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Communication et langages

Les signes alchimiques


René Ponot

Résumé
Les signes utilisés par les alchimistes offrent un exemple, peut-être unique, de système graphique échantillonné du figuratif à
l'abstrait. Ils permettent donc de suivre et d'observer un processus complet de structuralisation à travers ses stades successifs.
Cela revient aussi à voir naître et s'élaborer un langage. René Ponot, dans l'article que nous publions ici, suit ce chemin. Il a
classé et tenté d'interpréter la totalité des signes alchimiques contenus dans l'Encyclopédie de Diderot, qui leur a consacré
quatre grandes planches. Cette étude, préparée dans le cadre des travaux du Groupe de recherches sur le schéma et la
schématisation, a fait l'objet d'une communication au 21e Rendez-vous graphique de Lure (été 1971). Au début de 1972, un
condensé en sera présenté sous forme de panneaux, lors d'une exposition organisée par le groupe Schéma et Schématisation
à l'école Estienne.

Citer ce document / Cite this document :

Ponot René. Les signes alchimiques. In: Communication et langages, n°12, 1971. pp. 65-79.

doi : 10.3406/colan.1971.3903

http://www.persee.fr/doc/colan_0336-1500_1971_num_12_1_3903

Document généré le 05/01/2016


L ESS GN ES

ALC HIM QU ES

par René Ponot

Les signes utilisés par les alchimistes offrent un exemple, peut-être unique,
de système graphique échantillonné du figuratif à l'abstrait. Ils permettent
donc de suivre et d'observer un processus complet de structuralisation
à travers ses stades successifs. Cela revient aussi à voir naître et
s'élaborer un langage. René Ponot, dans l'article que nous publions ici, suit
ce chemin. Il a classé et tenté d'interpréter la totalité des signes
alchimiques contenus dans l'Encyclopédie de Diderot, qui leur a consacré quatre
grandes planches. Cette étude, préparée dans le cadre des travaux du Groupe
de recherches sur le schéma et la schématisation, a fait l'objet d'une
communication au 21e Rendez-vous graphique de Lure (été 1971). Au début de
1972, un condensé en sera présenté sous forme de panneaux, lors d'une
exposition organisée par le groupe Schéma et Schématisation à l'école
Estienne.

Je confesse ne rien connaître, ou presque, de l'alchimie. Le peu


d'ouvrages que j'ai lus m'ont fait entrevoir un monde que
j'imagine fascinant, mais qui, peut-être, risquerait de nous éloigner
du sujet qui nous intéresse réellement : les signes alchimiques
considérés comme éléments constitutifs d'un langage. Or, c'est
un point que les auteurs les plus récents que j'ai consultés
esquivent allègrement, à moins qu'ils ne le passent tout à fait
sous silence. A vrai dire, cette carence me rend service : c'est
en toute liberté d'esprit, sans contrainte et sans idées
préconçues que je puis aborder le travail dénué de prétentions que je
présente ici. Les manuscrits rédigés par les alchimistes traitent
essentiellement de la doctrine hermétique, de la pratique
alchimique beaucoup plus rarement, et toujours dans un langage si
dissimulé qu'il est très difficile, même au prix de savantes
exigences, de reconstituer la technique de leur art. Pour le profane,
l'impression dominante est qu'ils faisaient preuve d'une infinie
patience : « Ce qui caractérise au plus haut degré l'alchimiste,
» c'était la patience. Il ne se laissait jamais rebuter par des
» insuccès. L'opérateur, qu'une mort prématurée enlevait à ses
» travaux, laissait souvent en héritage à son fils une expérience
• commencée et il n'était pas rare de voir celui-ci léguer dans
» son testament les secrets de l'expérience inachevée » (F. Hoe-
fer, 1869).
Précisons que, si les alchimistes n'étaient pas, en général, des
Les signes alchimiques

