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E-ISSN : 2665-7511
https://revues.imist.ma/?journal=AME
Résumé :
La réalité alarmante indique que très peu d’entreprises familiales arrivent à assurer la
transmission après la 2ème génération. Cette réalité est prouvée par les statistiques signalant que
plus des trois quarts des entreprises familiales dans le Moyen-Orient et la région Arabe sont
détenues et gérées par la deuxième génération, et que le un cinquième qui arrivent à transmettre
à la troisième (Ernst et Young, 2014). Ce constat est critique pour les pays Arabes du Moyen-
Orient et de l’Afrique du Nord, du fait que les entreprises familiales sont particulièrement
importantes dans ces économies, puisqu'elles contribuent à hauteur de 60 % au PIB, et emploient
plus de 80 % de la main-d'œuvre (PwC, 2016)
Pour ce, cette étude s’est fixée comme question principale : Quel est l’impact des événements
successoraux sur le niveau et les déterminants de la performance financière des entreprises
familiales dans cotées dans le monde Arabe ?
Pour répondre à cette question, notre étude empirique s’est positionnée dans une logique
positiviste avec un raisonnement hypothético-déductif, tout en exploitant l’économétrie des
données de panel, et a porté sur un échantillon de 366 entreprises familiales cotées sur la période
2011-2019, en appliquant une classification par les étapes générationnelles de l’entreprise
familiale.
Nos résultats montrent l’effet négatif de la succession transgénérationnelle sur la saisie des
opportunités d’investissement et la croissance, ce qui est orienté par la politique de prudence qui
mène au sous-investissement des entreprises familiales transmises dans la région Arabe.
Mots- clés : Entreprise familiale, performance financière, succession, opportunités de croissance,
sous-investissement.
Abstract :
The worrying fact is that very few family businesses are able to ensure transmission after the
second generation. This is demonstrated by the statistics reporting that more than three quarters
of family businesses in the Middle East and Arab region are owned and managed by the second
generation, and only 1/5 that reach the third generation (Ernst and Young, 2014). This finding is
critical for Arab countries in the Middle East and North Africa, due to the fact that family
businesses are particularly important in these economies, contributing 60% of GDP, and
employing over 80% of the labor force (PwC, 2016).
For this, this study set as a main question: What is the impact of succession events on the level
and determinants of financial performance of listed family firms in the Arab world?
To answer this question, our empirical study is based on a positivist logic with a hypothetico-
deductive reasoning, while exploiting panel data econometrics, and focused on a sample of 366
listed family firms over the 2011-2019 period, applying a classification by the generational stages
of the family firm..
Our results show the negative effect of transgenerational succession on the seizure of investment
opportunities and growth, which is guided by the policy of prudence that leads to
underinvestment of family firms passed on in the Arab region.
Key-words: Family business, financial performance, succession, growth opportunities, under-
investment
Les recherches empiriques sur la performance des entreprises familiales se sont multipliées au
cours des dernières années (Miroshnychenko et al., 2020 ; Villalonga et Amit 2020). Dans ce
cadre, la plupart des travaux empiriques ont été consacrés à des entreprises de tailles
relativement importantes aux États-Unis (Anderson et Reeb, 2003 ; Villalonga et Amit, 2006 ;
Berrone et al., 2020), et ont donné des résultats contradictoires concernant la relation entre la
participation des familles dans le management, les événements successoraux, et la performance
des entreprises. Cette littérature, dans l'ensemble, présente deux inconvénients majeurs :
l'ambiguïté dans la définition d'une entreprise familiale (selon les différents contextes), et la faible
application des résultats de la recherche au niveau d'autres pays (par exemple, les pays arabes
sur lesquels se base notre recherche). D’une part, au niveau de la définition, la performance est
sensible à la façon dont les entreprises sont classées. Quand l’effet du « fondateur » est retiré de
l’entreprise familiale, l’évidence de la performance supérieure des entreprises familiales disparait
(Miller et al., 2007 ; Berrone et al., 2020). En ce qui concerne le second inconvénient, l'accent mis
sur la performance des entreprises relativement importantes aux États-Unis soulève des
questions sur l'applicabilité des résultats aux paramètres économiques d’autres pays.
