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PROCÉDÉS CHIMIE - BIO - AGRO

Ti700 - Agroalimentaire

Procédés biochimiques
et chimiques
en agroalimentaire
Réf. Internet : 42431 | 2nde édition

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III
Cet ouvrage fait par tie de
Agroalimentaire
(Réf. Internet ti700)
composé de  :

Génie industriel alimentaire Réf. Internet : 42469

Biochimie alimentaire, analyses et alimentation humaine Réf. Internet : 42470

Agroalimentaire : risques et sécurité Réf. Internet : 42427

Agroalimentaire : qualité, traçabilité et environnement Réf. Internet : 42690

Matériaux pour contact alimentaire Réf. Internet : 42471

Opérations unitaires et process de fabrication de produits Réf. Internet : 42430


alimentaires

Procédés biochimiques et chimiques en agroalimentaire Réf. Internet : 42431

Additifs et adjuvants alimentaires Réf. Internet : 42426

Filière de production : produits d'origine végétale Réf. Internet : 42433

Filière de production : produits d'origine animale Réf. Internet : 42432

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IV
Cet ouvrage fait par tie de
Agroalimentaire
(Réf. Internet ti700)

dont les exper ts scientifiques sont  :

Jean-Luc BOUTONNIER
Enseignant en génie des procédés alimentaires et sciences de l'alimentation,
Lycée des métiers de l'alimentation de Villefranche-de-Rouergue

Sébastien ROUSTEL
Ingénieur du Génie rural, des eaux et des forêts, Ministère de l'agriculture

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V
Les auteurs ayant contribué à cet ouvrage sont :

Laurent BENEY Patrick GERVAIS


Pour l’article : F3480 Pour l’article : F3480

Alain BRANGER Estelle LEGIN-COPINET


Pour les articles : F3500 – F3501 Pour l’article : BIO620

Jennifer BURGAIN Guy LINDEN


Pour l’article : F3800 Pour l’article : F3700

Francis DUCHIRON Denis LORIENT


Pour l’article : BIO620 Pour l’article : F3400

Sébastien DUPONT Jean-Pierre RIBA


Pour l’article : F3480 Pour l’article : F3600

Marc FAIVELEY Joël SCHER


Pour l’article : F3550 Pour l’article : F3800

Claire GAIANI Henry-Éric SPINNLER


Pour l’article : F3800 Pour les articles : F3450 – BIO650

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VI
Procédés biochimiques et chimiques en agroalimentaire
(Réf. Internet 42431)

SOMMAIRE
Réf. Internet page

Modifications biochimiques des constituants alimentaires F3400 9

Transformation et conservation des produits agroalimentaires F3450 15

Conservation à long terme de systèmes biologiques viables et fonctionnels F3480 19

Fabrication de produits alimentaires par fermentation : les ferments F3500 23

Fabrication de produits alimentaires par fermentation : l'ingénierie F3501 27

Fermentation en milieu solide (FMS) BIO620 31

Stratégies de fermentation appliquées aux boissons F3550 35

Réacteurs enzymatiques et fermenteurs F3600 41

Transformation des produits alimentaires par les enzymes F3700 47

Microencapsulation de bactéries probiotiques F3800 51

Enzymes d'intérêt pour la fabrication d'aliments BIO650 55

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VII
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Référence Internet
F3400

Modifications biochimiques
des constituants alimentaires

par Denis LORIENT


Docteur ès sciences
Professeur de biochimie alimentaire à l’École nationale supérieure
de biologie appliquée à la nutrition et à l’alimentation (ENSBANA)

1. Influence des conditions de traitement...................................... F 3 400 - 2


2. Procédés de dépolymérisation et d’hydrolyse ........................... — 2
2.1 Réactions de dépolymérisation .................................................................. — 2
2.2 Réactions d’hydrolyse des glucides........................................................... — 5
2.3 Hydrolyse des lipides .................................................................................. — 9
2.4 Réaction de dégradation des protéines............................................. — 12
3. Réactions d’oxydation ............................................................................ — 14
3.1 Substrats d’oxydation ................................................................................. — 14
3.2 Oxydation des lipides insaturés : autoxydation........................................ — 15
3.3 Oxydation des polyphénols (brunissement enzymatique) ...................... — 16
3.4 Oxydation des protéines ............................................................................. — 17
4. Réactions de polymérisation et de condensation .......................... — 17
4.1 Polymérisation des protéines au cours de la dénaturation
et des oxydations......................................................................................... — 18
4.2 Réactions entre protéines et glucides (réactions de Maillard)................. — 18
4.3 Réactions entre protéines et autres composés................................... — 19
5. Conclusion ................................................................................................. — 20
Pour en savoir plus........................................................................................... Doc. F 3 400

L es progrès de notre alimentation ont suivi ceux de la chimie et de la


biologie ; les premiers pionniers de la science alimentaire étaient d’abord
des chimistes du XVIIIe siècle tels que Lavoisier, Chevreuil ou Liebig qui furent à
l’origine des études sur la composition chimique des aliments.
Mais, dès le début du XIXe siècle, on assiste à une centralisation de la transfor-
mation et de la distribution ; les savants de cette époque étaient unis par le désir
altruiste de conserver le mieux possible les récoltes afin de nourrir une popula-
tion croissante. Cette démarche nécessitait une détection des altérations au
cours du stockage ou des traitements d’élaboration et de stabilisation et surtout
la détermination de la cause de celles-ci. Avec l’apparition de nouvelles sciences
telles que l’enzymologie (Payen) ou la bactériologie (Pasteur) et de nouvelles
techniques de conservation (Appert), la qualité de l’aliment et ses différentes
composantes (hygiéniques, nutritionnelles, organoleptiques) deviennent les
préoccupations constantes des partenaires de l’agroalimentaire (chercheurs,
producteurs, consommateurs, responsables de la santé publique...).
Pour parvenir à optimiser celles-ci, les matières premières agricoles végétales
ou animales sont soumises à un nombre croissant d’opérations de
transformation ; actuellement, plus de 80 % de nos aliments ont subi au moins
une première transformation ; la maîtrise de ces opérations, garante d’une qua-
lité constante, nécessite une bonne connaissance des mécanismes biochimi-
ques responsables des altérations des constituants alimentaires lors du
stockage ou de traitements culinaires et industriels.
Parution : juin 1998

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur, traité Génie des procédés F 3 400 - 1

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Référence Internet
F3400

MODIFICATIONS BIOCHIMIQUES DES CONSTITUANTS ALIMENTAIRES ___________________________________________________________________________

1. Influence des conditions les interactions multiples des constituants et de leurs produits de
dégradation doivent être prises en compte pour comprendre et, si
de traitement possible, prédire les effets.

Les propriétés des constituants alimentaires pouvant être modi-


fiés (tableau 1) influent sur la qualité de l’aliment. Elles sont prises 2. Procédés
en compte par les différents acteurs qui interviennent dans la pro-
duction agricole, la transformation, la diffusion et la commerciali- de dépolymérisation
sation [2], [8], [9], [10], [11], [18], mais souvent leurs intérêts
divergent ; ainsi de nombreux procédés de cuisson sont destinés à et d’hydrolyse
améliorer à la fois l’acceptabilité gustative, la digestibilité et la durée
de conservation, mais la conséquence est parfois une baisse de la
valeur nutritionnelle (disponibilité) de certains nutriments (acides Pour de plus amples renseignements, le lecteur pourra se repor-
aminés, vitamines...). Un compromis doit être trouvé dans le choix ter aux références [2], [14], [17], [19], [20] en [Doc. F 3 400].
des conditions de traitement afin de minimiser les effets négatifs du
traitement tout en gardant l’essentiel des effets souhaités.
Pour y parvenir, deux impératifs doivent être considérés : 2.1 Réactions de dépolymérisation
— mieux connaître et maîtriser les effets des traitements en fonc-
tion des différents paramètres de fonctionnement. C’est l’objectif du
Génie Industriel Alimentaire (GIA) qui s’attache à adapter les opéra- Les dégradations des macromolécules sont essentiellement pro-
tions (tableau 2) à la nature des matières premières en fonction des duites par hydrolyse. Toutefois, on connaît plusieurs exemples où
effets recherchés [9] ; des polymères ou assemblages supramoléculaires sont dissociés
— mieux connaître les réactions biochimiques et, plus particuliè- par des mécanismes différents :
rement, les mécanismes réactionnels impliqués dans l’évolution — rupture de liaisons hydrogène : enzymes polymériques ;
des constituants et de leurs propriétés au cours du stockage et des
— rupture de liaisons électrostatiques et de liaisons hydrogène :
transformations (tableau 3) [6], [8], [14]. Les réactions impliquées
micelles de caséine ;
sont influencées par de nombreux facteurs tels que pH, force ioni-
que, température, état et structure des constituants... Maîtriser ces — dénaturation des protéines impliquant la rupture de plusieurs
paramètres permet de freiner les réactions si elles sont responsa- types de liaisons : liaisons disulfure rompues par réduction, liaisons
bles d’altérations indésirables ou, au contraire, de les accélérer dans hydrogène rompues par le chauffage, interactions hydrophobes
le cas de maturations ou de réactions de caramélisation, par exem- amoindries par le refroidissement.
ple. Les hydrolyses sont catalysées soit par des protons en milieu for-
Comme les aliments sont toujours des systèmes très complexes tement acide ou par des ions hydroxyle en milieu alcalin ou bien par
contenant un grand nombre de molécules dans des états physiques des hydrolases en milieu neutre.
variés (solide, liquide, cristallisé, émulsionné...), les réactions d’alté- Tous les organismes vivants possèdent des hydrolases qui per-
ration sont souvent multiples et interdépendantes ; ainsi, le produit mettent la dégradation de leurs macromolécules constitutives : ami-
d’une réaction peut subir une autre réaction ou en freiner d’autres. don, cellulose, protéines, lipides... Ces hydrolases interviennent
De même, en modifiant un ou plusieurs paramètres de réaction, on spontanément dans les matières premières si les conditions sont
peut orienter le procédé pour obtenir les propriétés recherchées. favorables ; quelques-unes sont utilisées industriellement sous
Pour des raisons de simplification, les réactions seront présentées forme de préparation purifiée (amylases, cellulases, pectinases,
séparément. Toutefois, il ne faudra pas oublier que, dans l’aliment, lipases, protéases...).

Tableau 1 – Modifications des propriétés des constituants alimentaires


Propriétés concernées Domaine concerné Action Propriétés sensorielles
Stabilité de solution Solubilité, viscosité, coagulation, Texture et saveur
gélification, émulsification et moussage
Rhéologie des produits solides - Texture
Propriétés physiques et pulvérulents
et Propriétés optiques Coloration, décoloration, Couleur
technofonctionnelles
brunissement
Translucidité, opalescence Aspect
Volatilité des molécules - Arôme
pH, acidité, potentiel redox Stabilité, dépolymérisations et hydrolyses Saveur
Sensibilité aux enzymes (protéases) Stabilité, dépolymérisation et hydrolyse Texture, arôme
Propriétés Sensibilité aux réactions de Maillard Polymérisations Couleur, arôme,
chimiques propriétés nutritionnelles
Sensibilité aux oxydations Polymérisations, stabilité Couleur, pertes de
vitamines, d’acides aminés
Produits toxiques
Propriétés Présence de micro-organismes Dépolymérisations et dégradations Propriétés hygiéniques,
biologiques ou d’enzymes de dégradation de constituants sécurité, goût

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F 3 400 - 2 © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie des procédés

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Référence Internet
F3400

___________________________________________________________________________ MODIFICATIONS BIOCHIMIQUES DES CONSTITUANTS ALIMENTAIRES

Tableau 2 – Principaux traitements subis par les constituants alimentaires

Traitements appliqués Exemples

Traitements mécaniques

Fractionnement Épluchage, décorticage, décantation, centrifugation, filtration

Modification de la taille des particules Broyage, agglomération, laminage, cisaillement

Mélange Malaxage, homogénéisation, agitation

Texturation Émulsification, moussage, filage, plastification

Traitements physiques

Radiations Électromagnétiques : UV, ..., IR, hautes fréquences, micro-ondes

Corpusculaires : ionisation (accélérateur d’électrons)

Pression hydrostatique Hautes pressions, traitement sous vide

Traitements thermiques (chaleur) Cuisson, pasteurisation, stérilisation (appertisation, UHT)


en milieu hydraté ou peu hydraté

Traitements thermiques (froid) Réfrigération, congélation

Traitements chimiques et enzymatiques

Acides Acidification par acide minéral ou par fermentation

Alcalins Solubilisation et texturation des protéines végétales, destruction


des alfatoxines

Composés carbonylés Formol, glucides (réactions de Maillard, lipides oxydés)

Additifs Interactions avec constituants

Modifications chimiques Hydrogénation catalytique des lipides, interestérification des lipides,


pyrodextrinisation des amidons, amidons modifiés (estérification,
époxydation...)

Traitements enzymatiques Coagulation du lait, maturation des viandes, hydrolysats protéiques,


hydrolyse de l’amidon...

Traitements biologiques

Fermentations lactiques, propioniques... par les bactéries Fromagerie, salaisons...

Fermentations alcooliques par les levures Boissons

Traitement par les moisissures et les champignons Fromages

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Référence Internet
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MODIFICATIONS BIOCHIMIQUES DES CONSTITUANTS ALIMENTAIRES ___________________________________________________________________________

Tableau 3 – Réactions biochimiques impliquées dans les transformations des aliments :


incidence sur les propriétés (1)
Réactions biochimiques Processus
Modifications
technologique Exemples de transformations
des propriétés
Influence sur ou de conservation de produits
Réaction initiale de l’aliment
autres réactions responsable
Réactions de scission
Hydrolyse Groupes réducteurs qui Textures, goût sucré, Cuisson, brassage, • Pain, bière : production de sucres fermen-
des glucides réagissent avec amines couleur fermentation tescibles
• Amidon : production de sirop de glucose
Hydrolyse des Acides gras très réactifs Texture, rancisse- Mauvaise conservation, • Rancissement du beurre, affinage
lipides (lipolyse) et oxydables ment, acidité maturations et affinage des fromages : production d’arômes
Hydrolyse Acides aminés très réac- Texture, goûts, Affinage, maturation, • Fromages : production de caillé, affinage
des protéines tifs avec les glucides digestibilité, irradiation • Viandes : maturation, production de protéo-
(réaction de Maillard) coagulation lysats (sauces)
Dégradation Composés carbonylés Odeurs, saveurs Mauvaise conservation, • Affinage de fromages, marinade
des acides et aminés réactifs, P et S Toxicité affinage de viandes : production d’arômes
aminés libérés (H2S)
Dénaturation Groupes thiols actifs ® Digestibilité, Traitements thermiques, • Gélification des protéines (lait, viande)
des protéines polymérisation solubilité chimiques, radiations par cuisson
Activités enzyma- • Production d’isolats protéiques (protéines
tiques détruites sériques)
Réactions d’oxydation
Oxydation Composés carbonylés Odeur, saveurs Traitements thermiques, • Rancidité oxydative des graisses insaturées
des lipides très réactifs avec Toxicité radiations UV • Dégradation des huiles de friture
et des protéines protéines Ionisation • Polymérisation des protéines du gluten
Autocatalyse (panification)
Oxydation des Quinones très réactives Brunissement Cuisson, radiation, • Brunissement des végétaux au cours
polyphénols ® mélanines enzymatique, goût traitements mécaniques d’épluchage ou de broyage (pomme de terre)
Réactions de condensation
Protéine-protéine Perte de propriétés Perte de valeur Traitements thermiques, • Thermocoagulation des protéines au cours
fonctionnelles nutritive alcalins d’opérations de cuisson, appertisation
Protéine-lipide Radicaux libres Perte de solubilité Traitements thermiques, • Mauvaise conservation des poudres de lait
alcalins non écrémé
Protéine-nitrite Nitrosamines Toxicité Traitements thermi- • Salaisons : couleur rose ou rouge
ques, alcalins + pH acide
Protéine-glucide Réaction de Strecker Brunissement non Traitement thermique • Brunissement et arômes apparus lors de
(Maillard) enzymatique cuisson ou conservation de produits semi-
Arômes, texture humides ou déshydratés (pain, viande, lait)
Protéine-minéraux Stabilité Contaminations • Thermogélification des protéines de soja
en présence de calcium
Glucide-glucide Caramélisation Toxicité Traitements acides ou • Production de caramel en confiserie
Saveur alcalins et thermiques
Lipide-lipide Arômes, saveur Traitements thermiques, • Fritures
alcalins
Réactions d’isomérisation
des lipides Formation d’autres Texture Interestérification • Production de lipides interestérifiés
lipides Chauffage (modification du point de fusion)
des acides gras Baisse de valeur Hydrogénation • Production de lipides hydrogénés (accrois-
nutritive sement du point de fusion des huiles)
des acides aminés (Lys, Ile, Thr) Traitements alcalins • Traitement de destruction des alfatoxines
de tourteaux d’arachide
Dégradation des pigments
Dégradation Processus divers Coloration modifiée Traitements thermiques, • Altération de la couleur par oxydation
Toxicité radiations (caroténoïdes, anthocyanes, chlorophylles)
ou par cuisson
(1) Relations entre processus biochimiques, les propriétés de l’aliment qui en résultent et la cause technologique

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Référence Internet
F3400

___________________________________________________________________________ MODIFICATIONS BIOCHIMIQUES DES CONSTITUANTS ALIMENTAIRES

O Nt Nt
O
N N H N N H
O O– H O OH
HN O HN O–

Enzyme Ct Substrat Enzyme-substrat


Ct
Nt

HO O H2N

O Nt
N N H Ct
O OH HO O–
Ct : groupe carbonyle terminal Nt : groupe aminé terminal Figure 1 – Hydrolyse d’une liaison peptidique
par une protéinase, la chymotrypsine

2.1.1 Types de liaisons rompues


HO CH2 HO CH2 HO CH2
HO
La classification des enzymes indique par son premier chiffre leur O O OH O OH CH2
O
OH
OH OH OH
5 HO
spécificité. Parmi les 6 classes (oxydoréductases, transférases, OH
hydrolases, lyases, isomérases, ligases), les hydrolases sont les HO OH HO OH
OH OH OH HO
plus rencontrées dans les réactions de dépolymérisation
(tableau 4). Elles sont capables de rompre les esters (lipides, pecti- a-D-glucose b-D-glucose a-D-galactose b-D-fructose
nes), les glycosides (glucides), les amides (protéines, peptides) et
les anhydrides d’acide... Figure 2 – Oses dont dérivent les principaux glucides

2.1.2 Mécanisme catalytique (lysosomes), soit sous forme excrétée de la cellule (exohydrolases)
ou des organes exocrines (glandes salivaires, pancréas, muqueuse
■ Hydrolyse chimique gastrique...).
L’hydrolyse par voie acide est obtenue facilement pour les Les micro-organismes et les végétaux représentent des sources
liaisons osidiques alors qu’elle nécessite une concentration en acide inépuisables d’hydrolases que l’on peut extraire facilement pour
plus élevée et une sévérité de chauffage plus grande pour les des usages industriels. CItons principalement parmi les micro-
liaisons amides des protéines (tableau 5). Mais l’hydrolyse chimi- organismes :
que a l’inconvénient de donner des produits de dégradation mal — les bactéries : amylases, protéases, lipases, glucanases (bacil-
connus, racémisés (en milieu alcalin) et de nécessiter une neutrali- lus licheniformis, bacillus subtilis...) ;
sation ultérieure, qui crée des sels.
— les champignons : Mucor et Endothia (protéases acides),
■ Hydrolyse enzymatique Rhizopus (lipases, amylases, protéases, pectinases), Aspergillus
niger et Aspergillus oryzae (très nombreuses hydrolases),
Les hydrolases abaissent l’énergie d’activation du processus.
Penicillium... ;
Elles ne font intervenir l’eau qu’après une série d’échanges d’élec-
trons et de protons entre l’enzyme et le substrat. Le mécanisme le — les levures.
plus répandu passe par la formation d’un complexe intermédiaire Le choix des micro-organismes est motivé par une production
entre l’enzyme et le substrat selon le schéma général suivant : rapide d’hydrolases pour un coût modéré (cultivables sur milieu
simple) et par une certaine facilité de purifier les enzymes sans
A B + E H A H + E B entraîner de métabolites toxiques.
Substrat Hydrolase Complexe
intermédiaire La production d’enzyme peut être facilitée par le génie génétique :
clonage de gènes codant pour la synthèse d’enzymes dans des
A H + B OH + E H micro-organismes d’intérêt industriel ou, même, introduction de ces
Enzyme gènes dans des cellules animales ou végétales.
régénérée

L’attaque nucléophile du carbonyle (A) s’effectue par un résidu


séryle (par exemple, pour les protéases à sérine) dont le caractère 2.2 Réactions d’hydrolyse des glucides
nucléophile est renforcé par la proximité d’une base localisée sur
d’autres résidus d’acides aminés (His, Asp...). La charge positive du
carbone est renforcée par la proximité de groupes attracteurs de Les glucides sont constitués d’enchaînement linéaires ou ramifiés
l’enzyme alors que la protonation du groupe partant (figure 1) est d’oses (principalement glucose, fructose, galactose) reliés par des
effectuée par un résidu du site actif (His pour les protéases à sérine, liaisons osidiques (figure 2).
par exemple : cas de la chymotrypsine).

