Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
des
Certitudes admirables
DU MÈME AUTEUR
POÉSIES
La Chanson des Hommes. (Fasquelle).
Le Poème de la Jeunesse.
Les Lèvres et le Secret.
Les Belles de Nuit.
La Montée aux Enfers.
La Porte du Mystère.
Le Parc des Rossignols. (Sous presse).
ROMANS
L’Appel de la Bête. (Albin Michel). Priscilla d’Alexandrie.
La Luxure de Grenade.
Le Mystère du Tigre.
Lucifer.
Le Roman de Confucius. (Fasquelle)
Le Sang de Toulouse.
Le Trésor des Albigeois.
Jean de Fodoas. (Nouvelle Revue Française).
À LA POURSUITE DE LA SAGESSE
Pourquoi je suis Bouddhiste. (Éditions de France).
Le Livre des Lotus entrouverts. (Fasquelle).
Magiciens et Illuminés.
La Mort et la Vie future.
L’Amour et la Haine.
La Clef des Choses cachées.
À la Poursuite de la Sagesse.
La Beauté invisible.
Les Interventions surnaturelles
Inde, Tigres, Magie, Forêts Vierges. (Nouvelle Revue Française).
Le livre des Certitudes admirables (Édouard Aubanel).
DIVERS
Pirates et Flibustiers. (Grasset)
Les Aventuriers de l’Amérique du Sud. (Grasset).
THÉÂTRE
VELLEDA (4 ACTES EN VERS, À L’ODÉON). — LE MARCHAND DE
PASSIONS (3 ACTES EN VERS, AU THÉÂTRE DES ARTS). — LA FILLE
DU SOLEIL (3 ACTES EN VERS, AUX ARÈNES DE BÉZIERS). —
COMEDIANTE (1 ACTE EN VERS, À LA COMÉDIE FRANÇAISE). — LA
MORT ENCHAÎNÉE (3 ACTES EN VERS, À LA COMÉDIE FRANÇAISE).
— ARLEQUIN (5 ACTES EN VERS, à l’Apollo). — Sin (féerie en 5
actes, en vers, à Femina, musique d’André Gailhard).
Tous droits réservés pour
tous pays.
Copyright by Édouard Aubanel.
1940.
Le Livre des Certitudes admirables
PRÉFACE
–8–
Le Livre des Certitudes admirables
–9–
Le Livre des Certitudes admirables
– 10 –
Le Livre des Certitudes admirables
– 11 –
Le Livre des Certitudes admirables
Cette dette est payée au jour le jour, car il s’agit d’un débiteur
vigilant. L’âme s’agrandit, voit plus loin, comprend davantage. Des
biens lui sont donnés avec abondance, par les paysages, par les émo-
tions, par les amitiés.
Par les amitiés surtout. L’amitié de l’homme cultivé et bon pour
l’homme cultivé et bon représente le plus haut effort terrestre.
Dans la hiérarchie des unions, elle est à un degré plus élevé que
l’amour, car rien de physique ne s’y mêle. Mais elle est bien plus
difficile à réaliser, en raison du peu d’importance qu’on lui accorde.
Deux ou trois amis à peine, dans tout le cours de la vie, deux ou trois
pensées fraternelles avec qui il est donné de communier profondé-
ment ! O terribles limitations ! Inexorable loi qui veut que les créa-
tures soient séparées !
Et maintenant, à l’heure solennelle où il faut dénombrer ses
biens, ceux qui furent reçus par la libéralité de l’ordre inconnu, ceux
qui furent acquis par l’âpre recherche et la dure expérience, puissé-je
ne pas me montrer ingrat vis-à-vis des Dieux, des hommes et de
moi-même à qui je dois cette part qui est la mienne !
Je leur rends grâce pour la forme du corps, les traits du visage, la
facilité de parole qui change la pensée en verbe.
Je leur rends grâce pour le lieu de naissance, l’arbre du soir de-
vant la maison, les livres rangés dans la bibliothèque, le pauvre qui
venait à la grille, la bonté toujours présente.
Je leur rends grâce pour m’avoir donné une faculté de travailler
sans peine, une faculté de croire avec un sourire exempt de doute,
une faculté d’aimer tempérée par l’insouciance. Je leur rends grâce
pour m’avoir préservé des maladies pendant la plus longue période
de ma vie, et pour m’en avoir comblé ensuite au-delà de toute espé-
– 15 –
Le Livre des Certitudes admirables
– 16 –
Le Livre des Certitudes admirables
– 17 –
Le Livre des Certitudes admirables
– 19 –
Le Livre des Certitudes admirables
Ê
tre plus intelligent ! Quelle formidable difficulté ! Il y a des
moments où j’ai envie de me mettre à courir comme si le
mouvement physique pouvait déclencher un rouage qui précipiterait
le mouvement de l’esprit. Mais non, courir est inutile et c’est même
dans la plus grande immobilité du corps que l’intelligence se meut le
plus vite.
Et pourtant, l’intelligence est comme la douleur, extensible à l’in-
fini. De même que je pourrais faire sortir de moi-même une somme
de souffrance illimitée, soit par le déchirement de la pitié, soit par la
récapitulation de ce que j’estime être mes fautes, de même je pour-
rais étendre mon intelligence sans que la source de cette divine lu-
mière s’épuisât jamais !
Mais ce n’est qu’une apparente propriété. Mon intelligence est
rebelle à toute extension. À peine si je peux agrandir de manière in-
fime l’étendue de son pouvoir. Pourquoi ? Pourquoi ne puis-je ac-
quérir cette facilité dans les associations d’idées, cette rapidité à
comparer, à établir des rapports, à créer des prévisions de l’avenir, à
deviner des lois de la nature bien déguisées sous des foules d’excep-
– 20 –
Le Livre des Certitudes admirables
LE FOND DE L’ÂME
ces souhaits nous causerait une extrême douleur, mais ces souhaits
existent pourtant et leur cause est difficile à saisir. De même on a
souvent en soi un désir de catastrophe sociale ou cosmique, guerre
ou tremblement de terre, qui a son origine dans une envie générale
de changement.
La projection intérieure, si l’on parvient à mettre en place le pro-
jecteur, réserve beaucoup de surprises. À mesure que la lumière de-
vient plus intense, le caractère de ce qu’elle dévoile, varie. Tel vœu
qui apparaît d’abord criminel sous son premier aspect, cesse de l’être
quand la lumière devient plus intense et quand elle révèle les causes
lointaines et les racines du vœu. À un certain degré d’intensité de
lumière, l’aspect moral ou immoral de toute pensée a disparu et l’on
se réjouit de la vue de l’âme, quelle que soit la couleur de l’âme.
Car il y a dans la sincérité un extraordinaire élément de joie. Il est
si grand qu’un aveu tout vif, quand on le découvre dans une conver-
sation ou dans un livre provoque un éclat de rire. Je me demande
comment les confessionnaux ne retentissent pas de cette gaieté.
C’est que la sincérité n’est absolue que lorsqu’elle s’exerce vis-à-vis
de soi-même. Et encore elle a du mal à l’être. Elle comporte un dé-
doublement. C’est une partie de soi qui s’adresse à l’autre et cette
autre est souvent fictive, n’est qu’un composé qui n’a aucune exis-
tence réelle.
Quand j’étais enfant ma personnalité était celle d’un guerrier re-
doutable, toujours prêt à combattre. La nature produisait mes armes.
Un morceau de bois court était un poignard ; long, une lance. Je ne
sais pas comment je conciliais mon idéal militaire avec ma nature
particulièrement timorée et craintive. Brusquement, sans aucune
transition, dans ma quatorzième année, le guerrier devint un poète
– 23 –
Le Livre des Certitudes admirables
contraire à l’ancienne.
Elle ne peut pas se formuler. Le mot aspiration la résume peut-
être. J’aspirais à la connaissance, au savoir, à la possession des phi-
losophies, des sagesses aux innombrables formes par lesquelles la
vérité se fait jour si péniblement à l’esprit de l’homme. Les anciens
désirs se détachèrent de moi. Mais ils ne tombèrent pas avec aisance
comme des vêtements désormais inutiles. Ils tenaient à moi. Il fallut
les arracher et toujours douloureusement.
Ce fut très long. Quelle puissance a le désir ! J’imagine que c’est
différent pour ceux qui n’ont pas passé des années à le cultiver avec
amour et qui ne lui ont pas aussi imprudemment mêlé leur intelli-
gence. Le fantôme du poète romantique vint s’asseoir parmi les fan-
tômes du passé avec l’admirable lumière de la jeunesse dans le fan-
tôme de son regard.
Et alors un autre idéal naquit. Je vis une sorte de docteur Faust,
au milieu de livres plus nombreux que ceux de la bibliothèque
d’Alexandrie, recueillant la sagesse du monde et en connaissant la
délectation, la faisant sortir des livres, comme on exprime, en le
pressant, le jus d’un fruit pour s’enivrer. Mais ce docteur Faust
n’était pas suivi par un chien noir, il ne souffrait pas de la jeunesse
perdue et ne la considérait que comme un chaînon digne de curiosité,
dans la chaîne de son éternelle vie, cette vie qui commence avec le
premier souffle vivant de la planète et ne se terminera que lorsque la
consommation des âges sera révolue. Ce docteur Faust a mesuré le
bien et le mal, il s’est placé au-dessus de leur combat quotidien et il
sourit, baigné par la lumière de l’esprit.
Certes, il est inutile de l’énoncer, je ne fus pas ce docteur Faust.
Mais il suffit d’aspirer à être un personnage irréel pour participer à
– 25 –
Le Livre des Certitudes admirables
sa perfection, dans une mesure très minime mais qui constitue l’élé-
vation dont on est capable. À ce sage chimérique je donnai les traits
de l’ancien poète disparu et ainsi j’unis le présent à la jeunesse que
j’avais trahie, mais qui m’avait gardé sa fidélité. Celui qui n’arrive
pas à être sincère ne sait jamais qui il est.
Et même avec une enquête approfondie on n’arrive pas à fixer les
traits et la forme de ce que doit être l’homme définitif. Je ne sais pas
encore à quel degré je suis placé sur l’échelle de la bonté humaine
dont le sommet est parfait amour. Suis-je même sur le plus bas de-
gré ? Et l’échelle existe-t-elle ?
J’ai noté, au cours de l’enquête et à la lumière de la lampe inté-
rieure un remords subit et assez aigu, sans être déchirant. Je le donne
à titre d’exemple.
Je mangeais, un jour, des gâteaux et ces gâteaux étaient devant
moi avec une certaine profusion. Brusquement j’eus la pensée
qu’une foule d’enfants désiraient manger des gâteaux et ne le pou-
vaient pas. Le minime plaisir que j’éprouvais se changea en amer-
tume et je déposai le gâteau que j’avais entamé.