Dans ce cadre, la variété des paramètres institutionnels, et la plus grande présence des moyennes
entreprises dans le contexte Arabe sont tenues de compliquer le modèle sous-jacent de la
performance, et donc affaiblir l'inférence obtenue à partir des études fondées sur des
échantillons des pays développés (Basly, 2017). La conclusion est qu'il est risqué de généraliser
les résultats sur les entreprises familiales dans des contextes en développement ou moins
développés à partir de la littérature occidentale existante (Berrone et al., 2020). Cette lacune dans
la littérature sur la relation entre la succession et la performance des entreprises familiales est
d'autant plus surprenante dans les pays arabes qui forment une région importante dans la
démographie et l'économie mondiales. Les statistiques disponibles montrent que les familles
contrôlent 95 % des entreprises au Moyen-Orient (De Vries et Carlock, 2010). De même, une
étude du cabinet PwC révèle que les entreprises familiales sont particulièrement importantes
dans les économies du Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, puisqu'elles contribuent à hauteur de
60 % au PIB, et emploient plus de 80 % de la main-d'œuvre (PwC, 2016). Selon Ernst et Young
(2014), près des trois quarts des entreprises familiales du Moyen-Orient sont détenues et gérées
par la deuxième génération, et un cinquième sont gérées par la troisième génération (Wharton,
2010). Dans ce sens, plusieurs questions se posent sur les paramètres qui rendent les entreprises
familiales Arabes différentes des autres, sur leur fonctionnement, leur compétitivité, et leur
développement dans des contextes de transmission.
A cet effet, l’occurrence accrue des entreprises familiale cotées, la propriété et le transfert de
gestion des affaires d'une génération à une autre marque l'ensemble de données tirées par notre
étude sur les entreprises cotées dans le monde Arabe, qui sont différentes de l'ensemble de
données typique des États-Unis. Ces données peuvent également fournir des indications pour les
pays Arabes où la propriété et la gestion de l'entreprise sont généralement héritées, et où les
valeurs culturelles encouragent la pérennisation des entreprises familiales (Allioui, Habba, et
Berrada, 2021). De ce fait, il est important de mettre la lumière sur la contribution des
Avec ces prémisses, notre article se propose d'étudier la question suivante : Quel est l'impact de
la succession transgénérationnelle sur la performance financière des entreprises familiales dans
le contexte culturel de la région Arabe ? Ce papier comble alors les lacunes de la littérature
occidentale en dressant une recherche empirique en classant les entreprises familiales Arabes
selon la génération qui dirige l’entreprise (première génération, ou après la première génération).
Pour répondre à cette question de recherche, nous menons une recherche empirique sur un
échantillon de 366 entreprises familiales dans le monde Arabe. Dans un premier temps, nous
allons procéder à la comparaison des performances financières entre les entreprises familiales
qui continuent d'être gérées par les fondateurs avec des entreprises familiales dans lesquelles la
direction a été transmise aux héritiers. Et dans un deuxième temps, nous allons identifier les
déterminants de la performance financière des deux catégories à travers un modèle multifactoriel
sur la base de la méthode des données de panel. Le reste de l'article est organisé comme suit : la
section 1 est consacrée à la synthèse de littérature, la section 2 décrit la méthodologie, et la
section 3 présente les résultats et la discussion de l'impact de la succession sur la performance
financière des entreprises familiales. Finalement, la conclusion présente la synthèse des résultats,
les implications et les limites de cette recherche.
