Vous êtes sur la page 1sur 110

Projet de fin d’études

En vue de l'obtention du titre académique de la


Licence d’Etudes Fondamentales en Sciences économiques et de gestion

Option : Economie et gestion

Similitudes et différences entre


les crises de 1929, 2008 et 2020

Mémoire réalisé par : Sous la bienveillance de :


Mourad BENCHERRAKI
Madame Sonia BOUSHABA
Et

Faris DENGUIR

Année universitaire : 2020/2021


Dédicaces

A nos chères familles :

A la famille BENCHERRAKI

A La famille DENGUIR

Nous vous dédions ce modeste travail comme étant un témoignage de notre propre amour, et
notre respect durable.

Nous vous remercions pour votre soutien moral, ainsi que pour vos prières qui nous ont
assistés partout. Aucun mot de remerciement ne pourra exprimer notre attachement
considérable et notre profonde reconnaissance.

Nos chers frères et sœurs :

Ne pourrait exprimer nos sentiments de gratitude

Et de respect pour le dévouement

Et L‟intérêt que vous avez manifesté à notre formation.

Tous nos Amis (es) :

Au nom de l‟amitié qui nous a lié ces trois ans, nous avons dédié ce modeste travail, c‟est vrai
que nous avons partagé des moments mémorables.

Veuillez croire à nos sincères remerciements et notre profond respect et amour pour votre
encouragement.
Remerciements

Nous tenons à remercier tout d‟abord, toutes les personnes qui ont collaboré de quelque
manière que ce soit dans la rédaction de ce mémoire.

Par la suite, notre reconnaissance revient plus particulièrement à notre directrice de mémoire,
Madame BOUSHABA Sonia, qui n‟a surtout pas tardé à accepter notre demande
d‟encadrement.

Nous vous remercions encore pour votre confiance de nous attribuer le choix du sujet, votre
générosité ainsi que votre bienveillance.

C‟était et il restera un plaisir d‟avoir une telle encadrante comme vous. Vos remarques et
conseils étaient très bénéfiques pour nous ; ils nous ont acquis une forte valeur ajoutée.

Sans votre compétence, ça ne serait pas le cas.

Finalement, nous aimerons montrer notre gratitude envers notre famille et nos amis qui nous
ont soutenus tout au long de nos années d‟études.
Liste des figures

Taux de chômage et taux d’emploi de la Corée au cours de la crise


Figure 1 asiatique.
Production industrielle, production des produits primaires et
Figure 2
commerce international, 1926-1938.
Figure 3 Evolution du cours de l’indice Dow Jones.
Figure 4 Production mondiale, prix et stocks de produits de base, 1920-1938.
Figure 5 Les mécanismes de la crise de 1929 et ses conséquences.
Figure 6 Causes et conséquences de la crise économique.
Figure 7 Plan de lutte contre la Grande Dépression.
Figure 8 Réponses des Etats à la crise économique.
Taux de croissance du PIB dans les principales économies
Figure 9
développées (%).

Figure 10 Les grands mouvements du prix du pétrole brut depuis 30 ans.


Croissance du PIB en% aux Etats-Unis et en Union Européenne
Figure 11
(2005-2015).
Figure 12 Croissance du PIB en Chine (2005-2015).
Figure 13 Etats-Unis, taux d’intérêt à 3 mois.

Figure 14 Zone euro, taux d’intérêt à 3 mois.

Figure 15 Spreads ABS.


Figure 16 Spreads contre swaps des covered bonds.
Figure 17 Les enchainements de la crise.
Niveau des importations de la Zone euro et des Etats-Unis en % du
Figure 18
PIB.
Figure 19 Evolution de l’emploi en France métropolitaine (2002-2009).
Figure 20 Taux de chômage en France métropolitaine (2008-2009).
Balance courante de paiement en% du PIB, Nord vs. Sud, 1999-
Figure 21
2014.
Tendance macro, moyenne des actions du Dow Jones en points,
Figure 22
1920-1938.
Tendance macro, moyenne des actions du Dow Jones en points,
Figure 23
2003-2012.
Commerce mondial, valeur de référence 100 pour juin 1929 et avril
Figure 24
2008.
Indice des prix des matières premières (en jaune), indice de l'énergie
Figure 25 (en vert), indice des métaux (en turquoise) et indice des matières
premières agricoles (en bleu ciel), 2006-2017 (2005=100).
Liste des tableaux
Tableau 1 Chronologie historique des crises (1637-2020).
Projections de la croissance depuis le début de la crise asiatique.
Tableau 2
Principaux indicateurs économiques de la Thaïlande au cours de la
Tableau 3
crise asiatique.
Tableau 4 Evolution des échanges dans un pays touché par une crise financière.
Tableau 5 Indices généraux de la production par trimestre.
Tableau 6 Indicateurs économiques de certains pays industriels pendant la crise.
Tableau 7 Le niveau des prix de gros dans trois pays européens.
Nombre de chômeurs en Allemagne, Italie et au Royaume-Uni (En
Tableau 8
milliers).
Évolution totale de l’emploi salarié marchand par grands secteurs en
Tableau 9
France métropolitaine.
Tableau 10 Recommandations pour les politiques publiques et ses moyens.
Taux de croissance cumulés de la monnaie, prêts bancaires et actifs
Tableau 11 totaux bancaires en France, Italie et Espagne relative à l’Allemagne,
2000-2007.
Comparaison des deux crises : déficit/surplus du budget en % du
Tableau 12
PIB.
Nouvelles émissions de capital pour les comptes étrangers aux Etats
Tableau 13 unis, trimestriellement, 1928-30 : valeurs nominales, remboursement
exclu (en millions de dollars).
Comparaison des deux crises, synchronisation de dix pays
Tableau 14
industrialisés.
Tableau 15 Comparaison des deux crises : déclin du PIB réel.
Taux d’inflation de 5 pays pendant la grande dépression et la grande
Tableau 16
crise financière.
Tableau 17 Prix de produits spécifiques, par mois, 1929-1930.
Résumé :

Le présent article met l‟emphase sur l‟un des ferments prééminents cernant la croissance et le
développement économiques. La grandeur révélatrice de l‟introspection des crises financières
et économiques s‟avère d‟une prépondérance inébranlable dans les rouages économiques et
fait l‟objet d‟une circonspection graduelle de la part des économistes et des pouvoirs publics.
Ceci dit, l‟approfondissement des deux crises financières de 1929 et 2008 s‟impose un objet à
contempler.

Dans ce projet, nous essayerons d‟aborder la question des crises économiques sic ses
prolongements sur le plan socioéconomique et ce, par le biais des deux crises susnommées via
la métonymie de leurs étiologies puis leurs incidences. Nous aurons le devoir en dernier
ressort de discuter les politiques de relance instaurées.

Mots-clés : Croissance économique ; développement économique ; crise financière ; crise


économique ; pouvoirs publics ; politiques

ABSTRACT:

This article focuses on one of the important factors limiting economic growth and
development. The significant importance of the analysis of financial and economic crises is
proving to be of undeniable preponderance in the workings of the economy and is the subject
of increasing attention by economists and governments. That said, the deepening of the two
financial crises of 1929 and 2008 imposes an object to contemplate.

In this project, we will try to address the issue of economic crises as well as their
socioeconomic extensions, through the two aforementioned crises through the observation of
their causes and then their consequences. Ultimately, we will have a duty to discuss the
stimulus policies that have been introduced.

Keywords: Economic growth; economic development; financial crisis; economic crisis;


authorities; policies.
Sommaire

Introduction générale.

I. Les crises financières et les crises économiques :


1. Notion de crise.
2. La crise financière :
a) La crise financière, c‟est quoi ?
b) Caractéristiques d‟une crise financière.
c) Répercussions d‟une crise financière.
3. La crise économique :
a) Définition de la crise économique.
b) De la crise financière à la crise économique.
II. La crise économique de 1929 :
1. Bref historique.
2. Origine de la crise.
3. Contrecoups de la crise économique de 1929.
4. De la crise à la révolution keynésienne.
5. Remèdes et politiques de relance.
III. La crise financière mondiale de 2007-2008 :
1. Situation de prélude.
2. Déroulement de la crise de 2008.
3. Réverbérations de la crise.
4. Crise financière de 2008, quelles solutions ?
IV. Similarités et disparités entre les crises de 1929, 2008 et 2020 :
1. Similitudes entre les deux crises.
2. Différences entre les deux crises.
3. Comparaison des deux crises, quel bilan ?
4. Analyse comparative de la crise de COVID-19 et les deux crises.

Conclusion générale.
Introduction générale :
L‟histoire de l‟humanité est loin d‟être un long fleuve tranquille mais se caractérise bien
davantage par une succession de fléaux en tous genres : cataclysmes, séismes, guerres,
épidémies, etc. Les crises financières des 20ème et 21ème siècles pourraient faire sourire nos
aïeux qui, reconnaissons-le, avaient des soucis bien plus vitaux que la défense de leur
épargne. L‟accroissement des dettes publiques, l‟augmentation du chômage et
l‟appauvrissement des populations sont autant d‟éléments qui attisent la colère d‟un peuple,
qui n‟accepte plus de payer pour les excès d‟une poignée d‟acteurs du secteur financier qui
n‟ont de cesse de s‟enrichir au détriment du plus grand nombre. Force est aujourd‟hui de
déplorer que l‟équilibre du monde devrait reposer sur un équilibre financier mais que celui-ci
est loin d‟être acquis. Bien au contraire, la dérégulation, la titrisation et, plus généralement, la
spéculation débridée ont exposé la finance mondiale à des risques inconsidérés. Le monde est
aujourd‟hui global, si bien qu‟une crise financière entraîne désormais des conséquences
mondiales. Ainsi, la mondialisation rend les économies du monde interdépendantes et la chute
de l‟une peut entraîner celle des autres. C‟est pourquoi on parle depuis peu de risque
systémique. Ceci dit, la crise des années 30 est unique par son ampleur et sa durée. Elle
touche tous les pays industrialisés et les pays exportateurs de matières premières, ainsi que
tous les secteurs d'activité, à des degrés divers. La crise est financière : la bourse de New
York chute de 79 % entre 1929 et 1932. Elle est aussi économique (l'activité s'effondre) et
sociale : le chômage monte en flèche, en particulier aux Etats-Unis et en Allemagne. Elle est
enfin politique : si elle débouche sur le New Deal aux Etats-Unis, elle joue en Allemagne un
rôle déterminant dans la victoire du nazisme. La crise se répercute ensuite en Europe : le
reflux des capitaux américains généralise la pénurie monétaire à l'étranger. C'est le moteur
essentiel de la crise, en particulier en Europe centrale et en Allemagne, où le redressement
économique s'effectuait grâce à un apport massif de capitaux d'outre-Atlantique, attirés par
des taux d'intérêt élevés. Mais la crise européenne est aussi endogène : les économies du
Vieux Continent, minées par l'inflation et leur endettement hérités de la guerre, sont restées
très fragiles. L'absence de régulation internationale se fait aussi cruellement sentir une fois la
crise déclenchée : les Etats mènent la politique du « chacun pour soi » qui aggrave la situation
; partout les protectionnismes montent. Le commerce international diminue de 60 % en valeur
entre 1929 et 1932. Idem, le monde a connu de nombreuses crises mondiales anciennes, mais
il a subi la pire des crises financières mondiales après la crise économique de la Grande
Dépression (1929), nous parlons bien de la crise des subprimes dont les conséquences se sont
propagées à partir de l'Amérique, la source de la crise, vers L'Europe et d'autres pays
développés et en voie de développement, et les pays arabes en général.

1
En effet, en juillet 2007, une crise financière d'une ampleur insoupçonnée s'est déclenchée
partout dans le monde. Cette dernière est liée à la crise des marchés immobiliers américains et
plus précisément à la subprime. En effet, il est considéré comme l'un des principaux risques
bancaires qui ont amené à la défaillance du système bancaire puis financier américain. Un
excès de crédit conjugué à une mauvaise gouvernance dans l‟industrie bancaire qui a généré
des défaillances porteuses d‟un risque systémique. Les dernières turbulences intervenues sur
les marchés financiers depuis 2007 trouvent leur origine dans le comportement fortement
spéculatif des banques, dans un contexte de finance libéralisée. Partie des Etats Unis, cette
crise s‟est propagée aux marchés financiers mondiaux et fait redouter une récession
économique. En dépit d‟une forte réglementation des marchés financiers, la crise des crédits
hypothécaires à risque a révélé les pratiques abusives de certains établissements, les fonds de
pensions y compris les compagnies d‟assurances et l‟opacité d‟opérations d‟ingénierie
financière qui, par une forte dispersion du risque et un effet de contagion, continuent
d‟affecter la sphère financière. A cet effet, l‟objectif que nous assignons à notre travail
consiste de répondre à la question principale suivante : Quelles sont les similitudes et les
différences entre les crises financières de 1929 et 2008 ? Pour ce faire, nous allons dans un
premier temps définir le terme des crises financières et économiques en spécifiant leurs causes
et leurs répercussions économiques. Nous nous attarderons ensuite en approfondissant
l‟analyse sur la crise économique de 1929 en matière d‟origines, de contrecoups ainsi que des
politiques de relances appliquées. De surcroît, une section sera dédiée à John Maynard
Keynes et le keynésianisme. Le troisième chapitre sera consacré à une réflexion sur la crise
financière globale de 2007- 2008 en se focalisant sur sa situation de déclenchement et de
déroulement. Nous mettrons l‟accent postérieurement sur ses motifs, ses suites de même que
les solutions étant proposées. Notre recherche porte sur différents aspects des deux crises
susmentionnées qui nous accablent depuis temps. Bien entendu, nous aurons l‟attention en
définitive à comparer ces dernières afin de ressortir les ressemblances et les contrastes.

2
Problématique :

1929 et 2008, deux dates dont chacun parmi nous se recueille de l‟ascension inverse des taux
de croissance amassant la mappemonde fracassant deux crises financières insignes. Au sujet
de la première crise, le « jeudi noir » incomparablement le 24 Octobre de la même année se
singularisant par un Krach boursier à Wall Street, avait mû des conséquences dramatiques
jusqu‟au déclenchement de la première guerre mondiale tant sur le plan politico-économique
que sur celui social ; déchaînant la Grande Dépression, une débâcle se répandant dans le
monde entier. Idem, la crise bancaire et financière de 2007-2008 particularisée par la première
tape de la crise des subprimes de l‟été 2007 suivie par la crise estivale de 2008 avait affecté en
premier lieu les systèmes bancaires entrainant un ralentissement de crédit…

Pareillement, l‟épidémie du coronavirus apparu fin 2019, déclarée pandémie en mi-mars de


l‟année antécédente par l‟OMS se dicte un sujet indéniable de facto ses conséquences
macroéconomiques inachevées n‟importe quand. C‟est dans cette concordance qu‟il éclore
influent d‟analyser d‟une part et de comparer d‟autre part les deux crises financières
susmentionnées et ce, pour trancher leurs causes et leurs répercussions ; ainsi que pour
trouver l‟analepsie économique ad hoc. Bien entendu, les histoires d‟hier pistonnent les défis
du lendemain.

Quels sont donc les similitudes et les différences entre les crises financières de 1929 et 2008 ?

3
Chapitre 1 : Les crises financières et les crises économiques
Les crises économiques ont profondément modifié les logiques industrielles qui avaient cours
depuis la seconde guerre mondiale. Durant les années 80, la pression concurrentielle s'est
accentuée entre les différents acteurs de la vie économique sous la pression de l'excès de
capacité de production, l'apparition de nouveaux concurrents et la saturation des marchés.
L'innovation technologique est alors apparue comme une voie de sortie. Les décisions
technologiques sont ainsi devenues des éléments cruciaux dans le développement des
entreprises car elles contribuent pour une grande part à la rentabilité, à la croissance et à la
survie à long terme des entreprises. C'est pourquoi de telles décisions doivent être prises dans
le cadre plus large des orientations stratégiques de chaque entreprise pour assurer un
rendement économique optimal.

De leur part, les crises financières se sont multipliées depuis quelques années, prenant souvent
la forme de crises « jumelles » (conjugaison de crises bancaires et de crises de change). Elles
ont aussi changé de nature, les crises dites de première génération (avec un régime de change
non soutenable parce qu‟incompatible avec les déséquilibres extérieurs et budgétaires),
relayées par des crises financières de deuxième ou troisième génération mettant en œuvre
d‟autres mécanismes et appelant d‟autres réponses.

Mais, quelle que soit leur nature, la plupart de ces crises restent difficiles à prévoir, et même
leur interprétation après coup est sujette à débats.

A cet effet, l‟objectif que nous assignons à notre travail dans ce chapitre consiste à éclaircir
les termes des crises financières et celles économiques.

Pour ce faire, nous allons définir ces notions en spécifiant leurs causes ainsi que leurs
répercussions sur les divers domaines.

4
Section 1 : Notion de crise
La crise est un concept tellement surutilisé qu‟il en a perdu sa signification. Dès qu‟un
événement majeur survient, il se retrouve souvent affublé de crise. Il est donc important de
bien définir ce qu‟est une crise.

Le terme de crise n‟est pas spécifique à la sphère organisationnelle. La crise existe dans tous
les domaines, et l‟on évoque en permanence les crises économiques ou démographiques.

Dans le domaine de la santé, tout étudiant a sans doute déjà eu une crise de foie et peut-être
rencontré un proche faisant une crise de nerfs. La majorité des couples a éprouvé une crise
conjugale. En géopolitique, le monde a connu en 1962 la crise des missiles, et l‟Europe a dû
affronter en 2016 une crise migratoire. La crise est omniprésente, et il est rare de lire un
journal sans y retrouver au moins une occurrence du terme de crise.

Toute entreprise, société, association ou organisation est confrontée un jour ou un autre à une
situation dite de crise. La communication efficace devient alors un procédé fondamental de
gestion et de résolution. Chaque cas de crise est unique par sa situation et ses circonstances.
L‟enjeu est donc d‟opter pour une réflexion, voire un cadre d‟action afin d‟estomper la
survenue d‟une crise ou d‟agir, de préférence, par un plan d‟action préventif qui prend en
charge l‟étude du risque pour minimiser les dégâts irréversibles d‟une crise avant ou après sa
survenue.

Une crise, au sens général du terme, est définie comme une rupture d‟un équilibre. C‟est un
événement se caractérisant par un paroxysme des contradictions, incertitude, instabilité ou
souffrance.

Étymologiquement, le terme « crise » vient du mot latin médiéval « crisis », apparu fin 14ème
siècle qui est relatif au domaine médical et introduit le sens de phase décisive d‟une maladie.
C‟est un mot emprunté aux langues anciennes par la voie des textes écrits. Au 18ème siècle,
l‟origine grecque du mot nous pousse à considérer qu‟une crise advient pour permettre une
décision, un changement. Krisis vient en effet du verbe grec krinein qui veut dire « juger »,
avec l‟idée de faire le tri. Une période de crise peut donc être interprétée comme un moment
décisif où un tri est fait, qui a pour conséquence d‟opérer un changement profond.

Dans le temps, le mot « crise » est devenu utilisé dans plusieurs domaines que dans la
médecine, ce qui a élargi le sens et l‟explication du mot. Ceci dit, la variété des domaines
implique la distinction entre plusieurs notions de crise.

5
En effet, le terme « crise » est polysémique, il est employé dans une multitude de domaines
économique, politique, institutionnel, juridique, éthique ou social. Même si le concept de crise
est un concept ambigu, des spécificités lui sont propres.

De nombreux termes se rapprochent de la crise ; ils doivent toutefois en être distingués sur
une échelle de gravité.

Incident accident crise catastrophe


Gravité

Échelle de gravité d’une crise - ©2018 Pearson France - Communication de crise -


Thierry Libaert, Nicolas Baygert, Bernard Motulsky, Nicolas Vanderbiest & Mathias
Vicherat.

Comme initiation, la définition du ″concept de crise″ fera l‟objet d‟une première partie. Pour
ce faire, nous nous appuierons sur plusieurs définitions données par des chercheurs et des
professionnels. Cette démarche vise à mieux cerner le champ sémantique du terme, ses
différents usages et ampleur dans le monde des Sciences.

En psychologie, une crise désigne l‟exacerbation du comportement ou de l‟état sentimental


d‟une personne, tel que la crise de l‟adolescence, où le changement radical dans la psychique
de la personne lui fait expérimenter une situation de malaise dans la phase de transformation
vers de nouveaux croyances.

Dans la religion, une crise vient de la confrontation entre les pensées des communautés
croyantes, et peut être à l‟origine des problèmes politiques, économiques et sociales ; ou
même à cause de la naissance d‟une nouvelle religion (cas de la crise religieuse du 16ème
siècle et la naissance du protestantisme).

Dans son livre « Malaise dans la civilisation (1930) » Sigmund Freud disait : « Telle qu‟elle
nous est imposée, notre vie est trop lourde, elle nous inflige trop de peines, de déceptions, de
tâches insolubles. Pour la supporter, nous ne pouvons-nous passer de sédatifs. » Dans la
sphère sociale, une crise est un évènement se caractérisant par un mécontentement,
insatisfaction, contradiction, ou incertitude personnelle ou collective dans une société,
pouvant déclencher des révoltes impactant la vie publique ou privée pour émerger vers une
situation sociale meilleure.

6
En économie, la notion de crise est souvent utilisée dans ses diverses spécialités.
Généralement, il s‟agit du moment où la conjoncture baisse brutalement. On la qualifie de
krach quand les cours du marché boursier chutent. La récession est un ralentissement à long
terme de la croissance, au cours de laquelle les grandeurs macroéconomiques changent
inversement aux résultats attendus. Une dépression consiste en une baisse durable de la
production et un chômage élevé et prolongé. A ce sujet, des politiques économiques
d‟adaptation sont nécessaires pour relancer l‟économie.

Dans le domaine politique, une crise est un moment crucial, grave et parfois décisif dans la
vie d‟une institution. Elle reflète l‟inadéquation entre l‟organisation d‟une institution politique
et la réalité. Une crise peut provoquer des manifestations, des grèves, des mouvements
sociaux, des émeutes voire une révolte ou une révolution. On distingue la crise institutionnelle
pouvant déboucher sur une nouvelle forme de régime politique avec changement de
Constitution, de la crise de régime pouvant provoquer une alternance de gouvernement, pour
n‟en citer que ces quelques peu.

D‟après la présentation de quelques notions de crise, on remarque une inexistence de


définition universelle ou parfaite de la crise, en raison de la variété d‟utilisation de ce mot
dans les divers domaines. Ainsi, il paraît que ces notions sont différentes mais en réalité les
crises sont interdépendantes. L‟exemple actuel est celui relatif à la crise sanitaire liée à la
pandémie de COVID-19 qui a envahi le monde dans sa globalité et a déclenché des problèmes
économiques et sociaux d‟ampleur dépassant gravement, jusqu‟au moment, les répercussions
de la crise financière de 2007-2008. Notamment des taux de chômage élevés (14,80% en
Avril 2020 contre 3,70% en Avril 2019 aux Etats-Unis), des taux d‟inflation très faibles
(0,33% en Avril 2020, soit une diminution de 83,5 points par rapport au même mois de
l‟année antécédente), des taux de croissance déficitaires pour la majorité pour ne pas dire
l‟ensemble des pays du monde à titre des deux dernières années (3,79% en 2019 contre un
taux de -5,63% en 2020 dans la Zone Euro), et une dette publique en tendance haussière ( de
135% en 2019 à 160,5% en 2020 aux Etats-Unis).

Dans le domaine sanitaire, les hôpitaux et les laboratoires sont en travail continu depuis
l‟annonce de la première contamination, dans l‟espoir de lutter contre la pandémie le plus tôt
possible. Au niveau social, les Etats des pays sont face aux répercussions de la crise sanitaire
sur leurs peuples, le niveau de la consommation est démotivant pour les producteurs pour
qu‟ils puissent relancer leurs activités, les ménages ont tendance à augmenter leurs parts de

7
revenu réservés pour faire face à des imprévus, et le mécontentement et la colère de la
communauté leur poussent à perturber en fin la situation politique des pays.

Plus de problèmes ne rapportent que d‟autres ; les agents économiques espérant des solutions
dans un futur incertain, la chose qui les appréhende et provoque une confusion dans le
domaine psychologique.

Il n‟est guère important de parler à propos de toutes les notions de crise en détail puisqu‟on
s‟intéressera aux crises financières et économiques, mais cela ne veut pas dire que les autres
notions de crise ne vont pas être mentionnées. Bien que l‟économie soit liée à toutes les
spécialités, les répercussions des crises financières et économiques toucheront
obligatoirement les autres domaines.

