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l’entreprise.
Youssef Bouazzama
Professeur agrégé d’économie et gestion à l’ENSET de Mohamédia.
Résumé :
Abstract
Introduction
C’est justement, dans le cadre de la gouvernance que les rapports entre les financeurs
de l’entreprise induisent des divergences d’intérêts autour de la politique financière de celle-ci.
En particulier, en ce qui concerne la politique de financement à adopter, se pose la question du
partage à faire entre financement par capital et par endettement en vue d’améliorer la
performance financière de l’entreprise.
Dans le cadre du présent article, nous allons nous efforcer à faire d’abord la lumière sur
le concept de performance financière de l’entreprise. Ensuite, nous passerons en revue les
principales théories qui ont trait à la décision de choix d’une structure de financement, en tant
que socle de la politique financière de l’entreprise et son influence sur la performance
financière. Enfin, nous nous pencherons sur l’étude empirique de cette liaison dans certains
pays émergents.
Il est une lapalissade de dire, à propos du management de l’entreprise, que ses deux
principales facettes, le stratégique et l’opérationnel, doivent se combiner judicieusement au
service de la performance de l’entité. Recouvrant les notions d’efficacité et d’efficience, la
performance est une catégorie multidimensionnelle. A cet égard, il convient de distinguer la
performance économico-financière, la performance sociale et la performance sociétale et
environnementale. Au sein de celle-là, il y a, d’une part, la performance concurrentielle, qui
tient à l’intégration de l’entreprise dans son milieu concurrentiel. Elle dépend de l’action de
celle-ci mais aussi de ses capacités à s’accommoder, voire à s’approprier les règles du jeu
concurrentiel dans son secteur d’activité. La mesure de la performance par la position
concurrentielle domine alors la mesure par la part de marché. D’autre part, la performance
stratégique correspond à la vision à long terme et prend donc comme angle d’approche, la
pérennité de l’entreprise. Elle est associée à l’excellence ou la capacité de l’organisation à
remettre en cause les avantages acquis par les acteurs en place, à la définition d’un système de
volonté visant le long terme et, in fine, à l’aptitude de l’entreprise à trouver des sources de
valeur créatrices de marges.
L’importance, pour une entreprise quels que soient son domaine d’activité et sa
dimension, de réaliser des performances positives et prometteuses est sans conteste. Ainsi,
d’une part, les entreprises au stade de leur création sont obnubilées par les questions de la
pérennité, la croissance et l’indépendance. Cette quête suppose des performances soutenues, et
plus particulièrement en termes de chiffre d’affaires, de carnets de commandes, la pénétration
de marchés et la maitrise du besoin en fonds de roulement. D’autre part, en ce qui concernent
les entreprises arrivées à des stades avancés de leur croissance, d’autres préoccupations
s’ajoutent dont notamment l’innovation, l’internationalisation, des montées en gamme pour des
produits et services plus élaborés, le développement des systèmes d’information, le lean
management…etc. Là aussi, seuls des performances satisfaisantes sont de nature à aider les
entités en question dans la concrétisation de leurs ambitions.
Néanmoins, nous pouvons soutenir, sans risque de nous méprendre, que la performance
financière reste la pierre angulaire de toute performance, en ce sens qu’elle en constitue
normalement l’aboutissement. A ce propos, il est vrai que, conformément aux évolutions
socioculturelles que connait l’environnement de l’entreprise, la gouvernance de celle-ci se doit
d’intégrer les attentes de ses différentes parties prenantes, et notamment la dimension relative
à la protection de l’environnement écologique, en vue d’un développement durable. Toutefois,
les effets de modes sont pour quelque chose dans le foisonnement des discours qui risquent de
diaboliser la logique financière des performances de l’entreprise. Au contraire, il n’y a pas
contradiction entre performances durable et financière.
Néanmoins, il est notoire que ces mesures sont sujettes à des biais qui prennent
inéluctablement naissance en liaison avec plusieurs facteurs dont la réglementation comptable,
les usages professionnels de la branche et/ou du secteur d’activité et les politiques
d’amortissement et de provision adoptées par toute entreprise. Pa railleurs, l’élaboration d’un
coût ou d’un revenu, en comptabilité, suppose des choix en fonction des besoins de l’étude.
Cependant, les exigences de comparabilité et de communication obligent à faire des
conventions à propos des éléments à intégrer et ceux à exclure d’un coût. En conséquence, un
coût est un construit social ; et la performance financière l’est tout autant. Cette dernière revêt
donc un caractère à la fois constructiviste et conventionnaliste.
1
C’est une mesure proposée par Demsetz. H, et Villalonga. B, (2001), et reprise dans beaucoup
d’études empiriques.
décision de financement, et partant le partage fonds propres-dettes, n’exerce aucune influence
sur la valeur des capitaux propres de l’entreprise. En cela, la valeur d’une entreprise endettée
ainsi que son coût de capital seraient égaux à ceux d’une entreprise non endettée.