La succession ne signifie pas seulement l'existence continue d'une entreprise lors de la sortie du
propriétaire, elle va au-delà à la compétitivité continue de l'organisation au sein de son secteur
d'activité (Debapriya, 2009). De même, Grzegorek (2009) a affirmé que la succession ne consiste
pas seulement au transfert de la propriété et du contrôle de l'organisation commerciale, mais
implique des changements dans le modèle d'entreprise existant afin de favoriser la performance.
En outre, la succession garantit que les personnes talentueuses au sein de l'organisation sont
Pour la performance financière, Il existe diverses mesures. Par exemple, le rendement des ventes
révèle combien une entreprise gagne par rapport à ses ventes, le rendement des actifs détermine
la capacité d'une organisation à utiliser ses actifs et le rendement des capitaux propres révèle le
rendement que les investisseurs obtiennent pour leurs investissements. Les avantages des
mesures financières sont la facilité de calcul et le fait que les définitions sont acceptées dans le
monde entier. Traditionnellement, le succès d'un système de fabrication ou d'une entreprise a
été évalué par l'utilisation de mesures financières (Tangen, 2003).
La théorie des jeux se concentre sur la façon dont le participant du jeu effectue une réponse
stratégique aux actions des autres participants. La théorie des jeux a été appliquée à la recherche
sur la succession de l'entreprise familiale (Tsabari et Weiss, 2015). Tsabari et Weiss (2015) ont
appliqué la théorie des jeux aux entreprises familiales afin d'explorer la succession du fondateur.
La succession représente un processus dynamique, commençant de la préparation de la
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En outre, de nombreuses théories ont expliqué la succession des entreprises familiales en utilisant
la théorie de l'agence et l'intendance (Shukla, Carney, et Gedajlovic, 2014). La théorie d’agence a
d'abord été proposée par (Jensen et Meckling, 1979). Selon ces chercheurs, et en raison de
l’incohérence entre les objectifs et les intérêts des principaux et l'agent, des problèmes se posent.
Cette approche n'était pas largement utilisée au niveau des recherches sur la succession, parce
que la propriété familiale, l'unité de gestion et ses intérêts, et la surveillance ne sont pas
nécessaires dans cette perspective (Chrisman, Chua, et Litz, 2004). Ultérieurement, la recherche
a présenté de nouveaux conflits agent-principal, comme ceux découlant de la succession familiale
et de la relation avec les actionnaires non familiaux (Villalonga et Amit, 2006). Par ailleurs, la
recherche démontre que les mécanismes de gouvernance de l'agence, comme le conseil
d'administration, les régimes de rémunération incitative, et les activités de surveillance, servent
à leur objectif théorisé au sein des entreprises familiales, afin de réduire les problèmes d’agence
au moment de la succession (Anderson et Reeb, 2004).
Toutefois, en raison des objectifs non économiques et la participation des familles, il y a eu une
transition de la théorie de l'agence à l'intendance pour analyser la succession des entreprises
familiales (Eddleston et Kellermanns, 2007). De ce fait, De Freyman et Richomme (2010)
reviennent afin d’illustrer ces idées par le dilemme entre le désir et le refus de succession qui sont
considérés comme des objectifs non économiques impactant la décision de transmission de
l’entreprise familiale. De ce fait, le tableau suivant éclaircit au mieux les conditions nécessaires
pour assurer une succession en prenant en considération les objectifs spécifiques familiaux :
Ensuite, la théorie de l'intendance pose en principe que la gestion de l'intérêt, et les conflits
organisationnels d'intérêt entre les générations de la famille, sont fondés sur l'esprit d'intendance
et le choix de ne pas violer les intérêts généraux de l'organisation. Cependant, la gestion familiale
améliore les performances de l'entreprise (Hoffmann, Wulf, et Stubner, 2016, Allioui, Habba et
Berrada, 2021). Lorsque les membres de la famille sont en accord avec l'entreprise et ont des liens
affectifs avec l'entreprise (Allioui et Habba, 2019 ; Allioui, Habba et Berrada, 2020 ; El Azizi, Habba,
et Allioui, 2020), la considération pour la survie, le développement des entreprises et la réduction
des risques sera réalisée avec une perspective à long terme, même dans le cas de la succession
transgénérationnelle (Miller et Breton-Miller, 2006).