2.2.1 Énergie de la liaison osidique


2.1.3 Sources d’hydrolases
La liaison osidique unissant des restes glycosyle (par exemple
On les rencontre [19] dans tous les organismes (animaux, végé- a-glucosyle dans l’amidon) est relativement fragile comparée aux
taux, micro-organismes) soit dans les organites intracellulaires liaisons amide des protéines. Cette énergie de liaison varie :

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14
Référence Internet
F3450

Transformation et conservation
des produits agroalimentaires
par Henry-Éric SPINNLER
Professeur à l’Institut national des sciences et industries du vivant et de l’environnement
(AgroParisTech)
Ingénieur ENSAIA (École nationale supérieure d’agronomie et des industries alimentaires)
Docteur de l’INA-PG (Institut national agronomique Paris Grignon)
Habilité à diriger des recherches (Université de Dijon-Bourgogne)

1. Le consommateur face aux produits alimentaires.......................... F 3 450 - 2


2. Propriétés nutritionnelles et organoleptiques des aliments........ — 3
2.1 Conservation par fermentation ................................................................... — 3
2.2 Prévention des contaminations microbiennes .......................................... — 5
2.3 Diminution de l’activité de l’eau ................................................................. — 6
2.4 Conservation par traitements thermiques ................................................. — 7
3. Qualités des aliments .............................................................................. — 9
3.1 Amélioration et diversification par fractionnement .................................. — 9
3.2 Diversités recherchées................................................................................. — 11
3.3 Générer la diversité par fermentation ........................................................ — 13
4. Conclusion.................................................................................................. — 16
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. F 3 450

e secteur de la transformation et de la distribution des produits agricoles


L et alimentaires est un secteur industriel primordial dont l’activité touche
toute la société. Ce secteur, qui a toujours eu beaucoup d’importance dans les
activités humaines, a pris au cours de ces deux derniers siècles, une dimension
industrielle. C’est aujourd’hui, par exemple le premier secteur industriel en
France. Cette importance économique a été gagnée, grâce au développement
de technologies spécifiques qui permettent de valoriser au mieux les produits
de l’agriculture. La chaîne de transformation qui, à partir des produits agri-
coles, aboutit aux produits commercialisés dans les linéaires des détaillants
possède des caractéristiques qui la distinguent des autres industries.
Les matières premières de cette industrie sont majoritairement des produits
végétaux ou animaux. Produits d’origine biologique, ils sont par nature
variables, quels que soient les efforts du producteur pour les homogénéiser.
Pourtant, l’industriel se doit comme dans tous les autres secteurs de mettre sur
le marché des produits ayant des caractéristiques constantes afin de satisfaire
les attentes des consommateurs.
Ces matières premières sont des denrées périssables. Leur conservation est
le problème majeur que doit résoudre l’industrie alimentaire. On entend par
conservation le maintien des propriétés chimiques et physiques des aliments,
ce qui permet, en conséquence, la conservation de leurs propriétés fonction-
nelles, nutritionnelles et organoleptiques. La détérioration des produits
alimentaires est causée par des agents biologiques (petits animaux,
micro-organismes, activités enzymatiques de la matière première...), chimiques
(contamination), ou physiques (chaleur, rayonnement...). On distingue les dété-
riorations qui ne mettent pas en danger la santé du consommateur
(altérations) de celles qui peuvent rendre malade et ne permettent plus de
considérer le produit comme un aliment. Les méthodes des industries alimen-
taires vont donc chercher à limiter ces facteurs de détérioration de la matière
Parution : juin 2008

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


est strictement interdite. – © Editions T.I. F 3 450 – 1

15
Référence Internet
F3450

TRANSFORMATION ET CONSERVATION DES PRODUITS AGROALIMENTAIRES __________________________________________________________________

première et à maîtriser les transformations chimiques ou enzymatiques


pendant les processus de transformation et de stockage. Les transformations
qui permettent à un produit alimentaire de se conserver constituent le premier
service rendu par les industries alimentaires aux consommateurs. Malgré
l’importance de la stabilisation de la qualité du produit, les principes des tech-
niques de conservation validées par l’industrie ne sont pas très variés. C’est
l’amélioration de la qualité nutritionnelle ou organoleptique des aliments qui a
justifié l’émergence de nouvelles technologies de conservation comme, par
exemple, les techniques de stérilisation par hautes pressions, ou de déshydra-
tation osmotique, plutôt que le seul besoin d’amélioration des qualités
bactériologiques des produits traités. Ce problème demeure néanmoins pour
certains produits frais ou fermentés.
Paradoxalement, ce n’est sans doute pas autour de la conservation qu’ont
lieu les efforts d’innovation les plus notoires de ce secteur industriel.
Dernière spécificité de ces produits, et non la moindre, ils sont destinés à
être ingérés par l’homme.
Le premier corollaire de cette destination est de rendre infime le risque
d’intoxication alimentaire quel qu’il soit. C’est une qualité implicite du produit.
Or, il existe deux risques majeurs dans la production d’aliment. Le premier
risque d’intoxication est lié aux matières premières. Celles-ci, bien que d’ori-
gine animale ou végétale, peuvent être impropres à la consommation si les
substances antinutritionnelles, voire toxiques qu’elles contiennent ne sont pas
éliminées. Le deuxième risque est d’origine microbiologique et chimique. Bien
que les techniques utilisées par les industries alimentaires soient éprouvées, il
arrive encore que des accidents fassent la une des journaux. Les précautions
prises sont pourtant très grandes, par exemple, sur les produits appertisés, on
applique, sur certains aliments dits « à risques », des barèmes de stérilisation
capables de diviser théoriquement le nombre de micro-organismes par 1022 ou
1030 alors qu’un aliment qui serait saturé en bactéries ne pourrait en contenir
que 1011 ou 1012/g. Cela correspond à un risque d’accident très nettement infé-
rieur à 1/1010. Néanmoins, pour d’autres produits alimentaires les choses ne
sont pas aussi simples. La plupart des problèmes de santé publique sont donc
prévenus et au pire résolus par un partenariat entre les autorités administra-
tives concernées et les industriels de l’agroalimentaire. Deuxième corollaire de
la consommation par l’homme, le produit doit être attractif. En particulier,
dans les pays occidentaux, le marché, en faible croissance pondérale, a une
croissance financière qui est tirée par la demande des consommateurs. Cette
demande est avant tout celle de facilité d’emploi et de variété. La variété des
caractéristiques qui est recherchée concerne les propriétés nutritionnelles et
organoleptiques. Cette demande a conduit à développer des procédés de frac-
tionnement, de formulation et de texturation, qui permettent, dans un premier
temps, d’aboutir à des produits alimentaires intermédiaires et, dans un
deuxième temps, d’offrir aux consommateurs des produits finis élaborés de
manière très reproductible. Ces techniques permettent d’obtenir, de fait, des
produits ayant une diversité de caractéristiques très importante. Ces produits
et leur situation dans la gamme proposée au consommateur sont sans cesse
remis en cause par la concurrence.

1. Le consommateur face La qualité du produit alimentaire fini et son appréciation par le


consommateur va dépendre de la maîtrise de l’ensemble des opé-
aux produits alimentaires rations qui vont du choix des matières premières à la gondole du
distributeur.
Cela va de soi, le premier critère de qualité est l’absence de
Dans les procédés alimentaires, on peut distinguer des procédés risque microbiologique ou toxicologique. Cette qualité est impli-
de fond en petits nombres, tels que ceux permettant de conserver cite pour le consommateur, ce qui aboutit au rejet massif et sans
les aliments, d’un foisonnement de traitements permettant d’offrir aucun discernement d’origine quand, accidentellement, un produit
aux consommateurs des produits très variés. ne les respecte pas. Les contrôles relatifs à ces risques sont donc

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___________________________________________________________________ TRANSFORMATION ET CONSERVATION DES PRODUITS AGROALIMENTAIRES

indispensables sur le produit fini mais aussi au cours de la fabrica- Des efforts, permettant d’atteindre des objectifs de qualité de
tion, en des points dits « critiques », pour assurer au plus en plus élevés ont été réalisés par les entreprises qui vont la
consommateur un risque négligeable jusqu’à la date limite de plupart du temps au-delà des exigences légales. Une entreprise
consommation (DLC) ou à la date limite d’utilisation optimale durable sait qu’elle ne peut prendre aucun risque sur la sécurité.
(DLUO) suivant le type de produit. Ces objectifs sont atteints grâce au développement de deux appro-
ches complémentaires :
Une part croissante des consommateurs attache de l’importance
aux propriétés nutritionnelles des aliments. En effet, le – une approche préventive et analytique, telle que la démarche
consommateur se demande, dans la diversité des produits qui lui HACCP (Hazard Analysis Critical Control Points ), qui vise à recher-
sont offerts, lesquels sont les meilleurs pour sa santé. Pour cela, il cher les points sensibles d’un procédé et à les contrôler réguliè-
fait ou non confiance aux allégations nutritionnelles de l’emballage rement. Cette méthode est utilisée couramment pour prévenir les
ou des publicités. Le consommateur éclairé peut, dans certains contaminations microbiennes mais elle pourrait aussi s’appliquer à
cas, être renseigné sur la composition du produit par les informa- d’autres critères (composition, propriétés sensorielles, etc.) ;
tions indiquées sur l’étiquette. Cette composition est déterminée – une approche d’assurance qualité qui a pour objectif la trans-
par des échantillonnages et mesures appropriés. parence du procédé de fabrication. Un système de documentation
définit et enregistre les transformations que subissent les matières
Exemple : dans de nouveaux produits (laits fermentés), des premières pour aboutir au produit fini. Cette documentation
ferments ayant des propriétés probiotiques sont utilisés. On dit qu’un contient, entre autre, des procédures (validation des matières pre-
ferment à des effets probiotiques ou qu’un extrait de plante est un mières, définitions des postes de travail, validation des produits,
nutraceutique s’il a un effet désirable sur la santé. La mise en évidence etc.) et permet d’avoir une trace du parcours des différents lots
de cet effet est fondé sur des études sur des animaux ou sur l’homme. transformés et en particulier des paramètres de conduite du
Cet effet pourra être caractérisé par la diminution de la probabilité procédé qui a permis d’obtenir un produit fini déterminé. Cette
d’apparition de maladies diverses, la prise de poids, etc. Les effets démarche peut aboutir à la certification de la production par un
bénéfiques d’une souche de micro-organismes présents dans un lait organisme agréé. Elle permet la traçabilité ascendante qui va de la
fermenté sont le résultat d’études complexes dont il serait difficile réclamation sur un lot de produits aux procédés et aux lots de
d’écrire le compte rendu sur l’emballage pour que le consommateur matière première mis en œuvre et la traçabilité descendante qui
juge, sur des bases objectives, de l’intérêt du produit. Sa décision permet, dans une fabrication où une matière première s’avère
d’achat, pour cette unique raison, sera déterminée par ses croyances après coup défectueuse, d’aller vers l’ensemble des lieux de distri-
et par la confiance qu’il accorde aux allégations dont il a connaissance. bution où est vendu le lot défectueux. On mesure là tout l’intérêt
d’avoir des mesures rapides (par exemple, mesures microbiolo-
Les qualités sensorielles des produits (aspect, texture, odeur, giques ou chimique) permettant de n’entreprendre des fabrications
arôme, saveur) vont avoir un rôle décisif à partir du deuxième qu’avec des matières premières sûres. Ce n’est pas toujours pos-
achat. Elles vont largement contribuer à déterminer l’acceptabilité sible avec des denrées très périssables. L’analyse de l’élaboration
du produit et de son prix par le consommateur. La nécessité de de la qualité permet aussi la remise à plat de l’organisation des
prendre en compte la qualité sensorielle du produit est certai- procédés utilisés, la responsabilisation du personnel, etc.
nement une des grandes originalités des produits alimentaires par Ces deux démarches contribuent à la fabrication de produits
rapport aux autres produits industriels. Depuis quelques années, dont les qualités sont répétables et ainsi protègent, au mieux, le
l’établissement de normes pour décrire ce type de caractéristiques consommateur des aléas liés à l’utilisation de matières premières
portant sur l’entraînement des jurys d’analyse sensorielle, les et d’agents de transformation biologiques.
méthodes de mesures utilisées et le traitement statistique de leurs
résultats, on dispose de données objectives permettant de caracté-
riser objectivement les caractéristiques sensorielles des produits. II
appartient ensuite à l’industriel de décider si son produit est
conforme à la qualité attendue ou s’il doit être déclassé. Dans 2. Propriétés nutritionnelles
certains cas, comme par exemple pour l’attribution d’appellation
d’origine contrôlée pour les vins, la décision de déclassement est
et organoleptiques
prise à partir des résultats de dégustations réalisées par des orga-
nismes interprofessionnels. L’obtention des mesures sensorielles
des aliments
sont coûteuses en moyens humains. Cependant, en dehors du
contrôle de qualité, elles possèdent un atout majeur : il est pos- 2.1 Conservation par fermentation
sible de les utiliser pour établir le lien entre les caractéristiques
sensorielles du produit et les préférences des consommateurs. Ces La fermentation est un des moyens de conservation des
méthodes, appelées cartographies des préférences, sont des aliments les plus anciens. Les travaux les plus récents montrent
atouts majeurs des services marketing et/ou de recherche et déve- que le pain, qui est l’aliment fermenté dont on a trouvé les traces
loppement qui savent les utiliser. les plus anciennes, était déjà fabriqué il y a 5 600 ans. Les laits
Les mesures sensorielles ont une limite majeure : il est difficile fermentés, la bière et le vin l’étaient déjà il y a 3 500 ans.
de les utiliser directement pour modifier un procédé afin d’amélio-
rer le produit final. Il est donc important d’établir des bases de 2.1.1 Principe
données reliant les paramètres physiques, chimiques et biolo-
giques d’un procédé et les conséquences de leurs modifications Les fermentations alimentaires sont des transformations bio-
sur les propriétés sensorielles du produit. À partir de ces relations, chimiques réalisées par des micro-organismes eucaryotes ou pro-
il est possible de faire évoluer un produit pour qu’il se rapproche caryotes qui, par leurs activités dans le produit alimentaire initial,
des préférences des consommateurs visés. Aujourd’hui, un certain créent un environnement physico-chimique ne permettant pas aux
nombre de méthodes permettent d’accéder aux évolutions de la micro-organismes pathogènes ou pouvant causer des altérations
demande des consommateurs. Certains distributeurs disposent de de se développer. Ces transformations combinent ainsi la
données très précieuses et très riches au travers des suivis de conservation des aliments et la diversification de l’alimentation par
consommation automatisés qu’ils ont pu mettre en place à partir la genèse de propriétés organoleptiques originales. Ces produits
de leurs cartes de fidélité. Cela fait partie de leur savoir-faire ; ces sont non seulement sains mais présentent, de plus, des propriétés
données sont très riches et cela leur permet de suivre leurs nutritionnelles intéressantes même si elles diffèrent des propriétés
consommateurs, d’améliorer la gestion des approvisionnements, du produit initial. Beaucoup d’aliments fermentés sont plus riches
de suivre les progrès de leurs fournisseurs, etc. en vitamines que les matières premières dont ils sont issus. Leur

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TRANSFORMATION ET CONSERVATION DES PRODUITS AGROALIMENTAIRES __________________________________________________________________

composition peut être rééquilibrée par la fermentation qui peut


diminuer, par exemple, la teneur en sucre et enrichir l’aliment en Tableau 1 – Principales espèces de bactéries
protéines ou en acides gras polyinsaturés. lactiques utilisées dans les industries alimentaires
et produits fermentés concernés
L’activité de ces micro-organismes peut aussi aboutir à l’élimina-
tion dans le produit agricole de substances indésirables. Genre, espèce (sp), sous-espèce
Type de produit
(ssp), biovariant (biov)
Exemple
Le plus marquant est sans dout celui du manioc qui contient des Lactococcus lactis ssp lactis Fromages blancs, à pâte
hétérosides cyanogènes dont la linamarine. Lactococcus lactis ssp lactis molle, à pâte pressée non
biov, diacetylactis cuite ou persillée, beurre,
Traditionnellement, les ethnies, pour qui cette plante est la princi- Lactococcus lactis ssp cremoris crème
pale source alimentaire, font intervenir une étape de fermentation
dans leurs préparations culinaires. L’acide cyanhydrique produit est Yaourts, fromages (surtout
Streptococcus thermophilus
volatil. Il s’évapore pendant la fermentation. ceux à pâte pressée cuite)

Cette amélioration nutritionnelle de l’aliment peut être moins Lactobacillus delbrueckii ssp
Yaourts
spectaculaire. Il peut s’agir simplement d’éliminer des substances bulgaricus
antinutritionnelles comme certains sucres difficilement assimi-
Fromages à pâte pressée
lables. Au premier chef, on peut citer le lactose présent dans le lait Lactobacillus helveticus
cuite, laits fermentés
qui n’est pas toléré par une large part de la population mondiale.
La fermentation lactique aboutit à rendre comestible ces aliments Lactobacillus casei Laits fermentés, pain
pour les personnes intolérantes au lactose. La fermentation permet
aussi d’éliminer des substances inhibitrices d’activités enzyma- Lactobacillus plantarum
Pain, gari, choucroute, oli-
tiques (protéases, amylases) qui réduisent la digestibilité de ves
certains produits agricoles. Enfin, certains ferments sont capables
d’éliminer des toxines fongiques qui ont pu être produites pendant Lactobacillus brevis Cidre, pain, olives
le stockage de l’aliment. Lactobacillus sp Saucissons
Les principales fermentations réalisées industriellement en
Occident utilisent : Oenococcus oeni Vins, cidre
– soit les bactéries lactiques, qui comme leur nom l’indique pro- Leuconostoc mesenteroides ssp
duisent de l’acide lactique (fromage, saucisson, pain, vin, chou- Beurre, crème, fromages
cremoris
croute, olives, etc.) ;
– soit des levures qui produisent de l’éthanol et du dioxyde de Leuconostoc mesenteroides ssp Choucroute, cidre, pain,
carbone (fromage, pain, bière, vin, etc.). mesenteroides olives
Il existe aussi d’autres fermentations alimentaires comme celles Pediococcus sp Cidre
réalisées :
Pediococcus cerevisiae Pain, saucissons secs
– par les bactéries Acetobacter aceti ou Gluconobacter qui pro-
duisent de l’acide acétique et permet d’obtenir le vinaigre ; Ensilage, fromages, porc
– par les bactéries Propionibacterium sp. qui interviennent dans Pediococcus acidilactici
et riz fermentés
la fabrication des fromages à pâte pressée cuite ;
– ou enfin, par les nombreuses moisissures utilisées dans la Pediococcus rhamnosus Choucroute
fabrication des dérivés fermentés du soja qui sont largement
répandus en Asie comme aliments de base (miso, tempeh, etc.) ou
comme condiments (sauce de soja, sufu, natto, etc.).
Le bilan du catabolisme du glucose par les bactéries lactiques
homofermentaires peut s’écrire de la façon suivante :
2.1.2 Fermentation lactique
C6H12O6 + 2 ADP + 2 P → 2 C 3H6O 3 + 2 ATP
La fermentation lactique est certainement la plus répandue des glu cose adé nosine acide adénosine
fermentations de produits agricoles conduisant à des produits diphosphate lactique triphosphate
comestibles. On peut citer :
– pour les produits animaux les laits fermentés et le fromage, les Dans le cas des bactéries lactiques hétérofermentaires, le bilan
saucissons ; est schématiquement le suivant :
– pour les produits végétaux le vin, le pain au levain, les bières
lambics, la choucroute, les olives, les produits à base de manioc C6H12O6 + 1 ADP + P →C 3H6O 3 + C 2H5OH + CO 2 + 1 ATP
fermenté (comme le gari consommé par plus de 300 millions de glucose acide
lactique
éthanol
personnes en Afrique de l’Ouest, le foufou ou le chikwangue), etc.
Cette fermentation met en jeu des bactéries lactiques qui sont Les bactéries lactiques produisent, suivant l’espèce, une propor-
de plus en plus souvent des bactéries lactiques sélectionnées, pro- tion déterminée de l’isomère L(+) et de l’isomère D(–) de l’acide
duites industriellement par des industries spécialisées. lactique.
Les bactéries lactiques sont des bactéries qui réagissent positi- C’est avant tout parce qu’elles sont capables de produire de
vement à la coloration de Gram. Elles sont anaérobies mais aéro- l’acide lactique et en conséquence de diminuer le pH des aliments
tolérantes. Elles produisent principalement de l’acide lactique à que les bactéries lactiques contribuent à leur conservation. La plu-
partir des sucres des aliments. Les espèces utilisées dans les part du temps, le pH des produits fermentés descend à des valeurs
fermentations alimentaires sont répertoriées dans le tableau 1. On inférieures à 5. À ces valeurs de pH, la plupart des micro-orga-
distingue parmi celles-ci, celles qui ne produisent que de l’acide nismes pathogènes sont incapables de se développer. Néanmoins,
lactique à partir des sucres (homofermentaires) de celles capables certains micro-organismes comme les levures ou les moisissures
de produire en même temps que l’acide lactique, de l’éthanol et de peuvent encore se développer après une fermentation lactique. Cela
l’acide acétique (hétérofermentaires). est utilisé dans la fabrication des fromages affinés. Au contraire,

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Conservation à long terme


de systèmes biologiques viables
et fonctionnels

par Sébastien DUPONT


Ingénieur de recherche
UMR Procédés alimentaires et microbiologiques
Agrosup Dijon/Université de Bourgogne
Laurent BENEY
Maître de conférences
UMR Procédés alimentaires et microbiologiques
Agrosup Dijon/Université de Bourgogne
et Patrick GERVAIS
Professeur des universités
UMR Procédés alimentaires et microbiologiques
Agrosup Dijon/Université de Bourgogne

1. Historique et applications...................................................................... F 3 480 - 2


2. Transferts de chaleur et de matière en procédés
de conservation ........................................................................................ — 2
2.1 Transfert de chaleur ..................................................................................... — 3
2.2 Transfert de masse ...................................................................................... — 5
3. Dommages cellulaires en congélation et déshydratation ............ — 6
3.1 Effets de la diminution de température ..................................................... — 6
3.2 Effets de la déshydratation.......................................................................... — 7
4. Conservation par diminution de température.................................. — 8
4.1 Conservation hypothermique ..................................................................... — 3
4.2 Cryoconservation des cellules .................................................................... — 8
4.3 Innovation : vitrification en « gouttes » (droplet-vitrification).................. — 12
5. Conservation par déshydratation ........................................................ — 12
5.1 Principe ......................................................................................................... — 12
5.2 Paramètres d’optimisation de la survie des cellules
lors de la déshydratation ............................................................................. — 12
5.3 Techniques de déshydratation.................................................................... — 13
5.4 Techniques innovantes de déshydratation ................................................ — 14
6. Conclusion.................................................................................................. — 15
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. F 3 480

a conservation à long terme des systèmes biologiques représente un enjeu


L considérable dans de très nombreux domaines d’activités industriels ou
académiques : recherche, santé, industries biotechnologiques ou alimen-
taires... Les travaux de recherche accomplis, depuis quelques décennies,
permettent aujourd’hui de comprendre les grands principes mis en jeu dans la
suspension réversible et contrôlée des activités cellulaires ou tissulaires. Le
nombre d’applications ne cesse d’augmenter, et il est aujourd’hui possible de
conserver, sur des durées plus ou moins étendues, des cellules microbiennes
Parution : mars 2013

(ferments, probiotiques, souches de collection...), des cellules et tissus végé-


taux ou animaux (cellules sanguines, cellules souches, tissus, embryons,

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CONSERVATION À LONG TERME DE SYSTÈMES BIOLOGIQUES VIABLES ET FONCTIONNELS _______________________________________________________

organes). Les cas de conservation efficace à long terme d’organes, ou de


tissus, restent cependant encore rares.
Les méthodes de préservation des systèmes biologiques reposent sur deux
procédés : la déshydratation et la congélation. Ces deux méthodes conduisent
à une forte augmentation de la viscosité intracellulaire, permettant de ralentir
fortement les réactions de dégradation cellulaire. La mise en œuvre de ces
méthodes peut cependant conduire à des altérations cellulaires pouvant
aboutir à la mort des cellules. La maîtrise des paramètres opérationnels des
procédés de déshydratation et de congélation, conditionnant les transferts de
chaleur et de masse, est un élément-clé dans l’optimisation de la survie des
systèmes biologiques à conserver.
L’objectif de ce chapitre est triple :
– décrire l’état des connaissances acquises ;
– dresser le bilan des applications réussies et des technologies développées ;
– dessiner les perspectives de ce champ technologique et scientifique en
plein essor.

1. Historique et applications Tableau 1 – Durées de conservation de différents


organismes biologiques
Suspendre à volonté l’activité d’une cellule ou d’un tissu biolo- Méthodes Durées
gique, tout en conservant la possibilité de le réactiver, présente Types d’organisme
de conservation de conservation
l’intérêt majeur de permettre de disposer à tout moment de ces
systèmes complexes qui, par essence, prennent du temps à se Congélation –
Bactéries 5-35 ans
construire, et ne sont pas systématiquement disponibles. Azote liquide
La suspension temporaire de l’activité biologique n’est cepen- Bactéries Lyophilisation 10 ans
dant pas simple, et est en principe antagoniste de la vie. En effet,
le métabolisme cellulaire est partiellement consacré à la mainte- Congélation –
Levures 10 ans
nance des cellules, qui, quand elle est stoppée, laisse place à la Azote liquide
dégradation des composants cellulaires. La résistance naturelle de
Levures Séchage 2-5 ans
certains systèmes vivants à la congélation, rapportée depuis des
dizaines d’années, démontre cependant la faisabilité d’une Congélation –
opération de suspension réversible des activités biologiques [12]. Cellules souches 15 ans
Azote liquide
L’étude des organismes capables de survivre à un arrêt/ralentis-
Congélation –
sement prolongé de leur métabolisme, principalement sous l’effet Globules rouges 12 ans
Azote liquide
du froid ou de la déshydratation, est un champ actif d’investi-
gations scientifiques qui vise à rechercher des stratégies de Congélation –
conservation inspirées de la nature. Sperme humain 5-21 ans
Azote liquide
L’utilisation de la congélation comme méthode de conservation
Embryons Congélation –
de cellules de mammifères a débuté après la seconde guerre 5-13 ans
de mammifères Azote liquide
mondiale. Ainsi, Polge [17] démontrent pour la première fois que
l’addition de glycérol au sperme permet la survie d’une fraction
significative de la population de spermatozoïdes après congélation.
Depuis cette découverte, de nombreuses avancées ont permis la Les méthodes de conservation basées sur la congélation ou la
conservation sous forme congelée de cellules et tissus tels : déshydratation permettent aujourd’hui de préserver, sur des
– le sperme ; périodes de plusieurs années, divers systèmes biologiques
– les embryons ; (tableau 1) [21].
– les globules rouges ;
– des cartilages ;
– la cornée ;
– la peau ; 2. Transferts de chaleur
– des cellules végétales, microbiennes... et de matière en procédés
L’observation de la nature a également montré qu’une de conservation
autre stratégie de conservation est possible : elle repose sur
la déshydratation. Qu’il s’agisse de congélation ou de déshydratation, les
C’est un naturaliste, Antoni van Leeuwenhoek, qui rapporte nombreuses applications de conservation prolongée de systèmes
pour la première fois, au 18e siècle, la reprise d’activité biologiques vivants permettent de comprendre son principe
« d’animalcules » après réhumidification de mousses végétales. essentiel. La préservation d’un système biologique fonctionnel est
possible lorsque l’arrêt des fonctions cellulaires s’effectue dans
Ce n’est qu’au 20e siècle que le séchage et la lyophilisation
des conditions où la dégradation chimique et physique des cellules
seront appliqués à la conservation des bactéries, des levures
(habituellement compensée par les réactions biologiques) est
et de quelques cellules eucaryotes.
également ralentie ou stoppée.

