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October
2020
Nouvelles de l’Association Zen Internationale News from the International Zen Association
Fondateur : maître Taisen Deshimaru Founder Master Taisen Deshimaru
J
’espère que ce nouveau numéro de Sangha Le colloque de l’an passé avait pour thème :
édito
vous trouvera en bonne santé, ainsi que « La Gendronnière, cœur de la sangha :
vos proches ! perspectives d’avenir ». Il a permis de redonner
toute sa place à notre « temple mère »
Durant les mois de mars, avril et mai, tous et de faire naître de très nombreux projets
les dojos et lieux de pratiques ont dû fermer qui sont déjà en train de se concrétiser.
en raison de la pandémie. Chacun a pu ressentir Pour donner suite à cette métaphore organique,
soudainement l’importance qu’avait pris dans le colloque de décembre 2020 aura pour thème :
sa vie le fait de pouvoir pratiquer au quotidien les « Temples et dojos, corps de la sangha :
uns avec les autres. Depuis plus de cinquante ans nouvelles perspectives ».
maintenant, les dojos et groupes de zazen se sont La dernière assemblée générale de l’AZI
constitués, d’abord dans les plus grandes villes au mois d’août a approuvé à l’unanimité
puis dans des plus petites et même dans des la création de nouveaux collèges de membres :
villages. Ce maillage devenu de plus en plus dense un collège des temples et centres zen
a donné naissance à des centres zen régionaux et, et un collège des dojos et groupes de zazen.
il y a une vingtaine d’années, à des temples Nous avons en effet constaté qu’avec les années,
et monastères permettant notamment d’organiser les liens entre les lieux de pratique, quelle que soit
des sesshins et une vie monastique. leur taille, s’étaient peu à peu distendus
Tout cet ensemble, patiemment construit, et que beaucoup de responsables ressentaient
constitue un véritable trésor dont il nous faut une certaine solitude et même une forme
prendre le plus grand soin. d’isolement. Quel paradoxe à l’heure des réseaux
I
hope that this new issue of Sangha will find prospects for the future.‘ It enabled us to restore
edito
you and your loved ones in good health! our «mother temple» to its rightful place
and to give birth to many projects that are
During the months of March, April and May already taking shape.
all the dojos and practice places had to close As a follow-up to this organic metaphor,
due to the pandemic. Everyone could suddenly the theme of the December 2020 symposium
feel how important it had become in their lives will be: ‘Temples and Dojos, Body of the Sangha: October 2020
This increasingly dense network has given rise and a College of dojos and zazen groups.
to regional Zen centres and, some twenty years We have indeed noticed that over the years
ago, to temples and monasteries where sesshins the links between the places of practice, 1
and monastic life can be organised. All this whatever their size, have gradually become
ensemble, patiently built, constitutes a real looser and that many of those in charge feel
treasure of which we must take the greatest care. a certain solitude and even a form of isolation.
The theme of last year’s conference was: What a paradox at a time of social networks
‘La Gendronnière, Heart of the Sangha: and the incredible possibilities offered by new
sociaux et des possibilités inouïes que et le conseil spirituel de l’AZI mais aussi
nous offrent les nouvelles technologies ! Échanges pour chacun des référents des lieux de pratique.
édito
technologies! Exchanges of information, sharing practice places. They will have neither voting
of experience, pooling of documents, legal rights nor membership fees.
edito
How to set up a religious association? So many While highlighting the specifics of each one:
questions that everyone tries to solve in — setting up the college and how it operates
their own corner when there are so many — Finalise the drafting of the article of the rules
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2) College of Zen Centres, dojos and groups: 4) International Reality of the AZI.
Pooling, sharing and mutual links. Dedicated training sessions and symposiums,
To avoid isolation: for example in the German language (Germany,
— set up the college and its functioning as well as Switzerland, Austria…); translations; publications;
the possibilities of exchanging and sharing websites; national delegations allowing
information, be it Dharmic, administrative, the presence of one ‘AZI per country;’ giving back
legal or fiscal to AZI its international dimension.
— finalise the drafting of the article of the rules of
procedure concerning it In view of the importance of this project for
— structure the development of mutual aid and the coming years, it would be a good idea for each
support to temples and the Broader Sangha by place of practice to be represented by its manager October 2020
Gyô j i a u temps
de l a p a n démie
Gy ôj i
d u rin g
the
p a n d e m ic
October 2020
#52
The Covid-19 epidemic disrupted the practice of Zen in dojos and temples.
How did the ten residents of La Gendronnière get on during this Spring’s
confinement? How did a dojo like the one in Lisbon function despite 5
the closure of its doors? How were the summer retreats reshaped, taking into
account the essential sanitary measures? And what lessons can be drawn
from this crisis for the construction of a world inspired by Buddhist values?
Here Sangha makes its modest contribution to this vital debate.