J’ai constaté ce remords, je me suis loué de l’éprouver et même
complu dans cette louange. Toutefois je n’ai pas couru dans la rue où
j’étais sûr que je trouverais, après une brève recherche, des enfants
pauvres et avides de gâteaux.
L’intention suffit, la pensée est tout, dit une voix. Horrible hypo-
crisie, dit une autre voix.
Mais jusqu’où peut aller la puissante projection intérieure ? Il y a
un fond de l’âme, analogue à certains fonds sablonneux de la mer où
au-dessous des agitations, des poissons étranges, des végétations
difformes, tout est calme, transparence, pureté. Il faut parvenir à
– 26 –
Le Livre des Certitudes admirables
– 27 –
Le Livre des Certitudes admirables
DE LA SUPÉRIORITÉ QUE
PEUT CONFÉRER LA DOULEUR
2-
Fahsel : La mystique de Konnersreuth. Éditions Spes.
– 33 –
Le Livre des Certitudes admirables
« En 1923, dit-il, son père eut une forte crise de rhumatisme. Elle
demanda de souffrir à sa place. Son bras gauche se raidit sur le
champ et sa main gauche, collée sur sa poitrine, provoqua un ulcère
grave. Le père fut immédiatement libéré de ses souffrances ».
Il faut retenir le caractère instantané de ce transfert et le rappro-
cher des précautions que prennent certains guérisseurs quand ils font
des passes sur des malades. Ils agissent comme s’ils avaient la
crainte de voir tomber sur eux une force qu’ils déplacent et qu’ils
dispersent pour l’annihiler.
Cette force n’est, du reste, ainsi déplaçable qu’à titre exception-
nel, par des mystiques ou des guérisseurs. Certaines substances vé-
gétales ont aussi la propriété d’annihiler la douleur.
« La douleur est l’essence du monde », a dit Schopenhauer. Pa-
role terrible mais véridique. Une action, une pensée, une créature,
sont toujours enveloppées d’une possibilité de douleur. Il suffit
d’examiner l’action sous un aspect différent, de prolonger la pensée,
de faire faire un geste à la créature pour que ce que l’on avait cru
joie devienne douleur.
Rien n’a de vie sans production de douleur. À tout effort est liée
une peine mais cette peine de l’effort se confond avec la joie. Le fait
d’exister serait atroce, à cause de l’inexorable présence de la dou-
leur, s’il n’y avait pas cette mystérieuse jonction. La nature a paré le
spasme sexuel, la volupté génératrice de la plus haute sensation de
joie possible. La sensibilité humaine ne peut trouver sur la terre de
secondes plus intenses. Mais si on analyse ces secondes, il est im-
possible de dire que la douleur n’est pas aussi grande que la joie
éprouvée. D’ailleurs l’homme ne pourrait pas supporter une durée
plus longue que celle qu’a fixée la nature. Mais si la joie et la dou-
– 34 –
Le Livre des Certitudes admirables
3-
Extrait d’une lettre de Marcel Hamon sur la douleur.
– 35 –
Le Livre des Certitudes admirables
– 36 –
Le Livre des Certitudes admirables
certain. Nous sommes assurés de même que l’effort des ordres reli-
gieux qui prient sans cesse pour faire retomber sur leurs membres la
souffrance du monde, n’est pas accompli en vain. Mais dans quelle
mesure l’immense océan de la souffrance peut-il être épuisé ? N’est-
ce pas une éternelle goutte d’eau que déplacent ces hommes purs
dans de longues existences de prière ? Et l’océan n’a-t-il pas une
source intérieure qui le renouvelle sans cesse ? Ou peut-on supposer
qu’en vertu de toutes les combinaisons possibles de la matière de
notre planète il n’y a qu’une certaine somme de souffrance dispo-
nible, immense certes, mais limitée et qu’alors l’œuvre des saints
hommes et leur sacrifice est non seulement sublime mais efficace,
car aucune immensité ne résiste à une lente usure.
Nous savons que cette puissance infinie sur laquelle repose le
monde et qui nous pénètre, peut contribuer à notre déchéance ou être
utilisée pour notre perfection. Cet inconnu peut être manié, produit
par nous, être une arme, un outil, un chemin vers la demeure invi-
sible des Dieux. C’est tout ce qu’il nous est donné de connaître de ce
mystère. Et il est vain de répéter : « Pourquoi Dieu n’a-t-il pas créé
le monde sans douleur ? » Le problème de la douleur est de ceux
dont la solution est impensable pour nous. Il dépasse la limite étroite
du cerveau humain. Comme l’a dit Sri Aurobindo, sa cause est dans
« une intelligence cosmique non humainement individualisée, qui
voit dans des espaces plus larges, qui a une autre vision, un autre
savoir, d’autres termes de conscience que la raison et le sentiment
humains ». Nous n’arriverons à comprendre qu’en nous élevant jus-
qu’à la conscience de cette intelligence plus haute.
– 37 –
Le Livre des Certitudes admirables
*
* *
Il faut ajouter que l’idée chrétienne de la douleur menant au salut
est confirmée dans la Bhagvad Gita. Krishna y dit à Arjuna :
« Quatre espèces d’hommes me cherchent et finissent par me
trouver : Ceux qui souffrent ; ceux qui sont passionnés de connaître ;
ceux qui veulent s’enrichir spirituellement et les sages ».
– 38 –
Le Livre des Certitudes admirables
– 39 –
Le Livre des Certitudes admirables
– 42 –
Le Livre des Certitudes admirables
LE PIÈGE SEXUEL
QUI MÈNE A LA RÉGRESSION
sorte de chute que chacun peut pratiquer, une manière de péché ori-
ginel renouvelé et réduit à un individu. Quelquefois même, à deux,
car le secret est vite partagé. Et c’est alors que deux êtres qui ont
légitimé le plaisir physique par toutes sortes de considérations trom-
peuses sur la vie, la beauté des formes, le culte d’Aphrodite, courent
le plus grand danger de leur destinée humaine.
Il y a dans la nature une force qui pousse à la régression, plus
attirante que celle qui donne le goût de la perfection. Cette force fait
découvrir que la volupté physique devient étrangement plus grande
si l’on supprime ce qui est humain et si l’on fait revivre par l’imagi-
nation ce qui est animal. C’est le retour voulu à la bête, magnifié par
le plaisir, l’identification avec la bête. Et ce qu’on donne alors ne
peut plus se reprendre. L’empreinte demeure ineffaçable. Le retour
vers l’animalité est presque définitif. Il ne sera compensé qu’à
grand’ peine.
La seule connaissance de ce vertige diabolique dont on peut être
possédé est une misère éternelle. Elle s’inscrit dans le psychisme et
survit à la mort. Vaut-il mieux rester dans l’état d’innocence et
l’ignorer ? Mais alors, on peut aisément tomber dans le plus redou-
table piège connu, car il y en a peut-être d’autres, d’un ordre supé-
rieur et qui sont réservés à ceux qui se sont élevés.
Mais celui — là qui nous guette à l’heure consacrée à la beauté et
à l’amour, celui des chambres aux lumières voilées, celui des lits
trompeusement poétisés, est le plus affreux parce qu’il coïncide avec
l’élan d’union mystique de l’homme et de la femme. Il se sert de la
vieille légende des deux moitiés d’âme enfin rejointes, pour précipi-
ter les créatures grâce au leurre du plaisir, sur le chemin de la mort
éternelle.
– 46 –
Le Livre des Certitudes admirables
s’aperçoit alors que presque toutes les bonnes actions étaient enta-
chées d’égoïsme et que c’était soi-même qu’on servait, en affectant
de servir les autres.
Il y en a bien quelques-unes qui sont désintéressées mais ce sont
celles accomplies pour ceux qu’on aimait comme soi-même, ceux
dont la vie est liée à la vôtre et dont l’avantage reçu rejaillit sur vous.
J’ai souvent envié ceux qui, par le jeu naturel de la carrière qu’ils
avaient embrassée, rendaient quotidiennement des services certains,
accomplissaient des actes qui diminuaient immédiatement des états
de douleur.
Certains administrateurs peuvent chaque jour permettre aux uns
de gagner leur vie, aux autres d’avoir accès à des situations et ainsi
des existences sont améliorées ; ils collaborent à ce mouvement gé-
néral qui fait se développer la vie. Les médecins, s’ils n’oublient pas
la noblesse de leur rôle, voient immédiatement sur des visages, l’ef-
fet heureux de leur suggestion de santé. Toutes leurs paroles contri-
buent à un état meilleur des corps souffrants.
Je sais bien que la réunion des hommes forme un tout où chacun
a sa place et son utilité. Dans cet ensemble l’écrivain est aussi néces-
saire que l’électricien ou l’agriculteur. Même, le besoin de la pensée
appartient à une aristocratie des besoins et, dans un certain sens le
bien accompli par l’intermédiaire de l’art, est d’une nature supé-
rieure et occupe une place plus élevée dans la hiérarchie des biens.
Mais dans le domaine spirituel, la loi est autre que dans le do-
maine physique et se présente différemment. Tous les menuisiers,
même ceux qui n’ont que des capacités médiocres pour travailler le
bois, ont leur utilité. Ils sont certains de satisfaire un besoin humain
universel d’objets en bois. Il n’en est pas de même de tous les écri-
– 48 –
Le Livre des Certitudes admirables
– 51 –
Le Livre des Certitudes admirables
– 54 –
Le Livre des Certitudes admirables
LA PROVIDENCE INTÉRIEURE
– 55 –
Le Livre des Certitudes admirables
absolument sûrs d’être les jouets d’un inconscient hasard. D’où vient
cet apport individuel de foi ou de doute ? Il était évidemment dans
notre conformation mentale.
Nous apportons en naissant notre destin. Ce destin n’est pas exté-
rieur à nous, il est en nous. Il se réalise sous la forme de facultés, de
capacités à agir, ou d’impuissance à l’action. Très souvent la rigueur
du destin semble n’avoir aucun rapport avec nous-mêmes. Par
exemple dans le cas d’un enfant trouvé. L’absence de parents pour le
protéger, crée à cet enfant un état d’infériorité initial auquel il ne
peut rien. Quelle en est la cause ? La cause est en lui. Cet enfant dut
éprouver antérieurement une horreur profonde pour la vie familiale
ou se montrer d’une ingratitude extraordinaire vis-à-vis d’anciens
parents. Ce n’est pas un châtiment qui le frappe maintenant. Mais il
avait développé dans sa nature une force anti familiale. Dans la pé-
riode qui précède la naissance et où la conscience est obscurcie, ce
sont de telles forces qui sont directrices. Il y obéit malgré lui, c’est-
à-dire presque inconsciemment mais l’orientation vient tout de
même de lui-même. Il tomba donc dans le germe qui est destiné à
réaliser un enfant privé de cet entourage familial qu’il a jadis renié.