Section 2 : La crise financière


Toute personne vise le gain, la satisfaction de ses besoins sans avoir à donner, le maximum, la
contrepartie. Ses désirs expriment un intérêt personnel et ne donnent aucune importance au
celui général. L‟un des objectifs de l‟économie demeure l‟utilisation des ressources existantes
pour satisfaire les besoins des personnes vivantes dans la société. Il semble que les deux
parties sont d‟accord, mais ce n‟est que théoriquement : Les ressources limitées confrontent
des besoins effrénés. Il est axiomatique que l‟économie est très loin de s‟occuper des besoins
de chaque personne car elle est soumise à des contraintes naturelles par la rareté des
ressources d‟une part, et systémiques en fait de la variabilité de l‟économie dans sa globalité
d‟autre part. Les praticiens de l‟économie ne cessent de mettre en place des théories afin de
s‟approcher de l‟optimisation, mais elles ne restent utiles que partiellement. Dans la recherche
de leurs satisfactions égoïstes, les gens mettent en branle des actions irrationnelles et
deviennent des initiateurs de problèmes dont l‟intensité dépend de l‟importance du domaine
frôlé, pouvant aller jusqu‟au déclanchement d‟une crise.

Nous verrons dans ce chapitre que les crises financières peuvent gravement perturber
l‟économie mondiale de deux façons. Premièrement, elles entraînent souvent une raréfaction
du crédit et une détérioration des relations financières, ce qui rend le financement du
commerce plus coûteux, voire impossible. Deuxièmement, elles portent atteinte à la
croissance économique, répercussions qui peuvent même se faire sentir à l'échelle planétaire
dans le cas d'une crise de grande ampleur. À la lumière de ces liens entre le commerce et la
stabilité financière, nous examinerons dans ce chapitre les causes des crises financières. Nous
poursuivrons par une analyse de leurs effets sur le plan économique et social.

8
Sous-section 1 : La crise financière, c’est quoi ?
Depuis des décennies, le monde était responsable des erreurs provenant de l‟irrationalité des
agents économiques dans la prise de décision. Au sujet de la finance, il n‟y a pas que la
fameuse crise des subprimes de 2007-2008, le monde a connu depuis longtemps des crises
financières graves. La première crise date de 1635 en Pays-Bas, il s‟agit de la crise des bulbes
de tulipe. Par la découverte des tulipes, leur rareté et leur nouveauté avaient poussé les prix à
la hausse et étaient devenues par la suite un objet de spéculation.

Le présent tableau illustre une chronologie historique des crises financières :

Tableau 1 : Chronologie historique des crises (1637-2020)1

Dates Événements

La « tulipomania », folie spéculative aux Pays-Bas et en Europe autour


de la tulipe « Semper Augustus », débouche sur l‟effondrement du
marché de la tulipe, qui perd 95 % de sa valeur, et sur la ruine des
Février 1637 centaines de familles. La « tulipomania » est considérée comme la
première des grandes crises financières internationales des temps
modernes.

Panique bancaire en Angleterre. Effrayés par des rumeurs d‟invasion,


les déposants se ruent sur les banques du pays. Certaines d‟entre elles
Février 1797 font faillite, et même la Banque d‟Angleterre est obligée de geler les
paiements en espèces, ce qui aggrave la panique.

Première grande crise financière aux Etats-Unis due à la spéculation

1819 foncière. La sévère récession agricole et industrielle qui s‟ensuit va


durer plusieurs années.

La Grande-Bretagne connaît la première grande crise boursière de

1825 l‟histoire. La Bourse de Londres s‟effondre après le dégonflement de la


bulle spéculative sur les investissements en Amérique latine.

La spéculation autour des titres du chemin de fer (Railroad-


1847 mania) provoque un krach aux Bourses de Londres et de Paris.

1
Chronologie historique (1637-2008) par Olivier Pironet (Le Monde diplomatique, décembre 2008).

9
« Black Friday » à la Bourse de Londres, qui connaît un krach majeur

11 Mai 1866 après la faillite d‟un établissement financier. La crise provoque une
panique bancaire.

Après deux années de spéculation intense en Allemagne et en Autriche,


le krach de la Bourse de Vienne est le point de départ de plus de vingt-

9 Mai 1873 cinq années de stagnation de l‟économie mondiale. Cette Grande


Dépression est considérée aujourd‟hui comme étant la première grande
crise de la mondialisation.

La faillite de l‟Union générale, une banque française qui a multiplié les

19 Janvier 1882 investissements spéculatifs en Europe de l‟Est, provoque une grave


crise boursière et bancaire en France.

Un défaut de paiement de l‟Argentine provoque la faillite de la banque

1890 Barings en Grande-Bretagne. La panique boursière se transmet de la


Bourse de Londres aux autres grandes places financières.

Durant toute l‟année, les marchés boursiers sont marqués par la


volatilité. La crise commence à toucher l‟économie réelle.

A l‟automne, et alors que la Réserve fédérale refuse d‟injecter des


1930 liquidités dans le circuit bancaire, la faillite de la Bank of United States
provoque une crise bancaire d‟envergure. Incapables d‟accéder au
crédit, des centaines d‟entreprises font faillite. Les déposants sont eux
aussi touchés.

La crise bancaire touche l‟Europe avec la faillite de plusieurs banques


allemandes et autrichiennes. Les spéculateurs s‟attaquent au mark et
obligent l‟Allemagne à faire appel à des prêts internationaux pour
Mai-Juin 1931 garantir sa monnaie. A l‟automne, une deuxième vague de faillite
bancaire ébranle l‟Amérique. La crise bancaire se transforme en crise
économique.

10
Troisième crise bancaire américaine. En moins de quatre ans, le nombre
de chômeurs aux Etats-Unis est passé de 1,5 million à 15 millions.
Franklin Delano Roosevelt institue le New Deal (« nouvelle donne »)
pour relancer l‟économie. Il se propose d‟atténuer les effets de la crise
économique en cent jours. Son programme vise à venir en aide aux plus
Mars 1933
démunis, à réformer le système bancaire et financier, en séparant
notamment les banques commerciales et d‟investissement et en créant
une autorité de contrôle des marchés financiers, la Securities and
Exchange Commission (SEC).

Crise américaine du crédit. En conduisant une politique monétaire


restrictive pour lutter contre l‟inflation, la Réserve fédérale (Banque
1966 centrale américaine, ou Fed) aggrave les difficultés des banques qui font
déjà face à un épuisement de leurs réserves. Ces dernières vont
restreindre leurs crédits et provoquer un ralentissement économique.
La faillite de la banque allemande Herstatt provoque une grave crise sur
le marché des changes et fait prendre conscience des risques
systémiques provoqués par l‟interdépendance des places financières. Le
26 Juin 1974
comité de Bâle sur les contrôles bancaires, qui rassemble les
représentants des banques centrales du groupe des 10, est créé en
décembre.
Les accords de la Jamaïque, à la suite de la réunion du comité
intérimaire du Fonds monétaire international, consacrent l‟abandon de
l‟étalon-or et entérinent le flottement généralisé des monnaies. En
Janvier 1976
Octobre, une crise financière éclate au Royaume-Uni, qui reçoit un prêt
du FMI moyennant l‟instauration d‟une politique de rigueur.

Le Mexique se déclare en cessation de paiement. La crise financière


s‟étend à toute l‟Amérique latine et aux Caraïbes. La mise en cause des
Août 1982 banques de dépôts qui ont prêté à tout-va aux pays en voie de
développement va favoriser le développement des marchés financiers.

Début de l‟effondrement des caisses d‟épargne aux Etats-Unis. Plus de


1983
sept cents établissements sombrent entre 1983 et 1989.

11
La hausse des taux longs américains détourne les investisseurs des
marchés d‟actions, provoquant un krach à Wall Street : le 19, l‟indice
Octobre 1987 Dow Jones perd 22,6 %. Hongkong, Londres, Bruxelles et Paris sont
rapidement touchées. La Fed, intervenant comme prêteur de dernier
ressort, permet d‟éviter une crise majeure.
Le Congrès des Etats-Unis adopte un plan de sauvetage des caisses
Août 1989 d‟épargne. En Octobre, Krach des junk bonds (obligations spéculatives
douteuses) aux Etats-Unis.

Janvier. Début du dégonflement de la bulle financière au Japon après


que l‟indice Nikkei a atteint son plus haut historique en séance (38
957,44 points) le 29 décembre 1989. Suppression du contrôle des
changes en France.
1990
Juillet. La directive sur la liberté de circulation des capitaux entre en
vigueur dans la Communauté économique européenne.
Septembre. Effondrement du marché international de l‟immobilier après
une importante vague de spéculation.
Février. Krach des marchés obligataires.
Octobre. Les dirigeants de la banque américaine JP Morgan élaborent
les contrats d‟échange de risque de défaut, (credit default swaps CDS),
des assurances contre le risque de non-remboursement de la dette des
1994 entreprises. Un amendement du Sénat adopté en 2000 favorisera l‟essor
des produits dérivés.
Décembre. Grave crise économique et financière au Mexique, fuite des
capitaux. Le FMI conditionne son aide au renforcement d‟une politique
d‟austérité.
Chute de Barings, la plus ancienne banque d‟affaires britannique, à la
Février 1995 suite d‟investissements spéculatifs (900 millions de livres de pertes, soit
1,16 milliard d‟euros).
Succession de crises monétaires et financières en Asie orientale
Mars – Décembre (Thaïlande, Philippines, Corée du Sud, Indonésie, Hongkong...). L‟onde
1997 de choc atteint bientôt la Russie, puis l‟Amérique latine.

12
Début de la crise russe ; le rouble perd près de 30 % de sa valeur.
Faillite du fonds d‟investissement américain Long Term Capital
Août – Septembre Management (LTCM).
1998 La Réserve fédérale renfloue les caisses avec 3,6 milliards de dollars
pour éviter l‟effondrement du système
financier mondial.
Janvier. Crise financière au Brésil, où le real chute de 40 % en quelques
jours. Les pays voisins, dont l‟Argentine - premier partenaire
commercial du Brésil -, sont atteints. L‟euro devient la monnaie unique
des pays de l‟UEM. Toutes les opérations sur les marchés financiers se
1999 font désormais en euro.
Novembre. Le président William Clinton abroge la loi Glass-Steagall,
instaurée en 1933 par le président Franklin Roosevelt pour séparer les
activités des banques de dépôt et celles des banques d‟investissement.

8 février. La banque HSBC avertit que les impayés des crédits


immobiliers à risque vont amputer son bénéfice annuel de 10,5 milliards
de dollars. C‟est le début de la crise des subprimes.
2 avril. Le numéro deux américain de la subprime, New Century, se
déclare en faillite.
Août. Effondrement du marché américain des crédits immobiliers à
risque (subprime). Début de la crise financière.
9 août. Suspension de trois fonds BNP Paribas. La BCE injecte 95
2007 milliards d‟euros dans le circuit bancaire, et la Réserve fédérale
américaine 24 milliards de dollars.
15 septembre. Le gouvernement britannique garantit, à hauteur de 60
milliards de livres (75 milliards d‟euros), les dépôts de la banque
Northern Rock, au bord de la faillite. Il annoncera sa nationalisation le
17 février suivant.
29 octobre. Démission de Stanley O‟Neal, président-directeur général
(PDG) de Merrill Lynch, après l‟annonce d‟une perte de 2,24 milliards
de dollars.

13
Les autorités chinoises ont informé le 31 décembre 2019 l‟Organisation
mondiale de la santé de plusieurs cas de pneumonies dans la ville de
Wuhan, et le 7 janvier 2020 elles identifient un nouveau type de
coronavirus. L‟OMS décrète, le 30 janvier, l‟urgence de santé mondiale.
La pandémie de maladie à coronavirus se propage en Italie à partir du
31 janvier 2020.
L‟économie mondiale s‟est ensuite paralysée au fur et à mesure de la
2020 diffusion du virus. Il est encore trop tôt pour estimer précisément
l‟ampleur de la crise économique, mais il est déjà certain qu‟elle sera
plus brutale que celle de 2008-2009.
La FBCF est passée de 0,5% au premier trimestre de l‟année 2018 pour
s‟installer au taux de -2,2% au niveau du même trimestre de l‟année
suivante au sein de la Zone Euro. La zone connait au deuxième
trimestre de 2019 un pourcentage de variation du PIB de 0,2% pour
atteindre le taux de -11,6% pour le même trimestre de l‟année 2020.

Les crises financières sont nombreuses et sont dues parfois à un excès qui est le plus souvent
de liquidité. Pour mieux les comprendre, nous allons définir en quoi consiste la crise
financière et ses différentes catégories.

Selon Gary Gorton de la Yale School of Management, « une crise financière est une situation
dont laquelle les entreprises et les ménages commencent à avoir des doutes sur la qualité des
titres de créances émis par les banques. L‟activité d‟une banque consiste, entre autre, à
émettre des titres de créances qui sont souvent utilisés comme monnaie par les particuliers et
les entreprises. Or, s‟ils pensent que cette monnaie n‟a pas réellement la valeur qu‟elle devrait
avoir à leurs yeux, ils se rendent à leurs banques pour réclamer des espèces. Comme les
banques ont bien sûr déjà prêté cet argent, ils n‟ont pas la trésorerie pour satisfaire leurs
demandes. De nos jours, le gouvernement ou la banque centrale intervienne la plupart du
temps en fournissant aux banques la liquidité nécessaire, mais souvent cette intervention est
tardive de telle sorte que, en définitif, certaines banques font faillite ou doivent faire renflouer
ce qui a d‟énorme de conséquences pour l‟économie ».

14
Une crise financière désigne la déstabilisation du système bancaire et financier d'une ou de
nombreuses économies. La crise financière inclut les monnaies, les institutions financières et
le marché boursier. Une crise financière peut être de différentes natures et toucher un ou
plusieurs secteurs économiques. Elle peut se situer à différentes échelles planétaire, régionale,
nationale ou se limiter à un seul secteur d'activité. Elle peut même concerner un seul et unique
agent économique. Elle peut avoir pour conséquence de ralentir l'économie mondiale voire
générer une crise économique et une récession comme c‟est le cas de la crise des subprimes
que nous allons développer ultérieurement.

Le terme de crise financière s'emploie pour désigner un ensemble assez large qui inclut
notamment les crises de change, les crises bancaires et les crises boursières… qui sont
distinguées comme suite :

• Crise boursière: Les crises boursières aussi nommées Krach du marché spéculatif désignent
un effondrement brutal et spectaculaire des cours des actions cotées en bourse et plus
généralement des valeurs mobilières sur un marché financier.

• Crise bancaire : Une crise bancaire est une situation d'illiquidité qui frappe les banques et
n‟arrivent pas à payer les dépôts de leurs clients. La plupart des banques aujourd'hui
pratiquent le système de réserves fractionnaires (fractional reserve banking) d'où seulement
une fraction des dépôts est disponible dans les coffres.

Lors d'une crise bancaire, la spéculation d'un manque de liquidité se développe en une masse
des retraits. Les dépôts des clients sont divisés en liquidité, titres et emprunts. Donc, lorsqu'on
assiste aux retraits en masse, les banques sont censées vendre leurs titres à perte pour pouvoir
rembourser leurs clients. Au niveau des emprunts, une banque peut convoquer les
emprunteurs avant les dates d'échéance mais cela conduit aux non-paiements, ralentissement
voire arrêts de l'activité économique dont les conséquences sont la baisse de la production qui
implique la perte d'emplois.

• Crise monétaire : dite aussi crise de change, est une situation dans laquelle un pays qui a
opté pour un taux de change fixe se trouve contraint de dévaluer sa monnaie. Une des
premières manifestations de cette crise est la "fonte" des réserves de change de la banque
centrale face aux ventes massives sur le marché des changes de la monnaie du pays dont les
opérateurs anticipent la dépréciation. L‟exemple est celui de la crise mexicaine (crise Tequila)
en 1994. Le Mexique a connu une grave inflation après la dévaluation du peso mexicain par
rapport au dollar américain, ce qui a déclenché une crise économique.

15
• Crise de la balance des paiements : liée à un déséquilibre extérieur. L‟histoire nous amène
à la crise asiatique de 1997 caractérisée par une crise de liquidité survenue à cause de
l‟accumulation du déficit de la balance courante des pays de l‟Asie du Sud-Est.

• Crise systémique : qui débute généralement par une crise bancaire ou boursière et englobe
par la suite l‟ensemble du système financier, il s‟agit du type le plus grave en raison de
l‟intensité et de la globalité de ses répercussions sur le monde entier. Le fameux exemple est
celui des deux crises financières sujettes de notre recherche, la grande dépression en 1929 et
la crise des subprimes en 2007-2008.

Sous-section 2 : Causes des crises financières


Compte tenu des nombreuses crises financières survenues dans toutes les régions, nous
examinerons d'abord les racines des crises avant de réfléchir à leur dimension internationale.
Dans la plupart des pays, cependant, les crises financières résultent de multiples facteurs et
non d'un seul. Vu la complexité des problèmes et des liens d'interdépendance en jeu, nous
nous contenterons ici d'en étudier les grandes lignes. Nous allons distinguer dans cette analyse
entre les causes internes et celles externes dans le sens d‟internationales.

1) Causes internes des crises :

Des politiques macro-économiques inadaptées peuvent fragiliser le système financier en


engendrant, par exemple, des cycles d'expansion-contraction. Pour clarifier, une mauvaise
politique macro-économique exerce des pressions sur les systèmes financiers en engendrant,
par exemple, des cycles d'expansion-contraction. Quand un gouvernement adopte une
politique monétaire expansionniste en abaissant les taux d'intérêt, le financement des projets
d'investissement et du crédit à la consommation s'en trouve facilité. L'activité est stimulée et,
dans la mesure où les capacités disponibles sont mieux employées, une telle politique peut
même ne pas être inflationniste. Une expansion prolongée de la masse monétaire risque
d'aboutir à une surchauffe lorsque la demande intérieure commence à dépasser l'offre. Il en
résulte une augmentation du prix d'actifs comme les actions ou les biens immobiliers.

Par ailleurs, la gestion macro-économique doit éviter deux menaces, la déflation et


l'hyperinflation : Si la politique monétaire (et, éventuellement, les règles prudentielles) se
relâche, et si la banque centrale octroie des crédits à des banques et des entreprises en
difficulté, il y a danger d'hyperinflation. Plusieurs pays latino-américains et en transition en
ont fait l'expérience ces dernières décennies. D'un autre côté, une politique monétaire trop
rigoureuse peut aggraver le sort des banques si les taux d'intérêt réels élevés qui en résultent

16
mettent un plus grand nombre d'entreprises dans l'impossibilité d'assumer leurs emprunts.
Quand une politique d'austérité monétaire provoque une déflation, les taux d'intérêt réels
augmentent puisque les taux nominaux ne peuvent tomber au-dessous de zéro. En outre, la
valeur réelle de la dette des entreprises s'accroît, ce qui met en péril leur situation financière et
(indirectement) celle des banques. La grande dépression constitue l'illustration la plus connue
de ce genre d'erreurs de gestion d'une crise2.

De surcroît, les crises bancaires ont pour autre cause fréquente l'insuffisance de la
réglementation du contrôle bancaire. Ceci dit, les banques sous-capitalisées sont moins
armées face aux chocs de grande ampleur. Si les critères d'agrément et de prudence sont
laxistes, les banques sont mal gérées et, presque par définition, fragiles. Si les banques ne sont
pas mises en faillite même en cas de difficultés, leurs dirigeants sont incités à devenir moins
prudents et à octroyer plus de prêts risqués (pour récupérer de leurs pertes). L'insuffisance de
la gestion des risques est aussi une source importante de problèmes dans beaucoup de pays3.Il
s‟ajoute aux facteurs susmentionnés l‟enjeu du taux de change, qui, pour un taux trop élevé,
suivi d'une dévaluation, peut être à l'origine d'une instabilité financière. Afin d‟éclaircir, le
maintien d'un taux de change fixe et trop élevé peut favoriser des cycles d'expansion-
contraction et une crise financière à cause de ses effets sur la balance des paiements et les prix
relatifs. Cette question est très complexe. Quand la monnaie de référence est celle d'une zone
caractérisée par une relative stabilité des prix, comme le dollar ou l'euro, et qu'une politique
monétaire expansionniste commence à créer de l'inflation, le taux de change effectif réel
augmente. Il s'ensuit une augmentation, en particulier, du prix des biens et services non
exportables (comme les biens immobiliers) par rapport à celui des biens exportables (comme
les voitures) parce que, dans le cas de ces derniers, les prix sont plus ou moins modérés par la
concurrence internationale. Autrement dit, le choix du régime de change peut aggraver le
déséquilibre des prix relatifs et gonfler exagérément la valeur des actifs.

Finalement, les interventions qui faussent le fonctionnement du secteur financier, telles que le
favoritisme, la répression financière et le protectionnisme, favorisent l'apparition de difficultés
financières : Diverses autres formes d'intervention de l'État peuvent mettre en péril le secteur
financier. Les gouvernements de nombreux pays font peser sur le système financier des coûts
qui relèvent normalement du budget, par exemple en ordonnant aux banques d'accorder des
crédits à certaines entreprises ou personnes à des taux d'intérêt inférieurs au taux du marché.
Les bénéficiaires peuvent être des amis politiques ou des proches du pouvoir en place.
2
Friedman et Schwartz, 1963.
3
Kono et al., 1997; FMI, Marchés internationaux de capitaux, 1998.

17
Une autre forme d'intervention nuisible consiste à réduire le coût du service de la dette
publique en obligeant les établissements financiers à détenir des dettes publiques rapportant
moins que le taux d'intérêt du marché. Tanzi (1995) signale que certains pays ont réussi dans
le passé, grâce à cette répression financière, à réduire le coût de l'intérêt de plusieurs points de
pourcentage du PIB.

Ces interventions faussent l'allocation du crédit et restreignent de ce fait le potentiel de


croissance de l'économie. Elles peuvent aussi porter préjudice à la stabilité financière. Le coût
des crédits bonifiés ou des prêts improductifs qui en résultent doit être contrebalancé par le
produit d'autres activités. Quand les établissements de prêt ne réussissent pas à réaliser des
profits suffisants par ailleurs, ou qu'ils n'y sont pas autorisés, leur situation financière s'en
trouve affaiblie. Selon leur ampleur, ces interventions peuvent intensifier, voire déclencher,
des crises financières4.

2) Facteurs internationaux influant la stabilité financière :

Les chocs touchant les termes de l'échange et les hausses des taux d'intérêt au niveau
international peuvent être porteurs d'instabilité financière de la même manière que les cycles
d'expansion-contraction : Deux types de chocs extérieurs ont contribué à l'apparition de crises
financières dans le passé: le déclin des termes de l'échange et les hausses mondiales des taux
d'intérêt. Dans les pays qui subissent une dégradation des termes de l'échange, les recettes de
l'État et les entreprises emprunteuses diminuent, ce qui peut les rendre incapables d'assumer
leurs obligations financières à l'intérieur des frontières et à l'étranger. Il peut en résulter des
problèmes de service de la dette, une accumulation de prêts improductifs et une crise
financière. Les pays peu diversifiés qui exportent des produits de base dont les prix varient
beaucoup sont les plus exposés aux crises financières parce que, dans l'ensemble de
l'économie, une grande partie des prêts est liée au secteur des produits de base. On peut
donner comme exemple la crise financière survenue, après une phase de prospérité, en
Afrique ou en Amérique latine au début des années 80.

D‟autre part, le manque de la transparence favorise un comportement grégaire des


investisseurs internationaux et la contagion; une garantie implicite de la dette peut créer un «
risque moral ». Dans ce sens, la volatilité des mouvements de capitaux internationaux peut
aussi favoriser les crises financières, surtout dans un environnement économique et politique
qui manque de transparence.

4
Kono et al ; 1997.

18
Premièrement, des afflux de capitaux importants peuvent déséquilibrer la gestion d'un pays au
niveau macro-économique; la masse monétaire augmente mais une hausse des taux d'intérêt à
des fins anti-inflationnistes risque d'attirer encore plus d'argent étranger. Le financement de
l'achat d'actifs par de l'argent étranger et l'excès de la demande peuvent provoquer une bulle
spéculative, et des investisseurs étrangers mal informés risquent de continuer à s'engouffrer
sur un marché à la mode lorsque le manque de la rentabilité des investissements et les
difficultés financières à craindre sont occultés. Le mirage évanoui, les investisseurs perdent
confiance et adoptent de nouveau un comportement grégaire, cette fois dans l'autre sens. Les
sorties de capitaux, aussi excessives que les afflux initiaux, aggravent la contraction du prix
des actifs et, de ce fait, les pressions qui s'exercent sur le système financier. Les investisseurs
mal informés peuvent aussi être plus portés à n'investir qu'à court terme. Une telle situation
fausse la structure des mouvements de capitaux et rend les pays plus fragiles face aux
changements d'humeur des investisseurs5.

