels se complaisent encore des retrouva sous les parvis d ’un temple de Carthage
religions modernes, représentaient un progrès de milliers d ’urnes pleines d ’ossements d ’enfants
dont l’histoire schématisée est celle du Sacrifice calcinés.
d ’Abraham. Car toutes les civilisations placent
dans leur siècle obscur la tradition des sacrifices LE CRUEL RITE DU DÉVOUEMENT
humains.
Mais cette coutume, qui devait être générale dans Le sacrifice est aussi le symbole de la révérence et
les temps barbares, n ’en a pas moins laissé des de l’attachement des hommes pour les puissances
traces fréquentes aux époques historiques. Expia supérieures, dieux et croyances, ou pour leurs chefs.
toire ou propitiatoire, tribut offert aux divinités, Ici aussi le sacrifice est d ’autant plus méritoire
aux génies ou aux mânes des ancêtres, le sacrifice qu’il porte sur des êtres plus chers et plus précieux.
humain est toujours latent derrière celui de Chez les Aztèques, les prisonniers sont immolés
l’animal. Mais il a survécu d ’une manière éclatante par milliers, mais les victimes de choix sont des
dans les jeux des gladiateurs, coutume funèbre volontaires, souvent de haut rang.
étrusque, héritée des Romains et devenue l’accom Lorsque nous assurons quelqu’un de nos sentiments
pagnement obligatoire de tous leurs triomphes, dévoués, nous oublions que cette formule dérive
comme un rite de sanglantes actions de grâces. de l’un des rites les plus cruels des religions
De même, dans des circonstances graves, on voit archaïques. Encore dans la Rome impériale en cas
parfois renaître cette coutume. L ’angoisse et la de danger ou de maladie grave du prince, des
terreur sont génératrices de régression spirituelle. courtisans « dévouaient » leur vie à la sienne,
Lorsque Rome fut directement menacée par c ’est-à-dire qu’ils s’offraient aux dieux en échange
Hannibal, le Sénat ordonna q u ’un certain nombre de sa guérison. Depuis des siècles ce rite n ’était
de victimes fussent enterrées vivantes. On connaît plus que symbolique, un animal étant substitué
l’épisode biblique de la fille de Jephté. De nos au dernier moment à la victime (comme Isaac).
jours, dans certaines circonstances critiques liées Mais Caligula s’amusa une fois à contraindre ses
surtout aux terreurs obsidionales, les foules re dévoués courtisans à tenir leur promesse suivant
trouvent spontanément ces raisonnements féroces les rites anciens pour fêter sa convalescence.
de la mentalité primitive. Elles se livrent à des
hécatombes à la fois symboliques et propitiatoires. LES ARCHÉTYPES
Certains épisodes comme les massacres de DE LA MENTALITÉ PRIMITIVE
Septembre, épisodes de luttes politiques sans doute,
ne participent pas moins obscurément « quelque De tous les sacrifices humains, le plus célèbre, parce
part », étant donné leurs circonstances et la qu’il est à l’origine légendaire de toutes les religions
psychologie de ceux qui les ont ordonnés et monothéistes, est le Sacrifice d ’Abraham. Le
exécutés, à des réactions de cette sorte. Patriarche, dit la Bible, n ’hésita pas une minute
La plus connue des survivances du sacrifice humain à égorger son fils unique et bien-aimé dont la vie
dans une civilisation techniquement avancée est lui était réclamée par l’Éternel. A la dernière
la coutume carthaginoise de brûler les enfants seconde, alors que le couteau était déjà levé, un
offerts au Grand Dieu Moloch, protecteur de la Ange substitua un bélier à l’enfant.
L’histoire invisible
Mythes, mystères et miracle du couple
G en eviève Gennari
DE L 'A M E
Couple dans un jardin.
École du Dekkan ( xvm'V .
Musée Guimet.
(G iraudon) L 'am o u r à refaire
de travail. Pas un seul secteur de la pensée et de la avaient craint Dieu, il leur accorda une posté
vie ne demeurerait intact. Et en tout état de cause, rité. » (2)
on peut supposer que l’angoisse vitale se dévelop Beaucoup de textes et de légendes semblent, par
perait jusqu’au morbide dans une société brusque ailleurs, borner mystérieusement le déséquilibre
ment devenue monstrueuse. Quelles lois s’inven- numérique causé par une malédiction, ou un
teraient alors? Quels dérivatifs trouveraient les crime, au chiffre sacré de sept. Ainsi Barbe-Bleue
hommes et les femmes? Qui l’emporterait, de la (et l’on sait combien les vieux contes ont des
reine des abeilles, ou de la mante religieuse, du sources anciennes et un sens symbolique) épouse
sultan aux dix harems, ou de l’ancien Chinois sept femmes avant d ’être lui-même démasqué.
noyant ses filles? On peut rêver à l’infini. Ainsi encore Blanche-Neige, intouchable en face
Dans le numéro spécial à ’Esprit, consacré à tous des sept nains, qui la protègent jusqu’à l’arrivée
les problèmes de la sexualité moderne, on ne du Prince. Et il y a aussi cette légende populaire
relève que quelques allusions à de possibles boule selon laquelle le septième enfant du même sexe
versements, en cas de grave déséquilibre numé né dans une famille serait doué de vertus et talents
rique. Après l’habituelle allusion à l’Amérique, extraordinaires, légende qui semble attacher un
Jacqueline Hecht et J.C. Chasteland citent plus sens magique au rythme des naissances : le Petit
curieusement le fait qu’en 1880 les arrondissements Poucet en est un exemple connu.
les plus pauvres de Paris comptaient un grand Il y a surtout, bien plus grave, bien plus mysté
nombre d ’hommes seuls, la majorité des femmes rieuse, l’histoire peu connue de Sara, d ’Ecbatane,
étant demeurée à la campagne : « Chevalier n ’hésite dans le livre de Tobie : Sara a été mariée sept fois
pas à voir dans cette inégalité une cause profonde sans qu’aucun de ses maris ait pu l’approcher.
d ’antagonisme social, et, dans la jalousie ressentie Car un démon les tue dès qu’ils entrent dans sa
par l’habitant des quartiers déshérités envers le chambre, le soir de ses noces, « parce qu’il l’aime »,
riche bourgeois, un élément qui dut jouer un rôle dit explicitement la Bible, ce qui jette une lueur
non négligeable dans le déclenchement des grands singulière sur le sexe des démons, à défaut de celui
règlements de comptes du xixe siècle. » (1) des anges. Mais Tobie arrive, conduit par l’ange
Raphaël. Et il réussira là où les sept autres ont
MAIS LES ACCOUCHEUSES échoué, parce qu’il a appris de Raphaël l’exor
CRA IG N IREN T DIEU... cisme qui mettra le démon en fuite, et la prière
qui lui rendra Dieu favorable (3).
Pourtant, le phantasme du couple humain bascu Que ce soit Dieu, ou l’Espèce, qui veille ainsi sur le
lant tout d ’un coup vers le seul déséquilibre qui, secret des rythmes et des nombres, le miracle
miraculeusement, ait été épargné à l’espèce, semble demeure. Éternellement, un garçon, une fille
avoir traversé l’inconscient collectif, par brèves naissent. Éternellement, un homme, une femme
illuminations. s’accouplent. Le couple est l’unité naturelle par
Quand, lors du premier génocide relaté par excellence, il existe dès le berceau : les vrais
l’histoire, le Pharaon ordonne de tuer tous les jumeaux, les jumeaux parfaits, au sens médical du
nouveau-nés mâles des Hébreux, et que les sages- mot, sont le nouveau-né et la nouveau-née sortis
femmes Shiphra et Pua s’y refusent, ce n ’est pas, du même œuf, et pourtant de sexe complémentaire.
comme on pourrait s’y attendre, uniquement par
pitié naturelle, ou pour protéger l’avenir de leur D IFFICILE? MAIS TOUT EST DIFFICILE
race menacée d ’extermination. Le texte est formel : POUR LES HOMMES !
« Mais les accoucheuses craignirent Dieu... et
laissèrent la vie sauve aux garçons. » Et, comme si Comment ce couple universel — la relation
Dieu était impliqué dans l’équilibre même du humaine par excellence — ne serait-il pas le cata
rapport des sexes : « parce que les accoucheuses lyseur de toutes les difficultés, le bouc émissaire
DU CORPS
École flamande. Détail f Carnavalet).
(Bulloz) L’am our à refaire
POURQUOI TANT DE CRIS qu'une fidélité au monde... Écoutons le terrible
ET TANT DE LIVRES? démenti donné à son époux par une des héroïnes
de Giraudoux, ce théoricien de la lutte des sexes:
Alors, pourquoi le long débat des siècles ? Pourquoi ' Nous vous trompons avec tout. Quand ma main
cette quête de tout et de rien? Pourquoi la glisse, au réveil, et machinalement tâte le bois
déception, la tromperie, le divorce? Pourquoi du lit, c’est mon premier adultère... Que je l’ai
le crime et la douleur? Pourquoi tant de cris? caressé, ce bois, en te tournant le dos, durant
Pourquoi tant de livres? mes insomnies! C ’est de l’olivier. Quel grain
Mais précisément parce que le couple est la doux! Quel nom charmant! Quand j ’entends le
relation humaine type, et que la condition humaine mot olivier dans la rue, j ’en ai un sursaut. J ’entends
est difficile! L ’incompatibilité, la lassitude, l’into le nom de mon amant! Et mon second adultère,
lérance, les mille heurts quotidiens, le doute, la c’est quand mes yeux s’ouvrent et voient le jour
rancune, tout cela relève de la condition humaine, à travers la persienne. Et mon troisième, c ’est
et je n ’ai jamais constaté que d ’autres groupes quand mon pied touche l’eau du bain, c’est quand
humains en fussent exempts. Simplement, le j ’y plonge. Je te trompe avec mon doigt, avec mes
couple n ’étant composé que par deux membres, yeux, avec la plante de mes pieds » (1). Qui ne
il est singulièrement plus aisé pour chacun de voit combien cette trahison apparemment inno
s’en prendre au plus proche, plutôt q u ’à l’amour cente, en réalité d ’une sensualité à la fois subtile
même, plutôt q u ’à son propre être sexué. Ce et universelle, est aussi grave qu’une infidélité
n ’est jamais à l’Amour immortel q u ’on s’en consommée ? Combien de femmes, et par combien
prend, ni à soi. C ’est à l’Autre. Ainsi un dualisme de rêves, se sont-elles ainsi vengées d ’un mari?
étrange s’est-il peu à peu constitué, où chacun
voit en l ’autre son incarnation et sa joie — ou AMOUR COURTOIS
son péché et son ennemi. Les femmes ont longtemps ET MYSTIQUE CATHARE
parlé des hommes comme d ’une espèce étrange
et étrangère, responsable de tous leurs maux. Les Dualisme, disais-je tout à l’heure pour expliquer
hommes leur rendent bien la pareille. Les le malentendu qui fausse les jugements portés par
confusions de valeurs dans ce domaine sont chaque sexe sur l’autre. Pourquoi pas mani
incroyables, et commencent seulement à être, si chéisme? Pendant des siècles, les femmes ont été
j ’ose dire, dessillées. Par exemple, on commence assimilées au mal : porte du diable, selon le mot
à (re-)découvrir que la femme est aussi sensuelle, de Tertullien. Mais elles ont été aussi assimilées
active et changeante que son compagnon, q u ’elle au bien, à l’inaccessible, à l’absolu. L'Amour
est par contre plus efficace, plus extravertie, à et V Occident, ce classique, de Denis de Rougemont,
l’aise dans le concret; c ’est l’homme qui serait prouve que notre conception de la passion et de
profond, pudique, tendre, facilement abstrait, et l’amour s’est formée dans ce brûlant creuset de
surtout infiniment plus idéaliste. Mais on se mysticisme et de cours d ’amour, de guerre sainte
trompe peut-être aussi quand on se mêle de cette et de poésie, que fut le Languedoc au xne siècle,
démystification-là! Le couple est par définition entre Toulouse, Albi, Carcassonne et Béziers.
composé de deux êtres humains, deux êtres mortels, Le manichéisme écrasé revécut grâce aux trou
compliqués et secrets, chez qui qualités et défauts badours sous une forme symbolique : celle d ’un
varient à l’infini, non pas tant en fonction du Couple courtois, condamné à ne chercher le bien
sexe qu’en fonction de la caractériologie. et le mal qu’à travers l’autre, et à se dépasser
Pendant des siècles, par exemple, les femmes se lui-même dans la quête d ’un Graal introuvable.
sont repassé de l’une à l’autre de vieux et Alors seulement s’écroula à travers l’Europe
douloureux slogans sur l’infidélité des hommes
et leur instinct polygamique. Mais il n ’est pas (1) Electre, acte II, scène 6.