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aw

Micro- Production Atomisation


1 organismes des micro-
réfrigérés organismes
Congélation
Réfrigération

o- es
icr m
M nis lés
ga ge
or on
c

0,5

Séchage fluidisé

Lyophilisation

Micro-organismes
secs

0,1

– 40 0 30 100 °C

Figure 1 – Schéma des fluctuations hydriques (activité de l’eau) et thermiques des micro-organismes au cours de différents procédés
de stabilisation et conservation

Les conditions favorables à la conservation à long terme sont avec ρ (kg · m–3) masse volumique,
donc celles qui engendrent la stabilisation physique et chimique
Cp (J · Kg–1 · K–1) chaleur massique,
des composants cellulaires. Elle résulte principalement de la dimi-
nution importante (plusieurs ordres de grandeur) des mouvements λ (W · m–1 · K–1) conductivité thermique de l’échantillon,
inter et intra-moléculaires. Ces conditions sont générées par l’aug-
mentation de la viscosité extra et intracellulaire, et reposent par t (s) temps,
conséquent sur des modifications physico-chimiques induites par T (K ) température,
la variation des deux principaux paramètres qui influencent la
mobilité moléculaire au sein des systèmes biologiques : la tempé- ∇ Laplacien ou gradient dans les trois directions de
rature et la teneur en eau (figure 1). l’espace (x, y, z ),
qɺ met (W · m–3) chaleur issue du métabolisme,

Par conséquent, les principales techniques de conservation qɺ ext (W · m–3) chaleur issue d’une source externe.
à long terme des systèmes biologiques sont basées sur la
réfrigération et la déshydratation. Cette équation (1) a été utilisée pour décrire des procédés de
congélation et, dans le cas d’échantillons cylindriques de rayon r
Elles reposent donc sur l’application de transferts de chaleur et de longueur z (congélation en éprouvettes, cryotubes, capil-
et de matière entre le système biologique et le milieu externe. laires...), elle devient :
Ces transferts peuvent intervenir de manière exclusive ou de
manière couplée.
dT 1 d  dT  d  dT 
ρ Cp =  λr + λ  + qɺ (2)
dt r dr  dr  dz  dz  met
2.1 Transferts de chaleur Elle peut se simplifier comme suit, si l’on néglige les transferts
dans la direction z en raison de la prédominance des transferts
Les transferts de chaleur appliqués à la conservation des
selon r (cylindre fin) :
systèmes biologiques visent principalement leur refroidissement
(réfrigération, congélation), mais peuvent également être destinés
à chauffer dans le cas des techniques de déshydratation fondées 1 d  dT  1 dT
r = (3)
sur l’évaporation de l’eau (séchage). r dr  dr  α dt
■ La vitesse de variation de la température dans l’échantillon est
décrite par le modèle suivant [22] : • Dans le cas de la congélation, l’utilisation d’un tel modèle
implique cependant des hypothèses simplificatrices, telles que la
faible contribution de la chaleur latente de cristallisation de l’eau,
dT et la constance au cours du temps et dans l’espace des valeurs ρ,
ρ Cp = ∇ ⋅ λ ∇T + qɺ met + qɺ ext (1)
dt Cp et λ.

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CONSERVATION À LONG TERME DE SYSTÈMES BIOLOGIQUES VIABLES ET FONCTIONNELS _______________________________________________________

Il s’agit donc d’hypothèses réductrices puisque, d’une part, les – la lyophilisation basée sur la sublimation de la glace d’un
objets biologiques sont hétérogènes dans leur structure et que, échantillon préalablement congelé par chauffage sous pression
d’autre part, la température influence les valeurs ρ, Cp et λ, surtout réduite.
lorsqu’il y a changement d’état.
La conservation par déshydratation est principalement utilisée
• Dans le cas du séchage, l’évaporation de l’eau à partir d’une pour les cellules microbiennes.
certaine température (dite humide) conduit à la stabilité de la
température de l’échantillon pendant un certain temps, le flux de • Dans le cas du séchage convectif, des particules (concentrés
chaleur entrant étant majoritairement absorbé par le changement cellulaires) de taille submillimétrique sont dispersées dans un gaz
d’état de l’eau. sec turbulent, souvent chauffé. L’eau des particules est éliminée
par évaporation/entraînement dans la phase gazeuse. Du fait des
■ La résolution de l’équation (3) permet d’obtenir la représen- faibles dimensions des particules, les transferts de matière (dépla-
tation de la distribution transitoire des températures dans le cement de l’eau entre le cœur et la surface des particules) sont
système. Cette équation s’applique aux cas de refroidissement, rarement limitants, et la vitesse du phénomène dépend principale-
comme de chauffage, des échantillons. ment du transfert de chaleur. Les cellules sont entourées d’une
pellicule interstitielle liquide qui, progressivement, se concentre
 ∞  r  sous l’effet de l’évaporation de l’eau (engendrant les transferts de
T (r ) = T∞ + (T0 + T∞ )  ∑ Cn exp (− ζ n2 F0 ) J 0  ζ n  (4) matière osmotiques à l’échelle microscopique). Puis, le système se
n=1  r0 

solidifie progressivement sous l’effet de la diffusion de l’eau entre
avec T0 température initiale, les agrégats et le fluide gazeux environnant.
T∞ température atteinte à l’équilibre, Le flux de chaleur (transfert convectif) entrant dans les particules
ou agrégats pendant le séchage par atomisation ou fluidisation
 2  s’écrit :
  J 1 (ζ n )
ζ 
Cn = 2 n , qɺ = hA (Tgaz − Tsurf ) (5)
[J 0 (ζ n ) + J 12 (ζ n )]

avec A surface de contact entre l’échantillon et la phase gazeuse.


F0 = α t /r02 où α est la diffusivité thermique de
l’échantillon, • Dans le cas de la lyophilisation, les concentrés cellulaires
préalablement congelés sont soumis à la sublimation de la glace,
Jn nième type de la fonction de Bessel, puis à la désorption de l’eau résiduelle non congelée. La subli-
ζn racine positive de l’équation transcendantale mation est effectuée sous vide partiel, par apport d’une quantité de
chaleur appropriée et contrôlée, pour provoquer le changement
ζ n J 1 (ζ n )
= 2hr0 /k où h (W · m–2 · K–1) est le coefficient d’état solide-gazeux de l’eau. Le transfert de chaleur vers l’échan-
J 0 (ζ n ) tillon est couplé au transfert de matière.
de transfert thermique.
On considère que la sublimation intervient depuis les zones
• En matière d’applications, l’équation (4) montre la superficielles vers le cœur de l’échantillon par la progression d’un
contribution majeure de la géométrie (forme et épaisseur) et des
caractéristiques physiques et thermodynamiques intrinsèques de front de sublimation. Le flux de chaleur qɺ (en W) entre la source
l’échantillon (ρ, Cp, λ) à la vitesse de variation de la température chaude (Tp ) et l’échantillon (T ), transmis à l’échantillon par
dans les différentes positions de l’objet. L’équation (4), à travers h, convection, rayonnement ou contact, est décrit par la relation
montre aussi la forte influence du vecteur de chaleur utilisé pour suivante :
refroidir ou chauffer. L’état du vecteur (gaz, liquide), sa nature
chimique et son état d’agitation sont effectivement connus pour qɺ = Ah (Tp − T ) (6)
influencer la valeur de h (h correspond à la puissance thermique
transférable par unité de surface de contact vecteur-échantillon
pour un écart thermique d’un degré K ). Au sein de la couche sèche (ayant subi la sublimation)
d’épaisseur es , le flux de chaleur se déplace principalement par
conduction :
Il faut, par ailleurs, noter que les échantillons biologiques
sont couramment en suspension dans un milieu liquide, et A λs (Tf − Ts)
que cette suspension est fréquemment contenue dans un qɺ = (7)
es
récipient lors d’un traitement de congélation. C’est donc
l’ensemble contenant/milieu/échantillon qui est sujet au trans-
fert de chaleur. avec λs (W · m–1 · K–1) conductivité thermique de la couche
sèche,

• Chacun de ces éléments contribue donc à l’allure du transfert Tf température à l’interface couche sèche/couche congelée,
de chaleur. De manière générale, les paramètres qui influencent la Ts température superficielle.
vitesse de variation de la température dans l’objet sont :
– le rapport surface/volume du système ; Au sein de la couche congelée d’épaisseur ec de l’échantillon, le
même mode de transfert reste dominant :
– la composition du contenant ;
– la température (T∞) ;
– la nature et l’état d’agitation du vecteur de chaleur (caloporteur A λc (Tc − Tf )
qɺ = (8)
ou frigorifique). ec
■ Deux techniques principales de déshydratation sont appliquées
à la conservation des systèmes biologiques : avec λc (W · m–1 · K–1) conductivité thermique de la couche
congelée,
– le séchage convectif (lit fluidisé, atomisation) basé sur l’utili-
sation d’un gaz sec ; Tc température de la couche congelée.

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Fabrication de produits alimentaires


par fermentation : les ferments

par Alain BRANGER


Professeur agrégé de biochimie

1. Métabolisme microbien ou contrainte du vivant............................ F 3 500 - 2


1.1 Présentation générale des stratégies physiologiques cellulaires............ — 2
1.1.1 Schéma fonctionnel............................................................................ — 2
1.1.2 Principes d’organisation .................................................................... — 2
1.2 Voies du catabolisme .................................................................................. — 4
1.2.1 Hydrolyse ............................................................................................ — 4
1.2.2 Oxydation ............................................................................................ — 4
1.2.3 Différents types de fermentations..................................................... — 6
2. Ferments : mode de vie et classement .............................................. — 9
2.1 Les micro-organismes dans les milieux alimentaires .............................. — 9
2.1.1 Les différents états microbiens ......................................................... — 9
2.1.2 Des cellules aux populations ............................................................. — 10
2.1.3 Les aliments : des textures complexes en évolution....................... — 12
2.1.4 Variations du développement microbien ......................................... — 12
2.2 Agents biologiques concernés ................................................................... — 12
2.2.1 Bactéries .............................................................................................. — 12
2.2.2 Champignons...................................................................................... — 14
Références bibliographiques ......................................................................... — 16

a fabrication des produits alimentaires utilise des matières premières végé-


L tales, animales ou minérales qui subissent des transformations grâce à des
moyens physiques (mécaniques comme les broyages ou les mélanges, la
chaleur, le froid...), physico-chimiques (modification de l’activité de l’eau par le
salage ou le sucrage, modification du pH par l’acidification...), biochimiques
(enzymes, stabilisants divers, antioxydants...) ou encore microbiens.
Le sujet de cet article concerne l’utilisation des actions microbiennes qui se
produisent naturellement ou qui sont provoquées par ensemencement d’une
flore sélectionnée.
Après avoir rappelé brièvement les objectifs de ces actions, une étude rapide
du métabolisme des micro-organismes nous amènera à envisager, dans un
deuxième article, les étapes importantes de la maîtrise des procédés biologiques
ainsi que les critères et les paramètres d’action qui peuvent être modulés et qui
doivent être raisonnés pour la mise en œuvre d’une production. Nous termi-
nerons par une étude des différents secteurs où les fabrications utilisent les
fermentations.
Dans la transformation des produits alimentaires, les micro-organismes
pourront avoir les effets suivants :
— aromatisation ;
— modification de la texture ;
— influence sur l’aspect extérieur ;
— amélioration des caractéristiques nutritionnelles ;
— stabilisation et conservation.
Parution : juin 2004

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FABRICATION DE PRODUITS ALIMENTAIRES PAR FERMENTATION : LES FERMENTS _________________________________________________________________

Parmi ces effets, certains résultent d’une action métabolique de type fermen-
taire. Les autres proviennent de la production d’enzymes exo- ou ectocellulaires,
de bioconversions ou encore de l’élimination métabolique de certaines molécules
du produit.
Pour mieux cerner notre sujet, il convient, dans ce premier fascicule, de bien
comprendre le métabolisme microbien et ce que sont les fermentations avant
de présenter, dans un second fascicule, la diversité des applications et les
conditions à satisfaire.

1. Métabolisme microbien La transformation ou la stabilisation des aliments par voie micro-


bienne sont le plus souvent dues à l’action catabolique des micro-
ou contrainte du vivant organismes. Les matières premières contiennent la plupart du
temps des macromolécules organiques qui sont dégradées plus ou
moins rapidement en composés de masses molaires inférieures
utilisés dans les voies métaboliques ou libérés dans le milieu. La
1.1 Présentation générale des stratégies variété des systèmes de dégradation est très grande ; elle dépend
physiologiques cellulaires du potentiel génétique des souches et des types de molécules
d’origine (figure 2).
L’anabolisme n’est cependant pas négligeable. Outre le fait qu’il
1.1.1 Schéma fonctionnel permet une augmentation de la biomasse, il aboutit souvent à la
production de substances nutritives, actives ou texturantes
La figure 1 présente l’organisation générale du métabolisme (tableau 1).
dans les cellules vivantes.
On partage classiquement l’ensemble des réactions biochi-
miques cellulaires en deux grandes parties en fonction de leurs
conséquences : le catabolisme et l’anabolisme. Le premier corres- Tableau 1 – Incidence du type de métabolisme
pond à la dégradation des molécules organiques par les cellules, dans les productions microbiennes
avec libération de petites molécules plus mobiles, disponibles pour
le second qui réalise la synthèse de l’ensemble des systèmes Voie métabolique Exemples de produits importants formés
moléculaires, enzymatiques, génétiques et structuraux des cellules.
Ces deux parties, qui sont intimement liées, sont réunies par des • Acides
transferts énergétiques sous la forme de trinucléotides à potentiel • Alcools
d’hydrolyse élevé (ATP le plus souvent) et du pouvoir réducteur • Gaz
Catabolisme
des coenzymes d’oxydo-réduction réduits (NADH + H+, • Arômes divers
NADPH + H+, FADH2 , FMNH2). • Produits de protéolyse et de lipolyse
Nota : NADH = nicotinamide adénine dinucléotide réduit • Produits de dégradation de l’amidon
NADPH = nicotinamide adénine dinucléotide phosphate réduit
FADH2 = flavine adénine dinucléotide dihydrogénée
• Dextranes
FMNH2 = flavine mononucléotide dihydrogénée. • Vitamines
Anabolisme
• Enzymes libérées par lyse cellulaire
• Biomasse

CATABOLISME ANABOLISME
1.1.2 Principes d’organisation
Macromolécules Macromolécules structurales
organiques et fonctionnelles
1.1.2.1 Du mieux possible
Énergie
O2 ou oxydants biologiquement La gestion du fonctionnement cellulaire qui permet une opti-
minéraux utilisable misation physiologique obéit aux principes stratégiques suivants :
(ATP) — obtenir la plus forte croissance et multiplication cellulaire dans
Énergie perdue Énergie perdue les conditions du milieu : objectif terminal en conditions de
sous forme de sous forme de
chaleur POUVOIR RÉDUCTEUR chaleur
croissance ;
— fonctionner le plus économiquement possible du point de vue
énergétique ;
RESPIRATION FERMENTATION
— utiliser de façon optimale les ressources nutritionnelles du
Milieu extérieur milieu et aussi de la cellule elle-même. Une cellule est en effet
Milieu intérieur capable d’autophagie organisée lorsque les conditions de milieu ne
Petites molécules
H2O + CO2 Petites molécules
organiques et gaz
organiques et minérales, lui permettent plus de se fournir en éléments nutritionnels indis-
ions, directement assimilables pensables. Dans ce cas, les ribosomes, les ARN et les enzymes
inutiles sont dégradés en premier, puis les structures des enveloppes
Figure 1 – Schéma général du métabolisme des plus externes vers les couches internes ;

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GLUCIDES LIPIDES PROTIDES

Voie cataboliques Estérolyse Protéolyse


de préparation

Acides gras Acides aminés


Cycle de Krebs Glycérol
Chaîne respiratoire
β-Oxydation Décarboxylation Désamination
Hydratation
Acétylcoenzyme A Réduction
Décarboxylation CO2 Acides cétoniques
H 2O Cyclisation Amines Acides divers
CO2 Aldéhydes
FERMENTATIONS
Biomasse Alcools
Métabolites primaires Acides
à faible concentration Gaz Acides gras libres DIVERS
Métabolites primaires Méthylcétones
à forte concentration Alcool I ou II
Métabolites primaires γ ou δ-Lactones Phénols
accessoires Composés soufrés
Esters indole

Figure 2 – Dégradation biologique des substrats organiques

— préserver le plus longtemps possible la vitalité ou la capacité


régénérative de la cellule. L’ADN est une molécule très stable et Systèmes de régulation Systèmes de régulation
subit en dernier le phénomène de lyse. des paramètres physico- des concentrations des
chimiques internes composés biochimiques
1.1.2.2 Gestion et régulation (échanges ioniques, eau) (absorption, excrétion)

Pour réaliser ces objectifs, la cellule dispose de voies métabo-


liques tracées par les enzymes présentes, faisant appel à de Potentiel génétique
nombreuses relations spatiales intermoléculaires dynamiques. Ces Types et activités des
voies fonctionnent comme des flux entrecoupés de vannes à chaînes métaboliques
ouvertures variables, les enzymes, qui constituent des niveaux de Valeurs des paramètres
régulation du système. intracellulaires
■ La régulation directe des chaînes est assurée par des enzymes
Facteurs physiques Facteurs chimiques
allostériques (expression traduisant la capacité de ces enzymes à
changer de configuration spatiale) dont la cinétique est modulée par Température Substrats :
Pression Facteurs physico-chimiques types et quantité
la présence d’inhibiteurs ou d’activateurs. Classiquement, les Produits
substrats des réactions sont activateurs et les produits intermé- pH
Facteurs de
Pression osmotique
diaires ou de fin de chaîne, selon les cas, sont inhibiteurs. Potentiel d'oxydo-réduction
croissance
Inibiteurs
Force ionique
■ La valeur des facteurs physiques (température), physico-chimiques Activité de l'eau
Activateurs
(pH, activité de l’eau, pression osmotique, force ionique, potentiel
d’oxydo-réduction) et chimiques (concentration en substrats, pro-
duits, facteurs de croissance, inhibiteurs, activateurs) à l’intérieur de Figure 3 – Présentation de l’action des facteurs du milieu
la cellule sont une cause importante de modification de la vitesse de et de la réactivité cellulaire
fonctionnement d’une ou de plusieurs enzymes et donc de l’ensemble
de la chaîne (figure 3).
Les deux origines de variation d’activité précédentes induisent variable d’un type à l’autre. Cela peut expliquer la prédominance de
une grande finesse d’adaptation de la physiologie cellulaire au certaines chaînes métaboliques par rapport à d’autres selon les
milieu. Cependant, l’activité métabolique dépend aussi du potentiel espèces, les conditions de milieu ou encore l’état de la cellule ;
génétique de la cellule et de son expression pour lesquels les prin- — le niveau de protection des gènes et leur sensibilité aux
cipaux facteurs à considérer sont les suivants : facteurs extérieurs ;
— le potentiel génétique qualitatif : types de gènes d’expression — la résistance des ARN messagers aux ARNases cytoplasmiques,
présents dont dépend la panoplie enzymatique et donc la capacité et donc le temps de traduction des gènes en protéines.
de la cellule à mettre en place ou non les différentes chaînes Ces derniers facteurs sont autant d’éléments modulateurs phy-
métaboliques ; siologiques, mais ils agissent en décalage avec l’activité enzyma-
— la capacité de transcription de l’ADN en ARN messager : tique. L’arrêt de la transcription d’un gène responsable de la
certains gènes sont transcrits un grand nombre de fois au cours synthèse d’une enzyme, en réponse à une modification du milieu,
d’une même phase d’expression, d’autres beaucoup moins, ce qui n’est en effet suivi que beaucoup plus tard par l’arrêt de l’activité
fait que la production des enzymes correspondantes est très de cette enzyme (le temps que le pool enzymatique présent soit

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inactivé par dégradation naturelle) et la reprise d’activité n’est


effective qu’après un temps de latence correspondant à la mobili-
sation de l’ensemble du système de synthèse et de maturation des Macromolécule
organique
enzymes en cause. La régulation génétique en réponse aux fac- Hydrolases
teurs du milieu n’assure donc pas une bonne réactivité métabo- Macromolécule Hydrolases exocellulaires
lique, mais dirige les capacités cellulaires. organique ectocellulaires

Le potentiel génétique qualitatif ouvre des possibilités méta-


boliques importantes et variées pour les êtres vivants, mais peut
aussi être considéré comme une contrainte dans la mesure où les Petites molécules Petites
caractères génétiques chromosomiques et plasmidiques propres à absorbées molécules
une souche donnée sont peu variables, hormis le peu de mutations Paroi
viables qui peuvent survenir et être intégrées dans le génome Système de
Membrane perméation
microbien. Les mutations se produisent certes avec une fréquence cytoplasmique
élevée, mais les modifications de fonctionnement qu’elles
entraînent doivent être coordonnées avec le reste du métabolisme
(synchronisation des vitesses de réactions, complémentarités et Figure 4 – Mécanismes enzymatiques de dégradation
coopération moléculaires spatiales...), ce qui représente une très des macromolécules organiques par les micro-organismes
faible probabilité d’intégration. L’utilisation des micro-organismes
en biotechnologie classique est donc limitée aux potentialités des
souches utilisées.
Dans le paragraphe suivant, nous présentons le catabolisme Sans cette solution, au demeurant coûteuse en énergie à cause
pour mieux situer les fermentations. de l’exportation des enzymes par la cellule, celle-ci ne pourrait
avoir accès aux macromolécules externes qui ne peuvent pas, du
fait de leur taille, traverser les enveloppes microbiennes. L’hydro-
lyse permet la libération de composés organiques de faible masse
1.2 Voies du catabolisme molaire absorbables par la cellule. L’énergie libérée par ces
réactions n’est pas récupérée par les cellules et est négligeable à
C’est un ensemble de réactions biochimiques de dégradation qui l’échelle du produit.
a comme substrats de départ des macromolécules exogènes
(amidon, protéines, lipides divers...) ou endogènes. L’utilisation des
premières permet aux cellules d’acquérir de nouveaux matériaux
chimiques et biochimiques et donc de croître et de se multiplier. 1.2.2 Oxydation
L’utilisation des macromolécules endogènes fait partie des
mécanismes physiologiques internes, comme la destruction des Ces réactions correspondent au transfert d’électrons d’un
structures altérées ou l’élimination des molécules dont la présence composé réduit vers un oxydant. Le couple oxydo-réducteur du
est inadaptée à l’état de la cellule ou aux conditions thermo- premier composé a un potentiel d’oxydo-réduction très bas et le
dynamiques ou physico-chimiques ambiantes. second un potentiel oxydo-réducteur plus élevé (encadré 1).
Nous ne prendrons en compte dans le cadre de la transforma- L’énergie perdue au cours de ce transfert est en grande partie récu-
tion des produits alimentaires que l’utilisation des molécules exo- pérée pour la synthèse de trinucléotides à fort potentiel énergé-
gènes, bien que la « cuisine » métabolique interne ne soit pas tique d’hydrolyse, dont le plus fréquent est l’ATP (adénosine
négligeable lors de la lyse massive de populations microbiennes triphosphate), grâce à des systèmes enzymatiques et biochimiques
dans des produits en cours de transformation, lors de changement fonctionnellement agencés au niveau cellulaire. La quantité d’éner-
de flores (remplacement de levures de surface du camembert par gie que la cellule retire de ces réactions dépendra du potentiel
des corynébactéries), de durcissement de conditions microbiologi- d’oxydo-réduction du couple oxydo-réducteur final. Plus il sera
quement stressantes (production d’éthanol en vinification) ou élevé, plus l’énergie récupérée sera importante. Dans les
encore de conditions nutritionnelles sublimitantes (insuffisance de conditions naturelles, le niveau le plus élevé est le couple oxy-
glucides simples, lactose, glucose ou galactose dans les fromages gène/eau.
en cours d’affinage).
Le catabolisme des substrats organiques est caractérisé par une
1.2.2.1 La respiration : oxydation maximale
dominance très nette des réactions d’hydrolyse et d’oxydation. Les
premières intervenant surtout au niveau des macromolécules pour
Bon nombre de micro-organismes bénéficie de la capacité à uti-
l’hydrolyse des liaisons glycosidiques, peptidiques ou esters, les
liser l’oxygène comme accepteur final d’électrons. Au cours du
secondes ayant surtout les glucides simples et les acides gras
transfert réalisé par des transporteurs (cytochromes, quinones...)
comme substrats.
regroupés et organisés, des protons sont expulsés à l’extérieur de
la cellule microbienne à travers la membrane qui supporte le
système moléculaire de transport électronique (chaîne respira-
1.2.1 Hydrolyse
toire), créant ainsi une différence de potentiel ionique (ou gradient
Elle intervient en général en premier lors de la dépolymérisation électrochimique). Leur retour par l’ATP synthétase permet la pro-
des macromolécules. Elle s’applique à tous les groupes biochi- duction d’ATP (théorie chimiosmotique de Mitchell). L’existence
miques courants : glucides, lipides et protides. Les enzymes actives d’une chaîne de ce type caractérise les cellules à métabolisme res-
sont des hydrolases ecto- ou exocellulaires qui entrent en contact piratoire aérobie.
direct avec le milieu extérieur (figure 4). D’autres composés, minéraux comme les nitrates ou organiques
Exemple : comme le fumarate, peuvent être utilisés comme accepteurs
terminaux grâce à la présence de chaînes respiratoires particu-
— enzymes exocellulaires : endopeptidase de 60 000 Da de Strepto- lières. Ces systèmes n’ont pas la même efficacité pour la création
coccus thermophilus active sur les caséines β et κ, et lipases de Candida du gradient électrochimique et donc pour la production d’ATP.
lipolytica ;
— enzymes ectocellulaires : protéase de paroi à sérine de La présence d’une chaîne respiratoire avec possibilité d’établir
140 000 Da, active sur la caséine de Lactococcus lactis ssp. cremoris. un gradient électrochimique caractérise la respiration.

