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Modèle sémiotique génératif appliqué à la création publicitaire : première

application

Boris Maynadier
Doctorant CRG/IAE Toulouse
46, boulevard d’Arcole – 31000 Toulouse
b_maynadier@yahoo.fr

L’auteur remercie vivement le Professeur Jean-Marc Décaudin pour ses conseils.

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Modèle sémiotique génératif appliqué à la création publicitaire : première
application

Résumé
La création d’une publicité en agence met en jeu un processus de production de sens
complexe. Pour mettre à jour ce processus, jusqu’ici présenté comme linéaire, nous
appliquons une grille d’analyse issue de la sémiotique générative. L’analyse sémiotique d’un
corpus qualitatif riche, recueilli par entretiens approfondis et observation participante en
agence de publicité, met en évidence les effets de perte et de gain de sens irréductibles à la
pratique créative. Le modèle sémiotique s’avère pertinent et apte à mettre en évidence des
effets de sens jusque-là passés inaperçus. De nouvelles voies de recherche et d’application du
schéma génératif sont proposées.

Mots-clés : Sémiotique générative, création publicitaire, observation participante

Generative semiotic model applied to advertising creation : first application

Abstract
The creation of an advertising in agency involves a process of production of complex
meaning. To update this process, up to here presented as linear, we apply a generative
semiotics grid. The semiotic analysis of a rich qualitative corpus, collected by detailed
interviews and participating observation in advertising agency, brings to light the effects of
loss and gain of meaning in the creative practice. The semiotic model turns out relevant and
capable of bringing to light effects of meaning up to there unnoticed. New ways of research
and application of the generative grid are proposed.

Keywords : Generative semiotics, advertising creation, participating observation

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INTRODUCTION
La production d'une publicité, de la première prise de brief à sa réalisation, est le plus souvent
présentée comme un processus séquentiel linéaire (e.g. définition de la cible - détermination
de la stratégie publicitaire - création publicitaire - pré-tests et mise en oeuvre de la campagne),
notamment dans les manuels destinés aux étudiants et aux professionnels du marketing
(Malaval, Décaudin et Bénaroya, 2005, p.104 ; Lendrevie et Baynast, 2004). La
rationalisation de la pratique publicitaire, même si elle met en jeu des allers-retours entre
agence et annonceur (Holtz, Ryans et Shanklin, 1982 ; Pollay et Swinth, 1969), ou des
corrections à la suite d'un pré-test (Dalal et Srinivasan, 1977), invite en effet à cette
représentation linéaire, particulièrement dans un discours à vocation didactique.
Cependant, malgré cette linéarité supposée, nous remarquons que les processus de création
d’une publicité ne sont pas sans poser problème. Est notamment posé celui du rapport entre
"créativité" et respect des objectifs stratégiques formulés par l'annonceur (Malaval, Décaudin
et Bénaroya, 2005, p.118). Ainsi, les mêmes manuels font état de différents outils et
techniques ayant pour objectif de gérer les aléas empiriques irréductibles à la création
publicitaire. Parmi ces outils, les plates-formes créatives jouent un rôle tout à fait central
(Joannis, 1987 ; Joannis et de Barnier, 2005), de condensation stratégique et d'invitation au
déploiement créatif. Elles font par ailleurs l'objet de nombreux ajustements, dans diverses
versions, au sein des agences de publicité.
La recherche académique envisage au moins deux approches des problématiques de la
production publicitaire. La première est celle du contrôle (Kirpilani, Laroche et Darmon, 1992
; Caumont, 1988) et de l'évaluation de la création, du travail des "créatifs" (cette catégorie
englobe les postes de concepteurs-rédacteurs, de directeurs artistiques et de directeurs de
création). Au cours d'enquêtes de terrain, les chercheurs s'aperçoivent en effet du caractère
imprévisible du travail de création publicitaire. Cette imprévisibilité génère chez les
annonceurs le besoin de contrôle du processus de création, contrôle parfois perçu
négativement par les créatifs (Kover et Goldberg, 1995). Il existe en effet un risque que le
contrôle de la création devienne un inhibiteur. C'est parfois le cas des tests qui, outre les
questions méthodologiques, peuvent se révéler contre-productifs dans le processus de création
(Young, 2000 ; Kover et Goldberg, 1995). Dans ce sens, il est reproché aux chercheurs de
focaliser sur cette dimension évaluative (Kover et Goldberg, 1995), ce qui met en évidence la
distance qui sépare les préoccupations des praticiens de celles des chercheurs (Nyilasy et Reid
2007). Nous distinguons aussi une seconde approche académique. Celle-ci semble s'intéresser
avant tout à la compréhension des processus de création en analysant les pratiques concrètes

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(Young, 2000 ; Kover et Goldberg, 1995). Il s'agit alors de saisir les spécificités du travail
créatif publicitaire, qui n'est jamais simple, et l'identité mise en jeu dans la pratique
professionnelle (Hackley et Kover, 2007 ; Young, 2000 ; Hirschman, 1989), productrice d'une
culture (Hirschman, 1989). Il nous semble que cette voie est particulièrement intéressante et
peut permettre d'éclairer la première.
La présente recherche propose une première application d’un modèle sémiotique génératif,
présenté récemment par Fontanille (2006a ; 2006b). La sémiotique propose d’étudier la
signification, et notamment les modalités selon lesquelles elle est générée, question
absolument centrale dans l’étude de la gestion marketing (Mick et alii., 1998). Nous
souhaitons montrer ici comment l’analyse sémiotique peut éclairer les pratiques
professionnelles publicitaires. Mais nous insistons ici sur le fait que l’approche générative
peut se révéler pertinente dans tous les cas où nous sommes confrontés à des phénomènes
signifiants, comme la gestion de marque par exemple (e.g. Semprini, 2005).
Aussi, nous proposons d'étudier les processus de génération de sens dans la production d'une
publicité, avec un focus sur la pratique des "créatifs". Notre étude questionne la dimension
sémiotique, et non communicationnelle ou sociologique, de la création publicitaire : il semble
en effet que le problème de la génération de signification soit ici central. Il s'agit donc
d'étudier les effets de sens qui entrent en jeu avec, comme élément qui attire notre attention, le
rôle joué par les plates-formes créatives au sein du processus. Cette hypothèse, selon laquelle
la copy strategy joue un rôle central dans la construction de la signification, émerge tant de
l'analyse de la littérature (Farrall et Whitelock, 2001 ; Hasegawa et Ramaprasad 1992) que de
celle du terrain. La question centrale de cette recherche est : comment le sens est-il généré
dans le cadre de la production d’une publicité ?
L’article présente, dans un premier temps, le modèle sémiotique génératif utilisé dans le cadre
de l’analyse puis, dans un deuxième temps, la méthodologie et le terrain qui ont permis de
constituer le corpus de données. Est ensuite décrite l’analyse de ce corpus grâce à la démarche
sémiotique, suivie d’une mise en perspective de la démarche et de la proposition de voies de
recherche.

I. LA GRILLE D’ANALYSE
L'analyse du sens est menée dans une perspective générative. Elle diffère en cela des travaux
précédents, menés sur des terrains similaires, qui ne font appel à aucune grille spécifique (e.g.
Hirshman, 1989). Le choix d'une grille générative est fait en regard du terrain et de la
problématique, puisqu'il s'agit "de produire, d'engendrer" du sens (voir Greimas et Courtés,

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1993, p.161). Nous proposons d’abord (1.1 et 1.2) une approche théorique du modèle
génératif, puis (1.3) une illustration du schéma grâce à la littérature portant sur la publicité.