DE LA TÊTE
M ythes, m ystères et m iracle du couple Illustration originale de Mac Avoy.
l'idéal païen de la femme, objet charnel, et triompha Sans doute n ’est-elle qu’à la recherche de son
pour longtemps l’idéal cathare, emprunté aux propre animus, image primitive du Père-magicien,
mystiques néo-platonicienne et orientales, de la médiateur naturel avec l’invisible, seul intermé
dame intouchable, assimilée au Bien suprême (1). diaire possible entre elle et le Tout. C ’est ce Maître
La condamnation du mariage à la cour de Marie et ce Père qu’elle veut, c’est ce rédempteur. « Que
de Champagne, fille d ’Aliénor de Poitiers, en les femmes regardent les hommes regarder Dieu...»,
serait une preuve, ainsi que la sublimation de écrivait naguère Béatrix Beck. Oui : le rêve de
l’amour que Dante, cent ans plus tard, portera démission des femmes n ’est souvent qu’une forme
à Béatrice. Plus près de nous, il est frappant dégradée de leur besoin d ’adoration. Et c’est
que le même Wagner qui réactualisa le mythe pourquoi la femme qui a eu la chance unique
breton de Tristan, ait écrit Parsifal et Lohengrin d ’être aimée par un homme supérieur acceptera
— dont le fameux burg ne serait autre que pour lui les plus grands sacrifices. L ’exemple de
Montségur, la citadelle cathare. Plus près encore, Juliette Drouet consacrant cinquante années de
Paul Claudel aura sans doute été le dernier poète sa vie à Victor Hugo, qu’elle appelait son « divin
courtois, — au grand sens du mot. La femme est maître », est le plus admirable, et le plus significatif.
pour lui la promesse qui ne se peut tenir, et l'idéal Mais l’homme aussi est à la recherche de son
d ’aimer cela qui n’est pas le bonheur, comme il est anima, s’il croit encore à l’Éternel féminin, en
dit superbement dans le Partage de Midi. dépit de son cynisme affiché. A cette constante
masculine, Simone de Beauvoir elle-même, tout
QUAND LES FEMMES DEM ANDENT en la condamnant, donnait une cause irration
A L ’HOM M E L ’IMPOSSIBLE nelle : « L ’homme attend de la possession de la
femme autre chose que l’assouvissement d ’un
II est plus difficile de déterminer à quelle époque instinct ; elle est l’objet privilégié à travers lequel
les femmes se mirent elles aussi à demander il asservit la nature. » (2)
l’impossible à leur humble compagnon de route. Nature ou transcendance, il reste que chacun
Sans doute, la Renaissance et la Révolution, en cherche chez l’autre plus que l’autre.
contribuant à leur faire prendre conscience d ’elles-
mêmes, les aidèrent-elles à s’évader de leur ...ET CE Q U ’IL A TROUVÉ
situation immanente. Je croirais que c ’est le NE LUI SUFFIT PAS
romantisme qui accéléra le mouvement. Après
avoir redéifié la femme, il la laissa, si j ’ose dire, Ainsi, qu’on le veuille ou non, l’histoire du couple
sur sa faim : car la vie ne lui proposait pas le se joue à la charnière de l’Esprit et de l’instinct, et,
dieu que les poètes lui avaient fait imprudemment qu’il le veuille ou non, le couple est dépassé par
espérer. Les lions superbes et généreux s’avérèrent lui-même à chaque instant, à chaque tournant,
rares, et le bovarysme naquit. Nous savons trop dans la génération dont le secret lui échappe
qu’il n ’est pas tout à fait mort. A l’avenir de encore, et dans sa finalité : que celle-ci soit
décider par quel isme il sera remplacé. Mais si confondue avec celle de l’espèce, ou transcendante.
Emma a pu devenir un type et donner son nom Le couple, consubstantiel à la condition humaine,
à un complexe, c’est q u ’elle trahit à son insu et est voué à la grande angoisse humaine. Mais il a le
à sa pauvre manière de petite-bourgeoise du privilège douloureux d 'incarner celle-ci ; pour lui,
xixe siècle, le secret commun à presque toutes la quête de l’absolu n ’est pas celle de la Licorne,
les femmes : la recherche d ’un amant qui soit du Graal ou de la Baleine Blanche : car ce qu’il
un maître, et le vertige de la passion mortelle. cherchait, il l'a trouvé, et ce qu’il a trouvé ne lui
Il est facile d ’accuser une femme de bovarysme, suffit pas. Ce qu’on trouve ne suffit jamais. Il y a
de romantisme, voire d ’ambition, quand elle toujours quelque chose au-delà. Au-delà...
place son idéal trop haut et ne peut le réaliser. ...Et le couple mythique des débuts de l’humanité
B IB L IO G R A P H IE
Le p re m ie r v o y a g e de M m e de S ta ë l
en Ita lie et la genèse de C o rin n e
(Thèse de doctorat), Boivin, 1947.
Les C o u sin e s M u lle r, roman, Pierre
Horay, 1919.
La F o n ta in e sc e llé e , roman, Pierre
Horay, 1950.
J 'é v e ille r a i l'a u ro re , roman, Pierre
Horay, 1952.
L ’ É to ile N a p o lé o n , roman historique,
Pierre Horay, 1954.
Le p lu s tris te p la is ir, roman publié
en feuilleton dans la Revue des Deux-
Mondes sous le titre : Les P assagers,
La Palatine, 1956.
Le R ideau de S a b le , roman, 1957.
S im o n e de B e a u v o ir (essai), Editions
(1) 11 est juste de noter que Zoë Oldenburg, dans son livre récent Universitaires, 1959.
Le bûcher de Montségur, établit une nette distinction entre le catha J o u rn a l d ’ une B o u rg e o is e , roman,
risme et la courtoisie. Grasset, 1959.
(2) Le troisième S exe , I, p. 255. J 'a v a is v in g t ans, journal de 1940-
(3) Charles Péguy, Le Porche du M ystère de la deuxième vertu. 1945, Grasset, 1961.
In fo rm atio n s et critiques
il inventa de nouvelles te c h cha ng er. Un re c ru te m e n t in De nouvelles te c h n iq u e s
niques de sou du re qui ont tense des a g en ts noirs est en s c ien tifiq ue s
perm is d ’a u g m e n te r la p ro d u c cours. Ces ag en ts a u ro n t le et p ara p s y c h o lo g iq u e s
tiv ité . En 1947, le p ré sid e n t m êm e tra ite m e n t, le mêm e
T rum an le nom m a c o n se ille r rang m ilita ire et le mêm e
D u ra n t la de uxièm e guerre
te ch n iq u e . En 1950 et en 1951, a va n ce m e n t que les blancs.
m ondiale, les o rg an ism es d ’es
il réorganisa l’a via tio n a m é Le re c ru te m e n t des agents
pion nag e à l’in té rie u r d ’ un pays
rica ine . Dès l'ép oq ue , il vo u la it arabes a, d ’au tre part, été
é ta ie n t c o n stitu é s en « réseaux».
un pro gra m m e im p o rta n t de in te n sifié , p a rtic u liè re m e n t en
Un réseau c o m p re n a it p lu sie u rs
fusées lourdes et, si on l'a v a it T u n is ie et au M aroc. Ces d e r
cen tain es d ’ag en ts sous la
écouté, l'A m é riq u e a u ra it lancé niers a u ro n t p o ur b u t non s e u le
d ire c tio n d 'u n ch e f re sp o n
le pre m ie r sa te llite a rtific ie l m en t d 'in fo rm e r, m ais d ’orie n te r
sable. Ils é ta ie n t g é o g ra p h iq u e
avant la Russie. En 1954, il dans la m esure du possible m ent localisés, o p é ra ie n t dans
fu t nom m é p ré sid e n t de la l'A friq u e vers l’O ccid e n t.
une pro vin ce ou une région
C om m ission à l'É ne rgie A to M cC one so u tie n t les n a tio
bien d é fin ie . L'ensem ble des
m ique. Il in sista alors pour nalism es dans l’ensem ble de réseaux d 'u n pays é ta it m a n i
que l’A m é riq u e rep ren ne les l’A friq u e , et se pro no nce en pu lé par un d ire c te u r général
explosions e xp érim e ntales des fa ve u r de la d é ség réga tion en
ré sid e n t hors de ce pays. Il
bom bes ato m iqu es. En 1959, A friq u e du Sud. A in s i est-il
sem ble que ce systèm e soit
dans un ra p p o rt à ce sujet, en tra in de réa lise r sur le encore en usage chez les
il ava it p ré d it q u 'e n 1961 les c o n tin e n t n o ir la m o b ilisa tio n
Russes.
Russes ro m p ra ie n t la trêve. de tou te s les fo rce s d o n t l'A m é
Cette p ré d ictio n s ’est réalisée. riq u e pe ut d ispo ser dans ce M cC one estim e que ce systèm e
Tel est l’ hom m e q u i, désorm ais, se cte u r du globe. C ontre quel de réseau est désorm ais pé rim é
d irig e ra la C e ntral In te llig e n ce ennem i ? et tro p dangereux. Il c o m p te ra it
A ge ncy, o rg a n ism e g é n é ra le le re m p la ce r dans le m onde
m ent con nu sous l’a b réviation en tier, par le systèm e des
C.I.A. Un seul e nn e m i : la C h in e m issions in d iv id u e lle s Un agent
n ’est em ployé q u ’une fo is : il
sig ne un c o n tra t dans lequel
Le grand c h a m p de bataille : est d é fin i le b u t de la m ission.
l’A f r i q u e L’en ne m i, en A friq u e , est m oins
l'U n io n S oviétiq ue que la Chine. Les Russes o n t p u b lié qu elque s
M cC one c ro it aussi fe rm e m e n t ph otoco pies de te ls contrats.
Pour M cC one le de stin du au p é ril ja u n e que les p o li C o m m ent un hom m e seul peut-il
m onde se jo u e en A friq u e . tic ie n s a lle m a n d s d 'a v a n t la réa lise r une m issio n ? La C.I.A.
D ’après sa d o c trin e il n'y aura p re m ière g u e rre m ondiale. Il possède sur tou s les pays du
pas de guerre, ni en 1963 ni à co n sid è re q u 'il y aura b ie n tô t m onde la plus fo rm id a b le d o c u
to u t au tre m om ent. M ais dans un m illia rd de C h ino is et que m en ta tion qu i a it ja m ais été
les 25 ans à ve n ir va se jo u e r ceu x-ci e n visa g e n t désorm ais constituée. Cette d o cum e ntatio n
la grande p a rtie : la lu tte pour l'A friq u e com m e colonie de p erm et de p ré pa rer une m ission
le co n trô le de l’A friq u e . Et p e up lem e nt. A in s i la Chine, avec un tel soin q u ’un ag en t
pour M cCone celui qui tie n d ra à la fin du XXIe siècle, d o m i envoyé en C hine ou en Russie
l'A friq u e , tie n d ra le m onde. n e ra it le m onde entier. possède une im p la n ta tio n sé
A ussi M cC one v ie n t-il de rieuse et pour o ccu p e r une
prendre des m esures p ro p re C ette vue pe ut paraître s im situ a tio n bien d é fin ie selon la
m ent ré vo lu tionn aires. La C.I.A. pliste, m ais M cCone n'en est m éthode O.D., c'e st-à -d ire
é ta it ju s q u 'à pré sen t l’a d m i pas m oins le to u t-p u is s a n t che f O ccu p a tio n a l D isguise (d é g u i
n istra tio n la plus raciste des de la C.I.A. d o n t il révise sem e nt c o rre sp o n d a n t à une
États-U nis. Les noirs n ’y éta ien t fo n d a m e n ta le m e n t la g é o p o li occu p a tio n ). Un grand nom bre
p ra tiq u e m e n t pas adm is, s u r tiq u e . Il c o m p te ra it aussi en de m issions in d ivid u e lle s
to u t dans les cadres des agents m o d ifie r c o m p lè te m e n t la s tru c a u ra ie n t déjà p a rfa ite m e n t
en m ission. T o u t ceci va tu re et la faço n d ’agir. réussi. Un m agazine fra n ça is
L’histoire
a d 'a ille u rs conté l'h is to ire de sans d iffic u lté dans la p o p u de re m a rq u a b le s ouvrag es d ’ in
l’ une de ces m issions sous le la tion du pays à étu die r. ve n ta ire et de d o cu m e n ta tio n
titre : « L'Espion qu i fa it Des m oyens de sabotage to u t vivante. C.W . Ceram , I.C. Leit-
tre m b le r le K re m lin ». à fa it nouveaux o n t été inventés hauser, H. H a rtm a nn , R. Junck,
Les services secrets a m é rica in s ces d e rn iè re s années. C 'est P. H e rrm ann , en son t des
a u ra ie n t d ’au tre pa rt à le u r a insi q u 'il s u ffira it d ’une s o lu exem ples bien con nu s. Deux
d isp o sitio n une nouvelle in v e n tio n d 'u n e c e n ta in e de c e n ti livres de W. K e lle r o n t été
tio n réalisée par les services m ètres cubes d ’un sel de g a d o tra d u its et ils d o ive n t re te n ir
te c h n iq u e s de la C.I.A. : les lin iu m , m étal de la série des l’a tte n tio n à des titre s d iffé re n ts .