« faiseurs d'or » cherchant une source de fortune illimitée, mais


plutôt des hommes de passion acharnés à arracher ses secrets
à la nature, il n'en reste pas moins que leur art était maudit et
qu'il devait resté voilé de mystère. De plus, affirmait Roger
Bacon : « En révélant le secret, on diminue sa puissance. Le
» peuple n'y peut rien comprendre, il en ferait un usage vul-
» gaire qui lui enlèverait toute valeur... Et les méchants, s'ils
» connaissaient le Secret, en feraient mauvais usage et boule-
» verseraient le monde. Je ne dois pas aller contre la volonté
» de Dieu, ni contre l'intérêt de !a science. C'est pourquoi je
» n'écrirai pas le Secret de manière que n'importe qui puisse
» le comprendre. »
L'enseignement alchimique était, par voie de conséquence, le
plus souvent oral ; lorsqu'il était écrit, il se dissimulait, comme
tout langage ésotérique, derrière des symboles. Certains
ouvrages comme le « Mutus Liber » se composent
exclusivement de signes allégoriques. Dans d'autres, l'illustration,
toujours symbolique, vient à l'appui du texte, rendu à dessein
incompréhensible. Ces allégories et ces symboles, œuvres
d'artistes, ont motivé une abondante littérature : ni les unes ni
les autres ne nous intéressent. Nous ne désirons nous arrêter
qu'aux « signes » qui, eux aussi, figuraient dans les relations
d'expériences et constituent une forme d'écriture qui, pas plus
que la nôtre, n'exigeait du scripteur des dons particuliers de
dessinateur.

DES SIGNES, UNE SYNTAXE, UN LANGAGE ?


Notre ignorance du « Grand Œuvre » ne nous permet pas
d'affirmer que la succession des signes, rendant compte d'une
expérience, ne relevait d'aucune syntaxe. Les signes, en effet,
n'exprimaient pas nécessairement le corps représenté, mais
souvent, comme des métaphores, l'un ou l'autre de ses états.
En veut-on un exemple ? Le soufre désignait les propriétés
actives : combustibilité, pouvoir d'attaquer les métaux... Le
mercure désignait les propriétés passives : éclat, volatilité,
fusibilité, malléabilité... Le sel était leur trait d'union, quelque chose
tvj comme l'élan vital entre l'âme et le corps. Donc, soufre, mer-
^- cure ou sel, entre autres, ne signifiaient pas « ipso facto »
S» soufre, mercure ou sel. Il ne me semble pas, à première vue,
1 que cette syntaxe ait jamais existé. D'autant qu'elle eût été
2 contraire à la règle du secret chère aux initiés.
« Comme tout langage, le langage graphique de l'alchimie a
§ inventé des mots, que l'usage a polis, transformés. Des doublets
*= sont nés, par oubli, ignorance ou nécessité. Des racines ont été
g perdues.
| C'est ce que nous allons essayer de développer à partir des
E signes recensés dans l'« Encyclopédie » de Diderot (éditée de
Graphisme 67

1751 à 1772), à l'article Chymie (on prononçait alors Khymie).


Les planches de cet ouvrage offrent certainement à notre
curiosité le plus important répertoire de signes alchimiques qui ait
été montré au grand jour. Ce choix ne doit pas nous troubler
puisque la chimie, se substituant progressivement à l'alchimie
(XVIIe siècle), avait adopté ses symboles, lesquels restèrent
partiellement utilisés jusqu'à ce que Berzélius eût fait admettre
universellement (en 1868) le code actuel désignant par leurs
initiales les noms latins des éléments (corps composés d'atomes
égaux entre eux).
L'alchimie connut son apogée au Moyen Age et à la
Renaissance. Son origine remonterait aux Egyptiens, mais ses signes
et ses symboles se rencontrent initialement dans les manuscrits
grecs. Ils se transmirent aux Arabes puis à l'Occident, en même
temps que les règles et les recettes ésotériques dont ils
permettaient le déchiffrement aux seuls adeptes.
A l'époque de l'« Encyclopédie », les expériences ex-alchimiques
étaient évidemment dépouillées de tout mysticisme, et « a
fortiori » de toute magie. Graphiquement, les signes les décrivant
n'avaient pas varié, mais leur signification n'était plus du tout
mystérieuse. Des symboles nouveaux s'étaient, au cours des
âges, ajoutés aux anciens : d'où plusieurs signes pour un même
concept1. Cette multiplication ne contrariait en rien, semble-t-il,
l'enseignement transmis d'Adepte2 à initié.
L'observation attentive des 4 planches de l'« Encyclopédie » m'a
amené à regrouper leurs signes selon leur degré d'iconicité et
à en répartir un certain nombre seulement (par manque de
place) en 15 catégories regroupées dans les 8 tableaux qui
suivent.