Gy ô j i au temps de la pa n d é mi e
Le s leçon s d ’u n e c r i se
Gérard Chinrei Pilet
Dans un entretien au quotidien Le Monde daté des connaissances et une incapacité à opérer leur
du 19 avril 2020, le sociologue et philosophe Edgar synthèse et à dégager leur principe directeur. Cela
Morin disait : « La crise sanitaire actuelle révèle une se retrouve aussi dans une vision exclusivement
fois de plus la carence du mode de connaissance horizontale de la nature au détriment d’une vision
qui nous a été inculqué et qui nous fait disjoindre verticale qui seule pourrait mettre fin à sa désacra-
ce qui est inséparable et réduire à un seul élément lisation ou dans une vision de l’homme qui l’am-
ce qui forme un tout à la fois un et divers. En effet, pute de sa dimension spirituelle et le réduit à n’être
la révélation foudroyante des bouleversements que qu’un homo faber (homme inventeur et fabricateur
nous subissons est que tout ce qui semblait séparé de techniques) ou un homo economicus (un pro-
est relié puisqu’une catastrophe sanitaire catastro- ducteur/consommateur de biens).
phise en chaîne la totalité de ce qui est humain… Il Cette même tendance se retrouve dans l’ap-
est tragique que la pensée disjonctive et réductrice proche individualiste de la crise sanitaire qu’ont les
règne en maîtresse dans notre civilisation et tienne grandes puissances du globe et dans leur étonne-
les commandes en politique et en économie. » ment à constater qu’elle impacte toutes les strates
de la société humaine, comme si le principe pour-
Ces propos d’Edgar Morin mettent en lumière tant universel de l’interdépendance était inconnu
un trait caractéristique de la mentalité moderne des élites au pouvoir ou comme s’il n’était pour eux
qui consiste en une approche analytique et sépa- qu’un concept resté étranger à la façon concrète
ratrice de tout ce sur quoi elle porte son attention : d’envisager les problèmes et leur solution.
la politique et l’économie, mais aussi le savoir en
général avec une hyperspécialisation dans chaque Tout cela témoigne d’une incapacité à « aller à
domaine d’étude qui se traduit par un émiettement la racine », comme le disait maître Deshimaru,
to a single element what forms a whole that is both sion which alone could end its demystification; or
one and diverse. Indeed, the stunning revelation of in a vision of man which amputates his spiritual
the upheavals we are undergoing is that everything dimension and reduces him to merely homo faber
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that seemed to be separate is connected, since a (man inventor and maker of techniques) or homo
health catastrophe traumatises all human beings in economicus (producer/consumer of goods).
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a chain reaction. It’s tragic that disjointed, reductive This same tendency is found in the individual-
thinking reigns supreme in our civilisation and holds istic approach of the world’s great powers to the
sway in politics and economics.” health crisis and their astonishment at the impact it
has on all strata of human society; as if the u
niversal
Sesshin à La Gendronnière, août 2020. Les caractères Gyô-Ji calligraphiés par Inès Doshin Ingelnick. Anglais
Gyôj i d ur in g t h e p a n d e mi c
c’est-à-dire à avoir une conscience lucide et opéra- Pratiqué sérieusement et sous la guidance de
tive des grands principes à l’œuvre dans l’univers. Il maîtres éclairés, le zen rend ce dévoilement
manque à notre société moderne ce que j’appellerais possible. C’est pourquoi, comme l’a toujours affir-
« une vision san-do-kai », une vision de l’essence mé maître Deshimaru, il peut contribuer à la guéri-
sous-jacente à tous les phénomènes, une vision de son d’une civilisation qui, selon une approche dua-
l’un sous le multiple, de l’unité présente sous la di- liste bien caractéristique des maux dont elle souffre,
versité. C’est pourtant elle qui permettrait que l’hu- a surinvesti la dimension technico-matérielle en né-
manité devienne enfin consciente de sa communau- gligeant la dimension spirituelle.
té de destin et que, par-delà la diversité naturelle et
souhaitable des nations et des cultures, la conscience
de leur unité intrinsèque devienne effective.
Une telle vision authentiquement globale et
unitive ne s’acquiert pas en lisant des livres ou en
passant des diplômes. Pour qu’elle habite vraiment
l’homme et décide concrètement de ses choix et de
son approche des choses, il faut que le niveau de
conscience qui lui correspond l’habite intimement.
Cela ne peut se faire sans la pratique d’une Voie à
même de dévoiler cette dimension cachée de la
conscience que le zen appelle hishiryo (pensée du
tréfonds de la non-pensée) ou « conscience origi-
nelle ».
principle of interdependence were unknown to the In order for it to truly inhabit man and concrete-
ruling elites, or as if it were merely a concept ex- ly shape his choices and his approach to things, it
cluded from their concrete approach to problems is necessary for his level of consciousness to inti-
and their solutions. mately inhabit him. This cannot be done without
the practice of a Way capable of revealing this hid-
All this shows an inability to “go to the root”, in the den dimension of consciousness, which Zen calls
words of Master Deshimaru –i.e. to have a lucid hishiryo (thought from the depths of non-thought)
and operative understanding of the great principles or ‘original consciousness’.
at work in the universe. Our modern society lacks October 2020
what I would call “a San-do-kai vision”, a vision of Practised seriously and under the guidance of
the essence underlying all phenomena: a vision of enlightened masters, Zen makes this revelation
the one beneath the multiple; of the unity present possible. This is why, as Master Deshimaru al-
within diversity. Yet it is this vision that would allow ways affirmed, it can contribute to the healing of
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humanity to finally become aware of its common a civilization which –as a result of a dualistic ap-
destiny and that –beyond the natural and desirable proach that characterises the ills it suffers from– has
diversity of nations and cultures– an understanding over-invested in the technical-material dimension 7
of their intrinsic unity becomes effective. while neglecting the spiritual dimension.
Such a genuinely global and unifying vision is
not acquired by reading books or passing diplomas.
