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Module 3 – Modes de production

Alimentation (chair et ponte)

L’alimentation des volailles doit permettre de répondre aux besoins des animaux dans un
objectif de production de viande dans le cas des poulets de chair et d’œufs dans le cas des
poules pondeuses. Dans ce chapitre, vous découvrirez les besoins nutritionnels spécifiques
de ces animaux et les matières premières utilisées pour y répondre. Nous parlerons aussi de
la présentation et de la distribution de l’aliment qui jouent un rôle sur la prise alimentaire. Enfin,
nous évoquerons quelques enjeux environnementaux et sociaux auxquels l’élevage doit faire
face et pour lesquels l’alimentation animale peut apporter des réponses.

1 - Quels sont les besoins du poulet et de la poule ?


Pour être en mesure de fabriquer un aliment adapté, il faut avant tout bien connaître les
besoins des animaux. Ces besoins sont définis pour l’énergie et ce qu’on appelle des
nutriments comme par exemple les protéines ou encore le calcium. C’est un peu comme les
Apports Journaliers Recommandés en nutrition humaine que vous retrouvez sur les
emballages des produits alimentaires !

Les nutriments permettent d’exprimer dans la même unité, les besoins de l’animal d’une part,
et les apports des matières premières d’autre part. En effet, il existe des tables de composition
et de valeur nutritive des matières premières comme les tables françaises produites par l’INRA
et l’AFZ (Association Française de Zootechnie). Entre nous, nous les appelons « les tables
vertes ».

Dans le cas de la volaille, et pour fabriquer un aliment qui réponde précisément aux besoins
des animaux, il est important de bien choisir les nutriments à prendre en compte. Les
principaux nutriments à retenir dans le cas des volailles sont : l’énergie métabolisable (EM, en
kcal/kg), la teneur en protéines (MAT, en %), les acides aminés digestibles indispensables :
méthionine et lysine notamment (en %), le calcium (Ca, en %) et le phosphore disponible (P,
en %).

L’énergie métabolisable fait référence à l’énergie utilisable par l’animal. Elle correspond à
l’énergie brute de l’aliment à laquelle sont retranchées les pertes fécales et urinaires. Le cas
des oiseaux est particulier puisqu’urine et fèces sont excrétées simultanément sous la forme
de fientes. Ces pertes d’énergie fécales et urinaires ne peuvent donc pas être dissociées.
Les acides aminés digestibles correspondent de la même façon à la fraction qui est absorbée
(c’est-à-dire qui traverse la barrière intestinale) et qui est donc utilisable par l’animal pour sa
synthèse protéique. En effet, les acides aminés sont issus de la digestion des protéines (des
macromolécules constituées de plusieurs acides aminés). Cette digestion est toujours
incomplète et elle est variable selon les matières premières. Certains acides aminés ne
peuvent être synthétisés par l’oiseau et doivent être apportés par l’alimentation selon un
équilibre spécifique, sinon la croissance est ralentie. Il faut savoir que les acides aminés en
excès ne sont pas utilisés ni stockés mais directement excrétés : inutile donc d’augmenter la
quantité de protéines si l’équilibre des acides aminés n’est pas respecté.

Enfin, le phosphore disponible correspond à la quantité de phosphore utilisable par l’animal


comparée à une source de référence, comme le phosphate mono-calcique.
Estimer les besoins des animaux pour chaque nutriment n’est pas tâche facile ! En effet, les
besoins nutritionnels ne sont pas universels et dépendent de nombreux facteurs : la génétique,
le sexe, l’âge mais aussi les conditions d’élevage et pour finir les objectifs de production
comme par exemple l’indice de consommation, la vitesse croissance (en poulet), la fréquence
de ponte ou le poids des œufs (en pondeuses). On distingue généralement les besoins
d’entretien correspondant au métabolisme de base et à l’activité physique de l’animal et les
besoins de production qui correspondent à la croissance pour la poulette et le poulet de chair
et la production d’œufs dans le cas de la poule.

La performance de production exprimée par l’animal est conditionnée par le nutriment limitant.
Cette notion de nutriment limitant est souvent illustrée par l’image du tonneau. Chaque planche
du tonneau représente un nutriment. Le volume de liquide (de l’eau ou du vin selon vos
affinités), représente la performance (la croissance par exemple). Ainsi, le volume que peut
recevoir le tonneau est dépendant de la hauteur des planches et il est notamment tributaire de
la planche la plus courte : le nutriment limitant.

