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Le Moi
Comme dans une coupe d’or, je déverse dans ces lignes mes
douleurs des lointains souvenirs et des malheurs funestes,
les tristes nostalgies de mon âme enivrée de fleurs, chagrin
de mon cœur triste de tant de fêtes.
Mais qu’est-ce que je veux dire par là ? Mon âme, voilà que tu
te lamentes de tout ce passé par des plaintes vaines ?
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Malheur à toi, pauvre ego ! Le moment de passion
t’ensorcelle, mais vois comme le Mercredi des cendres
approche. « Memento, homo. »
C’est pour cette raison que les âmes choisies se dirigent vers
la montagne de l’initiation, et qu’Anacréon et Omar Khayyam
s’y expliquent.
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Rempli de terreur, voire de frayeur, je perdis l’extase ; de
retour dans le temps, je revins dans la bouteille du moi, je
tombai dans le mental.
Que ce temps est loin déjà ! Mais j’en vois encore les fleurs
dans les verts orangers imprégnés d’arômes ou dans les
vieilles frégates qui arrivent des océans lointains, ou encore
dans l’icaquier ou dans les palétuviers touffus. Ô toi, visage
adoré à cette époque !, tu m’apparais comme les premiers
chagrins et les premiers amours.
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Comme la dissolution du moi me fut difficile, mais j’y
parvins. Souvent je ne fuyais le mal que pour rentrer dans le
mal, et je pleurais.
À quoi bon les viles envies et la luxure avec leurs reptiles qui
se tortillent comme de pâles furies ? À quoi bon les haines
funestes des ingrats ? À quoi bon les gestes livides des
Pilate ?
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Ah !, si tous ceux qui recherchent l’illumination
comprenaient vraiment que l’âme est prisonnière du moi.
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