tra n s m e tte u rs Delta. C ’est un te rre s rares, p o ur paralyser Le pre m ier, la Bible a rr a c h é e
ém e tte ur de radio basé su r un to ta le m e n t une pile n u clé a ire aux s ables, paru d e p u is déjà
p rin c ip e nouveau. L'ém ission, en a b so rb a n t tou s les neutrons. lo ng te m ps, é ta it une re m a r
au lieu de d iffu s e r en ondes Il n'y a u ra it q u 'à in tro d u ire le q u ab le synthèse des travau x
c o n c e n triq u e s n ’est a u d ib le liq u id e dans le flu id e de re fro i a rch é o lo g iq u e s et h isto riq u e s
qu 'e n un seul p o in t du m onde dissem e nt. La pile paralysée qui o n t p e rm is de re tro u ve r et
au tre que celui où se trouve s ’arrê te et au cu n e explosion de re c o n s titu e r va la b le m e n t
l’ém etteur. Le p rin c ip e de cette ne se p ro d u it. l’ h isto ire des tro is m illé n a ire s
in ven tion dem eure ignoré. On Une a u tre arm e est le C arci- p ré cé d a n t la naissance du
sa it s eu le m ent q u ’elle est basée notron. Ce tu b e d ’ondes courtes, C h rist. Peu de fa its nouveaux
sur des fo n c tio n s m a th é m a qu i fu t inventé en France, ne ou in c o n n u s aux a m a te urs de
tiqu es, les fo n c tio n s Delta, pèse que q u e lq u e s ce n ta in e s ce passé ca p ita l, m ais leurs
créées par le savant an glais de gra m m es ; il pe ut c e p e n d a n t en cha în em e nts, leurs rap po rts
P.A.M . Dirac, Prix Nobel. b ro u ille r les ém issions radio avec l'A n c ie n T estam e nt, leurs
On assure en fin que la C.I.A. su r une vaste bande de lo n relatio ns réciproq ue s, leurs
p o u rsu ivra it active m e n t l'é tu d e g u e u rs d ’onde et à p a rtir de liens avec une c a rto g ra p h ie et
des m oyens de tra nsm ission sources d ’én erg ie po uva nt être une ico n o g ra p h ie ab on da nte
de pensée et que des résu ltats fo u rn ie s par n ’im p o rte quel o nt fa it de ce t ouvrage un
extra o rd in a ire s a u ra ie n t été réseau a lte rn a tif à 110 volts. pré cie ux d o cum e nt.
obtenus. On parle aussi de m oyens
M ais M cC one ne co m p te pas b io c h im iq u e s : par exem ple des La s o m m e de l’ histoire russe
se u le m e n t sur les re n s e i d ro gu es in tro d u ite s dans l’eau
gnem ents. La sectio n actio n d ’a lim e n ta tio n e t qu i e n lè Le second livre, E s t-O u e s t = 0,
de sabotages de la C.I.A. va ve ra ie n t to u te envie de co m a d 'a u tre s p ré te n tio n s et il
é g a le m e n t s u b ir un b o u le b a ttre ou d ’a g ir à des p o p u c o n stitu e , à notre avis, la
versem ent. la tio n s entières. som m e la plus sch é m a tiq u e
Il s 'a g it p o ur la C.I.A. que les et la p lu s a cce ssib le de l'h is
N o uv e lle s a rm e s A m é ric a in s du pro che a ve nir to ire russe, du M oyen A g e à
de la g ue rre se c rè te ne soient, com m e vie n t de le nos jo urs. Ici la thèse est cla ire,
d ire K e n ne dy : « N e ith e r Red résum ée dans une fo rm u le
De nouveaux p la n e u rs en m a or Dead », c 'e st-à -d ire : « Ni a lg é b riq u e : l'Est, c 'e st-à -d ire la
tiè re p la s tiq u e d o n t la tra je c co n ve rtis au C o m m unism e, ni Russie a n cie n n e et l'U .R .S.S.
to ire p e u t être o rie n té e à l’aide tué s ». a ctu e lle , ne d o it son existe nce
de fusées et qu i so n t in d é te c p o litiq u e , son dé ve lo p p e m e n t
ta b le s au radar, o n t été m is au éco no m iqu e, sa c u ltu re s c ie n ti
point. Ils pe uve nt être la rgu és Une histoire de la Russie fiq u e , sa pu issa nce m ilita ire et
à haute a ltitu d e et p e rm e tte n t te c h n iq u e , son in flu e n c e m on
de déposer des ag en ts à des d iale q u 'a u x a p p o rts de l'O uest
m illie rs de kilo m è tre s du lieu UN HISTORIEN DE GÉNIE : et, en p a rtic u lie r, de l'E urope,
où ils o n t été lâchés par avion. W KELLER voire m êm e à un p illa g e systé
Les agents, après a vo ir d é tru it m a tiq u e des hom m es, des
le p la n e u r qu i b rû le sans la isser La litté ra tu re a lle m a n d e nous idées, des m ach in es et des
de traces, p o u rra ie n t se fo n d re ap p o rte de pu is qu e lq u e s années in ven tions.
In fo rm atio n s et critiques
La p ro p o sitio n est au d a cie u se L ’ A R C H É O L O G I E co m b a t les so rciers et les
m ais l'a u te u r en dé fend re m a r rites. Nous revien dron s p ro c h a i
q u a b le m e n t les te rm e s par une ne m en t su r le tra va il de
a c c u m u la tio n e x tra o rd in a ire de Une n o u velle revue M. Jacques M illo t.
fa its, de do cum e nts, de c ita tio n s
(m êm e russes). Ici, encore, la OBJETS ET M O NDES
volonté de pro uve r m ène à des
excès, à des p a rtis p ris ou à C ette revue, anim ée par Jacques
des in te rp ré ta tio n s p o ur le M illo t et Yvette Laplaze, porte
m oins a rb itra ire s . M ais to u te en s o u s-titre : « Revue du Musée
thèse n'en n 'im p liq u e -t-e lle de l’ H om m e ».
p as? et ce lle -ci m é rite to u te C om m e son nom l’ in d iq u e , la
notre a tte n tio n ca r elle repose « Revue du M usée de l’ H om m e»
su r des réa lité s in d is c u ta b le s . a po ur b u t p rim o rd ia l de fa ire
On c ra in d ra it to u te fo is q u 'e lle co n n a ître au p u b lic cu ltivé ,
no urrisse un o p tim is m e d a n g e a u ta n t q u ’aux spé cia listes, les
reux dans le m onde o c c id e n ta l p rin c ip a le s a c tiv ité s du grand
et que de te lle s co n sta ta tio n s ce n tre de re ch e rch e s de
(g ra tu ite s au regard de l’actu el) S cie nce s hu m aines du Palais
fa u sse n t l’o p tiq u e des re sp o n de C haiIlot. Elle s ’effo rce en
sables en m in im is a n t une p u is m êm e te m p s de présenter, en
sance bien réelle. Que cette l'a c c o m p a g n a n t de to u te l'illu s
pu issa nce s o it basée, à l'o rig in e tra tio n sou ha itab le, une d o c u
et encore a u jo u rd ’ hui, su r m en ta tio n de q u a lité co n ce rn a n t
l'esp io nna ge , le d é to u rn e m e n t, l'E th n o g ra p h ie sous tou s ses
la sujétio n et l'in fo rm a tio n e n c y aspects, l'A n th ro p o lo g ie et la
clo p é d iq u e , c ’est possible. Que P réhistoire.
le ré su lta t de cette m é th o d e ,d e Elle publie, en p rin cip e , chaque
cette « te c h n iq u e » p ro d u ctive année, 4 fa scicu le s in-4° de
soit aléatoire, c 'e s t beaucoup 64 pages, e n ric h is de nom
m oins probable. breuses p h otog rap hie s, et do nt
Bien que ne p a rta g e a n t pas ch a cu n c o n tie n t un ou p lusie urs
l'o p in io n de K e lle r su r bien des a rtic le s de fon d, une ch ro n iq u e
points et, su rto u t, re g re tta n t gé né rale de la Vie du Musée,
l'ab sen ce d ’ une analyse plus des C om ptes R endus des tra
poussée du m a té ria lism e d ia le c vaux de ses divers D é pa r
tiq u e dans l'e x p lic a tio n de ces te m e n ts et des Sociétés s p é c ia
m éthodes effica ces, on ne peut lisées q u 'il a b rite . Enfin, un
que c o n s e ille r la le c tu re de C o u rrie r des le cte u rs perm et
cet ouvrage re m a rq u a b le en à ceux-ci d ’o b te n ir to u te s les
e sp éra nt vo ir K e lle r é crire in fo rm a tio n s qui pe uvent leur
ensuite, sous la m êm e o p tiq u e , être u tile s dans le dom aine des (Cl. J. M il lo t )
l'h is to ire des U.S.A., par S cie nce s hum aines. De Gaulle tabou
exem ple. T ro is num éros sont déjà parus. Tête kebe-kebe, du Musée de
S ig n a lo n s dans le d e rn ie r fa s c i Pointe-Noire, représentant le
cule, une re m a rqu able étude : Général de Gaulle. Ces têtes de
« De P ointe-N oire au pays bois sculpté et colorié sont
Tsogo », de Jacques M illo t. Il brandies, au cours de certaines
s ’a g it de l ’é vo lu tion de la m e n ta danses d ’initiés, par les exé
lité m ag iq ue dans cette région cutants dissimulés sous un
du su d -o u e st du Gabon, où la manteau de raphia : région de
nouvelle re lig io n p ro p h é tiq u e Fort-Rousset
L’archéologie
LA S O C IO LO G IE C ette s tru c tu re in tro d u it donc
la durée sociale, et ne peut
que d o n n e r un m odèle plus
co n fo rm e à la ré a lité que les
Une te n ta tiv e française a n cie n n e s assem blées ho
pour créer une économ ie m ogènes.
é vo lu tion n aire L 'o b je t de ce co m ité est de
dé ve lo p p e r la d o c trin e nom m ée
par M. B lo ch -M o rh a n g e « d yn a
«F O N D E R L 'A V E N IR » , m iq u e sociale », nom q u i est
par B lo ch -M o rh a n g e déjà un program m e. P a rtie lle
m en t exposée dans l'ou vrag e
Si l'on ch e rch e l'id é e d o m in a n te F ond er l'A v e n ir (Fayard), cette
de notre tem ps, celle que l'on d o c trin e a d'a b o rd l'im m e n se
retrouve p a rto u t où s 'é la b o re n t m é rite de ne pas être en
des s tru c tu re s nouvelles est le retard d 'u n d e m i-siè cle su r les
p rin c ip e é v o lu tio n n a ire . Dans Bloch-Morhange :
co n na issan ces gé né rale s; celui,
la m esu re m êm e où les a c tiv ité s Une nouvelle façon de voir
é g alem en t, de fo u rn ir des m é
p o litiq u e s et é co no m iqu es le devenir social
tho des d 'a c tio n . Cela sem ble
v iv e n t su r des idées périm ées sim p le , na turel, à qu i a eu la
et des x p rin c ip a u x fa u sse m e n t cha nce de ne ja m a is avoir
neufs, les m éthodes in sp iré e s a ffa ire avec l'é co n o m ie . M ais
de l'é v o lu tio n n is m e so n t fo rt ceux que le fa it des dieu x ou
rares. Il c o n v ie n t do nc de présentes. Il est m êm e à p ré voir
des p rin ce s a d iffé re m m e n t q u 'e lle a cce n tu e ra les dé sé
p o rte r un in té rê t p a rtic u lie r à o rie n té savent que les deux
l'e ffo rt ré ce m m e n t e n tre p ris par q u ilib re s . Il fa u t do nc d é fin ir
p rin c ip a u x cara ctè res de l'é c o une nouvelle p o litiq u e de ré p a r
un c o n s e ille r é co no m iqu e, M. J. nom ie son t d 'a p p a rte n ir au
B lo ch-M o rh an ge , po ur in té g re r titio n , et cela grâce à des
XIXe siè cle et de ne fo u rn ir que
ce g ra nd p rin c ip e . o b serva tions et à des in té
des p ro n o stics faux.