1.1 Le schéma génératif


Le schéma génératif, issu de la grammaire générative (Chomsky, 1977), présente un ensemble
de règles qui font passer de la structure profonde de la signification à la structure de surface.
Ce processus est, selon les sémioticiens et linguistes, présent dans toutes les langues. Le
schéma génératif est développé comme un modèle sémiotique en réaction et en
complémentarité avec les démarches structurales fondées sur les travaux de Saussure (1915)
suivis de ceux de Greimas (e.g. Greima et Courtés, 1993), puis proposé dans le cadre
d'analyses marketing dans les années 1990 (Semprini, 1992 ; Floch, 1990).
Nous distinguons deux étapes de développement du schéma génératif sémiotique. Un premier
modèle génératif a été utilisé en marketing, notamment dans le cadre d'analyses de marques
(Semprini, 2005 ; Heilbrunn et Hetzel, 2003 ; Semprini, 1992). Il est constitué de trois
niveaux :
(a) Niveau axiologique : c'est le niveau identitaire, des valeurs, plutôt invariant et abstrait.
(b) Niveau thématique ou narratif : thèmes de communication, thèmes de la marque, type de
narration proposée constituent ce niveau
(c) Niveau de surface : niveau mondain, concret, variant et complexe, correspondant à la
dimension sensible (objets, formes, couleurs, personnages, etc.).
La génération de sens correspond au parcours qui va du niveau le plus abstrait (axiologique)
au plus concret, sensible (surface). Ce schéma a montré sa pertinence (Heilbrunn et Hetzel,
2003), si l'on considère l'activité marketing comme activité de production de signification,
une sémiotique "en acte" pour reprendre les mots de Floch (1990, p.13). Cependant, malgré
cette pertinence, il nous éclaire peu sur la problématique qui nous intéresse, dans la mesure où
le processus de génération s’y présente comme linéaire, sur le plan du contenu. Il ne rend
compte d'aucune complexité dans la génération de sens. Du niveau le plus abstrait au niveau
le plus concret, le sens semble suivre un parcours d'enrichissement ininterrompu.

1.2 Le schéma en six niveaux de pertinence


À la suite de ce modèle en trois niveaux, Fontanille (2006a ; 2006b) propose un schéma
génératif du plan de l’expression présentant un nombre de niveau plus important qui permet
une compréhension plus fine des processus de génération du sens. Le modèle propose six
niveaux :

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(1) Signes et figures
(2) Textes-énoncés
(3) Objets-supports
(4) Pratiques et scènes
(5) Stratégies et situations
(6) Forme de vie
Le principe de génération, de l'abstrait au concret, est identique au précédent. Il "se propose
de prendre en charge l'ensemble des niveaux pertinents où les significations culturelles
peuvent s'exprimer" (Fontanille, 2006a). Il s'agit donc d'une sémiotique de la culture, c'est-à-
dire que les processus de signification s'inscrivent au sein d'une culture et que le contenu est
défini par elle. Il est aussi régi par les principes de hiérarchisation et d'articulation des niveaux
de pertinence. Les niveaux sont ordonnés et leurs relations répondent à des règles sémiotiques
qui peuvent être mises à jour.
L’auteur, par cette proposition, vise à montrer les rapports qui existent entre des niveaux de
pertinence et à les articuler. Articuler une sémiotique des textes avec une sémiotique des
objets ou une sémiotique des situations et des stratégies, cela permet d’en dessiner les
complémentarités, et de les agencer de manière efficiente, dans un schéma qui les traverse
toutes. Une telle grille devrait donc nous permettre de saisir l'ensemble des processus de
significations en jeu dans la production créative d'une publicité.
Les six niveaux de pertinence doivent être définis de la manière la plus claire et précise
possible. Nous essayons donc de limiter le vocabulaire sémiotique pour lui préférer une
terminologie marketing illustrative. Il s’agit de proposer un premier travail de traduction des
notions sémiotiques, sans prétendre atteindre, par ce premier essai, à une version aboutie.
Nous proposons donc une formulation du schéma en la nourrissant d’exemples susceptibles
de renvoyer le lecteur à l’univers de la gestion marketing et publicitaire. La proposition qui
suit fait sans cesse référence aux travaux de Fontanille (2006a ; 2006b), que nous nous
abstenons donc de noter de manière redondante.
(1) Signes et figures
Les signes sont les "unités minimales". Logotypes, chartes graphiques, éléments visuels,
typographies. Dans le métier publicitaire, ce niveau concerne avant tout un travail technique
de mise en forme, souvent pris en charge par des "exécutants" en matière graphique, et fait
appel à la virtuosité des praticiens dans la réalisation. Par exemple, un logotype dans ce qu'il a
de non-textuel, les images d'un site Internet ou d'un packaging.
Les travaux de Floch (1995) et Heilbrunn (2001) mettent en évidence l’importance des

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logotypes comme figures élémentaires de l’identité d’une marque, ainsi que les structures
sémiotiques qui sous-tendent leur création. Mollerup (1997, in Mick et alii. 1998) propose
une classification des marques en fonction de leur structure sémiotique. Si les figures
uniquement graphiques appartiennent à ce premier niveau de pertinence, les logotypes
intégrant un texte font partie du deuxième niveau.
(2) Textes-énoncés
Les unités minimales du premier niveau constituent des "ensembles signifiants", des énoncés
agrégeant les éléments du niveau 1. Ce qui est un travail sur la typographie du mot au premier
niveau devient un texte à celui-ci. Il relève alors de la compétence du rédacteur et non plus du
graphiste. De la même manière, les différents éléments graphiques d'une annonce en font un
véritable énoncé publicitaire, un ensemble signifiant émerge alors.
Dans son travail de taxinomie des marques, Mollerup (1997, in Mick et alii. 1998) met en
évidence celles qui sont constituées comme des énoncés, c’est-à-dire qui intègrent des signes
textuels. Floch (1995) met lui aussi en évidence cette dimension, en comparant par symétrie le
logo de la marque IBM, un texte-énoncé, à celui de la marque Apple, une figure minimale
sans texte, une pomme.
(3) Objets-supports
Il s'agit des "choses" qui peuvent avoir un double statut sémiotique. C'est par exemple la
différence entre une affiche et un affichage. L'affiche est le support de textes-énoncés (en
relation avec le niveau 2), un "dispositif d'inscription" ; alors que l'affichage, par exemple un
4x3, est un objet intégré au sein d'une scène (niveau 4) urbaine, une rue, une avenue ou autre.
Autre exemple : le chariot utilisé par les acheteurs dans un supermarché est à la fois support
de publicités et objet d'une pratique d'achat, ou d'une pratique ludique pour des enfants.
Dano (1998) a proposé un travail sur les packagings et les effets de sens qu’ils peuvent
générer, en reprenant le carré des valeurs de consommation proposé par Floch (1990). L’étude
porte donc sur le sens des objets-supports concrets, en trois dimensions. Cependant, l’auteur
ayant utilisé pour son étude des représentations de conditionnements, des dessins, et non des
objets concrets, la méthode l’empêche d’étudier l’objet-support dans toutes ses dimensions.
(4) Pratiques et scènes
Niveau de l'expérience telle qu'elle est vécue, la pratique publicitaire est relative au métier de
chacun des acteurs. Le niveau des pratiques met en jeu des expériences concrètes, au sein de
scènes qui les englobent. Par exemple, si la pratique est celle de l'achat, la scène est le rayon
du supermarché avec tous les objets-supports intégrés, du chariot, aux packagings, affichages,
etc. La scène est donc le lieu de la pratique : le citadin s'arrête devant l'affichage publicitaire,