Symboles (tableau I)
Ce sont certainement les signes les plus anciens. Ils sont
empruntés à l'astrologie. Pour Paracelse, et bien avant lui pour
les Chaldéens, chaque métal devait son origine au corps
céleste dont il porte le nom. Le cercle, c'est le so/e/7, dans toutes
les mythologies, et l'or ; la lune, représentée par un croissant,
c'est l'argent. Selon certains auteurs, le symbole du mercure
proviendrait du caducée. Dans le signe cuivre ils voient le
miroir de Vénus. La flèche et le cercle de Mars, dieu de la
guerre, seraient sa lance et son bouclier. Saturne, au
mouvement lent, fait penser au temps (Kronos), et le signe du plomb
pourrait n'être qu'un K déformé. Jupiter, c'est le tonnerre ; son
signe pourrait à l'origine avoir été un éclair, ou encore
l'initiale de Zeus, son nom grec.

2.1. Adepte,
On en connaît
avec uneunemajuscule,
soixantainedésigne
pour l'or.
un alchimiste ayant découvert la pierre philoso-
phale. Avec une minuscule : tout homme qui pratiquait « l'art sacré ».
Les signes alchimiques

Les éléments chimiques fondamentaux, selon Aristote, sont des


triangles.
Le feu monte (pointe vers le haut). Veau tombe et s'infiltre dans
le sol (pointe vers le bas). L'air monte, mais il est plus lourd
froid que chaud : c'est donc le feu surchargé d'une barre. La
terre, dans laquelle pénètre l'eau, est l'eau immobilisée par une
barre. Le zodiaque apporte sa contribution. Le signe balance
signifie esprit (partie volatile des corps soumis à distillation).
Avec de petites flèches aux extrémités il devient acide. Retourné
avec un point dans sa partie creuse, c'est Vannée.

Signes tirés de figures géométriques élémentaires (tableau II)


Ces figures sont le cercle, le triangle (dont nous avons déjà
parlé) , le losange et Yétoile.
Je dois résister à la tentation de décrire et expliquer chaque
signe. Il s'ensuivrait un bavardage certainement fastidieux pour
le lecteur que je préfère ne pas frustrer du plaisir de ses propres
découvertes. Je tenterai donc de limiter mes commentaires au
strict minimum. Et pour commencer je me bornerai ici à
souligner la richesse d'invention à laquelle le cercle s'est prêté.

Symboles enrichis et alliances de symboles (tableaux I et II)


L'écriture chinoise use des deux procédés. Ce que je nomme
symboles enrichis, c'est, par exemple, en chinois, le signe de
l'homme trois fois répété pour signifier foule. Le soleil dans
les herbes, qui veut dire soir, constitue quant à lui une alliance
de symboles.
En alchimie, un cercle et une flèche à une pointe, c'est le fer ;
avec deux pointes, c'est Vacier. Le mercure sublimé (volatilisé
et recueilli à l'état solide) est représenté par le signe mercure
augmenté du signe esprit. Le mercure précipité inverse le
signe esprit, car le corps insoluble tombe au fond du récipient.
L'or de mine, par opposition à l'or alchimique, combine les
signes de l'or et de la terre ; etc.

Signes figuratifs = pictogrammes (tableau IV)


Le signe désigne l'objet représenté. N'importe qui peut
l'identifier. Sans doute parce que le secret ne s'impose nullement.
Savoir qu'on a recours à Vathanor (fourneau destiné à cuire
l'œuf philosophique, c'est-à-dire le ballon de verre contenant la
« matière ») n'informe guère quiconque ne comprend rien de
plus.
Remarquez la différence entre le crâne, qui ne donne qu'un
contour barré au niveau des orbites, et la tête morte, où figurent
les yeux, le nez et un tibia.