Da ns le s il en ce d e son c œ u r
Marie-Thérèse Zan Shin Faur
Épidémie de Covid-19 oblige, toutes les mani- Les rendez-vous du jeudi matin, avec le pré-
festations ont été suspendues à la Gendronnière sident, Olivier, et les co-responsables de la Gen-
du 17 mars au 11 mai. De quoi, pour les dix rési- dronnière, l’abbé, Hugues, Raphaël, Emmanuel,
dents confinés, renouveler et approfondir leur pra- Marie-Thérèse, ainsi que les résidents, sont devenus
tique de vie de temple au fil des heures, des jours, des échanges directs mais par Zoom.
des semaines. Le beau temps nous a permis de pratiquer
À 6 h 30, zazen, cérémonie, hommage à la zazen sur la cursive du petit dojo, les odeurs de
tombe du fondateur. À 8 h 30, genmai suivie d’un la forêt, les bruissements du petit monde des prai-
café/thé, avant ou après s’être changé, pour que ries, les caresses du vent, le dialogue des oiseaux,
chacun puisse réaliser les petites tâches du matin l’incroyable énergie envoyée par les arbres tout
(vaisselle, chaudière, poules, chats, toilettes, ran- proches, nous ont redonné notre âme de débutant.
gement). Difficile de ne pas rester les yeux grands ouverts.
À 10 heures, samu collectif. À 10 h 30, ensei-
gnement au petit réfectoire sur le Shôbôgenzô Certaines activités ont pu être menées à bien
Zuimonki de maître Dôgen. De 11 heures à 12 h 30, sur le long terme par l’absence de sesshin, de ré-
samu spécifiques (tenzo, intendance, secrétariat, ception de groupes, de colloques, ou simplement
abords, potager). de courts séjours et de débutants.
À 13 heures, repas, vaisselle, repos. De 15 heures Élagage, désherbage, ménage… Les samu collec-
à 17 heures samu, à 18 heures zazen (kito et céré- tifs se pratiquaient généralement le matin au potager,
monies pour défunts dans cette période excep- mais également le samedi toute la journée près du
tionnelle). À 19 h 30, repas non obligatoire, mais deuxième étang pour la coupe et l’entassement des
généralement suivi par tous. charmes tronçonnés, puis par la suite, au potager.
founder’s tomb. At 8.30 am. genmai followed by cof- Marie-Thérèse and the residents, became direct
fee/tea, before or after changing, so that everyone exchanges but through Zoom.
can carry out the small tasks of the morning (wash- The good weather allowed us to practice zazen
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ing up, boiler, chickens, cats, toilets, tidying up). on the cursive of the small dojo. The smells of the
At 10.00 am, collective samu. At 10.30 am, forest, the rustle of the small world of the mead-
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teaching in the small refectory on the Shôbôgenzô ows, the caresses of the wind, the dialogue of the
Zuimonki of Master Dogen. From 11.00 to 12.30, birds, the incredible energy sent from the nearby
specific tasks: (tenzo, stewardship, office work, trees, gave us back our beginner’s soul. It was dif-
grounds, vegetable garden). ficult not to keep our eyes wide open.
Gyôj i d ur in g th e p a n d e mi c
Some activities could be carried out in the long On hossan days, several residents carried on at
term by the absence of sesshin, group receptions, their own pace with work they’d already started.
seminars, or simply short stays and beginners
The picnic lunch took on a festive look with
groups. wood-fired cooking and cold drinks.
Pruning, weeding, cleaning –all the windows of We were careful with disinfectants, natural med-
the chateau were open all day long... The collective icines and masks. Thus, only one person was dele-
samu was generally practised in the morning in the gated for shopping. October 2020
vegetable garden, but also on Saturdays all day long Of course, there were waves, thunder and sea
near the second pond for cutting and stacking the spray, but the sea became calm again and the sky
cut hornbeams, then following that, in the vegeta- was blue.
ble garden.
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In addition to the sanding and waxing of the “Gyôji means to repeat and continue the hard work.
floors on the ground floor of the chateau with wax It is not useful to do samu for yourself,” Sensei said.
made on site, all the gutters were cleaned, including Here, everyone in the silence of their heart was 9
those of the chateau. The surroundings have been preparing the venue for the summer camp, happy
redesigned. at the idea of being together again.
Gy ô j i au temps de la pa n d é mi e
Le camp d’été 2020 restera sans doute dans les Par exemple, pendant la cérémonie du matin
mémoires comme particulier en raison de la situa- quand, assis, muets et masqués, nous écoutions
tion sanitaire liée au Covid-19, mais la cinquième les sutras chantés par seulement deux personnes et
session, qui s’est tenue au début du mois d’août, a regardions le doshi faire seul les sanpai… Passée la
été marquée aussi par une innovation : la direction première impression de frustration, l’écoute de ces
collégiale, assurée par cinq enseignants et l’abbé de deux voix dans le silence général m’a profondément
la Gendronnière. touchée, il me semblait que je pratiquais la récita-
tion du sutra avec les oreilles à défaut de le faire par
Les dimensions mêmes de la Gendronnière et de la bouche et j’en ressentais une grande gratitude
ses bâtiments ont permis à plus de cent personnes envers le moine et la nonne dont les voix si harmo-
de pratiquer tout en respectant la « distanciation » nisées me semblaient la voix même de la Gendron-
préconisée par les pouvoirs publics, et les « gestes nière. Et de même pour le doshi qui se prosternait.
barrière » qui se sont rapidement intégrés aux règles
de comportement suivis dans le temple. Les chan- La direction collégiale de la session, par la diver-
gements qui en ont résulté nous faisaient prendre sité des enseignants, a offert une vision ouverte et
conscience de toutes les formes de contact que chaleureuse de la pratique et des enseignements, et
nous partageons en temps normal, mais la capacité leur bonne entente était un exemple d’harmonisa-
d’adaptation de la sangha s’est manifestée naturel- tion pour tout le monde. Cela a sans doute contri-
lement et a permis d’apprécier d’autres formes de bué au sentiment de pratique de la Grande Sangha
partage. que j’ai ressenti et particulièrement apprécié pen-
dant cette session.