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ou passe devant sans y faire attention, dans un quartier où sont stationnées des voitures, etc.
Joannis (1987) propose une méthode d’enseignement de la création publicitaire comme
pratique. Son travail est centré sur la pratique créative, intégrée dans une stratégie
pédagogique. Hirschman (1989) propose une étude des processus en jeu dans la création
d’une publicité, construisant un objet de recherche centré sur la pratique créative, comparable
au nôtre.
(5) Stratégies et situations
Les stratégies et les situations intègrent les pratiques et les scènes, elles les ajustent entre
elles. Ainsi, le choix de telle ou telle pratique publicitaire relève d'un choix stratégique, choix
inscrit dans une situation qui appelle cette stratégie. Par exemple, le choix de tel média plutôt
que de tel autre, de telle création plutôt que telle autre, en fonction d'une situation
concurrentielle donnée. Sont mises en jeu et en rapport autant les stratégies de l'annonceur
que de l'agence de publicité à ce niveau. Il implique aussi que les expériences vécues par le
consommateur, au niveau 4, sont intégrées dans ce niveau stratégique, de manière consciente
ou non.
Bertin (2003) propose une étude sémiotique des stratégies publicitaires. Il met en évidence
que ce thème n’a jamais cessé de concerner les sémioticiens, ni les publicitaires. Ce travail
entre en résonance avec le sous-titre que Floch avait choisi pour son ouvrage de référence :
« sous les signes, les stratégies », signifiant ainsi que la génération de signes est toujours un
fait stratégique.
(6) Formes de vie
Les stratégies s'inscrivent dans un style stratégique particulier, style qui relève de l’identité.
Cette classe générale et relativement stable définit un style fondé sur un ensemble de valeurs
qui font l'identité. Entrent ici en jeu les notions d'identité, de valeurs, de vision ou de mission
pour une marque par exemple. L’expérience sous-jacente à la forme de vie est « le sentiment
d’une identité de comportement ». La forme de vie englobe en effet tous les niveaux
inférieurs selon le principe d’intégration.
Floch (1990) a proposé une typologie des agences de publicité construite grâce à un carré
sémiotique. L’auteur positionne, grâce à un carré sémiotique, les agences de communication
en fonction de leur « style stratégique », lié à leurs créateurs respectifs et à leurs discours : ce
carré sémiotique met en évidence une « forme de vie ». Outre les travaux sur les agences de
publicité, ce niveau concerne aussi ceux menés sur les théories implicites (Kover, 1995) et les
identités des créatifs publicitaires (Kover 2007 ; Young, 2000), qui mettent en jeu dans leur
profession leurs valeurs et croyances individuelles.

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1.3 Le principe d'intégration
La hiérarchie des niveaux repose sur le principe d’intégration (Fontanille, 2006a, p.17). Cela
signifie que les niveaux les plus "hauts" intègrent les niveaux les plus "bas". Par exemple, un
emballage de biscuit est un support (3) qui intègre des énoncés (2) comme une liste
d’ingrédients et des figures (1) comme un logotype. Cet emballage est aussi objet (3), cet
objet est intégré au sein de pratiques (4) d'achat et de consommation, elles-mêmes intégrées
au sein de stratégies (5), comme gagner du temps ou vouloir dépenser moins et, enfin,
l’ensemble est intégré dans une identité, un style de vie (6) propre à tel ou tel individu qui
achète le produit. Il en va donc ainsi pour tous les niveaux, celui des formes de vies, qui
relève de l'identité, intégrant tous les autres dans un ordre hiérarchique défini.

1.4 Le sens ascendant et descendant, condensation et déploiement


Le schéma peut fonctionner selon deux sens : un dit descendant, l’autre dit ascendant. Le sens
descendant opère une condensation de la signification partant des formes de vie (6) vers les
figures (1). Le sens ascendant, à l’inverse, opère un déploiement de la signification, partant
des figures (1) vers les formes de vie (6). La condensation de sens, dans le mouvement
ascendant, exprime l’idée que les niveaux les plus abstraits sont condensés dans les niveaux
les plus concrets. Fontanille (2006a ; 2006b) choisit le terme de condensation en raison de la
perte inévitable d’un certain nombre de propriétés dans ce parcours. Inversement, le
déploiement du sens, dans l’intégration ascendante, exprime « l’augmentation du nombre de
dimensions » au fur et à mesure que le niveau d’abstraction augmente (Fontanille, 2006a). Se
produit alors un gain de sens. Condensation et déploiement du sens sont les « modes opératifs
respectifs de l’intégration descendante et ascendante ».
Une première analyse, trop superficielle, supposerait que les publicitaires opèrent des
condensations de sens, dans le sens descendant, de l'identité (6) et de la stratégie (5) de
l'annonceur dans des énoncés (2) publicitaires. Dans le sens inverse, les lecteurs d'une
annonce publicitaire en déploient le sens en l'interprétant, partant de l'énoncé (2) perçu vers
l'identité abstraite de l'annonceur ou les valeurs véhiculées dans l'annonce (6).

1.5 Les syncopes : du niveau n à (n ± x) où x > 1


Le schéma génératif propose donc six niveaux de pertinence, fonctionnant dans deux sens
inverses, et impliquant des pertes (condensation) ou des gains (déploiement) de signification.
Mais ce n’est pas tout. Les relations entre les différents niveaux du schéma ne sont pas

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obligatoirement linéaires, il est possible d’y observer des syncopes. Une syncope est le
passage d’un niveau à un autre en sautant un ou plusieurs niveaux intermédiaires, dans le sens
de la condensation ou celui du déploiement. Fontanille (2006a) choisit un exemple qui
convient bien aux gestionnaires de marque, celui du logo qui produit un effet de
symbolisation :
« Toutes proportions gardées, le logo d’une marque obéit formellement aux mêmes principes
de syncope descendante et de condensation ; mais, comme il s’agit d’un « texte », voire d’une
simple « figure », cette condensation est produite par une syncope de plus grande portée, qui
produit cette fois un effet de symbolisation : le logo manifeste alors sans médiation aussi bien
une scène figurative typique (un texte), une pratique (le métier de la marque), qu’une forme
de vie (des valeurs, un style stratégique, etc.). De la même manière, l’efficacité stratégique de
cette condensation dépend de sa capacité à produire une tension problématique, qui invite au
redéploiement interprétatif ascendant. La symbolisation est donc la version la plus radicale de
la condensation, avec syncope ascendante » (Fontanille, 2006a, p.29).
Un autre exemple, discuté plus loin, est celui d’un label qui intègre directement dans une
figure (1) les pratiques (4) d’une entreprise, sans passer par aucun niveau intermédiaire : le
label symbolise les « bonnes pratiques » de l’entreprise, il s’agit d’une condensation de sens
par syncope.

II. MÉTHODOLOGIE DE RECHERCHE


Nous cherchons à mettre à jour les effets de sens mis en jeu lors de la création d’une publicité,
grâce à une analyse sémiotique et au schéma génératif. Pour remplir cet objectif, il est
nécessaire de produire un corpus de données riche. Nous mettons pour cela en oeuvre une
méthode qualitative double, croisant observation participante et entretiens individuels en
profondeur.