Il est appelé là par l’affinité qui rapproche les semblables, affinité
que nous voyons agir constamment comme facteur dans la vie et qui
est d’autant plus sensible que l’être est dématérialisé.
Notre destin, pauvreté et richesse, réussite et malheur, se réalise
au jour le jour par la poussée de nos tendances. Il se réalise à la ma-
nière d’un rouage dans une vaste machine, rouage qui aurait des pos-
sibilités d’extension et de contraction. Il s’emboîte dans une foule
d’autres rouages qui réagissent les uns sur les autres, chacun ayant,
en vertu de sa puissance intérieure, la faculté de modifier les autres
– 56 –
Le Livre des Certitudes admirables
– 57 –
Le Livre des Certitudes admirables
LA BONTÉ
A près avoir fait une visite à Diderot qui était en prison, Jean-
Jacques Rousseau raconte qu’il eut une sorte d’éblouisse-
ment, s’assit sur un banc, tomba dans une profonde rêverie et décou-
vrit par une intuition indubitable toutes les bonnes raisons prouvant
que l’homme est naturellement bon. Il s’aperçut même en sortant de
cette rêverie que sa veste était entièrement mouillée par ses larmes.
Cette scène est citée à titre d’exemple dans certains livres, pour
démontrer combien sont admirables les extases des grands hommes
et quelles vérités s’y découvrent. Elle prouve au contraire, à mon
avis, que les intuitions des grands hommes sont aussi susceptibles
d’erreur que la simple réflexion des hommes bornés. Et l’humidité
des vêtements causée par l’excès des larmes n’y ajoute rien.
Dans les souvenirs de ma première enfance, je me vois à quatre
pattes, un jour d’été, alignant sur les dalles d’une chambre, des
mouches dont j’avais arraché les ailes et m’efforçant de les faire
marcher en ligne, en poussant les retardataires avec une baguette.
J’ai pu, par des recoupements dans ma mémoire, savoir que cela
s’est passé dans le cours de ma quatrième année. Aucun sentiment
– 58 –
Le Livre des Certitudes admirables
– 60 –
Le Livre des Certitudes admirables
LE MYSTÈRE DE LA GRANDEUR
ET DE LA PETITESSE
4-
Eddington. Étoiles et atomes (Hermann, éditeur).
– 62 –
Le Livre des Certitudes admirables
– 63 –
Le Livre des Certitudes admirables
– 64 –
Le Livre des Certitudes admirables
– 65 –
Le Livre des Certitudes admirables
– 66 –
Le Livre des Certitudes admirables
ENSEIGNEMENTS
QUI VIENNENT DES SERPENTS
celui du poison que certaines plantes distillent dans leurs sucs. Pour-
quoi y a-t-il des serpents qui possèdent dans leur mâchoire un sys-
tème compliqué permettant à un poison foudroyant de descendre le
long d’une tubulure de leurs dents et de tuer l’ennemi qu’ils viennent
de mordre ? La loi de l’évolution l’explique par le désir de défense
de l’espèce. Les serpents auraient produit à travers les âges une arme
redoutable qui leur permettrait de triompher dans la lutte pour la vie.
Il est très difficile d’imaginer comment la continuité d’un instinct de
défense, même à travers des millénaires peut créer une chose aussi
particulière qu’un tube au milieu d’une dent.
Puis, si cette explication était véritable les espèces les plus redou-
tables de serpents, invincibles grâce au poison, devraient se multi-
plier et le nombre des serpents inoffensifs, de ceux qui n’ont que des
dents dépourvues de tubes, devrait décroître. Or, il n’en est rien.
Dans certaines régions c’est même le contraire. Ce sont les serpents
inoffensifs qui pullulent. Le terrible cobra royal est assez rare. Il n’y
a qu’une seule espèce de lézard qui est venimeuse et elle est infini-
ment plus rare que les espèces privées d’armes.
Il semble bien que la nature fait croître et décroître les créatures
sans s’occuper de leurs dards, de leurs épées, de leurs cornes, de
leurs mandibules. Les espèces les mieux armées ont disparu malgré
leurs armes et qui sait ? peut-être à cause d’elles. À un moment don-
né des temps, sans raison évolutive valable, sans aucune correspon-
dance avec une loi Darwinienne, les espèces déclinent et meurent
comme si une heure fatidique avait sonné à une horloge cosmique.
Au moment de leur plus grande perfection, les groupes périssent
sans laisser de postérité. Il y a une vieillesse de l’espèce comme il y
a une vieillesse des individus. Le facteur qui régit cette vieillesse ne
– 68 –
Le Livre des Certitudes admirables
– 70 –
Le Livre des Certitudes admirables
que les autres et soit répandue sur la terre aussi longtemps qu’il y
aura des pluies, des rivières et des vases amollies par les pluies ou
les eaux des marées.
Chez tous les animaux sauvages, il y a une absence de sauvagerie
et de cruauté pendant la première enfance. Les petits lions et les pe-
tits tigres jouent puérilement sans aucune pensée de destruction. Par
une exception unique, dès que la coquille de l’œuf est fendue et qu’il
en émerge un crocodile à peine un peu plus long qu’un doigt, cet être
qui a à peine contemplé les choses créées, songe à les mordre et
s’élance en avant en faisant claquer ses mâchoires minuscules. Sa
fureur est antérieure à toute expérience.
L’attention divine particulière qui veille sur les crocodiles doit
avoir un rapport avec cette férocité déjà placée dans le germe. C’est
grâce à cette attention, à cette protection qu’on évalue actuellement
que, malgré tous les assèchements de marais, tous les terrains d’allu-
vions changés en terrains de cultures, le nombre des crocodiles est
aussi grand sinon supérieur à celui des siècles passés.
Comment n’en serait-il pas ainsi avec les dons admirables et ex-
ceptionnels dont le crocodile s’est vu si généreusement comblé par
la nature 5.
De tous les animaux terrestres, c’est celui qui atteint la plus
grande longévité. On ne peut évaluer exactement le nombre d’années
auquel il parvient mais étant donné le pouvoir unique de rajeunisse-
ment dont il dispose, on peut se demander si un crocodile périt de
mort naturelle et si la mort n’est pas seulement due, dans son espèce,
5-
Ces renseignements sont extraits du livre de Mr Maugham « Les
bêtes sauvages de la Zambézie » (Payot, éditeur). Il parle par expérience.
– 72 –
Le Livre des Certitudes admirables
– 75 –
Le Livre des Certitudes admirables
ENSEIGNEMENTS
DONNES PAR LES FOURMIS
6-
Mæterlindk : La vie des fourmis (Fasquelle, éditeur).
– 77 –
Le Livre des Certitudes admirables
– 79 –
Le Livre des Certitudes admirables
DE LA CONFORMATION
À L’ORDRE DES CHOSES
7-
Docteur Lenglet : Le curé d’Ars et les phénomènes métapsychiques.
– 81 –
Le Livre des Certitudes admirables
c’est qu’il devait entrevoir plus ou moins confusément les deux des-
tinées, les diverses possibilités de ce qu’on nomme à tort le hasard et
peut s’appeler la Providence.
Dans bien d’autres cas analogues on le voit pousser ceux qui le
consultent vers un mariage, ou vers une situation à laquelle ils ne
songeaient pas, sans la moindre crainte d’une responsabilité, sans
ajouter, comme l’aurait fait un homme sage ordinaire : Réfléchis-
sez… C’est à vous de décider… Il poussait les êtres vers un but qu’il
voyait, dont il était sûr.
Comme d’autres saints, il avait un pouvoir de guérison. Une
pauvre femme avait reçu comme aumône un vieux bonnet qui lui
avait appartenu. Elle avait un enfant qui avait sur le crâne une plaie
ancienne. Elle lui met le bonnet et le lendemain la plaie est guérie.
Il guérissait par attouchement ou en pratiquant des neuvaines.
Mais naturellement, dans de nombreux cas il se trouvait devant un
ordre des choses sur lequel il ne pouvait rien, par exemple une mala-
die inmodifiable qui avait une mort prochaine pour issue. Il se
contentait alors d’annoncer la mort.
On lui prête cette parole : « Si nous avions la foi nous serions
maîtres des volontés de Dieu. Nous les tiendrions enchaînées et il ne
nous refuserait rien ».
Il devait sentir confusément que le destin, même celui qui paraît
le plus irrévocable, est susceptible de modification et que l’élément
agissant est la foi, en lui donnant le sens de faculté d’identification
avec le pouvoir suprême.
Par la vertu de sa sainteté il organisait le destin pour la réalisation
de ses désirs, même si le désir était imprécis. En voici un exemple
qui semble sorti de la légende dorée :
– 82 –
Le Livre des Certitudes admirables
8-
Docteur Lenglet : Le curé d’Ars et les phénomènes métapsychiques.
9-
Jean Dorsenne : Revue mondiale 1926.
– 83 –
Le Livre des Certitudes admirables
condition essentielle.
Là se dresse une contradiction. Que deviendrait le monde sans le
perpétuel redressement de la révolte ? Faut-il laisser le mal triom-
pher et ne lui opposer que la passive résignation qui s’appelle aussi
lâcheté. Le saint curé d’Ars lui-même s’est révolté. Pris comme sol-
dat, en 1810, et ayant reçu une feuille de route pour Bayonne, il se
met en marche mais n’arrive pas dans cette ville. Il déserte. Un futur
saint n’est pas fait pour tuer ses semblables, même si l’ordre des
choses l’a désigné pour cela.
Alors ? Il y a donc plusieurs manières de se conformer à la loi
divine. C’est-à-dire qu’on ne sait pas quand la loi est divine et quand
elle ne l’est pas.
Il faut donc interpréter la loi, se substituer à la volonté divine,
prendre pour certaines décisions la place de Dieu. Cela sera-t-il em-
barrassant et le modeste devra-t-il en être gêné dans sa modestie ?
Nullement. La plus haute manifestation divine sur la terre se fait par
l’intermédiaire de la conscience humaine. Toute décision prise par
notre conscience supérieure, pourvu qu’elle soit dégagée de tout in-
térêt personnel, sera excellente et d’un caractère divin. Le difficile
est seulement de remonter dans sa conscience jusqu’au point élevé
où elle rencontre le destin et se confond avec lui.
