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CLINIQUE
Clinique psychiatrique, pôle de psychiatrie et de santé mentale, psychiatrie I, hôpitaux universitaires de Strasbourg,
1, place de l’Hôpital, BP 426, 67091 Strasbourg cedex, France
MOTS CLÉS Résumé La boulomanie apparaît depuis plusieurs années comme une addiction à part entière
Boulomanie ; dans le large spectre des dépendances. À la différence des autres, la dépendance au travail
Dépendance au bénéficie souvent d’une image positive dans le sens où elle donne aux autres l’illusion du bien-
travail ; être du sujet concerné, de sa motivation et de son engagement dans une activité donnée. De
Estime de soi ; nombreux auteurs ont tenté au fil des 30 dernières années de définir ce concept et d’en préci-
Syndrome ser les mécanismes propres. Tous les points de vue théoriques, du modèle psychanalytique aux
d’épuisement modèles plus contemporains, mettent la question de l’estime de soi au centre de la problé-
matique de la boulomanie. En effet, le narcissisme, articulé à l’évolution sociologique de nos
modes de vie occidentaux, permettrait de mieux cerner l’identité psychique de l’individu et
ainsi de mieux comprendre cette tentative de reconstruction de soi. En caractérisant les traits
de personnalité des individus boulomanes, le médecin est amené à prendre en charge le plus
précocement possible cette nouvelle forme de dépendance, afin de prévenir les nombreuses
complications personnelles, professionnelles, sociales, relationnelles et sanitaires. Devant la
forte prévalence de la dépendance au travail, il nous semble important de rechercher une
symptomatologie évocatrice d’une boulomanie afin d’envisager et de proposer aux patients
boulomanes une prise en charge spécifique et adaptée.
© L’Encéphale, Paris, 2009.
Summary Workaholism surfaced some years ago as a veritable addiction in the wide sense of
KEYWORDS the term, dependence. It differs from other sorts of dependence in that it is very often viewed
Workaholism; in a positive perspective in the sense that it conveys to the person concerned the illusion of
Work addiction; well-being, as well as a motivation and dedication in their professional activity. During the past
Self-esteem; 30 years, several authors have attempted to define this concept and to determine its characte-
Burn-out syndrome ristics. Robinson believes that workaholics have an approach to life whereby their work feeds
on time, energy and physical activity. This provokes consequences that affect their physical
health and interpersonal relationships. They have a tendency to live in the future rather than
in the present. For Scott, Moore and Micelli, the compulsion for work is not necessarily viewed
as being detrimental to one’s health. Spence and Robbins highlight the notion of the pleasure
experienced at work in their theoretical approach. The prevalence of the dependence on work
is estimated at between 27 and 30% in the general population. It is correlated to the number of
hours of work per week and tends to be higher as annual revenue increases. The sex ratio is 1,
and the parents of children 5 to 18 years of age are the most susceptible to considering them-
selves workaholics. The physical and psychological consequences of professional exhaustion are
characterized primarily by the decrease in self-esteem, symptoms of fatigue, anxiety, depres-
sion, irritability and the manifestation of physical problems including cardiovascular ailments,
as evidenced by hypertension, as well as heart and kidney complications. All the theoretical
point of views, from the psychoanalytical models to the contemporary models, highlight self
esteem as being the centerpiece of the question regarding the problem of workaholism. In fact,
the narcissism articulated from the sociological evolution of our western way of life permits
us to delineate the psychic identity of the individual better, and therefore, to understand this
reconstructive attempt of one’s self better. In characterizing the personality traits of worka-
holic individuals, the doctor/therapist is required to deal with this new form of dependence as
early as possible, in order to anticipate and avert the numerous personal, professional, social,
relational and sanitary complications. Faced with this large prevalence of dependence on work,
it seems important to us to look for a symptomatology that would emanate a signal of workaho-
lism so as to envisage and propose to workaholic patients a specific course of action that would
be adapted to their needs.