5
Kono et Schuknecht, 1998.

19
Sous-section 3 : Retombées des crises financières
Dans la présente partie, nous examinerons de plus près les retombées économiques, sociales
et commerciales d'une crise financière qui peuvent être très graves. Premièrement, nous
analysons l'impact de la crise sur les variables macro-économiques. Nous poursuivons par une
étude des conséquences sociales, notamment en termes de chômage et de pauvreté. Nous
finissons par les répercussions commerciales. Économiquement parlant, une crise financière
peut causer une raréfaction du crédit, qui a pour effet de déprimer l'activité économique : Les
crises financières s'accompagnent souvent de graves répercussions économiques. Les
banques, face à un volume important de prêts improductifs, peuvent être obligées d'assainir
leur bilan.

La raréfaction du crédit qui en résulte se transforme en une véritable crise financière quand le
manque de confiance et l'incertitude font que les banques hésitent encore plus à octroyer de
nouveaux prêts à des clients dont la solvabilité n'est pas évidente. Les entreprises saines elles-
mêmes peuvent avoir du mal à obtenir de nouveaux crédits quand les banques qui connaissent
leur situation financière sont en difficulté ou en faillite et que les autres banques ignorent leur
solvabilité. L'incertitude entourant l'avenir des taux de change (et donc de la rentabilité des
activités) et de la valeur des actifs (qui pourraient servir de garantie) peut aggraver la
raréfaction du crédit. En conséquence, les entreprises auront du mal à financer leurs projets
d'investissement et parfois même leur fonds de roulement. Certaines pourront être incapables
de rembourser les prêts échus et, dans des cas extrêmes, d'honorer leurs contrats par manque
de capitaux. Ces facteurs peuvent même enclencher un cercle vicieux dans lequel le déclin de
l'activité provoque une multiplication des prêts improductifs et des faillites, laquelle ralentit la
production à son tour.

Tableau 2. Projections de la croissance depuis le début de la crise asiatique6

Croissance de FMI, Perspectives de l'économie mondiale


l'économie
mondiale (en Mai 1997 Octobre 1997 Mai 1998 Octobre 1998 Mai 1999
pourcentage)
1998 4,4 4,3 3,1 2,0 2,5
1999 … >4,3 3,7 2,5 2,3

6
Fingerand, K. Michael; Schuknecht, Ludger (1999): Commerce, finances et crises financières, Etudes spéciales
de l’OMC, N. 3f, Organisation Mondiale du Commerce (OMC), Geneva.

20
Tableau 3. Principaux indicateurs économiques de la Thaïlande au cours de la crise
asiatique

1996 1997 1998 1999 2000


Croissance réelle du 5,9 -1,7 -10,2 4,2 4,5 à 5,0
PIB
(en pourcentage)
Prix à la 5,9 5,6 8,1 0,3 3,0
consommation
(en pourcentage)
Solde budgétaire de 1,9 -0,9 -2,4 -2,9 - 3,0
l’administration
centrale (en
pourcentage du PIB)
Solde extérieur -6,0 -7,9 -2,0 12,7 9,1
courant
(en pourcentage du
PIB)
Dette extérieure (en 90,5 93,4 86,2 76,0 67,8
milliards de dollars)

De plus, les crises financières peuvent avoir des répercussions sur la croissance à l'étranger :
Une crise financière peut aussi déprimer l'activité économique à l'étranger. Lorsqu'elles
doivent se couvrir contre les impayés, les banques peuvent être contraintes de réduire leurs
activités de prêt non seulement dans le pays touché par la crise mais aussi à l'extérieur. De
même, une entreprise qui subit des pertes à cause de défauts de paiement ou d'une diminution
des possibilités d'exportation souhaitera peut-être réduire ses investissements.

Ces retombées, ajoutées à une concurrence croissante des importations en provenance des
pays en crise, risquent aussi de déprimer l'activité économique dans les pays non touchés par
la crise. Les répercussions se feront probablement le plus sentir dans les pays qui
entretiennent des liens commerciaux étroits avec les pays en crise et qui y sont fortement
exposés sur le plan financier. La situation en Asie constitue un excellent exemple des
répercussions mondiales des crises financières. Les projections de la croissance mondiale ont
été plusieurs fois révisées à la baisse entre mai 1997 (période antérieure à la crise) et
l'automne 1998 (Tableau N°2).

Au niveau social, le chômage et la pauvreté constituent le coût d'une crise financière : Une
crise financière peut causer d'énormes problèmes sociaux. Lorsque l'activité économique se
21
contracte et que des banques et des entreprises baissent le rideau ou fonctionnent au ralenti, il
s'ensuit des licenciements et une baisse des salaires réels. Les personnes au chômage ou au
bas de l'échelle salariale qui doivent nourrir une famille nombreuse sont les plus exposées aux
difficultés et peuvent même se retrouver au-dessous du seuil de pauvreté. Les services d'aide
sociale deviennent surchargés, la situation sanitaire et alimentaire se dégrade et certains des
plus démunis n'ont plus les moyens de scolariser leurs enfants. Conscients de ces coûts, les
gouvernements des pays en crise et la communauté internationale axent leurs programmes
d'aide sur la sécurité sociale et la formation du capital humain.

Figure 1. Taux de chômage et taux d’emploi de la Corée au cours de la crise asiatique

Source : OCDE, WEFA

L‟impact de ce choc négatif d‟activité sur l‟emploi a été rapide et coûteux : stable à 2,5% en
moyenne jusqu‟en octobre 1997, le taux de chômage s‟est élevé à partir du mois de novembre
pour culminer à presque 9% en juillet 1998. Entre-temps, 1,4 million d‟emplois ont disparu.

Dans la sphère commerciale, les pénuries de crédit peuvent entraîner une diminution des
importations et, dans certaines circonstances, rendre plus difficile le financement des
échanges : Dans le pays où elle sévit, une crise a des incidences importantes sur les échanges
(Tableau N°4). Premièrement, le resserrement du crédit qui suit une crise financière porte
préjudice aux importations. Les projets d'investissement financés par le crédit (qui comportent
habituellement une part importante de biens d'équipement importés) sont revus à la baisse. La
crise asiatique, par exemple, s‟est traduite par une diminution d'environ un tiers de
l'investissement brut en Thaïlande et en République de Corée en 1998.

22
Le crédit à la consommation risque aussi de s'en ressentir, ce qui, avec la perte de confiance
des consommateurs, peut affecter notamment les importations de biens de consommation
durables comme les voitures et les articles de luxe.

La raréfaction du crédit peut également porter préjudice aux exportations et aux importations
à cause d'une hausse du coût de financement des échanges. Pendant une crise financière,
comme toute autre forme de financement, les crédits destinés au financement d'importations
ou aux règlements anticipés d'exportations seront consentis à des taux d'intérêt plus élevés.
Les primes demandées pour garantir des exportations risquent d'augmenter, les sociétés de
garantie ayant plus de mal à évaluer la solvabilité des partenaires commerciaux dans les pays
en crise.

Tableau 4. Evolution des échanges dans un pays touché par une crise financière7

Situation Volume des exportations Volume des importations


Tarissement du crédit, Baisse Baisse
perte de confiance
Diminution de la demande Hausse possible Baisse
intérieure
Contagion financière et Baisse …
économique
Choix politiques
Dévaluation Hausse Baisse
Soutien financier Hausse possible Hausse
international

7
Fingerand, K. Michael; Schuknecht, Ludger (1999): Commerce, finances et crises financières, Etudes spéciales
de l’OMC, N. 3f, Organisation Mondiale du Commerce (OMC), Geneva.

23
Section 3: La crise économique

Dans la vie quotidienne, on remarque souvent l‟utilisation du terme de crise économique


même s‟il s‟agit d‟un tout petit choc dans un système de l‟économie. Les économistes
qualifient de crise économique la phase descendante du cycle économique, en réaction à un
ralentissement de la productivité, une flambée du prix international des matières premières ou
encore une perte de confiance dans la stabilité du système financier national.

Dans cette optique, la crise économique est parfois vue comme un phénomène qui ne se
termine qu'avec l'adoption d'une nouvelle structure économique.

Sous-section 1 : Identification de la crise économique :


La définition contemporaine de la crise correspond à une rupture, un retournement brutal de la
conjoncture économique brisant une phase d‟expansion. Son étendue sectorielle, temporelle et
géographique peut aller d‟un seul secteur d‟une seule région pour une brève période à
l‟ensemble de l‟économie mondiale pendant plusieurs années ; on parlera alors de
ralentissement économique ou, plus grave, de récession économique. Toutefois, les avis
divergent lorsqu‟il s‟agit de caractériser cette rupture, afin d‟expliciter les facteurs
déclencheurs de la crise.

Pour les marxistes, la crise est liée à une contradiction majeure du capitalisme. En procédant
au remplacement des travailleurs par des machines, les capitalistes engendrent une baisse
tendancielle du taux de profit, la force de travail humaine étant la seule source créatrice de
richesses.

Pour les libéraux, une crise générale ne peut survenir si les principes de la libre concurrence
sont respectés ; les crises sont alors dues à des rigidités qui empêchent le marché de
fonctionner de manière optimale et qu‟il faut supprimer.

Pour les keynésiens, enfin, les crises sont liées à une situation de sous-emploi, c‟est à dire
d‟une insuffisance de la demande effective caractérisée par une baisse de la part de la
consommation dans le revenu national. La crise survient lorsque cette situation n‟est pas
compensée par des investissements suffisants, faisant entrer le rôle de l‟État dans la gestion de
la crise.

Une crise économique est une rupture d'équilibre entre grandeurs économiques, notamment
entre production et consommation. Une telle crise comporte souvent des répercussions sur le
niveau des salaires et la valeur du capital, provoque des faillites et du chômage, accroît les
24
tensions sociales et politiques, et peut même avoir des répercussions sanitaires. Au sein de
l‟histoire économique capitaliste, les crises peuvent se voir comme un élément régulier, qui
s‟inscrit dans un ensemble de cycles économiques. Les crises économiques ont pour origine
une rupture dans les relations qui unissent les différents éléments du système économique.

On distingue :

- Des crises agricoles, quand la production de produits alimentaires est insuffisante pour
couvrir les besoins des populations ;

- Des crises industrielles, quand la production de biens ne trouve pas de débouchés


suffisants en raison de la baisse du pouvoir d'achat des consommateurs ;

- Des crises financières, quand il se produit un déséquilibre entre la sphère réelle (biens
et services) et la sphère financière (banques et Bourse) de l'économie. La grande crise
de 1929, de même que le krach boursier de 1987, la crise asiatique de 1997, la crise de
la nouvelle économie de 2001 et la grave crise financière de 2007-2008, qui a eu son
origine aux États-Unis, découlent des opérations et des anticipations spéculatives sans
rapport avec la création de richesses matérielles et la capacité des populations à se les
procurer.

Sous-section 2 : De la crise financière à la crise économique

Les crises financières s‟expliquent par la conjonction de nombreux phénomènes, en


particulier par l‟accumulation de déséquilibres macroéconomiques, la formation récurrente de
bulles spéculatives sur les marchés financiers en raison des comportements mimétiques, et par
les mutations microéconomiques liés au rôle central du crédit et des innovations financières
dans nos économies. Le retour périodique de graves crises financières à partir des
années 1990 a mis en évidence un certain nombre de défaillances de la finance moderne. La
crise financière internationale qui a éclaté en 2007 a montré que la finance globalisée n‟est
pas toujours capable de remplir efficacement deux de ses fonctions essentielles : l‟allocation
optimale des ressources financières à ses usages les plus productifs et la gestion des risques.
Cette crise sur les marchés financiers s‟est ensuite transmise à l‟économie réelle par le canal
du crédit à l‟économie puisque le secteur bancaire a été fortement impacté par la crise
boursière.

En effet, dans une économie où le niveau d‟endettement est élevé, les pertes des banques sur
les marchés financiers se transmettent ensuite rapidement à l‟activité économique car le crédit

25
qu‟elles octroient aux agents (ménages, entreprises) joue un rôle considérable. Il peut se
produire alors une forte contraction du crédit qui comprime fortement la demande globale.

Les banques peuvent être confrontées à la baisse de la valeur de leurs collatéraux : un


collatéral est un actif offert en garantie lors d‟une opération de crédit. Ainsi, sur le marché
interbancaire, un établissement qui emprunte des liquidités doit offrir en contrepartie un
collatéral constitué de titres figurant sur une liste d‟actifs éligibles établie par la banque
centrale. Le mécanisme de transmission de la crise à l‟économie passe également par l‟effet
de richesse négatif. L‟effet de richesse traduit le fait qu‟une variation de la valeur de leurs
actifs patrimoniaux incite les agents économiques à modifier leur demande de biens de
consommation et d‟investissement. En cas de baisse de la valeur des patrimoines (baisse des
prix de l‟immobilier par exemple), les ménages peuvent alors comprimer leurs dépenses de
consommation et réduire les carnets de commande des entreprises. L‟effet de richesse négatif
aggrave alors la récession.

L‟économie réelle est donc toujours impactée par une crise financière. L‟offre de crédit des
banques est freinée et les taux d‟intérêt remontent, ce qui dissuade les emprunteurs de
s‟endetter. Les débiteurs, en raison de la dévalorisation brutale de leurs actifs, ne parviennent
plus à rembourser leurs emprunts.

Le rationnement du crédit, qui met en difficulté les créanciers autant que les débiteurs,
alimente la défiance et ralentit l‟activité économique. Les agents économiques (ménages,
entreprises) cherchent alors à se désendetter et réduisent leur consommation et leurs
investissements productifs.

Dans ce contexte, l‟économie peut entrer dans un cercle vicieux qui a été à l‟origine de la
« Grande Dépression » des années 1930 : la contrainte financière pèse de plus en plus sur les
ménages qui diminuent leurs dépenses, voire restreignent drastiquement leurs consommations
courantes. Il s‟ensuit une baisse de la production, des faillites d‟entreprises, une baisse des
revenus distribués et une incapacité à emprunter, ce qui provoque une nouvelle chute de la
consommation, etc.

La contraction de l‟emploi et la forte hausse du taux de chômage est un facteur


supplémentaire de baisse des revenus pour les ménages, et de montée de l‟épargne de
précaution. Les profits des entreprises seront donc fortement comprimés et l‟économie risque
d‟entrer également dans une spirale de la déflation : pour écouler la production, la baisse des
prix par les entreprises réduit encore plus les profits, d‟autant que les consommateurs
26
attendent de nouvelles baisses de prix, etc. La baisse des prix alourdit également le poids des
dettes en termes réels : les acteurs économiques se voient contraint de recourir à des ventes
forcées qui, dans un climat de défiance, se traduit par une nouvelle accélération de la baisse
des prix.

C‟est ainsi pour éviter ce cercle vicieux de la dépression que les banques centrales et les Etats
sont intervenus rapidement pour soutenir le crédit et l‟activité économique en 2007-2008.

Les grandes banques centrales et les États sont ainsi intervenues rapidement et massivement
en mars 2020 pour amortir le choc de la pandémie du COVID-19 sur l‟économie mondiale : le
risque est en effet que l‟instabilité sur les marchés financiers ne se transmette à l‟économie
réelle, avant de rétroagir sur les marchés financiers en validant des anticipations pessimistes
des investisseurs (chute des profits, baisse de la capitalisation boursière, faillites en chaînes
d‟entreprises, baisse des dividendes versés aux actionnaires…).

27
Conclusion :

On ne parviendra jamais à faire entièrement disparaître les crises économiques et financières,


mais il est tout à fait possible d'en réduire la fréquence et la gravité. La prévention des crises
est une priorité. À cette fin, le FMI s'efforce de resserrer sa surveillance régulière des
politiques nationales et de mettre l'accent sur les facteurs qui risquent d'accroître la
vulnérabilité des pays aux crises : politiques macroéconomiques et systèmes financiers
déficients, régimes de change inadaptés, etc. Il offre également aux pays une assistance
financière pour leur permettre d'adopter des politiques qui les rendront moins vulnérables aux
crises.

Cependant, aucune mesure de prévention n'est infaillible. Il importe donc de chercher à


faciliter la gestion des crises et à en limiter les coûts sociaux et économiques. Il est désormais
généralement admis que l'association du secteur privé à la résolution des crises peut jouer un
rôle important en ce sens. Cependant, plusieurs questions importantes se posent toujours à ce
propos au sein de la communauté internationale, et notamment celles de savoir comment
faciliter la participation du secteur privé et la rendre plus efficace et comment préciser les «
règles du jeu » sans renoncer aux avantages d'une démarche plus souple.

28
Chapitre 2 : La crise économique de 1929
Au milieu de 1929, le monde semble installé dans une période de prospérité. Après des
années de tensions politiques entre grandes nations à la suite du règlement difficile de la
Première Guerre mondiale, la paix paraît rétablie durablement. En août, l'Allemagne ratifie le
plan Young, qui réduit les réparations de guerre et prévoit l'évacuation de la Rhénanie par les
troupes françaises tout en donnant des garanties internationales de paiement aux Alliés.

Le 5 septembre, Aristide Briand propose à l'Assemblée de la Société des Nations la


constitution des États-Unis d'Europe. À cette date, la récession, qui a déjà commencé dans
certains pays (en particulier en Allemagne, au Brésil ou au Canada), n'inquiète pas: nombre
d'hommes politiques et d'économistes croient qu'une nouvelle ère de croissance permanente a
commencé, dans laquelle les crises sérieuses sont exclues. C'est le krach boursier qui frappe
les esprits : du Black Thursday au Black Tuesday (24 et 29 octobre), la Bourse de New York
connaît un véritable effondrement et les hommes d'affaires ruinés volent, dit-on (à tort), des
gratte-ciel de Wall Street. L'économie bascule dans la récession: la production d'automobiles
s'effondre, les usines ferment, les queues s'allongent aux bureaux d'embauche et de
bienfaisance. En un an, la production industrielle mondiale baisse de 12 % et le commerce
international recule pour la première fois depuis le début de la décennie. Chaque mois, de
nouveaux pays entrent en récession. Surtout, la reprise, qui plusieurs fois pointe un nez
timide, tarde à se manifester.

Dans ce présent chapitre, nous analyserons l‟histoire de la crise économique de 1929 en


spécifiant ses origines ainsi que ses conséquences économiques et sociales. Une réflexion sera
par la suite sur les remèdes et les politiques de relance.

28
Section 1 : Bref historique
Au cours des années 1920, les Etats-Unis entrent dans une phase de reconstruction où l'économie
connaît un certain essor. Mais le système américain est parsemé de failles. Outre la surproduction
industrielle, ce dernier repose principalement sur la spéculation boursière et le crédit. La population
emprunte de manière excessive pour pouvoir investir en bourse. Ainsi, lorsque les prix viennent à
baisser, les actionnaires s'empressent de revendre leurs titres avant qu'ils ne perdent trop de valeur.
La panique s'empare rapidement de Wall Street le jeudi 24 octobre 1929 et mène irrémédiablement
à la journée du "jeudi noir", où près de 13 millions d'actions sont mises en vente. Le cours s'effondre
et toute l'économie américaine sombre à une vitesse folle.

Par son ampleur et les drames qu‟elle a provoqués, la crise de 1929 est une situation
heureusement très rare dans l‟histoire économique et sociale. Partie des États-Unis, la crise se
diffusera dans le monde entier sous la forme d‟une grande dépression généralisée.

Dès le printemps 1929, des nuages s‟amoncellent sur l‟économie américaine après plusieurs
années de croissance vigoureuse. Les résultats des entreprises se dégradent, la production
automobile baisse ainsi que les revenus agricoles et la construction de logement fléchit.

A Wall Street, la spéculation continue pourtant de plus belle. On emprunte pour acheter des
actions. La frénésie est générale et les banques prêtent à tout-va. Entre le début 1928 et
octobre 1929, le montant total des prêts double. Les cours des principales valeurs flambent.
Le jeudi 24 octobre (le Jeudi noir), c‟est le krach. Tout le monde veut vendre ses titres,
personne n‟achète. À midi, l‟indice Dow Jones (l‟équivalent du CAC 40) a perdu 22,6 %. La
baisse se poursuit pendant trois ans : les cours boursiers ont chuté de 87%, les banques font
faillite. Cette déroute financière met rapidement à genoux l‟économie réelle.

La conflagration touche de plein fouet l‟Europe, les banques américaines réclamant le


remboursement immédiat des prêts consentis pour la reconstruction d‟après-guerre. Seule la
France semble, dans un premier temps, épargnée. Mais cela ne durera pas et l‟économie
française sera une des dernières à redémarrer, juste avant la Seconde Guerre mondiale.

Deux chiffres suffisent pour mesurer l‟importance de cette dépression planétaire : la


production industrielle américaine a baissé de moitié de 1929 à 1932 et le taux de chômage
est passé de 3,1% à 24%.

29
Figure 2. Production industrielle, production des produits primaires et commerce
international, 1926-1938.

Figure 3. Evolution du cours de l’indice Dow Jones.

30
Section 2 : Origines de la crise
Les années 1920 marquent les années folles américaines : les troupes sont de retour de la
Première Guerre mondiale, la croissance américaine est forte, et les États-Unis s‟affirment
comme la première puissance mondiale. La confiance dans le libéralisme et l‟autorégulation
des marchés est totale et on ne croit plus à la possibilité d‟une crise. Même la montée des
inégalités n‟inquiète pas : les 10 % les plus riches accaparent 50 % des revenus en 1928. La
concentration des richesses, alliée à l‟euphorie de la période, crée un environnement favorable
à la spéculation.

Les dérapages financiers des années 1920 sont intimement liés au développement d‟une
innovation financière incontrôlée et risquée : le « call loan ». Depuis 1926, les investisseurs
ont la possibilité d‟acheter et de vendre à crédit avec une couverture de seulement 10 %.
L‟achat d‟un titre est ainsi financé à 90 % par un emprunt. Les particuliers américains
s‟endettent massivement pour jouer en Bourse. Le développement du crédit est fait de
manière anarchique, avec des taux intérêts à des niveaux très faibles. À partir de 1927, la
spéculation devient le jouet favori des investisseurs et représente alors 80 % de
l‟investissement en Bourse. La valeur des actions gonfle mais ne répond plus à aucune
logique. Ainsi, entre 1921 et 1929, la production industrielle progresse d‟environ 50 % quand
la Bourse gagne 300 %. Seulement, au début de 1929, l‟économie américaine s‟essouffle, la
production industrielle chutant de 7 % entre mai et octobre, car les capitaux disponibles
accourent à la Bourse plutôt que vers l‟économie réelle.

À partir de septembre 1929, les cours commencent à stagner. Les perspectives de croissance
étant faibles, les investisseurs les plus prudents empochent leurs plus-values. Le volume des
ventes s‟intensifie et devient préoccupant à partir du 18 octobre 1929. Lorsque la Bourse
s‟oriente à la baisse, la nervosité gagne les marchés. La promesse d‟une plus-value à court-
terme disparait et personne ne souhaite alors racheter des titres totalement surcotés. Le jeudi
24 octobre 1929, les vagues de vente sont trop fortes et la Bourse de Wall Street s‟effondre.
Les investisseurs paniqués vendent en masse leurs titres afin de limiter leurs pertes,
conduisant à la chute de 22,6 % de l‟indice Dow Jones au cours de la matinée. L‟injection de
capitaux par les principaux banquiers new-yorkais fait rebondir artificiellement le marché et
limite la baisse à 2,1 %.

31
Cette perfusion maintient la Bourse en vie jusqu‟au lundi suivant, où un second mouvement
de panique se produit. En effet, les spéculateurs sont contraints de liquider leurs positions
sous l‟effet d‟un appel de marge. Cette fois ci, les banques n‟interviennent pas et le Dow
Jones rechute de 13 % au cours du « lundi noir ». Le lendemain, le volume d‟échange dépasse
les 16 millions de titres et le Dow Jones perd 12 %. La bulle spéculative a véritablement
éclaté. L‟effet de dominos provoque l‟effondrement de l‟ensemble de la Bourse. De 1930 à
1932, le Dow Jones perd 89 % de sa valeur. Les investisseurs sont incapables de rembourser
leurs prêts aux banques qui sont de plus confrontées à une course au guichet des particuliers
soucieux de sauver leur épargne. Elles étaient aussi nombreuses à avoir investi en Bourse afin
de bénéficier de cette hausse a priori sans fin. À court de liquidités, les banques subissent une
première vague de faillite à la fin de 1930. Cette crise se propage mondialement, et les
problèmes européens reviennent en boomerang aux États-Unis, ce qui enclenche une seconde
crise bancaire en mars 1931, bientôt suivie par une troisième au début de 1933. La contraction
du crédit prive l‟économie américaine de son principal moteur d‟investissement, la perte de
confiance générale n‟aidant pas.

C‟est à la fois la consommation, la production, les prix et donc les profits des entreprises qui
chutent. Les entreprises en difficulté ferment au fur et à mesure. C‟est un dur retour à la
réalité, avec un taux de chômage de 25 % et une situation de déflation à la fin de l‟année
1933. La population américaine est frappée par la misère et la pauvreté. Plus la situation se
prolonge, plus elle empire : le cercle vicieux de la Grande Dépression est enclenché.