The 2020 summer camp will undoubtedly be re- sutras sung by only two people and watched the
membered as special because of the health situa- doshi do sanpai alone. After the first impression
tion related to Covid-19, but the fifth session, held of frustration, listening to these two voices in the
at the beginning of August, was also marked by general silence touched me deeply; it seemed to me
an innovation: the collegial leadership, provided by that I was practicing the recitation of the sutra with
five teachers and the Abbé de la Gendronnière. my ears rather than by mouth and I felt a great grat-
itude towards the monk and the nun whose voices
The sheer size of La Gendronnière and its buildings so harmonized they seemed to me the very voice
allowed more than a hundred people to practice of La Gendronnière. And likewise for the doshi who
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followed in the temple. The resulting changes made diversity of the teachers, offered an open and warm
us aware of all the forms of contact we normally vision of the practice and teachings, and their good
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share, but the sangha’s adaptability came naturally understanding was an example of harmonization for
and allowed us to appreciate other forms of sharing. everyone. This undoubtedly contributed to the feel-
For example, during the morning ceremony ing of practising with the Broader Sangha that I felt
when sitting, mute and masked, we listened to the and particularly appreciated during this session.
Les caractères Gyo-Ji calligraphiés par Inès Doshin Ingelnick. etc. Gyo-ji légende en anglais
Gyôj i d ur in g t h e p a n d e mi c
Gy ô j i au temps de la pa n d é mi e
Comme tous les monastères, temples et dojos, inutieusement. N’étions-nous pas trop précau-
m
nous avons vécu la crise du Corona virus dans le tionneux ? Ou au contraire, ne l’étions-nous pas
confinement. Ce furent des mois de tranquillité – et assez ? À ce moment-là, l’heure était à l’ouverture
pour ce qui concerne Kanshoji, des mois heureux. et dans notre organisation, nous devions en tenir
C’est début juillet que Kanshoji a commencé à compte, sans pour autant courir de risque…
recevoir des personnes de l’extérieur, en l’occur- Le problème, c’est que la situation de la pan-
rence un groupe de santé. Nous avions étudié très démie changeait chaque semaine et que tout ce
sérieusement les modalités de vie, de circulation et que nous avions décidé la semaine précédente était
de pratique afin d’éviter toute contamination. Tout remis en question.
s’est très bien passé.
Mais le camp d’été commençait le 12 juillet et Finalement, nous avons osé une formule
il fallait l’organiser très sérieusement. Les membres nouvelle
de la sangha de Kanshoji, qui eux aussi avaient été On a fait voler en éclats le modèle traditionnel
confinés, leurs dojos fermés, réclamaient de pou- préparation-sesshin des deux grandes sessions de
voir venir pratiquer et se réunir avec la sangha. juillet et d’août. Dans cette nouvelle formule, plus
Depuis plus d’un mois, nous réfléchissions à la de préparation ni de sesshin, mais une seule session
question. Comment accueillir du monde, comment continue du 12 juillet au 27 août.
pratiquer au mieux sans risque aucun ? Chacun pouvait s’inscrire aux dates qui lui
Entre anciens et responsables, nous avions convenaient et pour la durée qu’il choisissait.
des réunions tous les jours, de longues réunions, La pratique était celle de la vie quotidienne d’un
où nous examinions chaque point de détail monastère : zazen, enseignements, samu – et
Like all monasteries, temples and dojos, we lived meetings where we examined each point in detail.
the crisis of the Corona virus in confinement. These Weren’t we too careful? Or on the contrary, were
were months of tranquility –and as far as Kanshoji we not careful enough? At that time, it was time to
is concerned, happy months. open and in our organisation we had to take this
It was at the beginning of July that Kanshoji be- into account, without running any risks?
gan to receive people from outside, in this case a The problem was that the pandemic situation was
group practicing a health cure. We had studied very changing every week and everything we had decided
seriously the modalities of life, circulation and prac- the week before was being called into question.
tice in order to avoid any contamination. Everything
Mars 2020
the Kanshoji Sangha, who had also been confined, tion-sesshin for the two big sessions in July and Au-
their dojos closed, asked to be able to come and gust. In this new formula, no more preparation nor
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practice and meet with the Sangha. sesshin, but only one continuous session from July
For more than a month, we had been thinking 12th to August 27th. Everyone could register on the
about it. How can we welcome people, how can dates they wanted and for the duration they chose.
we best practice without any risk? Between elders The practice was that of the daily life of a mon-
and supervisors, we had meetings every day, long astery: zazen, teachings, samu - and also moments
Gyôj i d ur in g t h e p a n d e mi c
the duration we received as many practitioners as we have more time to meet them and exchange
in the two traditional sessions of the previous years. with them, especially the elders. Finally, we can
come whenever we want, which is really a plus
At the end, everyone left happy to get organised and come and spend time at the
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Com m en t c o n tin u er à p ra t i q u e r e n se mb l e
ma lgré la fer m etu re d u d o j o
i m p osée p a r l a p a n dé mi e d u C ov i d - 1 9 ?
Témoignage de Sofia Silva, pratiquante du dojo de Lisbonne.
Coronavirus. Le Portugal est en état d’urgence. concentrée. Pour ne pas perdre pied, pour rester
Lisbonne est déserte, notre dojo est fermé. enracinée dans ce que je dois faire, à l’hôpital où
Tous les jours, je quitte mon appartement pour chacun continue à accomplir ses tâches. Et dans
l’hôpital où je travaille comme physiothérapeute. la société.