© L’Encéphale, Paris, 2009.
et plus présent dans notre quotidien en nous empêchant à terme du travail déjà entamé. Les boulomanes bouli-
d’accéder aux sphères extérieures à lui. miques sont volontiers perfectionnistes, reflétant ainsi la
Robinson [36] a proposé une catégorisation des peur de l’échec. Le but recherché est probablement de
« boulomanes » basée sur la quantité de travail initié protéger un noyau narcissique fragile et nous verrons dans
en proportion avec la quantité de travail complété (Fig. 1). la discussion l’importance de considérer l’estime de soi
Il décrit ainsi quatre types de « boulomanes » : le boulomane du patient dans la prise en charge de la boulomanie, et a
infatigable, le boulomane boulimique, le boulomane avec fortiori de la dépendance en général ;
déficit d’attention et le boulomane savouring : • le boulomane avec déficit d’attention, pour sa part,
recherche la stimulation de manière quasi impulsive. La
poursuite d’une activité l’ennuie très vite et il aura ten-
• le boulomane infatigable porte bien son nom. Il est avide dance à ne jamais mener à terme un projet initié par
de travail ; il en initie beaucoup et mène à terme tout lui. On décrit souvent des traits de personnalité sociopa-
ce qu’il a entamé. Il est littéralement imprégné dans thique chez ces patients qui recherchent une satisfaction
son travail comme peut l’être la teinture dans la laine, immédiate et présentent souvent une difficulté à tenir des
comparaison imaginée par Wayne Oates dans son livre. projets à long terme. C’est ainsi que ces patients entre-
Il travaille de manière compulsive et ne connaît aucun prennent de nombreux projets sans les terminer. Il existe
répit, autant le jour que la nuit, autant en semaine qu’en des troubles de l’attention importants dans la réalisation
week-end, sans s’autoriser de repos. Le travail doit être de leur travail ;
complété rapidement et n’attend aucun délai ; • le boulomane savouring, sujet à la délectation, se carac-
• le boulomane boulimique initie peu de travail mais térise par sa lenteur, sa méticulosité et son caractère
s’applique à en terminer beaucoup. Son angoisse réside méthodique. Le perfectionnisme est ici sublimé dans le
principalement dans l’initiation d’un projet où il estime sens où le travail initié n’est jamais complété du fait
ne pas être à la hauteur pour porter une telle responsabi- de l’addition constante de travail supplémentaire. Tout
lité. Il préfère donc poursuivre un travail déjà commencé est minutieusement analysé à tel point qu’il lui est très
par un autre. On a décrit cette tendance pathologique à difficile de respecter un échéancier.
remettre certaines actions au lendemain par crainte de
l’initiation sous le nom de « procrastination ». Par peur
d’une frustration, de l’échec ou de ne pas pouvoir contrô- Robinson reste l’auteur à avoir le mieux étudié la ques-
ler son environnement, symbolisée ici par la peur d’initier tion de l’addiction au travail mais de nombreux autres
un projet, le procrastinateur préférera s’adonner à une scientifiques ont tenté d’élaborer une typologie. Diane
multitude d’activités n’ayant aucun rapport direct avec Fassel et al. [11,12] ont beaucoup travaillé au sein de com-
la tâche redoutée, symbolisée ici par la volonté de mener pagnies et ont publié plusieurs ouvrages où ils proposent de
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nouvelles mesures pour accroître l’efficacité organisation- • le boulomane « réussite » représente le type décrit plus
nelle des entreprises et favoriser le changement dans leur haut. Il donne l’image positive du bourreau du travail qui
management. Ils décrivent essentiellement quatre types de recherche le succès et la réussite. Il est sans cesse en
boulomanes : quête de compétition.
• le travailleur compulsif représente le type principal dans Pour Spence et Robbins [38], la dimension du plaisir
le sens où il est poussé malgré lui à travailler sans relâche ; éprouvé au travail est importante à prendre en consi-
• le travailleur « noceur » concentre l’essentiel de son dération. Dans leur étude, ils ont démontré à l’aide de
attention en fin de projet plutôt que de manière différentes échelles qu’ils ont réunies au sein d’une bat-
constante ; terie et remplies par les sujets de l’échantillon (n = 291 ;
• le travailleur « garde-robe » ou closet worker a tendance hommes = 134, femmes = 157) que les boulomanes étaient
à travailler à l’abri des regards extérieurs, cachant son plus enclins au stress professionnel, présentaient davantage
travail à la manière d’un alcoolique qui dissimule sa bou- des tendances perfectionnistes et avaient plus de difficultés
teille, lorsqu’il ne se sent pas surveillé ; à déléguer. Il existait plus de plaintes somatiques que dans le
• le travailleur anorexique qui présente une compulsion groupe témoin. Ils insistent également sur le caractère com-
tant dans la recherche de travail que dans son évitement. pulsif des boulomanes dans leur approche du travail. Dans
ce contexte, ils déterminent trois types de boulomanes :
Pour Scott et al. [37], la compulsion au travail n’est
pas forcément envisagée de manière négative et délétère. • le boulomane ;
Ils considèrent qu’une certaine catégorie de boulomanes • le travailleur enthousiaste ;
s’investit dans le travail lorsque la décision leur revient et • le boulomane enthousiaste.