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par fermentation : l’ingénierie

par Alain BRANGER


Professeur agrégé de biochimie

1. Ingénierie de l’utilisation microbienne .............................................. F 3 501 – 2


1.1 Planification des opérations ....................................................................... — 2
1.2 Les micro-organismes................................................................................. — 2
1.2.1 Critères de choix ................................................................................. — 2
1.2.2 Production et stratégies d’utilisation ................................................ — 3
1.3 Matériel et installations............................................................................... — 8
1.3.1 Matériel................................................................................................ — 8
1.3.2 Installations ......................................................................................... — 8
1.4 Contrôles ...................................................................................................... — 9
1.4.1 But des contrôles ................................................................................ — 9
1.4.2 Objets des contrôles........................................................................... — 9
1.4.3 Méthodes de contrôle ........................................................................ — 9
1.4.4 Démarche de résolution de problème .............................................. — 11
2. Les fermentations en production alimentaire ................................. — 11
2.1 Actions biologiques et caractères des produits ........................................ — 11
2.2 Aliments et actions microbiennes.............................................................. — 12
2.2.1 Fabrication des fromages à pâte pressée cuite................................ — 12
2.2.2 Actions microbiennes dans les différents secteurs de production — 14
3. Conclusion ................................................................................................. — 14
Références bibliographiques ......................................................................... — 17

Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. F 3 501

près un premier article [F 3 500] qui a permis de présenter les micro-


A organismes intéressants en production alimentaire, leur mode de vie et
leurs particularités physiologiques, nous aborderons ici leurs utilisations. Le
paragraphe concernant l’ingénierie biotechnologique montrera l’éventail des
techniques de culture ou de production disponibles et nous insisterons sur les
précautions spécifiques à leur mise en œuvre. Cet article se terminera par l’étude
rapide des contributions microbiennes dans la fabrication des aliments.
Parution : septembre 2004

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nisme, quant à lui, doit être adapté au substrat et à l’objectif de la


1. Ingénierie de l’utilisation transformation. Dans les deux autres cas, c’est la croissance opti-
microbienne male des micro-organismes qui est prépondérante et c’est alors le
substrat qui doit être adapté à la culture.
Au stade industriel, les procédés doivent être rigoureusement
Après avoir défini précisément ses objectifs de production, une
définis pour être fiables et fonctionnels. Les opportunités d’interven-
entreprise doit réaliser ses prévisions d’investissement et d’organi-
tions sont alors réduites à la résolution des problèmes qui peuvent
sation, ce qui l’amène ensuite à choisir les différents éléments du
intervenir (cf. § 1.4) et à la surveillance des opérations.
système qui, après essais, devra être géré et contrôlé. Ce para-
graphe est destiné à apporter quelques éléments méthodologiques En recherche-développement, tous les éléments du procédé biotech-
pratiques pour la mise en œuvre des opérations faisant intervenir nologique sont à mettre au point complètement. La figure 1 présente
des éléments biologiques dans une unité de production. La plupart les phases et les étapes d’une production par voie biotechnologique et
des notions abordées et des techniques présentées sont applicables peut être utilisée soit pour comprendre un procédé et repérer les points
aussi bien avec des micro-organismes qu’avec des enzymes. critiques, soit pour mettre au point un système de production. Dans ce
schéma, deux entrées sont à considérer en premier et en parallèle, en
relation bien entendu avec les objectifs : la définition et la préparation
1.1 Planification des opérations du substrat et le choix et la préparation des éléments biologiques utili-
sés. À la suite de ces deux étapes, il s’agit de réunir le substrat et les
Les objectifs recherchés en industrie alimentaire lors de l’utilisa- éléments biologiques dans un système de bioréaction où règnent des
tion d’éléments biologiques sont les suivants : conditions de milieux déterminées, ce qui suppose des choix divers en
fonction des critères de production.
— réalisation de biotransformations d’une matière première pour
lui faire acquérir des caractéristiques organoleptiques particulières,
obtenir un produit fini correspondant à la demande du consomma-
teur et répondant à un cahier des charges bien défini. C’est le cas le 1.2 Les micro-organismes
plus fréquent, qui correspond aux fabrications traditionnelles (pain,
vin, bière, fromage...) ;
— production de biomasse vivante par les fabricants de ferments Les micro-organismes utilisables en industrie alimentaire doivent
ou les entreprises elles-mêmes pour l’ensemencement des matières avoir comme caractéristiques communes :
premières. De la biomasse peut aussi être produite pour l’alimenta- — de ne pas présenter de risque pour la santé humaine et ani-
tion humaine ou animale sous forme de poudre servant de complé- male [2] ;
ment nutritionnel (extrait et poudre de levure, par exemple). Dans ce — de ne pas présenter de risque pour l’environnement ;
dernier cas, l’objectif complémentaire est la valorisation de copro- — d’avoir un développement rapide ;
duits agricoles ou alimentaires (lactosérum, pailles, mélasse...) ; — d’être facilement utilisables et maîtrisables.
— production de molécules spécifiques par des micro-organis- Concernant leur adaptation à l’objectif que l’on s’est fixé, de
mes particuliers auxquels on fournit les éléments et les conditions nombreux critères plus spécifiques doivent être pris en considération.
de milieu nécessaires (production d’acides aminés, d’acides divers,
d’enzymes...) ;
— élimination de substrat : l’épuration des effluents des indus- 1.2.1 Critères de choix
tries alimentaires se fait par voie biologique, en aérobiose ou en
anaérobiose, dans des stations d’épuration permettant la préserva- Le tableau 1 recense un certain nombre des critères pour quatre
tion de l’environnement. La matière organique utilisée par les types de micro-organismes couramment utilisés. Cette liste n’est
micro-organismes est transformée en biomasse [1]. On passe d’une pas exhaustive mais peut permettre de dégager une « carte
pollution en solution à un produit solide plus facile à éliminer. d’identité » du ou des micro-organismes à employer. Celle-ci sera
Pour la production de produits ou la dépollution, on doit s’atta- ensuite à mettre en relation avec celle des ferments disponibles sur
cher beaucoup plus à la composition et à l’évolution de la matière le marché et pourra servir également pour la réalisation d’associa-
première qui est l’élément directeur du procédé. Le micro-orga- tions de souches.

Micro-organismes
Substrat • Inventaire
• Matière première alimentaire Objectifs • Choix des critères
• Milieu de culture • Tests
• Association de souches

Préparation Préparation
• Complémentation • Culture
• Stabilisation • Revivification
• Texture • Dosage

Bioréacteur Conditions de la bioréaction


• Choix du type de culture • Choix des paramètres
• Choix du matériel • Choix des régulations
- matériaux • Évaluation des contraintes
- volume, puissance… • Niveau de rigueur
• Niveau d'adaptabilité

PRODUCTION
PRODUIT FINI
DE BIOMASSE Figure 1 – Phases et étapes d’une production
par voie biotechnologique

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(0)

Tableau 1 – Critères de choix de différents micro-organismes utilisés en transformation de produits alimentaires


Critères Bactéries lactiques Corynebactéries Levures Moisissures
Conditions • Température optimale et • pH optimal et minimal • Adaptation à des tempéra- • Vitesse de germination et
de croissance cycle thermique • Comportement à + 4 ˚C tures basses ou élevées de croissance
• Croissance à basse tempé- • Croissance à 10-15 ˚C • Exigences faibles en • Température
rature • Comportement en éléments nutritifs • Comportement en
• Comportement en présence de levures et/ou • Comportement en présence d’autres micro-
présence d’autres bactéries moisissures présence de bactéries organismes (Mucor...)
(effets synergiques, lactiques et propioniques
symbiose, antagonismes...)
Productions • Capacité acidifiante • Pigmentation • Taux d’éthanol • Morphologie (feutrage ras,
ou caractères • Production de polysaccha- non photodépendante • Rendement en éthanol dense, aéré...)
particuliers rides (dextranes) • Activité caséolytique • Production élevée en • Couleur et stabilité au
• Arômes • Activité aminopepti- glycérol vieillissement
• Potentiel aminopepti- dasique • Esters lourds • Sporulation souhaitée
dasique • Activité lipolytique • Phénotype « killer » (1) (Penicillium Roquefortii) ou
• Potentiel protéolytique • Arômes • Dégradation de l’acide non (Penicillium Camember-
• Bactériocines • Activité déméthiolase malique tii)
• Caractère agglomérant • Activité protéolytique
• Propriétés protéolytiques • Activité lipolytique
• Action sur les polyphénols
Caractères • Production de peptides • Production de sulfures • Production d’écume • Goûts indésirables
non recherchés amers • Production d’acide
acétique
• Production d’acétate
d’éthyle (acidité volatile)
• Production d’H2S et de
mercaptans
• Production trop importante
d’alcools supérieurs
Sensibilité • Lysozyme • Tolérance au sel (8-15 %) • Tolérance à l’éthanol intra • Résistance au sel
• Phages et extracellulaire
• Antibiotiques • Tolérance à l’anhydride
• Tolérance au sel sulfureux
Fabricant • Rendement de production
• Résistance à la congélation, à la lyophilisation et au séchage (levures)
• Temps de conservation
(1) Levures capables de sécréter des substances inhibitrices qui peuvent entraîner la destruction des autres souches.

(0)

Tableau 2 – Sélection d’un micro-organisme


Phase Étape Remarques
1 Inventaire Recherche de la souche la plus proche chez les fabricants
Recherche dans les collections de souches nationales et internationales
La souche retenue doit être isolée, identifiée et conservée dans des conditions qui empê-
chent sa mutation (congélation à − 85 ˚C ou dans l’azote liquide, lyophilisation)
2 Tests technologiques Ces essais sont obligatoires pour confirmer la bonne adaptation du micro-organisme à
l’objectif. Ils doivent se faire si possible à partir d’un substrat proche de celui qui sera utilisé
industriellement
3 Essais de production D’abord au stade du laboratoire, puis en production pilote et à l’échelle industrielle

Il existe plusieurs fabricants de ferments plus ou moins spéciali- souches ou par l’industriel au moment de l’ensemencement. La cul-
sés qui possèdent un grand éventail de souches dont les caractères ture de deux ou plusieurs souches ensemble est en effet peu souhai-
microbiologiques et technologiques sont bien connus et qui sont table dans la mesure où leurs comportements et leurs vitesses de
bien adaptés aux fabrications courantes. croissance sont la plupart du temps différents ; les proportions rela-
Dans le cas de la mise au point d’un nouveau procédé, après avoir tives des souches varient donc au cours du temps. Dans ce qui suit,
sélectionné les critères recherchés, on peut procéder suivant les nous considérerons surtout la production et l’utilisation des souches
trois étapes du tableau 2. pures. Ces deux activités sont à distinguer dans la mesure où la pro-
duction des ferments s’accompagne obligatoirement d’une étape de
conservation (figure 2).
1.2.2 Production et stratégies d’utilisation
Dans tous les cas, il importe de produire ou d’utiliser des cultures
Les ferments peuvent être utilisés en souche pure ou en mélange dans un état physiologique optimal avec un temps de latence court
selon les produits à fabriquer. Dans le second cas, le mélange est et une haute densité cellulaire. Pour aboutir à ce résultat, plusieurs
réalisé par le fabricant après la production séparée de chacune des méthodes sont envisageables.

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F3501

FAB RICATION DE PRODUITS ALIM EN TAIRES PAR FERM EN TATION : L’IN GÉN IERIE ___________________________________________________________________

conditions sont les meilleures, mais la vitesse µ observée en culture


peut en différer de façon plus ou moins importante, en particulier en
Souche mère
fonction des effets d’inhibition dus aux éléments du milieu :
— inhibition par insuffisance de substrat (constante d’inhibition KS) ;
Revivification
Préparation — inhibition par excès de substrat (constante d’inhibition KiS) ;
Repiquages des cultures — inhibition par excès de produit (constante d’inhibition KiP).
pour
l'ensemencement Les valeurs de ces constantes correspondent à des concentrations
Culture en substrat et en produit pour µ égal à la moitié de sa valeur maxi-
male (tableau 3).
Population active La valeur observée de µ par rapport à sa valeur maximale µm est
PRODUCTION UTILISATION
à haute densité
DES FERMENTS
cellulaire
DES FERMENTS donnée par différents modèles mathématiques issus de l’expé-
rience. Le plus courant est celui de Monod (tableau 3) avec lequel
on peut exprimer µ par rapport à µm en fonction des concentrations
en produit et substrat.
Concentration
Ensemencement Tous les substrats et tous les produits peuvent avoir des effets
Conservateur de la matière
première d’inhibition à des degrés variables. Pour en tenir compte, il faudrait
compliquer considérablement le modèle. Pour justifier les différents
Conservation
types de cultures suivants, le modèle de Monod suffit, mais le com-
• Liquide Ensemencement direct portement des micro-organismes en croissance dans différents
• Congélation
• Lyophilisation milieux peut être décrit par des modèles plus élaborés qui permet-
• Séchage tent d’affiner la compréhension et la prévision des phénomènes.

Figure 2 – Production et utilisation des ferments 1.2.2.1.2 Descriptions des différents types
Le tableau 4 présente les types de cultures qui peuvent être mis en
1.2.2.1 Types de cultures œuvre pour la production de ferments [4] [5] ou leur utilisation en pro-
duction. Nous considérons que les facteurs physico-chimiques (tempé-
1.2.2.1.1 Quelques éléments théoriques rature, pH, pression d’oxygène dissous) sont régulés donc constants.
Dans la mesure où les méthodes qui seront présentées par la
suite s’appuient sur les impératifs et les vicissitudes de la croissance ■ Culture discontinue (batch)
microbienne, il convient d’en préciser les paramètres et les limites. C’est de loin la plus répandue. Des micro-organismes sont mis en
Dans l’article [F 1 120] de ce traité [2], le modèle mathématique présence du substrat au début de la culture qu’on laisse ensuite évo-
qui décrit l’évolution du nombre de micro-organismes en fonction luer jusqu’à son terme où l’on récupère les produits. Elle est facile à
du temps pendant la croissance est représenté par la relation : mettre en œuvre et à maîtriser et ne nécessite que du matériel sim-
ple. Elle ne permet pas cependant de tenir compte des inhibitions
[X] provoquées par le substrat et le produit. Le temps total de culture,
ln ----------- = µ t
[ X0 ] qui représente la durée complète depuis la préparation des produits
et du matériel jusqu’à la fin du nettoyage final, est long dans la
avec µ vitesse spécifique de croissance, mesure où, lorsque l’on veut produire une quantité importante, on
[X ]
population au temps t, est obligé de répéter plusieurs fois l’opération.
[X 0 ]
population au temps t0. Exemple d’applications : production de ferments lactiques [6] ou
µ prend une valeur particulière maximale pendant la phase de de levure de panification [7], production de bière [8], fabrication de fro-
croissance exponentielle : µm. Cette valeur est obtenue lorsque les mages [9] [10]...
(0)
Tableau 3 – Modèles simples qui expriment l’influence de la composition du milieu sur la vitesse spécifique de croissance

µ µ
µm
µm
µm
µm
2
2

KS KiS [S ] KiP [P ]

[S] Le substrat est un facteur limitant pour la croissance lorsqu’il se trouve


µ = µ m ---------------------- à une concentration [S] trop faible
KS + [ S ]

K iS Le substrat limite la croissance à cause d’une concentration [S] trop


µ = µ m ------------------------ importante
K iS + [ S ]
K iP Le produit limite la croissance à cause d’une concentration [P ] trop
µ = µ m ----------------------
- importante
K iP + [ P ]

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Fermentation en milieu solide (FMS)

par Francis DUCHIRON


Professeur URCA (retraité)
UMR FARE 614, INRA/URCA, Reims
et Estelle LEGIN-COPINET
Maître de conférences URCA
UMR FARE, 614 INRA/URCA, Reims

1. Fermentation : définitions ................................................................. BIO 620v2 - 2


2. Origine de la fermentation en milieu solide ................................. — 3
2.1 Développement asiatique........................................................................ — 3
2.2 Développement dans le reste du monde ............................................... — 3
3. Fermentation en milieu solide versus fermentation en milieu
liquide ...................................................................................................... — 3
4. Développement d’une fermentation en milieu solide................ — 4
5. Micro-organismes utilisés en FMS .................................................. — 4
6. Régulations en FMS ............................................................................. — 6
6.1 Température ............................................................................................. — 6
6.2 Humidité et activité de l’eau.................................................................... — 7
6.3 Aération et oxygène................................................................................. — 7
6.4 pH .............................................................................................................. — 8
6.5 Stérilité...................................................................................................... — 8
6.6 Croissance et mesure de la biomasse.................................................... — 8
7. Équipements de la FMS ...................................................................... — 8
7.1 Équipements de laboratoire.................................................................... — 9
7.2 Équipements à l’échelle pilote ................................................................ — 9
7.3 Équipements industriels.......................................................................... — 10
8. Productions de la FMS........................................................................ — 13
8.1 Produits alimentaires............................................................................... — 13
8.2 Produits non alimentaires ....................................................................... — 13
9. Conclusion et perspectives ............................................................... — 14
10. Glossaire ................................................................................................. — 14
Pour en savoir plus ....................................................................................... Doc. BIO 620v2

a fermentation en milieu solide... Quel titre étrange pour tous ceux qui n’en
L sont pas familiers ! En Occident, le terme de « fermentation » est attaché à
l’élaboration de produits alimentaires liquides comme la bière ou le vin et l’on
oublie (alors bien vite) des produits comme le pain et le fromage qui sont, eux,
issus d’une fermentation en milieu solide. En Extrême-Orient, les fermenta-
tions solides (comme la production de saké ou de tofu) sont très anciennes et
permettent, depuis des siècles, la production d’un certain nombre de produits
de base de l’alimentation de ces pays. Le saké dispose en sus d’un rôle culturel
important, c’est la boisson des Dieux dans la religion shintoïste (majoritaire au
Japon), et il est impensable pour eux d’en modifier le procédé de production ;
comme il serait impensable dans les sociétés chrétiennes de modifier le
Parution : juillet 2019

procédé de fabrication du vin, le sang du Christ !

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FERMENTATION EN MILIEU SOLIDE (FMS) _______________________________________________________________________________________________

Dans les milieux naturels, les fermentations solides se produisent partout,


dans les sols cultivés ou non, dans le compost ou l’ensilage. Mais le terme de
« fermentation » n’est pas associé naturellement à ce qui se passe dans ces
milieux que l’on pourrait qualifier « d’ouverts ». On réserve ce terme à des pro-
cédés plus élaborés mis au point en laboratoire et mis en œuvre dans des
bioréacteurs en « milieu fermé ou régulé ». Les fermentations sont associées
aux biotechnologies et sont essentiellement, dans nos industries, des procédés
en milieu liquide.
Avec l’accroissement de la population mondiale et l’augmentation des
besoins énergétiques, l’alimentation et les terres cultivables font l’objet d’un
enjeu économique mais surtout vital pour l’humanité ! Dans les pays émer-
gents, le développement de fermentations en milieu solide à partir d’aliment
permettrait en partie de pallier les pertes énormes de produits frais, difficiles à
conserver avec la chaleur. En effet, les produits fermentés ont l’avantage
d’augmenter la durée de conservation d’un produit par rapport à la matière
première et présentent également une amélioration des qualités nutritionnelles
du produit. De plus, ces procédés nécessitent peu d’énergie et un matériel de
production simple, comme celui développé par l’IRD de Marseille [1]. Dans les
pays industrialisés, les produits fermentés (issus de ces fermentations)
prennent une place importante auprès des consommateurs qui redécouvrent
les bienfaits de ces produits sur la santé.
Mais les procédés en phase solide connaissent aussi un regain d’intérêt en
Occident, avec la valorisation des coproduits agricoles pour la production
d’enzymes, de nourriture animale et depuis peu est envisagée pour la produc-
tion de produits organiques, et d’une manière plus générale sont impliquées
dans les procédés de valorisation de la biomasse végétale. Ces nouveaux
développements encouragent l’investissement vers ce type de procédé, mieux
adapté aux substrats complexes.
L’objet de cet article est de traiter des procédés de fermentation en milieu
solide. Après avoir défini les différents types de fermentations, après avoir
comparé les avantages et les inconvénients d’une fermentation en milieu
solide (FMS) par rapport à une fermentation en milieu liquide (FML), et après
avoir expliqué pourquoi les champignons filamenteux sont les organismes les
mieux adaptés aux FMS, il sera passé en revue les différents paramètres de
régulations de ces fermentations et comment peut-on suivre le développement
microbien lors du procédé ? Quels équipements sont utilisés du laboratoire à
l’échelle industrielle ? Et nous terminerons cet article par une présentation de
quelques secteurs d’activités où sont appliquées les FMS.