2.1 Une méthode double


L'identification des processus sémiotiques appelle une démarche qualitative qui permette le
maximum de profondeur et de signification (Morin, 1984). Mais pour limiter les risques
d'erreur liés au travail de recueil des données, nous croisons deux méthodes qui se révèlent
complémentaires : un travail d'observation participante en agence de publicité, et une série
d'entretiens semi-directifs avec des praticiens.
Chacune des approches du terrain éclaire l'autre, car comment comprendre pleinement les
discours des praticiens sans jamais avoir soi-même expérimenté cette pratique ; et comment

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se satisfaire de la subjectivité d'une observation participante sans l'enregistrement de données
provenant d'autres sources ?
Conformément à la démarche proposée par Morin, notre approche méthodologique
"s'applique à envelopper le phénomène (observation), à en reconnaître les énergies (praxis), à
le provoquer aux points stratégiques (intervention), à le pénétrer par l'intimité individuelle
(interview), à interroger l'acte, la parole, les choses" (Morin, 1984, p.222-223). Ainsi, les
entretiens suivent une phase d'observation qui permet de mettre en évidence les "points
stratégiques" qu'il est important d’investiguer.

2.2 La notion de processus et le dialogue des méthodes


Nous faisons appel à la notion de processus pour décrire le phénomène étudié : le processus
de création publicitaire. Il faut le comprendre dans notre cas comme le "déroulement d'une
situation (...) où les actes de chacun comptent, où rien n'est joué d'avance et qui, pour autant,
échappe à chacun des participants" (Beaud et Weber, 2003, p.305). Cela implique notamment
que l'observateur participant n'est pas à même d'embrasser globalement une situation, puisque
limitant le chercheur à la position d'un participant. Elle est donc complétée par les entretiens.
Il faut aussi préciser que l'observation permet de se familiariser, de s'initier au vocabulaire, au
langage spécifique utilisé par les créatifs en publicité, il permet de les comprendre plus
immédiatement et mieux, ce qui rend cette expérience indispensable.
Le lien entre le travail par entretien et l'enquête de terrain à proprement parler est
fondamental. C'est en effet de la rencontre et du dialogue entre ces deux méthodes qu'émerge
une grande partie de la richesse des données et de leur analyse. Cela est rendu possible grâce à
une grille d'analyse commune, c'est-à-dire, ici, le modèle génératif, qui doit permettre de
mettre à jour les effets de sens qui sont restés cachés jusque-là.

2.3 L’observation participante


Cette pratique ethnographique s'inscrit dans le cadre d'une activité professionnelle comme
concepteur-rédacteur au sein d’une agence de publicité. L’agence compte 30 personnes
environ, dont 1 directeur de création, 2 directeurs artistiques, 2 concepteurs rédacteurs, 4
exécutants graphiques et 1 planner stratégique. L'agence, positionnée comme généraliste, au
sein d’un groupe international, propose des créations sur tous les médias ainsi que sur des
supports hors média. La phase d’observation est non "dissimulée" (Thiétart, 2007, p.244),
c'est-à-dire que nous avons notifié aux sujets observés notre qualité de chercheur. Un des
défis est de la faire oublier pour pouvoir tenir le rôle d'un professionnel et ainsi recueillir les

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données inhérentes à la vie de l'agence de publicité. La promesse a été faite aux dirigeants de
l'agence de préserver le maximum d’anonymat et que l’agence ne pourrait être reconnue à la
lecture des résultats de la recherche. Cette condition a été nécessaire pour bénéficier de leur
pleine confiance et avoir accès à des documents à forte dimension stratégique (le risque de
perte de notre terrain était réel). Nous avons opéré, dans notre pratique, un découpage
temporel permettant de délimiter des frontières claires à notre observation. Ainsi, l'étude porte
sur 3 mois de pratique, à un poste de concepteur-rédacteur.

2.4 Le recueil de documents


Durant cette période, nous avons procédé à un recueil de supports le plus exhaustif possible :
• "books de présentation" : documents visant à présenter les créations aux annonceurs ;
• "roughs" : avant la finalisation, souvent coûteuse, de la création, un "rough" permet de
se faire une idée de ce que devra être cette création, il s'agit d'un intermédiaire dessiné
dans le plus grand respect possible des idées des créatifs ;
• "copy strategies", il s'agit du type de plate-forme de création utilisée au sein de
l'agence ;
• "story-boards", documents visant à préfigurer une création audio-visuelle ;
• Rédactionnels presse, radio, ou hors média, les exercices rédactionnels sont variés et
les techniques différentes, selon les médias et les problématiques en jeu.
Ces documents font l’objet d’une analyse portant sur leur rôle dans le processus de création.
Ils permettent ainsi d’éclairer et de compléter le recueil de données par le journal de terrain.
Nous avons prêté une attention particulière à l’énoncé qu’est la copy strategy, car elle articule
théoriquement les dimensions « stratégique » et « créative » de la pratique publicitaire
(Malaval, Décaudin et Bénaroya, 2005).

2.5 Le journal de terrain


Le principal outil scientifique utilisé dans le cadre de l'observation participante est un journal
de terrain (A1). Ce document est un journal de bord qui accompagne le chercheur tout au long
de cette approche empirique. L'utilisation d'un carnet de terrain permet notamment de
compléter et de comprendre les documents recueillis en les situant par rapport aux pratiques.
Il permet surtout la construction d’une approche théorique au fur et à mesure que
l’observation du terrain se déroule. Il s'agit concrètement de plusieurs carnets épais sur
lesquels sont prises des notes qui permettent de reconstituer les scènes et situations observées.

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Un journal de terrain est constitué de deux faces (Beaud et Weber, 2003, p.95). La première
est le journal d'enquête. Y sont notés quotidiennement, sans autre souci de style que la
compréhension, dans un style télégraphique, les événements, noms, dates, descriptions, récits
et impressions. En pratique, le journal d'enquête occupe les pages de droite d'un journal de
terrain. Sur les pages de gauche prend forme le journal de recherche, où prend place une
approche plus réflexive que celle du journal d'enquête, qui se veut descriptif. Il s'agit de
proposer les premières réflexions en termes d'hypothèses, de questions de recherche, de plan.
Pour notre compte, il est important d'identifier les points stratégiques de la pratique créative
en agence de publicité et d'entamer une analyse en fonction de la grille sémiotique présentée
plus haut. Le recueil de données fait par la suite l'objet d’un codage (en fonction non pas de
thèmes comme souvent en marketing, mais des niveaux de pertinence du modèle génératif)
des observations en fonction de la grille générative de manière à comprendre les effets de sens
produits.
Lors de l'observation participante, un dédoublement du chercheur s'impose : il doit savoir se
situer entre la position de participant actif et d'observateur des scènes et des situations
auxquelles il a accès. Le journal de terrain est à ce titre un outil précieux puisqu’il permet,
dans une démarche réflexive d'auto-analyse de se rendre compte de ses erreurs en les rendant
manifestes (Beaud et Weber, 2003). Une auto-correction est alors possible (Morin, 1984, p.
214). Il faut en effet tenir compte du fait que le travail de création publicitaire demande une
participation intense, une forte implication dans la pratique professionnelle. Cette implication,
si elle est indispensable, ne doit pas se faire au détriment de la pratique de recherche.

2.6 La copy strategy


L'observation participante permet d'identifier un point stratégique au sein du processus : la
plate-forme créative, copy strategy dans le cadre de notre terrain. Ce constat est posé à partir
du terrain et de la démarche réflexive qu'impose le journal de terrain. Il apparaît alors
nécessaire d'approfondir la question de la place de la copy strategy dans le processus créatif
de génération de sens par des entretiens approfondis, les techniques d'enregistrement pouvant
compléter celles de confrontation avec le terrain.