La plupart des chercheurs qui ont discuté la question de la performance des entreprises familiales
ont avancé des déterminants comme la taille du conseil d'administration, la propriété des actions,
les droits de gestion et d'administration, etc. En général, les chercheurs dans les pays occidentaux
ont tendance à avancer la gestion ou la propriété d'actions pour définir la performance des
entreprises familiales, en raison de la dispersion des capitaux propres. Par conséquent, les
membres de la famille sont les principaux actionnaires ou les gestionnaires, et donc leurs
entreprises familiales seront impactées en performance par le type de propriété. Ultérieurement,
Miller et Le Breton-Miller (2006) avancent quatre orientations fondamentales pour discuter la
performance : la propriété familiale, le contrôle de la famille, les rôles du dirigeant familial, et
l'implication des générations. En résumé, dans les pays asiatiques, la performance d'une
entreprise familiale devrait également tenir compte de la propriété familiale, le contrôle, et le
degré d’implication des membres de la famille.
Ensuite, dans la culture d'entreprise familiale, la succession est importante lorsqu’on discute la
performance. Cependant, il est difficile pour les entreprises familiales de construire un
programme de planification des successions. Pour les fondateurs de l'entreprise familiale, la
relève est le plus grand défi à long terme qui impacte directement les performances. En partant
de cette vision à long terme, un successeur devrait permettre d'améliorer la structure et la
performance de l'entreprise (Porfírio et al., 2020). Dans la même veine, la recherche a révélé
H1 : Les entreprises familiales en première génération sont plus performantes que les
entreprises familiales transmises aux générations suivantes.
Finalement, Sraer et Thesmar (2007) défendent la conclusion selon laquelle la rentabilité des
entreprises n’est pas affectée par la succession. Ils n'ont trouvé aucune alliance entre la
H2 : Les entreprises familiales en première génération sont plus orientées vers la création
des richesses que les entreprises familiales transmises aux générations suivantes.
Afin de répondre à la problématique de ce papier, nous nous positionnons dans une posture
positiviste avec une logique hypothético-déductive, tout en exploitant l’économétrie des données
de panel qui présente plusieurs avantages en termes de la richesse d’informations qu’on peut
tirer à travers ce type de modèles multifactoriels en prenant en considération à la fois une période
de temps étalée sur plusieurs années pour chaque unité d’analyse. Ce fait nous permet de voir
l’évolution de la performance des entreprises de notre échantillon au cours d’une période de
temps, étant donné que la succession est un phénomène qui évolue avec le temps et qui présente
des déterminants qui changent en fonction des périodes. La première étape de l’étude empirique
consiste à procéder à des tests sur les médianes pour les échantillons indépendants pour
comparer les performances entre les entreprises familiales dans la première génération et les
entreprises familiales transmises aux générations suivantes. Deuxièmement, nous avons étudié
les déterminants de cette rentabilité en se basant sur un modèle de régression multiple selon la
méthodologie de l’économétrie des données de panel.
Avant de commencer les tests de l’étude, nous avons vérifié l’existence probables de la multi-
colinéarité entre les variables explicatives du modèle. Les suites de ce contrôle nous permettent
d’incorporer les variables dans les tests qui suivent. Puis, nous avons testé les données sur la base
de la méthode des données de panel en testant deux modèles (effets fixes et effets aléatoires).
Ensuite des tests sont faits pour vérifier l’hétérogénéité individuelle et ont permis de l’accepter
dans le cas des deux modèles (test de Fisher pour vérifier la significativité des effets fixes et le test
de Breush-Pagan pour tester la significativité des effets aléatoires). Le test de spécification
d’Hausman nous a permis de conclure sur la robustesse du modèle d’analyse en acceptant ou en
refusant l’hypothèse de l’indépendance entre l’hétérogénéité individuelle non observée et les
variables explicatives, ce qui présente des résultats plus robustes.