Idéogrammes (tableau IV)


Comme dans toutes les écritures à leur origine, on a substitué à
Graphisme 69

Symboles SymboUs enrichis


-et alliances de symboles

Çj Acter

F.au

Air

Terres Carai/

Cristal, tic Saturne

Emprunts à l'astrologue,
Flair
Soleil Or
Lttarj

Mercure/ O , CJ Mercure*
Préaprié,
Mercure*
Mars (a) Fer
Ma
Jupiter

Saturne/ Plomb Mercure,


Subhmz,
VâwbS
Or d offline

Ly d'ihituno,
Emprunts cuu, zodiaque,
■ deTfcri
Balance/
SeLArmoiiuuy
5
4-/W yldde/ An,
Les signes alchimiques

Tableau/ II

Symboles enrichis jet alliances de, symboles (Suite,)

& des
QO Sucre

Subhin&dc' Mercure? Turtrc

Subiime /ait iiiUT Sou/re *\&Y Tulie- Sublimées

Lettres ahstractiséeS

Bo/ stfrmrwen FUir

Cd/cma* Cejuei
m
Lu C/iaiu." c/e Vu (Tram
COQ
Coaçuler

J^ujucur de*
Saturncs caLuic

(T ÇfisfaLeù
Litanjo $ Clnjcnt

^D Decocfï'oTis Lut ùo Sapience


-r
Al Dc/?ue,aru(//nc T

z"! Damo onco ^ïL Nuict/

?l, Salpêfre

Esprvb Vitrioù
Graphisme 71

Tableau/ III

Signes tirés de> figures géométriques élémentaires

Tirer du cercle Tirés du, triangle

SÎ/iUmoui&. Cinabre*

Nitre/ou* Salpêtre/ Soupkrc

r. Sel/. Tarare/

e,e,#
Tirés dw losange
Ecurne, de,

o Scu>oio
ifC7i/e/ Vîtrioliçue

Perd i
au

Hu/le -images

Acide Nûrciix

ùL Perd

Y Fer

|Lf| La/ripes
SelAlkali

JR Motte, de, Tcmair

Étoile, y/

Sel. CUnmanzao
Les signes alchimiques

ToJbleotUV

Signes figuratifs

Pictogrammes Idéogramnes

O (fe> Flume

.Jtnaiic7/- Sai
ain

BaùiMarte .vSv. Baa1 ^e &

U C/wvine ±q Baume

Q (Wncde Cerf Pi Cui/lere'e

" Cran&Hu/n<wi> Du/erer

Dilrti'//er

Cucurlnte Fao di

Eau lùfoer

ûome-

McJic. Heure,
fccco

Plulosophiau
Oeuf\ Juù/itner

RcLvle

Sablc> f^en *&


o
<uO)
Teste morfe,

I
o
o
Graphisme 73

l'objet représenté l'idée qu il pouvait évoquer. C'est le début


d'une convention. La cuillère n'est plus la cuillère, mais la
cuillerée. L'alambic exprime la distillation. Le sablier, c'est une
heure. Le verre est suggéré par le filtrage ou le renvoi du soleil.
Remarquez la digestion symbolisée d'une manière cocasse par
deux cercles : la tête et le ventre avec le nombril.

Alliance de symboles et de signes figuratifs (tableau V)


Nous pouvons esquisser à leur propos un timide rapprochement
avec l'écriture égyptienne qui a parfois choisi, pour écrire un
mot, ceux des divers dessins des consonnes qui l'évoquaient
le mieux 3. Exemples en alchimie : Fleur de Saturne : signe du
plomb terminé par une fleur. Fleur d'airain : signe du cuivre
surmonté ou agrémenté d'une corolle. Limaille de fer : signe du fer
avec adjonction de particules métalliques sous forme de points.

Lettres et chiffres (tableau VI)


Les signes alphabétiques et numériques sont peu employés
isolément. Le tableau en donne cependant un petit échantillonnage.