Néanmoins, les deux auteurs eux-mêmes, sont revenus à la charge, en 1963, pour
réexaminer leur thèse à la faveur du relâchement de l’hypothèse d’absence de l’imposition des
résultats de l’entreprise, tout en gardant le contexte de marché de capitaux parfait et en équilibre.
La deuxième proposition stipule l’existence d’une structure financière optimale, caractérisée
par ses deux effets en termes de minimisation du coût de capital et de maximisation de la valeur
de la firme. La valeur des économies d’impôt, liées à la déductibilité des charges d’intérêt de la
dette du bénéfice fiscal, actualisée au taux de rendement exigé par les créanciers, serait le
supplément de valeur dont profitera une entreprise endettée comparativement à une autre qui se
finance exclusivement par ses fonds propres. La valeur de l’entreprise est donc reliée
positivement au niveau d’endettement de l’entreprise.
Dans le prolongement des travaux des précurseurs, plusieurs approches ont vu le jour.
Toutes ces études qui ont suivi ont essayé de larguer, ou du moins d’atténuer, des hypothèses
jugées trop restrictives, et ce dans le but de réduire l’écart entre la théorie et les pratiques
financières des entreprises. Il y a certes un foisonnement d’approches variées ayant traité de la
structure du capital des entreprises. Elles peuvent toutefois être regroupées en deux principales
théories à savoir le trade-off theory (ou théorie du compromis) et le pecking-order theory (ou
théorie du financement hiérarchique).
Par ailleurs, il est possible de soutenir l’existence d’une structure financière optimale en
faisant appel à la théorie de l’agence de Jensen et Meckling (1976). Le raisonnement est mené
dans une entreprise managériale dont les fonctions de propriété et de gestion sont séparées. Il
est patent de souligner que les intérêts des dirigeants (mandatés) et ceux des différents
partenaires de l’entreprises (les mandants) ne sont pas toujours convergents. Cela provoque
inéluctablement divers coûts d’agence (coûts de surveillance, de limitation et d’opportunité)
qui influent sur le financement de l’entreprise. Dans les rapports associés-créanciers, il y a
effectivement des conflits d’intérêts dus au fait qu’en cas de faillite de l’entreprise, les
créanciers sociaux jouissent d’un droit de priorité par rapport aux associés (dont la consolation
est représentée par leur statut de créanciers résiduels). Le niveau optimal d’endettement sera
atteint quand les coûts d’agence sont à leur niveau le plus faible.
Le poids de l’endettement de l’entreprise parmi ses ressources peut aussi trouver des
justifications si l’on se réfère à la théorie du signal. Inspirée de la théorie de la dépendance sur
les ressources obtenues de l’environnement, en théorie des organisations, la théorie du signal
soutient que les agents internes à l’entreprise disposent de plus d’informations que les
partenaires externes de celle-ci. Par conséquent, ceux-là ont intérêt à envoyer des signaux
véhiculant une partie de l’information à l’attention de ces derniers pour pouvoir espérer accéder
à des emprunts. Dans cet esprit, Ross (1977) a proposé le niveau d’endettement comme signal
à même d’informer sur la qualité de l’entreprise. A cet égard, une entreprise dont le niveau
d’endettement est élevé aurait de fortes chances de relever de la catégorie des firmes à bon
profil, qui engagent des investissements productifs et rentables et qui réalisent des performances
élevées.
Elles sont pléthoriques, notamment dans les pays développés. Nous avons choisi de
présenter ici quelques-unes des études menées dans des pays émergents. Une étude plus
détaillée portant sur des entreprises marocaines est en cours de concrétisation. Les résultats
seront publiés très prochainement.
Yang, Kui Xia et Hongxing (2015) ont étudié la relation entre le capital-risque, le
levier financier et la performance des entreprises. La recherche empirique a porté sur les
données des sociétés cotées en Chine du Growth Enterprises Market, sur la période qui s’est
étalée de 2010 à 2014.
La variable dépendante retenue est la rentabilité financière, mesurée par le résultat net
rapporté à la valeur moyenne du capital au bilan. Comparée au Q Tobin, les auteurs ont
considéré que la rentabilité financière, ainsi calculée, est en mesure de mieux refléter le résultat
final des activités opérationnelles de l’entreprise et la rentabilité des capitaux investis par les
actionnaires. Les variables explicatives comprennent le ratio d’endettement (Actif/Passif), la
participation du capital risque dans l’entreprise, la taille de la firme, la taille du conseil
d’administration et le type d’industrie.
Les deux principaux résultats ont relevé une liaison positive entre le capital-risque et la
performance financière de l’entreprise et que le levier financier est négativement corrélé avec
la performance de l'entreprise. Cela veut dire que la participation du capital risque permet
l’amélioration de la performance financière de l’entreprise. En revanche, le financement par
endettement peut, dans une certaine mesure, inhiber ladite performance.
