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PROCÉDÉS CHIMIE - BIO - AGRO

Ti700 - Agroalimentaire

Additifs et adjuvants
alimentaires

Réf. Internet : 42426 | 2nde édition

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III
Cet ouvrage fait par tie de
Agroalimentaire
(Réf. Internet ti700)
composé de  :

Génie industriel alimentaire Réf. Internet : 42469

Biochimie alimentaire, analyses et alimentation humaine Réf. Internet : 42470

Agroalimentaire : risques et sécurité Réf. Internet : 42427

Agroalimentaire : qualité, traçabilité et environnement Réf. Internet : 42690

Matériaux pour contact alimentaire Réf. Internet : 42471

Opérations unitaires et process de fabrication de produits Réf. Internet : 42430


alimentaires

Procédés biochimiques et chimiques en agroalimentaire Réf. Internet : 42431

Additifs et adjuvants alimentaires Réf. Internet : 42426

Filière de production : produits d'origine végétale Réf. Internet : 42433

Filière de production : produits d'origine animale Réf. Internet : 42432

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IV
Cet ouvrage fait par tie de
Agroalimentaire
(Réf. Internet ti700)

dont les exper ts scientifiques sont  :

Jean-Luc BOUTONNIER
Enseignant en génie des procédés alimentaires et sciences de l'alimentation,
Lycée des métiers de l'alimentation de Villefranche-de-Rouergue

Sébastien ROUSTEL
Ingénieur du Génie rural, des eaux et des forêts, Ministère de l'agriculture

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V
Les auteurs ayant contribué à cet ouvrage sont :

Gelatin Manufacturers of Europe (GME) Camille MICHON


Pour l’article : F4800 Pour l’article : J2220

Florent ALLAIS Louis MOUTERDE


Pour l’article : IN233 Pour l’article : IN233

Véronique BOSC Richard REVY


Pour l’article : J2220 Pour l’article : F4600

Bernard BOURSIER Gregory ROSET


Pour l’article : F4690 Pour l’article : F4700

Jean-Luc BOUTONNIER Jean-Luc SIMON


Pour l’article : F5080 Pour l’article : F4300

Grégoire BURGÉ Jean-Jacques SNAPPE


Pour l’article : IN233 Pour l’article : F4820

Fabien CANIVET Henry-Éric SPINNLER


Pour l’article : F5080 Pour l’article : BIO2100

Jean CROUZET Natacha SREDZINSKI


Pour l’article : F4100 Pour l’article : F4820

Gérard CUVELIER Francis THEVENET


Pour l’article : J2220 Pour l’article : F4350

Jean-Luc LE QUÉRÉ Gérard TILLY


Pour l’article : F4100 Pour l’article : F5000

Anne LEPOUDERE Jaime ZAMORANO


Pour l’article : F4820 Pour l’article : F5080

Kévin MAGNIEN
Pour l’article : IN233

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VI
Additifs et adjuvants alimentaires
(Réf. Internet 42426)

SOMMAIRE
Réf. Internet page

Arômes alimentaires F4100 9

Production d'arômes par voie biotechnologique BIO2100 15

Production d’arômes biosourcés. Exemple de la dairy lactone IN233 21

Gomme xanthane : agent viscosant et stabilisant F4300 25

Gomme d'acacia, hydrocolloïde multifonctionnel et nutritionnel F4350 27

Levures biologiques alimentaires et poudres levantes F4600 29

Amidons natifs et amidons modifiés alimentaires F4690 33

Coagulants et coagulation enzymatique en transformation fromagère F4700 39

La gélatine alimentaire : production et applications F4800 43

Protéines laitières F4820 45

Pectines F5000 51

Carraghénanes : agents gélifiants, épaississants et stabilisants F5080 55

Gels de biopolymères naturels pour formulation agroalimentaire J2220 59

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VII
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Référence Internet
F4100

Arômes alimentaires

par Jean CROUZET


Ingénieur agricole
Docteur ès sciences
Professeur à l’Institut des sciences de l’ingénieur-Université de Montpellier II
Laboratoire de génie biologique et sciences de l’aliment
Équipe de microbiologie et biochimie industrielles associée à l’INRA

1. Structure et propriétés des composés d’arôme .............................. F 4 100 - 3


1.1 Grandes classes de molécules actives ....................................................... — 3
1.2 Seuils de perception et de détection .......................................................... — 3
1.3 Complexité de l’arôme des aliments .......................................................... — 4
1.4 Volatilité. Volatilité relative .......................................................................... — 4
1.5 Solubilité des composés d’arôme............................................................... — 5
1.6 Entraînabilité des composés d’arôme ........................................................ — 6
1.7 Labilité des composés d’arôme .................................................................. — 6
2. Principales voies de formation des composés d’arôme ................ — 7
2.1 Biosynthèse................................................................................................... — 7
2.2 Action enzymatique directe ......................................................................... — 7
2.3 Action enzymatique indirecte...................................................................... — 10
2.4 Voie pyrolitique............................................................................................. — 10
3. Récupération et extraction des arômes ............................................. — 11
3.1 Évaporation-distillation................................................................................ — 11
3.2 Entraînement par les gaz inertes................................................................. — 11
3.3 Extraction par solvants ................................................................................ — 12
4. Arômes de synthèse................................................................................. — 12
4.1 Arômes artificiels.......................................................................................... — 12
4.2 Arômes de synthèse identiques aux arômes naturels .............................. — 12
4.3 Contrôle de l’authenticité............................................................................. — 13
5. Biotechnologie et arômes ...................................................................... — 14
5.1 Arômes produits par fermentation ............................................................. — 14
5.2 Arômes produits par bioconversion ........................................................... — 15
6. Formulation des arômes ......................................................................... — 15
7. Émulsification et fixation des arômes ................................................ — 16
7.1 Émulsions...................................................................................................... — 16
7.2 Fixation sur support ..................................................................................... — 16
7.3 Encapsulation des arômes........................................................................... — 16
7.4 Inclusion dans les cyclodextrines ............................................................... — 17
8. Applications industrielles des arômes alimentaires....................... — 17
8.1 Modifier ou compléter un profil aromatique ............................................. — 17
8.2 Aromatiser des produits initialement organoleptiquement neutres ....... — 17
8.3 Masquer des flaveurs désagréables ........................................................... — 18
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. F 4 100
Parution : septembre 1998

elon le Robert, la qualité « spécialement en parlant de matières élaborées,


S de productions commercialisées, c’est ce qui fait qu’une chose est plus

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F4100

ARÔMES ALIMENTAIRES ________________________________________________________________________________________________________________

recommandable par rapport à l’usage ou au goût humain qu’une autre de même


espèce ».

Si on transpose cette définition tout à fait générale à l’aliment, on peut dire Qualité et arôme
qu’un aliment sera de qualité s’il est apte à subvenir aux besoins de l’organisme,
sans nuire à la santé de l’individu qui l’ingère, en lui procurant le maximum de
satisfaction et en assurant un service (préparation rapide, conservation). Il doit
donc satisfaire à la règle des quatre S : Santé et Sécurité, correspondant à la
satisfaction des besoins implicites ; Saveur et Service, correspondant à la satis-
faction des besoins explicites.
Pour le consommateur, la qualité se situe de façon prioritaire au niveau de
l’ensemble des caractères organoleptiques qui rendent une denrée plus ou
moins agréable à consommer. Deux aliments peuvent présenter la même valeur
nutritionnelle et la même innocuité, offrir le même service mais, alors que l’un
sera considéré comme de qualité inférieure, l’autre sera apprécié sur la base des
qualités organoleptiques du produit .
L’acceptabilité dépend de l’aspect, de la couleur, de l’odeur, du goût, de la fla-
veur et de la texture du produit.
L’odeur est la sensation olfactive perçue lorsque les molécules volatiles attei-
gnent les récepteurs olfactifs par la voie nasale directe ; cette notion a été éten-
due aux caractères responsables de cette sensation.
Le goût, ou saveur, correspond à l’ensemble des sensations gustatives et de
sensibilité chimique communes perçues lorsqu’un aliment, une boisson ou tout
autre produit est placé dans la cavité buccale et aux propriétés des produits qui
provoquent ces sensations. Les récepteurs gustatifs sont susceptibles de recon-
naître quatre goûts fondamentaux : sucré, salé, acide et amer ; depuis quelques
temps, on y ajoute la saveur umami dépendante de la présence d‘exhausteurs
tel le glutamate.
L’arôme est lié aux sensations perçues par l’organe olfactif par voie rétrona-
sale lors de la prise en bouche, de la mastication et de l’ingestion d’un aliment
et, comme dans les cas précédents, aux propriétés des produits responsables de
cette sensation. Cependant, on utilise également le terme arôme(s) pour dési-
gner une ou des substances aromatisantes ; on parlera, par exemple, d’arôme de
fraise au lieu de parler de substances aromatisantes de fraise.
La flaveur est la sentation intégrée perçue par l’organe olfactif, les bourgeons
gustatifs et la cavité buccale pendant la consommation ou la dégustation d’un
produit.

Du point de vue légal (décret du 11 avril 1991) « on entend par arôme tout pro- Définition légale
duit ou substance qui, étant destiné à être ajouté à des denrées alimentaires des arômes
pour leur donner une odeur, un goût ou une odeur et un goût, entre dans l’une
des catégories mentionnées ci-dessous :
— substances aromatisantes naturelles ;
— substances aromatisantes identiques aux substances aromatisantes natu-
relles ;
— substances aromatisantes artificielles ;
— arômes de transformation ;
— arôme de fumée. »

On estime que la croissance de l’industrie aromatique est de 4 à 6 % par an, à Importance et structure
l’heure actuelle. du marché des arômes
Cette croissance est très largement liée à la mutation profonde subie par
l’industrie alimentaire à la suite du développement des produits alimentaires
intermédiaires (PAI) et de la mise sur le marché de toute une gamme d’aliments
résultant de l’assemblage de ces PAI et de divers ingrédients (agents de texture,
édulcorants, colorants, conservateurs, arômes et exhausteurs de goût). On peut
citer, par exemple, des produits comme le surimi aromatisé au crabe, à la lan-
gouste ou au homard, les desserts lactés à la vanille ou aux arômes de fruits, les

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________________________________________________________________________________________________________________ ARÔMES ALIMENTAIRES

sauces déshydratées prêtes à l’emploi, ou encore les biscuits à la gelée de fruits


et les snacks pour apéritifs.
Cette mutation a été largement favorisée par les modifications des habitudes
alimentaires avec le développement de la restauration collective.

1. Structure et propriétés ■ Les composés en C13-norisoprénoïdes : 3-hydroxy-b-ionol, 3-


oxo-a-ionol, vomifoliol, 3-hydroxy-b-damascone, damascénone et
des composés d’arôme théaspiranes, vitispiranes et édulanes isomères..., contributeurs
importants de l’arôme de nombreux aliments, ont fait l’objet d’étu-
des intensives au cours des dernières années.
■ Les esters sont connus depuis longtemps par leur arôme fruité ; il
1.1 Grandes classes de molécules actives en est de même pour les g-lactones qui développent des odeurs de
pêche ou d’abricot ; d’autres lactones possèdent des odeurs caracté-
ristiques de noix de coco, de produits fermentés (vin, whisky, saké),
Les composés d’arôme sont présents dans les aliments en très fai- de produits laitiers, voire des notes de rance.
bles quantités, leurs concentrations varient de quelques milligram-
mes par tonne à quelques milligrammes par kilogramme ; par ■ Les composés carbonylés correspondent également à une caté-
contre, ils sont généralement présents en très grand nombre. On gorie importante de composés d’arôme, parmi eux, le benzaldéhyde
dénombre 360 composés dans l’arôme de fraise, plus de 600 dans qui possède une odeur typique d’amande amère, les aldéhydes en
celui du café et quelques 850 dans celui du vin. C6 (hexanal, (Z )-hex-3-énal, (E)-hex-2-énal) présentant des odeurs
Les composés identifiés parmi les constituants volatils des ali- vertes, les 2-heptanone et 2-nonanone caractéristiques des froma-
ments appartiennent à toutes les classes et à toutes les séries de ges à pâte persillée.
composés chimiques. Rijkens et Boelens [1] donnaient pour les ■ Les phénols sont des composés que l’on trouve dans un certain
composés identifiés en 1975 la répartition indiquée dans le nombre de produits alimentaires divers :
tableau 1 ; depuis le nombre de composés identifiés a considérable-
— fruits [4-éthylphénol ; 4-(4’-hydroxyphényl)-butan-2-one ou
ment augmenté et est estimé à 6 300 [2]. La structure d’un certain
frambinone ; élémicine] ;
nombre de composés est donnée figure 1.
— épices et aromates avec le clou de girofle (eugénol), le thym
(thymol, carvacrol) ou la vanille (vanilline) ;
— boissons fermentées : vin, bière, ou alcools (4-éthylphénol ;
4-vinylphénol ; 4-éthylgaïacol ; 4-vinylgaïacol ) ;
Tableau 1 – Répartition des composés d’arôme dans les — produits soumis à un traitement thermique plus ou moins
principales classes de composés chimiques [1] drastique, café, cacao, thé ou malt (4-éthylgaïacol ; 4-vinylgaïacol ;
salicylate de méthyle ; acétovanillone) ;
Composé d’arôme Nombre — condensats de fumée ou produits fumés (phénol ; gaïacol ;
Hydrocarbures aliphatiques et aromatiques 170 pyrocatéchol).

Hydrocarbures isoprénoïdes 130 ■ Les composés soufrés représentent environ 10% des composés
identifiés dans la fraction volatile des aliments (sulfures, disulfures
Isoprénoïdes fonctionnalisés 170 ou trisulfures, thiols, ou composés hétérocycliques).
Alcools et phénols 190
■ Parmi les composés hétérocycliques, on peut citer :
Acétals et éthers 140 — les pyrazines qui contribuent de façon importante à la flaveur
Composés carbonylés 310 d’un grand nombre de produits grillés ou cuits : café, cacao, chips,
viandes ; par contre, certaines méthoxypyrazines, d’origine biologi-
Acides 230 que, possèdent des odeurs de légumes, pois, poivre ou poivron ;
Esters 450 — les furanones possèdent, pour certaines d’entre elles, des
odeurs de caramel, de bouillon de bœuf ou de pain, alors que
Lactones 90 d‘autres sont des composés volatils de fruits [ananas, fraise ou man-
Furanes et pyranes 110 gue (furanéol)] ou de certains vins (sotolon) ;
— les thiazoles et benzothiazoles, en particulier l’isobutylthiazole
Composés azotés 290 qui contribue très fortement à la note fraîche de l’arôme de tomate.
Thiazoles et oxazoles 60
Composés soufrés autres 220
Total 2 540 1.2 Seuils de perception et de détection

La participation des composés volatils à l'arôme d'un aliment


■ Les composés terpéniques : hydrocarbures (limonène, myrcène, dépend de leurs caractéristiques organoleptiques et de leur concen-
b-caryophyllène), alcools (linalol, géraniol, menthol, nérolidol), aldé- tration dans l'aliment. On définit le seuil de perception qui est la plus
hydes ( géranial, néral), cétones (menthone, carvone, nootkatone), petite concentration d’un composé donné que le nez humain est
sont présents dans de nombreuses substances aromatisantes (épi- capable de détecter à partir d'un milieu donné : solution aqueuse,
ces et aromates, huiles essentielles d’agrumes par exemple), mais mélange hydro-alcoolique, émulsion huileuse. Il s'agit bien entendu
également dans la fraction volatile de nombreux fruits. d'une notion statistique puisqu’il peut exister des variations impor-

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ARÔMES ALIMENTAIRES ________________________________________________________________________________________________________________

O
OH O
O C
CH O

linalol nootkatone damascénone acétate d'isoamyle

O H
C
O
O
O CHO
HO CH3
OCH3
OH
b-méthyl-g-octalactone (Z )-hex-3-énal vanilline 4-(4'-hydroxyphényl)
ou lactone du whisky butan-2-one ou frambinone
ou du chêne O
OH
N
N
S S
S O CH3
N OCH3 Figure 1 – Structure de différents composés
isobutylméthoxypyrazine disulfure de dipropényle isobutylthiazole maltol d’arôme

tantes entre les réponses des individus qui composent un jury de l’ail (disulfure de dipropényle), l’amande (benzaldéhyde). Pour quel-
détermination. Les valeurs les plus courantes sont celles qui ont été ques produits alimentaires, l’arôme est relativement bien repré-
obtenues à partir de solutions aqueuses, elles varient dans de très senté par un mélange d’un petit nombre de composés parmi
larges limites : 2 x 10-8 mg/L d'eau pour le 1-paramenthène-8-thiol à lesquels l’un d’entre eux, composé d’impact, peut être dominant.
35 mg/L d'eau pour le maltol (tableau 2). C’est le cas de l’arôme de framboise dans lequel le composé
d’impact est un composé de faible volatilité, la 4-(4’-hydroxyphé-
nyl)-butan-2-one, connue sous le nom de frambinone. Les autres
composés intervenant dans l’arôme de ce fruit sont le (Z )-hex-3-én-
Tableau 2 – Seuil de perception de composés 1-ol, la damascénone et les a- et b-ionones. Par contre, on n’a pas
d’arôme dans l’eau identifié de composé d’impact chez la tomate où l’arôme est dépen-
dant de la présence d’hexanal, de (Z )-hex-3-én-1-ol, de (Z )-hex-3-
Seuil énal, de (E)-hex-2-énal, d’eugénol, de salicylate de méthyle et de 2-
Composés isobutylthiazole.
(mg/L)
Maltol 35 Pour de nombreux aliments, l’arôme ne peut être reproduit que
par un nombre important de composés et, pour certains d’entre
Furfural 3 eux, il n’est pas possible de reproduire l’arôme même en utilisant un
4-Éthylphénol 1 mélange très complexe.
Vanilline 2 x 10-2
4-Vinylphénol 2 x 10-2
1.4 Volatilité. Volatilité relative
Limonène 10-2
2-Méthoxy-4-vinylphénol 10-2
a-Ionone 4 x 10-3 Si on considére un composé I, en solution non idéale avec des
composés A, B..., dans des proportions telles que les fractions
b-Ionone 7 x 10-6 molaires soient xi , xa , xb ..., la pression de vapeur de ce composé I
1-p-Menthène-8-thiol 2 x 10-8 est influencée par celles des autres constituants et est de la forme :

p i = P si g i x i (1)

On définit également un seuil d’identification qui est la plus petite avec P si pression de vapeur saturante de I.
concentration d’un composé donné que le nez humain est capable
d’identifier à partir d'un milieu donné. Si l’on désigne par P la pression totale et, en faisant l’hypothèse
que la phase gazeuse en équilibre se comporte comme un gaz par-
fait, la fraction molaire de I dans la phase gazeuse yi est égale à :

1.3 Complexité de l’arôme des aliments y i = g i x i P si ¤ P (2)

qui est une expression de la loi de Henry.