qu’ils ont pleine conscience de cette implication. Ces per-
sonnes sont décrites comme ambitieuses, visent la réussite Parallèlement à ces trois catégories, ils individualisent
et restent productives. Il existe une motivation indéniable trois types de travailleurs non boulomanes : le travailleur
et une haute estime de soi chez ces boulomanes. Ils non engagé, le travailleur relax et le travailleur désen-
relèvent sans cesse des défis et en tirent pleinement béné- chanté. Ces six groupes de patients varient selon trois
fice et satisfaction. Il semble qu’ils ne rechercheraient critères : le plaisir éprouvé au travail, l’investissement et
pas de moyen de fuir un mal-être intérieur à la manière le caractère compulsif au travail (Tableau 2).
des autres boulomanes. En revanche, même en dehors Burke et al. [5—9] se sont beaucoup intéressés aux
du travail, ils focalisent leurs pensées sur leurs projets. travaux de Spence et Robbins et ont tenté d’appliquer
Pour leur part, ces chercheurs décrivent trois types de les critères diagnostiques proposés par ces deux auteurs
boulomanes : dans différentes populations. Globalement, les résultats
concluent à une cohérence interne et une fiabilité satisfai-
• le boulomane compulsif-dépendant travaille plus long- santes. Une étude récente a mis en évidence une diminution
temps que ce qu’il s’était fixé au départ. Il a pleinement importante de l’estime de soi chez ces patients [10]. Burke
conscience de ses difficultés à limiter le temps consacré mentionne en revanche que les outils actuels permettant
au travail, malgré les répercussions que cela peut avoir d’évaluer la boulomanie ne doivent pas être utilisés de
dans son quotidien ; manière alternative et ne peuvent pas se substituer l’un à
• le boulomane perfectionniste écarte toute source de loi- l’autre. En effet, la batterie de Spence et Robbins se focalise
sir au profit de la productivité. Il est celui qui présente plutôt sur les profils que présentent les patients au travail
le plus les traits d’une personnalité obsessionnelle avec alors que la WART fait apparaître des items de répercus-
une rigidité, une inflexibilité et le goût du détail et du sion négative de la boulomanie sur la vie du patient et peut
contrôle ; faire évoquer un comportement de type A qui associe lutte
Boulomanie : entre illusion et addiction 289
Boulomane ↑ ↑ ↓
Boulomane enthousiate ↑ ↑ ↑
Travailleur enthousiaste ↑ ↓ ↑
Travailleur non enthousiaste ↓ ↓ ↓
Travailleur relax ↓ ↓ ↑
Travailleur désenchanté ↓ ↑ ↓
contre le temps, sens de la compétition et engagement dans n’avons pas retrouvé dans la littérature de chiffres permet-
l’action [23]. Ces deux outils, utilisés essentiellement dans tant d’apprécier l’incidence de ce trouble. Contrairement à
le cadre de la recherche, sont donc à manier avec prudence. une idée reçue, on retrouve un sex-ratio de 1 [34]. Bien que
Naughton [26] considérait quant à lui deux facteurs prin- la dépendance au travail soit plus fréquemment retrouvée
cipaux pour cerner le problème de la boulomanie, à savoir dans le cadre d’emplois rémunérés, elle n’est pas exclu-
l’engagement au travail et l’obsession-compulsion. À par- sive du travail rétribué [20]. En effet, elle peut se retrouver
tir de ces deux dimensions, il propose quatre catégories de dans le cadre d’emplois non rémunérés. Selon cette même
patients représentés sur la Fig. 2. étude canadienne, les parents d’enfants de cinq à 18 ans
sont les plus susceptibles de se considérer comme des bour-
reaux du travail (Tableau 4). Les Canadiens dont le revenu
Épidémiologie
Une étude canadienne réalisée en 1998 chez les plus de Tableau 4 Prévalence de la boulomanie selon la situation
15 ans révélait une prévalence de 27 % quant à la dépen- du ménage.