Section 3 : Contrecoups de la crise économique de 1929


La crise qui se développe en Europe et dans le monde est vécue par les différents pays comme
une crise nationale. Certes des manifestations semblables se déroulent aussi bien à l‟Est qu‟à
l‟Ouest du continent, mais leur intensité n‟est pas la même. Celle-ci varie avec la structure des
économies, dont le degré de résistance précipite ou retarde l‟entrée en crise.

Les différentes évolutions des principaux indicateurs économiques sont à l‟origine d‟une
géographie de la crise forte contrastée. Ces divergences nationales posent problème aux
relations internationales, notamment à la coopération entre États européens.

Nous examinerons dans cette partie les conséquences de cette crise tant sur le plan
économique que sur celui social.

32
1) Conséquences macroéconomiques :

Le changement de conjoncture se produit progressivement au cours de l‟année 1929. À


regarder les grands indicateurs économiques, la dépression se creuse en 1930, sans atteindre
encore au début de l‟année 1931 le cataclysme observé ailleurs.

L'agriculture est encore dans l'entre-deux-guerres une activité très importante dans les
économies les plus industrialisées, à l'exception de la Grande-Bretagne qui a fait, au 19ème
siècle, le choix d'une spécialisation complète dans l'industrie et importe une grande partie me
des produits agricoles qu'elle consomme. Même aux États-Unis, où l'industrie s'est
développée très rapidement à partir des années 1880, l'agriculture emploie encore 25 % de la
population active, et un tiers de sa production est exporté. Dans la plupart des pays européens,
l'agriculture emploie encore plus de 40 % des actifs. On ne saurait donc s'étonner que la crise
agricole ait un impact important. Les canaux de transmission sont variés et doivent être
examinés un à un avant qu'une évaluation globale soit possible.

Figure 4. Production mondiale, prix et stocks de produits de base, 1920-1938

33
Concernant la production, la courbe de la production baisse continuellement au cours de
l‟année 1930. Certains pays européens connaissent le lot des États-Unis avec un recul rapide
de l‟activité (Allemagne) ; d‟autres (France et Royaume-Uni) semblent mieux armés. Par
rapport à son partenaire américain, l‟Europe dans l‟ensemble apparaît mieux lotie. Le
commerce extérieur européen n‟a baissé que de 12 % pendant les neuf premiers mois de 1930,
alors que durant la même période le commerce international des pays non européens recule de
23 %. Au tournant de l‟année 1931, le continent suit cependant une évolution comparable aux
autres régions de la planète. Au-delà de ce décalage profitable aux États européens, force est
de reconnaître une évolution plus contrastée pour certains secteurs industriels.

Tableau 5: Indices généraux de la production par trimestre8

Pays 1929 1930


I II III IV I II III IV
Etats-Unis 106 112 111 98 95 93 83 76
Royaume-Uni 107 108 106 112 107 98 88 90
France 108 110 109 112 113 113 109 106
Allemagne 95 109 103 100 93 89 80 75

Jusqu‟au milieu de l‟année 1930, les industries de biens de production subissent une
dépression moins prononcée que celles des biens de consommation. La tendance s‟inverse
après l‟été 1930. Là encore le continent européen semble plus protégé que les États-Unis. Si
l‟on prend comme exemple les industries mécaniques, le recul de la production atteint 50 %
en Amérique de 1929 à 1930, alors que l‟activité ne régresse que de 10 % au Royaume-Uni et
de 15 % en Allemagne. En France, la production reste stable d‟une année à l‟autre dans ce
secteur. Pour l‟automobile, le nombre de véhicules produits recule de 37 % aux États-Unis
aux mêmes dates, de 11 % seulement en Europe. Les cours boursiers résument bien ce fossé
qui subsiste encore entre le Vieux et le Nouveau Monde.

De septembre 1929 à décembre 1930, les cours des valeurs s‟effondrent de 53 % aux États-
Unis, alors que le mouvement de repli n‟est que de 33 % à Londres, 36 % à Paris, 30 % en
Suisse. Seuls les reculs allemands (47 %) et néerlandais (52 %) sont comparables au
mouvement enregistré à New York.

8
SDN, Commission d’Études pour l’Union Européenne, Rapport sur l’étude du cours et des phases de la
dépression économique actuelle, doc. SDN n° C. 284. M. 134. 1931.

34
Cette baisse générale de la production, liée à un rétrécissement important de la demande,
contribue à un gonflement généralisé des stocks qui atteignent des niveaux inégalés. Dès lors
un cycle cumulatif s‟installe conduisant à une baisse du niveau des prix.

Le tableau suivant illustre des indicateurs économiques de certains pays industriels pendant la
grande dépression.

Tableau 6: Indicateurs économiques de certains pays industriels pendant la crise

Etats-Unis Royaume-Uni France Allemagne

Baisse maximale du -29% -5% -11% -23%


PIB

Déflation maximale -24% -15% -28% -23%

Solde budgétaire Environ -5% - Environ -5% -

(% du PIB) au début
des années 30

A propos des salaires et des loyers d‟argent, les salaires nominaux de la classe ouvrière n‟ont
guère varié. Ils reculent pendant l‟année 1930 de 2 % au Royaume-Uni, d‟1 % en Allemagne.
Mais les salaires réels s‟accroissent. Cela ne fait aucun doute que la situation ne pourra durer,
car les entreprises n‟admettent pas trop longtemps une surcharge de leurs coûts de production.
En revanche, la courbe du loyer de l‟argent plonge depuis l‟automne 1929. On assiste en effet,
après le krach boursier d‟octobre 1929, à une diminution du taux d‟escompte sur les grandes
places. Au printemps 1931, ce taux se situe à 2 % à Paris et à Zurich, à 2,5 % à Londres. Les
taux d‟intérêt à long terme suivent cette évolution : ils reculent de 1 % depuis l‟automne
1929.

Les grandes puissances prêtent de moins en moins leur argent. Les exportations britanniques
de capitaux diminuent de 70 % en 1930. La France, qui a beaucoup prêté jusqu‟en 1929,
rapatrie ses capitaux en 1930. Ses comptes portent trace d‟une importation nette de capitaux
pendant cette même année.

Les pays, jusque-là emprunteurs, privés d‟une partie de leurs moyens, réduisent alors leurs
achats, provoquant une réduction de leurs échanges commerciaux. La restriction de la
demande que l‟on observe à tous les niveaux est facteur de l‟augmentation du chômage.

35
Au sujet du niveau général des prix, le tableau suivant illustre le niveau des prix de gros dans
trois pays européens.

Tableau 7: Le niveau des prix de gros dans trois pays européens9

Pays 1928 1930 Février 1931


Royaume-Uni 140,3 119,5 106,2
Allemagne 140 123,6 108,1
France 126,3 108,7 97,8

(1913 = 100)
Le tableau N°7 montre la forte baisse des indices de prix de gros dans trois pays européens,
qui n‟ont pour ce phénomène rien à envier aux États-Unis. Mais l‟évolution des divers
produits est là également très variable. Pour les denrées agricoles, le cours des céréales
diminue davantage que celui des productions d‟origine animale. Un exemple l‟illustre bien :
le prix du blé a reculé de 50 % de 1929 à 1931, alors que celui du beurre n‟a subi qu‟une
érosion de 23 %. À l‟exception notable du charbon et du fer, les prix des matières premières
suivent la même orientation à la baisse. Dans ce secteur tout dépend en réalité de la plus ou
moins forte présence des cartels, de la plus ou moins grande intervention de l‟État. Les prix
réglementés (ceux fixés par l‟État ou un cartel) diminuent de 11 % à partir de l‟automne 1929
jusqu‟au printemps 1931, alors que les prix libres reculent de 32 %. Si l‟on ajoute que les
produits finis ne sont pas en reste dans ce mouvement, on mesure l‟impact de cette tendance
sur les rémunérations du travail et du capital. Dans le domaine commercial, entre 1929 et
1932, le commerce mondial diminue du quart en volume et de près des deux tiers en valeur du
fait de la baisse des prix. Une des premières conséquences de la crise de 1929 sera pour les
États de tenter de limiter les exportations afin de protéger leurs productions nationales : on
parle alors de protectionnisme : Or, cette politique étant appliquée par de nombreux États, n‟a
pour autre conséquences que d‟aggraver la situation. Dans ce processus, il faut également
tenir compte des structures du commerce mondial des années 1920 : Celui -ci est dominé par
une division internationale du travail, héritée du 14ème siècle et de la colonisation. Dans cette
division internationale du travail, les pays développés exportent des produits industriels vers
les « pays coloniaux » d'où ils importent des produits primaires.

Toute récession de l'économie capitaliste se traduit donc par une baisse des importations des
produits de base et surtout par l'effondrement de leurs prix, effondrement qui entraîne la chute

9
Bulletin Mensuel de Statistique de la SDN.

36
des importations de ces pays et donc des exportations des produits industriels des pays
capitalistes. L'effondrement du crédit international vient aggraver les effets de la crise
commerciale. Rendus méfiants par le krach de Wall Street, les détenteurs de capitaux placent
leurs avoirs en valeurs sûres, notamment en or, et restreignent fortement leurs prêts. Les
prêteurs américains interrompent leurs exportations de capitaux et cherchent au contraire à
rapatrier leurs placements antérieurs pour reconstituer leurs fonds propres mis à mal par la
crise. Les États-Unis avaient placé de nombreux capitaux en Allemagne et en Autriche : aussi,
lorsqu‟ils rapatrient leurs capitaux, c‟est toute l‟Europe et au premier plan l‟Allemagne qui en
souffre. Les allemands apprenants que des banques se déclarent en faillite se ruent dans leurs
agences bancaires mais il est trop tard. Lorsque les pays voisins apprennent ce qu‟il se passe
en Allemagne, ils se précipitent à leur tour dans leurs banques comme c‟est le cas en Grande
Bretagne. Certains pays décident de dévaluer leur monnaie nationale, ce qui entraine une forte
inflation (l‟exemple de la crise financière du Liban et la dévaluation de la livre libanaise).
Notons par ailleurs, la situation de l‟URSS qui est dans la planification imposée par Staline
(les plans quinquennaux et de la collectivisation) et qui est très tournée sur son marché
intérieur. Elle ne subit qu‟à la marge les effets dévastateurs de la crise de 1929 car son
économie est très peu intégrée à l‟économie mondiale.

2) Conséquences sociales :

Un simple tableau de statistiques du chômage de mars 1929 à mars 1931 suffit à mesurer
l‟ampleur de la catastrophe sociale qui se dessine. C‟est un aspect essentiel, car la crise est
avant tout vécue par les contemporains comme une crise sociale aux aspects dramatiques, si
l‟on songe à la misère des chômeurs en Allemagne ou au Royaume-Uni. En Pologne, un
ouvrier sur deux est sans emploi ; un sur trois en Tchécoslovaquie. Dorénavant c‟est à la
victoire remportée sur ce fléau que l‟on mesurera le succès des politiques économiques.

Tableau 8 : Nombre de chômeurs en Allemagne, Italie et au Royaume-Uni (En milliers).10

Pays Février 1929 Février 1930 Février 1931


Allemagne 3050 3336 4972
Italie 505 483 792
Royaume-Uni 1454 1583 2697

10
Bulletin mensuel de statistiques, SDN.

37
Au total, après deux années de crise, l‟Europe est encore mieux lotie que son principal rival,
les États-Unis. Ses performances restent meilleures que celles de l‟Amérique latine ou de
l‟Asie, et plus particulièrement que celles du Japon. Mais cela fait presque deux ans que les
principaux indicateurs économiques sont orientés à la baisse. L‟Europe est encore loin de la
sortie du tunnel.
Aux Etats-Unis, la crise est marquée par l‟émergence du chômage de masse. Les nombreuses
faillites et la concentration du commerce international entraînent une hausse brutale des
licenciements : le nombre de travailleurs sans emploi est multiplié par 10 aux États Unis de
1929 à 1933 : 4 millions en 1930, 8 millions en 1931 et 12 millions en 1932, soit plus d‟un
quart de la population active américaine. Cette situation va perdurer jusqu‟à la Seconde
Guerre mondiale.

Le chômage devient aussi endémique en Europe : en 1931, 2,7 millions de travailleurs sont
privés d‟emploi au Royaume-Uni ; 4,6 millions en Allemagne. Seule la France semble faire
d‟abord exception, avec 55000 chômeurs en 1931. Les politiques déflationnistes aggravent les
conséquences du chômage. Des “marches de la faim” sont organisées comme à Détroit en
1932. Les bidonvilles se multiplient dans les grandes métropoles signe d‟une paupérisation
sans précédent de la population. Dans les pays d‟Amérique latine, cette crise déstabilise
l‟ensemble de la société. En effet, la baisse des importations américaines provoque une
profonde crise économique dans cette partie du monde. Ces pays vivaient surtout des
exportations de matières premières. Avec la surproduction et la mise en place des politiques
protectionnistes des pays riches, les cours des matières premières s‟effondrent et certains états
ripostent en nationalisant certains secteurs comme le pétrole au Mexique. Mais le sous-
continent américain va aussi connaître de graves troubles politiques : une des conséquences
de cette crise va être la montée en puissance des régimes autoritaires, qui arrivent souvent au
pouvoir par le biais d‟un coup d‟état.

38
Figure 5. Les mécanismes de la crise de 1929 et ses conséquences

Figure 6. Causes et conséquences de la crise économique

39
3) Conséquences financières :

Un premier effet de la crise agricole est la faillite de nombreux agriculteurs et la mise en


difficulté des banques qui leur ont fait crédit. Ce phénomène est spécialement important aux
États-Unis où la dette hypothécaire du monde agricole est passée de 3,3 milliards de dollars
en 1910 à 6,7 en 1920 et 9,4 en 1925. La baisse des cours conduit des milliers d'agriculteurs
du Middle-west et du sud des États-Unis à la faillite. Leurs terres sont saisies par leurs
banques, mais ne suffisent pas à les rembourser du fait de la baisse des prix fonciers; en
résultent des vagues de faillites bancaires en 1930 et 1931. La même chose se produit au
Canada et dans d'autres pays, quoique le niveau d'endettement y soit en général plus faible.

L'endettement international de nombreux pays producteurs de matières premières est plus


grave encore: ils ont emprunté largement à Londres et surtout à New York dans les années
1920, et doivent maintenant rembourser. Or la valeur de leurs exportations s'effondre: de 80
% pour le Chili, 65 % pour l'Argentine ou le Canada, 60 % pour le Brésil ou la Pologne, 50 %
pour l'Australie ou la Nouvelle-Zélande.

Face à cette situation - et en dehors du répit que peuvent leur procurer leurs réserves de
change -, cinq solutions (non mutuellement exclusives et souvent employées successivement)
s'offrent aux pays endettés. La meilleure pour eux serait d'emprunter davantage pour passer ce
cap difficile, quitte à accepter des programmes de restructuration sous contrôle international.
La deuxième solution consiste justement à mettre en place des politiques économiques
internes restrictives, qui réduisent la consommation et permettent de dégager les ressources
suffisantes (par exemple via la pression fiscale) pour effectuer les paiements nécessaires.
L'ajustement implique faillites, chômage, baisse accrue des prix et des salaires, et est donc
politiquement difficile. La troisième solution est le protectionnisme, qui permet - au moins en
l'absence de représailles - de dégager un excédent commercial et ainsi de rembourser les
dettes. La quatrième consiste à faire défaut sur ces dettes, au risque de ne plus pouvoir
emprunter durablement. La dernière solution est de déprécier la monnaie : elle permet de
baisser les prix nationaux par rapport aux prix mondiaux en évitant le processus coûteux de
déflation, mais rend la dette extérieure (libellée en devises fortes) plus lourde. Ces deux
dernières éventualités sont très mal vues par les milieux financiers et ne sont donc envisagées
qu'en dernier recours.

40
Toutes ces solutions sont utilisées pendant la crise: jusqu'à 1929, le crédit international
dépasse le montant des remboursements et des intérêts, mais disparaît au milieu de 1929 et ne
se relève pas de la décennie, ce qui implique un ajustement drastique. La plupart des pays
mettent initialement en place des politiques restrictives, comme le Canada ou le Chili, et
parviennent un temps à éviter la dévaluation. Mais le coût politique en est souvent lourd: les
coups d'État et les révolutions se multiplient dès 1930 en Amérique latine. La dureté de la
situation explique que l'Argentine, l'Uruguay et l'Australie quittent l'étalon-or dès décembre
1929 (après des mois de pertes de réserves, voire un début de dépréciation) ; leurs monnaies
perdent 25 à 30 % de leur valeur en quelques mois. Les monnaies de la Nouvelle-Zélande, du
Brésil, de la Bolivie, du Venezuela et de l'Espagne se déprécient également en 1930 ou 1931.

Ces dépréciations permettent de stabiliser la chute des prix en termes de monnaie nationale et
limitent les crises financières internes, mais elles ont pour effet pervers d'accentuer la chute
des prix mondiaux (car elles conduisent ces pays à « brader » leurs produits). Enfin, le défaut
est évité au début de la crise. La Bolivie suspend la première ses paiements en janvier 1931.
Elle n'est suivie que lorsque la situation internationale devient désespérée, après septembre
1931. Avant le milieu des années 1930, tous les pays d'Amérique latine et un certain nombre
d'autres en Europe ou en Océanie sont en cessation (plus ou moins complète) de paiement.
Cette rupture unanime ne reflète pas des difficultés réelles qui sont très variables d'un pays à
l'autre : ainsi, selon un indicateur classique, la dette extérieure représente seulement trois à
huit mois d'exportations en Tchécoslovaquie, au Canada, en Argentine, au Brésil ou en
Colombie, contre plus d'un an (parfois plus de deux) en Australie, au Chili, en Hongrie, en
Bulgarie ou en Pologne.

Les pays capables de payer s'engouffrent donc dans la brèche ouverte par les plus en
difficulté. S'y ajoutent les cessations de paiement politiques, comme celle de l'Allemagne
hitlérienne.

Du fait de cette contagion, le crédit international s'effondre et ne reprend pas vraiment avant
la guerre, au moins selon des modalités normales.

41
Section 4 : De la crise à la révolution keynésienne
Le début de la crise ne favorise pas l‟émergence d‟un nouveau paradigme en science
économique. Bien au contraire, il encourage chacun à camper sur ses positions. Les
économistes « orthodoxes » considèrent que la crise n‟illustre que des dysfonctionnements et
déséquilibres passagers qu‟il convient de corriger par un retour aux fondamentaux et donc des
politiques d‟austérité. Les « hétérodoxes », tels que Keynes, considèrent que la crise
économique est aussi une crise de la science économique et qu‟il convient donc de la rénover
en profondeur. C‟est dans cette opposition que s‟inscrit la controverse entre Keynes et
la Treasury View. Selon cette dernière, la discipline budgétaire et monétaire est la seule
solution pour résorber la crise, toute politique expansionniste risquant de générer de
l‟inflation. Les chances de Keynes de convaincre les avocats de la Treasury View étaient bien
minces car les conceptions en jeu s‟opposaient non seulement sur le diagnostic mais
également sur les effets supposés des politiques menées pour combattre la crise. Ainsi, plus
Keynes jouait les Cassandre en annonçant des demains catastrophiques, moins ses chances de
convaincre étaient grandes.

Sur un plan plus politique, Keynes devient à cette époque « sans domicile fixe », pour
reprendre l‟expression très juste donnée par le biographe Skidelsky. Le Parti libéral, instance
politique dont Keynes est le plus proche, s‟affaiblit et cessera formellement d‟exister en
octobre 1931, en ne regroupant plus que trois parlementaires autour de Lloyd George. Keynes
ne peut pas non plus s‟appuyer complètement sur le Labour qui devient majoritaire avec les
élections de mai 1929 mais doit composer avec les conservateurs et créer un gouvernement
d‟union nationale pour affronter la crise et la défiance contre la livre sterling. Keynes
reproche par ailleurs les accointances de l‟organe central du parti travailliste avec la lutte des
classes, principe qui suscite chez lui un rejet viscéral. Entre un gouvernement d‟inspiration
conservatrice et fortement influencé par l‟administration du Trésor, des forces travaillistes
attirées par les extrêmes, et un Parti libéral très affaibli, il y a peu de place pour les
propositions de Keynes.

Le nouveau gouvernement dirigé par MacDonald ne met pas pour autant Keynes sur la
touche. Bien au contraire. Le Premier ministre le nomme membre de deux commissions
économiques importantes : la Commission Macmillan et l‟Economic Advisory Council.
Malgré l‟énergie déployée, Keynes n‟exercera cependant qu‟une influence modeste dans ces
deux commissions.

42
La commission Macmillan (novembre 1929) est en charge de proposer des solutions pour
renforcer les finances et l‟industrie. Elle trouve son origine dans l‟influence exercée par
Keynes sur l‟opinion publique de l‟aveu même du gouvernement. Keynes croit alors qu‟il
« redevient à la mode » comme il l‟explique dans une lettre adressée à Lydia Lopokova.

Ses principales interventions ont lieu en 1930 et consistent en une présentation claire et
brillante des thèses développées dans le Treatise on Money en cours de publication. Il en
arrive à la conclusion que la crise et la montée du chômage (10 % en 1929, 21,5 % en 1931)
ne trouvent pas leur origine dans les salaires et le système d‟assurance chômage mais dans
une mauvaise adéquation entre l‟épargne et l‟investissement. Comme il l‟explicite clairement
à travers la « parabole des bananes », Keynes montre que seul l‟investissement est générateur
de croissance et que l‟excédent d‟épargne sur l‟investissement aboutit au chômage. Il rejette
alors la politique défendue par la plupart des économistes et des créateurs de politiques de
l‟époque, consistant à réduire les salaires pour relancer l‟emploi et prône une politique de
stimulation de l‟investissement comme meilleure solution pour sortir de la dépression.
Keynes, en tant que conseiller, préconise également d‟autres solutions, telles que le
protectionnisme modéré, mais elles sont des solutions de second choix. Sa préférence va à la
relance par l‟investissement car celui-ci exerce un effet cumulatif. Cette thèse est d‟autant
plus difficile à faire accepter que Keynes ne soit malheureusement pas encore capable de
démontrer complètement les effets sur l‟emploi d‟une politique de dépenses d‟investissement
public financées par l‟emprunt. Ce n‟est d‟ailleurs pas Keynes, mais un de ses anciens élèves,
Richard Kahn, qui sera le premier à fournir une mesure claire de ce que l‟on appellera plus
tard le « multiplicateur keynésien » dans un article de l‟Economic Journal en 1931.

Keynes joue un rôle très actif dans l‟Economic Advisory Committee. Il initie et préside le
comité du diagnostic économique dont la principale tâche est de fournir une évaluation
précise de la situation économique et des préconisations de politiques économiques. Keynes
sait que le rapport final devra être consensuel malgré les divergences des membres du comité.
Keynes bien qu‟habitué à ce type d‟exercice, sous-estime la vive opposition de ses collègues à
ses thèses. Quatre questions l‟opposent fortement à ses collègues Robbins et Henderson à
propos des mesures de sortie de crise. Keynes est favorable à une politique tarifaire ; il est
défavorable à une politique de baisse des coûts, en particulier des salaires ; il recommande
une augmentation des dépenses publiques et non une diminution ; enfin, il préconise une
baisse des taux d‟intérêt qu‟il juge trop élevés. Le rapport publié le 24 octobre 1930 reflète
d‟importantes concessions de la part de Keynes.

43
Seul le volet des mesures tarifaires figure en bonne place. C‟est donc aussi du côté des
économistes les plus influents de Grande-Bretagne que Keynes a rencontré d‟importantes
difficultés de persuasion au début des années 1930.

Keynes n‟a pas non plus un accès aussi aisé à la presse que dans les années 1920. Ses
chroniques et articles sont plus difficilement publiés. Il ne peut plus s‟appuyer sur le New
Statesman comme caisse de résonance. Ses interventions les plus marquantes ne s‟inscrivent
plus seulement dans une démarche offensive ; elles relèvent davantage d‟une démarche
défensive consistant à contrer les idées du paradigme « classique » qui inspirent encore les
dirigeants britanniques. C‟est dans cette perspective que s‟inscrit par exemple le débat
contradictoire à propos des dépenses publiques dans les colonnes du Times, en octobre 1932,
opposant Keynes et Pigou, c‟est-à-dire une partie de Cambridge, à Robbins et Hayek, c‟est-à-
dire la London School of Economics. Les réseaux intellectuels de Keynes connaissent un sort
similaire. Les clubs et groupes de réflexion qu‟il anime où dont il est membre perdent aussi de
leur influence au profit des lobbies et cercles d‟influence conservatrice du milieu des affaires
qui ont pris une place croissante avec la montée de la crise. Les thèses « protectionnistes » de
Keynes ne trouvent pas non plus un écho très favorable. Il faut dire que Keynes a du mal à
apparaître convaincant dans la mesure où il a eu des positions changeantes sur le sujet au
cours de sa carrière, y compris dans les années 1930. Favorable au libre-échange dans sa
jeunesse, ce n‟est que très progressivement qu‟il a évolué vers la conception d‟un
protectionnisme « garde-fou du système économique ». Alors même qu‟il préconise certaines
protections pour enrayer le chômage en Grande-Bretagne, il défend une réduction des
barrières tarifaires au cours des discussions de la World Economic Conference de 1932-1933.

