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Mastère de génie civil européen

Cours de géotechnique 1

9 mars 2007

Organisation des études géotechniques


et maîtrise de la qualité
Jean-Pierre MAGNAN

1. L’ingénieur dans l’organisation et déroulement des projets


2. Où est l’économie ?
3. Les études géotechniques dans le déroulement d’un projet
4. La place de la normalisation
5. Cadre général de l’Assurance Qualité
1. Organisation et déroulement des projets

Plusieurs points de vue:


• Un projet voulu et financé par un client
• Des aspects (géo)techniques
• Des règles d’organisation

Votre rôle dépendra de votre place dans le


système contractuel qui accompagne le projet.
Schéma d’organisation professionnelle

Maître d’ouvrage Pilotage, Assistance interne


(ou délégué) BE spécialisés, (dont
Conducteur d’Opération GEO: cf. « Loi MOP »)

extérieurs
Contrôles en phase travaux
Marchés
Études (phases)
BE Maître d’œuvre Conception-réalisation (!) BE spécialisés
(réputé compétent)
Travaux

externes
Marchés BE spécialisés
Entreprises Services de l’entreprise (BE, contrôle)

internes
de travaux
Service d’exécution

Intervenants et étapes d’un projet


Les intervenants

• Le client (maître d’ouvrage) et ses conseils


• Le gestionnaire du projet (maître d’œuvre) et ses conseils,
notamment les projeteurs (conception générale et/ou
architecturale, géotechnique, structures,…)
• L’entreprise et ses conseils
• La maîtrise d’œuvre de travaux et ses conseils
• L’exploitant et ses conseils
• Les assureurs et leurs conseils

Chacun a son intérêt


(qui défend le coût du projet ?)
(qui maîtrise réellement les délais ?)
Les étapes
Le temps du client (opportunité, financement, objectif)
La durée d’objectif (études, travaux)

Le temps des études


Architecture
Avant-projet Projet

Maître d’œuvre
Géotechnique,
hydraulique, structures
Préparation du DCE
Le temps des
Études d’exécution travaux
Travaux, contrôles
Réception
Le temps de l’exploitation
Client = Maître d’ouvrage. Les études et travaux dépendent d’un Maître d’œuvre.
Les géotechniciens travaillent pour le client, le Maître d’œuvre ou l’entreprise.
2. Où est l’économie ?

Le temps
L’argent
Les contraintes de la technique
Les contrats
Les objectifs
La réception / fin du chantier
La responsabilité
Le temps
Les limites du temps
Le plus souvent, les décisions politiques ou de financement
sont tardives et les délais imposés aux « études + travaux »
sont limités.
Conséquences :
1. Les projets ne sont pas toujours terminés au moment de
l’appel d’offres (report sur les études d’exécution). On attend
des entreprises des capacités de conception.
2. Les techniques de construction économiques demandant du
temps sont difficiles à programmer. Le coût direct des travaux
augmente (en dehors des considérations de financement).
Les temps de la géotechnique
- reconnaissance du site
(documents, sondages, essais labo, essais en place)
- conception et justification (préliminaire, avant projet, projet)
- contribution au DCE (résumé du projet, surveillance)
- contribution aux études d’exécution
- instrumentation et surveillance
- validation pour la réception
- études ponctuelles

Les temps incompressibles


- sondages et essais (80%)
- analyses (20%)
Coûts et budgets

Budgets ouverts
- Toutes les études : < 10% du coût des travaux
- Études géotechniques : de 1% à 5% suivant difficultés

Difficulté
Améliorer un projet augmente le coût des études géotechniques.
En général, on ne raisonne pas en coût total « études + travaux »;
il est donc difficile de convaincre qu’il faut plus d’études.
Contrats et responsabilité

Tendance
Segmentation des activités et multiplication des intervenants
individuellement responsables. Le souci de leur propre
responsabilité devient majeur. Croissance des procédures
juridiques (dont l’objectif est d’indemniser les victimes, pas
d’assurer la construction d’ouvrages optimaux).
Observation sur la concurrence
La mise en concurrence systématique favorise l’intervention
ponctuelle d’organisations qui n’ont qu’une vue partielle du projet,
d’où une plus grande difficulté d’être pertinent.
Observation sur les contrats
La gestion contractuelle nécessite d’avoir des documents
contractuels (et d’appel d’offres) précis.
3. Les études géotechniques
dans le déroulement d’un projet

Deux particularités des études géotechniques:


1. Chaque site est particulier (et la géotechnique traite
de matériaux naturels, non standards)
2. L’ouvrage est en général adapté au site et non l’inverse
[ tout est possible (quoique…), mais à quel coût ! ]