Lettres abstractisées (tableau II)


J'appelle ainsi, par une sorte de pléonasme, les lettres ayant
subi des transformations, reçu des appendices et autres
enjolivures. Remarquons que ces lettres ne correspondent pas
toujours à l'initiale du mot désignant la chose signifiée. Peut-être
parce que le signe vient parfois du nom latin et parfois du nom
écrit dans la langue maternelle de l'alchimiste qui, le premier,
l'a adopté.
Voyez coaguler ; on sent déjà (dans le premier des deux signes)
l'image de la lettre C en cours de coagulation. Pour calciner,
le C allonge sa boucle inférieure comme une bande de papier
carbonisé. La demi-dragme montre l'S long ancien pour semi
(= demi) et un Z (?), lequel s'abstractise encore davantage
pour demi-once ; etc.

Lettres-images (tableau III)


Le C de chaux figure un four (à chaux) ouvert ou fermé. La
motte de tanneur montre la masse sur laquelle est frappé le
cuir sous la forme d'un M (motte) et d'un T (tanneur) tout
ensemble.
Accordons une attention amusée à l'L de lampe. Et admirons
la corne de cerf, le fer ou le curieux vinaigre distillé.

et
Or
3. Exemple
parallèlement,
phonétiquement
une
on aurait
momie: et
pu
lel'au-delà
couchée
visuellement
écrire
mot « dtdouât
par
pour
avec
l'image
àt»,la
d'autres
(wt),
lalois.
mort,
duoncorps
dessins,
obtient
s'écrivait
mort
mais
phonétiquement
entouré
dt.phonétiquement
En du
dessinant
serpent
douâtseulement,
un
gardien
tout
serpent
endes
évoquant,
non
pour
enfers.d
Les signes alchimiques

Tableau/ V

AUiajtces de pictogrammes et de, lettres

-Ea// Commune

Fanne de birijue.

AUùutces d'ideogrummes et de> lettres

% SelJ&rJ&c

Bain de- Kipeurs FS Trûun

X^ Lut Je, Sapia

C/iaiuc d'fàuft corcQ' de- çrenaJ&

AUianceS dt symboles ejb de, signes figwratift

AVu ru de- JPlume, Fleur d'Qntwwwe,

'ic <)c ÏT) Fleur ?e*Saturne,

Flatr d'Clwain Limaille, Je,Fer


Graphisme 75

Tobleou/1/l

Lettres d> chififar

Jouter

Dam Manipule

Cémenter Cinabre

faidre Qiurrteron
r
mJ Oiunle- Essences

AUicunxxScU symboles ^ de Uttref

Mire Je VU,

Eau- Boui//iUitù Or calcine.

Or (Je Ûunuo

Raw Oc/Pàa/e- Or ervFiiiiUes

\j Gai/nie, Or dollline.

f\ Huile d Sel ô

Litwqe Soufre commun.

L itarijc d'Or Philosophes


Soufre
J^ t
de
Saturne

(Wl Matjnésic. Tidies


Les signes alchimiques

Alliances de symboles et de lettres (tableau VI)


Voyez galmie, or calciné, or en feuille, eau de pluie, eau
bouillante, eau mère, et les autres. Voyez surtout le soufre
commun : feu et S figurant les fumerolles du soufre en combustion.
N'oubliez pas le soufre vif = feu, S et V.

Alliances de pictogrammes et de lettres (tableau V)


La pinte, ancienne mesure française, dont l'anse est la lettre P ;
les 2 serpents (tenant lieu de dragons) du sang dragon dont
l'un se tortille en forme de S sont les plus curieux.

Alliances d'idéogrammes et de lettres (tableau V)


Le serpent Ouroboros entourant la lettre A représente Vannée.
Ouroboros, le serpent qui se mord la queue, est le symbole de
l'unité cosmique ne connaissant ni commencement ni fin.
Le lut était un ciment hermétique allant au feu. On trouve dans
le lut de sapience le récipient obturé (luté) surmonté de l'S
long pour sapience. Le sel des pèlerins offre à nos yeux un
bourdon que la fantaisie du graveur a interprété comme une
sorte de lance fort décorative, mais n'offrant qu'une lointaine
ressemblance avec le bâton qu'il avait mission de représenter.