Londres n‟a pas eu l‟exclusivité de la rigueur économique. La plupart des gouvernements ont
maintenu des politiques d‟austérité face à la crise. L‟immobilisme et le conservatisme
économique étaient de mise au nom du maintien des grands équilibres : « Le rejet à la fois
d‟une politique fiscale (impôts et dépenses) et d‟une politique monétaire équivalait au refus
de toute politique économique constructive de la part du gouvernement. Les conseillers
économiques de l‟époque avaient à la fois l‟unanimité et l‟autorité pour forcer les chefs des
deux partis à désavouer toutes les mesures possibles pour arrêter la déflation et la crise. Dans
son genre, ce fut une réussite remarquable - le triomphe du dogme sur la pensée-. Les
conséquences en furent profondes.

44
Section 5 : Remèdes et politiques de relance
Avec la crise économique on assiste donc une explosion du nombre de chômeurs : de 1,5
million de chômeurs en 1929 (3% de la population active), on passe à 12 millions en 1932
(25% de la population active). Le chômage n'est alors pas indemnisé, et devient rapidement
synonyme d‟extrême pauvreté. On assiste ainsi au développement d'une misère sans
précédent. Les agriculteurs sont parmi les plus durement touchés : littéralement ruinés par
l'effondrement des cours agricoles, ils sont contraints de céder leur terre pour rien afin de
tenter de faire face à leurs charges d'endettement. Des bidonvilles apparaissent aux abords des
grandes villes américaines ; ils sont nommés par dérision « Hoovervilles » du nom du
président américain Hoover jugé responsable en partie de la situation. Pour comprendre les
premières réactions, il faut se replacer dans le contexte de l'époque. Pour la plupart des
hommes politiques, et ils suivent en cela les économistes libéraux, les crises sont des « purges
» qui doivent permettre au capitalisme de repartir, et une intervention marquée de l'État n'est
pas nécessaire, voire indésirable. Hoover est passé à la postérité comme le président qui a eu
une attitude attentiste, incarnant le slogan « la prospérité est au coin de la rue » (1930) : il est
convaincu que le rôle de l'État est limité et qu'il ne peut se substituer à l'initiative privée mais
seulement l'encourager. L‟ampleur de la crise déboussole les économistes libéraux, et une
intervention plus systématique de l'État pour faire repartir la machine apparaît nécessaire. Ces
interventions peuvent a posteriori être interprétées comme l'amorce de politiques
keynésiennes. Cependant, si à l'époque Keynes défend déjà les idées de relance par des
dépenses publiques, la théorie keynésienne n'est pas encore formulée (la Théorie générale
date de 1936). Les politiques de Hoover n'arrivant pas à venir à bout d'une crise qui s'aggrave,
les électeurs désignent en 1932 à la présidence un homme nouveau, le démocrate Franklin D.
Roosevelt. Il propose aux américains le « New deal ». Celui-ci repose sur les mesures prises
au printemps 1933. En cent jours, quinze lois sont votées qui réorganisent le secteur bancaire,
agricole et industriel. Dans le secteur bancaire, il s'agit surtout d‟acter la stricte séparation
entre les activités de banques de dépôts et de banques d'affaires. Dans le domaine agricole
c'est le vote de l‟Agricultural Adjustment Act qui avait pour but de restreindre la production
agricole pour lutter contre la chute des cours : les agriculteurs qui baissaient leur production
recevaient en contrepartie des aides de l'État.

Dans le domaine industriel, le vote du NIRA (National Industrial Recovery Act) a pour but de
favoriser la relance en donnant de nouvelles bases à la concurrence. Ce texte prévoyait que les
différentes industries établiraient des codes de concurrence loyale dans lesquels elles
pourraient fixer des prix minimums et des quantités de production, les ouvriers bénéficiant de

45
salaires minimums, la durée du travail étant limitée et le travail des enfants étant interdit. Face
au chômage de masse, des mesures d'aide aux chômeurs sont prises, mais on assiste surtout au
début de la politique de grands travaux avec la création de la Civil Work Administration
(CWA) chargée de faire des travaux en embauchant des chômeurs. Le second New Deal qui
se met en place à partir du printemps 1935 traduit l'émergence de nouveaux axes qui sont le
développement des grands travaux et l'utilisation systématique du déficit budgétaire, l'ébauche
de l'État-providence, mais aussi la confirmation du rôle reconnu aux syndicats et à la
négociation collective. De plus, le Social Security Act du 15 août 1935 crée un système de
sécurité sociale aux États-Unis, ce système est (et restera) beaucoup plus embryonnaire que
dans les pays d'Europe puisqu'il ne couvre que la vieillesse et le chômage et exclut certaines
catégories (domestiques, salariés agricoles). Le bilan du New Deal en 1939 apparaît mitigé ; il
est vrai que de 1932 à 1939 la reprise est indéniable : le revenu national a plus que doublé,
l'indice de la production a presque doublé et de nombreux travaux ont notablement amélioré
l'infrastructure du pays. Mais si on compare à 1929, le PNB est à peine supérieur, et le
chômage reste élevé.

Figure 7. Plan de lutte contre la Grande Dépression.

En France, on assiste à l‟expérience inédite du Front populaire. La victoire du Front populaire


en 1936 s‟explique à la fois par un rejet de la menace fasciste en France et par l‟aspiration de
la population à des réponses sociales à la crise. Le programme du Front populaire, appliqué
par le gouvernement de Léon Blum à partir de juin 1936, était fondé sur l'idée qu'il fallait
relancer l'activité économique en privilégiant la relance de la consommation par une hausse
du pouvoir d'achat, en particulier grâce aux 40 heures qui en s'accompagnant d'un maintien du
salaire devaient se traduire par des embauches et une hausse du pouvoir d'achat global des
salariés.

46
Les mouvements de grève de juin 1936 aboutissent : En Juin 1936, les accords Matignon- aux
accords de Matignon qui se traduisent par des hausses de salaire de 7 à 15%, mais surtout par
la reconnaissance par le patronat du fait syndical et du droit à la négociation collective
(création des délégués du personnel pour les entreprises de plus de 10 salariés).

Au vote par le Parlement d'une série de lois sociales, présentées par le président du Conseil et
qui vont plus loin que le programme de départ : lois sur les conventions collectives, les
congés payés (15 jours/an), la semaine de 40 heures (au lieu de 48). En outre, l‟intervention
de l‟État se solde par des nationalisations (naissance de la SNCGF en 1937), et un programme
(timide) de grands travaux est prévu dans le budget de 1937. Ces mesures ont donné des
résultats économiques mitigés (pas de reprise économique). La diminution du chômage qui se
produit est réelle mais lente. Si le bilan économique apparaît décevant, le bilan social est plus
convaincant ; en effet, les réformes sociales initiées seront complétées en 1945 et cette
nouvelle donne jouera un rôle clé dans refondation républicaine et la croissance de l'après-
guerre.

En Allemagne, on assiste à une montée des politiques d‟indépendance dans les régimes
autoritaires. Le patronat cherche à répondre à la crise en réclamant un gouvernement dirigé
par un “homme fort”. Des hommes d‟affaires comme Thyssen soutiennent le Parti national-
socialiste ouvrier allemand (NSDAP), qui obtient 33% des voix aux élections législatives de
1932, et son chef, Hitler, qui devient chancelier le 30 janvier 1933. Une politique
protectionniste et d‟autarcie est alors mise en place. Dans d‟autres régions du monde, comme
en Amérique latine, les réponses à la crise, bien que diverses, passent souvent par un
renforcement du rôle de l‟État en matière économique et sociale, mené par des leaders
populistes. Face à la dégradation des termes de l‟échange, certains pays, pour sortir de la crise
et diminuer leur dépendance vis à vis de l‟extérieur, développent une politique
d‟industrialisation par substitution aux importations. Il s‟agit de produire localement des biens
traditionnellement importés des pays développés. Ce processus est rendu possible grâce à
l‟épargne interne générée par le secteur exportateur de matières premières : si, les pays
deviennent autonomes pour répondre à la demande intérieure sans dépendre de l‟extérieur.

47
Figure 8. Réponses des Etats à la crise économique

Conclusion :

La crise de 1929 s‟est avérée extrêmement originale et inhabituelle car, contrairement à ces
fameuses crises « cycliques », la crise de 1929 a touché tous les secteurs de production, et
plus particulièrement les secteurs primordiaux (agriculture, automobile, électricité,
bâtiment…) qui ne sont en aucun cas des industries malsaines.

De plus, la crise n‟a pas seulement touché les Etats-Unis. Du fait de l‟omniprésence des Etats-
Unis sur le marché mondial, la crise s‟est étendue au monde entier, paralysant tous les pays
telle une épidémie.

Que ce soit aux Etats-Unis, en Amérique du Sud ou en Europe, la crise de 1929 a influencé
tous les secteurs, tous les milieux par ricochet : de crise boursière, elle s‟est transformée en
crise bancaire, puis crise agricole et crise industrielle, mais aussi en crise sociale extrême.

La crise des années trente constitue donc bel et bien une crise inhabituelle et originale par
l‟ampleur de ses conséquences qui était inattendue.

La crise marque aussi une rupture soudaine, car elle intervient après une période de progrès de
grande ampleur et de prospérité. C‟est aussi une crise de rupture par le fait qu‟elle a remis en
cause tous les idéaux monétaires et économiques des décennies précédentes.

48
En effet, c‟est la plus grave crise que les grands pays capitalistes (en particulier donc les
Etats-Unis et le Royaume-Uni) aient connue, et c‟est la première fois depuis la révolution
industrielle que le système capitaliste est profondément remis en cause.

Système économique et social dominant à la fin du 19ème siècle, le capitalisme s‟appuyait sur
sa prodigieuse capacité à créer de nouvelles richesses et à améliorer les conditions de vie,
ainsi que sur le contrôle des moyens de production et d‟échange par les entreprises.

Ce système fut un des facteurs conjoncturels et structurels de l‟extension de la crise, et il fut


incapable de retrouver l‟équilibre suite à la de 1929, à tel point que le système monétaire
international basé sur l‟étalon-or s‟effondra. Le système capitaliste fut d‟autant plus remis en
cause que le système communiste, né en 1917, s‟était parfaitement développé en échappant à
la crise mondiale.

Cependant, contrairement aux idées de Marx qui avait prédit la destruction du système
capitaliste, les économies capitalistes ne s‟effondrèrent pas. Au contraire, face au défi de la
crise, les pays capitalistes ont démontré de remarquables facultés de survie et d‟adaptation.

Les gouvernements démocratiques commencèrent à intervenir directement dans l‟économie


afin de corriger les dysfonctionnements du capitalisme. Aux États-Unis, par exemple, le New
Deal du président Roosevelt permit de restructurer le système financier afin d‟éviter le
renouvellement des excès spéculatifs qui avaient conduit à la de Wall Street en 1929.

Les bases de l‟État-providence furent posées avec l‟introduction de la Sécurité sociale et de


l‟assurance-chômage, mesures destinées à protéger les citoyens des risques économiques
existant dans un système capitaliste.

On entra ainsi dans un capitalisme moderne, qui n‟était plus conçu comme une force
autonome mais comme un ensemble de conditions de marché structurées par la force publique
et encadrées par des institutions et des organisations syndicales.

49
Chapitre 3 : La crise financière mondiale de 2007-2008
En 2007, le monde bascula dans le cauchemar. Une grave crise financière mondiale fit
irruption suscitant la tourmente et surtout le désarroi des gouvernants de tous les pays. Il
s‟agit de la crise financière des subprimes, qui s‟est amorcée à l‟été 2007 aux États-Unis. Elle
a débouché au second semestre 2008 sur une récession quasi généralisée dans le monde, avec
des chutes d‟activité notables au quatrième trimestre 2008 et au premier trimestre 2009. Cette
chute de grande ampleur, exceptionnellement synchronisée au regard des crises passées, n‟a
épargné aucun grand pays industrialisé. Elle touche en pratique l‟essentiel du système
bancaire et financier, et pas seulement les crédits hypothécaires accordés aux ménages
américains risqués (les fameux subprimes). Elle soulève de redoutables interrogations sur les
avantages et les inconvénients des procédures de titrisation, sur le rôle des innovations
financières dans le transfert des risques et donc leur traçabilité, sur le contrôle interne des
risques et l‟organisation même des systèmes de contrôle prudentiel et de supervision bancaire,
sur le dispositif général de régulation bancaire et financière.

Figure 9. Taux de croissance du PIB dans les principales économies développées (%)

50
Section 1 : Situation de prélude
En avril 2007, le FMI estimait: « En dépit de la volatilité récente sur les marchés financiers, la
croissance mondiale devrait rester rigoureuse en 2007 et en 2008 (...) globalement, les
perspectives semblent moins menacées qu'il y a six mois, mais elles ont encore plus de chance
d'être révisées à la baisse qu'à la hausse, les risques financiers étant de plus en plus
préoccupants. Les sources d'inquiétude sont un ralentissement plus brutal aux Etats-Unis si le
secteur du logement continue de se détériorer; un abandon des actifs à risque si la volatilité
sur les marchés financiers, aujourd'hui faible par rapport au passé, augmente; un regain de
tensions inflationnistes alors que les écarts de production continuent de diminuer, surtout en
cas de nouvelle montée des cours du pétrole, et le risque peu probable mais très coûteux d'une
résorption désordonnée des déséquilibres élevés de l'économie mondiale »11. C'est un constat
un peu mitigé. Le FMI ne semble pas maîtriser toutes les données mais dans le même temps,
il appréhende. En effet, il n'ignore pas que l'opacité des marchés bancaires et financiers couve
une crise majeure qu'il n'a pas vu venir. Quelques mois seulement après ce constat, la crise
des subprimes surgit comme un « tsunami » dans une mer calme.

La crise s'est manifestée brutalement par des paramètres qui ont été les traits marquants du
contexte dans lequel elle a émergé :

1) L'envolée du prix du baril : Depuis 2004, le prix du baril se caractérise par une
progression régulière. Il n'a jamais connu une telle tendance même dans les périodes les plus
fastes. L'OPEP n'avait pas à prendre des mesures spectaculaires de baisse de la production
pour maintenir le prix du baril à des niveaux élevés. Ses réunions étaient devenues
routinières: faire le bilan du marché mondial et relever ses tendances futures pour réagir à
toute mauvaise surprise. L'offre de pétrole répondait parfaitement à la demande. Les pays
émergents sont devenus de gros consommateurs d'énergie pour soutenir leur croissance. Il n'y
avait donc aucun signe inquiétant pour l'OPEP qui pouvait ainsi espérer des revenus en
constante augmentation.

Brusquement, dès le début de l'année 2007, le prix du baril s'emballa et plus aucun
observateur averti ne pouvait prédire ce que l'avenir pouvait réserver. Des « pics » furent
atteints; cette progression par paliers ne s'expliquait pas de manière rationnelle. Cependant,
tout le monde commençait à prédire que vers la fin de l'année, le prix du baril atteindrait 100
dollars, un record historique. Ces effets d'annonce ont créé des ondes de choc sur les marchés.

11
Rapport du Conseil d'Analyse Economique - p 11.

51
Les marchés bancaires et financiers angoissaient déjà à l'idée de la formidable accumulation
d'excédents par les pays producteurs, d'une part et de l'évolution frénétique du marché
pétrolier, d'autre part. Euphorie et optimisme pour les uns, les pays producteurs, angoisse et
pessimisme pour les autres, en l'occurrence les pays développés. Pour une fois, le monde
renoua avec le climat délétère de la crise de l'énergie des années 73/74. C'est l'incertitude la
plus totale. L'OPEP était bien heureuse que le prix du baril crevait le plafond puisqu'il
atteignit et dépassa le seuil fatidique de 100 dollars avant l'heure. Elle savait que la
spéculation était l'une des causes de cette flambée mais, n'ayant pas les moyens de la
maîtriser, elle laissa faire. Après tout, cette spéculation provenait des pays consommateurs.
Donc, les pays pétroliers avaient la conscience tranquille, leur offre correspondait à la
demande exprimée.

Par contre, les pays consommateurs, principalement les Etats-Unis et l'Union européenne,
démontraient leur impuissance à agir sur l'ascension du prix du baril. Curieusement, ils ne la
rendaient pas directement coupable de leur situation économique qui n'était guère brillante
depuis des années. Ils ne pouvaient donc plus évoquer l'argument fallacieux utilisé en
1973/74, à savoir que le prix du baril était responsable de la crise économique qu'ils avaient
subie après sa valorisation. Au contraire, ils justifiaient cette hausse par l'arrivée sur le marché
de pays « voraces », les pays émergents, en particulier la Chine et l'Inde, dont les besoins en
énergie sont croissants. Le spectre d'un baril à 200 dollars vers la fin 2008, fait son apparition.
Dans la foulée, c'est aussi la perspective d'un épuisement rapide des réserves mondiales qui
est évoquée avec persistance faisant penser au débat des années 60 sur la croissance zéro.

En outre, il faut observer que cette envolée des prix constatée en 2007 et en 2008 (durant les
trois premiers trimestres), c'est-à-dire au moment de l'apparition de la crise des subprimes,
gênait surtout les pays occidentaux dont les économies étaient sérieusement menacées par les
pays émergents. Par conséquent, le prix du baril n'était qu'un subterfuge pour masquer des
enjeux stratégiques à l'échelle mondiale. Car la hausse du prix du baril était beaucoup plus
une menace pour la compétitivité des pays occidentaux que pour les pays émergents. La
Chine, l'Inde, le Brésil et d'autres pays devenaient de redoutables concurrents mais ils avaient
un dénominateur commun: ils ne produisent pas suffisamment d'hydrocarbures pour satisfaire
leurs besoins. Cependant, cette donnée n'était pas un handicap majeur car elle était compensée
par un taux de croissance très élevé comparativement à la mollesse de celle des pays
occidentaux développés. En un mot, ces pays émergents pouvaient se permettre un baril de
pétrole même à 200 dollars, ce qui était quasiment impossible pour ces derniers.

52
Figure 10. Les grands mouvements du prix du pétrole brut depuis 30 ans

2) Le ralentissement des économies occidentales : Dans son essai « Une brève histoire de
l'avenir », Jacques Attali, un observateur lucide et pertinent, met en exergue le recul
économique de l'Occident, en général: « les rapports de force se modifient en valeur relative.
Les Etats-Unis stagnent, l'Europe décline, l'Asie remonte. La croissance annuelle dépasse en
2007 les 7,6 % en Asie, un peu moins aux Etats-Unis et beaucoup moins en Europe. De 1980
à 2006, le PIB de l'Asie est multiplié par 4, celui de la Chine par 3, celui de l'Inde par 3, celui
de l'Europe par 2. Entre 1980 et 2006, la part des Etats-Unis dans le PIB mondial reste égale à
21 %, celle de l'Union européenne décroît de 28 % à 20 %, celle de l'Asie de l'Est (Chine,
Japon, Corée, Taïwan, Singapour, Hong Kong, Malaisie, Thaïlande, Philippines, Indonésie)
augmente de 16 % à 28 % ».

Concernant plus particulièrement le Vieux Continent, il ajoute: « L‟Europe, pourtant


économiquement rassemblée, perd du terrain; sa compétitivité baisse; son dynamisme se
ralentit, sa population vieillit. Même si l'Union européenne réussit, en 1992, à se doter d'une
monnaie unique, elle ne devient pas une démocratie de marché intégrée; elle ne progresse plus
au rythme du reste du monde; le PIB par habitant y est en 2006 de 25 % inférieur à celui des
Etats-Unis; la recherche y est beaucoup plus faible; les meilleurs éléments de la classe
créative quittent l'Europe pour le Nouveau Monde; une part importante de l'industrie du Vieux
Continent se déplace vers l'Asie sans être remplacée par des industries nouvelles».

53
Ces passages démontrent clairement le recul de l'Occident et la montée en puissance de l'Asie.
C'est dans ce contexte qu'éclata la crise financière mondiale de 2007. La récession
économique mondiale qui émergea dans son sillage a freiné la croissance des pays
développés, en l'occurrence les Etats-Unis et l'Union européenne, et « cassé » celle des pays
asiatiques. Les « dégâts » ne sont pas proportionnels et de même degré.

En 2006 déjà, certains analystes pronostiquaient une croissance molle dans les pays
développés occidentaux en 2007 et même en 2008. La seule zone qui était gratifiée d'un taux
élevé concernait l'Asie, en général, et la Chine en particulier. Les Etats-Unis, mais aussi une
grande partie des pays de l'Union européenne, la France en particulier, présentaient déjà un
essoufflement économique. Les institutions de Bretton Woods pressentaient un recul de la
croissance pour les mois à venir. Et tout le long des années 2007 et 2008, les prévisions de
croissance étaient périodiquement revues à la baisse. Non seulement la croissance était faible
mais, de plus, il était quasi impossible de maîtriser son taux de progression. Aucun pays
développé n'a échappé à ces révisions périodiques.

Chaque fois, le taux était « grignoté » pour mieux refléter la situation réelle de l'économie.
Donc, tout au long des années 2007 et 2008, les pays revoyaient périodiquement à la baisse
leur taux de croissance. Le FMI est allé jusqu'à prédire un net ralentissement de la croissance
de l'économie mondiale en 2008. Pour l'institution de Bretton Woods, les zones les plus
touchées par ce ralentissement seront l'Amérique et l'Union européenne. Les autres régions du
monde auront une croissance soutenue, notamment les pays de l'OPEP et l'Amérique latine.
Quant à l'Asie, la locomotive « Chine » poursuivra sa trajectoire, à l'exception du Japon qui
n'a pas fini de payer les conséquences de la crise financière de 1997, entraînant dans son
sillage les pays de son aire d'influence.

Quant aux risques financiers, ils pouvaient venir d'une remontée de la volatilité,
historiquement basse à l'époque, mais sans qu'il soit possible d'en préciser l'origine. Ceci
expliquait le sentiment des marchés financiers d'alors: ils étaient à la fois plus sûrs d'une
croissance plus forte à venir, mais avec l'idée (en apparence contradictoire) qu'un changement
de trajectoire serait plutôt négatif quand il se manifesterait. L'histoire devait en décider
autrement, puisque le retournement de la conjoncture financière et bancaire a été plus brutal et
plus général que prévu... La crise financière est due à proportion de la situation de fragilité
qu'avait développée l'économie mondiale. Une fragilité masquée par ses succès: la
libéralisation globale des marchés financiers, l'intégration des économies, l'action victorieuse
des banquiers centraux dans leur lutte contre l'inflation ».

54
Figure 11. Croissance du PIB en% aux Etats-Unis et en Union Européenne (2005-2015)

Source : OCDE

3) L'expansion des pays émergents : La Chine et les autres pays émergents ont connu des
prouesses économiques remarquables. De plus, après les crises asiatiques et latino-
américaines du milieu des années 90, leur croissance est devenue plus forte et sur une longue
période. A côté, les Etats-Unis et l'Union européenne affichaient des taux de croissance de
leurs économies nettement en deçà de ces nouveaux concurrents.

Dans un passé pas si éloigné, l'Occident suivait avec admiration mais aussi appréhension la
spectaculaire percée du Japon. Bien qu'allié, il suscitait néanmoins quelques « jalousies » sur
ses performances économiques, technologiques et scientifiques. Après tout, c'est la deuxième
puissance économique mondiale et, de plus, elle est asiatique. Des dragons asiatiques ont
commencé à peser dans l'économie mondiale dès le début des années 70. En Amérique latine,
seuls le Brésil et le Mexique pesaient sur la balance de l'économie mondiale.

Puis, subitement, tous ces pays, y compris le Japon, ont perdu les « têtes d'affiche » au profit
d'un seul pays: La Chine. Dès le début du 21ème siècle, il n'est plus question de tous ces pays
émergents, mais seulement de la Chine. Car la Chine est le seul pays qui peut se mesurer aux
autres géants, les Etats-Unis, l'Union européenne et le Japon.

55
Elle talonne déjà son rival asiatique pour la deuxième place économique dans le monde. Erik
Izraelwicz, dans son remarquable ouvrage consacré à la Chine, restitue fidèlement les peurs
qu'elle suscite déjà en Occident: « Quoi qu'il en soit donc, la Chine est et va être, au cours des
vingt prochaines années au moins, le facteur principal de déstabilisation de l'économie
mondiale ».