– 84 –
Le Livre des Certitudes admirables
CERTITUDES DE JOIE
TIRÉES DE LA VIE D’UNE SAINTE
10 -
Une sainte parmi nous (Collection Présences, Plon éditeur).
– 85 –
Le Livre des Certitudes admirables
11 -
Olivier Leroy : La lévitation (Éditions du Cerf).
– 86 –
Le Livre des Certitudes admirables
12 -
Louis Leclève : Sainte Angèle de Foligno (Plon, éditeur).
13 -
Sainte Angèle de Foligno : Le livre de l’expérience des vrais fi-
dèles (Droz, éditeur).
– 87 –
Le Livre des Certitudes admirables
– 89 –
Le Livre des Certitudes admirables
INUTILITÉ DE L’ASCÉTISME
– 90 –
Le Livre des Certitudes admirables
« Elle est pénible la vie en des lieux retirés dans les profondeurs
des forêts. Il est difficile de vivre heureux dans la solitude et l’isole-
ment ».
Et une autre fois :
« Ce n’est pas par cet ascétisme terrible que je dépasserai la loi
humaine et que j’arriverai à la véritable science ».
Il avait pratiqué cet ascétisme terrible, non loin de la ville d’Ou-
rouvilva. Quand il en comprit l’inutilité il alla se baigner dans la ri-
vière prochaine, comme pour se purifier de la purification et sa fai-
blesse était telle qu’il défaillit et fut obligé de se retenir aux branches
d’un arbre qui baignaient dans l’eau. Ce fut peu après qu’une char-
mante jeune fille, appelée Nanda, lui offrit un grand plat de riz au
lait qu’il mangea avec allégresse et ce fut grâce à ce plat et à cette
allégresse qu’il atteignit l’illumination.
Il ne faut pas oublier ce plat de riz. Aucune pratique d’ascétisme
n’est mentionnée dans la vie de Jésus-Christ. Quand il y eut festin à
Béthanie, il vit sans déplaisir répandre une livre de nard pur pour
embaumer la maison. Même il réprimanda l’avaricieux qui aurait
préféré que la livre de nard pur fût convertie en argent.
Socrate prit part très souvent à des banquets et à des beuveries.
Le jeu de son esprit n’en était pas gêné. Mais il luttait pour être le
maître de son désir. Quand il avait très soif et qu’il avait tiré pénible-
ment d’un puits un seau plein d’eau, au lieu de boire, il vidait le seau
et il recommençait à le tirer de nouveau pour s’exercer à vaincre son
désir. On peut se demander s’il en résulta un grand bénéfice. Il sup-
porta avec patience une épouse acariâtre, ce qui est plus méritoire et
plus difficile que de vaincre sa soif. C’est une forme détournée de
l’ascétisme.
– 91 –
Le Livre des Certitudes admirables
grette, c’est la vertu juvénile de les mépriser parce qu’on ignore leur
contact, l’élan admirable que l’on a vers les choses de l’esprit, parce
qu’elles sont proches, qu’on ne s’est pas encore éloigné d’elles.
Il y a dans la jeunesse, à cause de l’ignorance des sens, une sorte
de contact avec les Dieux. On ne s’en rend pas bien compte, parce
qu’on ne croit pas à ce genre de contact. Du reste, pour être perçu, il
demande l’attention autant que la foi. Le jeune homme est un ascète
qui s’ignore et aspire à ne plus l’être.
À part de rares exceptions, chaque vie comporte une erreur de
méthode. On commence par une certaine austérité à laquelle vous
inclinent les enseignements moraux qu’on a reçus ou la nécessité de
gagner sa vie dans des métiers qui ne vous laissent de loisirs que
pour des plaisirs limités. Puis, peu à peu, le goût du plaisir s’accroît
avec la possibilité de leur réalisation. Beaucoup d’hommes, entre
quarante et cinquante ans, ont une crise dont la source est le regret
de ne pas avoir assez joui de la vie. Ils recherchent alors, sans me-
sure, cette jouissance à l’âge où un demi renoncement devrait les
conduire à l’état de sagesse dont ils sont capables, état variable pour
chacun. Ils font, avec une amertume éperdue, le contraire de ce
qu’ils auraient dû faire.
Heureux celui qui a pu maintenir le plaisir entre les bornes nor-
males dans lesquelles il doit demeurer ! Car le plaisir est parfois un
aussi redoutable ennemi de notre bonheur véritable, que la douleur.
– 93 –
Le Livre des Certitudes admirables
– 94 –
Le Livre des Certitudes admirables
14 -
D’après Houzeau : Étude sur les facultés mentales des animaux.
(Mons, Manceaux, éditeur, 1872).
– 95 –
Le Livre des Certitudes admirables
– 96 –
Le Livre des Certitudes admirables
POSSIBILITÉS
DE GRANDES SOUFFRANCES
DANS L’AU-DELÀ
– 97 –
Le Livre des Certitudes admirables
resteront premiers. Mais peu. L’affirmation est vraie dans son prin-
cipe.
Nous n’avons pas à juger la constitution de l’univers. Toutefois,
pour un esprit raisonnable, condamner des créatures à passer si brus-
quement d’un monde dans l’autre, à obéir à des lois différentes et
établir un profond mystère au sujet de ce changement, si profond que
la majorité de ces créatures ne sait comment se préparer à ce que
sera leur sort inévitable le lendemain, pour un esprit raisonnable,
selon les normes de la raison humaine, cela semble injuste, brutal et
dépourvu de pitié.
Mais les normes de la raison humaine ne sont pas les normes de
la raison divine qui emploie des moyens incompréhensibles pour
nous et qui a des buts qui nous échappent. Surtout sa conception de
la pitié est prodigieusement différente. Ou plutôt, elle est totalement
à rebours de la nôtre, nous la voyons à l’envers. Quand un homme
juste et bon endure des souffrances atroces, quand des êtres qui
s’aiment sont séparés par la mort, peut-être ce sont là de merveilleux
effets de la pitié divine, parce que la séparation et les souffrances
atroces ont d’inappréciables résultats sur un plan de vie inconnais-
sable ?
Mais ce n’est pas tout à fait sûr.
– 101 –
Le Livre des Certitudes admirables
thisent est une loi cosmique primordiale. Seuls, ceux que leur igno-
rance plongera dans des ténèbres trop absolues ou qui seront la proie
dé l’idée fixe d’un remords, n’arriveront pas à se rejoindre.
Naturellement, ceux qui n’auront aimé personne et n’auront fait
naître aucun amour ne seront appelés nulle part.
Pour les autres, le désir de la présence amènera la réalisation im-
médiate et ils connaîtront cette suavité de joie qui vient du goût de se
donner, cette allégresse de l’expansion dont on ne peut avoir qu’une
vague idée dans la vie terrestre.
Certains voyants et certains spirites ont présenté une populaire
image d’Épinal de ces bonheurs de l’au-delà. Autour du lit du mou-
rant se tiennent avec des visages extasiés et parfois des ailes, tous ses
parents et amis défunts. Ils lui font signe d’être tout à fait rassuré sur
son sort et au moment où son double quitte son corps comme une
apparition lumineuse, ils lui prennent la main et ils s’envolent joyeu-
sement dans l’au-delà, suivis de divers anges.
Il ne faut pas oublier que les images d’Épinal sont une copie
grossière de la réalité. J’ai découpé jadis Napoléon, le maréchal
Lannes, Berthier, reproduits en couleurs vives sur une feuille qui
coûtait un sou. Ces figures avaient chacune les caractéristiques
réelles du personnage qu’elles représentaient. Il y a une part de véri-
té dans l’image populaire du spiritisme. Mais nous ne saurons qu’à
la minute de notre mort dans quelle mesure les couleurs, les visages
et les ailes furent exagérés.
Si un intense bonheur vient de l’union de deux êtres, ce bonheur
doit être multiplié par une règle mathématique avec le nombre des
êtres. Sur notre terre l’amour engendre mille difficultés, un homme
aime deux femmes, par exemple, et réciproquement, ou il a de
– 105 –
Le Livre des Certitudes admirables
15 -
J’ai signalé dans un autre livre cette communauté de visions chez
Swedenborg, Yram, les voyants du colonel Castlan.
– 106 –
Le Livre des Certitudes admirables
ont en eux une profonde négation naturelle qui les empêche d’avoir
jamais le plus rapide contact avec le divin, ou plutôt s’ils l’ont ils
n’ont pas la faculté de s’en rendre compte. Mais presque chez tous
les hommes c’est une faculté qui doit être conquise lentement, au
cours de méditations longues et décevantes.
Derrière les apparences de l’univers, il y a la réalité d’un être et
d’une conscience, le soi de toutes choses, unique et éternel. Tous les
êtres sont unis dans cet esprit unique, a dit Sri Aurobindo. Et il y a
dans la Bhagavad Gita : « Ceux qui m’adorent sont en moi et je suis
en eux ».
Quand nous avons un commencement de communication avec
l’âme suprême, ce que nous percevons, c’est notre parenté avec elle
et le sentiment de joie que nous éprouvons, grandit en même temps
que nous nous sentons nous en rapprocher. Le plus haut résultat est
l’identification totale.
Pour le faible, pour le solitaire, pour celui qui est désireux d’ap-
pui, c’est un immense réconfort que cette solidarité avec l’âme infi-
nie du monde. Même si la perception est extrêmement vague, il suf-
fit qu’elle puisse être envisagée comme espoir lointain de réalisation.
« Car je ne me manifeste pas à tous », est-il dit dans la Bhagavad
Gita. Terrible parole signifiant qu’il y a des élus et des rejetés ! À
tous il n’est pas donné de communiquer. Il y a ceux qui ont la preuve
personnelle apportée intérieurement dans le silence et la solitude et
ceux pour qui le silence est immuable et la solitude désespérée. Ain-
si, du haut en bas de l’échelle du monde, on trouve toujours des fa-
vorisés et des êtres qui ne le sont pas sans qu’il soit possible de
connaître la cause de cette apparente injustice.
Pourquoi la communication n’est-elle pas aisée et surtout acces-
– 108 –
Le Livre des Certitudes admirables
– 109 –
Le Livre des Certitudes admirables
Vous êtes en moi et je suis en vous. Nous peinons ensemble vers des
fins que vous ne pouvez pas connaître à cause de votre caractère mi-
nuscule mais que je m’efforce de vous révéler dans la mesure où
vous pouvez atteindre à ma conscience.
L’animal doit aussi demander à l’homme, d’une façon moins
consciente mais analogue, d’être pour lui un père bon et aimant.
Nous sommes dans le même rapport avec l’être suprême que l’ani-
mal avec nous. La seule conduite raisonnable est de s’incliner devant
la nécessité de la loi qui est d’autant plus clémente qu’on s’aban-
donne à son courant.