1. Fermentation : définitions consommables même après une croissance microbienne qui, bien
que non visible à l’œil nu, modifiait la texture, l’apparence, l’odeur
et le goût des aliments, mais ceux-ci restaient consommables sans
La fermentation est un terme que l’on associe le plus souvent risque. C’est ainsi que sont nés tous nos produits fermentés tradi-
aux boissons ou aux produits laitiers, et fait toujours penser à un tionnels.
phénomène se passant en milieu liquide, alors pourquoi ce titre a
priori déconcertant de la fermentation en milieu solide ? ■ Définition scientifique
Pour cela, il convient de revenir aux origines de ce terme. Il faut attendre Louis Pasteur, vers le milieu du XIXe siècle, pour
avoir une vision rationnelle et scientifique des phénomènes impli-
Les fermentations sont très anciennes et sont utilisées par
qués. Pasteur va donner la première définition scientifique de la
l’homme depuis l’origine de l’humanité. Cela a toujours été un
fermentation : « La fermentation, c’est la vie sans air » ; cette
moyen de conservation des denrées alimentaires ; de tout temps, il
première définition est élaborée à la suite de ces travaux sur la
a toujours été impossible de conserver les produits humides (sauf
bière et convient très bien à toutes les fermentations liquides tradi-
en zone polaire !), car il y a toujours des micro-organismes qui se
tionnelles.
développent, les environnements stériles n’existant pas dans la
nature. Nos lointains ancêtres ont appris à reconnaître les Par la suite, cette définition a été précisée et les fermentations,
« pourritures nobles », c’est-à-dire les aliments qui restaient au sens scientifique, sont des métabolismes énergétiques

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_______________________________________________________________________________________________ FERMENTATION EN MILIEU SOLIDE (FMS)

anaérobies intracellulaires à base de molécules organiques, 2.2 Développement dans le reste


et s’opposent aux respirations qui sont les autres grandes voies
métaboliques énergétiques.
du monde
En Europe, la fermentation en milieu solide est longtemps restée
■ Définition industrielle
cantonnée à quelques domaines, celui du pain et des fromages ;
À la suite des travaux de Pasteur, de nombreuses applications c’est dans ce dernier domaine que l’on trouve ce qui se rapproche
industrielles de la fermentation en milieu liquide ont vu le jour le plus des pratiques extrême-orientales. La croûte des fromages
(voir les nombreux articles sur ce thème dans la base Bioprocé- dits « à croûtes fleuries » est typiquement une fermentation en
dés). Les industriels se sont très vite aperçus que certains micro- phase solide fongique ; de même pour les fromages persillés, la
organismes aérobies produisaient aussi des métabolites d’intérêt préparation des levains se fait de manière traditionnelle sur du
et ont donc modifié les appareils utilisés « les fermenteurs » pour y pain inoculé par les moisissures recherchées.
cultiver aussi les organismes aérobies. Cela a entraîné la dérive du Dans le reste du monde, peu de choses sont connues, il faut
sens « fermentation » qui, aujourd’hui dans l’industrie, est relatif à cependant noter la production de pain moisi en Érythrée par Strep-
tout procédé faisant intervenir une culture microbienne tomyces erythreus pour usage médicinal (c’est la souche produc-
qu’elle soit anaérobie ou aérobie d’une part, mais aussi trice d’érythromycine), seul usage ancestral et traditionnel d’un
qu’elle se passe en phase solide ou en phase liquide. produit à base d’antibiotique connu.
Historiquement, les premières productions d’enzymes se fai-
■ Définition de la fermentation en milieu solide
saient par fermentation solide y compris en Europe ou aux États-
On distingue donc différentes appellations dans les procédés de Unis par culture en plateau de souches fongiques productrices ; les
fermentations qui sont liées au type du milieu de culture utilisé : premières usines ont exploité le procédé japonais breveté par
ainsi, on parle de fermentation en milieu liquide (quand tous Takamine à la fin du XIXe siècle [3]. Ces procédés sont restés en
les constituants du milieu sont solubles), de fermentation en usage jusque vers les années 1950 et ont été progressivement
milieu submergé (lorsqu’une partie des constituants du milieu remplacés par des cultures en milieu liquide, sauf en Extrême-
n’est pas soluble), de fermentation à cellules immobilisées Orient où le procédé a été développé et automatisé (§ 7).
(correspondant à un réacteur constitué de billes de polymères
insolubles (comme les billes d’alginate) sur lesquelles sont inclus
des micro-organismes ou des enzymes, le tout immergé dans un
liquide) et de fermentation en milieu solide. 3. Fermentation en milieu
solide versus fermentation
Dans la FMS, le substrat n’est pas soluble et il n’y a pas
d’eau libre. Il est constitué de particules solides et peut être en milieu liquide
aussi pâteux dans le cas d’un levain. Le substrat sert de sup-
port et de sources d’aliments aux micro-organismes qui s’y La fermentation en milieu liquide est particulièrement bien adap-
développent, soit en surface, soit dans la masse du substrat tée aux cultures des micro-organismes unicellulaires, comme les
humide, mais toujours à la surface des particules. L’eau pré- bactéries et les levures, alors que la fermentation en milieu solide
sente est « liée » au support et doit se situer à une activité de est, elle, bien adaptée aux organismes mycéliens. En effet,
l’eau (aw) permettant l’expression du métabolisme des micro- l’agitation nécessaire pour homogénéiser les milieux liquides (et
organismes, mais ne doit pas excéder la capacité maximale de les oxygéner pour les cultures aérobies) entraîne des contraintes
rétention en eau des particules solides [2]. de cisaillement que peu de souches mycéliennes sont capables de
supporter (même si des souches fongiques ont pu être adaptées
avec succès à ce type de culture). En outre, il n’y a pas de
contraintes d’oxygénation en fermentation en milieu solide, le
2. Origine de la fermentation mycélium étant directement en contact avec l’oxygène de l’air.
C’est donc naturellement vers les productions mycéliennes fon-
en milieu solide giques que ce type de fermentation a trouvé le plus d’applications.
Les premières applications non alimentaires ont été pour la pro-
duction d’enzymes, essentiellement pour la production des
2.1 Développement asiatique enzymes hydrolysant les polymères végétaux. En effet, ces
enzymes ne sont produites que par un système inductible où
L’Extrême-Orient est très nettement l’endroit où la fermentation l’inducteur naturel est le polymère naturel. Ces polymères sont
en milieu solide a eu et a encore aujourd’hui le plus grand déve- très peu solubles en phase aqueuse, ce qui implique de très
loppement. Cela est lié à la préparation de deux produits de base grands volumes pour pouvoir les utiliser en fermentation liquide
dans la culture extrême-orientale que sont le saké et le tofu. Tradi- (dans ce cas, il vaut mieux parler de « fermentation submergée »,
tionnellement, le saké est préparé à partir de riz cuit à la vapeur, le car, même si les appareils sont les mêmes, le milieu contient énor-
riz est ensuite étalé sur des claies en bambou et inoculé par un mément de particules solides en suspension !). Alors qu’en phase
levain d’une moisissure Aspergillus oryzae qui va se développer solide le substrat de base est lui-même l’inducteur, ce qui entraîne
en produisant des amylases. Cette étape se passe entièrement en des réacteurs beaucoup moins volumineux pour obtenir les
phase solide. Après croissance, le produit obtenu, appelé « koji », mêmes niveaux de production, comme le montre le tableau 1.
est broyé et mélangé avec de l’eau pour que l’amidon soit La productivité des souches est sensiblement la même dans
hydrolysé en glucose par les amylases, puis il est inoculé par la les deux systèmes (liquide et solide) quand on regarde l’efficacité
levure Saccharomyces sake pour que la fermentation alcoolique en par rapport à la matière sèche initiale ; par contre, ramenée au
phase liquide se fasse. Ce procédé ressemble beaucoup à celui de volume des réacteurs, elle est près de cent fois plus importante en
la brasserie européenne où le maltage est remplacé par la fermen- solide.
tation en phase solide pour la production des amylases.
Un autre avantage que l’on peut tirer des fermentations en
Ce procédé a été étendu à beaucoup d’autres végétaux cultivés milieu solide par rapport aux fermentations en milieu liquide
en Extrême-Orient et est à la base de nombreux produits alimen- sont les faibles volumes d’eau à traiter, ce qui pose moins de
taires fermentés. problèmes d’effluents et de récupération des produits.

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FERMENTATION EN MILIEU SOLIDE (FMS) _______________________________________________________________________________________________

Tableau 1 – Comparaison de la production d’enzymes issues d’une culture d’Aspergillus niger


par fermentation en milieu liquide et en milieu solide (d’après [4])
Solide Solide Liquide Liquide
Activité enzymatique
(UI/gMSI) (UI/Litre) (UI/gMSI) (UI/Litre)

Endocellulase 79 7 900 180 108

Exocellulase 16 1 560 20 16

Cellulase(s) 10 970 8 6

Xylanase 279 27 900 413 330

Pectinase 560 56 000 590 472

Amylase 30 3 000 27 21

UI : unité internationale.
MSI : matière sèche initiale.

4. Développement 5. Micro-organismes utilisés


d’une fermentation en FMS
en milieu solide
Les bactéries et les champignons peuvent se développer sur des
substrats solides et avoir des applications dans des procédés de
Le développement d’un bioprocédé de fermentation en milieu fermentation en milieu solide (tableau 2).
solide nécessite la prise en compte d’un certain nombre d’élé-
ments importants. Cela implique d’abord le choix du micro-orga- Les bactéries sont principalement impliquées dans le compos-
nisme, compatible avec la sélection du substrat, puis l’optimisation tage, l’ensilage et les procédés alimentaires. Les levures sont utili-
des paramètres physico-chimiques et biochimiques du procédé, sées pour la production d’éthanol et dans l’alimentation animale
enfin l’isolation et la purification du produit. ou humaine. Mais les champignons filamenteux (et supérieurs)
La matrice solide, employée pour la fermentation, ne doit pas restent le groupe de micro-organismes le plus utilisé en fermenta-
contenir de composés inhibant la croissance et les activités micro- tion en milieu solide avec des applications très variées, grâce à
biennes. Poreuse, elle doit être capable d’adsorber ou de contenir leurs propriétés physiologiques, enzymologiques et biochimiques.
les produits nutritifs nécessaires aux micro-organismes (sources Ils sont considérés comme les mieux adaptés à ce type de cultures,
de carbone et d’azote et sels minéraux). La matrice solide peut être car proches de leur habitat naturel.
composée : Des procédés de fermentation en milieu solide utilisant des
– soit de matériaux organiques naturels, polymères amylacés, cocultures de champignons ont été décrits, comme la coculture
pectinés ou lignocellulosiques servant à la fois de support solide et d’Aspergillus ellipticus et d’Aspergillus fumigatus, qui a permis
de substrat pour la culture microbienne. Ces matériaux sont issus d’améliorer la production d’enzymes cellulolytiques comparé au
de coproduits agricoles ou de l’agro-industrie (par exemple, les même procédé cultivant les deux souches séparément [6]
sons, les pailles, les pulpes, les drèches) ; (tableau 3).
– soit de matériaux minéraux (tels que les granulés d’argile, la
perlite, la pouzzolane...) ;
– soit de matériaux synthétiques de type mousse de polyuré- La croissance d’un champignon filamenteux
thane.
La colonisation du substrat par un champignon filamenteux
Dans les deux derniers cas, les matériaux servent uniquement
se fait par extension et ramification de filaments appelés
de supports de culture et doivent être imbibés de solutions nutri-
« hyphes » qui forment le mycélium. Grâce à une solide struc-
tives pour assurer la croissance des micro-organismes.
ture des parois cellulaires aux extrémités et aux points de
Ces matériaux sont souvent utilisés pour la mise en place de ramification, ces filaments pénètrent la plupart des substrats
modèles pour la compréhension des mécanismes de régulation de solides à la recherche de leurs aliments (eau, ions et subs-
ces fermentations [5]. tances nutritives) à condition d’être toujours en aérobiose.
En ce qui concerne les matériaux organiques issus de coproduits L’accroissement des hyphes s’effectue par les extrémités (ou
de l’agriculture et des agro-industries, leurs substrats sont souvent apex) où s’effectuent l’essentiel des réactions de synthèse et
des composés complexes et hétérogènes, il n’est pas toujours dégradation du métabolisme dit « primaire », indispensable à
facile d’en extraire une molécule ou une protéine d’intérêt. Mais la construction de la cellule du champignon (figure 1). Il y a en
l’avantage est que le produit recherché est concentré dans le permanence des échanges entre l’intérieur et l’extérieur,
milieu et demande en général moins d’étapes de purification et échanges qui diminuent lorsque l’on s’éloigne de l’apex vers
peut être employé dans un autre développement industriel partiel- les zones plus âgées. Ainsi, la moisissure sécrète des exo-
lement purifié. C’est le cas, par exemple, des cocktails d’enzymes enzymes hydrolytiques qui restent concentrées autour des
qui sont utilisés dans les procédés amidonniers pour la production zones de sécrétion permettant une progression plus efficace
de sirops de glucose. du mycélium dans le substrat (figure 2).

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F3550

Stratégies de fermentation
appliquées aux boissons

par Marc FAIVELEY


Professeur de microbiologie et biotechnologie
ENILBIO Poligny

1. Stratégies de fermentation ................................................................... F 3 550 - 2


1.1 Rôle technologique des levures................................................................. — 2
1.2 Utilisation du vivant dans les boissons fermentées ................................ — 4
1.3 Orientations en fermentation ..................................................................... — 5
2. Fermentations : un thème transversal ............................................... — 7
2.1 Aspects microbiologiques de la levure ..................................................... — 7
2.2 Aspects biochimiques................................................................................. — 10
3. Comparaison de process et interactions biologiques ................... — 14
3.1 Comparaison des process par filières ....................................................... — 14
3.2 Opérations unitaires et conséquences sur le produit .............................. — 14
4. Génie biologique et génie des procédés............................................ — 17
4.1 Procédés et rendements fermentaires ...................................................... — 17
4.2 Type de culture............................................................................................ — 18
5. Contrôles analytiques par filière et intérêt....................................... — 19
5.1 Contrôles biochimiques.............................................................................. — 19
5.2 Contrôles microbiologiques usuels ........................................................... — 21
5.3 Contrôles sensoriels : méthodologie......................................................... — 21
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. F 3 550

et article porte un regard transversal sur la conduite des fermentations


C dans le domaine de la brasserie et des vinifications. En effet, la
comparaison des différentes pratiques permet de mieux comprendre le rôle
des levures, leur utilisation et leurs interactions avec leur environnement.
Souvent considérée comme une simple étape de fabrication, la fermentation
alcoolique soulève pourtant de nombreuses interrogations de par sa
complexité notamment au niveau des transformations biochimiques du
produit fini.
Un état des lieux scientifique permettra de comprendre l’importance des
paramètres de régulation sur le métabolisme de la levure et les différentes
conduites de fermentation possibles, en tenant compte des caractéristiques
des matières premières mises en œuvre et des objectifs à atteindre.
Parution : mars 2009

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


est strictement interdite. – © Editions T.I. F 3 550 – 1

35
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F3550

STRATÉGIES DE FERMENTATION APPLIQUÉES AUX BOISSONS ______________________________________________________________________________

1. Stratégies de fermentation En brasserie, la logique est différente puisque le diacétyle


marque les bières vertes (qui n’ont pas atteint leur maturité) ; le
diacétyle est le précurseur de l’acétoïne recherché pour ses notes
Une levure est souvent comparée à un simple révélateur de fruits secs. La réduction du diacétyle en acétoïne s’effectue pen-
d’arômes. Pourtant la conduite d’une fermentation permettant dant la période de garde par les levures résiduelles. Cette activité
d’atteindre des rendements de production d’alcool ou des profils est accrue par une augmentation de la température. Ainsi, certains
sensoriels spécifiques repose sur : brasseurs effectuent une garde en deux temps :
– les caractéristiques technologiques des levures utilisées ; – une brève décantation des levures à 4 oC à l’issue de la fer-
– la qualité du substrat avant fermentation tant sur le plan bio- mentation alcoolique ;
chimique que sur le plan microbiologique et sa dynamique d’évo- – une augmentation de la température à 20 oC pendant quelques
lution au cours du process ; jours pour permettre la réduction du diacétyle ;
– les paramètres fermentaires (paramètres de régulation choisis – un stockage à 0 oC pour favoriser la saturation du CO2 et termi-
en cours de fermentation). ner la décantation des levures.
Il convient donc de s’interroger dans un premier temps sur les • Les alcools supérieurs :
caractéristiques technologiques des levures ainsi que sur les diffé-
rents critères de choix. La production d’alcools supérieurs n’est pas recherchée en œno-
logie et en brasserie ; leur perception étant jugée plutôt désa-
gréable. Leur synthèse s’effectue à partir des acides aminés
1.1 Rôle technologique des levures présents dans le moût (réaction d’Ehrlich). Une autre voie métabo-
lique de formation d’alcools supérieurs par les levures implique le
L’utilisation des levures est associée à trois fonctionnalités métabolisme du glucose, notamment certains acides cétoniques.
majeures dans le domaine des boissons : C’est pourquoi la formation d’alcools supérieurs est favorisée par
une oxydation du moût ainsi qu’une vitesse de fermentation trop
– la conservation de la boisson par production d’alcool ;
élevée. Une carence en source azotée dans le moût favorise la syn-
– la production de gaz carbonique pour les boissons
thèse d’alcools supérieurs. En effet, une carence en acides aminés
effervescentes ;
oblige la levure à la synthèse de glutamate. Cette voie est généra-
– l’aromatisation du produit. lement associée à la formation d’alcool supérieur, l’exemple de la
Les critères de choix peuvent être différents et hiérarchisés en formation du tyrosol par l’acide aminé précurseur, la tyrosine, est
fonction des contraintes du process. D’autres fonctionnalités bien connu dans le domaine des vins, le tyrosol constitue à lui seul
secondaires permettent également d’être déterminante, comme le une part importante des polyphénols présents. En œnologie, on
critère de décantation de la souche qui intéresse le secteur brassi- pratique généralement l’ajout de l’ion ammonium (NH+3 ) pour limi-
cole. En effet, pour éviter de filtrer un moût sensible à l’oxygène, ter la synthèse d’alcool supérieur. En brasserie, on applique un
on préférera éliminer les levures par décantation statique à froid. palier protéolytique qui génère suffisamment d’acides aminés utili-
sables par les levures.
■ La production d’alcool
L’alcool est défini comme un « métabolite primaire », ce qui • Les esters :
signifie qu’il fait partie du métabolisme de la levure ; ainsi, la Les esters formés lors de la fermentation sont les composants
quantité de sucres dégradés est corrélée avec la quantité d’éthanol aromatiques les plus importants. Ils apportent au produit fini la
produite. On peut donc établir un modèle mathématique entre la typicité mais peuvent également être à l’origine de défauts. On
quantité de levure et l’éthanol produit (§ 2.1.1). peut recenser environ une soixantaine d’esters formés pendant la
L’alcool est également un inhibiteur puisqu’il permet la fermentation, avec une moyenne de 1 g/l dans les vins contre
conservation de la boisson, de fait c’est un critère de choix pour 0,05 g/l en moyenne dans les bières. Seuls les esters les plus cou-
les levures utilisées, car la résistance à l’alcool est variable en rants sont repris dans le tableau 1.
fonction des espèces. Les esters sont obtenus par réaction entre un acide et un alcool
pour les boissons fermentées. On peut considérer deux principaux
■ La saturation en gaz carbonique ou prise de mousse
cas :
Pratiquée pour les méthodes traditionnelles des boissons effer-
– formation d’acétate d’alcools supérieurs (l’acide acétique issu
vescentes, une seconde fermentation est effectuée directement en
de l’oxydation de l’alcool réagit avec les alcools supérieurs pro-
bouteille (l’ajout de quelques grammes de sucre suffit à produire le
duits par les levures) ; les plus présents sont l’acétate d’éthyle,
CO2 nécessaire à la carbonatation du liquide). Lorsque la pression
l’acétate d’isoamyle. Les experts s’accordent à dire qu’en dessous
obtenue en bouteille est suffisante, on refroidit la boisson (la solu-
du seuil de perception, ces esters contribuent au profil aromatique
bilisation du gaz carbonique produit par fermentation est fonction
mais peuvent rapidement devenir un défaut en plus grande quan-
de la température). En général, cette opération s’effectue à basse
tité. L’acétate d’éthyle peut dénaturer le vin ou la bière par son
température (0 à 4 oC). Les techniques de prise de mousse sont
odeur caractéristique de verni. Dans la plupart des cas, ce défaut
décrites au paragraphe 3.2.
est imputable à un contaminant (levure indigène ou bactérie) qui
■ L’aromatisation produit une quantité plus importante d’acide acétique (précurseur
de l’acétate d’éthyle) ;
Le potentiel aromatique des levures est important. La palette
– formation d’esters éthyliques d’acides gras (les acides gras
aromatique des composés générés par les levures pendant la fer-
libérés par les levures réagissent avec l’alcool produit par fermen-
mentation alcoolique peut se décomposer en 5 principales familles
tation), les plus présents sont le butyrate d’éthyle, l’hexanoate
(tableau 1).
d’éthyle...
Nota : pour plus d’informations sur la fermentation alcoolique, le lecteur pourra
consulter l’article [F 3 500]. Les esters éthyliques d’acides gras sont les plus intéressants.
Ainsi, leur formation dépend de la régulation du métabolisme des
• Les cétones : lipides de la levure, l’aération très ménagée peut être favorable à
La principale molécule impliquée est le diacétyle. Il est faible- la formation de ces esters.
ment présent dans les vins (quelques mg/l pour un seuil de per-
ception de l’ordre de 5 mg/l), car le diacétyle est consommé • Les aldéhydes :
principalement par les bactéries lactiques pendant la fermentation Recherché dans les vins de voile, l’éthanal (acétaldéhyde)
malolactique (cf. § 1.2.3.8 de [F 3 500]). marque pourtant les vins par un goût d’évent.

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Tableau 1 – Principaux composés aromatiques synthétisés par les levures (d’après [1] [2] [3])

Composés Molécule impliquée et Teneur Teneur Caractéristiques Facteurs favorisant leur synthèse
aromatiques seuil de perception (1) dans les dans les aromatiques
vins bières
(mg/l) (mg/l)

Cétones Diacétyle <3 0,1 Beurre, crème Aération du moût en fin de fermentation
0,1-0,15-5 mg/l Diminution du pH
Effet souche

Acétoïne 5 3 Fruit sec Réduction du diacétyle pendant la


8-20 mg/l maturation :
– augmentation de la température
– quantité de levures résiduelles
Potentiel redox
(réduction du moût)

Alcools 2-méthyl propanol 10- 50-150 5-20 Alcool Fermentation à haute température
supérieurs (200) mg/l Aération du moût
Faible quantité d’acides aminés

2-méthyl butan-2-ol 30-300 10-20 Alcool-éther


10-(65) mg/l

3-méthyl butanol 80-300 35-70 Fruit (banane)


30-(70) mg/l

2-phényl éthanol 10-100 10-50 Floral (rose)


28-(125) mg/l

Esters Acétate d’éthyle 30 5-30 Verni Augmentation du taux de sucres


25-30 mg/l fermentescibles
Fermentation à haute température
Aération du moût
Fermentation sans pression

Acétate d’isoamyle 25 0,5-25 Banane


1-1,6 mg/l

Butyrate d’éthyle <2 0,3 Fruit exotique


0,4 mg/l

Hexanoate d’éthyle <2 0,1-0,3 Fruit/pomme


0,1-0,3 mg/l

Aldéhydes Éthanal 20-600 < 10 Évent, noix verte Fermentation rapide


Taux d’ensemencement élevés
Fermentation alcoolique sous pression
Augmentation progressive
de la température de fermentation

Composés Thioalcools 0-10–3 – Agrume/buis Effet souche


soufrés De l’ordre du mg/l

(1) Seuils de perception obtenus sur de la bière [4].