Le c o m ité d 'é tu d e s q u 'il v ie n t g ra tio n s scie n tifiq u e s , c'est-à-
de cré e r est é vo lu tio n n a ire à la d ire con form es aux fa its o b je c
La « dyn a m iq u e so cia le » tifs , au lieu d 'ê tre déform ées
fo is par la s tru c tu re et par la
m éthode. D ’abord, il est c o m T rès som m a irem e nt, la « d yn a par des m ythes et des routines.
posé non se u le m e n t d 'é c o n o m iq u e » repose su r cette é v i Dès m a in te n a n t, on pe ut in
m istes et de p o litic ie n s , de dence q u ’ il est plus fa c ile d iq u e r ce rta in s im p é ra tifs, d o n t
che fs d 'e n tre p ris e et de s y n d i d 'o rg a n is e r que de réo rga nise r, la n é g lig e n ce in te rd it à to u te
calistes, m ais de c h e rc h e u rs quand la situ a tio n évolue ra p i p o litiq u e éco n o m iq u e d ’être
s c ie n tifiq u e s ; ceu x-ci ne jo u e n t dem ent. Or, la s itu a tio n est viable.
pas se u le m e n t le rôle de te lle q u 'u n e a u g m e n ta tio n de D ’abord, une d é m o cra tisa tio n
con seille rs, co n su lté s par les 50 % en dix ans du p ro d u it réelle, et non se u le m e n t fo r
éco no m istes su r des p o in ts de na tion al b ru t est n o rm a le m e n t m elle, de l’e n seigne m en t. Dans
d é ta il; ils c o lla b o re n t é tro ite p ré visib le . C ette a u g m e n ta tio n le plan de dix ans é tu d ié par le
m en t à tou s les travaux, et, est s u ffis a n te po ur p e rm ettre C om ité, un gros e ffo rt d o it être
en un sens, d o n n e n t le ton, en une o rg a n isa tio n ra tio n n e lle et ten té , p e n d a n t ce laps de
in tro d u is a n t le urs m éthodes hu m a in e des c o n d itio n s de vie, tem ps, po ur la pro m o tio n so
dans un d o m aine qui en a la d is p a ritio n de la p lu p a rt des ciale. Ensuite, ce moyen de
grand besoin. Ensuite, le co m ité in ju s tic e s g é n é ra trice s de te n co m p e n se r les d é fa illa n c e s de
n 'e s t pas re cru té dans une sion sociale. l’e n se ig n e m e n t ne d o it plus
seule classe d 'â g e : il a deux M ais cette a u g m e n ta tio n restera être conservé; il d o it être rendu
pôles p rin c ip a u x , l'u n dans la in su ffisa n te , et la s itu a tio n to u t in u tile , par un re c ru te m e n t
g é né ration des 40/50 ans, l'a u tre aussi ten due , si elle co n tin u e de des a g en ts é co n o m iq u e s et
dans la gé n é ra tio n des 25/35. se d is trib u e r dans les s tru c tu re s te c h n iq u e s ad ap té aux besoins.
In fo rm atio n s et critiques
des travau x d 'é le c tro p h y s io lo g ie L E S M O N D E S tro n iq u e s et c h im iq u e s et s ti
céré bra le sur l'a n im a l. On c o n D I F F É R E N T S m u la te u rs b io é le ctro n iq u e s.
ç o it l’ in té rê t q u ’ il y a à pouvoir Ce qui l'a in sp iré , c ’est l'e n
exclure ra p id e m e n t et réversi- c o m b re m e n t cro issa n t des é q u i
b lem e nt l’a c tiv ité d ’environ un
V ers la construction pem ents spatiaux, et le u r fr a g i
du Cyborg : lité. Q uo iqu e l’hom m e sem ble
m illim è tre cube de sub stance
grise. En s'a d re ssa n t à l'u n des
L'h om m e d 'ailleurs cap ab le de s u p p o rte r des a c c é
noyaux pro fo nd s responsables lé ratio ns beaucoup plus p u is
du som m eil, on peut, par DES RECHERCHES santes q u ’on l’ava it estim é
exem ple, fa ire d o rm ir un h é m i DÉMENTIES ju s q u 'ic i, il n 'e st pas douteux
sphère cérébral p e n d a n t que OU DE JUSTES VISIONS q u ’ il devra, dans ses pre m ière s
l'a u tre reste éveillé. DÉROUTANTES? e xcu rsio ns in te rp la n é ta ire s, être
Une fo is de plus la ré a lité p rotégé co n tre ces tro is p rin c i
sc ie n tifiq u e se révèle plus Froid comme un p o is s on , paux da ng ers : a ccé lé ra tio n s
extra o rd in a ire que la fic tio n b o u ch e scellée, doté de gla n de s excessives, te m p é ra tu ie s ex
et les pages p ru d e n te s et s é artificielles, tel sera l 'H o m m e de trêm es et ra d ia tio n s diverses.
rieuses du ra p p o rt du C.N.R.S. l'avenir, le C y b o rg , c o n q u é ra n t F audra-t-il alors que ces m a l
a p pa raisse nt com m e l'u n e des des pla nètes. heureux se tra în e n t dans des
sources du réalism e fa n ta stiq u e . scap ha nd re s g ig a n te sq u e s b a r
Ils a u ro n t des yeux, des m ains dés de plom b et rig o u re u se m e n t
et des cerveaux p a reils aux é ta n ch é isé s? F audra-t-il les
nôtres. M ais leur pouls, leur co n d a m n e r à des séjours où
d ig e stio n et leurs se n tim e n ts l’acte p h ysio lo g iq u e le plus
se ro n t d iffé re n ts de ceux que s im p le — tel que se g ra tte r
la race hu m aine a co n n u s ju s le nez — posera des problèm es
q u 'ic i. Nés sur la Terre, iis te c h n o lo g iq u e s a rd u s?
m o u rro n t p e ut-être a ille u rs. Ce Enfin, q u ’une co u tu re vie nn e à
sero nt sans doute des hom m es, c ra q u e r dans te lle ou telle
m ais on les ap p e lle ra des co m b in a iso n étanche, et c'e st
«-Cyborgs », te rm e fo rg é à p a rtir la cata stro phe . P ourquoi, en
des deux scie nce s qui a u ro n t effet, fa u t-il e xclure pareil
p e rm is leur m ise au m onde : ris q u e ? Un scap ha nd re , aussi
c yb e rn é tiq u e et physiologie. p e rfe ctio n n é so it-il, peut se
Le C yborg a deux pères am é b lo q u e r aux a rtic u la tio n s , et
ric a in s : M an fre d Clynes, un se tra n s fo rm e r soudain en sa r
in g é n ie u r qu i é tu d ie m a th é m a cophage. Il pe ut aussi être
tiq u e m e n t les é q u ilib re s b io endom m agé : et c'en est fa it
c h im iq u e s hu m ains, au Rock- d ’une vie hum aine.
iand S tate H o spita l de New
York, et un m éd ecin, Nathan
K iine , qu i é tu d ie les drogues A u lieu d 'u n s c a p h a n d re ,
du cerveau au m êm e h ô pita l (1). une physiologie sur m esu re
In fo rm atio n s et critiques
m entale que p ro vo q u e ra it la sur-O rge, ou à W rig h t Patter- LES A R T S A N C I E N S
« c yb o rg isa tio n » éte ndu e sur son, p ré p a re n t l'a d a p ta tio n ET M O D E R N E S
d ix années: ce rv eau sa ns d ou te p h ysiq u e et psych iq u e de
b e a u c o u p plus d é v e lo p p é, sys l'h o m m e à des c o n d itio n s in h u
t è m e digestif d ég é n é ré et, bien m aines, a ccé lé ra tio n s de 40 ou
Braque et Picasso :
sûr, psy c h ism e s f o n c iè r e m e n t 50 G, ch a le u rs de l’o rd re de
différents de t o u t ce que 70°, etc. : le Cyborg est au UN M O RT VIV A N T ,
nous avons jus q u 'ic i q ua lifié bo ut de ces perspectives. UNE ÉTERNELLE JEUNESSE
d ’ h u m a in ... • M M . Kline et C ly ne s e stim e n t
« A in s i, a ffirm e n t MM. K line que l’hom m e n’est pas parvenu A p rè s l’avo ir cha rgé de dé core r
et Clynes, l’hom m e pourra aux lim ite s de ses p o ssib ilité s le plafond d ’une des salles de
jo u ir p le in e m e n t de son in c u r d 'a d a p ta tio n : les Indiens de l'é co le frança ise , l'é ta t-m a jo r
sion dans le Cosmos. » M orococha, par exem ple, dans du Louvre a fa it de nouveau
les A n d e s p é ruvienn es, p a r appel à l'u n des m aîtres du
D é jà aujourd'hui v ie n n e n t bien à jo u e r au foo tb all cub ism e , celui que Jean
p e n d a n t p lu sie u rs heures, à Paulhan a ap pe lé « le Patron »,
• La b io é le ctron iq ue a a ffe rm i des altitudes de 5.000 mètre s, Georges Braque. Le Louvre,
cette relatio n en tre la c y b e r où les pilote s ne pe uve nt se q u e lle con sécra tion I Mais les
né tiq u e et la ph ysio lo g ie : les passer de m asques à oxygène la u rie rs de la g lo ire son t p a r
régulateurs c a rd ia q u e s que l'on et où les ob serva te urs m édicaux fo is délétères. La ré tro sp e ctive
fa b riq u e a u jo u rd 'h u i aux États- b leu issen t, c h a n g e n t de p e r B raque est loin d ’être une
U nis ne c o n s titu e n t q u ’un p re son na lité, et se m e tte n t à réussite. Elle a été réalisée
m ie r pas vers ia « c y b o rg i déraisonner... de faço n assez som m a ire et
sation » de l'hom m e.
co n stitu e à vrai dire bien plus
• L 'appare il de Karl O tto , un aide -m é m oire q u ’une présen
de l’in s titu t de L ich te n b e rg ta tio n exhaustive. C ’est un ou til
de P hysiologie a p p liq u é e de d ’ in fo rm a tio n à l’usage des é tu
B erlin, pour la tra n sm issio n dia n ts et des profanes. Les cinq
sans fil des pa ram ètres p h y s io salles de l’e xp osition c o rre s
logiq ue s d e stiné s à m o d ifie r po nd en t sch é m a tiq u e m e n t aux
à d is ta nc e le potentiel de tel diverses périodes de la ca rriè re
ou tel m u s c le, est un autre de l’artiste. Q ue lqu es oeuvres
exem ple de cette o rie n ta tio n . tro p sou ven t m in eu re s et
• Le d o c te u r Ka ntrow itz, du cho isie s avant to u t p o ur le u r
M aim onide s H o spita l de B ro o in té rê t d id a c tiq u e en ja lo n n e n t
klyn, a réussi d e rn iè re m e n t à le d é ve lo p p e m e n t h is to riq u e :
faire valser un chien par des d é bu ts céza nn ien s de l’ Estaque,
s tim ulations b io é le ctro n iq u e s re n co n tre des « th è m e s m u s i
rythmées et e n re g is tré e s . Le caux » (gu itare , m an do lin e) et,
Dr. K a n tro w itz ne songe, pour dès 1911, la g ra n d e époque des
l’ in sta nt, q u ’à p e rm e ttre aux co m p o sitio n s c u b iste s et des
p a ra p lé g iq u e s h u m a in s de papiers collés, qu i se po ursu ivra
m archer, m ais il n ’est pas ju s q u ’en 1920.
do uteu x q u ’un h o m m e doté
d ’ un « r y t h m e u r » é le ctron iqu e Le divorc e entre le m u s é e
qui te n d ra et d é te n d ra ses et l ’art vivant
m uscles afin de le faire m a rc h e r
co n stitu e ra une sorte de La vision de Braque, fixée par
Cyborg. l ’analyse cub iste, évoluera peu
• Enfin, les re c h e rc he s de p e nd an t v in g t ans. A p rè s 1940,
m é d e c in e spatia le à B ré tig n y - l ’a rtiste retrou vera le g o û t de
In fo rm atio n s et critiques
Quel e n se ig n e m e n t tire r de la LA L I T T É R A T U R E
vision ju xta po sée de ces deux
exp ositions te c h n iq u e m e n t si
d is s e m b la b le s ? L’ une nous p ré Où en est
sente un m o rt viva nt, l’au tre le S u rréalism e?
le trè s h a bitu el virtu o se d ’ une
é te rn e lle jeunesse. La v é rité LA RÉVOLTE ILLIMITÉE
de Braque et de P icasso est ET LES LIMITES DE
a ille u rs : dans le u r œ uvre, LA PURE LITTÉR ATU R E
d e p u is lo ng te m ps d e rriè re eux.
Où en est le S u rré a lism e ?