Les travaux réalisés à ce jour [3] montrent que les aliments dont
l’arôme est très largement dépendant de la présence d’un seul com- gi est le coefficient d’activité de I ; c’est un coefficient sans dimen-
posé sont en nombre très réduit ; on peut citer la banane (acétate sion qui rend compte des forces de répulsion entre molécules de
d’isoamyle), le citron (citral), le concombre (E ),(Z )-nona-2,6-diénal, soluté de même nature ou de nature différente, des interactions

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________________________________________________________________________________________________________________ ARÔMES ALIMENTAIRES

soluté-solvant, de l’effet des autres phases et des interfaces, de la On constate que :


température et de la pression. — les valeurs de g ¥i peuvent être extrêmement élevées ; ce coef-
ficient rend compte des forces de répulsion en solution, donc, en
g i P si = C est la constante de Henry.
première approximation, de l’insolubilité du composé ;
Des solutions concentrées renfermant de nombreux composés — la volatilité d’un composé d’arôme dépend à la fois de sa ten-
sont difficiles à décrire du point de vue thermodynamique ; par con- sion de vapeur et de son coefficient d’activité à dilution infinie ;
tre, dans le cas des arômes alimentaires qui, comme nous l’avons — dans une série homologue, méthylcétones, par exemple, la
signalé, sont présents en très faible concentration, on peut considé- volatilité relative augmente avec la longueur de la chaîne carbonée,
rer en première approximation que l’on a une solution aqueuse donc avec l’hydrophobicité.
binaire infiniment diluée à laquelle s’applique la loi de Henry. Un certain nombre de facteurs sont susceptibles de modifier les
La séparation d’un composé I d’un autre composé J peut être données obtenues à partir du système modéle que constitue la solu-
obtenue si le rapport des fractions molaires de ces composants est tion aqueuse. L’effet le plus connu est le relargage résultant de
différent dans les phases entre lesquelles ils se partagent. Lors du l’addition de sels comme le sulfate d’ammonium ou le chlorure de
processus de distillation, on définit la sélectivité de I par rapport à J, sodium à des solutions modéles ou à des aliments et l’effet exhaus-
bij, par le rapport des fractions molaires de I et J dans la phase teur de ce dernier sel. Inversement, certains anions organiques,
vapeur au rapport de ces fractions molaires dans la phase liquide : citrate, malate, benzoate, manifestent un effet de rétention.
La présence d’une seconde phase liquide, lipidique par exemple,
( yi ¤ yj ) influe sur le passage des composés d’arôme dans la phase gazeuse
b ij = -----------------
- (3)
( xi ¤ xj ) en équilibre. L’équilibre liquide-vapeur est affecté à partir d’une
concentration en huile de 1 % dans l’eau, la modification observée
Dans le cas d‘un équilibre liquide-vapeur, la volatilité relative aij , étant d’autant plus importante que l’hydrophobicité du composé
est identique à bij, on peut l’écrire sous la forme : d’arôme est plus grande.
yi ¤ xi g i P si Les interactions entre composés d’arôme et macromolécules,
a ij = ---------------
- = ------------
- (4) polyosides ou protéines, sont connues de façon empirique depuis
yj ¤ xj g j P sj longtemps ; on peut citer, par exemple, la rétention des parfums par
la cellulose ou le cuir ou les difficultés que l’on rencontre pour déso-
Puisque nous avons admis que l’on pouvait considérer que l’on
doriser les farines de soja ou de poissons. Différentes études ont
avait, dans le cas des arômes, une solution binaire infiniment diluée,
permis de montrer que, dans une grande majorité des cas, les inte-
le degré de volatilité peut être défini par sa volatilité relative par rap-
ractions entre composés d’arôme et macromolécules en solution
port à l’eau, aiw :
aqueuse se traduisent par une diminution de la volatilité. Il s’agit le
g i P si plus souvent d’interactions hydrophobes de surface avec des protéi-
volatilité de I nes comme la sérum albumine ou la caséine ou de la formation de
a iw = ----------------
- = ------------------------------------------------------ (5)
g w p sw volatilité de l¢eau complexes d’inclusion, à l’intérieur de la structure hélicoïdale
qu’adopte l’amylose.
La volatilité aiw est donc identifiable à la constante de Henry.
Dans un nombre limité de cas, il se formerait des liaisons covalen-
Les coefficients d’activité à dilution infinie g i¥ des composés tes donc de forte énergie.
d’arôme dans l’eau peuvent être déterminés ou calculés par diffé-
rentes méthodes. Les interactions entre composés d’arôme et certaines macromolé-
cules, dextranes par exemple, se traduisent par une augmentation
À partir de ces valeurs et de celles des tensions de vapeur, il est de leur concentration dans la phase gazeuse en équilibre, donc par
possible de calculer les valeurs des volatilités relatives par rapport à un relargage.
l’eau. Ces valeurs sont données, avec celles de g ¥i et celles de ln P,
qui est une mesure de l’hydrophobicité, dans le tableau 3, pour un
certain nombre de composés d’arôme [4].
1.5 Solubilité des composés d’arôme
Tableau 3 – Pression de vapeur saturante, coefficient
d’activité à dilution infinie, volatilité relative et Nous avons vu que, compte tenu de leur caractère hydrophobe,
hydrophobicité de composés d’arôme [4] au moins partiel, les composés d’arôme ne sont pas ou sont peu
solubles dans l’eau ; par contre, ils sont très solubles dans les sol-
P si à 25 °C ¥ ¥ vants organiques. Cette propriété est exploitée tant au niveau de
Composé g i a iw ln P leur analyse qu’au niveau de l’extraction de ces composés à
(atm)
l‘échelle industrielle.
Acétaldéhyde 1,3021 3,4 140 - 0,83 La présence dans les aliments d’autres composés hydrophobes
Benzaldéhyde 1,386 x 10-3 1 040 46 1,51 (lipides, pigments) nécessite une étape d’extraction préalable : dis-
Limonène 2,684 x 10-3 47 000 4 020 4,45 tillation, entraînement à la vapeur d’eau ou par un gaz inerte, entraî-
nement sous vide, ou l’utilisation de solvant spécifique, afin
Myrcène 2,674 x 10-3 59 700 5 110 4,75 d’obtenir des échantillons susceptibles d’être analysés en chroma-
Linalol 5,095 x 10-4 14 000 227 3,54 tographie en phase gazeuse sans polluer les colonnes.
Heptan-2-one 1,919 x 10-3 470 288 1,82 Les solvants organiques utilisés sont fonction de la nature et de la
polarité des composés d’arôme présents ; un second critère de
Octan-2-one 1,516 x 10-3 11 300 550 2,35 choix est la valeur de leur point d’ébullition qui doit permettre d’éli-
Nonan-2-one 8,786 x 10-4 43 000 1 200 2,88 miner l’excès de solvant sans entraîner de pertes de composés vola-
tils. Ils varient depuis des solvants apolaires comme le pentane,
Undécan-2-one 6,374 x 10-5 1 4 x 106 2 830 3,94
l’isopentane ou l’hexane à des solvants polaires comme l’éther, en
Acétate 7,046 x 10-3 4 400 990 2,11 passant par des solvants de polarité intermédiaire, dichlorométhane
d’isoamyle ou mélange éther-pentane. Ces derniers solvants sont très large-
Hexanoate ment utilisés, compte tenu de la diversité des constituants présents
d’éthyle 3,420 x 10- 3 13 300 1 460 3,62
dans un aliment.

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Production d’arômes par voie


biotechnologique

par Henry-Eric SPINNLER


Professeur de technologies alimentaires à AgroParisTech

1. Propriétés des arômes ............................................................................ BIO 2 100 - 3


1.1 Rôle biologique ............................................................................................ — 3
1.2 Spécificités moléculaires et seuils de perception ..................................... — 3
1.3 Législation européenne ............................................................................... — 3
2. Biosynthèse des arômes chez les végétaux
et dans les produits fermentés traditionnels ................................... — 4
2.1 Développement des arômes dans les produits par la maîtrise
des précurseurs d’arômes : cas des terpénols et des thiols..................... — 4
2.2 Arômes issus de la glycolyse et du citrate, starter distillates .................. — 7
2.3 Voies de dégradation des acides aminés................................................... — 7
2.4 Voies de dégradation des matières grasses conduisant
à des composés d’arôme ............................................................................ — 8
2.5 Voies de production des hétérocycles ....................................................... — 12
2.6 Voies de biosynthèse des composés terpéniques .................................... — 13
3. Bioconversions de précurseurs issus de l’agriculture
en composés d’arôme ............................................................................. — 15
3.1 Synthèse d’ester par des enzymes ............................................................. — 15
3.2 Production de vanilline et bioconversion de composés phénoliques ..... — 16
3.3 Production de lactones ................................................................................ — 16
3.4 Autres composés ......................................................................................... — 18
3.5 Extraction et purification des arômes naturels.......................................... — 18
4. Conclusions et perspectives ................................................................. — 18
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. BIO 2 100

a perception des qualités sensorielles des aliments est déterminée par les
L informations transmises à notre cerveau via plusieurs nerfs sensitifs tels
que les nerfs auditif, gustatif ou trijumeau, mais c’est sans doute le nerf olfactif
qui donne l’information la plus complexe et la plus diverse. Le nerf olfactif
permet de percevoir des signaux (arômes) par le nez (voie orthonasale), ce qui
va donner l’odeur des produits, et par voie rétronasale, une fois que le produit
alimentaire est en bouche, c’est ce qu’on appelle « l’arôme d’un produit ».
L’arôme d’un aliment provient d’une grande diversité de molécules
chimiques, d’origines diverses, capables de passer de l’aliment dans l’air qui
l’entoure et d’interagir avec le récepteur olfactif, qui est situé dans nos fosses
nasales, pour créer un signal perçu par notre cerveau. Ce mécanisme est à peu
de chose près le même chez tous les individus. Au niveau de ce récepteur, s’il
manque une protéine réceptrice, la perception peut être plus faible, voire
absente (anosmie). Dans des cas extrêmes, il peut y avoir à la suite d’un trau-
matisme une perte complète de l’olfaction. Au contraire, on peut, par un
Parution : novembre 2009

entraînement, être capable de reconnaître certaines notes aromatiques et de

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PRODUCTION D’ARÔMES PAR VOIE BIOTECHNOLOGIQUE ___________________________________________________________________________________

mettre un nom sur une note perçue par comparaison à des produits expéri-
mentés. Cet entraînement est nécessaire pour réaliser l’analyse sensorielle
descriptive d’un aliment. C’est un jeu auquel les amateurs de vin par exemple
sont habitués mais qui, de manière inconsciente, va déterminer le plaisir de
manger ou de boire.
L’importance de la perception olfactive vient de la liaison entre le système de
perception et une autre partie de notre cerveau dans laquelle est stockée
l’information d’expériences réalisées et interprétées. Ces expériences sont
acquises depuis l’enfance et par la culture. Cela fait de l’olfaction un sens très
important comme signal d’alarme d’une toxicité auquel il faut associé les aver-
sions alimentaires mais aussi, en contrepartie, les signaux attractifs qui
déterminent, pour une part, les préférences alimentaires.
C’est pourquoi l’ensemble de la filière alimentaire est intéressé par les
arômes, car c’est l’un des éléments qui va déterminer l’achat d’un produit.
L’industrie alimentaire en particulier met en œuvre des arômes pour rendre le
produit plus attractif, lui donner une typicité qui lui permet de se distinguer des
autres produits sur le marché... Si bien que, depuis le début du XXe siècle, une
importante industrie dédiée à la production d’arômes s’est développée afin de
satisfaire les besoins des industries alimentaires. La plupart de ces industriels
ont développé parallèlement les applications de ces produits en parfumerie et
dans les industries alimentaires. Ces entreprises (Givaudan, Firmenich,
Symrise, IFF, Mane...) sont peu connues du grand public, car leurs clients sont
d’autres entreprises.
Prenons maintenant l’exemple de l’arôme du café. Un mélange de l’ordre de
1 000 structures chimiques différentes est responsable de la variété des
arômes de café. Il est difficile d’imaginer la diversité des signaux que notre
système olfactif va percevoir et la variété des arômes de café qui vont être
générés en changeant les proportions de ces molécules volatiles.
Dans le café, l’origine des structures moléculaires volatiles qui sont rencon-
trées sont de plusieurs origines. Certaines viennent de la cerise du caféier,
d’autres sont générées par la fermentation de cette cerise, opération qui
précède la torréfaction. D’une part, la matière première, la fermentation et la
torréfaction vont être à l’origine de différentes familles de composés d’arômes
et, d’autre part, elles vont fournir, aux étapes de transformation suivantes, des
précurseurs de composés d’arôme. Les composés aromatiques seront alors
formés, pendant l’une des étapes suivantes du procédé, à partir de ces précur-
seurs. Ainsi la fermentation va libérer des acides aminés voire même des
composés carbonylés qui formeront des hétérocycles par les réactions thermi-
ques de la torréfaction qui lui succède.
Les produits fermentés traditionnels font partie des produits alimentaires
dont la reconnaissance est souvent régionale (poisson fermenté (nuoc-mâm au
Vietnam, fumasushi au Japon, surströming en Suède), le manioc fermenté
(foufou et chikwangue au Congo, attiéké en Côte d’Ivoire, gari au Bénin et au
Togo), fromages et spécialités laitières (camembert au lait cru et cancoillotte
en France, koumiss en Russie, cheddar en Grande-Bretagne) qui ont souvent
des arômes originaux et qui sont appréciés par les populations locales. Ce sont
des éléments d’indentité d’un groupe mais leur reconnaissance internationale
est quelquefois limitée. La conjonction des substrats et des microflores,
souvent complexes et mal connues mais sans danger avéré pour la santé, a
permis de faire des produits originaux. Ces fermentations permettent ainsi non
seulement de conserver voire d’améliorer la qualité nutritionnelle du substrat
d’origine agricole mais aussi de diversifier l’alimentation.
La meilleure maîtrise de ces produits a conduit dans un premier temps à
chercher à comprendre par quelles voies métaboliques et dans quelles
conditions ces molécules étaient produites. La démarche généralement suivie
part de l’identification des composés volatils responsables de défauts ou d’une
typicité particulière. L’identification de la structure des composés volatils perti-
nents va permettre de formuler des hypothèses sur l’origine du composé. Les
voies supposées peuvent ensuite être validées par un marquage isotopique.

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___________________________________________________________________________________ PRODUCTION D’ARÔMES PAR VOIE BIOTECHNOLOGIQUE

Comme les produits finaux sont volatils, on préférera les marquages avec des
isotopes stables ; cela pour des raisons de sécurité et parce que les méthodes
d’analyse telles que la spectrométrie de masse le permettent. Une fois la voie
de synthèse identifiée, il est possible d’étudier spécifiquement les conditions
qui vont permettre de prévenir ou au contraire d’augmenter la production des
composés responsables de défauts ou de qualités. À partir de là, il est possible
de mettre en œuvre des conditions de production favorables à la typicité
recherchée.
Dans un second temps, l’observation, dans certains produits fermentés, de
molécules particulièrement importantes en aromatiques (esters, lactones,
vanilline, frambinone...) a conduit l’industrie à essayer de les produire par voie
biologique. Dans ces conditions et à partir de substrats naturels, les molécules
produites ou leur usage dans des extraits aromatiques de plantes par exemple
vont permettre un étiquetage « arôme naturel » (voir ci-dessous).
Quand un produit est allégé en matière grasse on enlève, avec les matières
grasses, une grande partie des arômes. Il va donc falloir, dans ce contexte,
trouver les moyens de redonner des arômes à l’aliment, on ajoutera alors des
arômes sur un support comme les cyclodextrines ou de la gomme arabique
pour qu’ils ne s’évaporent pas rapidement après l’ouverture de l’emballage.
Ce chapitre traitera successivement : des propriétés des composés d’arôme ;
des voies biochimiques de production des arômes dans les végétaux et dans
les produits fermentés traditionnels. Enfin, il présentera quelques procédés mis
en œuvre par l’industrie pour produire des composés d’arôme cibles.

1. Propriétés des arômes seuil est très variable d’une molécule à une autre mais est en géné-
ral très faible. En solution dans l’eau, le seuil de perception va de
quelques ng/L à plusieurs mg/L suivant les structures. Il est
aujourd’hui difficile de déterminer, à partir de la structure d’une
1.1 Rôle biologique molécule, quelle sera son odeur et le niveau de son seuil de percep-
tion olfactif.
Les composés volatils peuvent être responsables de signaux qui
interagissent avec des molécules réceptrices et sont amplifiés par
les chaînes de signalisations biologiques. De ce fait, ce sont des 1.3 Législation européenne
composés biologiquement actifs. Ils sont souvent responsables de
signaux biologiques importants pour la communication à l’intérieur La législation en vigueur actuellement au niveau de l’Union
d’une espèce ou entre espèces. Ces systèmes de signalisation exis- européenne suit le règlement arômes et ingrédients alimentaires
tent chez les plantes et chez les animaux. Chez les animaux cette aromatisants du 16 décembre 2008 (réglement no 1334/2008). Elle
signalisation passe principalement par des neurones qui transmet- définie les « arômes », comme des produits :
tent au cerveau un courant qui sera à l’origine d’une perception.
– non destinés à être consommés en l’état, qui sont ajoutés aux
denrées alimentaires pour leur conférer une odeur et/ou un goût
1.2 Spécificités moléculaires et seuils ou modifier ceux-ci ;
de perception – issus ou constitués des catégories suivantes : substances aro-
matisantes, préparations aromatisantes, arômes obtenus par trai-
Les molécules aromatisantes ont quelques points en commun. tement thermique, arômes de fumée, précurseurs d’arôme ou
Elles doivent être volatiles, c’est-à-dire que le coefficient de par- autres arômes ou leurs mélanges.
tage entre l’aliment et la phase gazeuse doit permettre le passage La législation considère donc 6 classes de produits aromatisants :
des molécules dans la phase vapeur en concentration suffisante.
Les molécules aromatiques sont très généralement hydrophobes. – les substances aromatisantes sont des substances chimiques
définies, ce qui inclut les substances aromatisantes obtenues par
Dans un milieu riche en eau, en l’absence de matière grasse, les synthèse chimique ou isolées par des procédés chimiques, et les
composés hydrophobes passent facilement en phase gazeuse, et substances aromatisantes naturelles. On entend par « substance
cela même s’ils ont des points d’ébullition assez élevés (autour de aromatisante naturelle » une substance aromatisante obtenue par
200 oC). Au contraire, dès qu’il y a de la matière grasse, ils sont rete- des procédés physiques, enzymatiques ou microbiologiques
nus par la matière grasse et sont donc moins volatils. La volatilité appropriés, à partir de matières d’origine végétale, animale ou
d’un composé dépend donc non seulement des propriétés intrinsè- microbiologique prises en l’état ou après leur transformation pour
ques de la molécule mais aussi de la matrice dans laquelle il se la consommation humaine par un ou plusieurs des procédés tradi-
trouve. tionnels de préparation des denrées alimentaires. Les substances
Une fois la molécule en phase vapeur, l’interaction avec le récep- aromatisantes naturelles correspondent aux substances qui sont
teur olfactif va déterminer sa qualité et son seuil de perception. Ce naturellement présentes et ont été identifiées dans la nature ;

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PRODUCTION D’ARÔMES PAR VOIE BIOTECHNOLOGIQUE ___________________________________________________________________________________

– les préparations aromatisantes sont des arômes, autres que


des substances chimiques définies, qui sont obtenues par des pro- 2. Biosynthèse des arômes
cédés physiques, enzymatiques ou microbiologiques appropriés, à
partir de matières d’origine végétale, animale ou microbiologique
chez les végétaux
prises en l’état ou après leur transformation pour la consommation
humaine. Ce sont des mélanges de substances dont on ne connaît
et dans les produits
pas de façon exhaustive la composition. Ce sont des extraits obte- fermentés traditionnels
nus par des procédés physiques, enzymatiques ou microbiolo-
giques appropriés à partir de matières d’origine végétale, animale
ou minérale prises en l’état ou après leur transformation pour la Dans cette partie, nous traiterons successivement de la synthèse
consommation humaine. Ce sont principalement des extraits de des arômes à partir de leurs précurseurs dans les végétaux servant
plantes, de composition complexe qui seront capables d’évoquer de matière première pour les fermentations, de la synthèse
la typicité d’une épice, d’un fruit ou d’un produit fermenté. C’est d’arôme à partir des sucres et acides des milieux fermentaires, de
dans cette catégorie que vont se trouver les huiles essentielles ou la synthèse d’arômes à partir des protéines et acides aminés et
les EMDI (Enzyme Modified Dairy Ingredients). Ce dernier type de enfin de la synthèse d’arôme à partir des matières grasses et
produit est issu de milieux formulés afin qu’après action enzymati- acides gras.
que ou développement de micro-organismes appropriés, il évoque
un type de fromage. Ces produits sont ensuite utilisés pour aroma-
tiser des crackers, des pizzas ou des sauces. Les matières d’origine 2.1 Développement des arômes
végétale, animale ou microbiologique dont l’utilisation pour la pro- dans les produits par la maîtrise
duction d’arômes est largement démontrée à ce jour sont
considérées comme des denrées alimentaires, même si certains de
des précurseurs d’arômes :
ces matériaux de base, comme le bois de rose, les copeaux de cas des terpénols et des thiols
bois de chêne, les bourgeons de cassis et les feuilles de fraisier, ne
sont pas nécessairement utilisés en l’état dans l’alimentation. Ces Il est connu depuis longtemps que, chez les végétaux, les
matières ne doivent pas faire l’objet d’une évaluation ; composés d’arômes sont présents de façon inégale suivant les
– les arômes de transformation issus de la réaction de Maillard organes. Par exemple dans le cassis, les bourgeons sont plus
qui proviennent du chauffage d’un ou plusieurs sucres avec des riches en arômes que le fruit, ce qui conduit les professionnels de
acides aminés et vont développer des arômes de bouillon, de l’aromatique à extraire l’huile essentielle des bourgeons du cassis.
viandes, etc. Il s’agit alors de réactions purement chimiques accé- De même, des composés (volatils ou non) nommés aglycones sont
lérées par la température. Il a pu être mis en évidence récemment souvent présents dans les cellules végétales fixés à des glucides et
que certaines de ces réactions pouvaient avoir lieu même à basse forment ainsi des hétérosides.
température dans du vin par exemple à partir de molécules pro- Comme beaucoup d’autres composés non glucidiques des
duites biologiquement ; plantes, il apparaît que beaucoup de composés d’arômes sont pré-
– les arômes de fumée sont issus de la combustion incomplète sents dans les tissus végétaux sous forme de précurseurs. Les plus
du bois ; obtenus généralement par voie mécanique avec du bois étudiés sont d’une part les dérivés glycosylés et, d’autre part, les
frotté par un rotor. L’échauffement va libérer des composés vola- dérivés cystéinylés. Les dérivés glycosylés les plus étudiés ont un
tils qui sont récupérés en phase aqueuse et utilisés ensuite par aglycone de type phénolique (vanilline) ou terpénique (figure 1).
injection dans les poissons et charcuteries auxquelles on veut don- C’est le cas dans de nombreux fruits (tableau 1), dont le raisin mus-
ner un arôme de fumée [règlement (CE) no 2065/2003] ; cat. La glycosylation améliore la solubilité de ces molécules volati-
– les précurseurs d’arôme tels que les hydrates de carbone, les les généralement hydrophobes, ce qui améliore aussi, sans doute,
oligopeptides et les acides aminés conférant une flaveur aux den- leur élimination vers les vacuoles. La liaison entre le glycosyl et
rées alimentaires par des réactions chimiques qui se produisent l’aglycone peut être hydrolysée par une des nombreuses glycoside
pendant la transformation de ces denrées ; hydrolases présentes chez les plantes et les micro-organismes (82
– les autres arômes qui n’entrent dans la définition d’aucun des familles de ces enzymes sont répertoriées). Les propriétés des β-D-
arômes susmentionnés peuvent être utilisés dans et sur les denrées glucosidases ont été les mieux étudiées. Souvent les aglycones sont
alimentaires après avoir fait l’objet d’une procédure d’évaluation et portés par des diglucosides. Il peut y avoir clivage simultané :
d’autorisation. Il s’agit par exemple des arômes obtenus en chauf- – de la liaison entre les deux sucres simples qui portent l’agly-
fant pendant une durée très courte, à une température extrêmement cone et ;
élevée, de l’huile ou de la graisse, ce qui donne un arôme de grillé. – de la liaison entre l’aglycone et celui des deux sucres auquel il
Les substances aromatisantes ou les préparations aromatisantes est lié.
ne peuvent être déclarées « naturelles » sur l’étiquetage que si Il a été mis en évidence que les deux liaisons pouvaient aussi
elles respectent certains critères garantissant que le être clivées séquentiellement dans un processus à deux étapes
consommateur n’est pas induit en erreur. Si la source de l’arôme mettant probablement en œuvre deux enzymes différentes. Dans
est mentionnée, au moins 95 % de la partie aromatisante devrait le raisin, il a pu être mis en évidence que l’activité globale de ces
être obtenue à partir du matériau de base visé. Comme l’utilisation enzymes augmentait avec le mûrissement des baies.
d’arômes ne devrait pas induire le consommateur en erreur, les
5 % maximum restants ne peuvent être utilisés que pour les De nombreuses activités enzymatiques de ce genre ont été
besoins de la standardisation ou, par exemple, pour conférer à détectées chez des levures telles que Saccharomyces cerevisiae,
l’arôme une note fraîche, piquante, mûre ou verte, plus impor- Debaryomyces hansenii, Dekkera sp., Kloekera sp., mais aussi chez
tante. Dans ce cas, on utilisera par exemple la dénomination des champignons filamenteux comme Botrytis cinerea et chez cer-
« arôme banane ». Lorsque moins de 95 % de la partie aromati- taines bactéries lactiques comme Oenococcus oeni [18].
sante provenant du matériau de base visé dans la désignation de En dehors de l’intérêt de ces enzymes pour l’expression aroma-
l’arôme est mise en œuvre, et que la flaveur du matériau de base tique des composés d’arôme glycosylés présents dans les jus de
est encore reconnaissable, celui-ci doit être mentionné dans la fruit (tableau 1), ce procédé est particulièrement intéressant dans
désignation de l’arôme, avec l’indication que d’autres arômes le développement de l’arôme des gousses de vanille pendant leur
naturels ont été ajoutés, par exemple de l’extrait de cacao auquel affinage ; en effet, la gousse de vanille contient plus de vanilline
d’autres arômes naturels ont été ajoutés pour obtenir une note sous forme glycosylée que sous forme libre. Ces enzymes ont
aromatique de banane. Dans ce cas, le produit est étiqueté aussi un intérêt dans le développement de l’arôme du thé qui
« arôme goût banane ». possède dans ses feuilles des diglycosidases qui ont une affinité