La compréhension n’est pas de ce monde. Elle appartient à un
état futur. Il faut conquérir cet état avec les données que nous possé-
dons.
– 110 –
Le Livre des Certitudes admirables
monde spirituel.
Le récit exact et détaillé d’une pareille expérience n’a été fait
qu’une seule fois, à ma connaissance et il a été rapporté par son au-
teur, sous la signature d’Yram dans un petit livre étonnant 16. L’éton-
nement est causé par la vraisemblance qui augmente encore lorsque
l’on connaît la parfaite honnêteté de l’auteur et la véracité qui l’ani-
mait.
Yram avait conquis le pouvoir de sortir de son corps et au cours
de ses sorties il expérimenta la nature des mondes invisibles. Il vint
un moment où il perçut un état spirituel dont l’intensité ne pouvait
avoir d’analogie qu’avec le feu et dont le contact, par l’intensité des
vibrations, se rapprochait de la brûlure.
Les apparences dont sont revêtues les apparitions des morts
donnent fréquemment des sensations de chaleur intense. Pourquoi ?
La matière de leur corps, car c’est une matière extrêmement ténue,
est à un taux de vibration d’une grande rapidité. On admet mainte-
nant qu’il n’y a dans le monde que des ondes vibrant différemment.
Les vibrations de l’ordinaire corps dont nous sommes revêtus sont
lentes, celles d’un double sont plus rapides et on peut conclure que
cette rapidité va en augmentant, à mesure qu’il s’agit de doubles
subtils et élevés dans la hiérarchie spirituelle.
L’idée d’un contact avec un fantôme a toujours été horrible, sans
doute à cause de la vague sensation du danger que comporte ce
contact. Dans les légendes populaires qui sont le résultat de quelque
ancienne vérité transformée, l’attouchement du mort est toujours
suivi d’un dessèchement, d’une paralysie, d’une brûlure.
16 -
Yram : Le médecin de l’âme (Éditions Adyar, Paris).
– 112 –
Le Livre des Certitudes admirables
– 113 –
Le Livre des Certitudes admirables
17 -
Rapport de l’abbesse reproduit par M. Ernest Bozzano dans une
étude sur cette question.
– 114 –
Le Livre des Certitudes admirables
*
* *
Des cas analogues et qui paraissent indiscutables sont cités par
Flammarion. En voici un qu’il tenait d’un savant, Charles Naudin :
À Denain, une religieuse des Dames de la Sainte Union était des-
cendue à la cave pour tirer de la bière. Elle avait ses manches rele-
vées jusqu’au coude. Cinq ou six semaines auparavant, la supérieure
du couvent était morte et lui avait demandé personnellement de prier
pour elle. Elle vit soudain à côté d’elle une autre religieuse qu’elle
reconnut pour la supérieure. Celle-ci s’approcha d’elle, lui pinça for-
tement le bras nu en lui causant une violente douleur et lui dit :
Priez, car je souffre. La pauvre sœur remonta précipitamment de la
cave et on reconnut qu’elle avait cinq marques rouges, formant des
ampoules, quatre d’un côté, une autre plus large, de l’autre côté,
telles qu’aurait pu le faire, une main de fer rougie au feu.
Dans tous les récits qui sont analogues il faut remarquer que le
fantôme qui semble être de feu et dont l’attouchement est si redou-
table est toujours le fantôme de quelqu’un qui s’imaginait devoir être
plongé après sa mort dans un séjour de feu, dans un Purgatoire où il
brûlerait quelque temps. Cela correspond à la notion que l’au-delà
est toujours ce qu’on imagine et que le pouvoir créateur de la pensée
crée l’état que l’on croyait avoir à subir.
C’est l’explication la plus simple, trop simple peut-être. Mais elle
doit contenir une grande part de vérité.
– 116 –
Le Livre des Certitudes admirables
ÊTRE PUR
– 117 –
Le Livre des Certitudes admirables
plein d’angoisse, lui demandait : Que dois-je faire pour être sauvé ?
Tu es sauvé dès maintenant, si seulement tu crois être sauvé.
– 119 –
Le Livre des Certitudes admirables
– 120 –
Le Livre des Certitudes admirables
– 121 –
Le Livre des Certitudes admirables
– 122 –
Le Livre des Certitudes admirables
L’EXPÉRIENCE DIRECTE
DE LA VIE DIVINE
18 -
William James : L’expérience religieuse (Alcan, éditeur).
– 125 –
Le Livre des Certitudes admirables
19 -
Cité par William James dans l’Expérience religieuse.
– 126 –
Le Livre des Certitudes admirables
vine. Mon âme était remplie d’une joie indicible. Voir Dieu ! voir
cet être de gloire ! »
Cette joie indicible est la caractéristique de toute expérience de
cet ordre. C’est une grande satisfaction de ne pouvoir enregistrer
aucun exemple contraire. Qu’arriverait-il s’il y avait des cas où Dieu
se faisait connaître dans l’horreur, même si cette douleur était nette-
ment divine ?
Mais il n’en est rien. L’indicible joie accompagne toujours la ma-
nifestation divine. Presque toujours aussi, ceux qui l’éprouvent ont le
sentiment d’une volonté supérieure qui les entraîne d’une façon irré-
sistible.
Les saints de toutes religions font cette expérience ; mais elle
s’accompagne alors de l’image de la Divinité qu’ils prient, image
très précise, avec les costumes connus, les barbes, les visages angé-
liques, les attributs de la légende. Cette apparition les confirme puis-
samment dans leur foi en cette Divinité particulière. Ils ne se
trompent du reste pas.
Cette image est une des mille images que peut emprunter l’esprit
divin pour sa communion avec celui qui le prie.
Voici, d’après Hello, une des visions les plus curieuses de Fran-
çoise Romaine, sainte chrétienne de la fin du XIV ᵉ siècle qui avait le
don inestimable de contempler la superposition des deux invisibles :
« Je vis, dit-elle à son confesseur, je vis l’Être avant la création
des anges, je vis l’Être comme il est permis de le voir à une créature
vivant dans la chair. »
« C’était un cercle immense, rond et splendide. Ce cercle ne re-
posait sur rien, que sur lui-même. Il était son propre soutien. Une
splendeur inouïe, que l’esprit ne se figure pas, sortait de ce cercle. Et
– 127 –
Le Livre des Certitudes admirables
– 128 –
Le Livre des Certitudes admirables
– 129 –
Le Livre des Certitudes admirables
20 -
J.-E. Marcault : Le temps théosophique et le temps chrétien (Lotus
bleu, 1936).
21 -
M. G. Trarieux d’Égmont a tiré de ces différents temps d’intéres-
santes déductions du point de vue astrologique.
– 131 –
Le Livre des Certitudes admirables
souhaitons pourtant que le temps soit plus lent, qu’il « suspende son
vol ». La rapidité du temps équilibre la durée des séjours et doit leur
donner une certaine similitude.
Cette rapidité du temps doit être un remède aux obsessions de
certains remords et aux souffrances qui en résultent. Le D r. Wick-
land, cité par Bozzano rapporte la communication d’un esprit obsé-
dé. « Il lui demande en quelle année il croit se trouver. L’esprit ré-
pond : Je sais bien que nous sommes en 1902. On était au contraire
en 1919. Mais l’homme était mort en 1902, et il avait erré dans les
ténèbres pendant dix-sept ans, croyant s’y trouver depuis quelques
jours seulement »
C’est le long temps passé dans les mondes qui succèdent au nôtre
qui nous empêche de voir jamais revenir sur la terre un homme qui
s’est distingué par les vastes qualités de son esprit. Notre expérience
historique est trop courte pour que nous retrouvions un grand pen-
seur. Du reste, doivent être seuls reconnaissables les hommes mé-
diocres qui n’ont pas eu la faculté transformatrice nécessaire pour se
développer hors de leur corps physique. Ceux — là doivent revenir
rapidement et pourraient être reconnus par la persistance de défauts
saillants.
*
* *
L’expansion qu’amène la vie spirituelle change complètement le
rapport de l’être avec l’espace. Un tel changement doit avoir un
contre-coup dans le rapport de l’être avec le temps. Celui qui em-
brasse l’espace doit aussi embrasser le temps. Une conscience qui
s’est élargie, comme il est dit, jusqu’aux dernières limites du sys-
– 132 –
Le Livre des Certitudes admirables
– 133 –
Le Livre des Certitudes admirables
sur la terre puisqu’il n’y a plus toutes les barrières du corps pour
l’arrêter. Il doit même, au bout de quelques siècles, quand il s’agit
d’intelligences remarquables, acquérir des proportions inouïes.
Je ne peux m’expliquer pourquoi ce développement est déclaré
impossible par quelques-uns qui limitent au temps passé sur la terre
la période des acquisitions. Cela équivaut à penser que toute la vie
de l’au-delà est inconsciente. Car dès que la pensée fait une expé-
rience quelconque, elle mesure, elle compare, elle s’enrichit. Et il
n’y a pas de raison pour que cet enrichissement ne lui demeure pas,
tout autant que s’il a été fait par l’intermédiaire d’un corps.
*
* *
Beaucoup de morts, soit par des communications spirites, soit par
les perceptions spontanées de certains visionnaires réclament les
prières de ceux qui les ont aimés comme un adoucissement à l’état
douloureux dans lequel ils se trouvent.
M. R. qui possède des dons psychiques inutilisés comme pas mal
de gens, me disait, qu’ayant perdu son neveu, il avait eu des commu-
nications de lui. Elles s’étaient produites deux ans après sa mort, non
par une apparition, mais par l’audition très nette de sa voix, audition
mentale, bien entendu. Il se plaignait de se trouver dans les ténèbres.
Il était mort jeune, laissant une femme dont il avait été très aimé. Il
disait que sa femme était la seule personne capable de lui venir en
aide par la prière. Il considérait donc que la prière de quelqu’un qui
aime est le seul élément très actif pour faire parvenir à une région
plus lumineuse. Les ténèbres dont il parlait pouvaient être assimilées
sans doute à la solitude glacée de l’égoïsme et la pensée d’amour
– 135 –
Le Livre des Certitudes admirables
était le plus utile secours. M. R. entendit souvent cette demande qui
était adressée à lui et non à l’intéressée, à cause de sa nature psy-
chique. Il prévint la femme de son neveu et peu à peu les communi-
cations cessèrent.
L’état après la mort doit être différent avec chaque individu.