C o m m e n t ne pas so u h a ite r de
le sa vo ir? Une d o c trin e qui
p ro m e t le paradis te n te to u
jo urs. Le paradis pro m is par
le S u rré a lism e est laïque, m ais
c ’est vra im e n t un paradis, un Aragon :
bo nh eu r, un éternel p rin te m p s, exclu parce que trop libre
un âge d ’or. S ’ il trio m p h a it,
nous v iv rio n s dans l’am our,
la société ne c o m p te ra it plus c o n stitu é s, il s ’est m an ifesté
de sa crifié s, la pensée tire ra it par une d é cla ra tio n qui ne me
toute con na issan ce de l’ in tu i paraît pas l’e n g a g e r à gra nd -
tion et de la poésie. Plus de chose. « Nous croyons, d é c la
c o n tra in te s d 'a u c u n e sorte, m ais ren t les H o lla nd ais, à la révolte
une c o n sta n te jo ie de vivre. de R im baud, à celle de Lau
D é sir et lib e rté ne ce sse ra ie n t tré a m o n t et de S ade; nous
de se re cré e r l’ un l’autre. croyo ns à la v a le u r de la poésie,
V oilà ce que nous ra p p e lle de l’a m o u r et de la lib e rté ;
Jea n-L ouis B éd ou in, dans V in g t nous croyons à la révo lu tion
A n s de S u rré a lis m e (1) qui est su rré a liste . » J ’ai s u p p rim é les
un livre in s tru c tif en m êm e m ajuscu les, ca r si les néophytes
te m p s que trè s savoureux et du S u rré a lism e s’en tie n n e n t
par m om e nts trè s am usant. à cette fo i, le S u rré a lism e n ’a
pas lieu de pavoiser.
Un a s s o u p lis s e m e n t Il est ju s te de reco n n a ître que,
de la ra is o n , m ais... d e rriè re ces m ots de dévotion,
au m oins po ur les S u rré a liste s
Il nous ap p re n d to u t d'a b o rd fra n ça is, se tie n t q u e lq u e chose
que le S u rré a lism e s ’est ré de plus com plexe. Q ui ne le
pandu en B elgique , en Italie, s a it? Le S urré alism e, ainsi
aux É tats-U nis, en A m é riq u e d ’a ille u rs que le so u lig n e B é
la tine , au Japon, au M exique, do uin, s ’ insère dans l’ h isto ire
aux A n tille s , en Europe c e n avec le sou ci d ’assum er ju sq u e
trale , b re f dans le m onde en tier. dans ses co n séq ue nces les
M ais q u e lle est la va le u r in d i plus diverses et les plus
v id u e lle des a d h é re n ts ? Il né extrêm es le d é velopp em e nt
g lig e de le dire. Tous les ré vo lu tio n n a ire de la pensée.
gro up es re sse m b le n t-ils à celui Il entend refaire l ’e n te n d e m e n t
de H o lla n d e ? Un des d e rn ie rs hu m ain, d é liv re r l'e s p rit d ’ un
pré te nd u na tio n a lism e q u ’ in fir
Picasso : Compris ? (1) Denoël. m e ra ie n t à elles seules les plus
La littératu re 147
récentes p o sitio n s s c ie n tifiq u e s , b outism e. Q u a n t à l’a ffra n c h is
re m p la ce r la raison ca rté sie n n e sem e nt m oral, il s ’étale sous
par une raison in tu itiv e dans nos yeux. J.e doute que le
la qu elle s ’ in té g re ra ie n t l'im a S u rré a lism e y s o it p o ur une
g in a ire et le rêve, et, d ’ une part.
faço n plus générale, a ssu re r
la lib e rté to ta le de la personne D es b u ts vagues
pensante, lib e rté à l'é g a rd de et des exclu sive s p ré cise s
la v ie ille raison c ritiq u e , lib e rté
à l'é g a rd des vie ux dogm es T o u jo u rs est-il que Jean-Louis
m oraux, lib e rté à l ’égard des B éd ou in s ’avance d 'u n pas
c o n d itio n s de vie qui né ce s fo rt alerte su r le ch e m in de
s ite n t la révo lu tion p ro lé ta l’ in s u rre c tio n hum aine. A vec
rienne.., Les su rré a liste s n ’o n t une fra n c h e et naïve con fian ce,
pas été les seuls à tra v a ille r il re p ro d u it des textes que
à un asso u p lisse m e n t de la peu de gens c o n n a isse n t et
(Keystone)
raison. A ce p o in t de vue, qui p ré cise n t les positions. D ali :
les sym bolistes, les bergso- S om m es-nous n o m bre ux à avo ir exclu parce que trop génial
niens, les ba rrésie ns m êm e, y lu, par exem ple, la le ttre é crite
o n t tra v a illé avant eux, et Jarry par ces m essieurs à G arry
Davis, le citoye n du m on d e ? S aviez-vous q u ’ il y a ju s te deux
davantage encore. Et puis, il ans le surré alism e, procéda
co n v ie n t de d is tin g u e r en tre J'y tro u ve les ligne s suivan te s :
à I’ « exé cutio n du te s ta m e n t de
cet a sso u p lisse m e n t in tu itif et « Nous ch e rch e ro n s la clef,
S a d e » ? Cela s ’est passé en
le ren verse m ent co m p le t à la d'esse nce m ythiq ue , cap ab le
privé chez Joyce M assour, qui
su ite d u qu el la litté ra tu re ne d ’o u v rir n 'im p o rte quel asp ect
a va it in vité à cette occa sio n une
p ro d u it plus que des e x c e n tri m an ifeste du m onde p o ur liv re r
le se cre t q u ’ il ren fe rm e. A in s i cen ta in e d ’a rtiste s et d ’é c ri
cité s et prend le ch e m in de la vains. Jean Benoît, revêtu du
fo lie . La utréa m on t, Jarry, pas p o ursu ivon s - nous l’ave nture
exa ltan te qu i, par la c o n n a is costu m e - m asque cé ré m on iel
mal de su rré a liste s té m o ig n e n t q u ’ il a co n fe c tio n n é en
du risq u e q u ’ il y a à pra tiq u e r, sance de son univers, cha ng era
la vie de l’ hom m e. » l’ ho n n e u r de Sade, s 'a c q u itta
dans ce dom aine com m e en de ce tte exé cutio n (sym bo liq ue )
d ’autres, le m ortel ju s q u ’au- Q u'en pe nse z-vous? Un tel
texte ne fra p p e -t-il p o in t par d o n t il a va it réglé les m oind re s
ce q u 'il présente de tro p vague dé tails, et d o n t A la in Jo u ffro y
en m êm e te m p s que de tro p a pu é crire que « cette m a n ife s
fa c ile m e n t p ro m e tte u r? J'y d e ta tio n n'a ja m a is eu son é q u i
vin e en filig ra n e le cla ssiqu e va le n t n u lle p a r t» et que le
gesté par lequel la c o n c lu t
« D em ain on rase g ra tis ». Il
B enoît (se m a rq u a n t lu i-m êm e
p e rm e t en to u t cas de c o m
à l'a id e d 'u n fe r aux le ttres
pre n d re que des schism es se
de Sade) c o n s titu a it un défi,
soien t p ro d u its dans le cours
« défi aux con form ism e s, défi
d o c trin a l du S urré alism e, et
aux paresses, dé fi au som m eil,
ta n t de d ispu te s, de rup tu res,
défi à tou te s les fo rm e s d 'in e rtie ,
de con da m natio ns, que B édouin
dans la vie com m e dans la
raco nte avec une im p e cca b le
pensée ».
bonne fo i. Je renvoie à son
liv re ; on y verra q u 'E lu a rd ,
p o ur ne pa rle r que du plus U to p ie et vie ille s s e
illu s tre , a cessé d 'ê tre un
(Keystone) héros. A u sp e cta cle de pa reille s a b s u r
Eluard : Il est re m p li, ce livre, de d o c u dités, à la le ctu re de ce rtains
exclu parce que trop poète m ents p itto re s q u e s et drôles. textes tro p u to p iq u e m e n t am-
In fo rm atio n s et critiques
b ilie u x po ur être sin cère s (l’ un il o b tie n d ra de son cerveau LE T H É Â T R E
d 'e u x pro m et à l’ hu m a n ité to u t un re n d e m e n t in c o m p a ra b le
en tière de l'é le ve r « à des m e n t s u p é rie u r au re n d e m e n t
hauteurs que seuls les génies de l'in te llig e n c e actu elle. Où en som m es-nous?
isolés on t a tte in te s dans le En effet, dans Le M atin des
passé »), on a l’ im p ressio n m a g icie n s, le c h a p itre « Une CRISE DES SUJETS, DES
q u 'a u ssi bien pour le scan da le in tu itio n nouve lle » persuade AU T E U R S ET DES
que po ur les œ uvres (des a isé m e n t les le cte u rs de Louis ACTEU R S
tra c ts au lieu de livres) il y a P auw els et Jacques B e rg ie r
Le m onde change, nous le
a u jo u rd ’ hui dans le S u rré a lism e que l’exp é rie n ce po é tiq u e e n
savons assez, sous l’ in flu e n ce
baisse de pression, et que peut- tre p ris e par R im bau d n ’est
des nouvelles te ch n iq u e s.
être, ayant v ie illi com m e son pas du to u t le fa it ca p ita l
Idées, co n ce p tio n s, tab ous
e n tra în e u r A n d ré B reton, il de la ré vo lu tio n in te lle c tu e lle
s 'e ffo n d re n t. C hacun s ’en tire
arrive au bout de son rouleau. du m onde m oderne. S ’ il existe-
com m e il pe ut — in ven ta nt,
Les su icid e s de Paalen au un tel fa it ca p ita l, c ’est p lu tô t
rapetassant, préservant. C’est
M exique et de D uprey à Paris « l ’e x p lo sitio n du génie m a
l ’entrée dans une ère nouvelle.
fe ra ie n t dans ce cas, avec ceux th é m a tiq u e ». Les e n tité s m a
M eure le m onde « bourgeois »,
de Vaché et de Crevel, un cadre th é m a tiq u e s p ro lo n g e n t l’exp é
sa s tru c tu re sociale, ses c o n c e p
s in is tre m e n t fu n è b re . rie n ce hu m a in e au p o in t de
tio n s — en som m e sa p e rc e p
lu i é ch a p p e r et de se d é velopp er
Rien que des litté ra te u rs tio n de l’ univers. D onc sa
dans des m ondes étrangers,
vision a rtis tiq u e .
in a cce ssib le s. La réelle p u is
Que les s u rré a liste s ne soien t Dès le d é b u t du siècle, le
sance du cerveau hum ain, la
fin a le m e n t, q u o iq u 'ils s'en d é m arteau ré vo lu tio n n a ire du d a
voilà. Car, é c riv e n t P auw els
fen d e n t, que des litté ra te u rs , daïsm e et du fu tu ris m e a
et B erg ie r, « le génie m a th é
les v ic to ire s réce ntes de la fracassé les idoles : co n d a m
m a tiq u e , voya ge an t ainsi dans
s cie n ce n'en la issen t plus na tion exp é d itive du passé.
d ’a u tre s univers, re vie n t de ses
do uter. Si le m onde s'ouvre Puis des arts nouveaux sont
exp lo ra tio n s ch a rg é d ’o u tils e ffi nés : radio, ciném a, télé visio n.
de plus en plus à l'é tra n g e té , caces po u r la tra n s fo rm a tio n
la scie n ce y aide in fin im e n t Q ua nt aux arts tra d itio n n e ls ,
du m onde que nous h a bito ns ». ils s 'in tro s p e c te n t, s'anato-
plus que la litté ra tu re ; la s cie nce Ils a jo u te n t « q u ’en é leva nt la
p a ra -p sych o lo g iq u e et p sych a m isent, se dém ontent.
pensée à son plus h a u t degré
n a ly tiq u e dans ses la b o ra to ire s d ’a b s tra c tio n par les m a th é
d 'A m é riq u e rem et A n d ré B reton m atiques, l’ hom m e s 'a p e rç o it
et ses e n c y c liq u e s à le u r place, que ce tte pensée n ’est pe ut-être
qui est m in ce. M ais s u rto u t pas sa p ro p rié té exclusive, car
une é tra n g e té beaucoup plus il dé cou vre que les insectes,
im p o rta n te atten d les hom m es, par exem ple, se m b le n t avo ir
qu i, au lieu de fo u rm ille r au co n scie n ce de p ro p rié té s de
fon d d'eux, les dépasse, les l’espace qui nous é ch a p p e n t et
entoure, les su rm o n te . T a n d is q u ’ il e xiste pe u t-ê tre une pensée
que les s u rré a liste s p ié tin e n t m a th é m a tiq u e universelle... »
de van t les états in fé rie u rs de A u fon d, les su rré a liste s exa
l’ in co n scie n t, c ’est à des états g è re n t le rôle q u ’ ils on t joué,
s u p é rie u rs d 'in te llig e n c e et de et ils so n t en ré a lité des re ta r
co n scie n ce que nous au ron s dataires. Ils trio m p h e n t dans
b ie n tô t à nous hausser. On un seul a rt — acco rdo ns-le -
re n c o n tre ra — et to u jo u rs dans le u r — , l’a rt de l’étalage aux
le dom aine de l'in tu itio n — (Lipnitzki)
v itrin e s de luxe.
une su p e r-lo g iq u e . A u tre m e n t Planchon :
dit, l’ hom m e est a d m is à penser H e nri C LO U A R D , A la recherche fébrile
que dans les te m p s qui v ie n n e n t (Le Journal des Beaux-Arts, Bruxelles). des textes oubliés
Le théâtre
voici lo ng te m ps : de p u is la fin
du XIXe, ce rta in s s’éta ie n t e m
ployés à ré a n im e r l’asphyxié.