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___________________________________________________________________________________ PRODUCTION D’ARÔMES PAR VOIE BIOTECHNOLOGIQUE

R R R
O O CH2 HO OO CH2 HO OO CH2
OO OH OO CH3 OO
OH
HOH2C OH OH OH
HO HO OH HO OH OH HO
OH OH OH
α-L-arabinofuranosyl-β-D-glucoside α-L-arabinopyranosyl-β-D-glucoside α-L-rhamnopyranosyl-β-D-glucoside
(Vicianoside) (Rutinoside)

R R CH2OH R
O O CH2 OO CH2 OO CH2
CH2OH OO OH OO OH OO
OH HO OH HO OH
HO HO HO OH HO OH HO
OH OH OH
β-D-apiofuranosyl-β-D-glucoside β-D-xylopyranosyl-β-D-glucoside β-D-glucopyranosyl-β-D-glucoside
(Primeveroside) (Gentibioside)
O O

CH2OH R
HO O R
OO
OO
OH
OH
HO
HO
OH
OH
β-D-glucoside Malonyl-β-D-glucoside
R-OH
Monoterpènes C13-norisoprenoides Dérivés benzéniques
OH
CH2OH

OH
O
OH
3-oxo-α-ionol Alcool benzylique
OH
Geraniol Nerol CH2–CH2OH
OH
OH
OH O
Vomifoliol
O 2-phenyl-éthanol
OH
CHO
Linalol 2,6-dien1,8-diol
HO HO
OCH3
OH
3-hydroxy-β-damascone
Vanilline
OH O
O
Oxyde de linalol-furane Oxyde de linalol-pyrane

Figure 1 – Structure de précuseurs glycosidiques aromatiques rencontrés dans les plantes (d’après [38])

particulière pour les β-primeverosides à l’origine de l’arôme floral florales de vin issus de cépages Riesling, Gewurztraminer et sur-
qui apparaît dans le thé au cours du procédé de fabrication. Les tout Muscat. Ce traitement peut permettre aussi la libération de
dégradations, subies par les membranes des compartiments des précurseurs d’arômes qui vont conduire au développement de
cellules des feuilles de thé pendant ce procédé, auront pour composés d’arômes particulièrement importants au cours du
conséquences de mettre en contact les enzymes et leurs substrats vieillissement. Il a pu être montré que ces traitements conduisaient
et de libérer les aglycones. à l’augmentation de norisoprénoides inodores mais qui au cours
Aujourd’hui ces processus peuvent être accélérés par l’usage du vieillissement vont donner naissance à la β-damascenone, au
d’enzymes exogènes issues de diverses espèces microbiennes, en vitispirane et au théaspirane par des réactions catalysées par l’aci-
général des levures ou des champignons filamenteux. Dans la dité du vin au cours du vieillissement. Ces traitements permettent
fabrication du vin, ces enzymes permettent de libérer une très d’obtenir les notes olfactives attendues dans un vin vieux en un
grande variété de composés et permettent d’augmenter les notes temps plus court.

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IN233

INNOVATION

Production d’arômes biosourcés


Exemple de la dairy lactone

par Louis M.M. MOUTERDE


Chargé de Recherche
URD Agro-Biotechnologies Industrielles (ABI), CEBB,
AgroParisTech, Pomacle, France
Kevin MAGNIEN
Chargé de la Valorisation
URD Agro-Biotechnologies Industrielles (ABI), CEBB,
AgroParisTech, Pomacle, France
Grégoire BURGÉ
Chargé de la Valorisation de la Recherche,
Direction de la Recherche et de la Valorisation, AgroParisTech, Paris, France
URD Agro-Biotechnologies Industrielles (ABI), CEBB
et Florent ALLAIS
Directeur de l’URD Agro-Biotechnologies Industrielles (ABI), CEBB,
AgroParisTech, Pomacle, France

L es lactones sont des molécules qui font partie de la famille des


composés aromatiques, éléments omniprésents responsables des
goûts et des senteurs qui nous entourent. Leurs voies d’accès sont multi-
ples et des procédés ont été développés afin de pouvoir répondre aux
besoins des industries agroalimentaires, cosmétiques, pharmaceutiques et
de produits d’hygiène et d’entretien. Deux stratégies de production sont
généralement explorées, la voie biotechnologique et la voie de synthèse,
présentant chacune des avantages et des inconvénients.
La voie biotechnologique présente l’avantage d’être naturelle et biosourcée
de par la nature même de son procédé, cependant la productivité est
généralement un frein et une optimisation des milieux de cultures et/ou
des souches utilisées est nécessaire. De son côté, la voie de synthèse pré-
sente de très bons rendements, mais généralement, dépendante de
produits pétrosourcés. Cependant, des solutions sont développés pour
rendre la voie de synthèse biosourcée par exemple à partir de l’acide glu-
tamique ou de sciure de bois.
L’exemple de la dairy lactone illustre parfaitement cette réalité et ajoute
une nouvelle variable : l’énantiosélectivité. En effet, cet arôme possède un
centre chiral pouvant modifier les propriétés aromatiques du composé.
Dans ce cas précis, un des énantiomères donne le goût attendu et l’autre
procure un arrière-goût rance. L’optimisation de la voie biotechnologique a
malheureusement négativement impacté l’énantiosélectivité du procédé,
menant alors à un mélange racémique de dairy lactone. En réponse à ce
problème, une voie de synthèse énantiosélective a été développée et opti-
misée privilégiant l’utilisation de précurseurs biosourcés. L’exemple de
l’obtention de la dairy lactone biosourcée, qu’elle soit par voie biotechnolo-
Parution : mars 2019

gique ou de synthèse, illustre parfaitement la volonté des acteurs du


marché des arômes de développer des produits d’origine naturelle via des
procédés éco-conçus.

3-2019 © Editions T.I. IN 233 - 1

21
Référence Internet
IN233

INNOVATION

Points clés
Domaine : Arômes
Degré de diffusion de la technologie : Croissance
Technologies impliquées : Biotechnologie/Chimie Verte/Biocatalyse
Domaines d’application : Agroalimentaire
Principaux acteurs français :
– Pôles de compétitivité : pôle Industries et Agro-Ressources, Cosmetic Valley
– SNIAA – Syndicat National des Ingrédients Aromatiques Alimentaires
– Industriels : Mane, Robertet
Autres acteurs dans le monde : Givaudan, Firmenich, IFF, Symrise
Contact : florent.allais@agroparistech.fr

1. Contexte molécule odorante, une cascade de signalisation est déclenchée


afin de transmettre le signal olfactif jusqu’au bulbe olfactif dans
la région préfrontale du cerveau, permettant ainsi de percevoir
1.1 Propriétés des arômes et de reconnaître une odeur particulière. Ce bulbe servira de
relai d’informations jusqu’au cortex olfactif qui comprend de
nombreuses zones du cerveau, et notamment celles permettant
Un composé aromatique est une molécule volatile de faible l’identification des odeurs et leur mémorisation.
masse molaire dont la pression partielle, dans les conditions
normales de température et de pression, est suffisamment éle- On peut distinguer cinq types de substances aromatiques :
vée pour que cette molécule soit partiellement à l’état gazeux et – naturelles : molécules obtenues par procédés d’extrac-
puisse provoquer un stimulus au contact de la muqueuse olfac- tion de produits naturels ou par voie biotechnologique ;
tive. Cette muqueuse olfactive est constituée de récepteurs – identiques aux naturelles : molécules obtenues par
olfactifs qui vont percevoir ces molécules aromatiques prove- voie de synthèse chimique mais qui existent dans la nature ;
nant du nez (voie orthonasale) et de la bouche (voie – artificielles : molécules intéressantes d’un point de vue
rétronasale) [1]. Il est important de distinguer l’odorat et le aromatique mais n’existant pas dans la nature ;
goût, l’odorat correspond à la distinction de molécules volatiles, – de transformation : molécules obtenues par une réac-
alors que le goût permet la détection de substances chimiques tion de Maillard et mimant des réactions se produisant natu-
en solution via des chémorécepteurs sur la langue (figure 1). rellement lors de la cuisson des aliments ;
– de fumée : molécules aromatiques obtenues par combus-
L’être humain possède environ 400 types de récepteurs olfac- tion du bois.
tifs différents présents sur l’épithélium olfactif au fond de la
cavité nasale. Lorsque ces récepteurs sont stimulés par une 1.2 Marché des arômes
Le marché des arômes implique de nombreux acteurs de la
ressource agricole jusqu’à l’assiette. En premier lieu, on
retrouve la première transformation agricole avec, par
exemple, des champs de lavande en Provence ou des gousses
de vanille de Madagascar. La filière de l’arôme s’intéresse donc
à l’optimisation de l’amont agricole qui est le premier fournis-
seur de matières premières aromatiques. Ensuite, l’industrie
Thalamus
aromatique transformera cette matière première en arômes ou
huiles essentielles en incorporant des molécules aromatiques
Bulbe olfactif
dans une matrice et en formulant des mélanges avec d’autres
Lame criblée
de l’ethmoïde molécules en fonction de leur besoin (figure 2).
Nerf olfactif Ces fabricants obtiendront donc des solutions aromatiques
Épithélium olfactif destinées aux industries agroalimentaires, cosmétiques, phar-
Fosse nasale maceutiques ou de produits d’hygiène et d’entretien avant de
passer par la distribution puis au consommateur final.
Aujourd’hui, 60 % du marché mondial des arômes est partagé
Olfaction directe entre cinq principaux industriels du secteur (Givaudan, Firme-
nich, IFF, Symrise et Mane SA) (figure 3).
Le chiffre d’affaires de l’arôme alimentaire en France est en
constante augmentation depuis 2011 avec 411 millions d’euros
en 2016 (figure 4). La même évolution est logiquement visible
Olfaction
rétro-nasale
sur le nombre de salariés, passé de 1 800 à 2 070 de 2012 à
2016. La tendance actuelle qui se dégage chez les consomma-
teurs est celle d’un retour au « manger sain » et à une préoccu-
Figure 1 – Schéma du système olfactif chez l’homme pation croissante pour l’environnement, qui se traduit par une

IN 233 - 2 © Editions T.I. 3-2019

22
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IN233

INNOVATION

Production agricole
Produit les matières
premières aromatiques
(poivre, algues, gousses
de vanille, etc.)

Entreprise de
l’aromatique
Transforme les matières
premières aromatiques
afin d’obtenir des arômes

Industrie alimentaire
Ajoute l’arôme en très
faible dose (moins
Artisanat alimentaire de 2 %) dans ses
Introduit les arômes produits)
à très faible dose
dans ses créations
(arôme café dans Distribution
les éclairs, etc.) Distribue les
produits alimentaires
(grande distribution,
commerçants locaux,
etc.)

Consommateurs

Figure 2 – Schéma de la filière des arômes alimentaires

demande de produits naturels, produits localement ou en cir- Les lactones constituent des esters particuliers comportant
cuits courts, et dans une logique de développement durable. Le un cycle bi-oxygéné (cycle composé de cinq ou six atomes),
caractère biosourcé d’un arôme est donc devenu également un résultant de la cyclisation d’acides hydroxylés [2]. Ce sont éga-
argument marketing essentiel pour les industries d’arômes. De lement des composés volatiles dont le nombre de carbone est
nouveaux arômes naturels ont également été développés afin compris entre 4 (butyrolactone) et 12 (dodécalactone). Les
de compenser gustativement la teneur en sucres et en sels de qualités olfactives de ces lactones sont en relation avec leur
certains produits. structure et leur chiralité. En général, leur concentration dans
les aliments est faible, mais avec un potentiel aromatique élevé
et un seuil de perception faible (tableau 1).
1.3 Lactones
Parmi les différentes lactones citées précédemment, une en
Il existe deux principales familles de composés chimiques
particulier, la (6Z)-dairy lactone, intéresse fortement les indus-
dans le marché des arômes alimentaires : les aldéhydes et les
tries agroalimentaires qui l’incorporent dans de nombreuses
lactones. Chacune de ces familles est composée d’une multitude
matrices alimentaires telles que les glaces, les viennoiseries
de molécules donnant accès aux goûts et aux senteurs que nous
industrielles, la margarine, les sauces ou les snacks. À l’heure
connaissons. L’objet de cet article n’étant pas de traiter de
actuelle, cette molécule aromatique est produite par voie bio-
manière exhaustive tous ces composés, le focus sera fait sur la
technologique, conduisant à l’obtention d’un mélange racé-
famille des lactones, et plus particulièrement sur la dairy lac-
mique dans lequel les deux énantiomères sont obtenus en
tone.
proportion quasi équivalentes. Cependant, certains consomma-
Les lactones sont largement représentées dans les aliments teurs se sont plaints de l’arrière-goût rance des produits. Cet
et les boissons. Ce sont des molécules aromatiques donnant arrière-goût proviendrait de l’énantiomère (R) de la dairy
généralement des notes fruitées (pêche, abricot, noix de coco) lactone [4]. Pour résoudre cette problématique, des alterna-
ou grasses (lait, beurre). On les retrouve dans de nombreux ali- tives ont été développées pour obtenir exclusivement l’énantio-
ments d’origine animale (lait, viandes) ou végétale (vins, mère (S) qui, en outre, stimule trois fois plus la réponse
pêches, noix). olfactive chez l’homme que l’énantiomère (R) [5].

3-2019 © Editions T.I. IN 233 - 3

23
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IN233

INNOVATION

Robertet SA : 2,20 % T. Hasegawa : 1,63 %


Sensient Flavors : 2,40 %

Takasago : 4,70 % Givaudan : 19,50 %

Frutarom : 4,80 %

Mane SA : 5,00 %

Symrise : 10,20 %
Firmenich : 13,90 %

IFF : 12,90 %

Figure 3 – Parts de marché des 10 principales industries aromatiques dans le monde en 2017

500

480 471

454
460
435
440
418
420 406

400 391

380

360

340

320

300
2011 2011,5 2012 2012,5 2013 2013,5 2014 2014,5 2015 2015,5 2016

Figure 4 – Évolution du chiffre d’affaires de l’aromatique alimentaire en France (en millions d’euros)

1.4 Production de lactones biosourcées : ponsables de leurs biosynthèses et optimiser les conditions de
le cas de la dairy lactone culture. C’est le cas pour la bioconversion de la γ-décalactone à
partir de l’huile de ricin via des levures ou des champignons
Les lactones sont des métabolites de micro-organismes filamenteux [2], de la β-méthyl-γ-octalactone (whisky lactone)
utilisés lors des procédés de fermentation. Ainsi, pour à partir de fûts de chêne via des levures [6] [7] ou de la
obtenir ces lactones de manière biosourcée, la voie préféren- β-méthyl-γ-nonalactone (cognac lactone) à partir d’acides gras
tielle de production consiste à isoler les micro-organismes res- via la levure de boulanger. On retrouve aussi la bioconversion

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F4300

Gomme xanthane : agent viscosant


et stabilisant

par Jean-Luc SIMON


Directeur des recherches techniques de l’usine Rhodia-Food de Melle (79)

1. Structure .................................................................................................... F 4 300 – 2


2. Biosynthèse ............................................................................................... — 2
2.1 Production de biomasse ............................................................................. — 3
2.2 Production de gomme xanthane................................................................ — 4
2.3 Extraction de la gomme xanthane ............................................................. — 4
3. Propriétés physico-chimiques .............................................................. — 4
4. Applications .............................................................................................. — 5
5. Mise en œuvre........................................................................................... — 8
6. Perspectives .............................................................................................. — 8
6.1 Avenir de la gomme xanthane ................................................................... — 8
6.2 Autres polysaccharides ............................................................................... — 8
Pour en savoir plus........................................................................................... Doc. F 4 300

a gomme xanthane est un hétéropolysaccharide synthétisé par une bactérie


L « Xanthomonas campestris ».
Ce polymère est commercialisé essentiellement sous forme d’une poudre
obtenue par précipitation du polysaccharide contenu dans le moût de fermenta-
tion à l’aide d’un solvant organique polaire.
Bien que son prix soit relativement élevé, la gomme xanthane trouve des
applications industrielles nombreuses et variées, grâce à ses propriétés rhéolo-
giques exceptionnelles. Le marché mondial, estimé à plus de 30 000 t/an, connaît
une croissance soutenue de plus de 5% par an.
La gomme xanthane est utilisée pour la récupération du pétrole, dans la
confection des ciments et mortiers pour le BTP, dans l’industrie des cosméti-
ques, notamment dans les shampoings et les gels de douche pour faciliter l’uti-
lisation des détergents, dans la formulation des peintures, etc.
Mais c’est dans les industries alimentaires que les propriétés rhéologiques de
la gomme xanthane trouvent leurs principales applications. Cet article se pro-
pose de les passer en revue.
Parution : décembre 2001

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
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F4300

GOMME XANTHANE : AGENT VISCOSANT ET STABILISANT _____________________________________________________________________________________

1. Structure
La gomme xanthane est une substance sécrétée par une bactérie glucose
(cf. encadré « Historique »). C’est une énorme molécule. Sa masse acide glucuronique
moléculaire est estimée entre 1,5 × 106 et 5 × 106 daltons, soit 1,5 à mannose
5 t/mole ! Sa formule brute approximative et moyenne est la
suivante :
(C67H102O56)n n = 830 à 2 800
Figure 2 – Structure secondaire de la gomme xanthane à l’état solide
■ La structure primaire de la gomme xanthane consiste en une
chaîne principale de cellulose, c’est-à-dire de monomères β-D-glu-
cose liées entre eux par liaison O-glycosidique (1-4). Cette chaîne
● En solution aqueuse, 3 conformations sont possibles. La gomme
porte un branchement latéral triosidique tous les 2 glucose. Ce bran-
nouvellement biosynthétisée se trouve à l’état natif dans le moût. Cet
chement est constitué d’un α-D-mannose lié à la chaîne principale
état correspond à une structure hélicoïdale. Cette conformation est
par liaison osidique (1-3), d’un acide β-D-glucuronique lié au
modélisée par des bâtonnets semi-rigides. La structure native est
1er mannose par liaison osidique (1-2) et d’un β-D-mannose lié à
dénaturée lorsque l’on augmente la température ou que l’on abaisse
l’acide glucuronique par liaison osidique (1-4). Le 1er mannose est le
la force ionique. La plage de température de changement conforma-
plus souvent acétylé en position 6 et le 2e mannose peut être pyru-
tionnel se situe habituellement entre 40 et 100 °C. La transition se fait
vylé par liaison cétalique en position 4 et 6.
de façon irréversible. L’état dénaturé correspond à une structure
Ainsi, la gomme xanthane est un polymère constitué d’une unité désordonnée en pelote. Après refroidissement, on passe à un état
pentasaccharidique branchée, acétylée et pyruvylée. renaturé, différent de la conformation native. La structure, à nouveau
Deux groupements carboxyliques confèrent à la gomme xanthane ordonnée et hélicoïdale, peut être représentée par des bâtonnets plus
un caractère anionique. Les contre-ions les plus couramment ren- étendus d’une longueur de plusieurs dixièmes de micromètre. Le
contrés sont Na+, K+ et Ca2+. Cette unité est décrite sur la figure 1. passage entre les états dénaturé et renaturé est réversible.