En gras figure le seuil de perception obtenu sur du vin.

antioxydant du SO2 est alors limité, le moût reste donc exposé au ris-
L’éthanal est un composé intermédiaire de la fermentation que d’oxydation et de développement de contaminants bactériens ;
alcoolique. Il est réduit en acceptant des moles d’électrons
– il peut se combiner avec certains polyphénols générant des
issues du métabolisme des levures.
polymères avec, comme conséquence, une modification de la cou-
leur des vins.
L’éthanal réduit devient de l’éthanol. Très réactif, l’éthanal peut En brasserie, la production d’éthanal est beaucoup plus faible. Il
subir deux réactions possibles en œnologie : est essentiellement libéré en début de fermentation à hauteur de
– il peut se combiner avec le dioxyde de souffre (SO2), ce qui impli- 50 mg/l environ. L’éthanal est éliminé en fin de fermentation alcoo-
que une diminution du taux de SO2 libre. L’effet conservateur et lique et pendant la garde.

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• Les composés soufrés :


Les thiols (SH) volatils sont très odorants et sont produits par les Levures ensemencées Levures indigènes
levures ; ils sont peu rencontrés en brasserie car la quantité de
précurseurs est faible dans les céréales. En revanche, les
composés soufrés volatils ont été largement étudiés en œnologie
et peuvent expliquer la typicité aromatique de certains cépages (la
formation d’une mercaptocétone pendant la fermentation de jus
de raisin issu de cépage sauvignon). Le métabolisme de la levure
permet de rendre perceptible certains précurseurs d’arôme pré-
sents dans différents cépages.
Les conduites de fermentation sont généralement différentes
d’un batch à l’autre et l’on peut constater, ainsi, des différences
organoleptiques principalement liées : Figure 1 – Levures de voile sur vin jaune – observation en constraste
– à la cinétique fermentaire, soit à l’ensemble des paramètres de phase X400 sur cellule hématimétrique
associés (température, fermentation sous pression, taux de sucre...) ; (laboratoire de biotechnologie Enilbio de Poligny)
– au niveau de l’oxygénation ménagée des moûts (l’oxygène
intervenant directement sur les régulations du métabolisme de la
levure).
Pour mieux comprendre l’influence et la gestion de ces para- Encadré 1 – Protocole de sélection
mètres le lecteur pourra se référer au paragraphe 2.
– Prélèvement
– Repiquage sur milieu sélectif
1.2 Utilisation du vivant
– Isolement/identification
dans les boissons fermentées
– Évaluation des critères de sélection (production d’alcool,
Les pratiques concernant l’ensemencement dépendent de la éthanal...)
filière. Lorsque le moût est traité thermiquement avant fermenta- – Évaluation de la sensibilité de la souche aux traitements
tion (comme c’est le cas en brasserie), il faut alors initier la de production et conservation (filtration, congélation,
fermentation en utilisant des levures commerciales. L’ensemence- séchage)
ment est donc systématique en brasserie (à l’exception des lam-
bics), ce qui permet au brasseur de minimiser les risques de
Les facteurs de sélection des levures vis-à-vis d’un milieu sont
contamination et d’assurer une répétabilité des profils aromati-
généralement : la température, le pH, l’oxygénation, la teneur en
ques développés par la souche. L’utilisation de levures
soufre et l’alcool ; ainsi on peut imaginer, dans le cas d’une fer-
commerciales permet également de jouer sur la quantité ensemen-
mentation spontanée, qu’un écosystème biologique complexe se
cée, paramètre important sur la cinétique fermentaire.
forme, avec un développement successif de différentes souches en
En œnologie, les pratiques peuvent différer pour mettre en avant fonction de l’évolution biochimique du milieu. On remarquera
l’expression d’un écosystème biologique naturel. Il existe deux dans un système de coculture, même symbiotique, qu’une souche
pratiques principalement rencontrées en œnologie concernant devient à terme dominante.
l’utilisation des levures :
Tandis que la succession des différentes souches s’opère naturel-
– les levures sont ensemencées. Dans ce cas, on choisit une lement pour une fermentation spontanée (selon des mécanismes
levure sur des critères spécifiques. Toutefois, son implantation complexes), elle est rendue délicate lorsque la souche est ense-
dépend de la flore indigène présente, du taux d’ensemencement et mencée. Une souche ensemencée doit s’acclimater au milieu et ne
de la nature du moût primitif. Dans ce cas, on privilégie une doit pas être mise en compétition avec les autres souches déjà pré-
espèce donnée ; sentes dans le milieu.
– les levures responsables de la fermentation sont indigènes
(proviennent de la baie de raisin ou de la cave). Dans ce cas, la Il est donc indispensable d’acclimater les levures commerciales
notion de « terroir » est valorisée. Toutefois, le vigneron ne connaît (préparation d’un levain) et d’éliminer les levures présentes par fil-
pas la composition de sa flore ni leurs aptitudes technologiques tration ou décantation.
avec, comme conséquence, un risque potentiel de contamination Même dans le cas d’un ensemencement, il peut y avoir des
ou d’arrêt de fermentation prématuré. levures indigènes, généralement en minorité ou faiblement
L’intérêt d’utiliser des levures indigènes est grandissant car elles actives ; leur présence peut modifier la fermentation.
peuvent permettre d’accroître la typicité du produit. Les souches Il apparaît intéressant de pouvoir mettre en collection une
indigènes sont fragiles et généralement en faible nombre. Par souche indigène qui présente des caractéristiques aromatiques ou
ailleurs, leur présence est notamment associée aux conditions fermentaires intéressantes. Pour cela, elle devra faire l’objet d’une
climatiques ; ce qui signifie que la composition de l’écosystème étude plus poussée sur sa robustesse. Le protocole de sélection
biologique est variable chaque année. L’intérêt de mettre en collec- (encadré 1) montre toute la difficulté d’une mise en collection, car
tion des souches indigènes spécifiques est de pouvoir assurer leur toutes les levures n’ont pas des rendements de production qui per-
propagation, notamment par une mise en culture, et de pouvoir les mettent leur industrialisation (pertes lors du séchage ou de la
utiliser sur plusieurs campagnes. congélation même avec l’utilisation de cryoprotecteurs).
La figure 1 montre la différence observée sur la morphologie et En œnologie, on détermine un certain nombre de critères relatifs
l’activité (bourgeonnement) des levures constituant le voile d’un à la fermentation de la levure ; l’ITV (Centre technique de la vigne
vin jaune. Les levures ensemencées ont fait l’objet d’une sélection et du vin) a dressé des profils permettant de caractériser les diffé-
et sont parfaitement adaptées à la croissance en milieu relative- rentes souches testées. Un exemple pratique de ces critères figure
ment hostile (vin jaune 14 % d’éthanol, pH voisin de 3,1), tandis dans le tableau 2.
que les levures indigènes, qui n’ont fait l’objet d’aucune sélection,
peuvent présenter des problèmes d’implantation dans le milieu. En brasserie, les principaux critères de sélection sont :
Les levures sélectionnées sont souvent plus robustes que les – la résistance à l’alcool ;
levures indigènes. – la teneur en sucres résiduels après fermentation ;

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Tableau 2 – Choix et emploi des micro-organismes en œnologie (d’après ITV France)

Critère de sélection Description Valeurs moyennes

Production d’écume Hauteur d’écumes définie à partir d’une référence 50 à 75 % de la valeur de référence

Temps de latence Mesure du CO2 dégagé à J + 3 10 à 15 g de CO2 dégagé

Cinétique fermentaire Mesure du CO2 dégagé à J + 10 30 g de CO2 dégagé

Ce rendement est déterminé par la quantité


Rendement sucre/alcool 16,4 %
de sucres consommés/alcool produit

Sucres résiduels Sucres résiduels déterminés à J + 40 2 g/l

Acide malique dégradé Mesure de la quantité d’acide malique dégradé 15 à 30 % d’acide malique dégradé

Production d’acidité volatile Acidité volatile mesurée en équivalent H2SO4 0,2 à 0,35 g/l éq H2SO4

Production de SO2 Mesure du SO2 20 à 40 mg/l

Production d’acide pyruvique Mesure de l’acide pyruvique 5 à 15 mg/l

Production de glycérol Mesure du glycérol 4 à 6 g/l

Pouvoir alcoogène Mesure du pouvoir alcoogène sur un milieu à 272 g/l de sucres réducteurs (potentiel alcool de 16 o)

Production d’éthanal Mesure d’éthanal 30 à 50 mg/l

– les levures de fermentation haute ou basse température ;


– l’aptitude à la décantation (critère recherché pour les brasse-
Alcool (%)

ries qui réalisent des refermentations en bouteille ou qui éliminent


leurs levures par décantation pendant la garde à 4 oC) ; 20
– les profils aromatiques. Vins doux
18

16
1.3 Orientations en fermentation 14
Vins de voile Vins moelleux
Vins demi-secs
12 Vins secs
1.3.1 Univers des boissons fermentées Vins effervescents
10
Les boissons fermentées (vins, cidres, bières) font partie des
boissons alcoolisées car elles ont toutes un taux d’alcool supérieur 8
à 1,2 % (vol/vol). Ce sont surtout les appellations qui fixent le Bières
degré d’alcool de la boisson ainsi que les caractéristiques techno- 6
logiques (teneur en CO2). 4
Cidres bruts
L’univers des boissons fermentées est présenté sur la figure 2. Cidres doux
On constate globalement trois catégories : 2

– les cidres et bières dont le titre alcoolique reste faible (aux 0


environs de 5 %). Cette catégorie pose le problème de sa stabilité 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50
dans le temps puisqu’elle n’est pas protégée par l’alcool. Cette
gamme de produit est effervescente avec une teneur moyenne de Sucres résiduels (%)
5 g/l de CO2 dissous dans le liquide ;
– les vins dont le titre alcoolique (12-14 %) permet une Figure 2 – Panorama des boissons fermentées
conservation naturelle du produit. Cette catégorie pose le pro-
blème de l’alcoolémie. Une orientation possible serait de stabiliser
naturellement la boisson à un titre plus faible (10 %) ;
Il semble exister une trilogie (sucres résiduels/alcool/acidité).
– les vins moelleux et vins doux. S’agissant d’une niche écono-
Cette trilogie paraît fluctuer en fonction du type de stabilisation
mique, la catégorie des vins moelleux peut rencontrer toutefois des
souhaitée pour le produit. Lorsque le taux de sucres résiduels est
risques de refermentation liés au taux de sucres résiduels élevés.
faible, on cherche à compenser l’équilibre sensoriel par de l’aci-
L’analyse de la figure 3 révèle une disparité intéressante sur dité. Pour les vins moelleux, la teneur en sucres résiduels élevée
l’équilibre alcool/sucres résiduels, la catégorie des bières étant la est stabilisée par une augmentation du taux d’alcool...
plus équilibrée. Ce qui signifie qu’un autre paramètre important
vient compléter le profil sensoriel des vins. Il s’agit de l’acidité. Un Les cidres échappent à la trilogie en proposant deux catégories
vin admet une acidité totale supérieure à 2,29 g/l équivalent H2SO4 de produits ayant des acidités similaires dont la teneur en alcool
pour un pH voisin de 3,4, tandis qu’une bière a une acidité totale est équilibrée avec les sucres pour les cidres bruts, mais déséquili-
d’environ 0,5 g/l équivalent H2SO4 pour un pH voisin de 5. brée pour les cidres doux (figure 4).

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Réacteurs enzymatiques
et fermenteurs

par Jean-Pierre RIBA


Professeur à l’Institut National Polytechnique de Toulouse (INPT)
École Nationale Supérieure d’Ingénieurs de Génie Chimique (ENSIGC)

1. Généralités.................................................................................................. F 3 600 - 4
1.1 Principes de choix et de dimensionnement ............................................... — 4
1.2 Principaux types de bioréacteurs................................................................ — 4

2. Hydrodynamique et performances de transfert............................... — 5


2.1 Cuves mécaniquement agitées ................................................................... — 5
2.2 Cuves mécaniquement agitées aérées ....................................................... — 6
2.3 Colonnes à bulles ......................................................................................... — 7
2.4 Réacteurs airlifts ........................................................................................... — 9
2.5 Réacteurs à lit fixe ou fluidisé ..................................................................... — 10

3. Couplages entre réactions biochimiques et transfert de


matière......................................................................................................... — 11
3.1 Cinétiques des réactions enzymatiques ..................................................... — 11
3.2 Rendements et cinétiques des réactions de croissance
cellulaire et de production ........................................................................... — 13
3.3 Couplage entre réaction biochimique et transfert
de matière liquide-solide ............................................................................. — 14
3.4 Couplage entre réaction biochimique et diffusion
à l’intérieur d’un support solide poreux. .................................................... — 15
3.5 Couplage entre réaction biologique et transfert
de matière gaz-liquide.................................................................................. — 16

4. Exemples ..................................................................................................... — 17
4.1 Réacteur enzymatique.................................................................................. — 17
4.2 Production de levure de boulangerie ......................................................... — 20

Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. F 3 600

L es procédés de préparation de plusieurs produits alimentaires de grande


consommation comportent au moins une étape mettant en jeu des micro-
organismes ou des enzymes :
— lorsque cette étape fait appel à des micro-organismes qui se développent
en consommant une partie d’un réactif appelé substrat et en transformant l’autre
en divers produits, le réacteur employé est un fermenteur ;
— si cette étape est une réaction biochimique catalysée par des enzymes
transformant un substrat en produit, elle est réalisée dans un réacteur enzyma-
tique.
Il est courant de faire une distinction entre fermenteurs et réacteurs enzymati-
ques, car les premiers mettent en jeu de la matière vivante et doivent souvent
fonctionner en conditions stériles.
Parution : juin 1998

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RÉACTEURS ENZYMATIQUES ET FERMENTEURS _____________________________________________________________________________________________

Les technologies de construction de ces deux types de réacteurs sont donc dif-
férentes ; en effet, les fermenteurs nécessitent l’emploi de matériaux résistant à
la stérilisation par la chaleur et doivent être absolument étanches.
Cette distinction technologique masque, cependant, la similitude des phéno-
mènes mis en jeu dans les réacteurs enzymatiques et les fermenteurs.
L’objectif de cet article est de présenter, d’un point de vue général, les diffé-
rents types de fermenteurs et de réacteurs enzymatiques, leurs principes de
conception et leurs modes d’utilisation.

Notations et symboles
Symbole Unité Définition Symbole Unité Définition

A m2 aire de section droite de colonne ou de k¢ s-1 constante de vitesse


cuve
a m2/m3 aire spécifique volumique d’échange KI mol/m3 constante d’inhibition
a¢ m2/kg aire spécifique massique du solide k, m/s coefficient de transfert de matière

Ad m2 aire de section droite de la partie k, a s-1 coefficient volumique de transfert de


descendante d’un réacteur airlift matière, par unité de volume de liquide

Ar m2 aire de section droite de la partie montante k, aD s-1 coefficient volumique de transfert de


d’un réacteur airlift matière, par unité de volume de dispersion

cp J · kg-1 · K-1 capacité thermique massique d’un liquide KM mol/m3 constante de Monod

D m2/s coefficient de diffusion Km mol/m3 constante de Michaelis et Menten

Da nombre de Damköhler KS mol/m3 constante d’inhibition par le substrat

da m diamètre de l’agitateur L m épaisseur

db m diamètre de bulle M kg masse de biocatalyseur

dc m diamètre de cuve ou de colonne m exposant

D eff m2/s coefficient de diffusion effectif en phase mS s-1 coefficient de maintenance


solide
Di s-1 taux de dilution N s-1 vitesse de rotation
(en tours par seconde)
dp m diamètre de particules solides Na nombre d’aération

E, m2/s coefficient de dispersion axiale, phase Np nombre de puissance


liquide
Es m2/s coefficient de dispersion axiale, phase n exposant
solide dispersée
Fr nombre de Froude np nombre de pales d’une turbine

G m3/s débit volumique de gaz [O2] kg/m3 concentration en oxygène dissous

g m/s2 accélération de la pesanteur [ O 2* ] kg/m3 concentration saturante en oxygène


dissous
H m hauteur P W puissance mécanique en cuve agitée

h W · m-2 · K-1 coefficient de transfert thermique Pg W puissance mécanique en cuve agitée aérée

h, m hauteur de liquide clair [P ] mol/m3 ou concentration en produit


kg/m3
[I] mol/m3 concentration en inhibiteur Q m3/s débit liquide

K indice de consistance R m rayon de la particule

k W· m-1 · K-1 conductivité thermique d’un liquide Re nombre de Reynolds

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_____________________________________________________________________________________________ RÉACTEURS ENZYMATIQUES ET FERMENTEURS

Notations et symboles
Symbole Unité Définition Symbole Unité Définition

rP kg · m-3 · s-1 vitesse de formation de produit Y P¢ ¤ S kg/kg rendement « vrai » du produit


par rapport au substrat
rS kg · m-3 · s-1 vitesse de consommation de substrat Y X¢ ¤ S kg/kg rendement « vrai » de la biomasse par
rapport au substrat

rX kg · m-3 · s-1 vitesse de formation de biomasse YP/S kg/kg rendement du produit par rapport
au substrat
S concentration adimensionnelle YX/S kg/kg rendement de la biomasse
en substrat par rapport au substrat

[S ] mol/m3 ou concentration en substrat a constante de Luedeking et Piret


kg/m3

[So] mol/m3 ou concentration en substrat à l’entrée d’un b s-1 constante de Luedeking et Piret
kg/m3 bioréacteur

[Ss] mol/m3 ou concentration en substrat à la sortie d’un DP Pa perte de charge


kg/m3 bioréacteur

[S i] mol/m3 ou concentration en substrat à la surface de eg rétention de gaz


kg/m3 biocatalyseur

tM s temps de mélange egd rétention de gaz dans la partie


descendante d’un réacteur airlift

Ug m/s vitesse superficielle de gaz (G/A) egr rétention de gaz dans la partie montante
d’un réacteur airlift

Ugr m/s vitesse superficielle de gaz dans la partie e, rétention de liquide


montante d’un réacteur airlift

U, m/s vitesse superficielle de liquide F module de Thiele (vitesse observée)

U ,mf m/s vitesse minimale de fluidisation f module de Thiele

U ,r m/s vitesse superficielle de liquide dans la g s-1 gradient de vitesse


partie montante d’un réacteur airlift

v mol · m-3 · s-1 vitesse de réaction enzymatique par unité he facteur d’efficacité (transfert externe)
de volume de phase liquide

v¢ mol · kg-1 · s-1 vitesse de réaction enzymatique par unité hi facteur d’efficacité (transfert interne)
de masse de phase solide

v² mol · m-3 · s-1 vitesse de réaction enzymatique par unité m s-1 taux de croissance
de volume de phase solide
²
vm mol · m-3 · s-1 vitesse maximale de réaction enzymatique m eff Pa · s viscosité effective d’un liquide non
par unité de volume de phase solide newtonien
¢
vm mol · kg-1 · s-1 vitesse maximale de réaction enzymatique m, Pa · s viscosité d’un liquide
par unité de masse de phase solide

V, m3 volume d’une phase liquide mmax s-1 taux de croissance maximal

vm mol · m-3 · s-1 vitesse maximale de réaction enzymatique r, kg/m3 masse volumique d’un liquide
par unité de volume de phase liquide

[Xo] mol/m3 ou concentration initiale en biomasse rs kg/m3 masse volumique d’un solide
kg/m3

[X] mol/m3 ou concentration en biomasse s N/m tension superficielle


kg/m3

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RÉACTEURS ENZYMATIQUES ET FERMENTEURS _____________________________________________________________________________________________

soluble dans les milieux de fermentation (8 mg/L à 25 oC dans l’eau)


1. Généralités est alors le substrat limitant.
La vitesse globale de formation des micro-organismes est la
résultante du couplage entre leur vitesse propre de croissance et la
1.1 Principes de choix vitesse de transfert de l’oxygène de la phase gaz dispersée vers le
et de dimensionnement milieu de fermentation. La puissance mécanique consommée sert à
la fois à mélanger la phase liquide et à générer une aire interfaciale
importante entre les bulles de gaz et le milieu de fermentation.
■ Le choix du type de bioréacteur à utiliser dépend du nombre de
phases à mettre en présence pour effectuer la bioréaction : une
seule phase liquide ou une phase gaz dispersée dans une phase 1.2.3 Colonne à bulles et réacteur airlift
liquide (cas de cultures aérobies) ou encore une phase solide disper-
sée dans une phase liquide (cas, par exemple, d’enzymes immobili-
sées). ■ La colonne à bulles est un réacteur également utilisé pour la pro-
duction de micro-organismes en aérobiose. Les bulles d’air injec-
Il convient de remarquer que les micro-organismes ayant une tées à la base de la colonne apportent l’oxygène aux micro-
taille inférieure à 20 mm et une masse volumique très proche de organismes et mélangent la phase liquide au cours de leur mouve-
celle des milieux de culture, on assimile les suspensions de micro- ment ascendant. Comme pour la cuve mécaniquement agitée aérée
organismes dans les milieux de culture à une phase liquide pseudo- (§ 1.2.2), la vitesse globale de formation des micro-organismes est la
homogène. Bien sûr cette hypothèse n’est plus valable si les micro- résultante du couplage entre leur vitesse propre de croissance et la
organismes tendent à s’agglomérer pour former des flocs (levures) vitesse de transfert de l’oxygène de la phase gaz dispersée vers le
ou des pelotes (champignons filamenteux). milieu de fermentation.
■ Le choix du type de bioréacteur effectué, son dimensionnement Comparativement à la cuve mécaniquement agitée aérée, la
et son mode de conduite reposent sur la connaissance des vites- colonne à bulles ne comporte pas de pièces en mouvement et ne
ses des réactions biochimiques ou biologiques et de leur couplage consomme pas de puissance mécanique d’agitation. Sa fiabilité est
avec les vitesses de transfert de substrats, lorsque ceux-ci se trou- plus grande et son coût en investissement et en fonctionnement
vent dans une autre phase. plus faible. Par contre, ses performances de transfert d’oxygène
Une présentation générale et rapide des principaux bioréacteurs sont nettement moins bonnes, car aucun effet mécanique ne vient
est nécessaire. s’opposer à la coalescence des bulles de gaz, phénomène qui dimi-
nue l’aire interfaciale entre les bulles de gaz et le milieu de fermen-
tation.
1.2 Principaux types de bioréacteurs La colonne à bulles est aussi employée lors des fermentations
anaérobies, l’agitation pneumatique étant alors réalisée par les bul-
les de gaz carbonique dégagées in situ pendant la fermentation ; on
Comparativement aux réactions chimiques, les bioréactions peut citer, à titre d’exemple, les cuves de vinification.
s’effectuent toujours dans un solvant, l’eau, et les concentrations en
substrats et produits, ainsi que les vitesses de réaction, sont faibles. ■ Le réacteur airlift est un appareil dérivé de la colonne à bulles et
Pour obtenir des productions convenables, il est donc nécessaire de est utilisé pour les seules cultures aérobies.
recourir à des volumes réactionnels et des temps de séjour
importants ; par exemple, en brasserie, la fermentation principale
s’effectue dans des cuves pouvant atteindre 600 m3 et dure de 5 à 1.2.4 Réacteurs à couche fixe et couche fluidisée
10 jours.
Les principaux appareils utilisés pour effectuer des bioréactions L’usage d’enzymes en solution entraîne leur perte après réaction,
sont les cuves mécaniquement agitées, aérées ou non, les colonnes puisqu’il est impossible de les extraire du milieu réactionnel.
à bulles et les airlifts et, enfin, les réacteurs à lit fixe ou fluidisé. L’immobilisation d’enzymes à la surface ou à l’intérieur d’un support
solide est une technique permettant de les séparer facilement du
1.2.1 Cuve mécaniquement agitée milieu réactionnel liquide et donc de les réutiliser.
Les réacteurs à enzymes immobilisées sont exclusivement des
La cuve mécaniquement agitée est le réacteur choisi lorsque tous colonnes percolées par le liquide, à couche fixe ou couche fluidisée
les acteurs de la bioréaction (substrats, enzymes, micro-organis- de particules solides. En effet, le recours à une cuve mécaniquement
mes) sont dans une phase liquide unique. Sous réserve d’une agita- agitée est à proscrire, car on peut difficilement dépasser un taux de
tion suffisante pour que la phase liquide soit parfaitement solide de 10 % dans un tel appareil, alors que ce taux est de l’ordre
mélangée, le seul phénomène à prendre en compte dans le dimen- de 60 % dans une colonne garnie de particules solides sphériques.
sionnement et la conduite du bioréacteur est la vitesse de la bioréac- D’autre part, dans une cuve agitée, les chocs de particules solides
tion. sur le mobile d’agitation peuvent entraîner leur destruction.
La cuve agitée est employée pour effectuer des réactions enzyma- La vitesse globale de la réaction enzymatique est ici la résultante
tiques avec des enzymes en solution ou encore des fermentations du couplage entre la vitesse de transfert du substrat du cœur de la
anaérobies. Dans ce dernier cas, le gaz carbonique produit se phase liquide à l’interface des particules solides, la vitesse de diffu-
désorbe du milieu de culture sous forme de bulles, mais sa concen- sion du substrat à l’intérieur des particules et la vitesse intrinsèque
tration en phase liquide, constante et donnée par la loi de Henry, de la bioréaction. Ces trois vitesses sont heureusement rarement
n’intervient pas, en général, dans l’expression de la vitesse de crois- toutes les trois du même ordre de grandeur.
sance du micro-organisme.
Le choix entre couche fixe ou couche fluidisée dépend du carac-
tère colmatant des solutions à traiter et de la taille des particules
1.2.2 Cuve mécaniquement agitée aérée solides. La fluidisation permet de s’affranchir des risques de colma-
tage, mais les performances de transfert de matière liquide-solide
La cuve mécaniquement agitée aérée est utilisée pour la produc- d’une couche fluidisée sont plus limitées que celles d’une couche
tion de micro-organismes en aérobiose. L’oxygène qui est très peu fixe.