Dans les communications données par Flammarion en voici deux qui
voisinent l’une à côté de l’autre. L’une raconte qu’un vieillard,
homme jovial, avait l’habitude, à titre de plaisanterie, de faire des
peurs à ses proches en frappant à l’improviste trois coups bruyants
dans ses mains. Il partit en voyage et mourut. Or, les mêmes
proches, au moment de se mettre à table pour le dîner, entendirent
les trois coups de la plaisanterie connue. L’heure fut vérifiée ensuite
pour être l’heure de sa mort. Le premier souci de ce mort dans l’au-
delà avait un caractère facétieux, ce qui n’est pas le signe d’un état
douloureux.
Une institutrice dont le mari était soigné dans un hôpital éloigné,
le voit soudain au pied de son lit avec l’aspect d’un homme en bonne
santé. Elle s’écrie : « Toi, ici, et guéri ! » Mais elle est interrompue
par une voix désolée et suppliante : « Priez, ma chère amie, priez ! »
Il était mort le matin même et son premier souci était d’obtenir une
prière. Prière, dans tous ces cas-là, doit être entendue comme pensée
d’amour et aussi comme l’équivalent de : « Ne me laissez pas seul ».
*
* *
C’est une idée erronée et puérile — et que beaucoup de gens ex-
priment — de penser qu’après la mort on ne peut avoir de percep-
tions parce qu’on est privé de ses sens pour les enregistrer.
– 136 –
Le Livre des Certitudes admirables
éveillée cette fois, elle regarda autour d’elle et vit entre la fenêtre et
l’armoire un buste de femme qui sortait du mur et lui parlait. « Qui
êtes-vous ? » demanda-t-elle. — « Vous ne me reconnaissez pas ? »
— « Non. » — « Vous m’avez pourtant acheté du poisson, ce matin,
aux Halles, je suis la mère Arondel. » — « Ah ! en effet, et que vou-
lez-vous ? » — « Mais je dois être morte, j’ai vu mon corps étendu
par terre et mes enfants pleurant autour. J’ai eu beau leur parler, ils
ne m’entendaient pas. » — « Comment donc êtes-vous morte ? » —
« Je me suis mise en colère en rentrant chez moi, et je suis tombée ;
ensuite, j’ai vu mon corps par terre et les gens tout autour ; pourtant,
je ne suis pas morte. » — « Voyons ! que voulez-vous ? » — « Il
faut que vous alliez dire aux gens qui sont chez moi que je ne suis
pas morte. » — « Non ! Ils me prendraient pour une folle, je ne puis
pas faire, cela. Laissez-moi, ma bonne femme. »
L’apparition s’en alla alors, en glissant de côté, à travers le mur.
Le lendemain, de bonne heure, Mme Bouillier alla trouver une de
ses voisines, Mme Micheau, et lui raconta la chose. Elles s’en furent
toutes deux aux Halles pour vérifier le fait. Un papier collé sur son
étal annonçait la mort de la mère Arondel, et les autres marchandes
expliquèrent qu’elle était morte subitement, sitôt rentrée chez elle.
Il faut retenir que ni la personne morte, ni surtout la personne qui
a été témoin de l’apparition n’appartiennent au monde des spirites et
des médiums. La première n’a fait aucun serment d’apparaître, la
seconde n’est pas en quête d’ombres fugitives ou de lumières er-
rantes. Elle est réveillée dans la nuit sans aucune cause qu’elle
puisse expliquer. Il doit y avoir chez les morts une affinité qui les
pousse vers les êtres susceptibles par leur nature psychique d’en-
tendre leur communication. Dans le cas présent. Mme Arondel
– 138 –
Le Livre des Certitudes admirables
– 139 –
Le Livre des Certitudes admirables
– 140 –
Le Livre des Certitudes admirables
LE PROBLÈME DE L’INCINÉRATION
– 141 –
Le Livre des Certitudes admirables
fer.
Puis, à part le délai, il y a une différence entre l’incinération sur
un bûcher, parmi les souffles de l’air et l’influence directe du soleil
et la misérable et rapide consomption, dans un four étroit.
L’habitant des régions occidentales de la planète est obligé de
choisir entre la lente décomposition dans un cercueil et la crémation
conçue par l’ignorance.
La destruction immédiate du corps a l’avantage de priver le mort
de ce point d’appui terrestre auquel il est accoutumé. Malgré lui il y
revient et la Kabbale juive prescrivait aux familles des morts de ne
pas se rendre sur les tombes pendant l’année entière qui suit la mort
pour ne pas ajouter par leur présence à l’attraction déjà assez grande
de la forme. Mais pour les morts ignorants et désemparés cette at-
traction est un secours et cette dépouille décomposée est un misé-
rable appui, mais un appui. Il faudrait connaître exactement le degré
de misère et d’ombre qu’atteignent les hommes les plus dépourvus
de connaissance.
D’après certaines communications c’est une cruelle douleur pour
les morts errants que la vue de leur ancien corps et on comprend
l’amère curiosité qui les pousse à aller voir à quel point il en est de
sa marche immobile vers le néant. L’amour personnel de soi-même a
sa douloureuse réaction immédiate. Heureux ceux qui n’ont pas gar-
dé avec la terre perdue, ce redoutable point de contact !
La sagesse serait donc de demander l’usage du four crématoire,
malgré la tristesse glacée de sa salle de pierre et son morne cérémo-
nial, malgré l’apparition du squelette après sa lutte avec le feu, mal-
gré la tige de fer qui le brise et les grands coups indifférents du fonc-
tionnaire de la mort, pour le réduire en poussière, malgré la tristesse
– 142 –
Le Livre des Certitudes admirables
RÉINCARNATIONS
PROCHES ET LOINTAINES
– 146 –
Le Livre des Certitudes admirables
*
* *
Le retour sur la terre où s’exercent les effets des causes qu’on a
engendrées est considéré par certains comme une forme de la justice.
Justice bien imparfaite ! On subit les effets et on n’a pas la mémoire
des causes ! Et celui qui subit les effets est souvent un personnage
très différent de celui qui a engendré les causes ! Du reste, considé-
rerions-nous que c’est justice de nous rendre à soixante ans, une
gifle que nous avons donnée à un de nos camarades quand nous
avions quatre ans ? Mais il est vain de rechercher la justice dans la
nature si nous restons à notre échelle et n’arrivons pas à nous placer
à la mesure de l’échelle divine.
Nous pouvons entrevoir combien l’ignorance de ce que furent
nos vies anciennes est indispensable à nos âmes primitives et à
l’équilibre qui les régit. La vie ne serait qu’une suite de vendettas.
Le passé aurait une importance démesurée. La place qu’il tient est
déjà bien assez grande. À tous les tournants de l’existence on se rend
compte de l’importance de l’oubli. On dirait qu’il a été volontaire-
ment jeté sur les choses avec un art savant, comme un grand voile
dont la main de l’artiste a arrangé les plis, pour que l’étoffe fût
épaisse en certains endroits, transparente à d’autres.
*
* *
La réincarnation est une croyance populaire qui correspond à une
vérité fondamentale. Elle ne peut se prouver d’une manière précise
et on ne peut en tirer aucune donnée certaine. Il y a, surtout en
Orient, une foule d’histoires où des enfants font preuve d’étranges
– 147 –
Le Livre des Certitudes admirables
– 149 –
Le Livre des Certitudes admirables
LE DURCISSEMENT DE L’ÂME
– 150 –
Le Livre des Certitudes admirables
– 152 –
Le Livre des Certitudes admirables
DANGER DE LA BÊTISE
– 153 –
Le Livre des Certitudes admirables
– 155 –
Le Livre des Certitudes admirables
LA SAGESSE
– 156 –
Le Livre des Certitudes admirables
Elle est demeurée et c’est peu à peu que j’ai compris l’attrait que
dégageait sa présence. Elle ne m’a jamais donné une indication pré-
cise, jamais elle ne m’a dit d’accomplir une action plutôt qu’une
autre. Elle excellait à me montrer les affinités diverses des choses,
leurs rapports mutuels et comment elles se neutralisent les unes les
autres par des enchaînements inéluctables. Le mal naît du bien et le
bien du mal me disait-elle et il y a un bien et un mal différent pour
chaque homme dont chacun doit découvrir en lui la mesure et la
règle. Elle me révéla les harmonies secrètes par lesquelles commu-
niquent, sans le savoir, les créatures des différents règnes. Elle me fit
comprendre le mal que la colère cause à l’âme, même si elle est légi-
time, l’importance du silence et de la solitude. Par elle, je connus
mon insignifiance et mon caractère illusoire, le peu d’importance des
événements humains et de quelle qualité devait être mon espérance
par rapport à la seule réalité qui est esprit.
La sagesse a été pour moi la délivrance. Je croyais avoir détruit
les préjugés qui enchaînent l’homme. Mais non, j’étais leur captif à
mon insu. Il y a des préjugés qui, semblables en cela aux plus hautes
vertus, ont le don merveilleux d’être invisibles et, grâce à ce don,
déguisent leur stature et leur laideur et vous tiennent avec des
chaînes qui n’ont pas de poids.
Elle m’a appris la vanité des amours, l’erreur de croire sacrés les
devoirs humains, le caractère risible de ce qui fait pleurer, les larmes
de la gaîté, la fausse importance attribuée à la famille, à la patrie et à
certaines images des Dieux. Elle a ôté le voile, résolu en partie les
énigmes, révélé les sens successifs.
Il y a un âge de la vie où les espérances qui vous soutenaient
s’évanouissent, les unes parce qu’elles se réalisent, les autres parce
– 157 –
Le Livre des Certitudes admirables
– 158 –
Le Livre des Certitudes admirables
LA MATÉRIALISATION DE LA TERRE
ET LE SALUT
mondes sont peut-être accessibles à des âmes qui, sans avoir totale-
ment tué le désir sont toutefois partiellement détachées. D’ailleurs le
Bouddha a pu le dire sous la forme d’enseignement secret et cet en-
seignement ne nous est pas parvenu. La diversité de la nature est
infinie et c’est la méconnaître que de limiter à la terre l’expérience
de l’homme. La distance n’existe pas pour l’esprit une fois qu’il est
dépouillé de ses enveloppes. Pourquoi ne rejoindrait-il pas des
mondes aussi invisibles que lui-même ? La puissance accordée au
désir vient à l’appui de cette hypothèse. Celui qui, avant sa mort, a le
désir intense et conscient de ne pas revenir sur cette terre dont il re-
jette les formes de vie avec le meilleur de lui-même, doit être projeté
ailleurs en vertu du pouvoir du désir.
Si le désir de vivre ramène sur la terre, un égal désir de n’y pas
vivre doit en éloigner.
La matérialisation de notre terre est une certitude d’ordre scienti-
fique. À mesure qu’elle se matérialise un certain nombre d’éléments
spirituels qui ne peuvent plus s’accorder avec elle sont rejetés.
