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Giacomo Carissimi

(1605 – 1674)

J E P H T É

Le retour de Jephté,
(1700-1725)
Giovanni Antonio Pellegrini
(1675 – 1741)

Oratorio pour chœur, solistes et piano

CANT’ORENS – Fonds de partitions


Saison 2007 - 2008
2e édition
Giacomo CARISSIMI
1605 – 1674

Le retour de Jephté
Giuseppe BAZZANI (1730 – 1769)

La fille de Jephté (1890)


Édouard DEBAT-PONSAN (1847 – 1913)

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Giacomo Carissimi
(baptisé le 18 avril 1605, mort à Rome le 12 janvier 1674) fut un compositeur italien, l’un des plus émi-
nents de la période baroque et un des principaux représentants de l’École romaine.
Il fut maître de chapelle à l’église du Collegio germanico à Rome de 1629 à sa mort. Il fut invité à Venise
et à Vienne (Autriche) mais il déclina les postes proposés. Figure marquante de la musique du XVIIe siècle,
Giacomo Carissimi a exercé son influence non seulement en Italie, mais dans l’Europe entière. Il eut de
nombreux élèves dont Marc-Antoine Charpentier et Alessandro Scarlatti. Choisi pour Àque instrumentale,
et fut le premier qui employa la cantate pour des sujets religieux.
Dans ses oratorios, il donne au récitant un rôle dramatique peu différent des autres personnages, allant
même jusqu’à donner le récit à dire à des protagonistes. L’art de Carissimi est fait à la fois d’une grande sim-
plicité, d’un dépouillement profondément religieux et de richesse émotionnelle, de sens dramatique, de
variété formelle. Il continue le simple style expressif de Monteverdi. Il a influencé toute la musique reli-
gieuse, notamment dans le genre de l’oratorio que M. A. Charpentier, Bach ou Haendel ont développé à sa
suite. La plupart de ses oeuvres romaines ne sont connues que par des copies, les autographes ayant été dis-
persés ou détruits après la dissolution de l’ordre des jésuites en 1773.

L’histoire de Jephté.
On situe entre l’an 1200 et 1050 av. J. C. la période des Juges, entre l’arrivée à l’ouest du Jourdain des
Hébreux venant d’Égypte en Canaan et le début du règne de David. Ce pays de Canaan a vu des rivalités
nombreuses : d’abord pour se faire une place auprès des occupants les Cananéens, puis avec d’autres peu-
ples voisins comme les Moabites (Éhud), les Ammonites (Jephté), les Madianites (Gédéon), les Philistins
(Samson). Des associations entre tribus selon les intérêts du moment entraînent des conflits incessants. On
sait que Jephté, un mercenaire, a été appelé pour apporter son aide aux Hébreux. Sa victoire sur les
Ammonites lui a valu d’être choisi comme chef de ceux qui l’ont appelé.
Le vœu qu’il a fait s’inscrit dans une pratique fréquente soit pour demander une faveur, soit pour
remercier ou honorer les divinités. On pense au vœu propitiatoire célèbre d’Agamemnon qui doit sacrifier
sa fille Iphigénie afin d’attirer la faveur des dieux au moment de partir pour l’expédition contre Troie.
S'il veut honorer Dieu, Jephté, pris à sa promesse, doit tuer sa propre fille.
“Il était expressément ordonné par la loi juive d'immoler les hommes voués au Seigneur :
«Tout homme voué ne sera point racheté, mais sera mis à mort sans rémission.» La Vulgate traduit : Non
redimetur, sed morte morietur. (Lévitique, chap. XXVII, v. 29)
C'est en vertu de cette loi que Samuel coupa en morceaux le roi Agag, à qui (...) Saül avait pardonné;
et c'est même pour avoir épargné Agag que Saül fut réprouvé du Seigneur et perdit son royaume.”
Voltaire, Dictionnaire philosohique

On lira avec intérêt des développements et des commentaires sur le site


http://www.epal.fr/etudes-bibliques/sab/dures_paroles/legere.htm

Ou encore dans les éclaircissements de l’édition de la Bible de Jérusalem (ed. du Cerf),


notamment dans son Introduction au livre de Josué :
http://bibliotheque.editionsducerf.fr/par%20page/84/TM.htm#

ou enfin dans un autre genre :


http://www.med.univ-angers.fr/discipline/pedopsy/ASE/parentalite/parentalitepeinture03b.htm

L’histoire de Jephté a inspiré de très nombreux peintres et musiciens. On peut voir par exemple
à Carcassonne l’admirable J e p h t é d’Édouard Debat-Ponsan.