■ La structure secondaire de la gomme xanthane fait encore l’objet


d’un débat controversé. Historique
● À l’état solide, la chaîne principale se présente sous forme Dans les années 1940, le département américain de l’ Agriculture de
d’une hélice droite dont le pas mesure 4,7 nm et totalise 5 unités l’Illinois s’intéresse à la cause d’une maladie affectant certains végétaux,
répétitives (figure 2). Les chaînes ramifiées (≈ 60 % de la masse notamment les crucifères. Les chercheurs isolent une bactérie qui
excrète une substance visqueuse obstruant les pores des feuilles de
totale) sont repliées le long de la chaîne cellulosique, constituant choux (Brassica spp). Ce biofilm visqueux permet à la bactérie d’adhérer
ainsi un 2e brin discontinu. au support et de capturer les nutriments nécessaires à sa croissance.
Mise en culture sur milieu solide, la bactérie présente un aspect mucoïde.
En culture submergée, le milieu devient rapidement visqueux. La bacté-
rie est baptisée Xanthomonas campestris et la substance excrétée
« gomme xanthane ». Le micro-organisme fut déposé au Northern Regio-
nal Research Laboraty sous le code NRRL B-1459 dans les années 1950.
Un autre clone fut déposé à l’American Type Culture Collection sous
le code ATCC 13951.
Le polysaccharide commence à être commercialisé dans les années
1960 pour ses propriétés rhéologiques. C’est alors le 2e polysaccharide
Glucose microbien à être exploité industriellement après le dextrane. La gomme
xanthane sera approuvée pour son usage alimentaire par la FDA (Food
CH2OH CH2OH CH2OH CH2OH and Drug Administration) en 1969 puis, progressivement, par de nom-
breux pays (numéro E 415 dans la CEE en 1980). Son développement
O O O O industriel n’aura de cesse de se poursuivre. La gomme xanthane devien-
dra le polysaccharide microbien de loin le plus vendu.
O O O O Le micro-organisme a été amélioré selon différents critères : stabilité
OH OH OH OH
sur plusieurs dizaines de générations, résistance aux bactériophages
OH OH OH OH (virus), conversion rapide et quasi totale de matières premières disponi-
bles et bon marché en biomasse et gomme xanthane, aptitude à conférer
AcOCH2 O AcOCH2 O au moût de fermentation une capacité de transfert d’oxygène plus élevée
O O et aptitude à utiliser d’autres accepteurs d’électrons, résistance au
cisaillement… Le procédé a également fait l’objet de nombreuses recher-
OH OH ches en vue de sélectionner des matières premières économiques,
HO HO Mannose d’assurer les transferts de matière efficacement et au meilleur prix,
acétylé d’économiser le solvant d’extraction, d’améliorer les échanges thermi-
COO M COO M ques, d’assurer la stérilité, de séparer au mieux les phases aqueuses et
O O
Acide organiques de la gomme, de diversifier les grades en vue de répondre,
de façon plus appropriée, aux besoins spécifiques des différentes appli-
pyruvique Acide cations.
OH OH
glucuronique
M OOC O CH2 O CH2OH O
O O
C
OHOH OH OH OH
Mannose 2. Biosynthèse
CH3 O

La gomme xanthane est synthétisée et excrétée par la bactérie


Ac = CH3CO
Xanthomonas campestris. Ce micro-organisme est strictement aéro-
M = contre-ion Na+, K+, Ca2+ bie (il ne se développe qu’en présence d’oxygène) et se présente
sous forme de coques ou de petite bâtonnets de taille moyenne
(0,5 × 1,3 µm). Les industriels ont amélioré progressivement les per-
formances de la souche par des techniques classiques de muta-
Figure 1 – Structure primaire de l’unité pentasaccharidique genèse et de sélection bactérienne. Les critères d’amélioration sont,
de la gomme xanthane entre autres, ceux qui ont été cités dans l’encadré Historique.

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26
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F4350

Gomme d’acacia, hydrocolloïde


multifonctionnel et nutritionnel

par Francis THEVENET


Directeur Assistance Technique de Colloïdes Naturels International (CNI)

1. Origine ......................................................................................................... F 4 350 - 2


2. Structure chimique .................................................................................. — 2
3. Applications technologiques ................................................................ — 3
3.1 Confiserie...................................................................................................... — 3
3.1.1 Confiserie de gomme : « boules de gomme ».................................. — 3
3.1.2 Pâtes à mâcher .................................................................................... — 4
3.1.3 Dragéification ...................................................................................... — 4
3.2 Émulsions ..................................................................................................... — 4
3.3 Encapsulation ............................................................................................... — 5
4. Propriétés et applications nutritionnelles ........................................ — 6
4.1 Fibre alimentaire .......................................................................................... — 7
4.2 Prébiotique : effet bifidogène...................................................................... — 7
4.3 Tolérance intestinale.................................................................................... — 7
4.4 Effet hypoglycémique .................................................................................. — 7
4.5 Effet acariogène ........................................................................................... — 7
4.6 Faible valeur calorique ................................................................................ — 7
4.7 Application alimentaire de la gomme d’acacia pour ses effets santé ..... — 7
5. Quel futur pour la gomme d’acacia ? ................................................. — 8
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. F 4 350

a gomme d’acacia (gomme arabique) est un exsudat naturel végétal


L d’arbres de la famille botanique des acacias. Elle est connue et utilisée
depuis l’Antiquité.
Hydrocolloïde de faible viscosité, à propriétés texturantes, émulsifiantes et
filmogènes, la gomme d’acacia est largement employée comme additif alimen-
taire. Le marché des aliments fonctionnels a développé l’emploi de gomme
d’acacia comme ingrédient à propriétés santé grâce à ses fonctionnalités de
fibre soluble prébiotique.
L’industrie pharmaceutique tout comme certaines applications techniques
sont également consommatrices de gomme d’acacia.
Parution : juin 2009

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


est strictement interdite. – © Editions T.I. F 4 350 – 1

27
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F4350

GOMME D’ACACIA, HYDROCOLLOÏDE MULTIFONCTIONNEL ET NUTRITIONNEL __________________________________________________________________

1. Origine
Il existe de très nombreuses espèces botaniques d’acacia, environ
700 réparties sur les cinq continents. Même si toutes les espèces ne
produisent pas d’exsudat gommeux, seules deux espèces sont défi-
nies par les autorités responsables de la sécurité des produits Gomme brute native
alimentaires (Food Agricultural Organisation) comme bénéficiant du 5 à 40 mm
statut alimentaire de gomme d’acacia : Acacia senegal (Vulgares ) et
Acacia seyal (Gummiferae ). Concassage
1 à 5 mm
Les acacias produisant de la gomme se trouvent uniquement sur
le continent africain dans la zone subsahélienne allant du Sénégal
à l’Éthiopie. Dissolution dans l’eau

Les acacias sources de gomme proviennent, soit de forêts issues


de plantations, soit se trouvent à l’état naturel. La gomme exsude Filtrations
naturellement du tronc et des branches de l’arbre durant la saison
sèche de décembre à mai. Elle est collectée manuellement par les
fermiers après un écorchage superficiel. La quantité récoltée Stérilisation
annuellement par arbre est d’environ 400 g ce qui met en valeur
l’intérêt économique important pour la population, compte tenu du
marché mondial qui est de l’ordre de 55 000 t. Séchage

Le produit brut se présente sous la forme de nodules de diffé-


rentes tailles (de 5 à 40 mm), contaminés par des impuretés végé- Atomisation simple effet : Atomisation multiple effet :
qualité atomisée qualité granulée
tales (bois, graines, feuilles...), minérales (sable) et bien sûr
d’origine bactériologique (la gomme peut subir un premier triage
manuel avant exportation). Figure 1 – Procédé de purification

Les intervenants internationaux sur ce marché de gomme d’aca-


cia importent donc d’Afrique une gomme brute qu’ils vont purifier Tableau 1 – Structure chimique
pour la commercialiser aux utilisateurs finaux avec des garanties de l’A. senegal et de l’A. seyal
d’origine, de pureté, de fonctionnalité et de qualité bactériolo-
gique. Il faut souligner que les intervenants majeurs ont des filiales Exsudat Exsudat
en Afrique pour une meilleure traçabilité des produits. d’Acacia d’Acacia
senegal Seyal
La purification s’effectue par voie humide en dissolvant la (Vulgares ) (Gummiferae)
gomme dans l’eau. Les impuretés insolubles sont éliminées par
une cascade de filtrations et la qualité bactériologique maîtrisée Composition en sucres
par stérilisation. après hydrolyse
Galactose ..................................(%) 44 38
L’eau est éliminée par séchage par atomisation et la gomme
d’acacia purifiée se présente sous la forme de poudre blanche Arabinose..................................(%) 27 46
(granulométrie de 30 à 300 µm selon les qualités) (figure 1).
Rhamnose .................................(%) 13 4
Acides glucuroniques ..............(%) 14,5 6,5

2. Structure chimique Acides


O-méthylglucuroniques ...........(%)
1,5 5,5

Pouvoir rotatoire – 30 + 51
La gomme d’acacia est un polysaccharide de type arabinogalac-
tane fortement ramifié, de haut poids moléculaire et ne dévelop- Viscosité intrinsèque
pant qu’une faible viscosité en solution dans l’eau. limite..................................... (ml/g) 16 à 24 13 à 17

Les sucres constitutifs de la molécule sont caractéristiques à Azote..........................................(%) 0,29 0,14


toutes les gommes d’acacia : galactose, arabinose, rhamnose et Cendres .....................................(%) 3,90 2,80
acides glucuroniques partiellement salifiés. Les nouvelles tech-
niques de chromatographie par exclusion de gel (SEC) associées à Masse moléculaire
la diffusion de lumière multi-angles (MALLS) ont permis de mieux moyenne ............................. (× 105) 3à9 8 à 35
connaître la structure complexe de cette macromolécule
(tableau 1). Masse moléculaire
fraction AGP ....................... (× 105) 16 à 30 20 à 90
Deux fractions principales constituent la molécule ; une fraction
de faible poids moléculaire (environ 300 000 daltons : fraction ara- Pourcentage
binogalactane) représentant 80 % de l’exsudat d’Acacia senegal et de fraction AGP ........................(%) 9 à 17 6 à 29
une fraction de haut poids moléculaire (environ 5 000 000 daltons ; Masse moléculaire
20 % de la molécule) dans laquelle les fractions arabinogalactanes fraction AG.......................... (× 105) 2,6 à 4 7 à 13
sont liées par une liaison covalente à la protéine de la molécule
(cette représentation prend la forme du modèle wattle blossom ) AG : ArabinoGalactose
(figure 2). AGP : ArabinoGalactoProtéine

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F 4 350 – 2 est strictement interdite. – © Editions T.I.

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F4600

Levures biologiques alimentaires


et poudres levantes

par Richard REVY


Professeur à l’École nationale des industries du lait et des biotechnologies (ENILBio) de
Poligny

1. Levures biologiques ................................................................................ F 4 600 - 2


1.1 Phylogenèse................................................................................................. — 2
1.2 Mode de reproduction................................................................................. — 3
1.3 Physiologie................................................................................................... — 3
1.4 Composition chimique ................................................................................ — 4
1.5 Besoins nutritifs ........................................................................................... — 4
1.6 Production d’énergie métabolique............................................................. — 4
1.7 Utilisation des substrats fermentescibles.................................................. — 6
1.8 Production industrielle ................................................................................ — 6
2. Différentes phases de la fermentation panaire............................... — 8
2.1 Conduite de la fermentation : différentes phases de fermentation
et leur rôle .................................................................................................... — 8
2.2 Identification des différents facteurs du milieu et leur influence ............ — 9
3. Poudres levantes ...................................................................................... — 10
3.1 Différents types de poudres levantes ........................................................ — 11
3.1.1 Substances alcalines génératrices d’acide carbonique employées
seules................................................................................................... — 11
3.1.2 Substances utilisées en mélange : les poudres levantes ................ — 12
3.2 Préparation des poudres levantes.............................................................. — 13
3.3 Principales formules types de poudres levantes ...................................... — 13
3.4 Étude technologique du dégagement gazeux ........................................... — 14
3.5 Mode d’action des poudres levantes ......................................................... — 14
3.6 Conditions d’utilisation des poudres levantes .......................................... — 14
3.7 Analyse rapide des poudres levantes ........................................................ — 15
4. Comparaison entre levures biologiques et poudres levantes ..... — 15
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. F 4 600

es linéaires des grandes et moyennes surfaces pullulent de produits à


L structure aérée tels que les glaces, les mousses, les pâtes boulangères et
pâtissières.
Pour faire lever les pâtes et leur donner une structure alvéolaire, les industriels
ont à disposition deux catégories d’additifs de levée : les levures biologiques
(Saccharomyces, Candida, Torulopsis) et les « levures chimiques » (bicarbonate
de sodium, pyrophosphate acide de sodium). Les premiers feront une fermenta-
tion postcuisson tandis que les deuxièmes opéreront un dégagement gazeux
lors de la cuisson. Les produits obtenus auront une certaine légèreté rendant
leur dégustation agréable et leur digestion aisée mais, surtout, ils présenteront
une porosité accrue favorisant leur cuisson et leur déshydratation partielle (perte
d’eau).
Parution : mars 2005

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29
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F4600

LEVURES BIOLOGIQUES ALIMENTAIRES ET POUDRES LEVANTES ________________________________________________________________________________

Dans beaucoup de cas, la cuisson va augmenter considérablement le volume


initial des pâtes en accélérant la formation de gaz carbonique (biscotte), en
provoquant l’expansion de la pâte par l’utilisation des « poudres levantes »
(madeleines), en dilatant l’air occlus notamment dans le blanc de l’œuf
(boudoirs, macarons, meringues...) ou en vaporisant l’eau du milieu.
Comme l’expansion des pâtes est orchestrée par les substances de levée, il est
nécessaire de faire le bon choix entre les deux catégories de levures : en bis-
cuiterie (madeleines, pains d’épices...) pour obtenir une cuisson rapide et
régulière, une homogénéité de forme et de couleur, mieux vaut utiliser les pro-
duits chimiques. Par contre, en boulangerie (pain, biscottes, brioches...), afin
d’avoir une porosité marquée, une expansion importante et une sapidité accrue,
les ferments naturels seront plus appropriés.
Pour une revue plus complète sur le sujet, le lecteur se reportera aux ouvrages généraux réfé-
rencés [1] à [8] en [Doc. F 4 600] et aux articles plus spécialisés parus dans les Techniques de
l’Ingénieur [4] à [14].

1. Levures biologiques 1.1 Phylogenèse

Les levures biologiques sont des champignons unicellulaires


La confusion est grande entre poudre levante (levure chimique) et microscopiques, en général du genre Saccharomyces, mais il en
levure biologique de boulangerie. De plus l’existence de levure bio- existe d’autres pour des applications boulangères précises
logique sèche active offrant la même présentation (aspect pulvéru- (tableau 1). La classification de référence actuellement pour les
lent et sachet papier) ne fait qu’augmenter le trouble. Il existe bien levures est celle réalisée par Lodder en 1971 (tableau 2). En ce qui
évidemment l’éternelle pâte de volume plus ou moins variable et concerne la levure de boulangerie, quelques points sont importants
dont la plus connue reste celle vendue par les boulangers sous à noter. Elle appartient aux Eucaryotes (espèces à noyau différencié
forme de cube de 42 g. avec membrane et chromosomes) ; c’est un champignon unicellu-
laire (absence de chlorophylle pour la photosynthèse), de la classe
des Ascomycetes (présence de sacs renfermant des spores), du
Historique sur l’utilisation des levures biologiques genre Saccharomyces dites levures vraies (leur nom réfère à leur
affinité pour le sucre), espèce cerevisiae (nom évoquant celui de cer-
Les levures ont la capacité de produire de l’alcool et du gaz carbonique voise, donné jadis à la bière). L’espèce est encore divisée en variétés
à partir d’un sucre ; c’est ce que l’on appelle « la fermentation ». Ce pro-
cédé et les mécanismes physico-chimiques qui l’accompagnent, vieux et en souches.
d’environ 5 000 ans, sont restés fort longtemps méconnus par ses utilisa-
(0)

teurs. Au début de l’Humanité, les céréales étaient consommées à l’état


de bouillies, puis sous forme de galettes cuites (ancêtres du biscuit). C’est Tableau 1 – Levures pour différentes applications
l’introduction du levain qui bouleversa la transformation des céréales. La boulangères
fabrication du pain et celle de la bière se sont « rencontrées » en plein
centre de l’Égypte ancienne où l’on prélevait les levains en recueillant la
mousse (écume) qui remontait à la surface de la bière. Ces levains étaient Applications Genres Espèces
incorporés dans la pâte, ce qui donnait des pains bien aérés ; les Gaulois
ont longtemps aussi utilisé ce principe. Cette technique a été reprise au Multiusage Saccharomyces cerevisiae
XVIIe siècle pour fabriquer le pain mollet. Des bouleversements apparu-
rent dans la fermentation brassicole (fermentation basse pour remplacer Pâtes très sucrées Saccharomyces rosei
la fermentation haute), ce qui mit en difficulté la fabrication du pain. C’est
alors que la levure de distillerie combla la carence. En 1665, on fit le pre- Saccharomyces rouxii
mier ajout de levure en boulangerie française (un boulanger parisien uti-
lisa de la levure de bière afin de donner plus de saveur à ses pains Renforcement de flaveur Saccharomyces delbreukii
mollets). À la fin du XVIIe, voire au début du XVIIIe, l’approche scientifi-
que a pu démarrer grâce, notamment, à la découverte et à l’utilisation du Candida lusitaniae
microscope par le hollandais Antoine Van Leeuwenhoek (1632-1723). Plus
tard, en 1846, le procédé Mautner initia, en Autriche, l’industrialisation de Starters levains (1) Saccharomyces exiguus
la culture des levures (les levures de grain étaient alimentées par des
moûts troubles formés surtout de drêches de céréales). En 1872, le baron Torulopsis holmii
Springer installa dans la Région parisienne la première usine spécialisée
dans la fabrication d’une levure spéciale pour la boulangerie : la levure Candida milleri
de grain. Par la suite (1886), c’est en Angleterre que fut mis au point le (1) Les starters levains sont des préparations utilisées en panification pour
principe d’aération continue du milieu de culture. Ce fut le début des bio- accélérer la levée de la pâte.
technologies. Louis Pasteur démontre en 1857 et 1863 le rôle des levures
en tant qu’agent responsable des fermentations. N’oublions pas au pas-
sage les travaux d’Hansen et de Lindler. L’industrie de la levurerie fit un
grand pas en avant lorsqu’en 1910 et 1920 le Danois Sak et l’Allemand Les cellules de ces champignons sont généralement ovoïdes et ont
Hayduck développèrent le procédé d’alimentation progressive en sucre une taille qui varie de quelques micromètres jusqu’à 25 à 30 µm. Cer-
en présence d’oxygène, communément appelé « Zulaufverfarhen » ou
« Fed-batch process ». La technique ancestrale d’ensemencement qui taines levures peuvent se présenter sous forme d’associations cellu-
consistait à transférer les levains de pâte en pâte a été remplacée petit à laires (pseudomycélium) ou sous forme filamenteuse (mycélium). Le
petit par l’utilisation de levure industrielle. En 1994, la production mon- cytoplasme de ces cellules eucaryotes possède les mêmes types
diale annuelle de levure était supérieure à deux millions de tonnes. C’est d’organites (non photosynthétiques) que les végétaux : mitochon-
la production de micro-organismes qui s’avère la plus importante car la
plus compétente technologiquement et scientifiquement. C’est ce qui a dries, appareils de Golgi, réticulum endoplasmique... ; le noyau, déli-
permis de faire progresser les autres industries de biotransformation mité par une membrane épaisse, contient un nombre variable de
comme la production d’acides aminés, de vitamines, d’antibiotiques, chromosomes en fonction de l’espèce. Enfin, la cellule est protégée
d’hormones, de vaccins...
par une paroi essentiellement polysaccharidique (figure 1).