En volaille, dans le cas des régimes habituels constitué de céréales et de soja, le premier
acide aminé limitant est la méthionine, suivi de la lysine, la thréonine et le tryptophane. Il existe
un équilibre « idéal » en acides aminés pour avoir la meilleure performance, sans excès ou
gaspillage d’acide aminé : c’est le concept de la « protéine idéale ». La teneur de chaque acide
aminé digestible dans l’aliment est définie par rapport à la teneur en lysine digestible. Ainsi, si
l’équilibre est respecté, tous les acides aminés sont co-limitants : toutes les planches du
tonneau font la même taille.
Dans le cas de la poule pondeuse, il faut aussi veiller au rapport phosphocalcique qui doit être
ajusté pour maîtriser la qualité de la coquille notamment.
Afin d’être sûr de satisfaire correctement ces besoins, les fabricants d’aliments respectent des
« contraintes nutritionnelles ». Il s’agit de teneurs minimales et/ou maximales définies pour
chaque nutriment.
Ces contraintes nutritionnelles tiennent compte de marges de sécurité. Ces marges de
sécurité permettent de se prémunir contre l’incertitude liée à la variabilité des besoins entre
individus et contre l’incertitude liée à la variabilité de composition nutritionnelle des matières
premières d’un lot à l’autre.

2 - Comment caractériser les matières premières ?


Afin de formuler des aliments qui répondent au mieux (ni trop, ni trop peu) aux besoins des
animaux et aux objectifs de production, il faut caractériser les apports nutritionnels des
matières premières et plus particulièrement les apports en énergie métabolisable et en acides
aminés digestibles. Pour cela, on utilise la méthode du bilan digestif qui consiste à mesurer
directement ou indirectement (avec un marqueur indigestible) les quantités ingérées et
excrétés par l’animal. On en déduit par différence la quantité de nutriment « utilisable ».

Certains procédés permettent d’améliorer la digestibilité des matières premières. Il peut s’agir
de traitements mécaniques ou thermiques qui, en entrainant une augmentation de pression
et/ou de chaleur, permettent d’inactiver des facteurs antinutritionnels. C’est le cas de
l’extrusion et du toastage de la graine de soja par exemple. Ou encore de traitements
mécaniques visant à séparer les parties protéiques (amande) des parties fibreuses
(enveloppe) comme le dépelliculage du tournesol.
Finalement, le formulateur doit, régulièrement, tenir compte de la disponibilité, de la
composition et du prix des matières premières pour proposer une formule qui réponde aux
besoins des animaux et aux éventuelles contraintes du cahier des charges et qui soit la moins
chère possible : c’est la formulation à moindre coût.

3 - Quelles sont donc les matières premières qui composent les aliments pour volailles
?
Avant tout, il faut savoir que la réglementation européenne définit une liste positive
d’ingrédients (matières premières et additifs). Seuls les produits figurant sur cette liste sont
autorisés en alimentation animale (même s’ils sont autorisés en alimentation humaine par
ailleurs). A cela s’ajoutent des règles d’étiquetage et une liste de substances indésirables.

En pratique, les volailles sont nourries avec un mélange de céréales (blé et maïs le plus
souvent), de tourteaux et de graines d’oléagineux (soja, colza, tournesol) et de minéraux
(calcium, phosphore, sel). Les céréales permettent avant tout d’apporter de l’énergie tandis
que les tourteaux d’oléo-protéagineux apportent plutôt des protéines.

Les formules sont généralement complétées par un prémix en petite quantité pour assurer
l’apport de vitamines et d’oligo-éléments. Le prémix contient souvent des enzymes (phytase,
xylanase) qui aident les animaux à mieux valoriser les nutriments de l’aliment (le phosphore
notamment).
Il faut savoir qu’en France, les volailles permettent de valoriser chaque année plus de 2,7
millions de tonnes de coproduits (coproduits de meuneries et de distilleries, tourteaux issus de
la production de biocarburants, coproduits de l’industrie agroalimentaire...) non valorisés en
alimentation humaine. En cela, l’élevage de volailles préserve la planète en participant à
l’économie circulaire, limitant la compétition avec l’alimentation humaine et produisant de la
protéine animale à faible impact environnemental.