S tanislaw sky, C raig, Copeau et
le C artel, en tre autres, s 'a c h a r
n è re n t à recré er un a rt viva n t
da ns son con tenu com m e dans
son m ode d'exp ression. Efforts
ui o n t d ’abord paru vains :
raig se retire, Copeau
s ’éloigne. M ais le thé âtre, a fa it
re m a rq u e r T h é o p h ile G autier,
est to u jo u rs en queue des
m ouvem ents a rtis tiq u e s : p ro
fo n d é m e n t en foui dans la masse
(Lipnitzki) sociale, il s ’éb ran le avec lenteur,
(Lipnitzki)
Samuel Beckett : m ais à fon d, et ne revien t
ja m a is en a rriè re . C ’est se u le Ionesco :
Encore de la littérature, Une entreprise (nécessaire)
m en t m a in te n a n t que se ré
malgré tout... de démolition
p a n d e n t les e xp érience s de
S tanislaw sky, de M eyerhold, de
P iscator. dans les fo ire s de Bourgogne,
M o rt et e n te rre m e n t il n ’est que d ’évoquer les efforts
du th é â tre b o u rg e o is La re co n q u ê te du p u b lic , d ’ un V ilar, son th é â tre a m b ulant,
m ais p o u r qu oi? ses spe ctacle s de plein air, la
A r t hu m ain par e xce lle nce — cré a tio n des cen tre s d ra m a
l’ hom m e m êm e en est l ’ in s Le p re m ie r o b je c tif a été de tiq u e s, d o n t deux encore ré ce m
tru m e n t d ’expression — , le re co n q u é rir, en dehors du p e tit m ent, sans pa rle r des clu b s de
th é â tre reflè te la société dans ce rcle « d ’ h a bitu és », ce p u b lic sp e cta te u rs en A lle m a g n e , po ur
ses m œ urs et ses croyances. qu i a lla it par a ille u rs si fa c ile m esu rer le che m in pa rcou ru.
M ais re fle t se u le m e n t : il garde m en t au cin é m a ou au cirq ue . A u jo u rd 'h u i, les sp e cta te u rs se
en deçà son ca ra ctè re p rim itif D e pu is les « C opiaux » jo u a n t c o m p te n t par m illio n s.
de rite m ag iq ue et trib a l. Grec, Ce p u b lic reco nq uis, que lui
é lisa b é th a in , cla ssiqu e, il nous p ré sen te r p o ur le to u ch e r, le
livre le signe, le p o rtra it m ys re te n ir? Il y a d ’abord une
tiq u e d ’ une époque. e n tre p rise de d é m o litio n , in s
Q uand la société change, le pirée de M eyerhold : on c a ri
th é â tre change. V oilà po urq uoi c a tu re le th é â tre bourgeois,
le th é â tre « bourgeois » de ses valeurs. Dada a porté ses
nos pères ne nous s u ffit plus, fru its , se co m m e rcia lise . L’anar-
dans son con tenu com m e dans chism e (com m e au ca b a re t avec
son m ode d ’expression. T héâtre Brassens) est à la m ode : un
d ’a ille u rs tra d itio n n e l de nom : n ih ilis m e (Ionesco) qu i, sous
m oribon d dès le d é b u t du c o u le u r de révo lu tion, d e vie n t
XIXe, il n’ im ita it q u ’e xté rie u le co n ve n tio n n e l de notre
rem e nt le th é â tre classique. époque.
P sychologie de salon, il d é Il y a aussi, to u jo u rs, dans un
co u p a it sa « con versa tion sous m ode d ’expression tra d itio n n e l,
un lu stre » en tro is ou cinq (Keystone) un th é â tre qui garde son asp ect
actes. Ce th é â tre existe tou jou rs. J. L. Barrault : de trib u n e litté ra ire , m ais le
In u tile de c ite r des exem ples. Faire éclater les formes, dé ba t s'élève au su je t social
On a va it senti sa d é c ré p itu d e retrouver l'in s tin c t (Cam us, Sartre, etc.).
Le théâtre
son a rt le dé corateur, le d ra m a une vie plus profonde, plus LE C I N É M A
tu rg e , etc., de fa ire de la crue).
tro u p e un to u t viva nt, non un R etrouvé en ta n t que style
ra sse m ble m en t pro viso ire de et d is c ip lin e , le thé âtre, cette Un artiste d e v a n t la réalité
te ch n icie n s. Idée reprise par in ca rn a tio n im m é d ia te de
P lanchon ou le P iccolo, où le notre vie s p iritu e lle , n ’aura plus ET UN CRITIQUE DE STYLE
sp e cta cle est une créa tion besoin de « thèses » p o ur être PLANÈTE FACE A U X
collective . Decroux, au cours social et m étap hysique . Seul Q U A T R E CAVALIER S DE
de débats su r l'a rc h ite c tu re aussi, com m e l’a ssu ra it A rta u d , L’APO CALYPSE
thé âtrale , a fa it trè s p ro fo n il pe ut re ssu scite r en la tra n s
d é m e n t re m a rq u e r que, dans posant au niveau du m onde A u te m p s de la résista nce ,
notre c iv ilis a tio n où l'in te lle c tu e l nouveau, notre c u ltu re h u m a Jacques B e rg ie r e u t soudain
n ’a g it pas et le s p o rtif ne pense niste d o n t une récente ém ission besoin d ’une nouvelle id en tité .
pas, seul l’a c te u r réalise la télé visé e su r Eschyle a éclairé Les délais é ta ie n t tro p cou rts
synthèse en tre la pensée et les ruines. pour im a g in e r une fausse p e r
l’actio n et q u 'il fa u t re c o n s i Du thé âtre, de ce vaisseau qui son na lité, avec fau x passé,
dé rer to u t l’a rt th é â tra l à p a rtir d o rt à l'a n c re su r la place, fausse fa m ille , faux m étier.
de lui. Le thé âtre, « sp o rt d ra m a on révise en ce m om e nt la Forcé d ’ im proviser, il p rit un
tiq u e », d it C raig. « L’acteur, s tru c tu re et l’éq uipag e. Il est nom très com m u n, se f it naître
a th lè te a ffe c tif », répond te m p s q u ’en fin, après ta n t dans une v ille d o n t les reg istres
B arra ult. d'an né es en rade, il c in g le pour d 'é ta t civil é ta ie n t d é tru its, et
retrou ver ce d o n t notre c iv ili c h o is it la profession de c ritiq u e
Le s p e c ta te u r actu e l a besoin sation a la nostalg ie et la fa im : d 'a rt. De tous les m étiers
du co n ta ct viva n t de l’acteur, « les cie ux du dedans ». possibles, se d it-il, c 'e s t le seul
com m e on le v o it par le succè s que je puisse in ve n te r de A
du ca b a re t de nos jo u rs et de à Z : personne n'a ja m ais su
ses a rtiste s aux a c tiv ité s para- en quoi il con sistait.
th é â tra le s (Séty, Les Frères J'ai souvent l'o cca sio n de
Jacques, etc...). Dans le m onde penser à cette réflexion p ro
m écanisé où nous entrons, fonde. Par exem ple, en lisa n t
seul le th é â tre pe ut g a rd e r les c ritiq u e s du d e rn ie r film
notre relatio n avec les p u is de V in ce n te M in e lli : « Les
sances de l’ in s tin c t. C 'est p o u r Q uatre C avaliers de l'A p o ca -
quoi A rta u d , d o n t to u t le dram e lypse ». L’auteur, dit-o n, est
personnel fu t de ne po uvo ir un « c o lib ri », un « a q u a re l
re jo in d re cet in s tin c t, in sista liste »... Et je me suis dem andé
ta n t sur cette « m étap hysique co m m e n t on peut é crire des
avec la peau ». C 'e st pourq uoi choses pa reille s I Un colibri,
notre m onde o ccid e n ta l, céré- vraim ent, l'a u te u r de « La
bralisé, a une a d m ira tio n de Vie passionnée de V in c e n t
fem m e pour le m onde des Van Gogh »? In vraisem b lab le I
noirs, parce que c e lu i-c i est
en prise d ire c te avec les p u is D 'a b o r d cré e r de la beauté
sances de l'in s tin c t (com m e le
s ig n ifie Les N è g re s de G enêt Invraisem b lab le , aussi, q u 'u n
qu i d 'a ille u rs, par sa volonté hom m e d o n t la profession est
de pre nd re à pa rtie le sp e c de ju g e r les ouvrages de l'e s p rit
ta te u r et de fa ire dé b o rd e r ig no re les lois fo n d a m e n ta le s
l'a c tio n dans la salle, est une de l'art. Car ce qu i frapp e,
fig u ra tio n de ce « th é â tre de dans l'œ uvre de M in e lli et p a rti
la c ru a u té » qu i c h e rc h a it à c u liè re m e n t dans les « Q uatre
suscite r, par des m oyens naïfs, C avaliers », c 'e s t p ré cisé m e n t
In fo rm atio n s et critiques
la c o n tin u ité avec les processus du cin é m a d ’après la télé visio n, p a rto u t les pieds su r la ta b le
tra d itio n n e ls de la cré a tio n qui se d iffé re n c ie en ob éissant et e n ric h it l’atm osp hè re d ra m a
artis tiq u e . De quoi s’a g it-il, aux lois évo lu tives com m e to u t tiq u e avec des e ffets aussi faux
quand un a rtiste re m p lit sa ce q u i vit. O ui oppose le grand q u 'u n b ille t de onze m ille
fo n ctio n , s u p rê m e m e n t hu écran au p e tit écran, la so m p francs.
m aine ? de fa ire « une chose de tu o s ité des co u le u rs au n o ir et
beauté », qui so it « une jo ie blanc, bref, qu i s’a p p u ie sur Le p u b lic du d im a n ch e ,
pour to u jo u rs ». Le reste, mon ses cara ctè res sp é cifiq u e s. M i le vrai
Dieu, n ’est m êm e pas de la ne lli, en artiste, a to u jo u rs
litté ra tu re . ch e rch é l’éco no m ie dans la Pas un c h e f-d ’œ uvre, m ais une
M in e lli n ’o u b lie pas une se rich esse et se plie avec m alaise œ uvre. Cela se voit, ou ne se
conde q u ’ il veut, q u ’ il d o it à l'im p é ra tif e x tra -a rtistiq u e de v o it pas, c 'e s t une qu estio n
crée r de la beauté. De la fa ire gros à to u t prix. De de s e n s ib ilité et, oui, de co m p é
pre m ière à la d e rnière im age, plus, il est évident, po ur qui... tence. Le su je t des « Q uatre
son film est d ’ une radieuse, etc., que la d is trib u tio n n'a pas Cavaliers » est tiré du fam eux
d ’ une éclatan te beauté. Et d ’a u été dé cid ée en fo n c tio n des rom an de Blasco Ibanez, tra n s
ta n t plus sen sib le à qu i, n a tu exige nces d ra m a tiq u e s m ais en posé de la P rem ière G uerre
rellem ent, n’a pas des pelures fo n c tio n des c ritè re s c o m m e r m on diale à la Seconde, sans
d ’oign ons b ib liq u e s su r les ciaux. C harles Boyer est encore pe rdre rien, au con tra ire , de
yeux, que la m atière du G rand plus m auvais que d 'h a b itu d e , sa s ig n ific a tio n , dans la m esure
Œ uvre a rtis tiq u e est plus fa m i ce qu i n ’est pas rien. M ais m êm e où le second des grands
lière. M atière v isu e lle : Paris, la C harles Boyer se vend bien, dram es européens du XXe siècle
pampa, la n u it, les visages, les d ’après le p rin c ip e ju s te m e n t a c c o m p lit la m ission tra g iq u e
arbres, V ersailles, la brum e, é ta bli par Jean-Luc G odart, du prem ier. J ’étais, en le voyant
la fla m m e des bûches et celle que les A m é ric a in s p ré fè re n t po ur la p re m ière fois, dans
des bom bes, les regards, les les plus bêtes : La Fayette, une de ces bonnes salles du
gestes. M atière a u d itive : les M a u rice C hevalier... De m êm e dim an che, pleines d 'u n p u b lic
voix, les fracas, les caisses po ur l’effro ya b le m u siq u e du aux réa ction s m assives q u ’ un
cla ires et les bottes de l’arm ée style G olden B o w l, qui m et a rtiste d o it observer avec soin.