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________________________________________________________________________________ LEVURES BIOLOGIQUES ALIMENTAIRES ET POUDRES LEVANTES

(0)

Tableau 2 – Position des levures dans la classification des champignons supérieurs (1)
Classe Sous-classe Ordre Famille Sous-famille Genre
Taphrinales
Dipodascaceae
Endomycetaceae
Schizosaccharomycoidea Schizosaccharomyces
Hemiascomycetes
Champignons supérieurs

Ascomycetes Endomycetales Nadsonioideae Saccharomycodes, ...


Saccharomycetaceae
Saccharomycoideae 23 genres dont Saccharomyces
Lipomycetoideae Lipomyces
Spermophthoraceae
Euascomycetes
Ustilaginales Leucosporidium...
Heterobasidiomycetes
Basidiomycetes Sporobolomycetales Sporobolomycetaceae Bullera , Sporidiobolus ...
Homobasidiomycetes
Hyphomycetales Cryptococcaceae Candida , Torulopsis , etc.
Deuteromycetes Melanconiales
Sphaeropsidales
(1) Les noms en gras représentent les levures.

augmentera régulièrement de volume. Le noyau se dédouble en


Capsule Vésicule sécrétoire libérant un autre noyau qui migrera dans l’excroissance. Une fois la
Espace périplasmique maturité atteinte par le bourgeon, il sera libéré, donnant naissance à
Mitochondrie
une nouvelle levure identique à la cellule d’origine (figures 2 et 3).
Appareil de La durée du mécanisme dure de 90 minutes à quelques heures.
Membrane Golgi
Paroi ■ Reproduction sexuée
Membrane nucléaire Dans un milieu défavorable, la cellule de levure va sporuler, c’est-
à-dire produire quatre cellules réunies dans un même sac qui reste-
ront en vie ralentie. Ces spores ne possèdent qu’un chromosome de
chacune des paires (formes haploïdes : n = 16), suite à deux divi-
sions dont l’une, réductrice, sépare les deux lots de chromosomes.
Si les conditions de milieu redeviennent favorables, l’asque libère
Noyau quatre spores qui peuvent croître et commencer un nouveau cycle
de multiplication végétative sous forme haploïde. Les spores sont
porteuses de signes sexuels distincts « a » et « α ». Des spores de
signe « a » sont capables de se conjuguer avec des spores de signe
« α », pour produire des cellules diploïdes hybrides « aα ». Comme
Vacuole au cours de la méiose, des fragments de chromosomes s’échangent
Chromosome entre eux, la fusion de cellules haploïdes « a » et « α » appartenant à
des souches parentales différentes permet d’obtenir de nombreuses
Plasmide
(2 µm)
recombinaisons génétiques (figure 4).

Ribosomes libres
1.3 Physiologie
ADN mitochondrial Réticulum
endoplasmique rugueux
Cicatrice de bourgeonnement avec ribosomes fixés
Lorsque l’on observe une levure au microscope électronique, on
Figure 1 – Représentation schématique d’une cellule de levure
peut distinguer, de l’extérieur vers l’intérieur, une paroi cellulaire,
une membrane cytoplasmique, un cytoplasme, un noyau, des
vacuoles, des ribosomes et des mitochondries. La paroi cellulaire
externe protège la cellule de certaines agressions du milieu exté-
1.2 Mode de reproduction rieur. La membrane cellulaire qui double la paroi cellulaire intérieu-
rement joue un rôle prépondérant dans les échanges entre la cellule
et le milieu extérieur. Le cytoplasme (constituant intérieur de la cel-
Les levures possèdent deux modes de reproduction différents lule) renferme en suspension des éléments qui assurent la transfor-
selon les conditions de vie du milieu. mation des aliments. On y trouve également des vacuoles
contenant du tréhalose et des mitochondries qui sont les centres de
■ Reproduction asexuée respiration de la cellule. Enfin, le noyau est très important car il
Dans un milieu favorable (avec une quantité d’air suffisante et non contient l’ADN, porteur des gènes qui caractérisent précisément les
limitée en éléments nutritifs), les levures vont bourgeonner : les qualités d’une levure par rapport à une autre. C’est le noyau qui
constituants vitaux sont doublés pour former un bourgeon qui assure également la reproduction de la cellule (cf. figure 1).

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Cellule mère Division du noyau Séparation des noyaux Détachement du bourgeon


donnant une cellule fille Figure 2 – Multiplication végétative asexuée :
identique à la cellule mère
le bourgeonnement

1.4 Composition chimique

La composition de la levure dépend de ses caractéristiques et de


ses conditions de conservation (tableau 3). Les protéines, avec une
forte proportion d’enzymes, sont l’image d’une activité métabolique
potentiellement importante et d’un pouvoir fermentatif élevé. Les glu-
cides sont principalement des glycanes et des mannanes constitutifs
de la paroi, du glycogène (macromolécule de réserve utilisée en cas
de longue carence en éléments nutritifs) et du tréhalose (disaccharide
mobilisé préférentiellement en cas de carence courte). Les lipides tels
que les lipoprotéines et les phospholipides qui constituent la mem-
brane cytoplasmique sont d’une importance capitale dans le maintien
de ses propriétés au cours des différents procédés de séchage pour
les levures sèches actives. Le phosphore, un des nombreux miné-
raux, est impliqué dans la constitution des acides nucléiques, des
membranes et des molécules à fort potentiel énergétique.
Figure 3 – Levures en bourgeonnement

1.5 Besoins nutritifs


(0)

Les exigences nutritionnelles de la levure utilisée en boulangerie


Tableau 3 – Valeurs moyennes indicatives pour des levures sont différentes, en quantité, selon que l’on veut fermenter une pâte
prélevées à l’état frais ou produire de la biomasse. Dans ce dernier cas, il faut une source
abondante de carbone mais également d’azote (pour répondre à
Teneur Éléments Teneur l’importante synthèse de protéines), de sels minéraux, de vitamines
Composition
(%) constitutifs (%) et d’oligoéléments. Les principales sources de carbone dans la pâte
sont les sucres simples naturellement présents dans la farine
Matières sèches 30,0 à 33,0 (glucose et divers oligosides), mais aussi le maltose provenant de la
Protéines 40,6 à 58,0 Glutathion (1) 0,5 à 1,5 dégradation de l’amidon par les α et les β-amylases, les sucres
rajoutés dans la formule (saccharose, sucre inverti, sirops de
Glucides 35,0 à 45,0 Glycogène 5 à 10 glucose/fructose). Par contre, Saccharomyces cerevisiae, qui ne pos-
Tréhalose (2) 8 à 20 sède pas l’enzyme spécifique de la dégradation du lactose, est inca-
pable d’utiliser ce sucre. En fermentation panaire, les levures
Lipides 4,0 à 6,0 Phospholipides 1à2 utilisent les acides aminés des protéines de la farine afin de couvrir
leurs besoins modérés en azote (tableau 4). Lors de la production
Minéraux 5,0 à 7,5 Potassium 0,8 à 2,0
industrielle de ces organismes où les besoins sont importants,
Sodium 0,01 à 0,2 l’azote est fourni sous forme minérale (ammoniaque et ses sels) ou
organique (urée). Une carence en sels minéraux (potassium,
Calcium 0,02 à 0,15 sodium, magnésium, soufre, fer, cuivre et, surtout, zinc) est respon-
Magnésium 0,04 à 0,18 sable de problèmes liés au pouvoir fermentaire. Quant aux vitami-
nes (six appartenant au groupe B), elles vont être des facteurs de
Phosphore 0,8 à 1,3 croissance de la levure (biotine, acide pantothénique, inositol, thia-
Sous forme P2O5 2,0 à 3,0 nine (B1), pyridoxine (B6), niacine (PP)).

Vitamines 0,002 à 0,05 Thiamine (B1) 0,002 à 0,015


Riboflavine (B2) 0,002 à 0,008 1.6 Production d’énergie métabolique
Pyridoxine (B6) 0,002 à 0,006
Saccharomyces cerevisiae utilise préférentiellement le glucose
Niacine (PP) 0,010 à 0,050
comme aliment carboné, mais cette levure peut utiliser d’autres élé-
(1) Glutathion : tripeptide contenant un groupe sulfhydryle ; c’est un dérivé ments constitués d’atomes de carbone comme l’amidon, le maltose,
d’acide aminé. le saccharose, etc. Lors de l’oxydation du glucose, deux cas de figure
(2) Tréhalose : diholoside que l’on rencontre dans de nombreux champi- peuvent apparaître selon que l’on est en présence ou en absence
gnons, levures, algues. d’oxygène. Les quantités d’énergie libérées sont alors différentes.

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Amidons natifs et amidons modifiés


alimentaires

par Bernard BOURSIER


Division des applications, Société ROQUETTE

1. Composition de l’amidon....................................................................... F 4 690 — 2


1.1 Amylose........................................................................................................ — 2
1.2 Amylopectine ............................................................................................... — 4
1.3 Matériel intermédiaire................................................................................. — 5
1.4 Composants mineurs .................................................................................. — 5
1.5 Organisation granulaire .............................................................................. — 5
2. Transformation hydrothermiquedes amidons .................................. — 7
2.1 En milieu fortement hydraté ....................................................................... — 7
2.2 Cuisson en milieu peu hydraté (inférieure à 40 %)................................... — 10
3. Amidons modifiés chimiquement........................................................ — 11
3.1 Amidons modifiés alimentaires ................................................................. — 11
3.2 Réticulation .................................................................................................. — 12
3.3 Substitution des fonctions hydroxyles ...................................................... — 15
3.4 Fluidification................................................................................................. — 16
4. Amidons modifiés physiquement ........................................................ — 17
4.1 Traitement chaleur – humidité .................................................................... — 17
4.2 Dextrines (pyrodextrines) ........................................................................... — 17
4.3 Traitement de précuisson ........................................................................... — 19
5. Interactions................................................................................................ — 19
5.1 Avec les glucides ......................................................................................... — 19
5.2 Avec les lipides ............................................................................................ — 20
5.3 Avec les protéines ....................................................................................... — 20
5.4 Avec les hydrocolloïdes .............................................................................. — 20
6. Applications .............................................................................................. — 20
6.1 Choix d’un amidon ...................................................................................... — 21
6.2 Choix d’un amidon modifié ........................................................................ — 21
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. F 4 690

’amidon est la principale substance glucidique de réserve des végétaux


L supérieurs. Il représente une fraction pondérale importante dans un grand
nombre de matières premières agricoles comme les céréales (30 % à 70 %), les
tubercules (60 % à 90 %) et les légumineuses (25 % à 50 %).
L’amidon constitue la principale source d’énergie pour la vie animale et 50 %
de l’amidon produit industriellement sont destinés à l’alimentation humaine.
C’est un composé nutritionnel abondant, renouvelable, peu coûteux, qui trouve
dans les aliments de multiples fonctions comme épaississant, gélifiant, liant
sous sa forme d’empois d’amidon granulaire et comme matières sucrantes, lian-
Parution : septembre 2005

tes, support lorsqu’il est employé sous forme hydrolysé.

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AMIDONS NATIFS ET AMIDONS MODIFIÉS ALIMENTAIRES _____________________________________________________________________________________

Le terme amidon est gardé pour les céréales (maïs, blé, riz) alors que le terme
fécule est préféré pour les amidons de tubercule (pomme de terre) ou de racine
(manioc).
L’amidonnerie est une industrie lourde du fait des tonnages traités et des
investissements nécessaires tant en matériel qu’en compétence et en recherche.
C’est une industrie très concentrée puisque cinq groupes assurent plus de 85 %
de la production d’amidon en Europe (cf. [Doc. F 4 690] Aspects économiques).
Les différentes origines des amidons croisées avec les modifications chimi-
ques et physiques applicables peuvent a priori rendre complexe l’approche des
amidons et rebuter le formulateur.
Aussi l’article se propose de donner les éléments utiles sur la structure, les
comportements durant la cuisson et sur l’intérêt des différentes modifications
afin de faciliter l’utilisation des amidons.
Les exemples, le détail des applications et les tableaux d’aide à la sélection des
amidons modifiés seront autant d’outils pour familiariser le lecteur au vaste
monde des amylacés.

1. Composition de l’amidon 1.1 Amylose

Le lecteur pourra se reporter aux références bibliographiques [1] [2]. L’amylose représente 15 à 30 % de la plupart des amidons. C’est
L’amidon est un homopolymère de D-glucose. une molécule essentiellement linéaire composée d’unités D-glucose
liées par des liaisons de type α (1,4) (figure 2).
Les unités D-glucosyl (conformation chaise) sont liées majoritaire-
ment par des liaisons de type α (1,4) (95 – 96 %) et, dans une moin- Ces molécules linéaires peuvent être faiblement ramifiées. Elles
dre mesure, par des liaisons de type α 1,6 (4 – 5 %). L’amidon est comportent alors 2 à 8 chaînons latéraux constitués de 4 à
composé de deux polymères de structure primaire différente : 100 unités glucosyl, leur nombre augmente avec la longueur de la
l’amylose, molécule linéaire, et l’amylopectine, molécule ramifiée. chaîne linéaire. Le comportement hydrodynamique de ces chaînons
L’amidon se présente sous forme de granules de 1 à 100 µm ; ils est semblable à celui de la partie linéaire.
varient en taille et en forme selon leur origine botanique (figure 1 a
et tableau 1). Des composants mineurs (lipides, protéines, miné- Pour un amidon donné, l’amylose se compose de plusieurs chaî-
raux) sont présents en quantités variables en fonction de l’origine nes présentant des degrés de polymérisation variables compris
botanique et de la technologie d’extraction. entre 500 et 6 000 unités glucose. (0)

Tableau 1 – Caractéristiques principales des amidons et fécules, d’après [7]


Humidité
Diamètre Amylose Amylopectine
Origine botanique Forme à 66 % HR Type
(µm) (%) (%)
et 20 ˚C

Céréales
Blé lenticulaire, rond 2 à 38 13 24 à 26 76 à 74 A
Maïs angulaire, polyédrique 5 à 25 13 24 à 28 76 à 72 A
Maïs cireux angulaire, polyédrique 5 à 25 13 <1 > 99 A
Amylomaïs sphérique déformé 4 à 22 13 70 30 B
Riz polyédrique 3à8 13 17 73 A
Légumineuses
Pois réniforme 5 à 10 13 35 65 A
Tubercules
Pomme de terre ellipsoïdale 15 à 100 18 23 77 B
Manioc rond, tronqué 5 à 35 13 17 83 A

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Maïs Blé Riz

Pomme
de terre Manioc Pois

a principales matières premières de l’industrie amidonnière (MEB grossissement × 280)

b granules crus (lumière polarisée), gonflés et éclatés de fécule de pomme de terre (grossissement × 120)
Amylose (%)

Amidon Amidon Fécule de Amidon de


de maïs de blé pomme Fécule maïs cireux
de terre de manioc

25 % 25 % 20 % 17 % 0,5 %

c empois d’amidons et de fécules à 5,7 % de matières sèches après cuisson et après refroidissement

Figure 1 – Aspect microscopique des amidons. Modifications induites par la cuisson des amidons dans l’eau et le refroidissement

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AMIDONS NATIFS ET AMIDONS MODIFIÉS ALIMENTAIRES _____________________________________________________________________________________

OH O
H CH 2
H H H OH O
O CH 2
H OH H
HO O H
H OH O
H H CH 2
HO OH O H
H
H
H
H OH
CH 2 O
HO OH O H
Terminaison H H
Ø
réductrice H
HO OH O
H

Figure 2 – Structure de l’amylose, d’après [6]

Le tableau 2 donne les degrés de polymérisation (DP) moyens


pour des amidons de diverses origines. La masse moléculaire de
l’amylose est de 105 à 106 Daltons. Sa conformation et son mode de
liaison permettent à l’amylose d’adopter des formes hélicoïdales
comportant 6, 7 ou 8 unités glucose par tour, stabilisées par des I I I I I I I I
liaisons hydrogène entre les unités glucosyl. Les hélices formées
sont des doubles hélices dans le cas des amidons rétrogrades ou
des simples hélices en présence de certains ligands. Cette simple
hélice forme une cavité hydrophobe dans laquelle peuvent se Figure 3 – Structure en hélice formée par le complexe amylose iode
complexer des alcools, des matières grasses, l’iode, etc.
(0)

Tableau 2 – Degré moyen de polymérisation (DP) L’amylopectine est le constituant principal de la plupart des ami-
dons (70 à 100 %). Contrairement à la longue chaîne linéaire d’amy-
des fractions amylose, amylopectine de différents
lose, l’amylopectine est composée de multiples courtes chaînes
amidons, d’après [22] d’unités glucose, reliées entre elles par des liaisons α (1,6) pour for-
mer une molécule arborescente (figure 4).
Céréales ou tubercules Amylose Amylopectine
À côté des liaisons α (1,4), 5 à 6 % de liaison α (1,6) seront à l’ori-
Riz .................................................... 1 100 13 000 gine de ces ramifications. Les masses moléculaires se situent entre
Maïs ................................................. 990 7 200 107 et 108 Daltons et les degrés de polymérisation pour certains ami-
dons sont repris dans le tableau 2.
Pomme de terre.............................. 4 920 9 800
Trois types de chaînes sont décrits :
Blé.................................................... 1 180 –
— chaînes courtes (S, short) : DP compris entre 12 et 20 ;
Amylomaïs...................................... 690 – — chaînes longues (L, long) : DP compris entre 30 et 45 ;
— chaînes de DP supérieur à 60.
Les différences structurales, liées à l’origine botanique, portent
sur le rapport chaînes longues L/chaînes courtes S qui serait d’envi-
Le Dalton (Da) est une unité de masse moléculaire : ron 5 pour les amylopectines de tubercules et de 8 à 10 pour les
1 Dalton = 1,660 2 × 10−24 g amylopectines de céréales et de légumineuses, ainsi que sur la lon-
gueur moyenne des chaînes plus courtes dans les amylopectines de
céréales.
La capacité de l’amylose à lier 20 % de sa masse en iode L’ensemble des chaînes courtes sous forme de double hélice
(figure 3) permet sa caractérisation analytique, (dosage) et faci- reliées à une même chaîne longue forme un cluster. 80 à 90 % du
lite l’identification au microscope des amidons comportant de nombre total des chaînes d’amylopectine sont impliquées dans des
l’amylose, le complexe amylose iode présentant une coloration clusters, les autres chaînes assurant les connexions entre ces grap-
bleu caractéristique (absorption maximale à 640 nm). pes. La cristallinité des grains d’amidon est essentiellement due aux
molécules d’amylopectine, organisées en lamelles cristallines
(figure 5).

1.2 Amylopectine L’amylopectine possède une faible capacité à lier l’iode


(moins de 1 % en masse) ; le complexe formé de couleur brune
Le lecteur pourra se reporter aux références [6] [7] [19] [28] [10]. est identifié à une longueur d’ondes de 540 nm.

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Grappe élémentaire
1

2 ~ 15 (6 nm)
DP ~

1 H

2 CH2OH
HO
H
1
H H O
2
OH
1
H Liaison -(1,6)
2 OH O
H CH 2 O
1 H H H Liaison -(1,4)
O CH 2 O
2 H OH H
HO O H
H OH O
1 H H CH 2
HO OH O H
2 H H
H
HO OH O
H

Figure 4 – Structure chimique de l’amylopectine, d’après [6]

qu’à l’intérieur. Leurs concentrations varient en fonction de l’origine


botanique et des procédés d’extraction. Le tableau 3 donne les com-
Anneau
de croissance Anneau positions moyennes non glucidiques des principaux amidons.
semi-cristallin amorphe

Lamelle amorphe
1.5 Organisation granulaire
Lamelle cristalline
1.5.1 Structure semi-cristalline

Le lecteur pourra se reporter aux références [19] [29] [24] [6] [8].
L’amidon est biosynthétisé pour donner forme à des granules qui
présentent, en lumière polarisée, une croix noire dite « croix de
Anneau Malte ». Ce phénomène de biréfringence positive est dû à l’organi-
de croissance Anneau
amorphe amorphe sation semi-cristalline de ces granules : l’orientation moyenne des
chaînes de polymère est radiale.
L’observation microscopique des granules (après hydrolyse acide
Figure 5 – Représentation schématique de la structure d’un granule ou enzymatique) montre la présence de stries concentriques à partir
d’amidon, d’après [24] d’un point appelé hile, qui est le centre initial de croissance du grain.
Les stries correspondent à une succession de zones dites
« amorphes », peu résistantes à l’hydrolyse, et de zones présentant
1.3 Matériel intermédiaire une structure semi-cristalline comportant une alternance de lamel-
les cristallines (composées des chaînes courtes S de DP environ 15
de l’amylopectine) et de lamelles amorphes (composées en majorité
Des chaînes de structure intermédiaire entre l’amylose et l’amylo- des points de jonction des molécules d’amylopectine et éventuelle-
pectine peuvent se retrouver dans certaines variétés d’amidon ment d’amylose).
riches en amylose ; elles correspondraient à des formes imparfaites
d’amylopectine. Ces molécules représenteraient environ 5 à 7 % L’empilement des lamelles cristallines et amorphes formerait des
dans l’amidon de blé. ensembles appelés blocklet d’une taille comprise entre 300 et
500 nm qui s’assembleraient pour constituer les couches cristallines
(figure 6).
D’après certains travaux, les zones amorphes pourraient conte-
1.4 Composants mineurs nir des ensembles cristallins composés d’amylopectine de struc-
ture identique mais de taille réduite 50 à 70 nm. Ces ensembles
dispersés dans l’amylose constitueraient avec les complexes amy-
Le lecteur pourra se reporter à la référence [6]. lose lipides les parties dites « amorphes » du granule. Le dévelop-
Dans l’amidon granulaire purifié, les composants mineurs (protéi- pement limité des « blocklets » pourrait être lié à la présence de
nes, lipides, minéraux) sont présents tant à la surface des granules l’amylose.