Pour sa part, Aman Srivastava (2011) s’est intéressé à l’étude des liaisons entre la
structure de propriété des entreprises indiennes et leurs performances. L’étude a concerné les
98 plus actives des entreprises cotées à la bourse des valeurs de Bombay, sur la période fin 2009
– fin 2010. Les variables dépendantes utilisées sont les ratios de rentabilité avec deux mesures
comptables : rentabilité financière ROE), et des capitaux investis (ROI) et deux mesures de
marché à savoir le PER (price earning ratio) et le PBV (price to book value). Pour leur part, les
variables indépendantes sont : le ratio d’endettement, le taux du capital flottant libre dans la
structure du capital, et quatre variables représentant la présence dans la structure du capital de
participations domestique, étrangère, de participations institutionnelle et non institutionnelle.
Dans une étude ayant porté sur un panel d’entreprises malaysiennes cotées en bourse et
observées durant la période 1995 – 2011, Mahfuzah Salim et Raj Yadav se sont focalisés sur la
relation entre la structure de financement et la performance de ces entreprises. Les variables
dépendantes retenues sont représentées par quatre mesures de la performance financière à savoir
la rentabilité financière (ROE = résultat net/capitaux propres), la rentabilité des actifs (ROA =
Résultat net / actifs totaux), le Q-Tobin (valeur marchande / valeur comptable de l’entreprise)
et le bénéfice par action. Pour leur part, les variables indépendantes ont porté sur cinq mesures
de la structure du capital que sont les ratios des dettes à long terme, les dettes à court terme, des
dettes totales par rapport au total des actifs, et le taux de croissance des actifs, et enfin la taille
de l’entreprise (log des actifs) comme variable de contrôle.
Les tests effectués ont indiqué que la performance de l’entreprise, mesurée par le ROA,
le ROE et le bénéfice par action, est reliée négativement aux dettes à long terme, aux dettes à
court terme et aux dettes totales prises comme variables explicatives. En outre, il a été constaté
que la croissance des actifs influe positivement la performance financière pour tous les secteurs
étudiés. Enfin, le Q de Tobin relate une liaison négative et significative entre les dettes totales
et la performance de l’entreprise.
Conclusion
La réalisation de bonnes performances est donc une condition sine qua non pour
prétendre appartenir au cortège des entreprises compétitives. Certes, la performance est multi-
facette, mais la dimension financière s’impose, non pas de manière à dominer les autres aspects
de la performance, mais en tant que dimension fédératrice des autres. En effet, sous le poids de
la financiarisation accrue de l’économie, les dirigeants ont réalisé la nécessité d’orienter
l’efficience vers l’environnement de l’entreprise. Il s’agit dès lors d’engager des coûts afin de
pouvoir créer de la valeur perçue, en tant que telle, par les clients (via des fonctionnalités et
services associés aux produits) et les actionnaires (à travers leur enrichissement par
l’accroissement de la valeur des titres détenus).
Sur le plan empirique, des études menées tant dans des pays industriels que dans des
pays émergents, ont abouti à des résultats souvent convergents. La structure du capital est
appréhendée par le truchement de variables telles que la présence dans le tour de table des
entreprises étudiées, de sociétés de capital-risque, la concentration de la participation au capital
et le poids de l’endettement. Si le capital-risque et la concentration de la participation influence
positivement la performance financière de l’entrepris, l’endettement lui est au contraire reliée
négativement.
Bibliographies:
Aman Srivastava (2011), “Ownership Structure and Corporate Performance: Evidence from India”
International Journal of Humanities and Social Science Vol. 1 No. 1; January 2011
Jensen, M.C. et W. Meckling (1976), « Theory of the firm : managerial behavior, agency costs and
ownership structure », Journal of financial Economics, vol. 3, no 4, p. 305-360.
Mahfuzah Salim et Raj Yadav (2012), “Capital Structure and Firm Performance: Evidence from
Malaysian Listed Companies”. International Congress on Interdisciplinary Business and Social Science.
www.sciencedirect.com
Majluf N.S. et Meyers S. « Corporate financing and Investment Decisions When Firms have information
that Investors do not have » Journal of financial Economics, 13 1984, pp. 187-221.
Lorino. Ph ; Méthodes et pratiques de la performance. 3ème édition. 2003. Editions d’Organisation.
MODIGLIANI, F., et MILLER, M. "The cost of capital, corporation finance and the theory of
investment", American economic review, 1958, vol. 48, p 261-207.
Miller, Merton, and Franco Modigliani (1963), “Dividend Policy, Growth and the Valuation of Shares,”
Journal of Business, 34, 411-433.
Ross (1977), “The Determination of Capital Structure: the Incentive Signaling Approach”, The Bell
Journal of Economics, vol. 40, 1977. Voir également Leland et Pyle, “Information Asymmetries,
Financial Structure and Financial Intermediaries”, Journal of Finance, vol. 32, 1977.
Ruili Yang, Kui Xia, Hongxing Wen (2016) “Venture capital, financial leverage and enterprise
performance” School of Business, Sichuan University, #24 South of the ring road, Chengdu 610064,
P.R. China. www.sciencedirect.com
Vătavu Sorana (2015), “The Impact of Capital Structure on Financial Performance in Romanian Listed
Companies”. Procedia Economics and Finance. Elsevier.