Quand, arrivée au terme de son évolution, elle ne sera plus qu’un
bloc gelé, une lune morte, nous imaginons volontiers qu’aucun
souffle d’esprit n’évoluera plus sur elle. L’esprit ne l’aura pas quittée
brusquement. Elle se dépouille peu à peu de ce qui cesse de s’harmo-
niser avec sa densité.
Le salut n’est pas un mot vain. Il appartient à chacun de se sauver
et de sauver ceux qu’il aime. Chacun peut pressentir, en examinant
son propre cas dans le mystère de sa sagesse intérieure, qu’il y a une
mesure de légèreté à atteindre, et qu’arrivé à un certain état de pureté
et de détachement on quitte la terre naturellement, avec l’impossibi-
lité d’y revenir, par une loi analogue à celle de la pesanteur.
– 161 –
Le Livre des Certitudes admirables
– 163 –
Le Livre des Certitudes admirables
PLANÈTES SPIRITUELLES
– 164 –
Le Livre des Certitudes admirables
– 165 –
Le Livre des Certitudes admirables
MÉTHODE POUR
LE PERFECTIONNEMENT DE L’ÂME
– 168 –
Le Livre des Certitudes admirables
– 169 –
Le Livre des Certitudes admirables
– 170 –
Le Livre des Certitudes admirables
*
* *
L’illumination du Bouddha, c’est-à-dire l’état qu’il a atteint à un
moment déterminé de sa vie, après avoir longtemps médité dans une
forêt, près de Gaya, est le plus haut état que l’homme puisse at-
teindre. Ce fut pour le Bouddha une réalisation, une vérité qui parut
comme une lumière dans sa conscience et que le langage humain,
disait-il, était incapable de décrire. Atteindre cette illumination équi-
vaut au salut des chrétiens. C’est cela qui doit être l’idéal de perfec-
tion de l’homme.
– 171 –
Le Livre des Certitudes admirables
PROTECTEURS INVISIBLES
– 172 –
Le Livre des Certitudes admirables
l’ont invoquée et, quelle qu’en soit la raison exacte, beaucoup ont été
guéris ou tout au moins ont reçu un soulagement à leur mal. La
confiance est peut-être un élément dans de pareils cas. Mais il y a eu
des malades qui ont été guéris sans avoir confiance, par suite de neu-
vaines ou d’invocations faites par leurs proches et dont ils n’avaient
pas connaissance.
Nous voyons souvent la souffrance guérie par la réaction de l’es-
prit sur le corps, notamment par les procédés de la science chré-
tienne. Une méthode semblable peut être employée par des êtres vo-
lontairement actifs dans l’au-delà et qui ont acquis par leur désinté-
ressement et leur pureté un pouvoir bénéfique que n’ont pas les
autres.
Certes, la diminution des maux physiques a une valeur immense
et il faut louer les créatures parfaites qui y consacrent « le temps de
leur ciel ». Mais l’on aimerait savoir qu’il y a, comme en Orient, des
maîtres spirituels, révélateurs de la connaissance et qui peuvent vous
donner des méthodes pour le développement de l’esprit.
Il y a des voies différentes. Thérèse de Lisieux a enseigné le par-
fait amour et la résignation absolue au sein de la plus grande souf-
france. C’est là une voie. Le curé d’Ars a passé plus de quarante ans
de sa vie à confesser. Il ne faisait que cela. Il dormait à peine, courait
à son église pour confesser, ne s’accordait pas de repos et confessait
jusqu’à ce que ses forces le trahissent. Il y avait des jours où il
confessait durant 17 heures. Il devait avoir mesuré la paix que donne
aux âmes l’aveu suivi du pardon. Mais nul doute qu’en vertu de la
force acquise et de l’amour qu’il apportait à la confession, joint à la
certitude de réaliser ainsi sa mission, il ne confesse encore dans l’au-
delà. À ceux qui l’appellent et spécifient que c’est dans un but de
– 174 –
Le Livre des Certitudes admirables
d’effet, sa vérité.
On trouve cette image dans le livre de Raoul Montandon sur Thé-
rèse de Lisieux 22. Mais nous avons une habitude si invétérée d’incré-
dulité pour tout ce qui touche au domaine des choses spirituelles,
que l’idée qu’une créature d’élection morte depuis longtemps a pu
être photographiée dans une séance spirite, nous paraît impossible et
même risible. En tout cas le doute jaillit spontanément si l’on fait le
récit d’une telle expérience et de son résultat.
Je ne connais pas les membres du groupe Fiat Lux et je n’ai ja-
mais assisté à leurs séances. On m’a dit qu’ils étaient totalement dés-
intéressés et je ne vois pas quel pourrait être le mobile qui les pous-
serait à cette tromperie, si ç’en était une. Le mensonge a une sorte de
hiérarchie dans la façon dont il s’effectue et le mal qu’il cause. Ce
mensonge trompant ce que l’âme humaine a de meilleur, serait le
plus affreux qu’on puisse imaginer et seules des créatures tout à fait
perdues pourraient en assumer la responsabilité. Je ne crois pas pos-
sible qu’un aussi grand mal puisse être accompli sans aucun profit.
D’ailleurs un résultat qui me paraît aussi prodigieusement riche
de conséquences admirables n’a pas beaucoup impressionné l’huma-
nité. Je n’ai entendu là-dessus aucun commentaire passionné ni ap-
pris qu’on s’arrachât le livre de M. Raoul Montandon. Ceux aux-
quels je l’ai signalé, et je parle des plus convaincus de la réalité de la
vie dans l’au-delà, se sont contentés de hocher favorablement la tête
et m’ont répondu qu’en somme, c’était bien possible. Je ne parle pas,
bien entendu, des sceptiques qui se contentaient de rire. Ainsi, de-
22 -
Raoul Montandon : Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus Librairie Jehe-
ber, Genève.
– 177 –
Le Livre des Certitudes admirables
– 178 –
Le Livre des Certitudes admirables
CERTITUDE DE JOIE
– 179 –
Le Livre des Certitudes admirables
– 180 –
Le Livre des Certitudes admirables
LES PRÉSENCES
– 181 –
Le Livre des Certitudes admirables
parce que j’avais surpris une créature à mes côtés. Elle était nette-
ment localisée dans l’espace. J’aurais pu même déterminer un
contour très vague. J’étais réveillé par la perception de présence et
cette perception s’évanouissait avec le réveil de la conscience.
Les présences que j’ai pu déterminer étaient toutes bienveillantes.
J’imagine qu’un être qui a fait beaucoup de mal peut être entouré de
présences hostiles qui le font vivre dans une atmosphère de crainte et
de douleur. Après la mort, le détachement du corps physique doit
nous conduire sur le plan d’existence où se trouvent ces créatures.
Un état de bonheur ou de douleur doit résulter de ce qu’on est envi-
ronné soit de sympathie, soit de haine. C’est la même chose dans la
vie mais la barrière des corps rend le rapprochement plus difficile et
plus aisée la séparation. Dès que l’enveloppe matérielle a disparu il
doit être possible d’avoir avec ceux qu’on aime des communions
inconcevables. De même toute antipathie doit être une cause d’in-
tense douleur.
Quelles peuvent être ces présences assez fidèles pour se tenir,
invisibles, à mes côtés sans autre récompense que celle de la proxi-
mité ? Peut-être le temps n’existe-t-il pas pour elles et trouvent-elles
dans le mystère de l’amour une douceur qui est au-delà de ma com-
préhension. Qui peut avoir cette patience inaltérable, hors celle qui
l’aurait eue durant la vie, hors ma mère bien aimée ? À moins qu’à
travers le dédale inconnu des existences, dans les incommensurables
ténèbres du passé, ne se soit formée une liaison dont la loi transfor-
matrice des corps et des âmes m’empêche de garder le souvenir. Il
n’y a pas de plus grand mystère que celui qui unit certains êtres les
uns aux autres et les fait se rejoindre, à travers les temps et les es-
paces, dans la superposition des modes d’existence différents.
– 182 –
Le Livre des Certitudes admirables
*
* *
Mais le fleuve du temps en coulant apportera avec régularité une
âme fidèle, puis une autre âme fidèle. L’attraction de la sympathie
finira par créer un groupe d’êtres unis par l’invisible étoile d’un idéal
semblable. Ce groupe sera comme un faisceau d’amour, où le plus
faible sera aidé, où chacun viendra puiser une force nouvelle, appor-
ter la richesse subtile, fruit de son labeur immatériel. Mais quel est le
divin mot de passe pour être admis, quel est l’anneau d’éther vierge,
le talisman aux caractères de soleil qui en fait reconnaître l’élu ?
Heureux celui qui, par un effort constant, par une vie sans tache,
par un cœur pur, s’est rendu digne de prendre place au milieu de
frères aimés !
*
* *
Un grand pas est accompli quand on a réalisé dans les profon-
deurs de soi-même que la prochaine étape de l’homme est de prendre
place consciemment au sein d’un groupe. Alors seulement l’esprit de
l’homme s’élargit et parvient à la compréhension d’un nouvel idéal.
Beaucoup de mystères qu’une intelligence solitaire ne pouvait per-
cer, deviennent clairs. De même, dans le domaine physique, des
hommes s’associent pour soulever un fardeau trop lourd pour un
seul. Ainsi certains problèmes comme celui du mal, ont besoin pour
être résolus, de l’union de plusieurs esprits. À ce stade aussi sont
révélées les nouvelles tâches.
Peut-être les initiations sont-elles des préparations dans cette vie
à l’acceptation dans un groupe. Mais de toute façon, celui qui est
– 183 –
Le Livre des Certitudes admirables
– 184 –
Le Livre des Certitudes admirables
LE PROBLÈME DU SACRIFICE
À
une certaine minute de la vie, un grand problème se pose.
Ne faut-il pas abandonner toute préoccupation de développe-
ment personnel pour se consacrer avec désintéressement au bien des
hommes ? Dans quelle mesure le sacrifice de soi doit-il être accom-
pli ? Faut-il renoncer à sa propre élévation pour aider ses sem-
blables ?
Car il y a malheureusement un choix à faire et il est impossible
de concilier le rôle que l’on a à jouer dans la vie avec une tâche spi-
rituelle. Toutes les prescriptions des religions, tous les enseigne-
ments des maîtres, toutes les méthodes de sagesse sont unanimes.
Elles oublient la parole de Jésus : « Tu quitteras ton père et ta
mère ». Et elles prescrivent qu’il faut d’abord mener à bien sa tâche
sociale et familiale. Il n’est pas d’école spirituelle qui ne se croie
obligée de se revêtir d’un vêtement de moralité. Pas de maître sans
une robe de pasteur et le ton conventionnel d’un sermon.