L’aliment de la poule pondeuse contient environ 2/3 de céréales et coproduits comme les
drêches, les sons, 1/4 de tourteaux (soja et tournesol essentiellement) et 10 % de minéraux.
Le besoin en calcium est essentiellement couvert par l’apport de carbonate de calcium. Si ce
dernier joue un rôle prépondérant dans la bonne qualité des coquilles, la couleur de la coquille
ne dépend que de la génétique de la poule. A l’inverse, la couleur du jaune d’œuf dépend des
apports alimentaires en pigments naturels (dans le maïs, les végétaux du parcours
extérieur…), ou de synthèse : les caroténoïdes.
De la même façon, l’aliment des poulets de chair contient plus de 2/3 de céréales, 1/4 de
tourteaux (soja majoritairement), 3 % d’huiles végétales et 3% de minéraux.
Néanmoins, les formules sont très variables, en fonction du prix des matières premières
notamment, et dépendent également des cahiers des charges. Ces cahiers des charges sont
multiples. Ils stipulent par exemple l’exclusion de certaines matières premières (comme les
OGM) ou sont liés à des Signes officiels d'Identification de la Qualité et de l’Origine (SIQO).
Ainsi, le cahier des charges Label Rouge impose un minimum de 75 % de céréales et
coproduits de céréales. En production biologique, dès janvier 2018, les aliments devront
contenir 100 % de matières premières issues de l’agriculture biologique et excluent entre
autres l’utilisation d’acides aminés de synthèse ou produits par des bactéries génétiquement
modifiées.

4 - Comment est distribué l’aliment ?


Les volailles reçoivent en général un aliment complet, c’est-à-dire un mélange contenant
toutes les matières premières nécessaires. Au cours de sa période d’élevage, un poulet va
recevoir 3 à 4 formules différentes pour satisfaire ses besoins spécifiques à chaque âge.

En effet, il est important d’adapter la composition nutritionnelle des aliments au stade de


production : on ne donne pas la même chose à manger à un poussin ou à un poulet plus âgé.

Pour les poules, on compte 4 formules pour la croissance des poulettes et minimum 3 formules
pendant la période de ponte. Les aliments début de ponte, milieu de ponte et fin de ponte
permettent d’adapter les apports nutritionnels à la productivité des poules (nombre et poids
des œufs).
Les poulets sont nourris ad libitum, ce qui signifie que les mangeoires contiennent en
permanence de l’aliment et que les poulets mangent quand ils le veulent. Des systèmes
automatiques permettent d’apporter régulièrement de l’aliment dans la mangeoire à mesure
que les animaux le consomment. Les poules reçoivent quant à elles l’aliment à plusieurs
reprises dans la journée : comme nous, elles ont des repas, également gérés par des
systèmes automatiques.

La présentation (forme, couleur, dureté) de l’aliment est essentielle car elle conditionne la prise
alimentaire. Il faut donc proscrire tout changement brutal de présentation pour éviter les arrêts
de consommation. En élevage de poulets de chair, le poussin reçoit d’abord de l’aliment sous
forme de particules grossières appelées miettes et adaptées à la taille de son bec. En élevage
conventionnel, les aliments croissance et finition sont présentés sous forme de granulés. En
élevage alternatif (sous signe de qualité Label Rouge ou biologique), les aliments croissance
et finition sont plutôt distribués en farine grossière pour maîtriser le gain de poids. Les poules
reçoivent en général de la farine sauf au stage poulette démarrage.
Dans tous les cas, une granulométrie homogène est indispensable pour éviter le
comportement de tri car les volailles consomment préférentiellement les grosses particules.
Le risque à éviter est que les minéraux (par exemple) se retrouvent majoritairement dans les
particules fines non consommées conduisant à une dégradation des performances
zootechniques.
Il existe quand même une exception : lorsque la poule est en période de ponte, le calcium est
distribué sous forme de particules grossières visibles dans la farine. Les poules peuvent alors
consommer spécifiquement du calcium en fin de journée pour préparer la formation de la
coquille (qui a lieu la nuit).

La fonction première de l’aliment est de nourrir les animaux pour assurer, entre autres, la
fonction de production. Cependant, l’aliment concentre un grand nombre d’enjeux plus
diversifiés dont voici quelques exemples pour terminer ce cours.
5 - Les enjeux autour de l’alimentation des volailles - (Ce paragraphe donne quelques
éléments de réflexion sur le rôle important de l’alimentation en termes de durabilité des filières
avicoles. Ce sujet sera détaillé dans le module 6).
L’aliment concentre de forts enjeux économiques puisqu’il représente près de 60 % du coût
de production d’un kilogramme de poulet vif et près de 60 % du coût de production d’un œuf.
L’aliment doit également être sain et participer à la bonne santé et au bien-être de l’animal.
Enfin, dans le contexte actuel, la formulation est réfléchie de façon à mieux prendre en compte
les attentes diversifiées de la société souvent traduites dans des cahiers des charges. Il s’agit
par exemple de limiter les rejets d’azote et de phosphore dans les fientes, mais également de
veiller au choix des matières premières (non OGM, issues de zones non déforestées ...) ou
encore de privilégier les matières premières locales aux matières premières importées pour
améliorer l’autonomie protéique de l’élevage français.

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