Monogrammes, bigrammes, trigrammes, etc. (tableau VII)


Tout n'est-il pas digne de louanges ? Citons, presque au hasard,
la demi-livre (L et S long) ; l'assemblage FR de figer ; les 2 P de
partie pour partie ; les 3 lettres de motte de tanneur ; les 3
lettres de vin, dont le N à l'envers ; les 3 lettres pour vin blanc
avec le b minuscule placé en anse de récipient ; les 3 a de
amalgame ; les 3 S de stratum super ; etc.

Signes figuratifs abstractisés (tableau V)


Signes conventionnels, abstraits (ou devenus tels) (tableau VIII)
Nous sommes dans l'impossibilité de faire, dans cette catégorie,
le partage entre les signes inventés, auxquels une signification
fut donnée par convention, et ceux qui s'abstractisèrent par
déformations successives. Certains sont vraisemblablement
issus de signes convenus, voire figuratifs. J'en veux pour preuve
le signe marcassite, dont nous avons la chance de trouver 5
représentations relevées sans doute dans différents manuscrits.
La marcassite est du sulfure de fer. Il serait donc normal de
trouver une combinaison soufre (triangle avec croix sous la
base) et fer (cercle avec flèche). Le soufre semble avoir été
négligé au stade où nous trouvons la figuration que j'ai
considérée comme étant la première de celles que nous connaissons.
Elle est, par contre, moins éloignée du signe fer. Le passage à
la seconde n'a rien d'éloquent : la flèche à demi-pointe arrondie
est devenue une sorte de flamme à 3 langues. La différence est
mince, en revanche, entre la troisième et la seconde figure :
Graphisme 77

Tableau, VII

Monogrammes, bigrammes, tri^rcunmes...

uélembw OG Gomme

M* jimalgame Iluile, de Clirùrâ

Jour

m BaùvMarie E Z anwe,

Bain de- Tctpeun M Àlantfmle

& Bol d'tlrme/iie. Mine

Bnaue, i[ Alotte c>c Taiiair

(R. Cale i/ier NI Nttre,

Cy Cuillerée dP Piirtics avec Pu fie

6 Demie Jrat/me (B Pierre- CalaneA

£ Demie livre Si Pale,


Stratum Su/ter
S Demie a?ice sss Stratum,™ Couche
par Couche .

Eau farte m. Thei ~ébenfin?*

VI Eau recale Vvi

Eâprit de Vùv Virv blanc-


v^Y

F*rpnt de Vitriol K Vin roiuçe-

FF.R Fwer T^naii/rc

IL Fixer 7D VUriol
Les signes alchimiques

Tableau, VIII

Signes conventionnels, abstraies fou, devenus tels)

Huile- Je- Ôuca/L

Huile dcMtrioi

T.iWi aille de Fer

Mechc,

.B/a/ic d'JEspapne Partie at>ec Partie*

Perle-

& JPhleyme

Camp /we 0 ^= Pierre Sançuine,

\r j *'* Chôme 'Vive Retorto

2~
X y vL^l Sançdarac

ôel conwuav
y , S? diïntimoine

jj Cra/ieffu/nai/i Sel des j

Dùrlt'ler Saude

Sulrtmie /ait
ax>ee, Scu/re-

iïsprit Teste mûrie

Huile,

. Iluilc de- Clirùrt Jilriol roiuje


Graphisme 79

le cercle s'est bouché et les langues sont réduites à 2. On peui


encore expliquer sans trop de peine la transformation de 3 en
4 : l'allure générale est restée la même et les deux petites
excroissances reproduisent sans le savoir les langues de feu
précitées. Dans le dernier état enfin, i! n'y a plus que les langues,
complètement méconnaissables, sur une sorte de base qui s'est
substituée à l'espèce de corne de rhinocéros de l'état précédent.
Je n'en dirai pas plus. Dans l'ensemble, nous ne pouvons
qu'admirer ce qui nous est soumis et savourer la beauté ou
l'élégance de chaque signe. Celui de Vhuile par exemple (3e
signe), de Vhuile de Christ, de Vhuile de succin, de Vhuile de
vitriol (2e signe) , de la limaille de fer, de la perle, de la pierre
de sanguine (1er signe), de la sandaraque, du sel des pèlerins,
du verre d'antimoine, etc., etc., etc.
René Ponot.

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