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F3600

_____________________________________________________________________________________________ RÉACTEURS ENZYMATIQUES ET FERMENTEURS

Np 100
dc
5
10
Chicane 2
10 Turbine
5

2
1
Hélice marine
h l = dc 5

2
0,1
dc dc 1 2 5 10 2 5 102 2 5 103 2 5 104 2 5 105 2 5 106
da = Re
3 3
Figure 2 – Influence du nombre de Reynolds sur le nombre
dc de puissance

Figure 1 – Cuve mécaniquement agitée standard


Pour des nombres de Reynolds inférieurs à 10, le régime d’écou-
lement est laminaire, l’amplitude du régime intermédiaire dépend
du mobile d’agitation, mais, au-dessus d’un nombre de Reynolds de
2. Hydrodynamique 10 000, le régime est turbulent quel que soit le mobile.
et performances ■ La puissance mécanique P (W) consommée se calcule par l’inter-
de transfert médiaire du nombre de puissance qui représente le rapport entre les
forces externes et les forces d’inertie :

P
Np = ----------------------
2.1 Cuves mécaniquement agitées rœ N 3 d a5

2.1.1 Cuves et mobiles d’agitation Pour les cuves chicanées, cas envisagé ici, il n’y a pas formation
de vortex et le nombre de puissance dépend seulement du nombre
On trouve, dans la pratique industrielle, de nombreuses formes de Reynolds (figure 2).
de cuves et de mobiles d’agitation. En régime laminaire, le produit Np Re est constant ; en régime tur-
Depuis 1950, une configuration standard de cuve ayant le mérite bulent, c’est le nombre de puissance qui est constant : Np = 6 pour
d’assurer une bonne homogénéité de la phase liquide est recom- la turbine et 0,4 pour l’hélice marine. L’hélice marine consomme
mandée (figure 1). Le rôle des chicanes est d’éviter la formation donc moins de puissance que la turbine.
d’un vortex autour de l’axe du mobile d’agitation. D’autre part, il convient de remarquer que, si le liquide est de
Les mobiles d’agitation, dont le seul rôle est de mélanger la phase l’eau, le régime sera pratiquement toujours turbulent.
liquide, peuvent être classés en deux catégories : les mobiles Exemple : dans une cuve standard de 1 m de diamètre (dc = 1 m,
cisaillants et les mobiles non cisaillants. da = 0,33 m), le régime turbulent est atteint à partir d’une vitesse de
Nous considérerons ici le mobile le plus représentatif de chaque rotation de 6 tr/min.
catégorie :
— la turbine à six pales plates, dite turbine Rushton (cisaillant) ;
Les fonctions Np = f (Re), représentées sur la figure 2, peuvent
le mouvement généré par cette turbine est radial, puis axial lorsque
être étendues à l’estimation de la puissance consommée
le liquide rencontre la paroi de la cuve, le cisaillement créé par la tur-
quand le liquide est non newtonien pseudo-plastique (loi
bine accroît la turbulence et donc le mélange du liquide ;
rhéologique : t = K g n, avec t (Pa) contrainte tangentielle et g
— l’hélice marine (non cisaillant) ; elle génère un mouvement (s-1) gradient de vitesse), en prenant pour nouvelle définition du
axial du liquide. nombre de Reynolds :

2.1.2 Régimes hydrodynamiques. d a2 N ( 2 Ð n ) r œ æ n ö n


Re = --------------------------------------
- è -----------------ø
Puissance consommée 0,1 K 6n + 2
avec n indice de comportement,
■ Le mouvement d’un liquide newtonien dans une cuve agitée est
caractérisé par le nombre de Reynolds qui représente le rapport K indice de consistance.
entre les forces d’inertie et de viscosité :
d a2 N rœ
Re = ----------------------- 2.1.3 Temps de mélange

avec da (m) diamètre de l’agitateur, Le temps de mélange tM est le temps nécessaire pour rendre la
N (tr/s) vitesse de rotation, phase liquide homogène en concentration à la suite d’une perturba-
tion, par exemple l’introduction d‘un réactif. La mesure de cette
r œ (kg/m3) masse volumique du liquide, grandeur est délicate car elle dépend de la définition du critère
m œ (Pa · s) viscosité du liquide. d’homogénéité.

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Transformation des produits


alimentaires par les enzymes

par Guy LINDEN


Docteur ès sciences
Professeur à l’université Henri-Poincaré (Nancy 1)

1. Maîtrise et amélioration des propriétés technofonctionnelles ... F 3 700 - 2


1.1 Maîtrise des qualités organoleptiques des aliments................................. — 2
1.2 Amélioration de propriétés technofonctionnelles ..................................... — 3
1.2.1 Enzymes de dépolymérisation ........................................................... — 4
1.2.2 Enzymes de polymérisation ............................................................... — 4
1.2.3 Oxydoréductases................................................................................. — 4
1.2.4 Enzymes de modification de chaînes latérales
de macromolécules ............................................................................. — 4
1.3 Applications dans les filières agroalimentaires ......................................... — 5
1.3.1 Filière laitière ....................................................................................... — 5
1.3.2 Produits carnés .................................................................................... — 5
1.3.3 Produits de la mer ............................................................................... — 6
1.3.4 Industries végétales ............................................................................ — 7
2. Biodisponibilité et acceptabilité des aliments ................................. — 8
2.1 Hydrolyse du lactose.................................................................................... — 8
2.2 Digestibilité des lipides ................................................................................ — 8
2.3 Réduction de l’allergénicité des protéines et préparation d’hydrolysats — 9
3. Maîtrise de la qualité hygiénique......................................................... — 9
3.1 Action bactériostatique et bactéricide ........................................................ — 9
3.2 Destruction de constituants bactériostatiques........................................... — 10
4. Utilisation des enzymes dans l’industrie des PAI ........................... — 10
4.1 Utilisation dans les procédés d’extraction ................................................. — 10
4.1.1 Procédés de solubilisation.................................................................. — 10
4.1.2 Procédés de précipitation ................................................................... — 11
4.2 Utilisation pour la production de molécules sapides ou odorantes ........ — 11
4.2.1 Utilisation des hydrolases .................................................................. — 11
4.2.2 Utilisation des oxydases ..................................................................... — 11
4.2.3 Enzymes catalysant des synthèses .................................................... — 11
4.2.4 Enzymes de réaction d’isomérisation................................................ — 11
4.2.5 Conclusion ........................................................................................... — 11
5. Applications industrielles futures ....................................................... — 11
5.1 Activités déstructurantes ............................................................................ — 11
5.2 Activités structurantes ................................................................................. — 12
5.3 Activités synthétisantes ............................................................................... — 12
5.3.1 Molécules synthétisées par inversion de l’activité naturelle
de certaines enzymes.......................................................................... — 12
5.3.2 Mise en œuvre d’une chaîne d’enzymes ........................................... — 13
Références bibliographiques .......................................................................... — 13
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. F 3 700
Parution : septembre 1998

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TRANSFORMATION DES PRODUITS ALIMENTAIRES PAR LES ENZYMES ___________________________________________________________________________

remier secteur industriel où l’homme a exploité la catalyse enzymatique, le


P domaine agroalimentaire offre de multiples et diverses raisons d’utiliser les
enzymes. Elles sont essentiellement soit d’ordre technologique : accélération ou
régularisation de phénomènes enzymatiques, amélioration des qualités techno-
fonctionnelles du produit fabriqué, mise au point de produits nouveaux, valori-
sation de sous-produits, soit d’ordre économique : amélioration des conditions
de travail ou de la productivité, régularisation des prix sur le marché.

Les utilisations des enzymes dans le secteur agroalimentaire représentent près Vue d’ensemble sur les applications
de 65 % du chiffre d’affaires du marché des enzymes industrielles et seule une industrielles
quarantaine d’entre elles est utilisée dans cette industrie.
Selon une étude d’un cabinet conseil (Frost & Sullivan), le revenu total pour
les enzymes industrielles en Europe était estimé en 1995 à, au moins,
455 millions de dollars et devrait atteindre 906 millions de dollars en 2003. La
diminution des prix est la principale donnée qui affecte les marchés. Celle-ci est
imputable à l’augmentation de la production d’enzymes par ingénierie géné-
tique et devrait se poursuivre d’ici la fin du millénaire.
Les enzymes les plus importantes en termes de revenus sont encore les pro-
téases qui couvraient 34,4 % du marché en 1995 et, à l’horizon 2003, elles ris-
quent d’être détrônées par les lipases (38,5 % du marché prévu) qui sont suivies
par les glycosidases (30,5 %).
Les principaux acteurs économiques du développement industriel de ces cata-
lyseurs biologiques dans le secteur agro-industriel sont, d’une part, les transfor-
mateurs de la production agricole, d’autre part, les concepteurs et réalisateurs
de préparations enzymatiques utilisées à l’échelle industrielle. Les gros
consommateurs d’enzymes sont l’industrie des détergents, la fromagerie, l’ami-
donnerie et d’autres industries alimentaires d’origines végétales (secteurs des
boissons, boulangerie-pâtisserie, confiserie...).
L’industrie des enzymes qui se caractérise par un chiffre d’affaires assez
modeste, pèse peu sur l’évolution technologique des filières où l’on fait appel
à elle. Par contre, comme les principales sources d’enzymes à usage industriel
sont d’origine microbienne, elle a grandement contribué au développement des
industries de fermentation.
Étant donné, précisément, ces conditions de production, il reste à ces biocata-
lyseurs de nombreuses possibilités de développement : augmentation des ren-
dements de production, modification de leurs activités, de leurs spécificités ou
de leurs stabilités. Mais ce secteur industriel possède-t-il les moyens pour réali-
ser les travaux de recherche-développement propres à assurer aux enzymes le
futur brillant qu’on s’accorde généralement à leur reconnaître ?

1. Maîtrise et amélioration — soit en étant présentes naturellement dans les matières pre-
mières animales (lipase et protéase du lait et de la viande) ou végé-
des propriétés tales (protéase, oxydase et lipase dans les graines) ;
— soit en provenant de micro-organismes contaminants ou ajou-
technofonctionnelles tés sous forme de levain (amylase de levure, lipase et protéase de
champignon ou bactérie intervenant dans l’affinage des fromages) ;
ces micro-organismes produisent souvent plusieurs enzymes capa-
bles de catalyser une séquence de réactions (par exemple, c’est le
cas des préparations de souches aromatisantes) ;
1.1 Maîtrise des qualités organoleptiques — soit sous forme de préparation purifiée ajoutée à l’aliment ;
c’est le cas pour la chymosine, enzyme responsable de la coagula-
des aliments tion du lait, pour les pectinases, enzymes permettant de réduire la
viscosité des jus de fruits.
Beaucoup d’autres enzymes sont utilisées en technologie alimen-
Depuis longtemps les enzymes jouent un rôle important dans les taire pour modifier la texture (protéases, amylases...), l’arôme
caractéristiques des aliments. Elles agissent : (lipase) ou la saveur (protéase).

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__________________________________________________________________________ TRANSFORMATION DES PRODUITS ALIMENTAIRES PAR LES ENZYMES

Dans de nombreux cas, les modifications sensorielles engendrées 1.2 Amélioration de propriétés
par les enzymes sont indésirables soit par la simple présence des
produits de la réaction, soit par une quantité excessive de ceux-ci si technofonctionnelles
la réaction est trop prononcée. La maîtrise des propriétés sensoriel-
les passe nécessairement par l’inhibition de certaines activités (trai-
tement thermique de végétaux nécessaire pour détruire les Les enzymes sont utilisées pour maîtriser et/ou pour améliorer les
oxydases responsables de brunissement et de défauts de goût) ou propriétés technofonctionnelles des aliments. Dans le tableau 1
par des pratiques technologiques ne favorisant pas les activités sont résumés les effets principaux des activités enzymatiques sur
enzymatiques indésirables. les propriétés fonctionnelles des produits alimentaires.

Tableau 1 – Effets des activités enzymatiques sur les propriétés fonctionnelles [20]
Enzymes Ingrédients Effets sur les propriétés fonctionnelles

Hydrolyse des protéines


Protéases - endocellulaires Protéines de muscle (viande, poisson) Attendrissement, solubilisation
- exocellulaires microbiennes Préparation aromatique
Protéases - digestives Concentrés protéiques, lactosérum Solubilisation. Propriétés tensioactives accrues
- microbiennes Caséine native (micelles) Coagulation présure
- végétales Caséinates Propriétés tensioactives accrues
Globine du cruor Solubilisation et décoloration
Gluten Solubilisation. Propriétés tensioactives
Protéase en milieu peu hydraté ou avec cosol- Caséine, ovalbumine Réaction « plastéine » ® gélification
vant
Phosphatases (microbienne acide et alcaline) Caséine native Perte de structure compacte
Accroissement de la protéolyse (coagulation)
Phosphatase végétale Caséine Baisse de sensibilité au Ca++ et aux cations
Phosvitine divalents
Hydrolyse des glycannes
b-Galactosidase Lactose ® glucose + galactose Accroissement de la solubilité et du pouvoir
sucrant
Invertase Saccharose ® glucose + fructose Accroissement de la solubilité et du pouvoir
sucrant
a et b-Glucosidase Glycoprotéines du blanc d’œuf Diminution du pouvoir moussant
Amylases et enzymes débranchantes + Amidons (maïs, pomme de terre) Baisse de viscosité. Solubilisation ® sirops
® maltodextrines, glucose Pouvoir sucrant accru
a-Glucosidase Concentrés protéiques de légumineuses Élimination de l’amidon
(féverole) Élimination d’a-galactosides
Pectinases Pectines Déméthylation ® accroissement de la dépen-
Polyméthylestérases + dance de la gélification vis-à-vis du pH
Polygalacturonases microbiennes Hydrolyse de liaisons osidiques ® baisse
de viscosité
Hydrolyse des lipides
Lipases microbiennes Triacylglycérols en émulsion Libération de mono et diacylglycérols
tensioactifs
Libération d’acides gras volatils (arômes)
Triacylglycérols en cosolvant Estérification ® changement de point de fusion
Synthèse de triacylglycérols
Oxydoréductases
Glucose oxydase Blanc d’œuf (élimination du glucose) Poudre insensible aux réactions de Maillard
Acide linoléique Composés odorants (aldéhydes, lactones)
Concentrés protéiques contaminés Perte de solubilité
par lipides insaturés
Enzymes de synthèse
Phosphokinase Caséines et protéines diverses Gélification en présence de Ca++
Transglutaminase Protéines ® polymérisats Gélification
Cyclodextrineglucanotransférase Maltodextrines ® cyclodextrines Encapsulats de molécules hydrophobes

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TRANSFORMATION DES PRODUITS ALIMENTAIRES PAR LES ENZYMES ___________________________________________________________________________

1.2.1 Enzymes de dépolymérisation Cette réaction, mise en œuvre dans les cellules vivantes et dans
une étape terminale de la coagulation sanguine, peut conduire à
La protéolyse limitée permet en général : d’énormes édifices polypeptidiques qui sont aptes à fixer beaucoup
d’eau et à inclure des petites molécules. Selon le degré de réticula-
— une amélioration de la solubilité des protéines ; tion, on obtient un accroissement de la viscosité et même une géli-
— une diminution de la viscosité et de la fermeté de gels fication de solutions. C’est ainsi que les protéines de soja, de blé, les
protéiques ; caséines, la myosine sont utilisées pour former des films, des gels et
— un accroissement des propriétés tensioactives des protéines stabiliser des émulsions [12].
de masse moléculaire élevée pour des degrés d’hydrolyse faibles
mais, au contraire, une perte de la capacité stabilisante d’émulsion
pour des degrés d’hydrolyse élevés.
1.2.3 Oxydoréductases
L’hydrolyse limitée des glycannes (amidon, pectines...) a les effets
suivants : Ces enzymes ont fait l’objet de publications récentes [22], [29].
— baisse de rétention d’eau et de viscosité ; Elles jouent un rôle essentiel dans les industries de cuisson des
— baisse de fermeté des gels. céréales. La figure 1 représente précisément les principaux systè-
Quant à la lipolyse, elle permet, grâce à la libération d’acides gras, mes d’oxydoréduction intervenant en agroalimentaire. Leur action
d’améliorer les propriétés liantes et émulsifiantes des ingrédients peut se résumer en quelques lignes.
lipidiques. Par la production de radicaux libres, l’oxydation des lipides insa-
turés ou d’autres substrats oxydables (polyphénols, par exemple)
provoque généralement des réactions de polymérisation des protéi-
1.2.2 Enzymes de polymérisation nes (formation de ponts disulfure ou de ponts carbonylamine) avec
une perte de solubilité et d’une grande partie des propriétés ten-
La transglutaminase (E.C.2.3.2.13) a été utilisée pour former des sioactives.
ponts covalents entre groupes amides de l’aspargine et la glutamine
et groupe e lysyle :
1.2.4 Enzymes de modification de chaînes latérales
de macromolécules

C C C C Les pectineméthylestérases (E.C.3.1.1.11) associées aux pectina-


ses hydrolysent les fonctions esters des pectines dont elles modi-
Lys NH2 + NH2 CO Gln Lys NH CO Glu fient le degré de méthylation ; cette réaction aboutit en général à des
degrés de méthylation compris entre 10 et 30 % et modifient ainsi le
N N NH3 N N phénomène de gélification et les conditions optimales de pH et de
composition minérale (Ca++) qui y sont reliées.

Peroxydase
Acide férulique H2O2 Pentosane-pentosane
Sulfhydrile oxydase (pentosanes)
2 GSH GSSG + H2O2 Pentosane-protéine
Tyrosine
O2 (protéines) 1/2 O Protéine-protéine
2
Glucose Gluconolactone + H2O2 Polyphénoloxydase
Glucose oxydase

Polyphénoloxydase
Catalase OH OH O
2 H2O2 2 H2 O + O 2 OH O
Produits responsables
H2O2 + 2 AH 2 H2O + AA
du brunissement enzymatique
H2O2 + AH2 2 H2 O + A 1/2 O2 1/2 O2 H2O
Peroxydase R R R

Acide ascorbique
Acides gras Lipoxygénase
1/2 O2 AA oxydase Radicaux libres intermédiaires Hydroperoxydes
polyinsaturés
O2
DHA Composés Pigments
Acides gras Leucodérivés Produits responsables
2 GSH hématiniques
insaturés du rancissement
DHA reductase 2 PSH PSSP oxydatif
GSSG
PSSG GSH
AA : acide ascorbique P : protéine
DHA : acide déshydroascorbique SH : fonction thiol
G : glutathion SS : pont disulfure

Figure 1 – Schéma des principaux systèmes d’oxydoréduction intervenant en agroalimentaire [22]

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Microencapsulation de bactéries
probiotiques
par Jennifer BURGAIN
Ingénieur de recherche
Université de Lorraine, LIBio, Laboratoire d’ingénierie des biomolécules,
Vandœuvre-lès-Nancy, France
Joël SCHER
Professeur
Université de Lorraine, LIBio, Laboratoire d’ingénierie des biomolécules,
Vandœuvre-lès-Nancy, France
et Claire GAIANI
Professeur
Université de Lorraine, LIBio, Laboratoire d’ingénierie des biomolécules,
Vandœuvre-lès-Nancy, France

1. Liste des bactéries probiotiques....................................................... F 3 800 - 2


2. Procédés d’encapsulation................................................................... — 2
2.1 Définition et but de l’encapsulation......................................................... — 2
2.2 Atomisation ............................................................................................... — 3
2.3 Extrusion.................................................................................................... — 4
2.4 Émulsification............................................................................................ — 4
2.5 Enrobage.................................................................................................... — 5
2.6 Comparaison des techniques d’encapsulation....................................... — 6
3. Choix de la matrice d’encapsulation ............................................... — 2
3.1 Polysaccharides......................................................................................... — 7
3.2 Protéines .................................................................................................... — 8
4. Conclusion............................................................................................... — 8
5. Glossaire .................................................................................................. — 9
Pour en savoir plus ........................................................................................ Doc. F 3 800

e marché des aliments fonctionnels est en plein essor dans le monde


L entier, puisque les consommateurs s’orientent de plus en plus souvent
vers des aliments alliant goût et bénéfice santé. Pour répondre à cette forte
demande, des ingrédients bioactifs ont été ajoutés aux produits alimentaires
ou nutraceutiques.
En particulier, les bactéries probiotiques ont reçu un intérêt considérable et
leur incorporation dans des aliments est grandissante. Le challenge de ces ali-
ments fonctionnels est de préserver la fonctionnalité des bactéries présentes et
de s’assurer qu’elles atteindront le site de leur activité en quantité suffisante.
La microencapsulation est une technique de plus en plus utilisée pour assurer
la libération intestinale des micro-organismes, en prévenant leur détérioration,
en améliorant leur viabilité et, au final, en réduisant leur interaction avec les
composants de l’aliment dans lequel les probiotiques sont incorporés. De
nombreuses techniques d’encapsulation ont été développées par le passé,
mais seulement quelques-unes sont applicables à l’encapsulation de bactéries
probiotiques. De même, de nombreuses matrices d’encapsulation ont été utili-
sées pour protéger des composés bioactifs, mais seulement un nombre
restreint est compatible avec la survie des bactéries probiotiques. Le choix
stratégique de la méthode d’encapsulation et de la matrice doit permettre
d’atteindre les caractéristiques voulues pour les microparticules produites.
Dans cet article, la description des procédés d’encapsulation et des matrices
Parution : août 2016

compatibles est présentée dans le but de concevoir des systèmes optimaux


pour la vectorisation de bactéries probiotiques.

Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés F 3 800 – 1

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MICROENCAPSULATION DE BACTÉRIES PROBIOTIQUES ____________________________________________________________________________________

1. Liste des bactéries


probiotiques Substance
à protéger Substance
Matrice à protéger Matrice

Le terme probiotique dérive de deux mots grecs « pros » et


« bios » qui signifient littéralement « pour la vie ».

En 2002, les bactéries probiotiques ont été définies par la Enveloppe


FAO/WHO (Food and Agriculture Organization of the United
Nations ) comme étant des « micro-organismes vivants qui, a microsphère b microcapsule
lorsqu’ils sont administrés en quantités adéquates, exercent un
effet bénéfique sur la santé de l’hôte ».
Figure 1 – Différents types de microparticules obtenus à partir des
procédés d’encapsulation
D’un point de vue technologique, la souche probiotique doit
pouvoir être cultivée à grande échelle, elle doit survivre aux diffé-
rentes phases de préparation et de conservation et rester stable Des micro-organismes vivants peuvent ainsi être protégés grâce
jusqu’au moment de son utilisation. Du point de vue de sa fonc- à cette technique. Les conditions défavorables qui nécessitent une
tionnalité, la souche probiotique doit préserver ses effets béné- protection des cellules sont notamment les conditions gastriques
fiques sur la santé du consommateur. lors de la digestion, et le stress rencontré lors des procédés de
transformation des aliments (variations de température, pH, oxy-
Les probiotiques sont principalement des bactéries, mais on gène, entreposage...).
retrouve également une levure. Ils sont consommés depuis très
longtemps, notamment par le biais de produits laitiers. Le Certaines techniques de microencapsulation, plus adaptées à la
tableau 1 répertorie les bactéries lactiques ou non ayant une acti- protection des bactéries probiotiques, sont décrites dans la suite
vité probiotique. de cet article. Les matériaux d’encapsulation employés font appel
à des polymères naturels ou synthétiques qui ne doivent pas être
toxiques pour les cellules.

Ainsi, les deux objectifs principaux de la microencapsulation de


2. Procédés d’encapsulation bactéries probiotiques sont les suivants :

– isoler et protéger les cellules du milieu environnant afin de


limiter le contact avec des conditions défavorables à la survie des
2.1 Définition et but de l’encapsulation bactéries. En effet, un pH acide, des enzymes ou encore des
micro-organismes compétiteurs peuvent nuire à la viabilité des
cellules ;
La microencapsulation [J 2 210] est un procédé par lequel des
substances sont incluses dans des microcapsules ou microsphères – maîtriser la libération des bactéries probiotiques au sein
afin de libérer leur contenu de façon contrôlée (figure 1). du site voulu, c’est-à-dire au niveau de l’intestin.

Tableau 1 – Liste des espèces ayant une activité probiotique


Bactéries lactiques
Bactéries
Levures
non lactiques
Lactobacilles Bifidobactéries Autres bactéries lactiques

Lactobacillus acidophilus Bifidobacterium adolescentis Enterococcus faecalis Bacillus spp Saccharomyces


Lactobacillus amylovirus Bifidobacterium bifidum Enterococcus faecium Escherichia coli (nissle) cerevisiae
Lactobacillus brevis Bifidobacterium breve Lactococcus lactis Propionibacterium
Lactobacillus casei Bifidobacterium infantis Leuconostoc mesenteroides freudenreichii
Lactobacillus cellobius Bifidobacterium lactis Pediococcus acidilactici
Lactobacillus crispatus (Bifidobacterium animalis) Sporolactobacillus inulinus
Lactobacillus curvatus Bifidobacterium laterosporus Streptococcus diacetylactis
Lactobacillus delbrueckii Bifidobacterium longum Streptococcus intermedius
Lactobacillus farciminis Bifidobacterium thermophilum Streptococcus thermophilus
Lactobacillus fermentum
Lactobacillus gasseri
Lactobacillus gallinarum
Lactobacillus helveticus
Lactobacillus johnsonii
Lactobacillus paracasei
Lactobacillus plantarum
Lactobacillus reuteri
Lactobacillus rhamnosus

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52
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F3800

____________________________________________________________________________________ MICROENCAPSULATION DE BACTÉRIES PROBIOTIQUES

2.2 Atomisation Pour terminer, l’utilisation d’une buse bi-fluide est préférée
pour la pulvérisation de produits sensibles aux hautes pressions.
2.2.1 Principes de fonctionnement L’énergie de pulvérisation est apportée par de l’air comprimé. Le
type de pulvérisateur sera choisi en fonction de la quantité de
La technique d’encapsulation par atomisation (spray-drying )
liquide à pulvériser, de la taille des gouttelettes, de la distribution
est la technique la plus répandue en industrie alimentaire pour la
granulométrique souhaitée, de la viscosité du liquide ou encore de
préparation de poudres. C’est un procédé flexible facilement trans-
la conception de la tour de séchage [1].
férable d’une échelle pilote à une échelle industrielle. Pour appli-
quer cette technique, les bactéries sont mélangées à une solution ■ L’aspiration de l’air atmosphérique se fait au travers des
(souvent protéique), puis une étape de pulvérisation à l’aide d’air filtres dont le type dépend des conditions locales et de la nature du
ou d’azote permet de produire de fines gouttelettes du mélange produit à traiter. Le chauffage de l’air peut s’effectuer par chauf-
dans la chambre de séchage. L’air chaud présent dans la chambre fage direct (contact entre l’air à réchauffer et la fumée de combus-
de séchage permet l’évaporation de l’eau du mélange et une fine tion du gaz) ou indirect (chauffage électrique ou via des batteries
poudre peut ainsi être récupérée. Cette méthode génère des micro- dans lesquelles circule un caloporteur). L’air de séchage entre au
particules de type matriciel de faible taille (figure 2). sommet de la tour et circule en co-courant avec les gouttelettes de
Le principal inconvénient de l’atomisation dans le cadre de liquide pulvérisé. Le temps de séjour dans la tour est court (géné-
l’encapsulation de bactéries probiotiques est le recours à de l’air ralement entre 20 et 60 s), mais aucun équilibre entre l’humidité de
chaud pour l’étape d’évaporation, au chaud qui peut s’avérer l’air et celle du produit n’est atteint : la température de l’air de
néfaste pour la survie des cellules. En adaptant certains para- séchage doit par conséquent être plus élevée et le rendement ther-
mètres, et notamment la température, un compromis peut être mique est donc moindre. Les poudres obtenues par ce procédé
trouvé pour préserver la viabilité des souches bactériennes. Mais sont fines et présentent une quantité importante de poussière
dans ce cas, la teneur en eau de la poudre issue du procédé sera (fines) et de mauvaises propriétés d’écoulement.
plus élevée, ce qui peut alors s’avérer néfaste lors d’une conserva-
tion ultérieure du produit. Les installations utilisées pour ce type ■ Pour améliorer la qualité de la poudre, une tour de séchage à
d’opération sont souvent identiques aux installations utilisées pour multiples effets est utilisée. Au lieu de réaliser le séchage en une
le séchage de liquides alimentaires (exemple : lait), l’investisse- seule étape, il est effectué en deux temps. Le temps de séjour du
ment est de ce fait réduit et le savoir-faire déjà présent. produit est plus long (plusieurs minutes) et donc plus proche de
l’équilibre thermodynamique. La première étape consiste en un
séchage habituel, puis les plus grosses particules pénètrent dans
2.2.2 Configuration un lit fluidisé vibrant intégré au fond de la chambre. Ce séchage
On retrouve généralement trois types de pulvérisateurs : tur- final permet l’obtention de particules ayant l’humidité résiduelle
bine centrifuge, buse sous pression de liquide et buse requise et présente des débits d’air et des températures de traite-
bi-fluide. ment plus faibles que dans la chambre de séchage. Ce procédé est
mieux adapté à la préservation qualitative de la poudre. Les parti-
La turbine, entraînée par un moteur électrique, permet l’éjection cules les plus fines sont, quant à elles, forcées de remonter vers la
et la dispersion du liquide par une force centrifuge. La vitesse de chambre de séchage, puis passent dans un cyclone. À la sortie du
rotation de la turbine est généralement comprise entre 10 000 et cyclone, le courant combiné de fines est réinjecté au sommet de la
250 000 tr · min–1, ce qui permet la production de fines gouttelettes. tour de façon à ce qu’il interagisse avec les gouttelettes pulvé-
Avec une buse sous pression de liquide, la pulvérisation est risées entrantes. En fonction de la taille de la chambre et du flux
effectuée par le passage du liquide à travers un orifice calibré. d’air, ce type de procédé permet l’obtention de particules agglo-
L’énergie de dispersion est alors apportée par le liquide lui-même, mérées d’un diamètre généralement compris entre 100 et 300 µm.
véhiculé sous pression. Selon les installations, la pression peut Ces poudres présentent de meilleures propriétés fonctionnelles et
varier de 5 à 30 MPa. notamment d’écoulement.

Air
chaud
4. Séparation des
Atomiseur particules

2. Atomisation de la
solution sous forme
de fines gouttelettes

Cyclone
Brouillard

3. Séchage des
gouttelettes Chambre
de séchage

Microparticules
1. Solution de polymères
contenant les bactéries
probiotiques

Bactérie Matrice

Figure 2 – Procédé d’encapsulation par atomisation

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Enzymes d’intérêt
pour la fabrication d’aliments

par Henry Eric SPINNLER


Professeur de technologies alimentaires à AgroParisTech

1. Structures et activités des enzymes................................................... BIO 650 - 2


1.1 Action cinétique ........................................................................................... — 2
1.2 Nomenclature ............................................................................................... — 2
1.3 Relations structure/activité .......................................................................... — 2
1.4 Mode d’action des enzymes........................................................................ — 3
2. Réglementations sur les enzymes dans les aliments ..................... — 4
3. Grandes classes d’enzymes d’intérêt dans la transformation
des aliments ............................................................................................... — 4
3.1 Hydrolases et lyases actives sur les composants des parois végétales .... — 4
3.2 Protéases et peptidases ............................................................................... — 8
3.3 Enzymes ayant des propriétés antimicrobiennes ..................................... — 9
4. Principales applications des enzymes
en industries alimentaires ..................................................................... — 10
4.1 Usages dans la fabrication de produits céréaliers .................................... — 10
4.2 Usages dans les préparations de fruits et légumes .................................. — 12
4.3 Usages dans l’extraction, la purification et la transformation
des matières grasses ................................................................................... — 13
4.4 Usages dans les produits laitiers ................................................................ — 14
4.5 Usages dans les produits carnés ................................................................ — 15
4.6 Usages dans la fabrication de produits alimentaires intermédiaires
(arômes, additifs...) ...................................................................................... — 16
5. Conclusions et perspectives ................................................................. — 17
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. BIO 650

ujourd’hui le secteur des industries alimentaires fabrique ses produits


A grâce aux services rendus par les sociétés des produits alimentaires
intermédiaires [1]. Les enzymes en font partie, comme les arômes ou des
agents de texture. Utilisées sans le savoir depuis au moins 8 000 ans (par
exemple dans les produits laitiers avec la présure issue de la caillette du veau),
ce sont des protéines constitutives de tous les êtres vivants. Les enzymes sont
des outils importants pour stabiliser ou générer les propriétés de nos aliments.
Le marché des enzymes pour des applications alimentaires a généré 900 mil-
lions de dollars en 2008, pour un marché total des enzymes de 3,4 milliards de
dollars [2].
Cet article expose la diversité des usages des enzymes et abordera leur cadre
réglementaire. La plupart des enzymes sont des auxiliaires technologiques,
c’est-à-dire qu’elles facilitent les opérations de transformation. Leur grande
sélectivité offre de nombreux avantages par rapport à des transformations
chimiques : une mise en œuvre simple, peu de dérivés dangereux, une meilleure
séparation des produits et moins d’effets négatifs sur l’environnement, ce qui se
traduit par un coût global moindre. Dans les domaines de la transformation de
l’amidon et du sucre, la boulangerie, les produits laitiers, la brasserie, la fabrica-
tion du vin, la transformation des fruits et la production des boissons, les
Parution : mai 2013

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est strictement interdite. – © Editions T.I. BIO 650 – 1

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ENZYMES D’INTÉRÊT POUR LA FABRICATION D’ALIMENTS _________________________________________________________________________________

enzymes sont devenues indispensables ; en permettant des gains de qualité des


produits, des diminutions de coût énergétique ou une amélioration des cinéti-
ques des procédés. Les enzymes peuvent aussi réduire l’émission de déchets et
la consommation d’énergie parfois jusqu’à 50 %. Depuis quelques années des
applications industrielles des enzymes [bioéthanol, lipochimie, traitement des
textiles (jeans délavés), etc.] ont dépassé le poids économique de leurs applica-
tions alimentaires et représentent pour les industries productrices d’enzymes un
véritable relais de croissance.

1. Structures et activités
des enzymes 25 38
25
19
L’usage industriel des enzymes s’est largement développé dans
un premier temps du fait de leur intérêt dans les lessives (qui reste 9
quantitativement un de leurs débouchés majeurs), mais le recours à 15
50
leur usage systématique pour améliorer les propriétés des aliments
date de moins d’un demi-siècle. La figure 1 montre la diversité des
usages alimentaires des enzymes autorisées par l’arrêté du 19 octo-
bre 2006 qui régit l’autorisation d’usage de ces enzymes.
Panification, viennoiserie, Amidon, sucres, alcools
biscuiterie Protéases
1.1 Action cinétique Produits laitiers Divers
Jus de fruits de légumes Bières
Les enzymes facilitent les réactions chimiques ayant lieu dans
les organismes vivants. C’est la principale famille de molécules
capable de catalyse chimique chez les êtres vivants. Le tableau 1 D’après l’arrêté du 19 octobre 2006
donne un exemple de l’accélération des réactions en présence de
diverses enzymes.
Figure 1 – Répartition des usages des enzymes autorisées en France
Les enzymes mises en œuvre peuvent avoir plusieurs origines : (figure établie à partir des données de l’arrêté du 19 octobre 2006. Le chiffre
indiqué dans les secteurs indique le nombre d’enzymes ayant été autorisées
– les matières premières constituant l’aliment (lipoxygénase et pour le secteur considéré)
hydropéroxyde lyase du soja, phénols oxydases des fruits et
légumes, cathepsines du muscle...) ;
– elles peuvent aussi provenir des micro-organismes dans les 1.3 Relations structure/activité
produits fermentés (β-galactosidase des bactéries lactiques,
méthionine γ-lyases des bactéries et levures d’affinage, nitrate Les structures de ces protéines sont de mieux en mieux
réductase des staphylocoques technologiques du saucisson...) ; connues. Les progrès du séquençage des gènes les codant, les
– elles peuvent aussi être ajoutées à l’aliment sous forme puri- facilités de clonage et de surexpression, les possibilités de
fiée (chymosine mise en œuvre pour la fabrication fromagère, cristallisation des protéines et d’analyse de leurs structures
hémicellulases utilisées en panification...). tridimensionnelles permettent de construire des modèles molé-
culaires qui facilitent la compréhension de leur fonctionnement.
La figure 2 donne deux exemples de structures tridimension-
1.2 Nomenclature nelles d’enzymes d’intérêt pour les industries alimentaires.
Les enzymes sont classées selon une nomenclature internatio- Pour les seules lipases, qui hydrolysent une fonction ester
nale (Enzyme Classification, EC), composée de quatre chiffres entre un alcool comme le glycérol et un acide gras, actuellement
(EC A.B.C.D.). Le premier chiffre correspond à la classe d’enzyme plus de 18 500 protéines ayant une activité de ce type ont
(par exemple, EC 3.B.C.D. = hydrolase), le deuxième chiffre précise été répertoriées d’après la Lipase Engineering Database
le type de modification (par exemple, EC 3.4.C.D = hydrolyse d’une (http://www.led.uni-stuttgart.de). Ce type de base de données
liaison peptidique), le troisième chiffre précise la catégorie permet de connaître les points communs entre ces protéines et
précédente (par exemple, EC 3.4.22.D est une cystéine endopep- d’émettre des hypothèses sur leur fonctionnement.
tidase), le dernier chiffre donne un numéro dans la catégorie.
Cet ensemble de connaissances constitue un outil puissant pour
améliorer les procédés de production et pour améliorer ou diversifier
Par exemple la papaïne trouvée dans la papaye est une des 32 leurs applications. Les entreprises productrices d’enzymes investissent
cystéines protéinases répertoriées et aura pour numéro : EC 3.4.22.2. une proportion significative de leur chiffre d’affaires en recherche et
développement. Par exemple, les bases de données citées précédem-
De nombreuses bases de données spécialisées par type ment leur permettent de modifier les protéines produites par les êtres
d’enzymes ont été créées (http://www.oxfordjournals.org/nar/data- vivants pour leur donner, de façon ciblée, des propriétés d’intérêt
base/subcat/3/10), par exemple la base de données CAZy est complémentaires, comme la thermorésistance [4], une plus grande
spécialisée dans les hydrolases de carbohydrates. Ces bases de spécificité pour un substrat, une résistance à un pH utile, etc. À cette fin,
données établissent les liens entre la structure (structure primaire elles peuvent aussi utiliser des méthodes de modification aléatoire des
en particulier) des enzymes et leurs propriétés. gènes codant ces protéines (DNA shuffling) qui, associées à des

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__________________________________________________________________________________ ENZYMES D’INTÉRÊT POUR LA FABRICATION D’ALIMENTS

Tableau 1 – Accélération des réactions par diverses activités enzymatiques [3]


Vitesse non enzymatique Vitesse enzymatique
Enzyme Facteur d’accroissement
(s–1) (s–1)
Chymotrypsine
4 × 10–9 4 × 10–2 107
(EC 3.4.21.1)
Lysozyme
3 × 10–9 5 × 10–1 2 × 108
(EC 3.2.1.17)
Triose phosphate isomérase
6 × 10–7 2 × 103 3 × 109
(EC 5.3.1.1)
Fumarase
2 × 10–8 2 × 103 1011
(EC 4.2.1.2)
Uréase
3 × 10–10 3 × 104 1014
(EC 3.5.1.5)
Désaminase d’adénosine
10–12 102 1014
(EC 3.5.4.4)
Phosphatase alcaline
10–15 102 1017
(EC 3.1.3.1)

a b

Figure 2 – Structure tridimensionnelle de deux enzymes très largement utilisées dans les industries alimentaires (a) l’alpha amylase de Bacillus
licheniformis [4], (b) la chymosine de veau (Bos taurus) (précurseur) [5]

méthodes de criblage haut débit, vont permettre d’améliorer les perfor- 1.4 Mode d’action des enzymes
mances de l’enzyme. Il est aussi possible d’assembler des fragments
de séquences de gènes de différentes origines en créant ainsi des pro- Les acides aminés de la protéine enzymatique ont une organi-
téines chimères, c’est-à-dire qui n’ont jamais été trouvées dans la sation précise qui détermine l’action de l’enzyme mais les
nature mais qui restent néanmoins proches des autres protéines de la différentes parties de la chaîne d’acides aminés n’ont pas toutes le
même famille. Elles possèdent en outre des propriétés optimisées. Les même rôle. Certaines zones de la protéine favorisent la mise en
gènes codant ces protéines sont ensuite insérés dans un micro-orga- place du substrat par rapport au site actif. Dans cette partie, le
nisme sécréteur pour leur production. repliement de la chaîne est particulièrement important. Certains

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– favoriser la substitution de l’hydroxyle du glycéride par celui


d’une molécule d’eau et ainsi engendrer la libération de l’acide
gras (figure 4).
Du point de vue fonctionnel, la lipolyse permet d’améliorer les
propriétés liantes et émulsifiantes des ingrédients lipidiques ; du
point de vue nutritionnel, elle facilite leur digestion.

2. Réglementations
sur les enzymes
dans les aliments
L’usage des enzymes dans les aliments est autorisé depuis de
nombreuses années mais jusqu’à récemment seuls le Danemark et
a la France avaient une réglementation spécifique. Le site de l’AMFEP
(http://www.amfep.org) répertorie les enzymes sur le marché.
La plupart des enzymes sont des auxiliaires technologiques, à
l’exception du lysozyme et de l’invertase qui sont des additifs
(respectivement E 1105 et E 1103) ; autrement dit, les enzymes
doivent avoir perdu leurs fonctions dans le produit consommé, suite
aux traitements technologiques (chauffage en particulier). Depuis le
règlement du 16 décembre 2008 (UE 1332/2008), il existe une régle-
mentation européenne dont l’application est spécifiée dans le règle-
ment du 10 mars 2011 (UE 234/2011). Ce texte reprend en grande
partie les données de la législation française en vigueur. L’évalua-
tion des dossiers de demande d’autorisation d’utilisation des enzy-
mes dans l’agroalimentaire doit être faite à l’EFSA (European Food
Safety Agency) qui donne un avis scientifique. C’est ensuite la
Commission européenne qui décide de l’autorisation d’usage et de
son ajout à la liste positive d’enzymes autorisées.
Le dossier de demande se compose de quatre types de données :
b – des données administratives de l’entreprise pétitionnaire ;
Un rail hydrophobe à la surface de la protéine permet au substrat – les données techniques de production de l’enzyme (construction
hydrophobe (triglycéride) de se placer à proximité du site actif, constitué de la souche microbienne si elle est issue d’un micro-organisme
de quatre acides aminés. L’histidine qui interagit avec l’oxygène lié au génétiquement modifié, mode de production par fermentation,
glycéride, la sérine dont l’hydroxyle interagit avec le carbone portant le méthode de purification mise en œuvre) ;
carbonyle et les fonctions amines de résidus glutamine et asparagine. – les exigences sanitaires (règles d’hygiène mises en œuvre,
Les composants indiqués en vert jaune et rouge sont des inhibiteurs pureté de la préparation en termes de métaux lourds et de
utilisés pour étudier le mode de fixation du substrat à l’enzyme micro-organismes indésirables) ;
– les données de sécurité d’emploi qui incluent, d’une part, des
Figure 3 – Schéma représentant l’interaction d’une lipase avec études toxicologiques sur rats [toxicité subchronique 13 semaines
un triglycéride [6] qui permettra de calculer la NOEL (No Observed Effect Level ), test
de génotoxicité (test de Ames), test de clastogénicité, données sur
l’allergénie de la préparation et, d’autre part, des données
acides aminés interagissent avec les substrats et les cofacteurs et concernant l’exposition du consommateur à l’enzyme.
favorisent une réaction chimique (catalyse enzymatique). Les
cofacteurs sont des molécules qui interviennent de façon transi- À partir de la NOEL et des données d’exposition, il est possible
toire dans la réaction enzymatique en tant que cosubstrats et de calculer un facteur de sécurité d’emploi.
facilitent la réaction. Parmi les plus connus, citons le NAD+ pour
les réactions d’oxydoréduction, le coenzyme A pour l’activation
des fonctions acides, l’ATP pour les réactions de phosphorylation
de substrats. Les acides aminés du site actif de l’enzyme se retrou- 3. Grandes classes d’enzymes
vent d’une espèce à l’autre. Prenons l’exemple des lipases qui
hydrolysent les triglycérides. Les données permettant d’établir la d’intérêt dans la
structure tridimensionnelle de la protéine montrent qu’il se forme,
sur la partie externe de la protéine, une sorte de rail hydrophobe transformation des aliments
(figure 3), lequel va favoriser l’accrochage du substrat sur la pro-
téine et favoriser l’interaction des atomes de la fonction ester avec 3.1 Hydrolases et lyases actives sur les
les acides aminés constituant le site actif.
composants des parois végétales
Les interactions des atomes des acides aminés avec le substrat
vont : Ces enzymes sont très largement utilisées pour faciliter la clarifi-
– faciliter la rupture de la liaison carbone oxygène entre la cation des jus de fruits en améliorant les opérations de filtration ou
fonction alcool du glycéride et la fonction acide de l’acide gras qui de décantation. Il peut s’agir de cellulases, pectinases, xylanases,
sera libéré ; etc.

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