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F4690

AMIDONS NATIFS ET AMIDONS MODIFIÉS ALIMENTAIRES _____________________________________________________________________________________

(0)

Tableau 3 – Composition des amidons, d’après [7] [16]


Lipides (en %)
Éléments
Protéines Phosphore
Amidon minéraux
dont acides dont (%) (%)
totaux (%)
gras libres lysophospholipides

Céréales
Maïs standard 0,61 à 0,65 0,30 à 0,53 0,16 à 0,35 0,35 0,10 0,02
Maïs cireux 0,23 0,03 à 0,04 0,12 à 0,75 0,25 0,10 0,01
Amylomaïs 1,11 0,38 à 0,67 0,26 à 0,61 0,5 0,20 0,03
Blé 1,12 0,03 à 0,05 0,86 à 1,36 0,25 0,30 0,06
Riz 1,04 0,22 à 0,50 0,41 à 0,86 0,44 0,30 0,03
Légumineuses
Pois 0,19 0,18 0,5 0,04
Tubercules
Pommes de terre 0,09 – – 0,25 0,30 jusque 0,1
Manioc 0,1 0,10 0,2 0,01

Pour les formes A et B, la structure moléculaire est constituée de


doubles hélices gauches à 6 unités glucose par tour. Deux chaînes
Anneau cristallin d’amylose ou deux chaînes (chaînes courtes) d’amylopectine peu-
Anneau semi-cristallin vent donner naissance à des cristaux A ou B. L’empilement des dou-
Hile bles hélices dans la maille cristalline en une structure peu hydratée
Pores Surface du granule (4 molécules d’eau) constitue le type A, et constitue le type B dans le
cas d’une structure hydratée (36 molécules d’eau). Les doubles héli-
ces sont orientées parallèlement.
Granule entier
Le type B peut être converti en type A par des traitements thermi-
ques dans des conditions d’hydratation particulière (traitements
Anneau cristallin chaleur humidité).
Anneau semi-cristallin L’amylose est susceptible de se complexer avec des lipides
Canaux amorphes
monoacylés mais également avec l’iode, les alcools, le diméthyl sul-
foxyde, des composés ioniques. Ces complexes sont composés
Grand « blocklet » d’une simple hélice gauche à 6, 7 ou 8 résidus formant une cavité
Petit « blocklet » hydrophobe dans laquelle s’inclut le plus souvent le ligand. Ils peu-
vent s’associer pour former des cristaux présentant un spectre V.
Ce diagramme de type V ne se rencontre qu’exceptionnellement
dans les amidons natifs. Il est présent dans les amidons après traite-
Cristallin ment thermique (d’où la lettre V comme Verkleistert, c’est-à-dire
Amorphe observé sur des amidons cuits « éclatés », donné par Katz).
Blocklet Les cristaux d’amidons sont, de par leur structure, peu sensibles à
l’attaque enzymatique et peuvent constituer, au sens nutritionnel,
des fibres peu ou pas digestibles.

Figure 6 – Schéma de la structure du granule d’amidon, d’après [19]


1.5.2 Comportement des granules
à des températures inférieures
À l’état natif, les grains d’amidons ont une cristallinité faible qui à la température de gélatinisation
varie de 15 à 45 %.
En fonction de l’origine botanique de l’amidon et dans une moin- Le lecteur pourra se reporter aux références [2] [29] [13].
dre mesure des traitements technologiques, deux types de diagram-
mes de diffraction apparaissent à l’analyse : Les amidons sont traditionnellement commercialisés avec des
— type A : pour les amidons de céréales présentant une teneur teneurs en eau de 12 à 13 % pour les amidons de céréales, la fécule
en amylose inférieure à 40 % ; de tapioca ou l’amidon de pois, et 18 à 19 % pour la fécule de
— type B : pour la fécule de pomme de terre et les amidons riches pomme de terre.
en amylose, ainsi que pour les amidons rétrogradés. L’amidon contient une quantité d’eau variable en équilibre avec
Pour les amidons de légumineuses, un type C avait été décrit qui l’humidité relative du milieu. Des isothermes de sorption et de
correspond en fait à une superposition des diagrammes A et B, les désorption telle que celle présentée figure 7 peuvent être éta-
deux formes étant présentes dans les granules. blies.

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F4700

Coagulants et coagulation
enzymatique en transformation
fromagère

par Gregory ROSET


Support technique projets fromagers,
Chr-Hansen, Danemark

1. Définition et contexte......................................................................... F 4 700v2 - 2


1.1 Enzyme coagulante.................................................................................. — 2
1.2 Utilisation mondiale................................................................................. — 2
2. Coagulants destinés à la transformation fromagère ................. — 3
2.1 Différents types de coagulants ............................................................... — 3
2.2 Différents modes de production ............................................................. — 3
2.3 Caractérisations et emploi....................................................................... — 4
3. Coagulation enzymatique du lait..................................................... — 5
3.1 Mécanismes de la coagulation enzymatique......................................... — 6
3.2 Phénomènes influençant la coagulation enzymatique ......................... — 6
3.3 Choix technologiques d’un coagulant.................................................... — 8
4. Enzymes coagulantes et impacts technologiques ...................... — 8
4.1 Rendement fromager............................................................................... — 8
4.2 Qualité du lactosérum ............................................................................. — 8
4.3 Qualité sur la protéolyse ......................................................................... — 9
4.4 Propriétés fonctionnelles......................................................................... — 10
5. Mesure et optimisation de la coagulation .................................... — 10
5.1 Principes de mesure existants ................................................................ — 10
5.2 Leviers d’optimisation ............................................................................. — 11
5.3 Perspectives futures................................................................................. — 11
6. Conclusion.............................................................................................. — 12
7. Notations et sigles ............................................................................... — 12
Pour en savoir plus ....................................................................................... Doc. F 4 700v2

’objet de cet article est de synthétiser l’état des connaissances concernant


L les enzymes coagulantes destinées à la production fromagère.
En effet, l’évolution de la consommation mondiale de fromage a nécessité le
développement de coagulants de plus en plus spécifiques, afin de répondre à
des demandes industrielles adaptées aux différents marchés, aux réglementa-
tions, à l’amélioration des qualités de tranchage, ainsi qu’au rendement
fromager et à la qualité des lactosérums. Il existe sur le marché quatre origines
différentes de coagulants : animale, végétale, microbienne et la plus récente
issue de fermentation à partir de micro-organismes intégrant de l’ADN d’ori-
gine animale, nommée FPC (Fermented Produced Chymosin).
Après une présentation des coagulants présents sur le marché, ainsi que leur
mode de production, cet article décrit les principaux impacts du choix et le
mode d’utilisation de ceux-ci.
Parution : septembre 2019

Si l’impact majeur d’un coagulant concerne la qualité de la protéolyse, le


choix du coagulant et les paramètres de la coagulation sont déterminants sur

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COAGULANTS ET COAGULATION ENZYMATIQUE EN TRANSFORMATION FROMAGÈRE ___________________________________________________________

les qualités finales du fromage. De plus, le choix du coagulant doit être rai-
sonné et appréhendé selon le type de process fromager.
Enfin, cet article décrit les outils de mesure adaptés à la production permet-
tant de mesurer la coagulation, ainsi que les orientations possibles afin
d’optimiser la coagulation et le rendement fromager. Il permet aussi d’élaborer
une nouvelle approche concernant le process fromager et son contrôle.
Le lecteur trouvera en fin d’article un tableau des sigles et des notations
utilisées.

1. Définition et contexte 1.1 Enzyme coagulante

Historique Une enzyme est une substance organique produite par des
cellules vivantes. Elle agit comme catalyseur dans une réaction
chimique et est constituée de polypeptides.
Une longue histoire
Tout fromager vous le dira, la connaissance de la technolo-
gie fromagère est une accumulation de la compréhension Les coagulants identifiés appartiennent à une famille appelée
d’accidents. protéase aspartique (EC 3.4.23), et endopeptidases à cystéines
(EC 3.4.22). Celles qui nous concernent le plus sont : la pepsine A
Il est intéressant d’imaginer que 7 000 ans av. J.-C. (peut-
(EC 3.4.23.1 et B (EC 3.4.23.3), la chymosine (EC 3.4.23.4), la
être 12 000 ans, selon les récentes découvertes), aux débuts
mucorpepsine (EC 3.4.23.23) ou encore endothiapepsine
de la civilisation fermière et laitière succéda celle fromagère
(EC 3.4.23.22) [2] [3].
grâce à un accident. Un jour, supposé en Mésopotamie, le pre-
mier homme devenu fromager transportait du lait dans une Une enzyme coagulante destinée à la production fromagère pos-
vessie de ruminant pour office de sac, qui sous l’effet du sède la propriété d’hydrolyser les caséines laitières. La coagulation
temps et de la chaleur gélifia. Le scientifique aurait pu lui repose sur le clivage spécifique de la caséine K, la liaison Phe (105)
expliquer un peu plus tard que l’abomasum, véritable esto- et Met (106) [4]. Dans une autre mesure, une enzyme coagulante
mac, contient naturellement deux types d’enzymes, la chymo- participe plus ou moins au clivage des caséines β et αS1 [5] [6] [7].
sine (du grec khumós, qui signifie jus ou humeur) et la
La pepsine présente la spécificité de cliver des liaisons pepti-
pepsine (du grec pepsis qui signifie digérer), responsables de
diques de résidus d’acides aminés hydrophobes, de préférence
la gélification du lait.
aromatiques [8].
Les civilisations grecques et romaines mentionnent aux tra-
vers de différents écrits la notion de fromages (tacuinum sani- Les enzymes dites d’origine microbienne (mucorpepsine et
tatis casanatensis). Ces écrits rapportent le procédé de endothiapepsine) sont similaires, dans leur qualité d’hydrolyse, à
transformation avec l’utilisation d’une présure d’origine ani- la pepsine animale.
male, de veau ou de chèvre, mais aussi d’origine végétale Pour l’homme de l’art, le choix ainsi que la qualité de production
comme le chardon. de l’enzyme coagulante employée seront déterminants sur
C’est vers 1 000 ans apr. J.-C. que l’on peut situer les débuts l’ensemble des qualités fonctionnelles fromagères.
de la production fromagère et de sa commercialisation.
En Europe, l’art artisanal fromager et le transfert de la
connaissance se développent probablement au XIe siècle dans 1.2 Utilisation mondiale
des monastères, où des noms de fromages, aujourd’hui mon-
dialement connus, furent créés comme l’Emmental, le Gouda, La production mondiale de coagulants, toutes familles confon-
l’Edam ou encore des fromages dits « bleus » comme le dues, suit logiquement l’augmentation de la production mondiale
Roquefort. de fromages. Celle-ci atteint aujourd’hui atteint 22 millions de
Face à l’empirisme, la science participe de plus en plus, à tonnes (chiffre 2018) avec une progression annuelle de 2 %.
partir de 1800, à la connaissance des mécanismes microbiolo- S’il est difficile de trouver des données précises et officielles, en
giques, chimiques et immunologiques par le traitement de regroupant différentes sources économiques et autres publica-
sujets pharmacologiques et agricoles (Pasteur, Metchnikov, tions, il est estimé que les coagulants FPC (Fermented Produced
Liebig...). Chymosin). obtenus à partir de chymosine recombinée sont les
En 1840, en France, le pharmacien Deschamps décrit les pro- plus utilisés actuellement mondialement (données 2018) et
priétés enzymatiques de la présure et participe ainsi à la représentent un niveau d’utilisation de 60 %. Ce type de coagulant
renaissance du terme chymosine, principe actif provenant de répond actuellement aux demandes industrielles (continent améri-
la caillette de veau [1]. cain, Europe et Europe centrale).
Face à l’instabilité de l’utilisation de caillettes de veau desti- Le reste du marché se partage de manière équivalente entre les
nées à la préparation de présures, c’est en 1874 que Christian coagulants d’origine animale et microbienne. La part de coagulant
Ditlev Ammentorp Hansen initie les débuts de la standardisa- d’origine végétale, quant à elle, est extrêmement limitée (Amé-
tion des présures animales et le début de son industrialisation. rique du sud, Espagne, Grèce...).
Le marché mondial des coagulants est couvert par quatre
La part de l’utilisation des coagulants d’origine animale est
principaux fabricants industriels : Chr. Hansen (Danemark),
en lente et constante diminution. Ils sont cependant toujours liés à
D.S.M. (Pays-Bas), Dupont (États-Unis) avec sa filiale française
la production des fromages AOC/AOP artisanaux, pour des raisons
Danisco, et C.S.K. (Pays-Bas) (à noter en France, la fabrication
historiques et culturelles. Ces coagulants sont utilisés principale-
de présures animales par les Laboratoires Abia).
ment en Europe (France, Italie et Suisse) et en Russie.

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F4700

____________________________________________________________ COAGULANTS ET COAGULATION ENZYMATIQUE EN TRANSFORMATION FROMAGÈRE

À l’inverse, les coagulants d’origine microbienne (indépen- Ces coagulants ont le double avantage d’être moins onéreux et
damment de leurs qualités fromagères comparativement aux FPC de répondre à l’ensemble des différentes certifications et autres
et coagulants d’origine animale) répondent à de plus amples légis- labélisations. En revanche, leur impact sur l’obtention d’une qua-
lations et à des marchés spécifiques comme ceux de la Corée du lité moindre en termes de rendement fromager ou encore sur le
sud. développement d’une protéolyse excessive, avec la formation de
composés aromatiques amers, est clairement identifié [10].
Depuis le début des années 2010, des modifications industrielles
ont été apportées afin d’améliorer les performances fromagères.
2. Coagulants destinés On parle ainsi de coagulants d’origine microbienne de seconde
génération (§ 4).
à la transformation
fromagère 2.1.3 Origine végétale
La source végétale (plant-drived clotting enzyme) la plus connue
2.1 Différents types de coagulants et utilisée, est extraite d’une variété indigène de chardon, Cyrana
cardunculus [11]. Celle-ci est composée de trois protéases (cyra-
Les coagulants destinés à la fabrication fromagère ont, à ce jour, nase 1-3), qui diffèrent par leur taille et leur activité à la coagula-
trois origines : animale, végétale et microbienne (au sein de tion. La qualité de préparation et de standardisation de ce type
l’origine dite microbienne, il faut distinguer celle purement fermen- enzyme reste très instable. Son utilisation en production froma-
taire à partir d’un champignon, de celle produite par un micro- gère est très limitée, dans des régions locales et traditionnelles,
organisme hôte dans lequel une modification d’ADN permet la pour des raisons d’activité protéolytique excessive et l’obten-
production d’enzyme : la chymosine fermentaire ou FPC). tion de très faibles rendements fromagers.
Depuis les années 2010, des coagulants d’origine végétale fer-
mentaire et recombinée de la cyprosine B avec Saccharomyces
2.1.1 Origine animale cerevisiae ou de la cardosine B avec Kluyveromyces lactis ont été
Les coagulants d’origine animale résultent d’une macération élaborés, afin d’améliorer leur rendement fromager. Le développe-
de l’estomac de ruminants ou encore de monogastriques. ment commercial de ces derniers est très limité.
La principale production est issue plus précisément de la caillette
de ruminants, principalement de veaux, de chevreaux, d’agneaux 2.1.4 Origine animale recombinant l’ADN
ou encore de bovins.
La caillette (abomasum) est la quatrième partie de l’estomac. Les La plus utilisée et la plus récente dans l’histoire des coagulants
trois autres parties étant le rumen (panse), le bonnet (réticulum) et (1990) est la chymosine bovine recombinée (fermented-produced
le feuillet (omasum). chymosin). Ces coagulants sont nommés coagulants FPC fondé sur
une technique recombinant l’ADN d’origine animale, principale-
Un coagulant animal est composé d’un ratio variable de deux ment la chymosine B ; ce coagulant est obtenu par une fermenta-
enzymes que sont la chymosine et la pepsine. tion microbienne, soit par Aspergillus niger ou Kluyveromyces
La qualité intrinsèque d’un coagulant animal, ainsi que sa teneur marxianus var. lactis. Ainsi, cette chymosine fermentaire est iden-
en chymosine et ses variants (A, B et C), sont liés à son mode de tique à la chymosine animale. Le mode de production est donc
production (macération rapide ou lente), ainsi qu’à l’âge de l’ani- plus efficient.
mal et à son alimentation. Le variant A de la chymosine possède
En 2009, la société Chr-Hansen a développé une seconde géné-
une plus grande activité enzymatique. Le variant B, ayant un poids
ration de coagulants FPC en substituant l’ADN d’origine bovine par
moléculaire similaire à celui du variant A (respectivement
un ADN d’origine Camelus (famille des camélidés). Ce dernier per-
35,65 kDa et 35,71 kDa), diffère seulement par sa composition.
met d’améliorer les performances en termes de rendements fro-
Quant au variant C, celui-ci est présent en très faible quantité dans
magers et de qualité des lactosérums, ce qui correspond à de
les présures commerciales, il résulte de la dégradation du variant
nombreuses attentes industrielles.
de la chymosine A [9].
Aux regards de la multitude des offres commerciales, la compo-
sition et la qualité intrinsèque d’un coagulant de type animal sont 2.2 Différents modes de production
variables avec un ratio chymosine/pepsine compris entre 30/70 %
et plus de 95/5 %.
Les coagulants sont produits selon un même principe général
Du fait d’une qualité variable de l’estomac de ruminants (âge, auquel une distinction peut être faite entre les présures d’origine
conservation, alimentation, transport...), d’un prix d’achat instable animale et les autres coagulants, qui est l’absence de fermentation
et d’une demande croissante et spécifique des consommateurs, les proprement dite.
organisations techniques et scientifiques, depuis les années 1960,
ont développé des solutions alternatives. Celles-ci sont de trois ■ Dans le cadre des coagulants d’origine animale, après récep-
origines : microbienne, végétale et chymosine recombinée. tion et sélection des caillettes congelées, les enzymes sont
extraites par broyage et macération.
2.1.2 Origine microbienne Les différentes étapes de filtration permettent d’obtenir la pureté
et la clarification des jus.
Les coagulants d’origine microbienne (microbial-derived coagu- Une éventuelle chromatographie permet la séparation, d’une
lant) sont composés de différentes protéases aspartiques prove- part, de la chymosine (à pH 6) et de l’autre, de la pepsine (à pH 2).
nant de la fermentation de champignons. Parmi le grand nombre
de ceux ayant une capacité présomptive à la coagulation du lait, L’étape finale est la standardisation selon la teneur en chymo-
seules trois espèces sont commercialisées : Rhizomucor meihei, sine recherchée.
Rhizomucor pusillus et Cryphonectria parasitica. Il existe plusieurs types de procédés, généralement identifiés
Leur poids moléculaire est supérieur à celui de la chymosine comme lent ou rapide, pour lesquels seule la durée de macération
d’origine animale. varie (figure 1).