Ce papier se fonde sur les données de 366 entreprises familiales cotées dans le monde Arabe, et
42 822 données annuelles couvrant la période allant de 2011 jusqu’à 2019. Le choix de la région
d’étude se justifie par le fait que très peu de papiers qui se sont intéressés à l’étude
Ces entreprises sont issues de 13 pays dans le monde Arabe qui présentent des entreprises
détenues par des familles Arabes et en même temps cotées en bourse (Algérie, Bahreïn, Egypte,
Iraq, Jordanie, Kuwait, Maroc, Oman, Qatar, Arabie Saoudite, Syrie, Tunis et Arabe Emirates). Ces
données sont extraites de la base de données Orbis (Bureau Van Dijk). Le choix des pays est justifié
également par l’importance des entreprises familiales dans la région Arabe du fait que les
entreprises familiales sont particulièrement importantes dans les économies du Moyen-Orient et
l’Afrique du Nord, puisqu'elles contribuent à hauteur de 60 % au PIB, et emploient plus de 80 %
de la main-d'œuvre (PwC, 2016).
L’échantillon des entreprises familiales est constitué des entreprises contrôlées au moins de 50%
par une famille, dirigées par un membre de la famille (Leach, 1990), et cotées en bourse durant
la période de l’étude. Pareillement, nous avons classé les entreprises familiales en plusieurs
catégories selon les objectifs de notre étude (entreprises familiales avant et après la succession).
Ainsi, pour les paramètres de succession, et sur la base des propos de (Gottardo et Moisello,
2015), nous avons considéré dans un premier temps que les entreprises familiales ayant un âge
supérieur à 25 ans comme transmisses à la deuxième génération. Puis, dans un deuxième temps,
et sur la base des données de gouvernance extraites de la base de données Orbis, nous avons
vérifié le passage de la succession de la première génération aux générations suivantes après 25
ans de vie, et ce, sur la base des éléments suivants : le fondateur, le PDG et le DG actuels, et la
relation familiale entre le PDG/DG actuel et le fondateur. Dans ce cadre, nous nous basons sur les
propos de (Fan, Wong et Zhang, 2012), qui stipulent que la succession a lieu lorsqu'un membre
de la famille est nommé au poste de président et lorsqu’il y’a un transfert d’une partie ou la
totalité du contrôle du fondateur au successeur. Dans cette étude, nous appliquons cette
définition de la succession.
Cette étude s’est fixée comme objectif d’identifier les déterminants de la performance
économique selon l’étape générationnelle dans l’entreprise familiale dans le monde Arabe. La
variable dépendante utilisée pour mesurer la performance est le ROA, en convenance avec notre
problématique relatant que le fondateur ou le successeur sont censés créer la valeur pour toutes
les parties prenantes, et donc, on testera empiriquement la rentabilité de l’actif dans son
ensemble. Les variables indépendantes du modèle sont des variables qui reflètent les
déterminants de la rentabilité des entreprises d’après la littérature empirique sur laquelle cet
écrit est fondé. Le tableau 4 suivant montre, la classification des variables de notre modèle, les
justifications théoriques et empiriques, les méthodes de calcul, et le codage :
3. Résultats et discussion sur l’impact des événements successoraux sur la performance des
entreprises familiales cotées dans le monde Arabe
3.1. Analyses des résultats statistiques des tests non paramétriques et du modèle
multifactoriels
Tout d’abord, sur la base des qualités distinctives des fondateurs énumérées au niveau de notre
revue de littérature, par rapport aux successeurs au niveau des entreprises familiales, la revue de
littérature de notre papier propose que les entreprises familiales héritées génèrent moins de
performances par rapport aux entreprises familiales non encore transmises. Dans ce cadre, nos
résultats des tests non paramétriques corroborent cette affirmation dans le contexte de la région
Arabe. Cette corroboration est faite sur la base du ROA en montrant que la performance des
entreprises familiales cotées dans le monde Arabe se dégrade en montant dans les générations
qui prennent la relève (Tableau. 6).