2.7 Les entretiens approfondis


9 entretiens ont été menés auprès de professionnels, dans 5 agences de publicité. Tous les
entretiens ont été réalisés pendant les heures de travail, dans les agences, à l'exception d'un,
qui a eu lieu dans un restaurant. Ils ont été menés dans la fourchette d'un mois. Ces entretiens

13
ont fait l'objet d'une transcription complète en vue de l'analyse (corpus de 84 pages).
Il s'agit aussi de ne pas se limiter au point de vue des créatifs. Il est nécessaire d'élargir
l'approche de la création en tenant compte du fait, observé sur le terrain, que l'acte de création
se joue dans un collectif qui fait participer l'ensemble d'une agence de publicité et n'est pas
l'affaire d'un créatif isolé. De plus, le processus de rédaction de la copy strategy est un
exercice qui incombe aux chefs de publicité, parfois aux directeurs de clientèle. Il est donc
nécessaire de l'aborder par les entretiens.
Nous jugeons ici pertinent d’aborder la question de la création publicitaire par différents
points de vue. Nous faisons nôtre le postulat saussurien selon lequel ce sont les points de vue
qui font l'objet. La singularité et la diversité de ces points de vue participent donc à la richesse
des données recueillies, grâce à un échantillon non représentatif mais diversifié (voir Tableau
1).
INSÉRER TABLEAU 1
Les entretiens ont tous duré de 45min à 2h00. Ils sont de type semi-directif, mais il est
nécessaire de préciser certains éléments. Le guide d'entretien confine à l'entretien non-directif
centré par la volonté d'influencer le moins possible les réponses de l'interlocuteur, mais
seulement d'en assurer la dynamique en essayant de dépasser les mécanismes de défense mis
en place par les répondants (plutôt extravertis). Par exemple : secret professionnel, discours
préparé pour les présentations commerciales de l'agence, récitation de manuels de publicité ou
de discours de publicitaires connus, tabous sur les relations entre concepteurs rédacteurs et
directeurs artistiques, et entre créatifs et chefs de publicité (plus rarement avec l'annonceur),
peur du non-respect de l'anonymat.
La question centrale ici est celle de la profondeur et de la singularité de chaque entretien
plutôt que de leur nombre (Beaud et Weber, 2003, p.177). Nous avons en effet favorisé
l'expression de points de vue individuels marqués, la production de discours singuliers,
comme il a été déjà proposé par d'autres chercheurs dans le cadre de terrains similaires
(Kover, 2007 ; Kover et Goldberg, 1995 ; Kover, 1995 ; Hirshman, 1989). Pour décider qu'un
nombre suffisant d'entretiens avait été atteint, nous avons pris pour référence la récurrence
(effet de saturation) de certains effets de sens permettant d'éclairer notre question de
recherche. Nous avons donc compté les syncopes de sens repérées dans le corpus. La
répartition des verbatim au sein des niveaux de pertinence du modèle génératif, ainsi que leur
comptage par niveau pour évaluer un effet de saturation nous a paru peu pertinent. En effet,
des données très différentes sont susceptibles d’apparaître sur un même niveau de pertinence.
Les compter reviendrait à en réduire la spécificité, et à les considérer d’une richesse

14
équivalente pour l’analyse. Mais cette réduction est aussi vraie dans le comptage des
syncopes, raison pour laquelle l’intérêt de l’indicateur de saturation est à relativiser.
Contrairement aux approches classiques, aucun thème n'a été prédéfini. En effet, c'est la grille
sémiotique proposée plus haut qui permet de juger de la richesse du contenu. Or, cette grille
n'est pas thématique, mais demande un matériel centré sur le sujet et riche en signification.
C'est pourquoi les questions de relance sont plutôt de nature projective que thématique, c'est-
à-dire très ouvertes, voire ambiguës. De plus, à l'instar des entretiens phénoménologiques, il
est important d'autoriser une approche circulaire et non linéaire de l'entretien : il doit être
possible de revenir en arrière, sans carcan thématique (Giannelloni et Vernette, 2001, p.218),
pour mettre en évidence les effets de sens. Nous avons notamment utilisé au cours des
entretiens des techniques projectives (Giannelloni et Vernette, 2001, p.119), pour dépasser les
mécanismes de défense cités plus haut (proposition de scénarios inducteurs liés à la pratique
professionnelle - A2).

III. ANALYSES
L'analyse proposée ici s'appuie sur le corpus réuni par l'observation participante et par les
entretiens menés. Elle consiste, dans un premier temps, en un codage des notes (journal de
recherche), puis des transcriptions d’entretiens. Sont codés les niveaux de pertinence et les
syncopes. Notre attention se portant sur la récurrence de certaines de ces syncopes, nous en
effectuons un comptage, uniquement dans les entretiens. Les niveaux sont notés entre
parenthèses (X) dans le corps du texte, les syncopes (X ⇒ Y).

3.1 Le processus de création publicitaire et copy strategy


Nous mettons à jour un parcours constitué de trois « étapes » dans le processus de la création
créative. Ces étapes sont autant de syncopes de sens que nous avons identifiées. Comprendre
ces syncopes, c’est comprendre quels sont les effets de sens en jeu dans le processus.

Première syncope : (5 ⇒ 2)
Cette syncope (identifiée 10 fois dans les entretiens) consiste en une condensation de sens. Il
s’agit de résumer en un énoncé (2) l’identité (6), valeurs et projet, mais surtout la stratégie (5)
de l’annonceur. Les chefs de publicité expriment la difficulté que représente cette syncope
spécifique. Il s‘agit d’un travail stratégique produit à partir du brief (déjà un énoncé condensé)
de l’annonceur : « Oui oui, la copy strat’ c’est ce qui est le plus dur à faire parce que tu dois
y mettre tellement de choses dans presque rien, et c’est… voilà. » ; « C’est difficile une copy

15
strat’, une copy strat’ qui tient la route je veux dire, parce que bon… C’est une page, pas
plus, et il doit tout y avoir, tout, dans le moins de mots possible, et c’est toute la stratégie qui
est là ! » On retrouve aussi le statut d’articulation de cet outil : « C’est super stratégique en
fait, parce que c’est à partir de ce document, mais qui doit être simple, hein, c’est à partir de
ça que les créas doivent comprendre la stratégie de la marque quoi. » Nous n’avons pas,
pendant notre travail d’observation participante sur le terrain, participé à la rédaction de
plates-formes créatives. Nous avons cependant pu nous rendre compte de l’importance de
l’outil par la complexité du processus nécessaire à sa rédaction, à la fois dans l’observation du
travail des praticiens, et dans le cadre de certains entretiens. La condensation de sens
implique, selon les principes du schéma génératif, une perte de sens. C’est cette perte que les
rédacteurs des plates-formes de création veulent limiter, donnant lieu à de nombreux
ajustements pour aboutir à une page simple et claire, permettant aux créatifs à la fois de
comprendre les objectifs stratégiques et de proposer une création pertinente. Holstius (1983) a
déjà mis en évidence certaines des caractéristiques de la copy strategy que nous retrouvons
dans notre corpus : « 1. Les phrases sont très courtes ; 2. Les unités syntaxiques sont
transformées par la typographie ; 3. La densité lexicale est élevée ; 4. Les qualificatifs comme
les adjectifs et les adverbes sont souvent préférés aux verbes ; 5. En termes de grammaire
transformative la distance entre la structure de surface et la structure profonde tend à être plus
grande que pour des énoncés courants. » Ces caractéristiques illustrent en quoi la plate-forme
créative consiste en une condensation de signification, et en un document particulièrement
intense : la condensation se fait dans une forme syntaxique brève qui doit favoriser la phase
qui suit, un déploiement de sens.