dance au travail. Ces résultats concordent avec les résultats
d’études qui ont été réalisées aux États-Unis et selon Situation dans le ménage Prévalence (%)
lesquelles près de 27 % à 30 % des Américains sont des Personne seule 23
« accros » au travail [34]. Aziz et Zickar [2], dans une étude
reprenant la typologie de Spence et Robbins, ont évalué Avec conjoint seulement 25
l’investissement, l’énergie fournie au travail et la satisfac- Avec conjoint et enfant(s)
tion professionnelle d’un échantillon de 174 employés de Âge de l’enfant le plus jeune
différentes entreprises américaines et canadiennes. La pré- Moins de 5 ans 31
valence de la boulomanie est de 23 % (Tableau 3). Nous 5 à 14 ans 34
14 à 18 ans 32
18 ans et plus 31
Tableau 3 Prévalence de la boulomanie (Aziz et Zicker Parent unique
[2]). Âge de l’enfant le plus jeune
Catégorie n (%) Moins de 5 ans 23
5 à 14 ans 35
Boulomane enthousiaste 69 (40) 14 à 18 ans 36
Boulomane 39 (23) 18 ans et plus 26
Travailleur enthousiaste 64 (37)
Source : Statistique Canada, Enquête sociale générale (1998).
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est élevé sont plus susceptibles de se voir développer une tif ont été décrites comme une inflammation chronique du
dépendance au travail avec une prévalence de 38 % pour gros intestin. On peut enfin rappeler la présence fréquente
ceux dont le revenu annuel est supérieur à 80 000 dollars de migraines dans cette population. L’épuisement profes-
[20]. La prévalence est également élevée pour les personnes sionnel est aussi à l’origine de problème de comportement
ayant travaillé plus de 60 heures dans la semaine pré- et de performance au travail, de problèmes interpersonnels
céda l’enquête. Les boulomanes ayant répondu à l’enquête avec les clients, les membres de la famille et les amis et
croient que leur santé est moins bonne que celle des autres de sentiments négatifs envers la clientèle, le travail et la
répondants. vie en général. Aucune donnée n’est actuellement dispo-
nible concernant une comorbidité avec d’autres pathologies
addictives.
Conséquences et retentissement
performances au travail. Judge et al. [19] ont étudié les Ainsi, une reconnaissance, une attention ou une accepta-
relations existant entre les Big Five, les capacités mentales tion insuffisantes de l’entourage, en général de l’entourage
générales et le succès professionnel. Ils ont pris en compte familial, et ce dans l’enfance essentiellement, vont pro-
deux aspects du succès professionnel : l’aspect intrinsèque, voquer une faille narcissique. L’intensité de cette faille
reflétant la satisfaction au travail, et l’aspect extrinsèque, narcissique va correspondre à l’incapacité que présente
reflétant les revenus et le statut occupationnel. Le carac- un individu à s’aimer. Elle est ressentie comme un senti-
tère consciencieux prédisait de manière positive un succès ment insupportable de vide intérieur, d’inutilité, de nullité,
tant intrinsèque qu’extrinsèque. Le neuroticisme prédisait d’incapacité. Les mécanismes de défense mis en place par
négativement le succès extrinsèque tandis que les capaci- le sujet vont tenter de compenser la problématique narcis-
tés mentales générales prédisaient positivement un succès sique en adoptant un comportement socialement valorisé.
extrinsèque. On peut comprendre dès lors qu’il veuille poursuivre une
Par ces travaux, les auteurs soulignent l’importance de quête parfois désespérée de reconnaissance, d’approbation
concilier une étude approfondie de la personnalité dans et de considération de l’autre. Les tentatives de combler
l’étude de la dépendance au travail, dans le sens où elle cette faille narcissique sont souvent insuffisantes poussant
influe significativement l’évolution positive ou négative de l’individu à reporter continuellement sa recherche de recon-
la boulomanie. naissance.