Ensuite, la deuxième étape de notre étude consiste à tester un modèle à plusieurs variables
explicatives afin d’étudier les déterminants de la performance dans chaque échantillon. Les
résultats sont exposés dans le tableau ci-dessous :
Dernièrement, nous devons procéder à un test de la robustesse du modèle d’analyse. Pour ce, et
puisque nous adoptons l’économétrie des données de panel comme méthode d’analyse, nous
procédons au test d’Hausman (Tableau. 6). Le test d’Hausman est un test de spécification qui
permet de déterminer si les coefficients des deux estimations (fixe et aléatoire) sont
statistiquement différents. L’idée de ce test est que, sous l’hypothèse nulle d’indépendance entre
les erreurs et les variables explicatives, les deux estimateurs sont non biaisés, donc les coefficients
estimés devraient peu différer. Le test d’Hausman compare la matrice de variance-covariance des
deux estimateurs : W = (βf-βa)’var(βf-βa)-1(βf-βa).
Le résultat suit une loi χ2 avec K-1 degré de liberté. Si on ne peut rejeter la nulle, par exemple si
la p-value est supérieure au niveau de confiance, on utilisera les effets aléatoires qui sont efficaces
s’il n’y a pas de corrélation entre les erreurs et les variables explicatives. Dans le modèle à effets
aléatoires, l'effet spécifique à l'individu est une variable aléatoire qui n'est pas corrélée avec les
variables explicatives. Tandis que dans le modèle à effets fixes, l'effet individuel spécifique est
une variable aléatoire qui peut être corrélée avec les variables explicatives.
Dans notre cas, la p-value est inférieure au niveau de confiance de 5%, de ce fait, le modèle des
effets fixes est plus robuste dans les deux cas (entreprises familiales en première génération, et
entreprises familiales après la première génération).
Les résultats des tests générés à travers les données de panel se présentent en cinq points
essentiels :
(1) Les tests sur la variable dépendante (ROA) sont robustes suite aux résultats du test d’Hausman
(Tableau. 6). Ainsi, ces derniers exposent des résultats discriminants en termes des déterminants
de la performance financière entre les classes d’entreprises proposées par cette étude (comme
mentionné au niveau des résultats suivants).
(2) Un premier effet discriminant se présente par la significativité positive des opportunités de
croissance (Q) et le taux de croissance du chiffre d’affaires (GROSA) dans le cas des entreprises
familiales en première génération dans le monde Arabe, par rapport à leurs homologues gérées
par les héritiers et transmises aux générations suivantes.
(4) Le troisième résultat se présente à travers la significativité négative de la rotation des capitaux
investis dans le cas des entreprises familiales de première génération, par rapport aux entreprises
familiales transmises aux générations suivantes.
(5) Le quatrième résultat non discriminatoire s’expose par la significativité positive de l’efficience
(EFFIC) et la performance passée (PERFNP), et la significativité négative du levier (LEV), au niveau
des deux catégories d’entreprises familiales.
Sur la base de ces résultats, cette étude présente deux constats originaux discutés dans le
contexte des pays Arabes. Le premier concerne les effets de la croissance sur la performance dans
le cas des entreprises familiales de première génération, et le deuxième concerne les effets de la
politique de prudence sur la performance des entreprises familiales transmises.
Interprétativement, les résultats affichent une plus grande performance des entreprises
familiales de première génération, ce qui explique à travers les tests de panel par les taux de
croissance du chiffre d’affaires et le ratio des opportunités d’investissement qui sont très
significatifs positivement, et contrairement ils ne le sont plus lorsqu'une entreprise familiale est
transférée de la première à la deuxième génération. Toutefois, dans les entreprises familiales
après la première génération, aucun effet significatif de la succession sur la croissance ne peut
être reconnu, ce qui explique probablement la détérioration de leur performance. Ces résultats
montrent que le chiffre d’affaires de l'entreprise familiale est influencé par la succession, ce qui
lui rend non significatif pour la performance dans le cas des entreprises familiales transmises aux
générations suivantes.