notes recueillies par Max COLLET

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Traduction
I Histoire XV Jephté
Comme le roi des Fils d'Ammon avait provoqué au Malheur à moi ! Ma fille, dans quel piège tu me fais tomber,
combat les fils d'Israël toi ma fille unique, et tu es cause, ah ! ma fille ! de mon
sans vouloir acquiescer aux paroles de Jephté infortune.
L'esprit du seigneur fut sur Jephté qui, en marchant sur XVI Fille
les fils d'Ammon, fit ce vœu au seigneur en disant : Pourquoi donc, père, te fais-je tomber dans un piège, et
II Jephté pourquoi moi, ta fille unique,
Si le seigneur livre entre mes mains les fils d'Ammon, suis-je cause de ton infortune ?
celui qui le premier sortira de ma maison, venant à ma XVII Jephté
rencontre, je l'offrirai au seigneur en holocauste. J'ai promis au Seigneur que le premier
III Chœur qui sortirait de ma maison, venant à ma rencontre,
Donc Jephté marcha contre les fils d'Ammon pour je l'offrirais au Seigneur, en Holocauste.
combattre courageusement contre eux Malheur à moi, ma fille, dans quel piège
avec la force de Dieu. tu me fais tomber, toi ma fille unique,
IV Histoire et tu es cause, ah ! ma fille ! de mon infortune.
Les trompettes sonnaient, les timbales retentissaient, et XVIII Fille
le combat s'engagea contre Ammon. Mon père, si tu as fais vœu au Seigneur, revenant victorieux
V Basse solo de tes ennemis, me voici, moi, ta fille unique. Offre moi en
Fuyez, reculez, impies, périssez infidèles, sacrifice pour ta victoire.
succombez sous les glaives. Seulement, mon père, accorde moi une seule chose,
Le seigneur des armées s'est dressé dans la mêlée et avant que je ne meure.
combat contre vous. XIX Jephté
VI Chœur Qu'est-ce qui pourra te consoler, toi qui vas mourir ?
Fuyez, reculez, impies, effondrez vous XX Fille
et sous la fureur des glaives, éparpillez vous. Permets moi d'errer sur les montagnes
VII Histoire pendant deux mois afin qu'avec mes compagnes
Et Jephté détruisit vingt villes d'Ammon je pleure ma virginité.
en un désastre immense. XXI Jephté
VIII Histoire Va ma fille unique et pleure ta virginité.
Et, poussant des cris affreux, les Fils d'Ammon furent XXII Histoire
humiliés devant les fils d'Israël. La fille de Jephté partit donc sur les montagnes
IX Histoire et pleura avec ses compagnes sa virginité en disant :
Comme Jephté, victorieux, revenait vers sa maison, sa XXIII Fille
fille unique accourut à lui Pleurez collines, affligez vous montagnes,
au son des tambourins et des danses. et dans le chagrin de mon cœur gémissez
X Fille (écho : gémissez)
Jouez tambourins, résonnez cymbales. Chantons un je vais mourir vierge
hymne au Seigneur et à ma mort je ne pourrai être consolée par mes fils.
et entonnons un cantique. Gémissez forêts, fontaines et fleuves,
Louons le Roi du ciel, pleurez la mort d'une vierge.
louons le Seigneur des armées, (écho : pleurez )
qui rendit victorieux le chef des fils d'Israël. Malheur à moi qui souffre au milieu de l'allégresse publique
XI Chœur dans la victoire d'Israël
Chantons un hymne et entonnons un cantique et dans la gloire de mon père.
au Seigneur qui nous donna la gloire Moi, vierge sans enfant, moi fille unique, je vais mourir
et à Israël la victoire. et je ne vivrai pas.
XII Fille Hérissez vous rochers, tremblez collines,
Chantez avec moi le Seigneur, chantez tous les peuples, vallées et cavernes, résonnez de sons horribles.
louez le Seigneur des armées, (écho : résonnez )
qui nous donna la gloire et à Israël la victoire. Pleurez fils d'Israël, pleurez ma virginité
XIII Chœur et pour la fille unique de Jephté,
Chantons tous le Seigneur, louons le Seigneur des chantez un chant de deuil.
armées qui nous donna la gloire et à Israël la victoire. XXIV Chœur
XIV. Histoire Pleurez fils d'Israël,
Dès que Jephté, qui avait fait vœu au Seigneur, et vous toutes les vierges pleurez,
vit sa fille accourir vers lui, il déchira ses vêtements et pour la fille unique de Jephté,
en signe de douleur et dit en pleurant : chantez un chant de deuil.