Deuxième syncope (2 ⇒ 6) : conception publicitaire


Cette syncope (identifiée 15 fois dans les entretiens) consiste en un déploiement de sens. Il
s’agit, à partir de l’énoncé (2) qu’est la copy strategy, de créer une idée publicitaire. C’est
dans cette pratique (4) que le métier et les compétences des créatifs sont mis en jeu. Nous
observons que leur identité personnelle (6) est aussi concernée. L’observation participante
permet de rendre compte de la difficulté de l’exercice, décrit par certains auteurs (Joannis,
1987), car la création publicitaire ne consiste pas en reformulation de la copy, mais bien en un
gain de sens qui doit apparaître. C’est ce que met en évidence le schéma génératif dans le
déploiement. La pratique créative est alors complexe et codifiée et en même temps très
incertaine (comme Kover et Goldberg, 1995, le mettent en évidence).
Il est nécessaire de préciser que cette phase de conception est riche et complexe, qu’elle

16
implique une forte création de signification. Un concepteur-rédacteur interviewé exprime
ainsi l’importance du processus : « Ils se disent, tant qu’à faire un logo, autant le faire faire
par un type qui réfléchit avant de le faire. Et pas un graphiste qui s’empare tout de suite de
son mac et qui, bon ben voilà, j’ai mis un peu de bleu parce que le bleu c’est la mer et du
rouge parce que le rouge c’est le soleil, enfin voilà. Il manque bien quelque chose, y’a pas de
créa quoi… »
La plate-forme créative semble indispensable dans le processus de conception : “ Vous voulez
savoir ce que craint le plus un créatif... Une page blanche... voyez, on n’est pas des artistes, il
nous faut un point de départ.” Elle constitue à la fois un guide et un point de départ. Ce
dernier point semble cependant plus important, car la fonction de guide de la plate-forme est
parfois abandonnée dans la pratique. Selon certains créatifs, cela dépend de la « qualité » de
l’énoncé stratégique. “Une copy strat, mais je veux dire une bonne copy strat hein, pas heu...
ben c’est très dur à faire tu dois tout résumer en une page, pas plus, tout, et à partir de ça
tout refaire en créa.” Holstius a déjà montré comment ce travail de gain de sens s’appuie sur
la plate-forme créative, dans le cadre précis de la perception des « cibles ». Par ailleurs, Kover
(1995) montre que les créatifs projettent des consommateurs modèles (à l’image des Lecteurs
Modèles de Eco, 1990) qui peuvent différer des cibles décrites par le document stratégique.
Les créatifs déploient le sens à partir de l’énoncé (2) pour aboutir à une idée, à un concept
publicitaire (6). Cette phase de « conception » de la publicité est cruciale. Elle se passe le plus
souvent dans un échange d’idées, un jeu créatif (Kover et Goldberg, 1995) entre un
concepteur-rédacteur et un directeur artistique : une scène qui englobe une véritable pratique
(4). Pour que le gain de sens soit important, les créatifs doivent faire preuve d’un certain
« talent ». Kover souligne qu’ils développent souvent des « théories implicites » (6) (Kover,
1995) sur leur métier, théories que l’on retrouve exprimées lors des entretiens. Le lecteur
remarquera que ce que nous appelons syncope de sens entre ici en résonance avec ce que les
praticiens ont nommé « saut créatif » (Dru, 1984).
D’où vient le gain de sens ? Nous identifions que, dans le travail de conception, les créatifs
opèrent une abstraction à partir de la plate-forme créative (2). Le concept publicitaire (6) en
est le résultat, impliquant la mise en jeu de l’identité, la culture, le style de vie (6) du
professionnel. Kover (1995) identifie chez les concepteurs-rédacteurs des « théories
implicites » (« un ensemble de théories que les créatifs fondent sur leur perception de la
rédaction publicitaire, comme un dialogue intérieur », Kover, 1995) qu’ils développent dans
la pratique de leur métier. N’étant souvent pas formés au marketing, selon l’auteur, ils
génèrent des systèmes de pensée propres à leur activité. Nous avons relevé en effet que les

17
créatifs s’investissent souvent de manière très personnelle dans les créations publicitaires
qu’ils proposent. Cela peut s’expliquer si l’on comprend que, pour générer un gain de sens, ils
produisent une syncope qui implique jusqu’à leur style de vie personnel, qui relève du niveau
(6) du schéma génératif : « On y met toujours un peu de soi, dans la créa je veux dire, c’est
jamais neutre. » Cette syncope vers le style de vie ou système de valeurs du créatif peut
permettre de comprendre pourquoi certaines créations leur tiennent à cœur et sont défendues
parfois de manière très virulente. Le créatif y défend, dans certains cas, sa vision du monde,
des gens (les consommateurs modèles) et de son métier (théories implicites).
Nous avons aussi observé que les créatifs portent sans cesse attention à ce qui se passe dans
leur métier, enrichissant ainsi leur culture personnelle (6) qui est mise en jeu dans la pratique
publicitaire. Ils se tiennent au courant des créations des autres agences de publicité, ils
côtoient d’autres créatifs, ils participent à des rencontres pour confronter leur travail. De plus,
ils sont en général fortement connectés à des univers artistiques qui constituent pour eux des
sources d’inspiration qu’ils utilisent plus ou moins directement, qu’il s’agisse d’art plastique,
musical ou littéraire : « ben si tu veux faire du bon travail, tu dois te tenir au courant de tout,
mais vraiment tout, et tu dois lire beaucoup, surtout si tu veux écrire, c’est sûr… C’est sûr…
sortir, les expos, les bouquins… bon les expos on y croise toujours tous les créas de la ville !
C’est normal, faut y être… » C’est notamment cette capacité à enrichir les créations avec cet
univers à la fois personnel et professionnel qui permet de comprendre le gain de sens observé.
Cela sans nier certaines caractéristiques personnelles (Young, 2000), telles la sensibilité ou le
talent créatifs. Praticien reconnu, devenu une référence chez les publicitaires, Michel (2005)
exprimait différemment cette notion de gain comme rencontre d’univers de sens étrangers :
« Une idée est le point de fusion d’univers qui auparavant n’avaient rien à se dire. Et, plus la
confluence sera multiple, plus elle sera fertile. »
À qui s’adressent les créatifs publicitaires ? Holstius (1983), Hirschman (1989) et Kover
(1995) se sont intéressés à la question du récepteur tel qu’il est perçu par le créatif. Cette
question de recherche nous intéresse aussi dans le cadre de notre problématique : la projection
d’un public « cible » est en effet centrale dans le processus de déploiement du sens. Eco
(1990) montre en effet que le « Lecteur Modèle » influence fortement le contenu proposé.
Notre recherche (observation et entretiens) confirme et complète les résultats de Kover et
Hirschman. En effet, les créatifs semblent s’adresser à : eux-mêmes « je suis désolé, je suis
consommateur aussi… » ; des personnes qu’ils connaissent personnellement « comme si je
parlais à des amis » ; le client de l’agence ; le consommateur ou client de l’annonceur (cible
de la publicité) ; d’autres publicitaires et jurys de compétitions créatives « Avec cette créa, si

18
ça passe, on va à Cannes ! »