Puis, les entreprises familiales de première génération sont caractérisées par une prise de risque
afin de saisir les opportunités d’investissement qui se présentent sur le marché (LEV
significativement négatif), ce qui nous permet de conclure sur l’objectif de la création de richesses
par la première génération. Contrairement, les générations qui prennent la relève sont
caractérisées par la préservation des richesses. Ce fait s’explique à travers deux côtés : le premier
positif et l’autre négatif. Le côté positif se traduit par la significativité positive des capitaux (INDF).
Néanmoins, le côté négatif s’expose à travers la présence de plus de ressources par rapport aux
emplois (l’équilibre financier est significativement négatif). Ce dernier constat peut s’expliquer à
travers deux objectifs probables des héritiers qui prennent la relève ; soit ils s’endettent pour
financer le cycle d’exploitation, ce qui pèse sur leur levier et leur équilibre en allouant les dettes
au cycle d’exploitation au lieu de les orienter vers le cycle d’investissement ; soit ils s’endettent
et accumulent plus de ressources en suivant une politique de prudence par la non saisie des
opportunités sur le marché, ce qui leur mène au sous-investissement.
Dans ce cadre, la quête des explications nous amène à celles de la perspective de l'agence, qui
offre une explication plus détaillée de l’influence du levier sur l'évolution des performances des
entreprises familiales au fil des générations, car la stagnation est souvent enracinée dans les
conflits entre les membres de la famille (Birgach, Berrada, and Habba, 2020). En ce sens, il est
démontré que la perspective de stagnation sera particulièrement plus évidente dans les
entreprises familiales de deuxième génération, parce que les entreprises de troisième génération
ou plus sont généralement moins confrontées à des conflits entre l'opérateur historique et le
successeur, et moins caractérisées par l’aversion au risque qui met en danger leur prospérité
(Debellis et al., 2021). Ces auteurs indiquent que la transition entre la génération fondatrice et la
deuxième génération peut être considérée comme l’une des plus grandes turbulences. Ainsi,
l’idée que les entreprises familiales de la troisième génération ou plus sont moins vulnérables aux
conflits résulte du fait que les dirigeants/membres de la famille ont déjà une grande expérience
de la transition des successions antérieures. Dans ce sens, il est évident que le transfert entre les
membres de la famille des autres générations peut être réglé beaucoup plus en douceur, sans
nuire au développement de l'entreprise.
Néanmoins, Foss et al. (2021) montre que l'influence d’autres facteurs tels que la propriété
psychologique sur le degré du comportement intendant de gestion doivent être pris en compte
pour gérer les impacts négatifs de la transmission. Ils indiquent que les gestionnaires fondateurs
et ceux qui ont des participations plus élevées sont plus susceptibles de se comporter en tant que
conservateurs parce qu'ils ressentent un sentiment plus fort d'attachement à l'entreprise.
Ce papier étudie l’impact de la transmission sur la performance des entreprises familiales dans le
monde Arabe. Afin de produire nos résultats, nous avons mené notre étude sur un échantillon de
366 entreprises familiales dans le monde Arabe sur la période 2011-2019. À notre connaissance,
notre étude est la première à trouver des preuves mettant en relation la transmission des
entreprises familiales, la saisie des opportunités d’investissement, et la politique de prudence
dans le cas des entreprises familiales transmises dans le contexte des pays Arabes.