Depuis quelques dizaines d'années, la Chine ne fait que parler d'elle. Les marchés financiers
sont à l'écoute du moindre bruissement de sa part car elle est devenue une superpuissance
financière et même le principal créancier des Etats-Unis. Ses produits inondent tous les pays
et pour certains c'est une source de problèmes économiques. Le cas du textile chinois l'atteste
amplement puisqu'il a entraîné des faillites en série de cette industrie aux Etats-Unis et en
Europe. Les délocalisations se font vers la Chine. Un exemple symptomatique: le fabricant
français de la prestigieuse marque Moulinex a préféré fermer ses usines installées en France
pour s'implanter dans l'Empire du Milieu. La Chine est devenue la troisième puissance
scientifique dans le monde, dépassant ainsi les pays européens. Plus que cela, elle impose à
Airbus, un transfert de technologie pour permettre à cette entreprise de pénétrer le marché
chinois. Marché énorme puisqu'il porte sur l'achat de centaines d'appareils. La Chine est
devenue, en un laps de temps, une puissance spatiale, la troisième dans le monde. Elle
ambitionne même d'envoyer un vaisseau spatial habité vers la Lune. Sans oublier que c'est
une puissance nucléaire.

Mais la Chine, c'est aussi un poids de plus en plus lourd sur la scène internationale. Elle est
devenue dévoreuse de matières premières et d'énergie et a besoin des marchés étrangers pour
écouler ses produits. On la retrouve partout: en Afrique, en Amérique latine, en Asie mais
aussi en Amérique du Nord et en Europe. Elle s'installe là où ses intérêts l'exigent, n'hésitant
pas à bousculer des traditions et des influences ancrées depuis des siècles. En Afrique, par
exemple, elle est en compétition avec les puissances européennes, en général et les Etats-
Unis, en particulier. Dans le Golfe de Guinée, zone prometteuse en hydrocarbures et chasse
gardée de l'Occident, elle est présente, jouant ainsi les « trouble-fête ». Sa présence au
Soudan, par exemple, gêne les intérêts occidentaux.

Les autres pays émergents, le Brésil et le Mexique entre autres, ne présentent pas autant
d'inquiétudes pour l'Occident que les puissances asiatiques. Celles-ci peuvent remettre en
cause le pouvoir mondial détenu par l'Occident, d'une part et permettre l'émergence d'une
nouvelle aire civilisationnelle rivale, d'autre part.

56
La crise financière mondiale de 2007 a donc fait irruption dans un contexte caractérisé par
l'ascension des pays émergents. Leur dynamisme contrastait avec la léthargie des pays
développés. Les pays émergents les plus en vue, la Chine, l'Inde, la Corée du Sud, le Brésil et
bien d'autres de moindre importance, ont subi de plein fouet la crise des subprimes. La crise a
déjà fait perdre à la Russie plus de 200 milliards de dollars.

Figure 12. Croissance du PIB en Chine (2005-2015)

Source : OCDE

Section 2 : Déroulement de la crise


L'effet de l'innovation financière ainsi que la mondialisation s'est retourné sur le système
financier international. La déréglementation des marchés financiers a stimulé différents
établissements financiers à créer des nouveaux produits et d'exercer tous les métiers de la
finance, ce qui a provoqué des problèmes récents à l'échelle mondiale pouvant même conduire
à l'apparition des crises. Tel que le cas de la crise « subprimes ». On est en effet passé d‟un
problème de marché (les subprimes et leur diffusion via les produits structurés) à une crise
financière (le marché des refinancements à court terme) puis à une crise bancaire, laquelle a
eu, à son tour, des répercussions macroéconomiques en se propageant aux différents marchés
mondiaux et à l‟économie réelle.

Dans cette section, nous présenterons, les instruments inhérents à la naissance de cette crise
notamment les crédits immobiliers hypothécaires à risque élevé. La crise des subprimes a
débuté avec les difficultés rencontrées par les ménages américains à faible revenu pour
rembourser les crédits qui leur avaient été consentis pour l'achat de leur logement.

57
1) Les crédits immobiliers hypothécaires à risque élevés ; les « subprimes » :

Les subprimes sont des prêts immobiliers, à taux variables et intérêts élevés, accordés aux
Etats-Unis à des ménages aux revenus modestes. Dans le cas où ces ménages n‟auraient plus
les moyens de rembourser leurs crédits, la maison achetée avec serait saisie par la banque.

Ces crédits sont donc en théorie sûr pour les banques, tant que les prix de l‟immobilier sont en
augmentation régulière, malgré le risque de solvabilité des emprunteurs. Ce type de crédit a
eu un tel succès qu‟il représentait 24% des nouveaux crédits immobilier octroyés en 2006.
C‟est pourquoi le taux d‟endettement des ménages américains était devenu largement
supérieur à celui des ménages européens.

La majorité des crédits hypothécaires était exploitée dans le secteur immobilier qui avait des
parts de marché en progression positive, ainsi des crédits important ont été accordés à des
ménages insolvables.

Pour ce faire, on leur a proposé des facilités avec des intérêts fixes pour les deux premières
années, et variables pour le reste de la durée de crédit, et parce que les intérêts au début
étaient très bas, cela a poussé les ménages à s‟endetter pour réaliser leurs rêves « avoir une
maison », mais le vrai scénario imaginé par les banques était le suivant : Peu importe que ces
ménages arrivent à peine à payer une partie de leurs dettes; de toute les façons ces crédits,
une fois déversés sur le marché, vont faire flamber les prix et la procédure de saisie permettra
à ces banques de réaliser des plus-values qui leur permettent de compenser largement, ainsi le
manque à gagner, effectivement le scénario a bien fonctionner au début, les prix de
l‟immobilier ont augmenté, avec cette augmentation des prix, la FED a fait augmenter les taux
directeurs au début de l‟année 2006, pour qu‟ils arrivent à une valeur de 5,25%, cette
procédure avait pour objectif de stabiliser les prix et aborder l‟inflation et naturellement les
banques commerciales répercutent, à leur tour ,cette augmentation sur les taux d‟intérêt
accordés aux consommateurs (ménages), qui a fait que les ménages américains les plus
fragiles n‟étaient plus en mesure d‟assurer la charge de leurs dettes, ainsi un nombre croissant
d‟entre eux choisit de se défaire de leur « toit ».

58
2) Surendettement des ménages au profit de la croissance :

L‟endettement des ménages américains a pu s‟appuyer sur les taux d‟intérêt extrêmement bas
pratiqués pendant des années par la Banque centrale des Etats-Unis (La « FED ») à partir de
2001 après la crise boursière sur les valeurs « Internet ».

Il s‟agit de la bulle Internet, c‟est- à- dire une bulle spéculative réalisée sur les marchés
financiers qui ont surévalué les actions des produits liés aux nouvelles technologies
(télécommunications, l‟informatique).

La crise est, d'une manière plus générale encore, la conséquence des excès observés sur le
marché du crédit aux Etats-Unis. Dans les années 1990, la politique monétaire menée par le
président de la Réserve fédérale américaine (Fed), Alan Greenspan, était très souple (des taux
d'intérêt très bas), ce qui a rendu le crédit très peu cher. Cela avait conduit à la formation
d'une bulle spéculative à la Bourse de New York, notamment sur les valeurs Internet. Celle-ci
avait fini par éclater au printemps de l'année 2000.

Après ce krach, la politique monétaire de la Fed a de nouveau été assouplie pour permettre à
l'économie américaine de se relever. Après les attentats du 11 septembre 2001, les taux
d'intérêt ont même été abaissés à 1 %. Cette réduction du coût de l'argent a certes permis de
stimuler la consommation des ménages américains, leurs achats de logements et les
investissements des entreprises.

Mais elle a aussi permis aux financiers de multiplier les mécanismes d'emprunts de plus en
plus sophistiqués et de plus en plus audacieux. Selon l‟économiste Joseph Stiglitz. :"Les
crédits ont agi comme des stéroïdes pour doper la croissance américaine. Mais il y a eu
overdose. L'Amérique est aujourd'hui en cure de désintoxication". En plus de prêter à un taux
bas, les crédits étaient rechargeables, c‟est-à-dire que régulièrement, on prenait en compte la
hausse de la valeur du bien, et on autorisait l‟emprunteur à se ré endetter du montant de la
progression de la valeur de son patrimoine, cela a soutenu la forte croissance des Etats-Unis,
mais a fortement endetté les ménages moyens.

59
3) La baisse du marché immobilier américain :

Les bénéficiaires des Subprimes souhaitant vendre leur bien immobilier au bout de deux ans
se sont confrontés en 2007 à la baisse du marché immobilier américain. La valeur du bien
immobilier a diminué depuis son achat : la vente ne permet plus de rembourser le crédit
subprime. L‟emprunteur du crédit subprime se déclare en faillite personnelle, la banque
récupère la maison et la met en vente. Elle sera vendue avec une perte importante pouvant
aller à plus de 20%. En été 2007, près de 1,5 millions de procédures de déclaration de faillite
personnelle étaient en cours et d‟après le Sénat américain près de 2.5 millions de ménages
pourraient perdre leur logement.

Section 3 : Réverbérations de la crise


Le déclencheur de la crise se situe dans un sous-compartiment du marché immobilier
américain, les établissements spécialisés dans le crédit « subprime » ont été directement et
logiquement touchés. Mais c‟est la mutation opérée depuis une quinzaine d‟années avec ce
que l‟on appelle la titrisation; cette dernière permet de comprendre pourquoi et comment la
contagion s‟est opérée, elle a commencé sur le marché immobilier, pour ensuite affecter le
marché monétaire (avec une crainte d‟assèchement des liquidités), l‟industrie financière, et
voire même une propagation à l‟économie réelle.

1) Conséquences financières :

La liquidité a disparu de certains marchés (marché interbancaires, marchés des ABS, même
dans certains cas marché des « covered bonds » obligations sécurisées), alors que la liquidité
macroéconomique globale continuait à croître très rapidement.

Surviennent néanmoins des rafales de baisses de notes par les agences de rating qui
bouleversent, à la fois, les anticipations des opérateurs, déclenchent des protections
automatiques liées aux processus de titrisation et en font monter brutalement les taux. De fait,
elles portent un coup sévère au processus en révélant brutalement le prix du risque.

Les market triggers conduisent alors à une activation des lignes de crédit contingentes des
banques (back up lines), tandis que les opérateurs ne désirent plus financer les systèmes de
titrisation. Ils ne renouvellent plus leur papier commercial et veulent moins encore participer à
de nouvelles opérations, même si les taux d‟intérêt offerts montent.

Les banques sont alors touchées directement aux États-Unis, car exposées au secteur du
logement (Countrywide Financial Corp), mais aussi indirectement parce qu‟elles avaient

60
acquis ces produits financiers dans le cadre de la diversification de leurs placements et de la
recherche de rendements élevés (banque allemande IKB, par exemple).

Une dynamique potentiellement très risquée se met ainsi en place, de plus en plus de
refinancements étant devenus obligatoires auprès des banques commerciales, les banques vont
se refinancer à la banque centrale car elles ne peuvent plus le faire entre elles, les actifs en jeu
voyant leur qualité baisser, en tout cas soumises à interrogation. Le marché des asset backed
commercial paper (ABCP) se tarit, le marché monétaire entre en crise.

Les hausses très fortes de l‟aversion pour le risque et l‟illiquidité conduisent à ce que la
demande chute très fortement pour un certain nombre d‟actifs (donc à ce que les marchés de
ces actifs deviennent très peu liquides) :

- Les prêts interbancaires au-delà du très court terme, d‟où la hausse très forte, malgré
les injections de liquidités des banques centrales, des écarts de taux d‟intérêt entre les
taux des prêts interbancaires, les taux des swaps ou les taux sur les billets des Trésors
(Figure 14 et 15).
- Les ABS de tous types, d‟où la hausse très forte de leurs spreads (Figure 16).
- Les covered bonds (obligations sécurisées garanties par des crédits hypothécaires ou
des créances sur les collectivités locales) dans le cas de l‟Espagne et du Royaume-Uni,
faiblement de la France. (Figure 17).

Figure 13. Etats-Unis, taux d’intérêt à 3 mois

61
Figure 14. Zone euro, taux d’intérêt à 3 mois.

Figure 15. Spreads ABS

62
Figure 16. Spreads contre swaps des covered bonds

2) Conséquences économiques :

Pendant que le « volcan » de la crise des subprimes commençait à gronder et que le prix du
baril caracolait nettement au-dessus des 100 dollars, puisqu'il a bien frôlé les 150 dollars
durant l'été 2008, le monde fut plongé dans un autre cauchemar: une crise alimentaire
mondiale surgit du néant. Les prix des produits alimentaires ont grimpé à la verticale. Les
causes invoquées par les pays producteurs qui ne sont autres que les pays occidentaux
développés, sont le prix élevé du pétrole qui renchérit les coûts de production, d'une part, et
les besoins croissants des pays émergents, d'autre part.

La Chine et l'Inde sont pointées du doigt. L'amélioration des conditions de vie dans ces pays
entraîne une meilleure alimentation, ce qui a pour effet de déséquilibrer l'offre et la demande.

Ces deux causes ont donc donné un véritable coup de fouet aux prix des produits alimentaires.
Du jour au lendemain, l'on désigne une trentaine de pays menacés par la famine. Il y a eu
même des émeutes de la faim dans plusieurs pays. L'augmentation vertigineuse des prix a
conduit des pays à ne plus importer des produits alimentaires. Les médias ont même montré
des personnes manger de la boue cuite en guise de pain et de gâteaux à Haïti. C'est un
moment extraordinaire. Voir ressurgir le spectre de la famine à l'échelle planétaire, en plein
21ème siècle, c'était tout simplement surréaliste. La psychose s'empara des peuples pauvres.

Les institutions internationales furent mises à contribution pour concevoir des plans de «
sauvetage ». Les institutions de Bretton Woods, la Banque africaine de développement et la
FAO, entre autres, ont été interpellées.

63
D'ailleurs, il y eut même une conférence internationale sous l'égide de la FAO réunissant les
chefs d'Etat des pays membres. Ce rassemblement mondial n'a abouti qu'à quelques
recommandations et dégagé une modique somme pour venir en aide aux pays les plus
touchés. Les pays développés ne se sont pas trop engagés, arguant de sérieuses difficultés
économiques et financières. En fait, la flambée des prix leur a permis d'engranger des rentrées
substantielles pour compenser les sorties du fait de la hausse du prix du baril. Cependant, le
plus intéressant, c'est que, quelques mois après, ils ont pu dégager des sommes considérables
pour éviter l'effondrement du système bancaire international, d'une part, et pour financer leurs
plans de relance, d'autre part. Ce sont quelques 4000 milliards de dollars qui ont pu ainsi être
dégagés pour effacer la crise des subprimes et lutter contre la récession économique.

Cependant, ce qu'il faut déplorer, c'est que beaucoup de pays, parmi lesquels les Etats-Unis, le
Brésil et la France, en particulier détournent une partie de leur production alimentaire à
d'autres fins. Ainsi, les Etats-Unis consacrent 25 % de la production de maïs à la fabrication
de carburant pour automobile. Il n'est donc pas étonnant que le prix du maïs flambe. Ajoutons
à cela toutes les multinationales occidentales qui activent dans l'agro-alimentaire, en
particulier dans la production de semences qui sont vendues aux autres pays à des prix
faramineux. Quelques mois après l'autre « tsunami » de la crise alimentaire mondiale et de la
flambée des prix, l'on assiste au reflux avec la disparition du spectre de la famine et surtout
une baisse généralisée et des produits alimentaires et des matières premières. La crise des
subprimes a tout effacé par enchantement.

Maintenant, c'est au tour des pays producteurs de matières premières qui vont subir une baisse
de leurs revenus, à cause de la chute des prix. Certes, les pays importateurs de produits
alimentaires profitent de la baisse des prix. Cependant, il est tout de même étonnant que l'on
passe, en l'espace de quelques mois seulement, d'une position à une autre diamétralement
opposée.

Au mois de novembre 2008, l'évolution du prix du baril et d'autres matières premières a


évolué de manière inquiétante.

« Sur le New York Mercantile Exchange (Nymex), le baril de pétrole le « light sweet crude »
(livraison en janvier) a fini à 49,93 dollars, contre 57,04 dollars le 21.11.2008, soit un recul de
7,11 dollars. Dans le même temps, les cours du Brent échangé à Londres ont atteint les 47,40
dollars avant de terminer à 49,19 dollars, contre 57,35 dollars une semaine plus tôt, en baisse
de 8,16 dollars.

64
La tendance a été la même pour les matières premières alimentaires dont le café et le sucre,
suite à la déprime des Bourses et des autres matières premières, à l'exception du cacao,
soutenu par les craintes sur la production ivoirienne. Sur le Liffe, la tonne de cacao (livraison
en mars) valait 1.509 livres sterling le 21.11.2008 contre 1.357 livres la semaine précédente
pour le contrat de décembre (+52 livres). Sur le NYBoT, le contrat (livraison en mars) valait
2.050 dollars la tonne contre 1.945 dollars pour l'échéance de mars le 21.11.2008 (- 105
dollars). Sur le Liffe, le café robusta (livraison en janvier) valait 1.805 dollars contre 1.817
dollars la tonne une semaine plus tôt (- 12 dollars).

Sur le NYBoT américain, l'arabica (livraison en mars) valait 111,25 cents la livre, contre
115,05 cents pour l'échéance de décembre, le 21.11.2008 (- 3,8 cents). Sur le Liffe de
Londres, la tonne de sucre blanc (livraison en mars) valait 320,50 livres, le 21.11.2008 contre
321,40 livres pour l'échéance de décembre sept jours plus tôt (-0,9 livre). Sur le NYBoT
américain, la livre de sucre brut (livraison en mars) valait 11,36 cents, contre 11,51 cents le
21.11.2008 (-0,15 cents). Les prix du blé, du maïs et du soja ont également reculé cette
semaine sur le marché à terme de Chicago, proches de leurs plus bas niveaux depuis plus d'un
an. Le contrat de maïs (livraison en mars) a fini à 3,5425 dollars le boisseau (environ 25 kg)
contre 3,97 dollars sept jours plus tôt, soit une baisse de 10,8 % sur la semaine. Le contrat de
blé à échéance mars a terminé à 5,18 dollars, contre 5,7450 dollars le boisseau le 21.11.2008,
soit une baisse hebdomadaire de 9,8 %. Le contrat de graines de soja (livraison en janvier) a
reculé à 8,40 dollars le boisseau, contre 8,96 dollars le 21.11.2008, soit un repli de 6,25 %.

Pour les métaux précieux, seul l'or a légèrement progressé cette semaine, contrairement aux
prix du platine et du palladium, frappés par les inquiétudes sur l'avenir du secteur automobile
aux Etats-Unis et en Europe. Sur le London Bullion Market, l'once d'or valait 774,50 dollars
le 21.11.2008 (+27 dollars). L'once d'argent valait 9,17 dollars le 21.11.2008, contre 9,33
dollars une semaine plus tôt (-6 cents).

Sur le London Platinum and Palladium Market, l'once de platine a fini à 812 dollars contre
845 dollars le 21.11.2008 (-33 dollars). L'once de palladium a terminé à 183 dollars contre
216 dollars le 21.11.2008 (- 33 dollars).

Les métaux de base ont été victimes cette semaine encore des craintes sur la demande,
alimentées par les graves difficultés du secteur automobile, le cuivre et l'aluminium, les deux
poids lourds du marché, tombant à des plus bas prix depuis trois ans et demi.

65
A Londres, une tonne de cuivre (livraison février) coûtait 3.574 dollars la tonne le
21.11.2008, contre 3.815 dollars une semaine plus tôt (- 241 dollars), le plomb 1.217 dollars
contre 1.375 dollars la tonne (- 158 dollars), l'aluminium 1.803 dollars la tonne contre 1.922
dollars (- 119 dollars), le nicke110.300 dollars contre 11.274 dollars la tonne (- 974 dollars),
l'étain 11.700 dollars contre 14.020 dollars la tonne (- 2320 dollars) et le zinc 1.200 dollars
contre 1.185 dollars la tonne le 21.11.2008 (- 15 dollars). »12

La soudaineté avec laquelle la crise alimentaire est apparue et a disparu laisse perplexe. Elle a
laissé place à la récession économique qui préoccupe toute la planète. Le spectre de la famine
a disparu et surtout l'on découvre que la terre est en mesure de nourrir tous ses enfants.

Compte tenu de ces éléments, la transmission de la crise à l‟économie réelle est passée par
quatre canaux principaux :

1) L‟accès au crédit est devenu plus difficile et coûteux : les prêteurs, confrontés à un risque
de défaut accru, ont fait payer plus cher les emprunteurs et durci leurs conditions d‟octroi
(augmentation des exigences de garanties, etc.). En France, 30 % des banques déclaraient
ainsi avoir durci les conditions d‟accès au crédit au deuxième trimestre 2008, puis à nouveau
au troisième. Ce durcissement a été plus marqué encore dans d‟autres pays tels que l‟Espagne
ou l‟Italie13.

2) La crise financière a entraîné également une crise de confiance généralisée. Les prêts entre
banques se sont taris. Les ménages, par crainte du chômage, ont accru leur épargne de
précaution14.

Les entreprises ont restreint leurs investissements, par anticipation d‟une baisse des
débouchés et de restrictions supplémentaires de crédit. La diminution de la demande s‟est
ainsi auto-entretenue.

3) La forte contraction du patrimoine financier et immobilier a incité les ménages à


restreindre leurs dépenses, selon un mécanisme « d‟effet de richesse » négatif. La
dévalorisation du patrimoine signifie en effet un besoin d‟épargne accrue pour financer la
consommation future. L‟effet passant par ce canal varie fortement d‟un pays à l‟autre en

12
« El Moudjahid » du 24.11.2008
13
Fournier et al., 2009.
14
Challe et Ragot, 2010.

66
fonction des comportements d‟épargne des ménages (préférence plus ou moins forte pour les
actifs risqués…) et des institutions15.

4) La réduction de la demande intérieure dans les pays touchés par la crise a entraîné une
contraction du commerce mondial. La crise économique s‟est propagée dans des pays a priori
peu touchés directement par la crise financière comme le Japon, par le biais des exportations
et des ajustements de taux de change qui peuvent être au moins partiellement attribués à la
crise. Au final, ce mécanisme de propagation internationale de la crise n‟a pas dû changer
l‟ampleur de son impact pour les pays pris dans leur ensemble. Toutefois, il a conduit à
répartir différemment la charge entre ces pays : il a ainsi joué en défaveur du Japon, le yen
s‟étant fortement apprécié vis-à-vis du dollar entre avril et décembre 2009.

Figure 17. Les enchainements de la crise

15
Aviat et al., 2007.

67
Au niveau commercial, le niveau des échanges nets a profondément chuté après l‟éclatement
de la crise. Le graphique suivant illustre le niveau des importations pour les Etats-Unis et la
Zone Euro en pourcentage du PIB.

Figure 18. Niveau des importations de la Zone euro et des Etats-Unis en % du PIB

Source : OCDE

3) Conséquences sociales :

À la suite de la crise, le chômage a augmenté dans l‟ensemble des départements. Les plus
touchés sont ceux pour lesquels le taux de chômage était déjà très élevé sur la période
précédente. Dans cette présente sous-section, nous analyserons les conséquences sociales de
la crise en termes d‟emploi et de chômage pour le cas de la France. La crise économique a
davantage touché les régions du Nord-Est en termes d‟emploi, et principalement les régions
industrielles. Les régions du Sud, dont l‟activité est orientée vers le tertiaire, ont été les plus
préservées. Le Poitou-Charentes, Rhône-Alpes, la Bretagne et les Pays de la Loire, jusque-là
dans une dynamique positive, n‟ont pas pour autant été épargnés par la crise. A contrario,
l‟emploi en Île-de-France a mieux résisté que ce que l‟on aurait pu envisager. Entre début
2008 et fin 2009, le Poitou-Charentes, Rhône-Alpes, la Bretagne et les Pays de la Loire ont
perdu entre 3,4 % et 5 % de leurs emplois. Ces régions avaient pourtant connu entre 2002 et
2006 une croissance de l‟emploi plus rapide (+ 2,6 %) que la moyenne nationale (+ 1,5 %), et
plus rapide également que ce que leur structure économique aurait pu laisser envisager.

68
Figure 19. Evolution de l’emploi en France métropolitaine (2002-2009)

Tableau 9 : Évolution totale de l’emploi salarié marchand par grands secteurs en France
métropolitaine

Source : OCDE

Entre début 2008 et fin 2009, le taux de chômage en France a augmenté de 2,4 points, passant
de 7,2 % à 9,6 %. Cette progression a touché l‟ensemble des départements, mais de manière
différenciée, creusant ainsi de 1,5 point l‟écart entre le taux de chômage le plus faible et le
plus élevé. Parmi les départements dans lesquels l‟augmentation a été la plus forte se trouve
des départements peu touchés avant la crise : trois départements spécialisés dans l‟industrie
(l‟Ain, la Vendée et le Jura), ainsi que la Haute-Savoie, qui a perdu 12 % de ses emplois
industriels au cours de la période 2008-2009.