L’homme qui s’élève est assailli, dès qu’il s’élève en réalité, par
les exigences de la famille, celles des enfants, celles de l’épouse,
celles de la situation. Cette mystérieuse et terrible entité qu’est la
– 185 –
Le Livre des Certitudes admirables
situation sociale est surtout redoutable parce que son ombre n’a pas
de limite, qu’on ne sait pas jusqu’où s’étend son pouvoir.
Autour de celui qui veut approcher de la lumière, il y a la reven-
dication du bonheur qu’il doit distribuer comme un dû et que ré-
clame l’unanime opinion publique. Il faut une grande force d’âme
pour défendre son âme contre la meute des devoirs familiaux. Gau-
guin s’en alla de l’autre côté de la planète pour réaliser solitairement
son idéal plastique. Tolstoï était obligé de cacher son journal intime
sous la semelle de ses bottes.
Douloureuse loi de la vie qui veut qu’au moment où l’homme
monte par l’esprit, tous ceux qui l’aiment ou croient l’aimer se coa-
lisent pour le faire redescendre ou deviennent ses ennemis !
Peut-être l’épreuve est-elle voulue par la sagesse du monde et
faut-il, dès les premiers pas sur le chemin, avoir l’amère énergie de
ne pas se sacrifier et de choisir, entre les deux tentations, celle de
l’esprit.
Car il faut choisir. Le mot devoir est affreux. C’est toujours avec
lui que la première flamme est éteinte. Tout ce que l’on appelle
bonnes — œuvres est bien moins important et utile que l’élan de la
pensée solitaire. Les bonnes œuvres ne sont bonnes à pratiquer que
pour celui qui n’a pas mieux à faire.
Une telle conception servira naturellement d’excuse à tous les
égoïsmes. Mais les candidats à la vie spirituelle ne sont pas tellement
nombreux pour que cela soit un danger. Chacun doit essayer de dis-
cerner avec sincérité le degré qu’il occupe dans l’immense échelle
humaine et proportionner sa manière d’agir à la hauteur atteinte.
Il faut le faire soi-même, car la tendance du monde, tendance qui
va s’accentuant, est de sacrifier ce qui est supérieur à ce qui est infé-
– 186 –
Le Livre des Certitudes admirables
rieur. Une horrible loi égalitaire tend de plus en plus à donner les
mêmes obligations à tous. Le philosophe Platon et l’assassin Bonnot,
passeront sous la même toise du conseil de révision.
(Trois lignes censurées.)
Il doit y avoir deux poids et deux mesures, une balance pour les
intelligents et les purs et une autre pour les impurs et les stupides.
(Trois lignes censurées.)
Le premier devoir pour l’homme est la réalisation de lui-même.
Car celui qui travaille exclusivement à sa perfection, travaille, mal-
gré l’apparence, à la perfection de tous et sa réussite est aussitôt
éprouvée par tous les hommes.
Nous avons en nous une flamme intérieure, une lumière vivante
qui est commune à toute l’humanité. C’est à ce lac invisible que les
âmes s’alimentent. En nous élevant par la prière, par la méditation,
ou même par la simple lecture de livres, nous rendons cette lumière
plus pure et de la goutte que nous avons purifiée bénéficient toutes
les créatures. Il n’y a qu’une seule lumière qui est universelle et qui
nous unit tous. Celui qui tend avec ardeur vers la beauté, vers l’intel-
ligence, même dans une parfaite solitude, est celui qui apporte l’aide
la plus efficace à la collectivité humaine.
– 187 –
Le Livre des Certitudes admirables
COMMENT COMPRENDRE
LE LANGAGE DIVIN
– 189 –
Le Livre des Certitudes admirables
– 191 –
Le Livre des Certitudes admirables
ridique. Un grand courant invisible aux vivants, mais réel pour les
morts circule autour de la planète, roulant les ombres légères de ceux
qui sont retenus à la terre par leur désir ou leur désespoir. Il faudra
traverser ce courant avec la vision du but. Et le but, c’est la colline
illuminée, c’est le paysage translucide du monde de l’esprit où se
tiennent ceux qui sont beaux parce qu’ils ont aimé. Il doit y avoir un
talisman pour traverser le courant, une armure qui empêche les
larves de vous saisir, une force à acquérir au moment où toutes les
forces vous abandonnent.
O mort, puissé-je avoir le talisman, être revêtu de l’armure, pos-
séder la force qui fait aller en avant !
Mais tu viens si brusquement, on n’entend pas le bruit de tes pas
et je ne sais pas l’aspect que tu revêts et si même tu revêts un aspect.
Un médecin de mes amis, le docteur Couderc, homme subtil et
plein de sagesse naturelle, me disait qu’à plusieurs reprises, dans une
chambre de mourant, il avait eu la perception de la mort comme l’ar-
rivée d’une force immense dont il aurait pu tracer les limites dans
l’espace. Il ne lui avait pas prêté la forme d’une entité particulière
mais cela ne tenait vraisemblablement qu’à une disposition de son
imagination. S’il avait eu dans l’esprit l’image d’un squelette revêtu
d’un voile rouge et tenant une faulx, ou celle d’un grave vieillard
avec un sablier, peut-être cette image serait-elle devenue réelle. Mais
il a seulement perçu la présence de la force et il n’a pas eu assez de
crédulité ou d’audace imaginative pour lui donner une forme.
Il viendra un moment du temps, un moment peu lointain, où la
grande force qui détache les âmes des corps et décide de la transfor-
mation des atomes envahira la chambre où je serai. Peut-être quelque
maladie m’aura préparé à sa venue. Mais d’ordinaire, la force pro-
– 192 –
Le Livre des Certitudes admirables
cède par surprise. Cette foi puérile que chacun a dans l’éternité de
son misérable corps est toujours réduite à néant.
— Nous serons prévenus, me disait ce même médecin subtil. Il y
avait là un peu d’orgueil. On est rarement prévenu. Aussi il faut de-
mander, longtemps avant, aux puissances qui régissent les vies hu-
maines de faire un signe, d’envoyer un rêve, de tracer sur un mur le
contour d’un grave visage annonciateur, ou de faire résonner une
parole dans le silence d’une nuit sans sommeil. Heureuses les fa-
milles qui ont dans leur héritage des dames blanches ou des cloches
mystérieuses pour annoncer à celui qui va mourir qu’il faut se prépa-
rer à la mort.
Que les puissances qui régissent les vies humaines m’accordent
le temps de la préparation ! Et ce temps n’a pas besoin d’être très
long. Que face à face avec moi-même, dans une parfaite solitude de
l’âme, je puisse établir le compte de ce que j’ai donné et reçu, du
mérite et du démérite, du regret et de l’espérance.
Puissé-je dire avec vérité, de mes lèvres encore vivantes, ces pa-
roles qui conduisent au salut :
« Je m’absous moi-même avec le pouvoir libérateur de ma
conscience, de mes insignifiantes fautes terrestres. Je suis détaché
des jouissances corporelles, de l’attraction de leur plaisir, du charme
que dégage même leur tristesse. Je suis détaché des biens temporels,
de l’amour exclusif d’une substance particulière, de l’attrait des mé-
taux, des étoffes, des architectures, de la beauté enivrante des arts. Je
ne suis plus lié à ces alternances de froid et de chaleur, à ces agglo-
mérations de maisons où s’abritent les hommes, à tout ce qui consti-
tue la vie de la terre que par les fils d’or des affections. Mais je sais
que ces fils peuvent être rompus sans que les affections périssent.
– 193 –
Le Livre des Certitudes admirables
Les corps de chair ne sont que les symboles de l’esprit. Je suis donc
tranquille, dépourvu de crainte, plein de curiosité et d’un espoir im-
précis et vaste. Esprit divin qui es en moi, tu peux donc t’élancer
avec allégresse et légèreté à travers ce qu’on nomme ténèbres et qui
doit être lumière, vers l’esprit divin infini dont tu es la parcelle enfin
délivrée ! »
Mais il se peut que par quelque faiblesse du corps, quelque mala-
die débilitante, mon esprit connaisse le misérable phénomène de
l’inconscience. Il se peut que mes pensées n’aient plus d’ailes, que
tous les horizons soient rétrécis autour de moi, que je sois glacé jus-
qu’au fond de mes os par l’apparition de la peur horrible.
Puissé-je, même si mes dents claquent et si mon intelligence voit
autour d’elle ne s’amonceler que des ombres, formuler encore les
syllabes de cet appel :
« Esprit divin qui es en moi, élance-toi vers l’esprit divin éternel,
vers la sublime lumière de Dieu ! »
Et si même je n’ai pas le minime rayon de conscience qui me per-
mette de formuler cette phrase, si je suis surpris par l’arrivée trop
rapide de la force qui désagrège, puissé-je entrevoir ces deux mots
qui déchireront la nuit et me les dire avec le verbe intérieur : « Esprit
divin… Esprit divin… ». Et ce sera suffisant pour bien mourir.
– 194 –
Le Livre des Certitudes admirables
DU MÈME AUTEUR...........................................................................................................5
PRÉFACE.............................................................................................................................8
DÉNOMBREMENT DES BIENS DES DONS, DES AMITIÉS.......................................11
LE POINT TOURNANT DE LA VIE................................................................................16
ÊTRE PLUS INTELLIGENT.............................................................................................19
LE FOND DE L’ÂME........................................................................................................22
DE LA SUPÉRIORITÉ QUE PEUT CONFÉRER LA DOULEUR..................................28
BIEN ET MAL DE LA PAUVRETÉ.................................................................................39
LE PIÈGE SEXUEL QUI MÈNE A LA RÉGRESSION...................................................44
DU RAPPORT DES BONNES ACTIONS AVEC LE MÉTIER QU’ON EXERCE........49
DE LA PLACE QU’ON OCCUPE DANS LA CHAÎNE DES HOMMES.......................55
LA PROVIDENCE INTÉRIEURE....................................................................................58
LA BONTÉ.........................................................................................................................61
LE MYSTÈRE DE LA GRANDEUR ET DE LA PETITESSE........................................64
ENSEIGNEMENTS QUI VIENNENT DES SERPENTS.................................................70
CERTITUDES QUI PROVIENNENT DE LA DENTITION DES CROCODILES.........74
ENSEIGNEMENTS DONNES PAR LES FOURMIS.......................................................80
– 195 –
Le Livre des Certitudes admirables
– 196 –
Le Livre des Certitudes admirables
– 197 –
CE LIVRE A ÉTÉ ACHEVÉ D’IMPRIMER EN AVIGNON
SUR LES PRESSES DE LA MAISON AUBANEL PÈRE
LE 20 FÉVRIER 1941