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La gélatine alimentaire :
production et applications

par Gelatin Manufacturers of Europe (GME)


Sector Group of CEFIC (Conseil européen de l’industrie chimique)

1. Production ................................................................................................. F 4 800 – 2


2. Législation et normes de qualité ......................................................... — 3
2.1 Législation européenne............................................................................... — 3
2.2 Spécifications pour les produits finis......................................................... — 4
2.3 Nature protéique de la gélatine.................................................................. — 4
2.4 Bloom et viscosité ....................................................................................... — 4
3. Applications .............................................................................................. — 5
3.1 Intérêt de la gélatine en technologie alimentaire ..................................... — 5
3.1.1 Propriétés texturantes ........................................................................ — 5
3.1.2 Statut de la gélatine dans la législation sur les produits
alimentaires......................................................................................... — 5
3.1.3 Utilisation dans l’industrie agroalimentaire ..................................... — 5
3.2 Industrie pharmaceutique........................................................................... — 7
3.3 Industrie photographique ........................................................................... — 7
3.4 Applications diverses .................................................................................. — 7
4. Avenir de la gélatine ............................................................................... — 7
4.1 Gélatine alimentaire .................................................................................... — 7
4.2 Gélatine pharmaceutique............................................................................ — 8
4.3 Utilisations techniques................................................................................ — 8
Pour en savoir plus........................................................................................... Doc. F 4 800

a gélatine est une protéine d’origine animale, obtenue par hydrolyse partielle
L du collagène contenu dans les os et la peau des animaux. Elle est constituée
de 84 à 90% de protéines et de 1% environ de sels minéraux, le reste étant de
l’eau.
La gélatine est vitreuse, fragile, légèrement jaunâtre ou blanchâtre et quasi-
ment sans goût et sans odeur. Elle est fournie sous différentes formes : gros gra-
nulés, poudre fine ou feuilles. La gélatine non gélifiante est utilisée principa-
lement pour sa valeur riche en protéines.
Ingrédient traditionnel de la cuisine familiale depuis des siècles, la gélatine est
aujourd’hui devenue un produit industriel aux multiples utilisations. Elle est très
utilisée pour ses applications culinaires, pharmaceutiques, photographiques et
techniques ; mais c’est aussi un ingrédient primordial dans l’industrie agro-
alimentaire.
Parution : septembre 2001

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LA GÉLATINE ALIMENTAIRE : PRODUCTION ET APPLICATIONS __________________________________________________________________________________

1. Production ● Avant d’entrer dans le circuit de la fabrication de la gélatine,


tous les os frais sont préalablement traités dans des sites de dégrais-
sage où sont enlevés les tissus mous et les graisses résiduelles grâce
à plusieurs bains dans l’eau chaude. Ainsi lavés, les os sont ensuite
■ Rôle de la gélatine en agroalimentaire broyés, essorés, séchés et tamisés, jusqu’à ressembler à de petits
Avec la gélatine, l’industrie agroalimentaire dispose d’un ingré- graviers secs. Afin de séparer la partie minérale (60 % de l’os) de la
dient : partie organique appelée collagène, on effectue une déminéralisa-
— naturel, non issu d’une matière première génétiquement ou tion dans un bain d’acide. On obtient alors d’un côté des phosphates
chimiquement modifiée ; de calcium et de l’autre de l’osséine (sous la forme de petites épon-
— nutritionnel, car elle contient 9 des 10 acides aminés essentiels ; ges) qui est le produit de base pour la fabrication de la gélatine.
— multifonctionnel, de par sa capacité à retenir l’eau (gélifiant, ● Dans les peaux de bovins, seule la partie supérieure (ou fleur) est
épaississant, moussant, viscosifiant, liant, émulsifiant, filmant) ; utile pour la production du cuir. Les parties inférieures de ces peaux
— adaptable, car la gélatine peut être fabriquée sur mesure (gra- (ou produits de refente), largement constituées de collagène pur,
nulométrie adaptée, solidité des gels, viscosité…) ; représentent une matière première prisée pour la fabrication de la
— reconnu dans l’industrie agroalimentaire, donnant au produit gélatine. Les couennes de porc sont, quant à elles, directement livrées
qui le contient cette texture agréable jusqu’à présent inégalée. à l’usine de gélatine depuis l’abattoir, réfrigérées ou même congelées.
■ Une fabrication bien établie ■ L’hydrolyse à la base de la fabrication
La gélatine est un produit naturel fabriqué de façon très bien éta- Le procédé de fabrication de la gélatine (figure 1) fait intervenir
blie à partir de matières premières animales. Le procédé de fabrica- une hydrolyse, celle-ci pouvant être alcaline (pour les os et les
tion fait intervenir une hydrolyse partielle du collagène afin de le peaux de bovins) ou acide (pour les os et les peaux de bovins et les
rendre soluble dans l’eau. Cette production s’effectue dans des usi- couennes de porc), ce qui donne deux familles de gélatine aux pro-
nes ultramodernes à un niveau très élevé d’hygiène et de sécurité. priétés sensiblement différentes. Le procédé acide est plus rapide
La gélatine provient du tissu conjonctif ou du collagène des mam- (bain acide pendant une journée à température ambiante) que le
mifères. En Europe, pour une question de disponibilité quantitative procédé alcalin (chaulage pendant 45 jours au moins selon les
et donc d’approvisionnement, la filière de la gélatine utilise les os règles de l’Association des gélatiniers européens GME) qui donne
bovins (28 %), les peaux bovines (14 %) ainsi que les couennes de des produits particulièrement adaptés aux applications photogra-
porc ou « pig skin » (58 %), les os de porc étant moins utilisés car phiques et pharmaceutiques.
largement vendus avec la viande. L’extraction se fait dans l’eau chaude via une sorte de cuisson qui,
Compte tenu de la consommation grandissante de la volaille désos- en fonction du temps et de la température (entre 50 et 95 °C), solubi-
sée, on peut s’attendre à moyen terme à l’arrivée sur le marché de lise différentes fractions de gélatine plus ou moins concentrées.
gélatine issue de volailles. La gélatine de poisson, quant à elle, connaît Celles-ci sont recueillies séparément car elles ont des caractéris-
des développements intéressants sur certains marchés niches. tiques texturantes propres. Plus la température monte, plus l’hydro-
lyse est forte et plus les chaînes obtenues sont courtes mais plus la
force en gel diminue, d’où des applications différentes à chaque fois.
L’origine et la traçabilité des matières premières sont des para-
mètres essentiels. Il est imposé, pour ces matières premières, ■ Un porc ou un bœuf pour faire 1 kilogramme de gélatine
des mêmes conditions sanitaires que celles qui sont en vigueur Toutes les solutions de gélatines sont ensuite purifiées en élimi-
pour la filière viande. Tout animal impropre à la consommation nant les excès de sels, filtrées, concentrées, stérilisées par un pro-
humaine est définitivement écarté de la filière gélatine. Seules cédé UHT à 140 °C puis gélifiées par refroidissement et extrudées
des matières premières saines et contrôlées au départ par les sous forme de « nouilles ». Ces nouilles de gélatine sont séchées,
services vétérinaires des abattoirs entrent dans le cycle de fabri- broyées, tamisées puis calibrées afin d’obtenir différentes granulo-
cation de la gélatine. métries. Ensuite, des mélanges de fractions sèches sont réalisés
pour satisfaire les différentes spécificités du marché.

Historique
Les contrôles des produits finis, voire des tests d’application,
La préparation de pâtes gélatineuses remonte à l’antiquité égyptienne, sont réalisés avant toute expédition. Au total, l’ensemble du
puisque de nombreux documents montrent qu’on l’utilisait déjà dans des cycle peut durer jusqu’à trois ou quatre mois. Pour fabriquer
plats comme les truites ou les fruits en gelée. C’est en 1682 que le Fran- 1 kilogramme de gélatine, l’équivalent d’un bœuf ou d’un porc
çais Denis Papin met au point un procédé grâce auquel il extrait des subs- aura été nécessaire.
tances gélatineuses à partir d’os. À partir de 1700, la gélatine est
régulièrement utilisée et un premier brevet britannique sur sa fabrication
est déposé. Vers 1885, des applications dans l’industrie photographique ■ Traçabilité
commencent à se développer. On découvre également, au moment des
guerres napoléoniennes, que la gélatine est une source protéique ali- L’industrie de la gélatine applique des principes de traçabilité très
mentaire fort utile. proches de ceux utilisés pour les produits pharmaceutiques.
Au début du XXe siècle, on préparait soi-même sa gélatine en faisant
cuire très longtemps couennes, os, cartilages et tendons, ce qui fournis-
Dès le départ, un relevé de collecte accompagne les matières pre-
sait un bouillon gélifiant et liant qui prenait en gelée au refroidissement. mières avec une identification de la provenance géographique des
Depuis 1950, la gélatine est produite dans des usines modernes où animaux et du type de matière première (os ou peau, porc ou
l’hygiène joue un rôle primordial. L’industrie de la gélatine connaît un bovin). Après le dégraissage des os, l’usine de gélatine procède à
développement technologique soutenu qui a évolué, grâce à une recher- un nouvel enregistrement de l’origine des matières premières avec
che permanente, jusqu’à devenir une industrie fine et sophistiquée identification de l’atelier de dégraissage et du transporteur.
conforme aux standards de qualité les plus exigeants.
Lors de l’hydrolyse, un numéro d’opération est attribué, complété
par un numéro d’extraction pour chaque fraction issue d’une cuis-
■ Traitements préliminaires son. Après séchage et broyage, chaque lot homogène de produit
Il n’y a pas ou peu de stockage des matières premières fraîches : semi-fini est muni d’une carte d’identification.
elles sont collectées dans les abattoirs et les boucheries, puis traitées Ces produits sont stockés dans l’attente des résultats analytiques
au fur et à mesure, en général dans des usines spécialisées ou sur des comme des contrôles sanitaires, afin d’être ensuite mélangés en vue
lignes bien spécifiques, en fonction de la matière première d’origine. de la constitution de lots de produits finis. Ils pourront alors être com-

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F 4 800 − 2 © Techniques de l’Ingénieur, traité Agroalimentaire

44
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F4820

Protéines lait res

par Jean-Jacques SNAPPE


Responsable Applications, IDI
Anne LEPOUDERE
Spécialiste ingrédients, IDI
et Natacha SREDZINSKI
Chef de projet

1. Composition du lait ................................................................................. F 4 820 - 2


1.1 Définition (Dictionnaire laitier, J.-F. Boudier, F.-M. Luquet) ..................... — 2
1.2 Composition générale ................................................................................. — 2
1.3 Rappels ......................................................................................................... — 2
1.4 Principaux facteurs de variation ................................................................. — 3
2. Protéines dans le lait............................................................................... — 3
2.1 Caractéristiques de la phase protéique ...................................................... — 3
2.2 Composition et caractéristiques physico-chimiques des protéines ........ — 4
2.3 Influence de différents paramètres physico-chimiques
sur les protéines laitières ............................................................................ — 5
3. Fonctionnalités des protéines .............................................................. — 6
3.1 Propriétés d’hydratation .............................................................................. — 6
3.2 Propriétés de gélification............................................................................. — 7
3.3 Propriétés foisonnantes............................................................................... — 9
3.4 Propriétés émulsifiantes .............................................................................. — 9
4. Ingrédients protéiques laitiers : mode d’obtention ........................ — 10
4.1 Procédés pour l’obtention des ingrédients protéiques laitiers ................ — 10
4.2 Différents ingrédients protéiques laitiers................................................... — 11
5. Utilisation des protéines en applications.......................................... — 15
5.1 Utilisation des caséines et caséinates en applications ............................. — 15
5.2 Concentrés et isolats de protéines de lait en applications ....................... — 16
5.3 Applications des WPC/WPI .......................................................................... — 17
6 . Propriétés nutritionnelles et bénéfices santé
des ingrédients protéiques laitiers...................................................... — 17
6.1 Protéines de lactosérum .............................................................................. — 17
6.2 Caséines........................................................................................................ — 18
6.3 Allergies liées aux protéines de lait............................................................ — 19
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. F 4 820

e développement des procédés de fractionnement a permis la production


L d’une large gamme de protéines laitières, soit directement à partir du lait,
ou lors de la valorisation de coproduits de l’industrie laitière tels que le
lactosérum.
Si au début, avec les caséines, l’usage des protéines laitières était plutôt
industriel qu’alimentaire (colles, plastiques, etc.), aujourd’hui l’industrie agroa-
limentaire est le premier secteur d’activités utilisateur de protéines laitières, en
raison de leurs nombreuses fonctionnalités : bonnes propriétés de reconstitu-
Parution : juin 2010

tion et de solubilité à la neutralité ; aptitude à texturer les aliments, propriétés

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PROTÉINES LAITIÈRES _______________________________________________________________________________________________________________

gélifiantes ou interfaciales (émulsifiantes et moussantes). Outre ces atouts


technologiques, les protéines laitières sont aussi intéressantes tant d’un point
de vue organoleptique que nutritionnel.
Les ingrédients protéiques laitiers sont également utilisés dans d’autres sec-
teurs industriels, tels que la pharmaceutique (valorisation des propriétés
biologiques), la diététique ou la cosmétologie.

1. Composition du lait Tableau 1 – Composition d’un litre de lait


(d’après P. Fox : Advanced Dairy Chemestry vol. 1,
Proteins, Harold E. Swaisgood, Chemistry of the caseins,
p. 65)
1.1 Définition (Dictionnaire laitier,
J.-F. Boudier, F.-M. Luquet) Eau 900 à 910 g
Extrait sec 125 à 135 g
Selon le codex (norme 206-1999), le lait est la sécrétion mam- Matière grasse 35 à 45 g
maire normale d’animaux de traite obtenue à partir d’une ou plu-
sieurs traites, sans rien y ajouter ou en soustraire, destiné à la Lactose 47 à 52 g
consommation comme lait liquide ou à un traitement ultérieur.
MatJ res azotées 30à 36 g 100 %
Selon le Congrès international de la répression des fraudes en Caséine 24 à 28 g 77 à 78 % 100 %
1909, le lait est le produit intégral de la traite totale et ininterrom-
pue d’une femelle laitière bien portante, bien nourrie et non sur- Caséine αs1 9 à 11 g 36 %
menée. Il doit être recueilli proprement et ne pas contenir de Caséine β 9 à 11 g 34 %
colostrum. Le décret du 25 mars 1924 indique la définition « lait » Caséine K 3à4g 13 %
que sans indication de l’espèce animale de provenance, est réser-
Caséine αs2 3à4g 10 %
vée au lait de vache. Tout lait provenant d’une femelle laitière
autre que la vache devra être clairement caractérisé. Caséine y 1, 2, 3 1à2g 7%
Protéines sériques 5à7g 17 à 18 % 100 %
B-Lactoglobuline 2à4g 50 %
1.2 Composition générale (tableau 1) A-Lactalbumine 1 à 1,5 g 22 %
Le lait est un milieu aqueux caractérisé par différentes phases en Sérum albumine bovine 0,1 à 0,4 g 5%
équilibre instable : Immunoglobulines 0,6 à 1,0 g 12 %
Protéase peptones 0,6 à 1,8 g 10 %
■ La phase aqueuse : phase dispersante continue contenant des Azote non protéique
molécules (exemple : lactose) ou des ions (exemple : calcium) à Créatine, Urée, Acides
l’état dissout. Cette phase est stable. aminés 1,5 g 5à6%

■ Une suspension colloïdale de caséines associées à des minéraux Minéraux 8,5 à 9 g


((PO4)2Ca3), ce sont les micelles phosphocalciques ou micelles de Calcium 1,2 à 1,25 g
caséines. Ces agrégats macro-moléculaires de forme et de masse
variées sont chargés négativement dans le lait frais. Il en résulte Phosphate 0,95 g
une répulsion électrostatique des micelles, ce qui assure la stabi-
lité en évitant l’agglomération. Il faut noter que les micelles de
caséines peuvent être déstabilisées sous l’action de facteurs exté- 1.3 Rappels
rieurs qui neutralisent les charges négatives ou désagrègent leur
intégrité. Il en résulte alors l’agglutination des micelles de caséines
puis la séparation du liquide aqueux dispersant. C’est la coagula- 1.3.1 Matière grasse
tion du lait.
Elle est présente sous la forme d’une émulsion de globules gras
de 1 à 8 microns de diamètre. La matière grasse du lait est
■ Une émulsion lipidique : les globules gras sont constitués d’une constituée de 98,5 % de glycérides (esters d’acides gras et de gly-
goutte lipidique entourée d’une membrane lipoprotéique assurant cérol), 1 % de phospholipides polaires et 0,5 % de substances
l’intégrité et l’individualité du globule. Ces globules gras sont en liposolubles : cholestérol, hydrocarbures et vitamines A, D, E et K.
émulsion grâce à la charge négative de l’enveloppe assurant la
répulsion électrostatique.
1.3.2 Glucides
■ Les micro-organismes du lait : ce sont essentiellement des bac- Le sucre principal du lait est le lactose : disaccharide de glucose
téries sous forme végétative ou sporulée, en suspension stable. (α ou β ) et de β -galactose, ce qui explique la présence de 2 formes
C’est leur développement éventuel qui est générateur d’instabilité isomères de lactoses en équilibre dans le lait : le lactose hydraté
le plus souvent par acidification (cas des bactéries lactiques). (α-lactose) et le lactose anhydre (β -lactose).

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« Structurants » « Destructurants » Acide


Ca P Mg K Na Cl citrique
Total (g/l) 1,2 à 1,4 0,9 à 1,0 0 à 12 1,4 à 1,6 0,4 à 0,5 1,1 à 1,2 1,6 à 1,8
% soluble 33 % 45 % 70 à 75 % 92 % 92 % 100 % 90 à 92 %
% colloïdal 67 % 55 % 25 à 30 % 8% 8% - 8 à 10 %

PHOSPHORE : 0,95 g/l (100)


Organique (36) Minéral (64)
Ester phosphor. Phosphosérine Phosphore Phosphates
Phospholiquides de la caséine du phosphate en solution (34)
(17) (19) de Ca colloïdal
(30)

Phase aqueuse Phase colloïdale Phase aqueuse

Phase colloïdale Phase aqueuse

Calcium lié à Calcium Calcium non Ca2+ (11)


la caséine (21) du phosphate ionisé (22)
de calcium
colloïdal (46)

Organique (21) Minéral (79)


Calcium : 1,25 g/l (100)

Figure 1 – Répartition du calcium et du phosphore dans le lait (source : ENILBIO, Sébastien Roustel)

1.3.3 Matière azotée ■ Les facteurs alimentaires influencent également la composition


du lait. Une réduction des apports énergétiques se traduit par une
La fraction essentielle est protéique : les protéines représentent chute brutale de la production laitière et parallèlement une augmen-
95 % de l’azote totale du lait. On trouve parmi ces protéines les tation du taux butyreux du lait : dans le cas d’une sous-alimentation,
caséines (80 %), les protéines solubles (19 %) et diverses protéines l’animal mobilise davantage ses lipides corporels. De plus, une
enzymatiques (1 %). Les protéines laitières (compositions, caracté- quantité insuffisante de protéines et d’azote soluble dans la ration
ristiques et comportements) sont détaillées dans le paragraphe alimentaire réduit l’activité microbienne du rumen : il en résulte une
suivant. légère baisse des taux protéiques par carence énergétique. Par
contre, un excès de matières azotées dans la ration alimentaire
modifie peu les taux mais augmente la teneur en urée des laits.
1.3.4 Minéraux
■ L’influence de la saison est étroitement liée aux effets de l’alimen-
Le lait contient des minéraux salins en solution vraie et d’autres tation qui évoluent simultanément. Les taux protéiques et butyreux
à l’état colloïdal (figure 1). On trouve notamment du calcium à rai- les plus bas du lait de vache s’enregistrent en juin et juillet et les
son de 1,2 g/L. Dans le lait, il est pour 2/3 associé aux micelles de taux les plus élevés entre octobre et février (pour la France).
caséines et pour 1/3 sous forme non micellaire (soluble). Le phos-
phore, présent dans le lait à raison de 1 g/L, est pour moitié colloï-
dal et pour moitié non-micellaire.
2. Protéines dans le lait
1.4 Principaux facteurs de variation
2.1 Caractéristiques
Les caractéristiques et la composition du lait sont très variables
car elles dépendent de nombreux facteurs inhérents au type de
de la phase protéique
mammifère (espèce et race), à son état physiologique (stade de
On distingue dans le lait deux groupes de matières azotées : les
lactation, gestation), à son état sanitaire et à la conduite du trou-
protéines et les matières azotées non protéiques (ANP) qui repré-
peau.
sentent respectivement 95 % et 5 % de l’azote du lait :
■ L’effet race porte essentiellement sur les taux protéiques, – l’ANP varie de 3,1 à 7 % de l’azote total, l’urée en est le princi-
sachant que les taux butyreux sont dépendants des facteurs ali- pal composant ;
mentaires. L’influence de la race sur la teneur en protéines et le – les protéines se différencient de l’ANP par la grosseur de leurs
rapport caséines/protéines totales, critère influençant la qualité fro- molécules, édifiées par des assemblages complexes d’acides ami-
magère des laits, a été mise en évidence par de nombreux auteurs. nés qui donnent des masses molaires variant de 12 à 380 kDa.
Elles sont présentes sous deux phases différentes : d’une part, une
■ Le stade de lactation influence les teneurs en protéines et phase micellaire instable vis-à-vis de l’acide, constituée de parti-
matières grasses qui évoluent de façon inverse à la quantité de lait cules solides en suspension les micelles de caséines et d’autre
produit. Elles diminuent en début de lactation pour atteindre un part, d’une phase soluble stable composée de différents polymères
minimum au bout de 6 semaines environ, puis remontent progres- protéiques hydrophiles, appelés protéines solubles ou protéines
sivement jusqu’en fin de lactation. sériques.