On y sent une tension permanente, pas très éle- Souvent, je me réveille plus tôt pour allumer un
vée, mais de tous les instants. Et dans les yeux de encens et faire zazen avant de m’en aller. Je regarde
certaines personnes, on peut lire une peur obscure tous les jours les informations de manière un peu
et profonde. obsessionnelle mais sans pouvoir l’éviter. Le Premier
Nous lisons les nouvelles quotidiennes qui nous ministre apparaît souvent à la télévision. On le voit
viennent d’Italie et d’Espagne. Qu’est-ce qui nous parfois dans la salle du Conseil du palais de S. Bento
attend ici ? Est-ce que notre hôpital et notre sys- avec sur les murs un tableau de mon amie et com-
tème de santé publique pourront répondre au choc pagne de sangha, Ana Marchand. « J’espère que tes
de cette pandémie imminente ? tableaux vont l’inspirer pour de bonnes décisions »,
À la fin de mon travail, je rentre à la maison en lui ai-je dit en plaisantant. Après quelques échanges
traversant Lisbonne et ses rues désertes. Je sens que de messages, Ana propose de créer un groupe
j’ai un très grand besoin de faire zazen pour rester WhatsApp. J’en parle alors avec ma sœur Sandra qui
Coronavirus. Portugal is in a state of emergency. stay balanced, stay rooted in the things I have to do,
Lisbon is deserted. Our dojo is closed. at the hospital where we have to continue doing our
Every day I go to my job as a physiotherapist at jobs. And in the life of our society at large as well.
the hospital. There tension is in the air, not very I often wake up earlier to light an incense stick
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extreme but it can be felt all the time. And in some and practise zazen before I leave. Every day I watch
people’s eyes you can see a deep, dark fear. Every the news, a little obsessively but can’t avoid it. The
day we read the news from Spain and Italy. What Prime Minister often appears on television. Some-
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awaits us here? Can our hospitals and our public times he appears in the council room of the S. Bento
health system react to the shock posed by this im- palace that has paintings by my friend and fellow
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minent pandemic? sangha member, Ana Marchand, hanging on the
When I finish work I go home through Lisbon walls. “I hope your paintings are going to inspire
and its deserted streets. I feel a great need to prac- him to make good decisions,” I jokingly said to her.
tise zazen in order to stay concentrated. So I can After messaging back and forth with me, Ana pro-
Gyôj i d ur in g t h e p a n d e mi c
rapidement organise le réseau. En quelques jours, mais chacun chez soi, souvent avec un rappel anti-
ce groupe comprend de nombreux membres de la cipé de la part du shusso de la séance.
sangha portugaise et aussi d’Espagne. Je me sens bien chez moi, assise sur mon zafu,
en lien avec la sangha. Unis malgré la distance. C’est
Depuis la fermeture du dojo à mi-mars, notre une grande chance que de savoir d’autres prati-
maître Yves nous envoie régulièrement une quant sur un autre zafu, dans une autre maison mais
newsletter, Les lettres du dojo. Nous continuons à la même heure. Cette pratique en lien fut un élé-
à pratiquer zazen ensemble, aux horaires du dojo ment facilitant de ma pratique.
Et tous les samedis, après le zazen, nous nous
relions en vidéoconférence pour assister à un teisho
ou un mondo de Yves. Et ainsi voir les visages, les
sourires et sentir la joie de la sangha. Durant les
teisho, je prends parfois des notes, des mots, des
expressions, presque jamais des phrases complètes :
mer, joie, maintenir l’unité. Contemplation du vide
et de la paix, minuit éternel.
Une semaine plus tard, et avec l’assistance tech-
nique de Frederico, Yves nous informe que nous
pouvons accompagner nos zazen avec les sons de
Seikyuji, aimablement enregistrés par Gregorio. Telle
est notre radio zen qui s’active quelques minutes
avant les zazen et commence avec la frappe du
bois.
posed creating a WhatsApp group. I talked about it And every Saturday after zazen we link up virtu-
with my sister Sandra and she quickly organized the ally for a teisho or a mondo from Yves. And in this
network. Within several days the group had many way we can see the faces, the smiles and feel the
members from the Portuguese sangha as well as sangha’s happiness. During his teisho I sometimes
some from Spain. take notes, words, expressions, almost never whole
sentences: sea, joy, stay together. Think of empti-
Our dojo closed in mid-March and since then our ness and peace, an everlasting midnight.
master Yves has been sending a regular newslet- A week later, with technical assistance from October 2020
ter, ‘Les Lettres du Dojo’. We continue to practise Frederico, Yves informs us we can practise to the
together according to the timetable of the dojo, accompaniment of the ceremony at Seikyuji that
but virtually, often with a reminder from the shus- Gregorio has kindly recorded for us. So this is our
so in charge of the session. I feel good at home, Zen radio, going on a few minutes before zazen and
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sitting on my zafu, connected to the sangha this beginning with the sound of the wood.
way. Together despite being apart. It’s a great
feeling to know other people are practising on Listening to Seikyuji’s sounds, sitting on my zafu, 15
other zafus, in other houses, at the same time. listening to the birds chirping and the bonsho of the
This sense of being connected in our practice has temple. I was incredibly moved the first time, which
made my own easy. I didn’t expect. Nostalgia for our own temple’s bell.