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L’oratorio
Une des définitions les plus précises de l'oratorio est fournie par Sébastien de Brossard dans son
Dictionnaire de musique (1703) : « C'est une espèce d'opéra spirituel, ou un tissu de dialogues, de récits, de duos,
de trios, de ritournelles, de grands chœurs, etc., dont le sujet est pris ou de l'Écriture ou de l'histoire de quelque
saint ou sainte. Ou bien c'est une allégorie sur quelqu'un des mystères de la religion ou quelque point de morale,
etc. La musique en doit être enrichie de tout ce que l'art a de plus fin et de plus recherché. Les paroles sont pres-
que toujours latines et tirées pour l'ordinaire de l'Écriture sainte. Il y en a beaucoup dont les paroles sont en ita-
lien et l'on pourrait en faire en français. » De plus, cette définition est assez proche de la naissance du genre pour
en rappeler les origines.
Confluent de courants nombreux et divers, comme le mistère médiéval, le lauda franciscain et la cantate
italienne, l'oratorio est un des genres les plus florissants de la musique vocale et instrumentale depuis la fin du
XVIe siècle. De ses origines populaires, proches de la naissance du spiritual des Noirs d'Amérique du Nord, il a
gardé jusqu'à nos jours une large audience auprès de publics les plus divers. Sa richesse s'étend des chefs-d'œuvre
de Bach, Haendel et Haydn aux Histoires sacrées de Marc-Antoine Charpentier, des pastorales tchèques pour Noël
à la Passion selon saint Luc du Polonais Krzysztof Penderecki. Jailli de l'expérience religieuse de communautés
parfaitement définies, l'oratorio est devenu le véhicule sonore de messages concernant tous les hommes.
(extrait de l’Encyclopædia Universalis)

L’histoire de Jephté a été reprise par peu d’auteurs. On peut citer notamment
Georg Friedrich Haendel (1685 – 1759): Jephta, 1752
Henri Joseph Rigel (1741–1799) : Jephté, 1783.

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XVII Jephté (ténor)

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XXII (chœur)

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Alfred de VIGNY (1797-1863)
(Poèmes antiques et modernes)

La fille de Jephté

Voilà ce qu'ont chanté les filles d'Israël, Et ses bras à Jephté donnés avec tendresse,
Et leurs pleurs ont coulé sur l'herbe du Carmel : Suspendant à son col leur pieuse caresse :
" Mon père, embrassez-moi ! D'où naissent vos retards ?
- Jephté de Galaad a ravagé trois villes ; " Je ne vois que vos pleurs et non pas vos regards.
Abel ! la flamme a lui sur tes vignes fertiles !
Aroër sous la cendre éteignit ses chansons, " Je n'ai point oublié l'encens du sacrifice :
Et Mennith s'est assise en pleurant ses moissons ! " J'offrais pour vous hier la naissante génisse.
" Qui peut vous affliger ? Le Seigneur n'a-t-il pas
Tous les guerriers d'Ammon sont détruits, et leur terre " Renversé les cités au seul bruit de vos pas ? "
Du Seigneur notre Dieu reste la tributaire.
Israël est vainqueur, et par ses cris perçants - " C'est vous, hélas ! c'est vous, ma fille bien-aimée ? "
Reconnaît du Très-Haut les secours tout-puissants. Dit le père en rouvrant sa paupière enflammée ;
" Faut-il que ce soit vous ! ô douleur des douleurs !
A l'hymne universel que le désert répète " Que vos embrassements feront couler de pleurs !
Se mêle en longs éclats le son de la trompette
Et l'armée, en marchant vers les tours de Maspha, " Seigneur, vous êtes bien le Dieu de la vengeance :
Leur raconte de loin que Jephté triompha. " En échange du crime il vous faut l'innocence.
" C'est la vapeur du sang qui plaît au Dieu jaloux !
Le peuple tout entier tressaille de la fête. " Je lui dois une hostie, ô ma fille ! et c'est vous ! "
- Mais le sombre vainqueur marche en baissant la tête ;
Sourd à ce bruit de gloire, et seul, silencieux - " Moi ! " dit-elle. Et ses yeux se remplirent de larmes.
Tout à coup il s'arrête, il a fermé ses yeux. Elle était jeune et belle, et la vie a des charmes.
Puis elle répondit : " Oh ! si votre serment
Il a fermé ses yeux, car au loin, de la ville, " Dispose de mes jours, permettez seulement
Les vierges, en chantant, d'un pas lent et tranquille,
Venaient ; il entrevoit le chœur religieux, " Qu'emmenant avec moi les vierges, mes compagnes,
C'est pourquoi, plein de crainte, il a fermé ses yeux. " J'aille deux mois entiers sur le haut des montagnes,
" Pour la dernière fois, errante en liberté,
Il entend le concert qui s'approche et l'honore : " Pleurer sur ma jeunesse et ma virginité !
La harpe harmonieuse et le tambour sonore,
Et la lyre aux dix voix, et le kinnor léger, " Car je n'aurai jamais, de mes mains orgueilleuses,
Et les sons argentins du nebel étranger, " Purifié mon fils sous les eaux merveilleuses ;
" Vous n'aurez pas béni sa venue, et mes pleurs
Puis, de plus près, les chants, leurs paroles pieuses, " Et mes chants n'auront pas endormi ses douleurs ;
Et les pas mesurés en des danses joyeuses,
Et, par des bruits flatteurs, les mains frappant les mains, " Et le jour de ma mort, nulle vierge jalouse
Et de rameaux fleuris parfumant les chemins. " Ne viendra demander de qui je fus l'épouse,
" Quel guerrier prend pour moi le cilice et le deuil :
Ses genoux ont tremblé sous le poids de ses armes ; " Et seul vous pleurerez autour de mon cercueil. "
Sa paupière s'entr'ouvre à ses premières larmes
C'est que, parmi les voix, le père a reconnu Après ces mots, l'armée assise tout entière
La voix la plus aimée à ce chant ingénu : Pleurait, et sur son front répandait la poussière.
Jephté sous un manteau tenait ses pleurs voilés ;
- " O vierges d'Israël ! ma couronne s'apprête Mais, parmi les sanglots, on entendit : " Allez. "
" La première à parer les cheveux de sa tête ;
" C'est mon père, et jamais un autre enfant que moi Elle inclina la tête et partit. Ses compagnes,
" N'augmenta la famille heureuse sous sa loi. " Comme nous la pleurons, pleuraient sur les montagnes.
Puis elle vint s'offrir au couteau paternel.
- Voilà ce qu'ont chanté les filles d'Israël.