à la prussienne. M atiè re n a rra Il reg ard ait, il se ta is a it et,
tive : l’ histo ire , les destins, le à la fin , il a p p la u d issa it. Il avait
jeu aux lois in co m p ré h e n sib le s con nu le Paris de l'o ccu p a tio n ,
du refus et de l’am our, de la et il savait, aussi bien que
peur et de l’a cce p ta tio n . T o u t n 'im p o rte qu i, que les cafés
cela est bien beau et bien vrai, du Q u a rtie r Latin n 'a va ie n t pas
logique, et ju s te assez s u r exa cte m e n t cette allure , que
pre n a n t; p o ur qu i, n a tu re lle rien n 'é ta it ré e lle m e n t com m e
m ent, a des yeux po u r vo ir et ça. M ais ça ne le d é ra n g e a it
qu e lq u e chose en tre les deux pas, p u isq ue l ’e s p rit essentiel
ore ille s po ur com p ren dre. é ta it fid è le . Sans y avo ir ja m ais
donné une m in u te de réflexion,
Faire g ro s à to u t prix, hélas ! il savait que la vé rité a rtis tiq u e
n 'e s t pas et ne d o it pas être
Le film de M in e lli est do nc un la vé rité do cum e ntaire .
c h e f-d ’œ uvre? Non, et po ur
des raisons évidentes : d'ab ord , L ’exact et l ’a rtis tiq u e
il est tro p long po u r son con tenu (Keystone)
in spiré . Le ré a lisa te u r a lo n g Charles Boyer, Dans ma can de ur, je croyais
te m p s pensé su r une ce rta in e un des quatre cavaliers que le pro blèm e ava it assez fa it
dim en sion et il peine à d is d'une œuvre qui dit c o u le r d 'e n cre et de salive,
te n d re son in s p ira tio n selon les aux critiques conventionnels de pu is que la litté ra tu re existe,
nouvelles norm es du ciném a, leurs quatre vérités po ur être connu, classé, réglé.
)
In fo rm a tio n s et critiques
Elle se s e n tit de ven ir peu à peu que répondre. C 'est alors q u 'il L A M U S I Q U E
légère com m e un nuage et im a g in a de pre nd re pour cha r
com m ença de voguer dans les le Phénix, pour co u rsie rs des
Q ue fa it
cieux, vers la lune et les étoiles, d ragons ve rt jade, d ’escalader
le N euvièm e Ciel, d ’a tte in d re
un chef d'orchestre ?
qui s c in tilla ie n t m erve ille u se
m ent a u to u r d'elle . Elle a tte ig n it les com ètes et de boire du vin UNE C O N VER SATIO N SUR
fin a le m e n t la lune, et de vin t de fle u r de cassier, assis sur LE FOND DU PROBLÈME
alors la déesse du G rand Palais la G rande Ourse,.. AVEC IGOR M A R K E V IT C H
Froid.
— Igo r M arkevitch, avant le
U ne sensationnelle con c e rt, quelle p réparation
Un « voyage dans l'infini » découverte ? per s on ne lle exige l ’exécution
d'u n e œuvre n o u v e l l e ?
Vers le IIIe siè cle avant J.-C., DES BO U D D H ISTES
le philosophe ch in o is Chang A U R A IE N T -ILS VÉCU — La chose la plus im p o rta n te ,
Tsu, ayant lo ng te m ps exam iné AU MEXIQUE ET AU PÉRO U? à m on avis, pour un m usicien ,
ie ciel, é c riv it un essai in titu lé est de ré ta b lir la c o n tin u ité
« Voyage dans l'in fin i ». Le « New York H e rald T rib u n e » d ’ un ouvrage. Je suppose, par
Il se voyait lu i-m êm e ch e va u du 11 ja n v ie r 62 rap po rte que exem ple, un m orceau com m e
ch a n t un oiseau giga ntesq ue, R adio-P ékin a a n no ncé que la l’a d ag io de la N euvièm e S ym
ju s q u ’à 90.000 lis dans les preuve est fa ite m a in te n a n t p h o n ie de B eethoven. Il est
p ro fo nd eu rs célestes, bien au- que les C h in o is avaient dé ce rta in q u ’ il ne l’a pas é c rit
dessus des nuages, ju sq u 'a u co u ve rt l'A m é riq u e et établi d 'u n tra it. Il a pu m êm e s 'a rrê te r
Lac du Bonheur. des co n ta cts sérieux dès l'an p lu sie u rs jo u rs ou p lu sie u rs
Chi Yuan, co n te m p o ra in du 500 ap. J.-C, Des voyageurs m ois en tre un passage et
nê m e Chang Tsu, é ta it un c h in o is y avaient a p po rté l'a l l'a u tre . T a n d is que nous, nous
poète à l'im a g in a tio n fantasque, phabet, ce qui e x p liq u e la devons ré ta b lir la c o n tin u ité
doué d 'u n e se n s ib ilité extrêm e resse m bla nce entre les c a ra c in te rn e d ’ une œ uvre pareille.
et d ’un grand pouvoir d ’o b se r tères aztèques et les plus C 'e st donc très d iffic ile . P our y
vation. Il n 'é c riv it q u ’ un seul a n cie n s cara ctè res ch in o is. Dès arriver, il est d 'a b o rd in d is
très long poèm e « T ie n W e in », 600 ap. J.-C,, il pa raît y avoir pensable de l'a v o ir préparée
c'e st-à -d ire : « Q uestions ». eu une colon ie c h in o ise im p o r com m e il fa u t p e n d a n t les
Il y posait plus de 170 questions, tante dans la ville de M exico. ré p é titio n s, et d ’avo ir m is les
to u c h a n t les sujets les plus Des jo u rn a u x de voyage m u sicie n s d 'o rc h e s tre en c o n
divers, co n ce rn a n t les tem ps a u ra ie n t été découverts. d itio n de ne pas b u te r co n tre
a n té rie u rs à la créa tion du ciel T o u jo u rs d ’après Radio-Pékin des é cu e ils te c h n iq u e s , de
et de la te rre et la s tru c tu re de (nous n ’avons pas pu o b te n ir m an iè re à ce que puisse se
l'un ive rs, les m ythes et les d 'a u tre s c o n firm a tio n s ), des re c ré e r ce que j ’a p p e lle ra i un
légendes et les événem ents de lique s b o u d d h iste s a u ra ie n t été éta t de grâce c o lle c tif.
l’époque historique. trouvé es au M exiqu e et au A ce m om ent-là, nous avons
Q ui a créé le c ie l? Q u ’y a-t-il Pérou. nous-m êm es à nous p ré pa rer
à la lim ite extrêm e de l'u n ive rs ? Si ces fa its son t co n firm é s ava nt le co n ce rt. Jam ais je
P ourquoi le soleil et la lune il s 'a g it ce rta in e m e n t d ’ une ne vois personne. L’a p rès-m id i
ne to m b e n t-ils pas de la voûte des d é cou vertes les plus qu i pré cèd e un co n ce rt, je
cé le ste ? P ourquoi les éto ile s im p o rta n te s de l’a rch éo log ie revis en général to u t le tra va il
sont-elles si so lid e m e n t a tta m oderne. des ré p é titio n s, de m anière à
chées au firm a m e n t? Q uels v ra im e n t vivre cette c o n tin u ité
sont les pouvoirs de la lune qu i est une fo rm e de legato
qui to u jo u rs m e u rt et to u jo u rs et qui, p o ur moi, est une des
ressuscite ? choses les plus im p o rta n te s et
T out Lin fleu ve de q u e stio n s les plus d iffic ile s à atte in d re .
au xqu elles il ne sava it lu i-m êm e Le le ga to est une c o n tin u ité de
L'anthropologie
l’e sp rit, une c o n c e n tra tio n de les in s tru m e n ts aigus, les in s tra n s m is s io n d 'u n e pensée, est
la pensée. Or, nous avons tru m e n ts graves, le centre, et d 'ê tre aussi lié que possible,
a ffa ire à ce n t personnes qui je me su is q u e lq u e fo is posé de ne pas s u p p o rte r l'in tru s io n
ne so n t ja m a is e n tra înée s à la qu e stio n : Pourquoi est-ce a élé m e n ts é tra n g e rs qui sont,
ça, qui a rriv e n t ch a cu n e avec que j ’a rrive à fa ire cela et que là, ab om inab le s...
le urs problèm es, le urs soucis, je n ’a rrive pas, par exem ple,
le u r cara ctè re. Et p o ur crée r à lire une page de livre du
parm i elles une v é rita b le c o n ti m êm e œ il rap id e ? Y a -t-il un m a g n é tism e ?
n u ité co lle ctive , il fa u t que le C o m m e n t a g it-il ? P o u rq u o i ?
ch e f soit sans fa ille et q u 'il A q u o i p e n se z-vo u s
a rrive vra im e n t, lui en to u t quan d vou s d irig e z l ’o rch e stre ? Il y a un m ag né tism e, ou i. Je
cas, à re p ré se n te r les choses peux vous p a rle r d 'a b o rd de la
de m anière à ce que le fil ne D ’ une p a rt il y a l’œ uvre elle- com p éten ce. C 'e st trè s cu rie u x,
s o it ja m a is cassé. m êm e qui se dé rou le en moi m ais il n ’existe pas un m é tie r
et qui acca pa re p ro b a b le m e n t au m onde où la co m p é te n ce
la plus gra nd e p a rtie de mes s o ita u s s i im m é d ia te m e n tv is ib le
Q ue fa ite s -v o u s qu an d vou s pensées. Et puis, il y a la et v é rifia b le . Vous avez un
lisez de la m u siq u e ? partie, si je puis dire, prosaïque, c h e f q u i se tro u ve d e va n t un
qui con siste en vig ila n ce , en o rch e stre q u ’ il v o it p o ur la
— Vous voulez savo ir co m m e n t
on pré pa re une p a rtitio n ? Eh aide aux m usicien s. Donc, il p re m iè re fo is. Je n ’ hésite pas
y a une p a rt de s u b je c tiv ité , à d ire q u 'a p rè s deux mesures,
bien, on com m e n ce par la
fla ire r, par se fa ire une idée de qu i est trè s g ra nd e et, d ’au tre beaucoup de m u sicie n s o n t
part, il y a le fa it d 'ê tre un co m p ris à qui ils o n t affaire.
ce q u 'e lle représente. A ce
ca p ita in e , d ’a id e r en som m e La m anière d o n t il attaq ue, la
propos, je peux vous dire une
la c o lle c tiv ité à se d é b ro u ille r, m an iè re d o n t il é ta b lit le ra p
chose qui m ’a to u jo u rs étonné :
à jo u e r le plus sp o n ta n é m e n t port, est q u e lq u e chose de
cha qu e page a son visa ge
possible, le m ieux possible, et to u t à fa it e x tra o rd in a ire et
p o ur m oi. Je ne la lis pas du
avec co n fia n ce . qu i tie n t c e rta in e m e n t de la
to u t en c o m m e n ç a n t par la
com p éten ce.
ga uch e po ur a lle r vers la dro ite.