Nos résultats ont révélé que la succession impacte négativement la saisie des opportunités et la
croissance sur le marché dans le contexte des entreprises familiales dans le monde Arabe. De
plus, notre papier met la lumière sur la politique de prudence qui caractérise les entreprises
familiales transmises, à travers l’accumulation des ressources et le sous-investissement. Dans ce
sens, nous apportons la preuve que la richesse de la famille et les affaires de business sont reliés
entre eux dans la tradition de clientélisme (Farh et Cheng, 2000), qui se traduit au niveau des pays
Arabes par la transmission des entreprises familiales aux héritiers, ce qui donne des effets
néfastes sur le développement des entreprises familiales Arabes. Autrement dit, la succession aux
héritiers est inévitable dans le contexte Arabe, et donc les entreprises familiales peuvent afficher
des performances contradictoires et se stagnent, par rapport aux entreprises familiales de
première génération.
Par conséquent, notre étude a plusieurs apports. Au niveau théorique, ce papier contribue à
combler le vide théorique sur les études liant la succession et la performance dans le cas des
entreprises familiales dans un monde Arabe qui présente des spécificités économiques,
institutionnelles, juridiques, et culturelles. Au niveau méthodologique, cette recherche emploie
l’économétrie des données de panel qui apporte une adaptation au phénomène successoral
évoluant dans le temps. Cette méthode nous a donné des éclaircissements sur le comportement
des variables explicatives financières des entreprises familiales dans la région Arabe sur une
période de 9 ans. Au niveau des implications pratiques, il est très important de préparer un plan
consistant de l'impact de la succession à l'avance. Dans ce sens, les entreprises familiales doivent
donc être engagées de préparer à l’avance leur relève, en se basant sur la formation des
successeurs potentiels.
Néanmoins, la prise en charge de l'entreprise familiale par des membres de la famille peut être
une alternative intéressante pour eux au lieu de commencer une nouvelle entreprise à partir de
Une autre mesure fait référence à la réduction des charges fiscales liées à un transfert
d'entreprise familiale. Plusieurs pays ont déjà pris des mesures dans ce sens (par exemple,
l'Autriche, la Suède), et donc plus de travail doit être encore fait pour limiter davantage la charge
fiscale et financière, et les conditions liées à l’héritage dans les pays du monde Arabe.
Finalement, et en dépit des résultats intéressants qui pourraient être tirés de nos analyses, nous
mentionnons quelques limites de notre étude. Compte tenu de la grande complexité qui va
habituellement de pair avec la transition de l'entreprise familiale, nous pouvons prévoir que
l'interaction de plusieurs facteurs déterminera dans quelle mesure la succession aura un impact
sur l’entreprise familiale. À cet égard, nous pourrons se référer à plusieurs questions telles que le
niveau des conflits intrafamiliaux, la qualité et les compétences des descendants de la famille, le
degré de planification de la relève, la mesure dans laquelle la succession a été forcée à cause de
la maladie soudaine ou la mort du dirigeant de l’entreprise familiale, le rôle de l'opérateur
historique après la succession, le degré auquel la propriété et le contrôle est transféré entre les
générations, et ainsi de suite. Même si un bon nombre de ces facteurs auront probablement une
interaction de médiation qui influence sur la relation entre l'événement de la relève et la
performance, ils ne pouvaient pas être intégrés dans la recherche actuelle en raison de l'absence
de données longitudinales par rapport à ces sujets.
Bibliographie :
Allioui, A., &Habba, B. (2019). Les effets des objectifs non financiers sur l’évaluation des
entreprises familiales marocaines: une approche exploratoire. Moroccan Journal of
Entrepreneurship, Innovation and Management, 4(1), 29-40.
Allioui, A., Habba, B., & El Azizi, T. B. (2020). Transgenerational Succession’Effects on Financial
Performance of Listed Family Firms in the Arab Countries. European Scientific Journal, 16(25), 125.
Allioui, A., Habba, B., & El Azizi, T. B. (2021). Cultural Specificities of Succession’ failure and success
in the Context of Unlisted Moroccan Family-Owned Businesses. Business Management and
Strategy, Vol. 12, No. 1, June 2021.