Toutes ces considérations nous poussent à nous poser la Les premiers travaux sur l’estime de soi sont attribués à
question des mécanismes pouvant être à l’origine de la William James (1842—1910), médecin, psychologue et philo-
dépendance au travail. En dehors d’une logique purement sophe américain dans son ouvrage Psychology Briefer Course
neurobiologique tentant d’expliquer la physiopathologie des [16], traduit récemment en français, par Nathalie Ferron
addictions, a fortiori de la boulomanie, nous nous proposons [17]. Il va principalement s’appuyer sur la dynamique intra-
d’étudier les aspects psychologiques permettant de mieux psychique du sujet pour élaborer sa théorie de l’estime de
cerner cette notion. Le premier aspect à examiner est celui soi. Dans cette perspective, c’est l’articulation entre le Moi
de l’identité au sens psychodynamique du terme. C’est la actuel et les prétentions du sujet qui joue un rôle fondamen-
question du narcissisme introduite par Freud que nous tente- tal. Pour James, l’estime de soi est la conscience de la valeur
rons d’appliquer à notre problématique. Dans la continuité du soi. Le poids de cette valeur repose sur l’importance que
directe de ce concept, l’estime de soi, chère au courant la personne accorde à ses différents types de Moi. Parmi les
cognitivo-comportemental, reste un élément intéressant à trois types de Moi, que sont le Moi physique, le Moi social
prendre en considération. Enfin, nous reprendrons les tra- et le Moi mental, chaque individu privilégie un Moi, le plus
vaux de la psychologie sociale sur la théorie de l’engagement fort, le plus profond et le plus vrai. Les réussites et les
dans la compréhension des comportements et des attitudes échecs du Moi profond vont s’expliquer par le rapport exis-
résultant d’un acte. tant entre les réussites et les aspirations du sujet selon la
formule :
Estime de soi = Réussites (réalisations)/Aspirations (pré-
Narcissisme
tentions).
Une personne prend donc pour mesure de sa valeur le
L’identité subjective est celle que l’individu ressent en lui-
rapport qu’il y a entre les résultats qu’elle obtient et ceux
même et par lui-même. C’est par cette forme d’identité
qu’elle pense pouvoir obtenir. James affirme par là que plus
que l’on se reconnaît comme semblable à soi-même à
les réussites d’une personne s’écartent de ses aspirations,
travers le temps et à travers le changement ; c’est éga-
plus son estime de soi est faible. À l’inverse, plus les réalisa-
lement « ce par quoi on se sent exister aussi bien en
tions d’un individu rejoignent ses ambitions, plus son estime
ses personnages (propriétés, fonctions et rôles sociaux)
de soi est forte.
qu’en ses actes de personne (significations, valeurs, orien-
On a beaucoup reproché à ce modèle de négliger les
tations). L’identité [subjective], c’est ce par quoi on se
interactions sociales dans la conception de l’estime de soi.
connaît, ce par quoi on se sent accepté et reconnu comme
Le modèle financier de l’estime de soi a aussi été décrit pour
tel par autrui » [40]. « Prise au sens littéral de similitude
mieux comprendre ses mécanismes. Il propose que l’estime
absolue, l’identité personnelle [ou subjective] (je suis je)
de soi doit être régulièrement réinvestie pour ne pas se
n’existe pas ! L’identité interpersonnelle (je suis un autre)
dévaluer et qu’elle est directement dépendante des risques
n’existe pas non plus, même dans le cas de jumeaux vrais »
pris au départ [1].
[40]. Ainsi, l’identité subjective n’est pas réductible à
Pour les théoriciens actuels, l’estime de soi est le résul-
une définition simple et explicite, probablement car elle
tat à la fois d’une construction psychique et d’une activité
ne peut être considérée comme une simple « substance »
cognitive et sociale. En effet, l’acceptation sociale semble
[28]. La construction psychique de l’individu se fait donc
intimement liée à l’estime qu’on se porte [1].
par la confrontation à l’altérité, c’est-à-dire au regard de
l’autre. Freud décrivait le concept d’identification, plus
qu’un mécanisme psychologique parmi d’autres, comme Théorie de l’engagement
l’opération par laquelle le sujet humain se constitue [22].
Le processus d’identification est d’ordre inconscient et En psychologie sociale, l’engagement désigne l’ensemble
s’effectue sans le concours de la volonté de l’individu [13]. des conséquences d’un acte sur le comportement et les
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