Illustration… Besançon, Tunnel du Bois de Peu, Tête Vallon


Contournement sud de Besançon - Tunnel du Bois de Peu

Doubs
Localisation et contexte géologique du projet
(plissements calcaires du Jura)

Voie des
Mercureaux

Besançon Tête Vallon

Tunnel du
Bois de Peu

« Marnes » du Toarcien
Vue générale du site (Vallon des Mercureaux)
Profil selon la pente

Un site complexe : pente à la limite de stabilité, où le tunnel sort en biais. Il faut


préparer les entrées du tunnel (le tunnelier ne peut creuser qu’en profondeur)
Propriétés du sol en fonction de la profondeur
(selon l’axe indiqué sur la figure précédente)

Teneur en Teneur en argile Cohésion Angle de


CaCO3 Fraction d'Illite effective frottement interne
CaCO3 (%) Argile ou Illite (%) c ' (kPa) ϕ' (degrés)
0 30 0 10 20 30 40 50 0 50 0 20 40
0 0 0 0
2 2 2 2
4 4 4 4
6 6 6 6
8 8 8 8
Profondeur (m)

10 10 10 10
12 12 12 12
14 14 14 14
16 16 16 16
18 18 18 18
20 20 20 20

Note : On dispose de peu d’informations.


Profil de pressions limites pressiométriques dans la direction de la pente

SP7 et SP9 (2001)


Pression limite nette (MPa)
0 2 4 6
0 SP1 et SP3 (2000)
0 2 4 6
0
5
β∼16° PR 98.2 (1998)
5 0 2 4 6
Profondeur (m)

10 0 SP11 (2001)
Projet
0 2 4 6
10 0
15 5
< 1 MPa
15 5
10
20
1 à 1.5 MPa
20 10
15
25
1.5 à 2.5 MPa
25 15
20
~ 3 MPa
20
25

25
Profil de pressions limites pressiométriques dans la direction de la pente
et pressions interstitielles en un point

SP7 et SP9 (2001)


Pression limite nette (MPa)
0 2 4 6
0 SP1 et SP3 (2000)
0 2 4 6
0
5
β∼16° PR 98.2 (1998)
5 0 2 4 6
Profondeur (m)

10 0 SP11 (2001)
Projet
0 2 4 6
10 0
15 5
Cellule CPI dans SP3: Niveau d'eau/T.N. < 1 MPa
15 5
10
-3.80 20
-4.30 1 à 1.5 MPa
20 10
-4.80
15
-5.30 25
-5.80 1.5 à 2.5 MPa
-6.30 25 15
20
-6.80
~ 3 MPa
-7.30
-7.80
20
10/04/00 30/05/00 19/07/00 07/09/00 27/10/00 16/12/00 04/02/01 26/03/01 2515/05/01 04/07/01 23/08/01 12/10/01

25

Pression interstitielle à 10m de profondeur dans le sondage SP3


Solutions envisagées pour la conception
1. Caissons retenus par des tirants précontraints

La conception est partie de l’idée qu’il fallait éviter tout mouvement dans la pente
Les caissons sont exécutés avec des parois moulées, puis le toit est réalisé,
puis les tirants pendant le creusement, puis le radier.

Tirants inclinés à 45
degrés vers le bas,
10m perpendiculaires à la
pente
14m

Cette solution n’a pas été retenue pour deux raisons :


• Les tirants provoquent le poinçonnement des parois dans le sol pendant la construction
• Inquiétude sur la possibilité de sceller tant de tirants précontraints dans les argiles
Solutions envisagées pour la conception
2. Caissons appuyés sur des contreforts (parois en béton armé)
Caissons appuyés sur des contreforts (parois en béton armé)
(Vue schématique)

10m

14m
Talus
cloué
définitif

D
Caissons appuyés sur des contreforts (parois en béton armé)
Axe voie descendante Axe voie montante

Ligne de plus grande pente


passant par le sommet du soutènement

2m
Echelle 200 ème :
Couche 1 β = 20 degrés
γ = 19 kN/m 3
Solution S3, Profil 128+5
c' = 0 kPa
ϕ ' = 20 degrés 3H

Couche 2 γ = 22 kN/m 3 2V
c' = 0 kPa
ϕ ' = 20 degrés
Couche 3 Radier drainant, plus
γ = 22 kN/m 3 drains verticaux Terrain naturel
c' = 5 kPa u = 65 kPa
ϕ ' = 20 degrés 353.20