69
L‟augmentation du chômage a également été importante dans des départements déjà
fortement touchés. C‟est le cas de certains départements dans lesquels les services non
marchands et l‟économie présentielle sont assez développés comme le Gard, l‟Aude et les
Pyrénées-Orientales. Dans ces trois départements de la région Languedoc-Roussillon,
l‟emploi a baissé dans la construction et dans l‟industrie, ainsi que dans l‟intérim. Deux autres
départements sont dans la même situation, avec un taux de chômage parmi les plus élevés et
qui se détériore encore : le Nord et l‟Aisne, dans lesquels l‟emploi industriel et l‟intérim ont
été fortement touchés.

Figure 20. Taux de chômage en France métropolitaine (2008-2009)

Section 4 : Crise financière de 2008, quelles solutions ?


Avec la crise financière, de grandes banques se sont retrouvées paralysées par des titres
toxiques et un manque de capitaux. Les prêteurs quant à eux sont devenus réticents à accorder
des prêts aux entreprises et aux particuliers. L‟impact présent et à venir de la crise sur le
système bancaire et la sphère réelle de l‟économie a donc conduit les gouvernements à
intervenir massivement.

A cet effet, le gouvernement américain a pris en compte la défense de la solvabilité des


emprunteurs puisque, dès la fin août 2007, il a annoncé plusieurs mesures pour prévenir les
situations de défaut de paiement des ménages.

70
Le programme baptisé « Hope Now Alliance » a officiellement été présenté début décembre
2007. Son objectif est double : il s‟agit d‟abord de protéger les ménages les plus fragiles, mais
il s‟agit également d‟endiguer la crise. La principale mesure visant à limiter les faillites
hypothécaires est le gel, sous certaines conditions, des taux d‟intérêt sur les prêts subprimes à
taux variable (adjustable rate mortgage). L‟Administration Bush a aussi annoncé début 2008
un plan budgétaire de relance d‟environ 150 milliards de dollars, soit l‟équivalent de 1% du
PIB. Ce plan, combiné à une réduction des recettes fiscales, aura bien sûr pour conséquence
d‟aggraver le déficit américain.

Au sujet de la politique monétaire, depuis le début de la crise en août2007, les banques


centrales ont fait preuve d‟une grande réactivité. Elles ont agi à la fois pour éviter une crise
bancaire systémique et pour limiter les effets sur la croissance, en dissociant, dans la mesure
du possible, ces deux objectifs. La Réserve fédérale américaine a par ailleurs mis à profit ces
événements pour innover dans ses procédures d‟intervention.

Les banques se financent traditionnellement en empruntant à court terme sur le marché


interbancaire. Mais, la crise financière qui débute en 2007 se caractérise par une grande
défiance des banques les unes vis-à-vis des autres, ce qui conduit à une hausse des taux à trois
mois. En temps normal, les taux interbancaires à trois mois ne dépassent pas de plus de 20
points de base le taux directeur de la banque centrale, considéré comme sans risque. Mais
depuis août 2007, le spread (c‟est-à-dire le différentiel de taux) est deux à six fois plus élevé.

Depuis le début de la crise, les banques centrales sont donc massivement intervenues pour
accorder des liquidités, espérant ainsi réduire les tensions sur le marché monétaire et restaurer
la confiance. La politique monétaire se caractérise aussi par un allongement de la durée des
emprunts, un élargissement des collatéraux et la possibilité pour de nouveaux acteurs de la
finance de se refinancer auprès de la Fed.

En complément de l‟octroi de liquidité, pour réduire l‟effet de la crise financière sur la


croissance, la Fed a fortement baissé son taux objectif qui est passé de 5,25 % au début de
l‟été 2007 à 2,25 % fin mars 2008. En revanche, la BCE n‟a pas baissé ses taux directeurs ;
elle a toutefois renoncé à les augmenter jusqu‟en juin 2008. Ainsi, pour affronter les
problèmes de liquidité, le prêteur en dernier ressort a été instauré puisque à tout moment les
banques peuvent être touchées par une crise de liquidité puisqu‟elles utilisent une partie de
leurs ressources liquides pour financer des emplois illiquides.

71
Elles ne disposent donc pas de liquidités suffisantes pour faire face au retrait d‟une partie
importante de leur passif liquide (pour faire face à une panique bancaire), alors même qu‟elles
sont solvables. Pour que les banques puissent continuer à financer des actifs illiquides, il faut
donc un PDR qui assure qu‟elles peuvent faire face à des retraits non anticipés, ce qui fait
disparaître le risque de retrait (puisque les prêteurs à court terme aux banques savent qu‟ils ne
courent pas le risque de ne pas être remboursés).

Le rôle de PDR est joué par les banques centrales, qui peuvent prêter des liquidités
supplémentaires aux banques, en prenant comme garantie (collatéral) les actifs détenus par les
banques. Depuis le début de la crise la Banque d‟Angleterre a été contrainte en février 2008
de nationaliser (temporairement) la société de crédit immobilier Northern Rock, tandis qu‟en
mars 2008 la Fed a dû secourir la cinquième banque d‟affaires américaine Bear Stearns.
Notons que c‟est la première fois que les autorités monétaires américaines volent au secours
d‟une banque d‟affaire.

Les remèdes de la crise ont enregistré la prise en considération de l‟amélioration de la


gouvernance financière.

Le tableau suivant illustre quelques recommandations pour les politiques publiques ainsi que
leurs moyens :

Tableau 10 : Recommandations pour les politiques publiques et ses moyens

Recommandations Moyens

- Assouplir les règles de comptabilisation en


valeur de marché pour les investisseurs

Normes comptables institutionnels en leur permettant de lisser


leurs plus ou moins-values latentes sur
plusieurs années dans le cas où les titres
sont détenus jusqu‟à l‟échéance.

72
- Exiger des agences de notation qu‟elles
soient transparentes sur leurs modèles et
leurs méthodologies.
- Imposer que les agences de notation
intègrent dans leurs évaluations le risque
de liquidité et les risques opérationnels, à
côté des risques de crédit.
- Mettre en place des mécanismes visant à
réduire les conflits d‟intérêt entre les
émetteurs et les agences de notation.
- Mettre en place des mécanismes visant à
réduire les conflits d‟intérêt entre les
Fonctionnement des agences de notation et
émetteurs et les agences de notation.
transparence de l’information
- Renforcer le code de conduite de l‟OICV
pour inciter les agences de notation à
séparer plus clairement leurs activités de
notation et de conseil.
- Revoir la classification des produits
financiers proposés aux investisseurs, en
incorporant le risque de liquidité comme
critère. Exiger que les réseaux
prescripteurs (banques, sociétés
d‟assurance…) se référant à la
classification des OPCVM faite par le
régulateur financier.

73
- Définir des standards internationaux de
liquidité. Ces derniers doivent rester
simples et transparents, malgré la
complexité de la finance moderne. Avant
toute mesure, il est toutefois indispensable
d‟affiner les concepts et les modèles de
gestion du risque d‟illiquidité. Ce travail
d‟analyse est préalable à tout accord
international. C‟est au Comité de Bâle
(élargi aux pays émergents) que doit
revenir le soin d‟organiser ces travaux.
- Intégrer les considérations de liquidité
dans le « toilettage » de Bâle II au niveau
de chacun de ses trois piliers : la définition
Adéquation actif/passif des banques du ratio de solvabilité (pilier 1), l‟exercice
de la supervision bancaire (pilier 2) avec
une attention croissante à apporter dans cet
exercice à la liquidité, la « discipline de
marché » (pilier 3) puisque les banques
devront être plus transparentes sur leur
situation de liquidité.
- Augmenter les pondérations des « lignes
de liquidité », par lesquelles les banques
s‟engagent à racheter des crédits qu‟elles
auraient titrisés.
- Mettre au menu de la présidence
européenne, à compter du 1er juillet 2008,
un « toilettage » de la directive sur
l‟adéquation des fonds propres.

74
- Au niveau européen, à court terme, faire
évoluer et renforcer les comités de niveau
du processus Lamfalussy (le CESR pour
les régulateurs financiers, le CEBS pour
les banques, le CEIOPS pour les
assurances), comme le recommande
Tommaso Padoa-Schioppa.
- À moyen terme, créer un système européen
de superviseurs bancaires calqué sur le
système européen des banques centrales,
comme le suggère Michel Pebereau.
- -Au niveau mondial, associer les
Gouvernance internationale
principaux pays émergents et des
représentants des pays en développement
aux travaux sur la liquidité.
- Remplacer le G7/G8 par un G13 ou un
G15, permettant d‟associer comme
membres de plein exercice les grands pays
émergents (Chine, Inde, Brésil,
Indonésie…).
- Veiller à ce que la réglementation ne
profite pas, in fine, aux places financières
offshores. Cela plaide de nouveau pour une
concertation la plus large possible.

75
Conclusion :

La crise financière actuelle, du fait de l‟éclatement simultanée de multiples bulles importantes


des prix d‟actifs et des matières premières, avait engendré des conséquences négatives graves
pour l‟économie mondiale.

La mesure de politique monétaire consistant à baisser le taux d‟intérêt perd son efficacité et
des mesures non orthodoxes audacieuses sont nécessaires pour gérer la crise bancaire et le
risque de restriction de crédit qui s‟ensuit.

Les mesures de politique budgétaire d‟une ampleur sans précédent sont nécessaires afin de
diminuer l‟effet de la crise financière sur l‟économie réelle et d‟éviter que les effets de
récession économique ne viennent à son tour aggraver la crise financière.

Les décideurs de politique doivent être réactifs et imaginatifs dans leur prise de décision. Ils
doivent non seulement se soucier de soulager des maux dans le court terme, mais également
penser à stimuler le potentiel de croissance de long terme tout en inspirant la confiance aux
opérateurs des marchés, aux entreprises et aux ménages.

A la sortie de la crise, des réformes réglementaires, institutionnelles et politiques sont


nécessaires pour rendre le système monétaire et financier international plus stable. Toutefois,
il faut être conscient qu‟il est illusoire d‟espérer retrouver une croissance économique aussi
robuste qu‟avant l‟éclatement des bulles multiples.

76
Chapitre 4 : Similarités et disparités entre les crises de 1929, 2008 et 2020
Au cours de ce chapitre, nous allons mettre en lien les ampleurs relatives à chacune des deux
crises pour avoir une idée globale des similitudes et des différences malgré des situations
contextuelles quelque peu divergentes.

Section 1 : Similitudes entre les crises financières de 1929 et 2008


Premièrement, une analogie peut être notée entre le « gold standard exchange » du 20ème
siècle avec le modèle de la zone Euro tout au moins en évitant de considérer qu‟un Etat puisse
quitter l‟union monétaire européenne et puisse y revenir, comme ce fut le cas lors de la
première guerre mondiale. Ce genre de conclusion provient des accords de Bretton Woods
(après la seconde guerre mondiale) pour promulguer une stabilité européenne. Fratianni et
Giri (2015) mettent en lumière trois analogies entre les systèmes monétaires :

Tout d‟abord, le fonctionnement dans le sens inverse de la théorie sur le mécanisme de prix-
flux en numéraire (modèle économique pensé par David hume), pour des pays qui possèdent
un taux d‟inflation supérieur (de par la création monétaire) comme l‟Allemagne par rapport
aux autres pays (comme la France) dans les années 1920 à la veille du choc. Le même constat
a été tiré entre 2000 et 2007 pour un pays comme l‟Espagne qui comparativement à
l‟Allemagne a opté une pour une politique monétaire expansionniste comme en témoigne ce
tableau de Schularick et Taylor (2012):

Tableau 11 : Taux de croissance cumulés de la monnaie, prêts bancaires et actifs totaux


bancaires en France, Italie et Espagne relative à l’Allemagne, 2000-2007 16

Pour ces pays, en 1928 (pour l‟Allemagne) et en 2007 (pour l‟Espagne), il semblerait logique
d‟afficher un surplus du budget. Or, les analyses empiriques infirment cette thèse et par
conséquent, les comparaisons des soldes de balance budgétaire entre pays montrent
effectivement l‟opposé. C‟est probablement la résultante, pour l‟Allemagne avant la grande
dépression, du Traité de Versailles après la grande guerre qui mena à l‟hyperinflation.

Cette période a marqué à ce point le pays qu‟au jour d‟aujourd‟hui, on y prône toujours une
politique d‟austérité.

16
Thomas Jongen, Crise de 1929 et de 2008 : Comparaison

77
Contrairement à d‟autres pays, comme l‟Espagne avant la crise de 2008, qui se voulaient plus
expansionnistes. On peut l‟observer pour les années 1928 et 2007 dans le Tableau N°11
comparatif suivant17.

Tableau 12: Comparaison des deux crises : déficit/surplus du budget en % du PIB

Source: OCDE, Eurostat

Deuxièmement, un modèle où les devises sont rattachées à la valeur d‟une ressource (en
l‟occurrence l‟or ou l‟argent) facilite les flux de capitaux à un taux fixe comme pour une
union monétaire telle que la zone Euro. Cela permet donc aux Etats avec des surplus au
niveau de leur solde de balance de paiements de pouvoir investir dans des pays et bénéficier
de taux d‟intérêts plus élevés, leur permettant ainsi d‟investir eux-mêmes pour faire face à une
carence de capitaux18. L‟union européenne a aussi ce rôle de permettre, de manière facilitée,
le financement de pays en demande de crédits. Tout comme l‟étalon-or qui facilitait les
conversions des différents montants et par la même occasion les flux de capitaux. Une
dichotomie historique s‟est produite avec un surplus de la balance de paiement pour les pays
d‟Europe du Nord (Allemagne, Pays-Bas, Belgique, France etc.) et un déficit pour ceux du
Sud (Espagne, Italie, Grèce) pour les années 2000. On évoque le taux de change fixe de l‟euro
qui ne fonctionne pas de manière égale en reprenant le mécanisme de prix-flux en numéraire.
Ce taux de change nominal, fixe pour l‟Euro, a rendu le taux de change réel trop faible pour
les pays du Nord et trop élevé pour le Sud.

17
Aiginger, 2009.
18
Eichengreen et, Temin, 2010.

78
Le devoir incombait aux pays du Nord d‟ajuster leur balance externe en élargissant leur
demande agrégée afin de maintenir une unité européenne19. Ce qui ne fut pas le cas comme le
prouve le tableau suivant où les flux de financement entre pays de la zone Euro ont
soudainement décliné, creusant les écarts de budget entre pays à la veille de la crise20:

Figure 21. Balance courante de paiement en% du PIB, Nord vs. Sud, 1999-2014

Nord (bleu), Sud (rouge en pointillé).

Source : OCDE

Dans les années folles, l‟Allemagne a fait le choix de garder le taux de monnaie fixe par
rapport à l‟or, comme d‟autre pays pour contenir l‟inflation (Fratianni et, Giri, 2015). Cela a
créé un genre d‟amortisseur dans les effets ressentis entre les pays par rapport au modèle
européen actuel. Mais les pays dont le déficit de la balance de paiement reposait sur le
financement étranger ont vu leur économie se contracter. Empiriquement, avant ces deux
crises, les flux qui habituellement allaient dans un sens (vers les pays ayant un déficit
budgétaire, d‟où dysfonctionnement du mécanisme de prix-flux en numéraire), se sont
brutalement interrompus et après le deuxième trimestre de 1928 (surtout en Allemagne).

Comme l‟a conclu Kindelberger (2013) avec les flux de capitaux étrangers sur le solde de la
balance américaine et aussi, avec les transactions nettes sur les obligations étrangères qui se
sont inversés :

19
Alessandrini, et al., 2014.
20
Fratianni et, Giri, 2015.

79
Tableau 13: Nouvelles émissions de capital pour les comptes étrangers aux Etats unis,
trimestriellement, 1928-30 : valeurs nominales, remboursement exclu (en millions de
dollars)21

Enfin, le dernier point pouvant être établi est connexe aux précédentes et à la problématique
du modèle de l‟étalon-or : un biais déflationniste. La création de monnaie ne s‟est pas faite à
la suite d‟une augmentation des réserves en France ou encore l‟Italie qui ont repris l‟étalon-or
plus tard avec leur devise respective surévaluée a bien créée un biais lors de la contraction.
Keynes statua sur les effets néfastes d‟un retour à l‟étalon-or (principalement à celui de la
Grande Bretagne en mai 1925) car provoquant une contraction économique de par la
déflation. Pour les pays n‟ayant pas une activité rayonnante par rapport à d‟autres, les effets
déflationnistes s‟en feraient ressentir d‟autant plus car il n‟y a qu‟une possibilité restreinte de
création monétaire pour relancer la croissance des prix. Il a fait la suggestion d‟une politique
de rééquilibrage des surplus de réserves pour éviter les disparités.

Néanmoins, les dysfonctionnements ont été, toutes proportions gardées, similaires et dans un
contexte plus actuel avec comme « perdants », les pays du Sud de l‟Europe

21
Thomas Jongen, Crise de 1929 et de 2008 : Comparaison

80
Section 2 : Différences entre les crises financières de 1929 et 2008
Il faut mettre en avant quelques divergences majeures entre les deux contextes de crise pour
pouvoir analyser le déroulement de celles-ci par la suite. La première différence majeure est
bien l‟origine. La crise de 1929 démarre sur le marché boursier via des dévalorisations des
prix des actifs pour ensuite venir impacter le monde bancaire. Tandis qu‟au 21ème siècle, le
mal nous vient du dysfonctionnement des règles bancaires dans l‟octroi de prêts combinés à la
folle titrisation d‟actifs, de prêts ou de dérivés financiers sans garantie pertinente pour
certains. Un objet sur lequel il est intéressant de se pencher est la volatilité qui semble différée
d‟un contexte à l‟autre. On note bien entendu des montants positifs dans les variations de PIB
et tout ce qui lui est connexe (par exemple : la production, les exportations, l‟emploi,
l‟inflation, l‟essor des marchés boursiers) qui sont synonymes de période de croissance plus
ou moins forte selon les périodes et les pays concernés dans les années 20. Pourtant, un point
mériterait d‟être observé, à savoir les variations donnant des indications sur l‟évolution des
marchés de production, surtout industrielle. Dans des études sur la vitesse de synchronisation
des variables économiques menant aux crises22, les écarts-types nous donnaient des
indications sur l‟évolution des variables comme le PIB, la manufacture, le chômage, les
exportations, les marchés boursiers et l‟inflation pour le monde. Ils semblent tous être
supérieurs pour la période précédant la crise de 1929. Mais pour pouvoir les comparer entre
chaque période, on peut prendre les coefficients de variation pour tenir compte des
échantillons choisis. Là, on réalise que seuls les chiffres de volatilité pour l‟emploi (sic. Le
chômage) et l‟inflation présentent des différences significatives. Pour le reste, les montants
sont presque similaires, voire quelque peu supérieurs pour le PIB, la manufacture et le marché
boursier pour la période 2000-2008.

22
Aiginger, 2009.

81
Tableau 14: Comparaison des deux crises, synchronisation de dix pays industrialisés

Dans le premier cas, nous nous trouvons face à un contexte d‟après-guerre où les troupes
devaient rentrer dans leur pays et les puissances économiques européennes pour la plupart
devaient rembourser l‟effort de guerre ainsi que les conditions économiques inflationnistes23.
C‟est pourquoi, on a connu une période de contraction économique et des épisodes
déflationnistes pour certains pays du vieux continent en 1920 et 1921 et même plus tard,
reflétant un problème sur le marché de l‟emploi qui a impacté la production24.

Keynes écrit que la cause de la crise est le surinvestissement mondial sans adaptation dans le
salaire des travailleurs, ayant pour effet de déséquilibrer les marchés. En parallèle, l‟essor
technique a contribué à remettre de l‟huile sur le feu, rendant frénétique le processus
d‟investissement.

Dans leurs recherches sur la productivité des travailleurs et le progrès technologique, David et
Wright (1999) font état d‟une hausse de la productivité totale des facteurs de production après
la grande guerre. Ils attribuent cela à une combinaison de l‟expansion de la consolidation des
techniques de télécommunication, de stockage, de processus, des statistiques pour la gestion
mais aussi l‟électrification des usines combinée au développement des techniques
d‟industrialisation à la chaine, requérant moins de main d‟œuvre pour produire.

Dans le graphique (figure 24), il y a volatilité notable spécifiquement entre 1922 et 1928 où
l‟on observe une variation des points du Dow Jones d‟environ +360% et, dans le sens inverse
pour les trois années qui suivent. Cela reflète bien l‟emballement des investissements, sans
doute causé par le progrès technique, pour les domaines industriels qui accroissent fortement
la volatilité dans la manufacture, dans les exportations, dans l‟inflation et donc dans la

23
Friedman & Schwartz, 1993, p.216.
24
Vernon, 1991.

82
croissance du PIB. De plus, Ohanian (2016) souligne l‟importance de ce développement
technique qui va s‟affaiblir considérablement lors de la contraction jusqu‟en 1933, puis
ensuite repartir de plus belle, alors que les chiffres de la crise de 2008 se révèlent bien plus
timides.

Tandis que sur le graphique du marché des valeurs boursières du siècle actuel, on peut
prendre pour exemple les Etats-Unis. Les effets du progrès de la « bulle Internet » se sont
estompés, faisant baisser le taux de croissance de l‟économie et ensuite qui, par connexions
interbancaires internationales, se propage en Europe. La mondialisation, la concurrence des
pays à bas salaire, la réduction du coût des soins de santé, la fermeté du dollar ont cessé de
jouer leur rôle sur l‟inflation26.

L‟émergence des pays comme la Chine ou l‟Inde, profitent de la stagnation technologique des
pays développés et bénéficient de leur volonté de sous-traitance27. Selon le rapport sur la
productivité de l‟OCDE en 2009, il y a une contradiction entre productivité en berne et les
prix de l‟immobilier et de son financement.

En comparaison à la figure 24, on met en exergue des variations de l‟indice du Dow Jones
d‟environ +33% entre 2003 et son pic en 2007, qui ont relativement moins d‟impacts et sont
moins volatiles que celles vécues dans les années folles.

Figure 22. Tendance macro, moyenne des actions du Dow Jones en points, 1920-1938

83
Figure 23. Tendance macro, moyenne des actions du Dow Jones en points, 2003-2012

Là encore, une différence entre les volatilités du Dow Jones nous montre que les
dysfonctionnements ont des sources différentes, l‟une boursière et l‟autre bancaire, ce qui va
changer leur développement et leurs effets. Par la suite, les courbes prennent la même allure,
toutes proportions gardées des points des actions (se référer à l‟échelle des ordonnées des
deux graphiques). Dans l‟impact sur la production considérée ici via le PIB, on note un écart
significatif surtout dans la chute. Comme en témoigne le graphique suivant, la croissance de
la production sur les périodes précédentes s‟élève à 44,7% sur la période 1921-1929 pour le
monde et 38,9% de 2000 à 2008 pour le monde.

Le déclin a frappé de manière plus conséquente sur la moyenne mondiale où l‟on tourne
autour des -10% en 1932/1929 et des -4% pour 2009/2008. Lorsque l‟on décortique les
données, on voit que, sauf pour les pays scandinaves et le Japon, les PIB ont été sensiblement
plus touchés par la crise de 1929. On constate que les coefficients de variation sont plus
disparates à cette époque, principalement pour les Etats-Unis, l‟Allemagne, l‟Autriche et la
France. Alors que celles concernant la récente crise sont plus modérées, sans écarts trop
marquants entre les pays étudiés dans le Tableau N°14.

Une autre étude démontre qu‟aux Etats-Unis, le taux de croissance nominal du PIB est
compris en 0 et 5% pour la crise des supbrimes, avec une stabilisation très rapide pour 2008-
2009, au contraire de la grande dépression où l‟on observe, des montants beaucoup moins
contenus qui ne cessent de décroître (croissance négative) de 1929 à la fin de 1932.

84
Tableau 15: Comparaison des deux crises : déclin du PIB réel

Pour poursuivre, la spirale déflationniste affecte les importations de chaque pays. La


réduction de production nécessite moins de consommation de matière première requise dans
les processus de fabrication. En d‟autres termes, les importations des uns constituent les
exportations des autres.

Comme la production s‟est manifestement ralentie dans les pays dont l‟économie est orientée
vers la manufacture, il en va de même pour les exportations. Cela confirme bien l‟effet néfaste
sur le PIB dans la suite de cette spirale. La comparaison s‟effectue de la même manière
qu‟auparavant, avec 6% d‟exportations en moins sur la période 1929-1932 pour le monde
(encore plus pour les pays industrialisés, en moyenne de -58,5%) et presque -20% sur celle de
2008-2009.

85
Là encore, la récente crise s‟est propagée et s‟est « solutionnée » plus rapidement que la
grande dépression, qui s‟est prolongée deux ans de plus25. Sachant aussi que la part du
commerce des biens industriels représentait environ 40% à la fin des années folles et 70% lors
de la première décennie de notre siècle26.