Gy ô j i au temps de la pa n d é mi e
Entendre les sons de Seikyuji, assise sur mon Passent avril et mai. Le déconfinement com-
zafu, entendre les oiselets, entendre le bonsho mence graduellement, le trafic augmente dans les
du temple. J’en fus fortement émue la première fois, rues. La première vague de la pandémie au Portugal
je ne m’y attendais pas. Saudade de notre bonsho. et le confinement se sont bien mieux passés que ce
Je suis assise dans ma véranda, face à la fenêtre que l’on pouvait craindre. À l’hôpital, l’ambiance
et à mon petit autel, mes chattes tout près, la radio est plus légère. Nous reprenons peu à peu des trai-
zen enclenchée. Parfois, les paroles de Yves et la tements non prioritaires. Finie la peur du début,
voix d’Isabel qui traduit, me ramènent au moment commence alors la fatigue.
présent. « Ne suivez pas vos pensées, ne suivez pas À la mi-juin, Yves nous informe que le dojo va
vos émotions. Suivez votre respiration. » La sangha réouvrir, avec un horaire allégé, les mesures sani-
est présente, nous sommes unis. taires adéquates et un nombre limité de pratiquants.
Nous allons pouvoir revenir pratiquer dans notre
dojo.
I am sitting on my porch, facing the window and lock-down better than was feared. At the hospital
my little altar, my cats nearby, Zen radio turned on. the tension is becoming less. We are getting back,
Sometimes the words of Yves and Isabel’s voice little by little, to treatment regimes that are less of
translating them bring me back to the present mo- a priority. The fear we felt at the beginning is gone,
Octobre 2020
Ce printemps, juste avant le début de la période Prétendre faire un ango de formation à soixante-
de confinement, je me suis envolée pour un ango sept ans peut être vu comme une anomalie, ce n’est
de formation au temple de Toshoji. Ce furent trois pas un âge de formation. Mais la vie est comme ça,
mois intenses passés au fond d’une vallée japonaise. sur la Voie les choses arrivent quand elles arrivent.
À cause de mon travail, j’ai réussi à avoir le temps
En arrivant à Toshoji et en voyant le temple, ces nécessaire pour faire un ango qu’une fois à la re-
vieux et beaux bâtiments construits en haut de la traite. Avant d’y aller, je me suis demandé si c’était
vallée, je fus très impressionnée. une bonne idée. Je savais bien que l’ango serait très
C’était début mars, une journée ensoleillée. Tout exigeant physiquement. C’est vrai, très exigeant, et
ce que j’entendais, c’était le chant des oiseaux. pas que physiquement.
Dans le kedai, un cerisier déjà fleuri d’un printemps Mais une fois là-bas, les doutes se sont dissipés.
précoce. Un bon présage. La porte était ouverte, Ce fut une très bonne idée. Le meilleur endroit pour
invitation à entrer, à rester. y rester quand le monde est dominé par le bruit et
This spring, just before the beginning of the con- This feeling of peace, of a welcoming place, accom-
finement period, I flew to the Toshoji temple for an panied me every morning and every evening when I
ango, a monastic practice, or three intense months went to the sodo to practice zazen. As I crossed the October 2020
spent deep in a Japanese valley. kedai, I could see the corridor in front of the sodo
in the semi-darkness. On the wall hung the straw
When I arrived at Toshoji and saw the temple, these hats that covered the round heads of the monks and
old and beautiful buildings built at the top of the nuns as they walked along the paths. Silent the hats,
#52
Le kedai est la cour entourée par les bâtiments. The kedai is the courtyard surrounded by the buildings.
Gy ô j i au temps de la pa n d é mi e
que les gens sont forcés de rester enfermés chez soi. de leurs égaux. Le sentiment de ne pas être consi-
Bien sûr, il y a eu des moments de fatigue, j’étais très dérée pour la formation fut souvent présent parmi
fatiguée, terriblement fatiguée, jusqu’au moment où les femmes.
j’en ai eu marre d’être fatiguée et tout a changé, et
j’étais mieux. De toute façon, trois mois, c’est trop court pour
C’est curieux, la journée était faite de choses apprendre tout ce qui est nécessaire aux rituels.
connues : zazen, teisho, enseignement, cérémonie, D’ailleurs je ne sais pas si, pour nous, en Europe, il
samu, étude, et pourtant, à chaque instant, c’était est nécessaire de copier exactement les rituels qui,
une découverte, c’était similaire, mais jamais iden- au Japon, ont été établis depuis des siècles. De notre
tique. pratique surgit déjà notre forme, qui sera peut-être
similaire, mais jamais identique.
Pendant mon séjour, la composition de la sangha En tout cas, bien que ce soit physiquement,
à Toshoji était assez particulière : les plus jeunes, psychologiquement et émotionnellement exigeant,
que des hommes, majoritairement japonais et c’est une magnifique expérience et j’apprécie de
connaisseurs des formes ; et des femmes, les plus tout cœur qu’ils acceptent de nous accueillir. Il ne
âgées, très majoritairement occidentales et moins doit pas être facile pour eux de traiter avec des pra-
performantes dans les rituels. Les formateurs étaient tiquants occidentaux de longue date.
aussi des jeunes Japonais. Il va sans dire que leur
tendance était de faire plus attention à la formation
« C'est curieux, la journée était faite de choses connues : zazen, teisho, enseignement,
cérémonie, samu, étude, et pourtant, à chaque instant,
c'était une découverte, c'était similaire, mais jamais identique. »
“It’s strange, the day was made up of familiar things: zazen, teisho, teaching,
ceremony, samu, study, and yet at every moment it was a discovery,
it was similar, but never identical.”