Q ue se p a s s e -t-il au fo n d D ’au tre part, le m ag né tism e
Je vois presque du m êm e coup
de vo u s-m ê m e ? jo ue aussi su r des d é tails
presque en fa n tin s. Par exem ple,
La p ré pa ration , cela con siste une des raisons po ur la q u e lle
à se c h a rg e r d 'u n e sorte j ’ai to u jo u rs exigé de mes
d 'é le c tric ité , d 'u n e espèce élèves et de m oi-m êm e de
d 'a c c u m u la tio n de pensées et d irig e r par cœ ur, est que cela
d 'e xp é rie n ce s, afin que le p e rm et la su p p re ssio n du p u
c o n c e rt s o it une sorte de d é pitre . Or, j ’ai rem a rqu é q u ’ il
ch a rg e de ce tte a c c u m u la tio n . s u ffit d 'u n p u p itre en tre le
Il n 'e s t pas du to u t exclu ch e f et les m u sicie n s po ur que
q u ’on a it des m om ents de déjà le m ag né tism e (en fin ce
d is tra c tio n . Ou m êm e ce que que nous a p pe lon s ainsi), so it
j ’a p p e lle ra is le péché de com p rom is. C ’est une chose
d is c o n tin u ité . A ce m om ent-là, co m p ré h e n sib le . Un rien peut
j ’ai l’ in tu itio n (et je l’ai observé b rise r ce m ag né tism e : une
aussi bien dans mes co n ce rts in s u ffis a n c e te c h n iq u e , une
que dans ceux de mes c o l fa ille de m ém oire, un o b je t
(Collection personnelle) lègues) que le p u b lic so u ffre com m e le p u p itre , un m anque
de cette bru sq u e d is c o n tin u ité , d ’extraversion. C ’est très im
Qu’est-ce qui se passe ? q u 'in s tin c tiv e m e n t il se n t que p o rta n t d 'ê tre extrave rti po ur
Et qu'est-ce qui passe le fil est rom pu. L’ une des un chef. J ’ai rem arqué que le
dans les mains ? plus gra nd es q u alités, dans la ch e f qui tie n t les bras p lu tô t
In fo rm atio n s et critiques
fe rm é s qu 'o uve rts, a beaucoup ca ta stro p h iq u e , à m oins que
m oins de c o n ta c t avec l'o r le tro u se p ro du ise à un m om e nt
che stre que celui d o n t la te c h qui ne s o it pas p a rtic u liè re m e n t
n iq u e est trè s ouverte et qu i se im p o rta n t, dans une fra c tio n
présente com m e l'a n g le d ’ un de seconde qu i p e rm ette de se
éventail par ra p p o rt à ses rem e ttre dans la m usiqu e, éta nt
m usiciens. donn é q u ’en som m e la m usiqu e
c o n tin u e et q u ’elle pe ut très
Q u e l est votre s e ntim e n t bien a lle r un in sta n t, mêm e
p e n d a n t les ovations du public? assez lo ng uem e nt, su iva n t les
cas, sans que le c h e f d 'o rch e stre
C om bien de con certs m orts, s o it aussi pré sen t q u 'il le
qu i re p ré se n te n t en som m e une devrait. M ais je ne crois pas
zone m orte de la vie, quand que cela p o u rra it m ’arriver,
on y pense, c ’est e ffra y a n t!... é ta n t donné l'in te n s ité e t la
Quand j'e n tre en scène, je co n c e n tra tio n avec la q u e lle je
tie n s fe rm e en moi le dé sir me prépare. Pour m oi, un
que la m usiqu e crée le co n ta ct m anque de m ém oire, ce se ra it
d ’une faço n qui a ille le plus une d is tra c tio n : un péché
loin possible : ju s q u 'à l’extase co n tre la c o n tin u ité . Et puis,
collective . Le p u b lic p a rtic ip e n'o u b lie z pas q u 'il y a p lu sie u rs
pro fo n d é m e n t à un con cert, m ém o ires qu i tra v a ille n t s im u l
il y a des p u b lic s qui jo u e n t ta n é m e n t : la m ém o ire visu e lle
plus ou m oins bien, il y en a (on a de van t les yeux la p a rti
qui sont trè s doués, il y en a tio n ); une m ém o ire pu re m e n t
qu i sont m édiocres. Q uand le sensible, a u d itiv e ; e n fin une
co n ce rt se te rm in e , si l'extase m ém oire m u scu la ire que c o n
s'e st p ro d u ite , je le sens, et, na isse nt trè s bien les in s tru
in s tin c tiv e m e n t, c 'e s t de ça m entistes, e t q u i le u r perm et
do nt le p u b lic me rem ercie. p a rfo is de jo u e r un m orceau
Pour moi, c 'e s t la seule qu estio n e n tie r en pe nsa nt à au tre
que je me pose : savoir si le chose. T outes ces m ém o ires-là
lien a été établi, si le message s 'a id e n t m u tu e lle m e n t, et un
a créé une sorte de vé rité ch e f bien o rg an isé d o it
éprouvée par l’en sem b le des savo ir fa ire en sorte q u 'e lle s
auditeurs. com p ose nt tou te s en sem b le
une m ém oire in fa illib le .
Q u e ls sera ient votre réaction Parm i ses e n re g is tre m e n ts :
et votre moyen de d éfe n s e B erlioz, « La d a m na tion
en cas d 'u n m a n q u e de F aust», D G G 18.599/600.
de m é m o ire ? G linka, « L a vie p o u r le T s a r» ,
V S M 505/07.
J u s q u ’à présent, cela ne m 'e st V erdi, « R equiem »,
pas arrivé. Il m 'e st d iffic ile P h ilip s C 38.39.
d 'im a g in e r que cela puisse se Beethoven, « IX e S ym p h o n ie » ,
faire, é ta n t do nn é une p ré p a P h ilip s 457/458.
ration qui con siste à s ’a s s im ile r
co m p lè te m e n t l'œ uvre, à la
rendre sienne. N a tu re lle m e n t, il
peut y avo ir le blanc dû à une
excessive fa tig u e . Ce se ra it C 'e s t M . H o lzap fel q u i a exécuté
la photographie de la couverture
de PLANÈTE 3, à l ’Exposition
« 7.000 ans d ’art en Iran ».
La m usique 157
PLANETE a n otam m en t publié
C h r o n iq u e d e n o tre c iv ilis a t io n
L'Inte lligen ce prend le p o u v o ir par Robert JunqV C h r o n iq u e de n o tr e c i v ilis a t io n
U n e ère n o u v e ll e pa r S i r J u l ia n H u x le y
L e s o u v e r tu r e s d e la s c ie n c e
V e rs un e s c i e n c e du d e s t i n i n d i v i d u e l ' ’
par A rs è n e Lenorm and L e s c iv ilis a t io n s d is p a r u e s
H y p o t h è s e s s u r les m o n d e s h a b it é s pa r P ie r re G u é r in La g r a n d e é n i g m e d e s r o c h e r s s c u l p t é s p a r S e r g e H u t i n ,
N o ti o n s n o u v e ll e s s u r l' h v p n o t i s m e p a r J a c q u e s M o u s s e a u U n d o c u m e n t : la m a g i e en S i c il e a u j o u r d ' h u i par M a u r i c e
Bessy
L a lit té r a t u r e d iffé r e n te
L o v e c ra f t. ce g r a n d g é n ie v e n u d 'a i l l e u r s
pa r J a c a u e s Berg ie- ' Le m o u v e m e n t d e s c o n n a is s a n c e s
H y p n o s . n o u v e ll e i n é d it e p a r H.P. L o v e c r a f t Po u r c o m p r e n d r e l ’ u n i v e r s par J ean C h a ro n
LJn c h e f - d ’œ u v r e de la s c ie n c e f i c t i o n V o y a n c e et m a t h é m a t i q u e s par G é ra rd C o r d o n n i e r
C o m m e n t s e r v ir l ' h o m m e par D a m o n K n i g h t
R e d é c o u v e r t e du r o m a n d ' a v e n t u r e s a n g la i s
par J a c a u e s B e r q i e 1 L 'H is to ir e in v is ib le
M y s te r e s a u t o u r de la m o r t de M u s s o l i n i pa r G a b r ie l V é ra l d i
L e m o u v e m e n t d e s c o n n a is s a n c e s Les E s q u i m a u x h o m m e s du f u t u r p a r Je a n C a t h e lm
D ’ un e R e n a is s a n c e à l ’a u t r e p a r Lo u is P a u w e l s Les a r m e s i n c o m p r é h e n s i b l e s de d e m a i n p a r XXX
Les d e u x c lé s de T e i l h a r d de C h a r d i n p a r T h o m a s T h i b e i !
U n e a v e n t u r e s p i r i t u e l l e pa r J u l ia n H u x le y
Il n o u s a s or ti s de l ' i m p a s s e par L é o p o ld Seda-- S e n g h o r L a lit té r a t u r e d iffé r e n te
La l i t t é r a t u r e d ’a v a n t - g a r d e s o v i é t i q u e pa r J a c q u e s Bergier
L ’a r t fa n ta s tiq u e d e to u s le s te m p s L 'é c r i t u r e du d i e u , n o u v e ll e de J.L, B o rg e s
No+re a c t u e l l e a v a n t - g a r d e p a r P ie r re R e st an y L’âa e t e n d r e , n o u v e ll e i n é d i t e p a r R o b e r t B l o c h
Les N u s m o i n s n u s q u e ja m a i s , p h o t o g r a p h i e s de B il l B r a n d i .
o r é s e n t é e s par L a w r e n c e D u r r e ll
L 'a r t fa n ta s tiq u e d e to u s le s te m p s
L e s m y s tè re s d u m o n d e a n im a l U n p e i n t r e f l a m a n d , c l a s s i q u e c h i n o i s p a r Lo u is P a u w e l s
Les a n i m a u x o b é is s e n t - ii q à des s y m b o le s 7 A u t r e ch o s e q u ' u n p e i n t r e : S o u la g e s o a r J a c q u e s M é n é t r i e r
nar Rémv C h a u v i
L 'H is to ir e in v is ib le L e s m y s tè r e s d u m o n d e a n im a i
Ex tr ait s d ' u n r a p p o r ! s u r l ' a i m e a b s o lu e - De s h i r o n d e ll e s so us l ’ eau 0 p a r M a u r ic e B u rt o n
les f o r m e s n o u v e ll e s
de la g u e r r e p s y c h o t o n i q u e pa r XXX
L ’ A m o u r à re fa ire
L 'A m o u r à re fa ire La ; e m m e est rare o a r Lou is P a u w e l s
P e r s p e c ti v e s s u r l ' a m o u r m o d e r n e par S u z a n n e Liiar
In fo r m a tio n s e t C r it iq u e s , A n a ly s e d e s Œ u v r e s , d es In fo r m a tio n s e t C r it iq u e s , A n a ly s e d e s Œ u v r e s , d e s
Id é e s , d e s T r a v a u x e t d e s D é c o u v e r te s id é e s , d e s T r a v a u x e t d e s D é c o u v e r te s
É d ito ria l
Du cô té de la D oésie et de l ' e s p o ir p a r Lo u is P a u w e l s
C h r o n iq u e de n o tre c i v ilis a t io n
Tr oi s h o m m e s su r le b at ea u
Le m o u v e m e n t d e s c o n n a is s a n c e s
B o u c h e r de Pe rt h e s par S t é p h a n e A r n a u d
Le g é n ie q u e j'a i vu v iv r e en li b e r t é pa r G e o r g e M a g l o i r e
Q u e ll e f o r m i d a b l e m a c h i n e a u e l ’ h o m m e ! par A l d o u s H u x le y
Le s c iv ilis a t io n s d is p a ru e s
Le p lu s a n c i e n «haut lie u » du m o n d e 0 par D a n ie l Ruzo
L 'A r t fa n ta s tiq u e d e to u s le s te m p s
A s s u r : g r a n d e u r et t e r r e u r p a r J a c q u e s M é n é t r i e r
Un p e i n t r e f a n t a s t i q u e i n c o n n u pa r J a c q u e s S t e r n b e r g
L 'a u tr e m o n d e d a n s la rue, p h o to s d'l?i?
Les o u v e r tu r e s d e la s c ie n c e
in t e r v ie w d ' u n c a l c u l a t e u r p r o d i g e par J a c q u e s M o u s s e a u
T r o is f e n ê t r e s s o n t o u v e r t e s s u r l' i n f i n i p a r J a c q u e s B e r g i e r
La lit té r a t u r e d if fé r e n t e
Vo lt a ir e , c o n t e m p o r a i n de l'è re c o s m i q u e par A i m é M ic h e l
Le p a c i fi s te p a r A r t h u r C. C la rk e
L e s m y s tè r e s d u m o n d e a n im a l
A la r e c h e r c h e du s e r p e n t de m e r p a r B e r n a r d H e u v e l m a n s
L 'h is to ir e in v is ib le
Q u a n d l ' A n g l e t e r r e ces s a d 'ê t r e un e île par G a b r ie l V é ra ld i
L 'a m o u r à re fa ire
Le co u p le , le foy er , la f e m m e , la li b e r te
P r op o s c h o i s is de G.- K. C h e s te r t o n
In fo r m a tio n s e t C r it iq u e s , A n a ly s e d e s Œ u v r e s , d e s
Id é e s , d e s T r a v a u x e t d e s D é c o u v e rte s
l m p . L. P.-F. L. D a n e l • L o o s -l e z -L iI le ■ No rd les gérants : Louis P a u w e l s / F r a n ç o i s Richaudeau.
PLANÈTE P a ra ît t o u s le s 2 m o is
La m a g ie à l ’ âge a to m iq u e
DANS LES PROCHAINS NUMÉROS
A b o n n e m e n t 6 n u m é ro s 27 N F . Le n u m é ro 5,50 N F .
M ou vem e nt des co n n a is s a n c e s / A n a ly s e des œ uvres re m a rq u a b le s / Textes in c o n n u s
L itté ra tu re d iffé re n te / A r t fa n ta s tiq u e de t o u s les te m p s / M ystères du m on de anim al
Imprimerie L. P.-F. L. Danel Loos-lez-Lille Nord niffilQ Îon H o n n o l / M M D D