Troisième syncope (6 ⇒ 2)
Cette syncope (identifiée 13 fois dans les entretiens) consiste en une condensation de sens du
concept (6) ou de l’idée publicitaire en une publicité concrète (2). Cette phase implique des
pratiques (4) différentes de la précédente, mais est considérée comme faisant partie du
processus créatif. Mais il faut préciser que ce processus est constitué en lui-même de deux
phases sémiotiques distinctes, comme le suggère le terme « concepteur-rédacteur » : une
phase de conception, décrite précédemment, de déploiement du sens, et une phase de
réalisation, de condensation du sens. Les créatifs condensent dans la publicité (2), ou, dans un
premier temps dans des « roughs », la stratégie (5) de l’annonceur ainsi que ses valeurs (6) :
« Pour une campagne, on reprend tout, tout, l’identité, la marque, les valeurs tout. C’est pour
ça que l’agence sort de belles publicités… » Du moins en théorie, car en pratique, la phase de
conception ayant mis en jeu un enrichissement du sens dans la création d’un concept
publicitaire (6), c’est en quelque sorte la stratégie (5) « enrichie » qui est condensée. Une des
difficultés souvent rencontrée est alors la conformité du sens généré (dans la création) avec la
stratégie condensée (par le chef de publicité, dans la copy strategy) : de nombreuses créations
peuvent se révéler intéressantes du point de vue du gain de sens, mais peu pertinentes vis-à-
vis de la stratégie initialement formulée.
Le travail de rédaction publicitaire, tel que nous l’avons expérimenté, fait appel à des
compétences autres que celles de conception. Le travail de condensation paraît en effet plus
« technique », et peut-être plus ingrat, car moins « créatif » : la création à proprement parler a
lieu dans le déploiement de sens. Cependant, les graphistes qui ont en charge la réalisation de
certains visuels à partir du travail du directeur artistique, et qui interviennent dans cette phase
de condensation de sens, doivent faire preuve d’une grande dextérité technique dans
l’exécution, parfois d’une véritable virtuosité.
Il faut aussi préciser que si les phases de conception et de rédaction ou de réalisation
graphique semblent successives, elles ne sont pas si strictement séquentielles en réalité. En
effet, nous avons observé et expérimenté le fait que déploiement et condensation de sens sont
ici des processus qui se construisent l’un l’autre et se chevauchent souvent. Ainsi, certains
créatifs conçoivent la publicité en même temps qu’ils en produisent des brouillons, travaillant
par incessants allers-retours entre les deux phases de déploiement et de condensation de sens.
Il est donc observé que la production de la publicité implique donc des condensation /
déploiement / condensation de sens. Cet aller-retour nous semble rendre compte, au moins en

19
partie, de la complexité du processus créatif en publicité, et surtout de l’irréductibilité de cette
complexité. La phase de gain de sens, celle qui est susceptible d’apporter le plus de valeur
sémiotique à la publicité, est aussi la plus incertaine. La question de la limitation de cette
incertitude est posée lorsque les managers et les chercheurs proposent diverses modalités de
contrôle de la création. Il nous semble que, si une forme de contrôle peut se révéler utile, il est
nécessaire de focaliser sur l’optimisation de la plate-forme créative qui conditionne en grande
partie la pertinence de la pratique créative (voir Tableau 2).
INSÉRER TABLEAU 2

3.2 La condensation clôt le processus créatif


Lors de la phase d’observation participante et dans certains entretiens, nous avons été
confrontés à une situation intéressante pour la présente recherche : un annonceur souhaite
faire retravailler une création publicitaire, jugée terminé par les créatifs, « juste en ajoutant
une idée ». Cette situation a été identifiée deux fois dans les entretiens et expérimentée
pendant l’étude terrain : l’annonceur est satisfait de la création mais souhaite en modifier
certains éléments, « sans toucher au reste ». Pour les praticiens, il est souvent difficile
d’expliquer pourquoi un tel retour sur une création publicitaire est compliqué, voire
impossible à réaliser dans de bonnes conditions : les publicitaires interviewés confrontés à
cette situation se sont trouvés dans un rapport conflictuel avec l’annonceur (ce qui confirme
en partie les résultats de Kover et Glodberg, 1995), faute de pouvoir expliquer en quoi la
modification d’une création est complexe. Il est cependant possible d’avancer ceci : selon
notre étude, la création a mis en jeu un déploiement de sens suivi d’une condensation. Or,
« corriger » une annonce ne signifie pas seulement en modifier certains signes. Il ne s’agit pas
seulement de revenir sur le processus de condensation de sens, mais aussi de revenir, plus en
amont, sur la phase de conception et de gain de sens. Cet exercice est très périlleux et remet
en cause la création dans sa totalité, il demande de reproduire le processus dans son ensemble,
processus qui avait été clos par la dernière condensation.

DISCUSSIONS ET CONCLUSIONS
L’apport de cette recherche peut être évalué sous deux angles. Le premier est celui de la
réponse à la problématique posée, relative à la génération du sens dans la création publicitaire.
Elle est centrée sur l'idée que "La création n'est pas la copy strategy mise en mots" (Joannis,
1987) et éclaire des pratiques managériales complexes, entre les dimensions stratégiques et
créatives de la publicité : « Cette traduction [des stratégies marketing en un discours

20
persuasif de vente] n’est jamais triviale ni simple » (Kover et Goldberg, 1995). L’analyse
menée, grâce au schéma sémiotique génératif, montre en quoi la création publicitaire implique
un parcours du sens complexe, fait d’allers-retours irréductibles, et non un processus linéaire.
De plus, la phase d’enrichissement du sens par la pratique créative est tout à fait incertaine :
produite par syncopes, par « sauts », représentés dans le schéma génératif, elle met en jeu un
véritable gain de sens au cœur de la pratique publicitaire. Les agences de publicités se
présentent donc comme un lieu d’enrichissement du sens, à partir d’énoncés stratégiques. Les
publicités produites condensent ce sens, elles cristallisent l’intention stratégique. Mais il serait
faux de croire que la signification d’une publicité se joue entièrement dans la production,
puisque le signe sera ensuite interprété par un récepteur qui en déploiera le sens selon des
modalités génératives qui restent à étudier. Le rôle de la copy strategy est confirmé comme
tout à fait central, sa principale qualité étant de permettre un déploiement créatif riche, donc
un fort gain de sens, tout en permettant au créatif de respecter les impératifs stratégiques de
l’annonceur. Mais, pour montrer la pertinence du modèle sémiotique au-delà de la
problématique posée, nous proposons ici au lecteur des effets de sens intéressants que nous
avons identifiés et qui débordent la problématique. Ainsi, à titre d’exemple, la formulation de
la création d’un « label » pour une marque a mis en jeu, pour un publicitaire interviewé, une
syncope très précise : (4 ⇒ 1), c’est-à-dire la condensation d’une pratique de l’annonceur (sa
pratique professionnelle) dans une figure (le label en question). “Ben on a carrément fait un
label pour dire la qualité de, de fabrication d’un bloc, c’est le label voilà, c’est une garantie
de comment on fait le produit, voilà de comment... c’est un peu comme un petit logo mais
pour dire autre chose donc voilà, on a fait ça.” Toujours dans le cas du label, l’interviewé
précise qu’un effet de sens particulier a été recherché, un renforcement de « l’effet de
crédibilité » du label. Le choix a été fait d’intégrer le label non pas dans un énoncé
publicitaire (e.g. plaquette ou étiquette) comme il est fait couramment, mais « à même le
produit ». Une syncope est ainsi produite (1 ⇒ 3), la figure étant intégrée directement sur un
objet-support sans prendre le sens de « discours publicitaire » qu’il aurait acquis sur un
support marketing, autrement dit un énoncé publicitaire (2). “Pourquoi le [le label] graver à
même le produit ? C’est pour donner un côté un peu exclusif, garantie monolithe, il [le client]
le voit sur le produit quoi. C’est une manière de le coller sur le produit parce que, bon, on a
beau le voir sur la plaquette, le voir sur le produit, là, sur la pièce de béton, on sent que c’est
plus crédible que... ça donne un aspect...” Le schéma génératif permet notamment de faire
comprendre, de rendre intelligible, ce que les praticiens peuvent parfois avoir du mal à
formuler, et donc à justifier auprès de leurs annonceurs.