wondered if it was a good idea. I knew that ango older, women, mostly Western and less efficient in
would be very physically demanding. It’s true, it’s the rituals. The trainers were also young Japanese.
very demanding, and not just physically, but once It goes without saying that their tendency was to
I got there, the doubts disappeared. It was a very pay more attention to the training of their peers.
good idea. The best place to be when the world is The feeling of not being considered for training was
dominated by noise and people are forced to stay often present among the women.
indoors. Of course, there were moments of tired-
ness, I was very tired, terribly tired, until I got tired In any case, three months is too short to learn
Octobre 2020
of being tired and everything changed and I was everything necessary for the rituals. Besides, I don’t
better. know if we Europeans need to exactly copy the
It’s strange, the day was made up of familiar rituals that have been established for centuries in
#52
things: zazen, teisho, teaching, ceremony, samu, Japan. Our form is already emerging from our prac-
study, and yet at every moment it was a discovery, tice, it will perhaps be similar but never identical.
18
it was similar, but never identical. In any case, although it is physically, psychologi-
cally and emotionally demanding, it is a wonderful
During my stay, the composition of the sangha in experience and I wholeheartedly appreciate their
Toshoji was quite particular: the young, only men, willingness to welcome us. It can’t be easy for them
mostly Japanese and connoisseurs of the forms; the to deal with long-time Western practitioners.
Gyôj i d ur in g t h e p a n d e mi c
October 2020
#52
19
Le couloir menant au sodo. The corridor leading to the sodo. Une vue partielle du sodo. A partial view of the sodo.
AZI
quelques difficultés financières cette année, mais la 45 ¤. La version AZI++ incluant dans cette formule
situation est en train de se redresser actuellement. les dojos n’a pas encore pu être mise en place. Elle
— Quels sont les liens entre l’AZI et la Gen- est au programme de l’année prochaine.
#52
grand pré à droite de l’allée des cèdres). Le Conseil l’engagement que chacun a dans sa propre sangha.
spirituel se prononcera sur les conditions (location, Taiku Morales, secrétaire générale
achat, choix des habitants de ces maisons, type de 21
construction, etc.). Le compte-rendu complet de cette assemblée
4. Formation pour les responsables des dojos générale peut être obtenu sur demande à :
et groupes. Un pré-projet en sept modules a été secretaire.generale.azi@gmail.com
AZI
company. AZI is a 70% shareholder; the other dronnière with a single annual payment of 45 ¤.
shareholder is the Paris Zen Dojo. The Zen Bou- The AZI++ version including the dojos in this for-
tique has experienced some financial difficulties mula has not yet been implemented. It is on the
#52
this year, but the situation is currently improving. program for next year.
— What are the links between AZI and La Gen- — Temples, centres and sanghas will now be rep-
22
dronnière? resented through a ‘College’ of members. Another
They are different from those between AZI and the college will group together the dojos (and later also
dojos, because AZI owns La Gendronnière. The the groups). These colleges will have an advisory
links are therefore very close since AZI manages role, without membership fees or voting rights.
AZ I
C
omme la calligraphie, la peinture mono-
chrome (en noir et blanc) est apparue en
Chine, dans le contexte culturel du taoïsme :
« La peinture, par l’espace originel qu’elle incarne,
par les souffles vitaux qu’elle suscite, semble plus
apte encore [que la poésie], non pas tant à décrire
les spectacles de la création, mais à prendre part aux
“gestes” mêmes de la création. […] Elle vise à créer
un lieu médiumnique où est la vraie vie possible.1 »
« En Chine, l’art et art de la vie ne font qu’un…
Dans cette optique, la pensée esthétique chinoise
envisage toujours le beau en relation avec le vrai…
L’idéal qui anime un artiste chinois, c’est de réaliser
le microcosme vital en qui le macrocosme sera à
même de fonctionner.2 »
Principaux thèmes
Les peintres les plus connus étaient souvent des
lettrés, hauts fonctionnaires hautement cultivés. Le
rapport au pouvoir et à l’académisme était com-
plexe, poussant des peintres à la rupture et à deve-
nir moines, tel Shitao3.
Les valeurs morales sont en effet au cœur de
la pratique. La peinture exprime l’harmonie de
l’univers à travers l’équilibre entre les opposés, elle
S u mi-e
Sumi-e, a traditional
L
ike calligraphy, monochrome painting (in black
and white) appeared in China, in the cultural
Japanese painting
context of Taoism: “Painting, through the orig-
Octobre 2020
with Chinese ink, is, along inal Space it embodies, through the vital breaths it
with calligraphy, creates, seems even more apt [than poetry], not so
whose instruments it much to describe the spectacles of Creation, but to
#52
Réalisations des participants à l’atelier de sumi-e dirigé par Beppe Mokusa pendant la session de L’Esprit du geste à la Gendronnière en 2017.
The instruments of sumi-e (or “treasures of the learned”) are: the brush, the ink stone, the ink stick, the paper.
L ’ E s p ri t d u ge ste
Importance du vide
Les œuvres des maîtres sont des improvisations
simples et spontanées en noir et blanc, où le blanc
(le papier) représente l’univers même, le vide taoïste
function2 “.
This vision, without delay
seize it by the brush strokes,
Main themes
The best known painters were often well edu-
as quickly as a hunting falcon
#52
cated men and highly cultivated functionaries. pounces on a hare ready to leap
The relationship between power and the aca- away! A moment’s hesitation
demic world was complex, leading painters to break and the vision vanishes4”. 25
away and become monks, such as Shitao3. Su Tung Po (1037-1101)
Moral values are indeed at the heart of the prac-
tice. Painting expresses the harmony of the Universe
Les instruments du sumi-e (ou « trésors du lettré ») sont : le pinceau, la pierre à encre, le bâton d’encre, le papier.