Couche 4
γ = 22 kN/m 3
c' = 10 kPa
ϕ ' = 20 degrés Tiers central
1.15 m
70 kPa
70 kPa
R' = 6095 kN / m
15.3 degrés q ' ref = 224 kPa
70 kPa 70 kPa
F glis = 1.48

Un calcul simplifié de poussée-butée montre que cette solution est envisageable si


l’on installe un radier drainant sous le caisson pour maîtriser les pressions d’eau.
Note : il ne faut pas associer des tirants précontraints qui bloquent les mouvements du sol
et des contreforts ou autre dispositif de butée qui n’agissent qu’après déformation du sol
Solutions envisagées pour la conception
3. Caissons et remblaiement du site (solution retenue)
Le projet retenu – profil 125+5
Le projet retenu – profil 127
Le projet retenu – profil 128+5
Le projet a été exécuté avec succès
(vue de la tête du tunnel avant le début du creusement du tunnel)
Cet exemple rappelle qu’il faut toujours adapter laisser le site
et les besoins du projet guider les études géotechniques et la
conception de l’ouvrage.

1. « Les études géotechniques suivent le déroulement du


projet » (norme NF P 94500).
2. Les choix du Maître d’Ouvrage sont impliqués dans le
processus de conception (pas toujours compatible avec la
législation « Loi MOP »; cf. Circulaire de 1994 (en révision)).
Les études géotechniques suivent les phases du projet et de l’exécution
1. Études préliminaires ou de faisabilité
2. Avant-Projet
Objectif : Pour le projet d’ouvrage, détecter les éventuelles difficultés liées aux
sols et aux conditions hydrauliques. Prédimensionner l’ouvrage et, si nécessaire,
conseiller une adaptation de l’ouvrage et/ou un complément d’étude.
3. Projet
Objectif : Dimensionner et justifier l’ouvrage et les différentes étapes de
construction. Préciser les dispositions constructives requises pour que :
- l’ouvrage fonctionne comme supposé dans les calculs et
- le chantier se déroule normalement.
4. Exécution
Objectif : Finaliser la conception de l’ouvrage en tenant compte de l’organisation des
travaux par l’entreprise et obtenir les données complémentaires nécessaires. Réagir
aux observations faites pendant les travaux qui diffèrent des hypothèses du projet.

Une étape sautée faute de temps peut avoir de graves


conséquences sur le coût, voire la faisabilité technique.
Dans chaque phase, le niveau d’étude géotechnique varie
suivant les difficultés rencontrées.
4. La place de la normalisation
La norme française NF P94-500:2006
« Missions géotechniques : Classification et spécifications »
• Objectif contractuel
• 5 types de missions
– Études géotechniques préalables (G1) : étude géotechnique préliminaire de
site G11, étude géotechnique d’avant-projet (G12)
– Étude géotechnique de projet (G2)
– Étude et suivi géotechniques d’exécution (G3) (pour l’entreprise)
– Supervision géotechnique d’exécution (G4) (pour le maître d’ouvrage)
– Diagnostic géotechnique (G5)
• Chaque mission peut faire appel à des prestations géotechniques de sondages et
d’essais.

Cette norme définit qui doit faire quoi, mais pas comment il faut le faire.
Elle est ouverte à toutes les situations contractuelles.
Eurocode 7 : des règles techniques indépendantes des acteurs
STRATEGIE DU PROJET Ouvrage proposé Géologie

Stratégie pour l’étude géotechnique EC7 Parties 1-2

RECONNAISSANCES GEOTECHNIQUES CALCUL

Programmation et évaluation
des reconnaissances EC7 Parties 1-2

Géologie Modèle géologique Évaluation des


paramètres et
Essais en place coefficients
géotechniques Modèle géotechnique
Normes de Résultats d’essais
prélèvement et d’essais EC7,
parties 1 et 2
Essais en laboratoire Résultats d’essais
Normes d’essais
Calcul
Rapport de calcul géotechnique
Rapport de reconnais- - géotechnique
Rapport - structural
sance géotechnique Rapport final du projet
Spécifications

Programme d’inspection, de
EC7 Partie 1 supervision et de mesures
Les règles techniques : l’évolution vers les normes
nombre (115)
Début : géotextiles et
granulats en 1980 Exécution
(24)
100 Normes européennes
(depuis 1990 environ) Justification
(7)

En place
Normes françaises (AFNOR) (30)
Essais
(84)
16 Labo
3 (54)

0
1984 1988 1992 Année 2002

Géotextiles/géomembranes 6+2 41+17


Granulats 44 86
La norme comme référence technique

• Norme : guide harmonisé – responsabilité/ingénieur


• Coexistence avec la réglementation
• Les normes ne remplacent pas l’expérience
• Les normes doivent respecter l’expérience
• Les normes ne contiennent pas tous les détails des pratiques
• Les normes ne définissent pas la conception des projets
• Les normes ne couvrent pas tout
La norme comme référence contractuelle

• Textes de référence cités dans les contrats (études ou travaux).