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Ta b l e d u c o n t e n u

Jephté dans la peinture ................................i


Notes sur l’auteur et l’œuvre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ii
Traduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . iii
I. Récit (soprano solo) Cum vocasset in prœlium . . . . . . . . . . . 1
II. Jephté (ténor solo) Si tradiderit Dominus . . . . . . . . . . . . . . 1
III. Chœur Transivit ergo Jephté . . . . . . . . . . . . . . . 2
IV. Récit à 2 voix Et clangebant tubæ . . . . . . . . . . . . . . . . 4
V. Basse solo Fugite, cedite impii . . . . . . . . . . . . . . . . 5
VI. Chœur Fugite, cedite, impii . . . . . . . . . . . . . . . . 6
VII. Récit, (soprano solo) Et percussit Jephte . . . . . . . . . . . . . . . . 9
VIII. Récit à 3 voix (chœur ad libitum) Et ululantes filii Amon . . . . . . . . . . . . . 9
IX. Récit (basse solo) Cum autem victor Jephte . . . . . . . . . . . 10
Notes sur l’oratorio . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
X. Filia (soprano solo) Incipite in tympanis . . . . . . . . . . . . . . . 11
XI. à 2 voix Hymnum cantemus Domino . . . . . . . . 13
XII. Filia (soprano solo) Cantate mecum Domino . . . . . . . . . . . 14
XIII. Chœur Cantemus omnes Domino . . . . . . . . . . 15
XIV. Récit (alto solo) Cum vidisset Jephte . . . . . . . . . . . . . . . 19
XV. Jephté (ténor solo) Heu mihi ! filia mea . . . . . . . . . . . . . . . . 19
XVI. Filia (soprano solo) Cur te, pater, decepi . . . . . . . . . . . . . . . 20
XVII. Jephté (ténor solo) Aperui os meum ad Dominum . . . . . . 20
XVIII. Filia (alto solo) Pater mi, si voviste votum Domino . . . 21
XIX. Jephté (ténor solo) Quid poterit animam tuam . . . . . . . . . . 22
XX. Filia (soprano solo) Dimitte me . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22
XXI. Jephté (ténor solo) Vade filia mea . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
XXII. Récit à 4 voix (chœur ad libitum) Abiit ergo in montes . . . . . . . . . . . . . . . 23
XXIII. Filia - écho Plorate colles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24
XXIV. Chœur Plorate filii Israël . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27
Vigny : La fille de Jephté . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31

Imprimé par REPROSUD– LABÈGE (31319)


07-05-2008

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