Figure 24. Commerce mondial, valeur de référence 100 pour juin 1929 et avril 2008

Source : Bulletin mensuel de statistiques de la ligue des nations

Ainsi, les périodes d‟inflation précédant une crise financière où le cycle économique sont
plutôt prospères, avec une volatilité des plus significatives pour les années trente par rapport à
la décennie dernière. Précédemment, on a assisté à des contextes avec des niveaux de
croissance de prix qui ne sont pas très élevés, même négatif en 1927, alors que l‟inflation
n‟est pas très importante (ne dépassant généralement pas les 1%). Les coefficients de
variation du Tableau N°14 prouvent, malgré tout, avec -2,633 pour 1921-1929 et -0,565 pour
2000-2008, un écart probant en matière de volatilité.

25
Grossman, et Meissner, 2010.
26
Almunia, 2010.

86
Tableau 16: Taux d’inflation de 5 pays pendant la grande dépression et la grande crise
financière27

Toujours concernant les périodes de contractions, la déflation fait l‟objet de récurrence dans
les deux cas. Et en vue d‟opter pour une compréhension plus complète, il est intéressant de
regarder les effets sur divers pays. On sait, par exemple, que l‟Allemagne a subi une
hyperinflation liée à son remboursement de l‟effort de guerre. Pour les autres pays durant la
grande dépression, l‟inflation varie (négativement) de manière plus ou moins modérée en
fonction principalement de la relance de la production et des moyens mis en œuvre par les
gouvernements pour y parvenir28. Compte tenu de de leur influence à l‟époque et de leurs
échanges dans le commerce mondial, les pays technologiquement les plus avancés jouent
fortement sur les prix. Il en découle une dégringolade du niveau des prix, et ce, aussi bien
pour les matières premières agricoles que pour les métaux (Tableau N°16)29.

Tableau 17: Prix de produits spécifiques, par mois, 1929-1930

Le contexte joue également un rôle prépondérant avec le paysage économique qui a changé au
21ème siècle. Le niveau général des prix va prendre une tendance déflationniste sur une
période de temps plus courte car on aperçoit une reprise dès 2009.

27
FMI, Base de données des perspectives de l’économie mondiale
28
Eichengreen, & Sachs, 1985.
29
Kindelberger, 2013, p. 143.

87
L‟indice composite des prix pour les produits (« commodity price index »), début 2008, fait
plus que de doubler par rapport à son niveau de 2005 (valeur référentielle de 100) avant de
retomber en flèche à ce même niveau en mars 2009. Le prix de l‟énergie et des métaux en ont
été impacté grandement lorsque l‟on décompose les composantes de le « commodity price
index » alors que, tout comme leur production, les prix des matières premières agricoles ont
été relativement plus stables.

Figure 25. Indice des prix des matières premières (en jaune), indice de l'énergie (en
vert), indice des métaux (en turquoise) et indice des matières premières agricoles (en
bleu ciel), 2006-2017 (2005=100).30

30
Thomas Jongen, Crise de 1929 et de 2008 : Comparaison

88
Section 3 : Comparaison des crises financières de 1929 et 2008, quel bilan ?
Il est assez complexe de pouvoir établir des faits exacts correspondants dans chaque crise tant
les contextes ne sont difficilement comparables. L‟influence du déclin des entreprises a
engendré la faillite des petites banques qui manquaient de liquidités avec la « ruée bancaire ».
Cette crise bancaire a pris de l‟ampleur en avril 1931 avec la faillite d‟une banque importante
en lien avec d‟autres banques en Europe, le Credit-Anstalt. Alors qu‟en avril 2008, la grande
récession financière arrive avec la contraction de l‟octroi de crédits et l‟assèchement de
liquidités sur le marché interbancaire31. La propagation a été plus prompte en 2008 ce qui a
mené à la faillite de Lehman Brothers en septembre et a plongé le système bancaire mondial
dans la crise.

Comme étudié, les prix des matières premières, et les valeurs boursières étaient sur le déclin.
L‟absence d‟inflation est également une des caractéristiques communes aux deux crises.
Néanmoins, il est important de retenir l‟ampleur des impacts plus importants sur la
production, la décroissance des prix et le chômage durant la grande dépression.

Tout cela s‟est fait dans un climat où les économies étaient plus centrées sur elles-mêmes
qu‟au 21ème siècle. Le protectionnisme moins présent après la libéralisation des échanges est
la raison la plus plausible expliquant la synchronisation plus rapide des faits de la grande
récession.

Ensuite, le fait marquant est la durée des crises qui montre l‟adéquation de politiques plus
apte à favoriser une relance. En effet, à la vue des divergences quant à la position des états
vis-à-vis du modèle étalon-or, les initiatives monétaires se sont retrouvées limitées.

Cela a été montré que, globalement, les politiques monétaires n‟ont pas été prises en
considération pour relancer la production mais uniquement pour maintenir les valeurs des
monnaies fortes dans un premier temps. C‟est seulement après 3 ans de crise en 1932 que la
plupart des pays ont compris l‟importance de l‟innovation monétaire qui s‟est faite via un
abandon de l‟étalon-or et une dévaluation renforcée par une baisse des taux intérêts.

A contrario, en 2009 les liquidités se sont amplifiées et les taux d‟intérêt à court terme ont très
rapidement diminué pour promouvoir les investissements, et ainsi éviter de répéter les erreurs
du passé.

31
Artus et al., 2008.

89
Section 4 : Analyse comparative de la crise de COVID-19 et les deux crises :
1) La crise de COVID-19 et la crise de 1929 :
La crise de 2020 ressemble par de nombreux aspects à celle de 1929, mais les Etats sont plus
réactifs, tant sur le front monétaire que budgétaire.

Par bien des côtés, à première vue, la crise actuelle a “des airs de famille” avec celle de 1929
et de la Grande Dépression des années 30. D‟abord, les chutes des marchés d‟actions
enregistrées depuis le pic de février et celle de Wall Street lors du krach de 1929 sont
comparables. “2 des 6 plus fortes baisses depuis la création du S&P 500 (baromètre des
actions cotées à Wall Street) sont apparues dernièrement”, relève John Plassard.

Le S&P500 a en effet chuté de 9,5% le 12 mars 2020 et de 12% le 16 mars, contre des
plongeons de 12,9% le 28 octobre 1929, 1,2% le lendemain et de 9,9% le 6 novembre 1929.
Le niveau de la volatilité que nous avons connu ces dernières semaines est aussi “comparable
avec les niveaux de 2008, 1987 et de 1929”, rapporte l‟expert, qui souligne même que “la
rapidité de la baisse (-30%) n‟a jamais été aussi importante”, depuis la création du S&P500.

Sur le front de l‟emploi, le marché américain du travail a subi une hémorragie spectaculaire
dernièrement et James Bullard, président de la Réserve fédérale de Saint Louis, juge même
qu‟à “très court terme, 46 millions d‟Américains pourraient se trouver au chômage”. Le taux
de chômage pourrait ainsi “atteindre 30%, un chiffre plus élevé que lors de la Grande
Dépression des années 30 (il avait alors inscrit un pic de 24,9% et il ressortait encore à 20%
en 1938) et trois fois supérieur à celui de la récession de 2008-2009”, rapporte John Plassard.

Du côté de l‟activité économique, alors que le produit intérieur brut (PIB) des Etats-Unis avait
plongé de 26,7% sur 3 ans et 7 mois entre 1929 et 1933 puis de 18,2% sur 13 mois de 1937 à
1938 (sources NBER), il pourrait chuter de 24% au deuxième trimestre selon Goldman Sachs
et même de 30% d‟après les prévisions de Morgan Stanley. A titre de comparaison, pendant le
dernier trimestre de la crise 2008, la contraction du PIB n‟avait été “que” de 8%.

Mais les banques centrales sont plus offensives que durant la grande Dépression. Après le
krach de 1929, la banque centrale des Etats-Unis a logiquement assoupli sa politique
monétaire pour voler au secours de l‟économie américaine et de Wall Street. Mais par la suite,
la Réserve fédérale (Fed) a toutefois “commis des erreurs dramatiques”, souligne John
Plassard.

90
Elle a en effet “relevé son taux d'intérêt pour garder son or, stoppé les injections de liquidités
et replongé l'économie dans une profonde récession en 1937 en resserrant sa politique
monétaire pour éviter l'inflation”, rapporte l‟expert. Et de 1929 à 1933, la Fed “ne s‟est pas
portée au secours des banques en faillite, rappelle-t-il.

Or, ces derniers mois, la BCE, la Fed et d‟autres grandes banques centrales ont très
rapidement réagi face à la tourmente. “La Fed et la BCE sont immergées dans une logique de
whatever it takes (référence à la volonté affichée par la BCE en 2012 de sauver la zone euro
“quel qu‟en soit le prix”, une formule qui avait marqué un tournant lors de la crise de 2011-
2012, NDLR) chère à Mario Draghi pour sauver le système économique”, souligne à cet
égard John Plassard, qui précise que les moyens déployés et la rapidité de leur réaction sont
“sans commune mesure avec ce que l'on a vu en 2008”.

Au bout du compte, on voit bien que si les crises de 1929 et de 2020 ont des points communs,
elles diffèrent toutefois, notamment en matière de réponses apportées par les grandes
puissances. La nature même de ces crises est différente, puisque le choc de 1929 était une
crise boursière et de surinvestissement - après la décennie dorée des années folles -, alors que
nous sommes confrontés aujourd'hui à une crise d‟origine sanitaire…

2) La crise de COVID-19 et la crise de 2008 :

Avec son impact brutal sur la croissance et les marchés, la crise économique provoquée par le
coronavirus rappelle celle qui avait plongé le monde dans la « grande récession » en 2008.

Alors que la pandémie de coronavirus continue de bouleverser le monde de la finance, de


nombreux investisseurs ne peuvent s‟empêcher de comparer la situation actuelle à la crise
financière de 2008. Si l‟on observe beaucoup de différences entre les deux crises, on peut
également voir des similitudes.

Trois principales similarités économiques peuvent être citées. Premièrement, l‟incertitude (i.e.
un risque non quantifiable) : Le nouveau coronavirus, invisible, peut être comparé au virus du
„„subprime‟‟ fin 2007, ce type de prêts accordés à des américains dits NINJA, c‟est-à-dire
sans emploi, ni revenu, ni patrimoine (Neither Income Nor Job & Assets).

Le risque toxique associé à ces prêts avait été caché et dispersé dans des actifs apparemment
sains, ce qui a créé de la défiance et paralysé peu à peu les relations financières.

91
En deuxième lieu, le Krach. La chute des grandes bourses (jusqu‟à plus du quart de leur
valorisation : cf. graphique) et celle en cours de l‟activité économique international (plusieurs
points de PIB) sont jusqu‟ici analogues entre les deux crises dans un monde de plus en plus
globalisé et interconnecté.

Finalement, il existe des similitudes au niveau des réactions : Le soutien des politiques
d‟abord monétaires, puis budgétaires est massif à chaque fois avec retour du régalien. Est
même repris le « Whatever it takes » ou « Quoiqu‟il en coûte » prononcé par Mario Draghi en
juillet 2012 afin d‟empêcher une contagion mortifère pour l‟euro.

Ainsi, quatre grandes différences, faisant passer de la „„guerre économique‟‟ à „„l‟économie


de guerre‟‟ :

Premièrement, on cite la cause. Pour clarifier, le choc exogène actuel est d‟origine sanitaire et
attaqua d‟abord le secteur réel et l‟offre de production, en Chine puis ailleurs, même s‟il s‟est
répercuté ensuite sur le secteur financier et la demande. En 2007-08, le choc endogène affecta
d‟abord le système financier, américain puis mondial, en entraînant un effondrement des prix
immobiliers et de la production.

Il s‟ensuit une différence au niveau du processus : En 2020, le confinement peut être assimilé
à un „„coma artificiel, volontaire car temporaire, imposé à l‟économie pour limiter la
contagion („„aplanir la vague‟‟) en minimisant l‟atteinte au capital productif. En 2008-09,
pour éviter un „„gel subi‟‟, voire une „„mort subite‟‟ des marchés, tout visait plutôt à
ressusciter la finance pour aider à sortir de la léthargie économique.

Après, on distingue la durée. Pour éclaircir, tout s‟accélère : la diffusion mondiale du virus et
la réaction des autorités, même si les tâtonnements sont critiqués vu l‟ampleur des décès.
Avec une finance plus résiliente, les banques font partie de la solution et non du problème à
ce stade ; le pari est celui d‟une chute et reprise économique rapide en forme de V. Par contre,
la crise financière infusait avant 2008 et le rebond de 2010 fut suivi d‟une croissance plus
lente ou de rechute (ce qu‟on ne peut exclure cette fois-ci).

Finalement, la distinction est faite sur le plan politique. Dans ce sens, en 2020, la crainte est
que, face à une crise plus grave, les marges soient moindres du côté budgétaire (dettes/PIB
élevées) et monétaire (taux déjà très bas, liquidité abondante …). Mais l‟importance et la
rapidité des décisions sont désormais sans précédent.

92
En Europe, les stabilisateurs automatiques (via la Sécurité sociale) jouent à plein et des
soutiens exceptionnels et ciblés sont financés de facto par les rachats de la Banque centrale
européenne ; cela empêche les taux longs de se tendre malgré l‟annonce d‟emprunts massifs
par les Etats. Il y a donc plus de différences que de similarités et d‟autres peuvent encore
apparaître au fil du temps. L‟Histoire ne se répète pas, elle bégaie. L‟essentiel sera cette fois
d‟en tirer vraiment les leçons pour revoir nos modèles de développement et mieux prévenir
et/ou réduire les crises futures.

Conclusion :

Après la crise des « subprimes » de 2008, la longue période de croissance faible vécue est
souvent mise en regard aux années 1930, dans un parallèle anxiogène, lourd de la menace
implicite d‟une apocalypse à venir. En effet, le krach boursier de 1929 marqua le début de la
Grande Dépression, la plus grande crise économique de l'histoire boursière.

Les points de comparaison sont clairs : une euphorie économique et boursière liée à de réels
progrès technologiques (production de masse dans un cas, développement du numérique dans
l‟autre) combinée à une ingénierie financière qui s‟emballe, aboutit à une crise économique
profonde, à un délitement du tissu social et moral des sociétés occidentales, puis au
populisme, au repli sur soi nationaliste, jusqu‟à l‟explosion finale.

La comparaison, agitée par beaucoup de ceux qui, voient dans l‟audience croissante des partis
de rupture avec l‟Union européenne les prémices d‟un retour des passions mortifères, est
pourtant largement inexacte.

Tout d‟abord, sur le plan économique, la crise de 2008 ne s‟est pas transformée en grande
dépression et les banques centrales ont veillé à circonscrire le feu financier après la faillite de
Lehman Brothers.

Rien de comparable donc à la faillite de la Kreditanstalt Bank en 1931, qui avait précipité
l‟économie européenne dans le chaos. Les amortisseurs sociaux ont également pleinement
joué leur rôle et ont évité une extension incontrôlée de la paupérisation.

La croissance en Europe a connu des trimestres négatifs, mais sans commune mesure avec
l‟effondrement des années 1930. Politiquement également, la situation est très différente :
aucun parti politique d‟envergure en Europe ne songe à prendre le pouvoir pour remettre en
cause le cadre démocratique et le respect des droits de l‟homme.

93
Conclusion générale:
Cette étude visait à faire une comparaison des deux crises économique de 1929 et financière
internationale de 2007, laquelle nous a permis de percevoir le fait que depuis les années 1930
le monde n'avait pas connu une crise classique majeure à la hauteur de celle qui a secoué
l'économie mondiale à partir de 2007. Cela dit, de cette analyse nous avons pu tirer quelques
leçons concernant de nombreux points.

Le premier chapitre s'est efforcé de présenter la notion de crise financière et économique, en


analysant cependant un certain nombre d'éléments susceptibles de conduire l'économie réelle
ou financière à une situation de marasme.

Les deux chapitres suivants, faisant une analyse quasi-complète des deux épisodes, montrent
que les deux crises dont il est question dans ce travail, tirent leurs origines dans les
perversions enregistrées durant les périodes d'expansion. Les chiffres et illustrations présentés
montrent en outre l'impact des deux crises sur l'économie mondiale.

Nous avons vu que la crise économique de 1929, ayant du reste enfoncé l'économie mondiale
durant trois années successives après octobre 1929, n'avait pas vu une forte réactivité des
dirigeants de l'époque, contrairement à ce qui s'est produit dès les mois, voire les semaines qui
ont suivi le déclenchement de la crise financière de 2008. En effet, nous avons vu que les
dirigeants d'aujourd'hui, contrairement à ceux de l'époque, ont réagi différemment en adoptant
des solutions plus agressives en termes de mise en place des politiques visant à soutenir la
demande, limiter la chute de la production, rétablir la confiance et relancer les dépenses
privées.

Cependant, la lecture des deux épisodes nous a permis de comprendre que la crise de 1929 et
financière internationale de 2007 sont des crises résultant des perversions du « laissez-faire »,
et que les remèdes y apportés, avec les différents plans de relance se sont bien inspiré des
théories économiques de l'économiste Anglais John MAYNARD KEYNES
(interventionnisme), et ont tous porté un sacré coup au libéralisme, en donnant à l'Etat une
place centrale dans l'économie et en mettant les marchés sous « tutelles ».

En outre, l'expérience des deux crises nous a permis dans une certaine mesure, à connaître
parfaitement par avance les enchaînements des raisons qui conduisent à la formation des
bulles (hausses excessives et auto-entretenues des prix d'actifs dans les périodes d'euphorie au
cours d'une phase de prospérité), les difficultés ou le laxisme dans l'évaluation des risques,
jusqu'à l'éclatement de ces bulles et à leurs conséquences sur l'économie réelle.

94
Nous avons de plus constaté dans les faits, que le déclenchement de la crise pour les deux
épisodes est toujours la même : une expansion monétaire permet aux agents économiques
d'emprunter massivement et avec une telle facilité pour acquérir de plus en plus d'actifs qui
voient ainsi leurs valeurs s'envoler pour finir par chuter. Et, quand à leur tour, les banques
sont touchées par la perte de la valeur de ces actifs, les conséquences se répercutent sur
l'économie réelle. Nous assistons alors à un resserrement des crédits (credit crunch), qui
débouche sur la chute de la consommation, des prix, des investissements, de la production, un
important accroissement du chômage, etc.

Cette étude nous a permis en outre de tirer quelques leçons, concernant les excès du
libéralisme avec son « laissez-faire », et ce à quoi le monde s'expose en laissant celui-ci vouer
à lui-même. Nous l'avons relevé cependant, à travers les différentes politiques
interventionnistes des gouvernements pour résorber les effets des crises, que
l'interventionnisme a eu raison sur le laissez-faire pour combattre les crises. Cela nous pousse
donc à affirmer que le capitalisme a été mis en péril par la crise économique de 1929 et l'a
encore été par la crise de 2007. Cependant, le recours à l'interventionnisme pour résoudre les
crises, nous conduit en outre à affirmer que si la crise économique de 1929, malgré ses effets
dévastateurs n'a pas débouché sur la chute pure et simple du capitaliste, la crise de 2007
n'aboutira pas non plus à la disparition du capitalisme, mais probablement à un système
hybride, combinant libéralisme et interventionnisme.

Le dernier chapitre met l‟accent sur les similitudes et les différences entre les deux crises
malgré la complexité de cette dernière. On a pu démontrer en premier temps des convergences
au niveau monétaire et celui des prix. Quant aux divergences, l‟effet a été remis aux origines :
la crise de 1929 éclate suite aux dévalorisations des prix des actifs alors que la crise de 2008
revient au dysfonctionnement des règles bancaires dans l‟octroi de prêts ; la chose qui a
engendré des effets sur les agrégats et les indicateurs macroéconomiques.

95
Bibliographie

ANGELI, A., BLANQUÉ, P., BACQUEROËT, D., BON, M., BOUZOU, N., BINOT, J.-P.,
ZAJDENWEBER, D. (2009). Repenser la planète finance.

ARTIGE, L. (2014). LA CRISE FINANCIÈRE 2007-2008.

Artus, P., Betbèze, J.-P., de Boissieu, C., & Capelle-Blancard, G. (2008). La crise des
subprimes.

ATTALI, J. (2009). La Crise, et après ?

Banque mondiale. (s.d.).

BRICONGNE, J.-C., FOURNIER, J.-M., LAPÈGUE, V., & MONSO, O. (2011). De la crise
financière à la crise économique - L‟impact des perturbations financières de 2007 et 2008 sur
la croissance de sept pays industrialisés.

Chapitre 1 - L'impact de la crise de 1929:déséquilibres économiques sociaux. (s.d.).

Chavagneux, C. (2011). Une brève histoire des crises financières; des tulipes aux subprimes.

Dai, M. (s.d.). La grande crise systémique de 2008 : Causes,conséquences et mesures de


politique.

eurostat. (s.d.).

Fonds monétaire international. (s.d.).

GUIGOU, J., & WAJNSZTEJN, J. (2008). CRISE FINANCIÈRE ET CAPITAL FICTIF.

Hautcœur, P.-C. (2009). La crise de 1929.

(2009). IMPACT DE LA CRISE FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE MONDIALE SUR LES


PAYS LES MOINS AVANCÉS .

Jongen, T. (2018). Crise de 1929 et de 2008 : Comparaison.

Jorion, P. (2008). La crise des subprimes au séisme financier planétaire.

(2009). La crise de 1929 et ses conséquences catastrophiques.

Lacoste, O. (2009). Comprendre les crises financières.

(2015). LE KRACH DE 1929.

Lemieux, P. (2009). LES ORIGINES DE LA CRISE ÉCONOMIQUE.

love, P., & Keeley, B. (2011). Les essentiels de l‟OCDE : De la crise à la reprise. paris.

Montel-Dumont, O. (2012). Comprendre les crises économiques.

96
MOUHOUBI, S. (2009). LA FACE CACHÉE DE LA CRISE FINANCIÈRE MONDIALE.

OCDE. (2010). La crise financière - RÉFORME ET STRATÉGIES DE SORTIE.

OCDE, & RAMSKOGLER, P. (2014). LES ORIGINES DE LA CRISE - PANORAMA DE


LA SITUATION.

Organisation de coopération et de développement économiques. (s.d.).

ORLÉAN, A. DE L‟EUPHORIE À LA PANIQUE : PENSER LA CRISE FINANCIÈRE.

Ponsot, J.-F., & Roca, M. Le renouvelleent de la pensée économique durant la crise des
années 1930: Le découplage théorie économique/politique.

Ricol, R. (2008). Rapport sur la crise financière.

Rodarie, H. (2008). La crise financière :2007, 2008 et ensuite ?

Schirmann, S. Crise, coopération économique et financière entre Etats européens, 1929-1933.

97
Table des matières
Introduction générale : ......................................................................................................................... 1
Chapitre 1 : Les crises financières et les crises économiques ..............................................................
Section 1 : Notion de crise ................................................................................................................. 5
Section 2 : La crise financière .......................................................................................................... 8
Sous-section 1 : La crise financière, c’est quoi ?......................................................................... 9
Sous-section 2 : Causes des crises financières ........................................................................... 16
1) Causes internes des crises : ............................................................................................. 16
2) Facteurs internationaux influant la stabilité financière : ............................................ 18
Sous-section 3 : Retombées des crises financières .................................................................... 20
Section 3: La crise économique ...................................................................................................... 24
Sous-section 1 : Identification de la crise économique : ........................................................... 24
Sous-section 2 : De la crise financière à la crise économique .................................................. 25
Chapitre 2 : La crise économique de 1929 ............................................................................................
Section 1 : Bref historique .............................................................................................................. 29
Section 2 : Origines de la crise ....................................................................................................... 31
Section 3 : Contrecoups de la crise économique de 1929 ............................................................. 32
1) Conséquences macroéconomiques : ................................................................................... 33
2) Conséquences sociales : ....................................................................................................... 37
3) Conséquences financières : ................................................................................................. 40
Section 4 : De la crise à la révolution keynésienne ....................................................................... 42
Section 5 : Remèdes et politiques de relance ................................................................................. 45
Chapitre 3 : La crise financière mondiale de 2007-2008......................................................................
Section 1 : Situation de prélude...................................................................................................... 51
Section 2 : Déroulement de la crise ................................................................................................. 57
Section 3 : Réverbérations de la crise .............................................................................................. 60
Section 4 : Crise financière de 2008, quelles solutions ? .............................................................. 70
Chapitre 4 : Similarités et disparités entre les crises de 1929, 2008 et 2020 ......................................
Section 1 : Similitudes entre les crises financières de 1929 et 2008 ............................................ 77
Section 2 : Différences entre les crises financières de 1929 et 2008 ............................................ 81
Section 3 : Comparaison des crises financières de 1929 et 2008, quel bilan ?............................ 89
Section 4 : Analyse comparative de la crise de COVID-19 et les deux crises : .......................... 90
1) La crise de COVID-19 et la crise de 1929 : ....................................................................... 90
2) La crise de COVID-19 et la crise de 2008 : ....................................................................... 91
Conclusion générale: ........................................................................................................................... 94
Bibliographie........................................................................................................................................ 96

Vous aimerez peut-être aussi