21
Ainsi, le modèle d’analyse proposé permet de mieux comprendre les effets de sens mis en jeu
dans la production publicitaire. De ce point de vue, l’intérêt de la recherche réside dans un
éclairage nouveau, engendrant une meilleure compréhension de la création publicitaire ; mais
le travail pourra paraître d’une portée managériale faible, dans la mesure où aucune boîte à
outil, aucune aide à la gestion n’est encore proposée.
Une deuxième perspective met en question la pertinence du modèle génératif sémiotique pour
l’analyse de phénomènes marketing. La problématique telle que nous l’avons posée constitue
alors une première approche, encore théorique, des phénomènes de génération de sens en
marketing. En effet, le modèle génératif est ici proposé comme grille d’analyse d’une pratique
professionnelle. Elle se distingue clairement d’une approche sociologique ou de théorie des
organisations, ou même d’une approche psychologique en ce qu’elle autonomise la sphère du
sens et étudie la signification. Nous l’avons vu, les résultats apportent une compréhension
nouvelle du terrain. Mais une des forces principales du modèle sémiotique génératif, outre
l’éclairage qu’il apporte sur les effets de sens, est sa capacité à être appliqué dans de
nombreux cas très divers. En effet, il permet théoriquement d’analyser de très nombreuses
situations rencontrées en gestion. Vue sous cet angle, cette recherche vise plus à ouvrir des
voies de réflexion qu’à proposer des réponses concrètes. Nous pouvons ainsi proposer
quelques pistes, sans aucune prétention d’exhaustivité, tant le champ d’application du modèle
génératif nous semble large. Dans une approche similaire à la nôtre, il est intéressant de
mettre en évidence le parcours du sens dans les pratiques managériales. Cela implique de
choisir, comme niveau de pertinence d’accès au terrain, celui de la pratique, par observations
et/ou entretiens. L’intérêt de ce type de recherche est alors dans la mise en évidence de
parcours du sens qui échappent à d’autres approches connues en marketing. Il peut y avoir un
véritable apport d’une analyse générative de ce point de vue. Par ailleurs, la question du sens
en marketing expérientiel mérite aussi d’être posée dans une perspective générative. Boutaud
et Véron (2007) proposent des pistes intéressantes dans cette voie, une approche sémiotique
du sensible, déclinée sur les modalités de la sensation, de la sensibilité et du sensible.
L’approche par les niveaux de pertinence peut permettre une articulation des productions et
perceptions des signes étudiés dans le cadre du marketing sensoriel, comme des odeurs, des
sons, etc. Enfin, dans une autre perspective marketing, le modèle génératif pourrait se révéler
pertinent dans l’étude des marques, comme le montre Semprini (2005). La marque relève en
effet de l’identité, niveau le plus abstrait, elle existe par des stratégies, ces stratégies intègrent
des pratiques, des expériences spécifiques à la marque, et ainsi de suite jusqu’au logotype,
signe qui condense la marque dans un effet de symbolisation. Cette analyse de la marque peut

22
se faire selon deux approches qui méritent d’être mises en rapport : la production de la
marque par les gestionnaires, dont la dimension stratégique est centrale, et la réception,
l’interprétation de cette marque, par son public, ses consommateurs.
Les voies de recherche et d’application du modèle génératif sont nombreuses et nous
semblent prometteuses. Il nous est cependant important de préciser que l’analyse sémiotique
ne peut constituer une fin en soi dans la recherche en sciences de gestion. Les modèles
sémiotiques font preuve d’une grande robustesse dans l’analyse des phénomènes marketing,
mais cela ne suffit pas à en faire des outils pour le marketing. Le rôle du chercheur peut alors
se situer dans la construction d’outils marketing à partir d’une réflexion rigoureuse fondée sur
la sémiotique. Cela demande un travail important de traduction et d’adaptation car les
disciplines, leurs concepts et leur vocabulaire sont hétérogènes. Cette remarque semble
pouvoir s’appliquer au présent travail, où l’analyse sémiotique permet de comprendre mieux
un phénomène, mais ne fournit pas directement un outil de gestion opérationnel. C’est là une
voie à explorer pour la recherche marketing, tant les avancées et évolutions de la sémiotique
semblent convergentes avec les préoccupations des chercheurs en sciences de gestion.

23
Annexes
A1 Journal de Terrain

24
A2 Guide d'entretien
Exemple de questions de relance :
« Pouvez-vous me parler d’un annonceur pour lequel vous travaillez personnellement ? »
« Qu’est-ce qu’une bonne création publicitaire pour vous ? »
« Pouvez-vous me raconter comment se passe une réunion de briefing avec les créatifs de
l’agence ? »
« Pouvez-vous me décrire la façon dont est faite une plate-forme créative ? »

Si le répondant ne souhaite pas parler des annonceurs pour lesquels il travaille


personnellement et actuellement :
« Pouvez-vous me parler d’annonceurs pour lesquels vous avez travaillé, mais pour lesquels
vous ne travaillez plus ? »
« Pouvez-vous me raconter des anecdotes concernant la création publicitaire ou le travail
des créatifs ? »

Exemples de questions projectives


« Pour vous, quel serait l’annonceur idéal, comment serait-il professionnellement ? »
« A qui ressemblerait pour vous la meilleure plate-forme créative, dans l’idéal ? »
« Imaginons que vous soyez concepteur rédacteur, comment travailleriez-vous ? »
« Imaginons que vous êtes dans un jury qui doit évaluer des créations publicitaires, comment
vous y prenez-vous ? »

25
Tableau 1
Échantillon des entretiens
Métiers des répondants Taille des agences Statut des agences
3 chefs de publicité 1 agence de moins de 10 2 agences indépendantes
1 directeur de clientèle personnes 3 agences de réseau
2 planners stratégiques 3 agences de 20-50 personnes
1 concepteur rédacteur 1 agence de plus de 50
1 directeur artistique personnes
1 directeur général d'agence

26
Tableau 2
Syncopes de sens dans la création d’une publicité
Parcours du Métier Syncopes de sens Praxis
sens
Condensation Chef de publicité (5 ⇒ 2) Création de la plate-forme
stratégie de créative à partir de la stratégie
l’annonceur de l’annonceur.
condensée en un
énoncé
Déploiement Créatif (2 ⇒ 6) Observé dans pratique créative
(concepteur) déploiement (4), échanges d’idées entre
créatif à partir de créatifs, « brainstorming » :
la copy strategy, création du concept publicitaire,
création d’un de « l’idée » à partir de la plate-
concept forme créative.
publicitaire
Condensation Créatif (6 ⇒ 2) Observé dans la pratique
(rédacteurs / condensation du créative (4) : concrétisation de
graphistes) concept en l’idée (« roughs » et réalisation
énoncés de la publicité) à partir du
publicitaires concept publicitaire.

27
Références bibliographiques
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Bertin E. (2003), Penser la stratégie dans le champ de la communication ? Une approche
sémiotique, Nouveaux Actes Sémiotiques, 89-91, 15-63
Boutaud J.-J. et Véron E. (2007), Sémiotique ouverte, itinéraires sémiotiques en
communication, Paris, Lavoisier
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Marketing, 3, 4, 1-22

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