The instruments of sumi-e (or “treasures of the learned”) are: the brush, the ink stone, the ink stick, the paper.
L’E s prit du geste
de toutes les potentialités du qi ou ki, et le noir pinceau sur le papier, ainsi que l’ouverture corps et
(l’encre de Chine) les phénomènes qui apparaissent esprit à ce qui émane en cet instant de « l’êtreté »
et disparaissent sans cesse dans l’univers. Exprimer du sujet à peindre, déterminent le tracé, une fois
visuellement l’essence vitale de ces formes et le abandonnés le contrôle, l’idée de correction et les
sens éternel qu’elles dissimulent est le devoir qu’as- schémas préconçus.
sume le vrai maître de peinture zen. Alain Keigyo Plaignaud
Inspiré de la conférence de mon maître Beppe Mokuza
Le sumi-e comme voie
[1] François Cheng, Vide et Plein, le langage pictural chinois,
Le sumi-e est une voie, la technique à elle seule coll. Points Essais, Éditions du Seuil, page 11.
ne suffit pas à réaliser une création de style zen : [2] Ibid, page 12.
l’artiste doit s’oublier lui-même, ainsi que tout ce [3] Shitao (vers 1641-après 1717), moine ch’an, auteur
des Propos du Moine Citrouille Amère, traité de la philosophie
qu’il a appris, pour se laisser aller à la merci de l’ins- de la peinture (Pierre Ryckmans, Propos sur la peinture de Shi
piration et ne devenir qu’un avec la perfection de Tao, traduction et commentaire).
l’habileté technique personnelle. [4] Le Ch’an est une acclimatation du Bouddhisme en Chine.
[5] Sesshû Tôyô (1420-1506), moine zen à Kyôto.
La concentration sur la posture du corps, sur le [6] In François Cheng, Souffle-Esprit, textes théoriques chinois
geste et sur le délicat ressenti tactile du contact du sur l’art pictural, coll. Points Essais, Éditions du Seuil, page 85.
verse through the balance between opposites. It The Importance of the Void
reads like a path in space and time, a metaphorical The works of the masters are simple and spon-
image of the painter’s own inner journey. taneous improvisations in black and white, where
Four subjects represent the seasons and the atti- white (paper) represents the Universe itself, the
tude to the various ages of life: plum tree (first flow- Taoist Void with all the potentialities of Qi or Ki,
er under the snow), orchid, chrysanthemum (last and black (Chinese ink) the phenomena that appear
flower) and bamboo, which are called the Four No- and disappear ceaselessly in the Universe. To vis-
ble Ones, in the sense of men of high moral value. ually express the vital essence of these forms and
Bamboo holds a special place, linked to the search the eternal meaning they conceal is the duty of the
for eternity in the practice of Taoism, as it is green true master of Zen painting.
in all seasons. It is also to the growth of bamboo,
whose form is complete even before the beginning The Sumi-e Way
of its growth, that the emergence of pictorial inten- Sumi-e is a Way. Technique alone is not enough
tion is assimilated. to achieve a Zen-style creation: the artist must for-
get himself and everything he has learned, to let
The Diffusion in Japan himself go at the mercy of inspiration and become
Octobre 2020
Japan has regularly imported and assimilated one with the perfection of personal technical skill.
many cultural elements from China. In particular, Alain Keigyo Plaignaud
during the Kamakura period (1192-1333), an artistic Inspired by the lecture of my master Beppe Mokuza
#52
représente un montant de 390 €/mois et par personne. of 390 €/month per person.
de rénovation qui vont faciliter ceremonies and teachings given 10 R etraite de la Grande Sangha
la pratique au quotidien : in the dojo. The original idea à la Gendronnière
12 L ’été 2020 à Kanshoji :
isolement et repeinture des murs, was to allow sangha practitioners
un e for m ule n ouve lle
nouvelle moquette, modification to keep in touch. With the 14 C om m en t con tinue r à prati que r
de l’évier, nouveau meuble Covid-19 confinement, en s em b le m a l gr é la fe rme ture
de rangement. practitioners from all over du dojo im pos ée par la
pa n dém ie du Covi d- 1 9 ?
Brand new! the world have connected to
17 S imilaire, mais jamais identique
This summer the Vitoria-Gasteiz Zen Online, with an average of
dojo (Spain) undertook 200 to 400 connections per day. 20 A ZI
renovation work that will make Compte-rendu de l’assemblée
daily practice easier: insulation —
générale 2019 de l’AZI
du 2 août 2020 au temple zen
and repainting of the walls, Refuge bouddhiste
La Gendronnière
new carpeting, modification of pour animaux
the sink, new storage unit. L’année 2020 a vu la naissance 24 L ’ ES PRI T D U G ESTE
de la Ferme Kibo, située Sumi-e
— à 300 mètres du Ryumonji :
Interconnectés lieu de retraites, refuge pour 1 E dito
Depuis 2013, le temple Ryumonji animaux âgés et permaculture,
4 R
E PORT
a mis en place Zen Online : une dans le cadre de la pratique
Gyôji during the pandemic
retransmission audio des zazen, du zen Sôtô. À découvrir 6 T he lessons of a crisis
cérémonies et enseignements sur le site www.kibo-zen.org 8 I n the silence of the heart
donnés dans le dojo. L’idée 10 Retreat of the Broader Sangha
summary