Obligatoires pour les marchés publics.
• Précautions :
- il faut lire les normes avant de les citer (parfois elles demandent
des choix)
- la spécification de règles ne garantit pas qu’elles seront
appliquées
- les normes ne contiennent pas les règles de conception
- les normes ne fixent pas de quantités
5. Cadre général de l’Assurance Qualité

Études et conception : étapes, contrôle extérieur, dans un contexte contractuel

Marché et exécution :
Organisation de l’Assurance Qualité dans les Travaux (de Terrassements)
Guide LCPC - SETRA (janvier 2000)
• Dossier de Consultation des Entreprises (D.C.E.) :
- Spécifications issues de la conception (dont C.C.T.P.)
Maître d’Œuvre
- Esquisse de Schéma Directeur de la Qualité (S.D.Q.)

• Dévolution du Marché :
- Schéma Organisationnel de l’assurance Qualité (S.O.P.A.Q.) Entreprise

• Préparation du chantier :
- Plan d’Assurance Qualité (P.A.Q.) dont réf. procédures Entreprise
- S.D.Q. dont Plan de Contrôle Extérieur Maître d’Œuvre
Illustration

• Extraits du CCTP [ici, hors formulations en termes d’objectifs]:


- Spécification des produits
- Spécifications de mise en œuvre (portance, soudures,…)

• Éléments contenus dans l’Esquisse de SDQ :


- Points critiques et points d’arrêts

• Éléments contenu dans SDQ :


- Plan de Contrôle Extérieur
CCTP - Spécifications produits (extrait – à adapter au projet) :
CCTP - Spécifications de mise en oeuvre (extrait – à adapter au projet) :

Assemblage des lés par double soudure, spécifications :

• Personnel effectuant l’assemblage qualifié, poseurs certifiés ASQUAL


• Résistance en traction / pelage :
- Rupture hors de la zone soudée et
- Résistance supérieure à 60 % du seuil d’écoulement déterminé sur
échantillon adjacent

• Résistance en traction / cisaillement :


- Rupture hors de la zone soudée et
- Résistance supérieure à 90 % du seuil d’écoulement déterminé sur
échantillon adjacent

• Contrôle d’étanchéité sur site :


- Sous-pression initiale de 200 kPa, chute de pression après 5 minutes
inférieure à 20 kPa
Esquisse de SDQ - Points critiques et points d’arrêts :
SDQ - Plan de Contrôle Extérieur / Fournitures (extrait) :
SDQ - Plan de Contrôle Extérieur / Exécution (extrait) :

Répartition entre contrôle extérieur et contrôles entreprise


Assurance de la qualité
• Dossier de consultation des entreprises (DCE)
– Esquisse du schéma directeur de la qualité (SDQ)
– Règlement de consultation (RC) (définit les éléments du SOPAQ)
– Cahier des clauses administratives particulières (CCAP)
– Cahier des clauses techniques particulières (CCTP)
• Préparation du chantier
– Plan d’assurance qualité (PAQ)
– Schéma directeur de la qualité (SDQ)
– Plan de contrôle
• Déroulement du chantier
– Vérification de la bonne application de la démarche qualité
– Traitement des anomalies
– Adaptation éventuelle du PAQ
• Points d’arrêt
• Achèvement du chantier
Points sensibles (remblais sur sols mous)
• Fourniture du plan d’assurance qualité
• Construction par étapes (instrumentation, phasage du remblai)
• Banquettes latérales (instrumentation, phasage de la construction)
• Renforcement du remblai par géotextiles (instrumentation, agrément du
géotextile, agrément de la procédure de mise en oeuvre du géotextile,
phasage de la construction du remblai)
• Remblai allégé (agrément de la procédure de construction, de la prove-
nance et de la qualité des matériaux)
• Colonnes ballastées (agrément de la procédure de construction, de la
provenance et de la qualité des matériaux)
• Substitution (réception du fond de fouille, agrément de la provenance et de
la qualité des matériaux et de la procédure de compactage)
• Consolidation par le vide (instrumentation, suivi des tassements)
• Drains verticaux (agrément de la procédure de mise en œuvre, instrumen-
tation, couche de matériaux drainants en surface, phasage de la
construction)
• Surcharge temporaire (Instrumentation, enlèvement de la surcharge)

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