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PROTÉINES LAITIÈRES _______________________________________________________________________________________________________________

β κ
α
?
Nanoclusters
de phosphate
de calcium

Rayon
a hydrodynamique

Couche
chevelue

Figure 2 – Modèle « Structure ouverte » (d’après Holt & Horne, 1996 ; Horne, 1988)

2.2 Composition et caractéristiques 2.2.2 Protéines solubles


physico-chimiques des protéines (20 % des protéines totales)
Elles englobent toutes les protéines solubles à pH 4,6 d’où le
2.2.1 Caséines (80 % des protéines totales) nom aussi de protéines sériques puisqu’on les retrouve après coa-
gulation des caséines à pH 4,6. À la différence des caséines, les
Les caséines, représentées par la figure 2, sont des complexes protéines solubles sont sous forme d’une chaîne enroulée, très
organiques constitués de protéines caséiniques sous forme d’une serrée en pelote, naturellement non dénaturées et exclusivement
chaîne lâche et emmêlée qui fixe par liaisons chimiques du phos- de nature organique, l’α-lactalbumine a du Calcium dans son
phate de calcium. Ces protéines ont un faible niveau d’organisa- calice dans sa structure spatiale. La β-lactoglobuline, l’α-lactalbu-
tion secondaire (en hélices α ou feuillets β ). mine, la sérumalbumine bovine, les immunoglobulines et la lacto-
ferrine représentent plus de 90 % des protéines sériques totales.
On distingue les caséines αS1, αS2, β et κ présentes dans le lait Ce sont majoritairement des protéines globulaires présentant une
de vache dans les proportions 37, 10, 35 et 12 % (p/p). Ce sont de grande sensibilité aux traitements thermiques. Elles sont globale-
petites protéines dont le poids moléculaire varie entre 19 et ment riches en acides aminés soufrés et possèdent des résidus
25 kDa. tryptophane leur conférant une excellente valeur nutritionnelle en
Les caséines sont organisées en mic elles : ce sont des particules particulier l’α−lactalbumine.
de forme sphérique formées par l’association des différentes
■ La i -lactoglobuline (figure 3a ) a un poids moléculaire de
caséines, de quelques fragments peptidiques issus de l’hydrolyse
18,3 kDa et sa concentration dans le lait de vache varie de 0,2 à
de la caséine β par la plasmine (caséine γ ) et de composants salins
0,4 % (p/p). Sa structure secondaire est essentiellement constituée
dont les principaux sont le calcium et les phosphates. L’organisa-
de feuillets perpendiculaires formant une cavité centrale hydro-
tion de la micelle, c’est-à-dire l’agencement et la répartition des
phobe maintenue en place par deux ponts disulfures et partiel-
différents constituants ainsi que leurs modes d’associations, sont
lement refermée par une hélice α.
toujours hypothétiques (figure 2). Les parties non chargées des
caséines formeraient des structures rigides maintenues par des ■ L’ h -lactalbumine (figure 3b ) a un poids moléculaire de 14,2 kDa
associations hydrophobes et des liaisons hydrogènes ; le phos- et un pHi de 4,5. On la trouve à une concentration de 0,1 à 0,15 %
phate de calcium colloïdal agirait comme un ciment qui permet- (p/p). Sa fonction biologique intervient dans la régulation de l’acti-
trait l’association des caséines en micelle. La caséine κ serait vité de la galactosyltransférase, lors de la synthèse du lactose.
répartie en paquets hétérogènes presque exclusivement localisés à
la surface des micelles : elle est associée à la micelle par sa partie ine [0,01 à 0,04 % (p/p)] a un poids molé-
■ La sérumalbumine bov
N-terminal hydrophobe ; sa partie C-terminale hydrophile forme culaire de 61 kDa et présente une forme ellipsoïdale dont la sur-
des protubérances de 5 à 10 nm projetées dans la phase aqueuse face est constituée de poches hydrophobes permettant la fixation
conférant un aspect chevelu à la micelle. d’acides gras à longues chaînes.
Les caséines ont la propriété de précipiter à pH 4,6 (point iso- ■ Les immunoglobulines sont présentes dans le lait de vache à
électrique) ou sous l’action de certaines enzymes telles que la pré- une concentration de 0,06 à 0,1 % (p/p). Leur poid moléculaire est
sure, en présence de Calcium ionisé et à température supérieure à compris entre 160 kDa et 960 kDa. Ce sont des glycoprotéines
15 oC. issues du sang et possédant des propriétés anticorps.

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a β-lactoglobuline b α-lactalbumine

Figure 3 – La i -lactoglobuline et l’ h -lactalbumine (source : http://www.ebi.ac.uk)

Structurant

+ CaCl2
Ca + PO2, Ca ?

Évaporation

? Traitements
? thermiques
H Cl
+
Ca

Déstabilisant
Stabilisant
+ présure
?
O4 Ca
H2
Ca ?
Ca HPO4
4
PO

Ca
+ phosphate ?
+

Réfrigération
Ca

+ NaCl

+ Citrate Acidification

Déstructurant

Figure 4 – Influence des principaux facteurs physico-chimiques sur la structure et la stabilité des micelles de caséine (Gaucheron, 2005)

■ La lactoferrine a un poids moléculaire de 88 kDa. Elle a la pro- 2.3.1 Réfrigération


priété de chélater le fer. Une molécule de lactoferrine a la capacité
de fixer deux ions fer en présence d’un anion synergique. La réfrigération du lait (4 oC) s’accompagne de la solubilisation
réversible d’une partie du phosphate de calcium colloïdal (environ
10 %). De même, à cette température, on observe une solubilisa-
tion de la caséine β qui sort de la micelle et qui peut alors être
2.3 Influence de différents paramètres hydrolysée par la plasmine (enzyme endogène du lait), conduisant
physico-chimiques sur les protéines à une baisse de rendement fromager. Après retour à la tempéra-
laitières ture initiale, le phosphate de calcium, la caséine β et les fragments
hydrophobes résultant de son hydrolyse retournent vers les
micelles et stabilisent ces dernières vis-à-vis de l’action de la
Les micelles de caséines et les protéines solubles résistent diffé- présure.
remment aux évolutions physico-chimiques et aux traitements
technologiques appliqués au lait.
2.3.2 Traitements thermiques
L’influence des principaux facteurs physico-chimiques sur la
Contrairement aux protéines sériques, les micelles de caséines
structure et la stabilité des micelles de caséines sont représentées
sont relativement stables aux traitements thermiques.
sur la figure 4.
L’apport de chaleur entraine des modifications des équilibres
La stabilité de la structure et de l’état d’association des protéines minéraux en fonction de l’intensité du traitement thermique appli-
solubles est quant à elle, gouvernée par un ensemble de liaisons qué. Pour un chauffage < 90 oC, quelques minutes, il y a un trans-
de faible énergie (liaisons hydrogène, hydrophobes, électrosta- fert des ions calcium et phosphate de la phase aqueuse vers la
tiques, ponts salins) et de liaisons covalentes (ponts disulfures). phase micellaire ; phénomène réversible lors du refroidissement.

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Pectines

par Gérard TILLY


Product manager
Cargill Texturizing Solutions – 50500 Baupte – France

1. Présentation............................................................................................... F 5 000 - 2
1.1 Introduction .................................................................................................. — 2
1.2 Origine et structure chimique ..................................................................... — 2
1.3 Extraction ...................................................................................................... — 3
2. Propriétés physiques ............................................................................... — 3
2.1 Propriétés gélifiantes ................................................................................... — 3
2.2 Propriétés stabilisantes ............................................................................... — 4
2.3 Propriétés viscosifiantes.............................................................................. — 4
3. Mécanisme de gélification des pectines HM .................................... — 4
3.1 Rôle de l’acide .............................................................................................. — 4
3.2 Rôle du sucre................................................................................................ — 4
3.3 Facteurs affectant la gélification ................................................................. — 4
3.3.1 Facteurs intrinsèques......................................................................... — 5
3.3.2 Facteurs extrinsèques........................................................................ — 5
3.4 Caractérisation des gels de pectines HM ................................................... — 7
4. Mécanisme de gélification des pectines LM .................................... — 7
4.1 Facteurs affectant la gélification : facteurs intrinsèques .......................... — 8
4.1.1 Nombre et répartition des groupes esters le long de la chaîne ..... — 8
4.1.2 Amidation ........................................................................................... — 8
4.2 Facteurs affectant la gélification : facteurs extrinsèques.......................... — 8
4.2.1 pH ........................................................................................................ — 8
4.2.2 Force ionique...................................................................................... — 9
4.2.3 Acidité totale (TA) .............................................................................. — 9
4.2.4 Teneur en sucre.................................................................................. — 9
4.2.5 Concentration et source de calcium ................................................. — 9
4.2.6 Température ....................................................................................... — 10
4.2.7 Traitement mécanique....................................................................... — 10
5. Conclusion.................................................................................................. — 10
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. F 5 000

a texture est une caractéristique fondamentale du produit alimentaire. Elle


L contribue largement à son succès auprès des consommateurs. Naturel-
lement présente dans des produits simples (fruits, légumes, viandes...), elle
peut être apportée par le formulateur dans des aliments plus complexes en uti-
lisant un ensemble de produits texturants : épaississant, gélifiants ou
stabilisants.
Parmi ces texturants, macromolécules hydrosolubles ou hydrocolloïdes, la
pectine, principalement extraite à partir de marcs de pommes et écorces
d’agrumes, occupe une place de choix dans de nombreuses applications, à la
fois pour son image de produit naturel, pour ses propriétés nutritionnelles et
surtout pour ses propriétés fonctionnelles que nous allons décrire dans cet
Parution : décembre 2010

article.

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F5000

PECTINES _________________________________________________________________________________________________________________________

1. Présentation OH
O
6C = O
4 O
1.1 Introduction H
5
H 1 H
La pectine contenue dans les fruits a, de tout temps, été utilisée, H
HO 2
in situ, par la ménagère pour la gélification des confitures. En OH OCH3
1825, c’est le Français J. Braconnot qui l’isola pour la première fois 3 O
et la baptisa « pectine » du mot grec pektos (ferme/rigide). C=O
H O
Ce n’est qu’au début du XXe siècle que la pectine a fait l’objet H H
d’une extraction industrielle dans le but de compenser, dans un H
premier temps, la faible teneur en pectine de certains fruits. H
O–
Aujourd’hui, la pectine est très largement utilisée dans l’industrie HO OH O
agroalimentaire et pharmaceutique, pour ses propriétés géli-
C=O
fiantes, stabilisantes ou viscosifiantes. H O
H H
H H
1.2 Origine et structure chimique HO OH
O
Les substances pectiques sont présentes dans tous les végétaux,
localisées dans la lamelle moyenne et la paroi primaire des H
cellules où elles jouent le rôle de ciment intercellulaire, respon- Figure 1 – Structure de la molécule de pectine
sables de la rigidité et de la cohésion. Elles sont associées à
d’autres composants chimiques membranaires tels que cellulose,
hemicellulose, lignine, par des liaisons physiques et/ou
chimiques [1]. Estérification : CH3OH
Amidation : NH2
Selon l’âge des tissus, on rencontre la pectine sous deux Neutralisation par :
formes [2] : K, Na, NH4, Ca
– la protopectine : insoluble car liée aux autres composants ; OH
O 6
– l’acide pectique : soluble dans l’eau à froid. O

=
C O
La transformation progressive de la protopectine en pectine
H H
soluble se fait au cours de la croissance cellulaire, selon des méca- 4 5 H 2 1 H
nismes enzymatiques complexes qui aboutissent au ramol- 3
lissement des tissus végétaux [3]. La molécule de pectine se HO
HO O
présente sous la forme d’un polymère linéaire d’acides D-galactu-
roniques joints en α (1-4) par une liaison glycosidique. La chaîne H
pectique, à l’état solide ou en solution, présente une configuration
spiralée avec un pas de 3 (figure 1). Acétylation par : CH3COOH
Le long de la chaîne principale sont présentes toute une série de Ethérification : Sucres neutres
substitutions, qui en font rarement une structure homogalacturoni- (galactanes, arabanes, xylane, etc.)
que simple.
Figure 2 – Substitution de l’acide galacturonique
■ Les fonctions acides carboxyliques sont plus ou moins esté-
rifiées par du méthanol [4]. On définit ainsi le degré de méthoxy-
lation (DM) des pectines, plus communément appelé degré
d’estérification (DE), comme étant le nombre de fonctions carboxy-
liques méthylées pour cent motifs d’acide galacturonique de la Chaînes
chaîne principale. latérales
■ Les mêmes fonctions acides peuvent, au cours du traitement
industriel de déméthylation en milieu ammoniacal, être amidées.
Dans ce cas, on parlera du degré d’amidation (DA). Rhamnoses
■ Les fonctions acides sont souvent neutralisées par la présence
d’ions mono ou divalents tels que Na+/ K+/ NH+4 /Ca2+.
■ Des ramifications, principalement constituées par de courtes chaî-
nes latérales de sucres neutres (galactanes, arabanes, xylanes...),
sont rattachées aux fonctions hydroxyles secondaires (C2 ou C3) de
la chaîne principale [5]. Ces ramifications sont souvent localisées en Segments
zones dites « chevelues », provoquant une interruption de la régula- galacturoniques
rité des chaînes homogalacturoniques. Dans certaines matières pre-
mières, leur quantité peut atteindre 10 %. Figure 3 – Représentation schématique de la molécule de pectine

■ De la même manière, sont liés aux fonctions hydroxyles C2 ou


C3, des groupes acétyles. Ces derniers sont surtout présents dans provoquent une déviation de l’axe de la chaîne. Cette zone de flexi-
certaines matières premières telles que le tournesol ou la bette- bilité, appelée « coude pectique », facilitera la formation d’un
rave (figure 2). On peut donc définir le degré d’acétylation comme réseau tridimensionnel, lors du processus de gélification (figure 3).
étant le nombre de groupes acétyles pour cent unités mono-
Les pectines sont donc principalement caractérisées par leur
saccharides.
teneur en acide galacturonique (AG), la longueur des chaînes
■ Enfin, la chaîne d’acide galacturonique est interrompue par des d’acides galacturoniques (masse moléculaire) et le nombre de
unités de β-L-rhamnose, lié par ses carbones 1 et 2, qui groupes substitués (DE et DA) (figure 4).

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F5000

_________________________________________________________________________________________________________________________ PECTINES

R O R O
C H OH C H OH
O H H O H H
O H OH H O H OH H O
OH H H OH H H
O O
H O H H O H
H OH C H OH C n

R O R O
R = OH Acides pectiques Pour 100 unités A.G. :
R = OH, OCH3 Pectines (acides pectiniques) COOCH3 ⭓ 50 Pectines HM
R = OH, OCH3, NH2 Pectines amidées COOCH3 ⭐ 50 Pectines LM

Figure 4 – Structure et définition de la pectine

1.3 Extraction
Marc de pommes ou
Écorces d'agrumes L’extraction industrielle de la pectine se fait à partir des
sous-produits de l’industrie des jus de fruits. Marcs de pommes et
écorces d’agrumes sont les sources principales et abondantes de
Hydrolyse de la protopectine pectine en raison de leur richesse en protopectine et en acide
Matières
avec de l'acide dans une
premières pectique. La pectine de pomme est plus riche en sucres neutres et
solution chaude
en amidon (qui constitue le « ballast »), mais moins riche en
protéines et calcium que la pectine d’agrumes. Le procédé
Séparation Marcs d’extraction est basé sur l’hydrolyse par cuisson en milieu acide et
Extraction
dépectinés chaud de la protopectine qui se transforme en acide pectinique. Le
Séparation jus obtenu après séparation de la fraction insoluble est concentré
Filtration
avant d’être mélangé à de l’alcool isopropanol, afin de précipiter la
pectine purifiée. Le coagulum, d’aspect fibreux, est lavé, pressé,
Concentration séché sous vide, puis broyé pour obtenir une poudre fine [2]. Les
réglages de la température, du pH et du temps de l’hydrolyse
Précipitation dans l'alcool permettent de prédéterminer le DE de la pectine. Les pectines ainsi
Distillation
Coagulation extraites, ont le plus souvent un DE compris entre 55 et 75 %
d'alcool
Lavage (pectines HM). Leur masse moléculaire est généralement élevée.
Les pectines LM sont obtenues par désestérification chimique
Séchage/Broyage (acide et/ou alcaline) des pectines HM [6]. Les différentes étapes de
Broyage la fabrication des pectines sont représentées sur le schéma
des pectines
Contrôle lot
ci-contre (figure 5).
La phase de contrôle de chaque lot de poudre est aussi une
étape fondamentale du procédé. Il est en effet impératif de réduire
les variations naturelles des matières premières pour garantir une
Produit constance de fonctionnalité.
Pectines HM Pectines LM
fini D’autres sources de matières premières ont été envisagées pour
Déméthylation l’extraction de pectine, comme le tournesol ou la betterave, mais
n’ont pas encore fait l’objet de commercialisation intensive (du fait
de la qualité de la matière première, de la masse moléculaire
Lavage faible, de la teneur en groupes acétyles...).
Les pectines possèdent des propriétés épaississantes, stabili-
Contrôle des lots santes et surtout gélifiantes.

Mélange standardisation Mélange standardisation


DE/DA
2. Propriétés physiques
Expédition Contrôles 2.1 Propriétés gélifiantes
sur les produits finis
Un gel est un réseau tridimensionnel de macromolécules
Contrôles
incluant un solvant. Celui-ci, est provoqué par des changements
pré-expédition physiques ou chimiques qui tendent à diminuer la solubilité de la
pectine, favorisant la formation de cristallisations locales [6]. La
gélification consiste en l’association des chaînes de polygalacturo-
Expédition
nate, par formation des zones de jonctions [7]. La présence des
zones « chevelues » et surtout des coudes pectiques (unité
Figure 5 – Schéma de fabrication des pectines rhamnose) limite la taille des zones de jonctions, empêchant une

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54
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F5080

Carraghénanes : agents gélifiants,


épaississants et stabilisants

par Jaime ZAMORANO


Development manager
Gelymar – Puerto Montt – Chili

et Fabien CANIVET
Application manager
Algaia – Saint-Lô – France

1. Matières premières ......................................................................... F 5 080v2 – 2


2. Composition chimique ................................................................... — 3
3. Production ........................................................................................ — 4
4. Caractéristiques physico-chimiques ........................................... — 5
4.1 Influence du pH .................................................................................. — 5
4.2 Masse molaire .................................................................................... — 5
5. Propriétés fonctionnelles .............................................................. — 6
5.1 Solubilité ............................................................................................ — 6
5.2 Viscosité ............................................................................................. — 6
5.3 Gélification ......................................................................................... — 6
5.4 Synergie.............................................................................................. — 7
6. Interaction avec les produits alimentaires ................................ — 7
6.1 Produits lactés .................................................................................... — 7
6.2 Produits carnés ................................................................................... — 8
7. Applications spécifiques ............................................................... — 9
7.1 Laitages .............................................................................................. — 9
7.2 Viandes ............................................................................................... — 10
7.3 Aliments préparés .............................................................................. — 10
7.4 Produits non alimentaires .................................................................. — 10
7.5 Produits de pharmacie ....................................................................... — 11
8. Sécurité et législation.................................................................... — 11
9. Conclusion........................................................................................ — 11
10. Glossaire ........................................................................................... — 11
11. Symboles .......................................................................................... — 12
Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. F 5 080v2

es carraghénanes sont des polysaccharides naturels obtenus à partir d’al-


L gues rouges. Ces hydrocolloı̈des peuvent agir comme épaississant et géli-
fiant, mais également comme stabilisateur dans de nombreux aliments, pro-
duits pharmaceutiques et produits cosmétiques.
Les carraghénanes sont utilisés pour conférer une grande variété de textures,
de solutions visqueuses aux gels. En outre, ils apportent une image de produit
naturel et sûr.
Le carraghénane d’un point de vue chimique correspond à une famille de
polysaccharides ayant des niveaux de sulfatation variables, qui conduisent à
Parution : juin 2018

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F5080

CARRAGHÉNANES : AGENTS GÉLIFIANTS, ÉPAISSISSANTS ET STABILISANTS ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

des fonctionnalités différentes allant du non gélifié à très visqueux, en passant


par une forte gélification et une faible viscosité.
Les principales propriétés fonctionnelles du carraghénane sont la viscosité et
la capacité de formation des gels mentionnées, mais il existe de nombreux
autres facteurs importants à prendre en compte, tels que la solubilité, la syné-
rèse, la réactivité du lait, la sensibilité au sel et la capacité filmogène. Toutes ces
caractéristiques influencent les façons d’interagir avec les différents compo-
sants où les carraghénanes sont utilisés.
La production de carraghénane est répartie entre l’Amérique, l’Europe et
l’Asie (en particulier la Chine).
Une croissance importante a été observée au cours de la dernière décennie.
Le marché de la carraghénane s’est développé en relation directe avec la crois-
sance de la population mondiale, l’évolution de la technologie alimentaire et
l’évolution du mode de vie de nombreuses personnes qui ont peu de temps
pour cuisiner.
Comme pour beaucoup d’autres ingrédients alimentaires, une certaine « mau-
vaise presse » est apparue dans des pays tels que les États-Unis où des groupes
de pression basés sur une « science pauvre » ont discrédité la longue histoire
de sécurité de la consommation de carraghénane.
De manière contraire, de nombreuses études réaffirment la sécurité du carra-
ghénane et, plus important encore, la capacité de ce produit à être utilisé pour
prévenir la transmission de plusieurs virus.
L’article se décline de la manière suivante. Dans un premier temps, nous
effectuons une présentation générale des carraghénanes avec les différentes
espèces d’algues rouges utilisées dans sa fabrication, ainsi que la composition
chimique et les modes de production. Ensuite, nous abordons la partie fonc-
tionnelle avec les caractéristiques physico-chimiques et les propriétés fonc-
tionnelles. Après avoir montré les interactions avec les produits alimentaires,
nous présentons les applications spécifiques où l’on peut rencontrer les carra-
ghénanes avant de terminer par la partie sécurité et législation, ainsi que la
partie économique.
Le lecteur trouvera en fin d’article un glossaire et un tableau des symboles
utilisés.

les différents cycles produisent toujours un seul type de


1. Matières premières carraghénanes [3].
D’une manière générale, les algues utilisées pour la fabrication
de carraghénanes ont deux origines géographiques :
Les carraghénanes sont des composants naturels de certaines  l’Indonésie, les Philippines ainsi que la Tanzanie pour les
espèces d’algues rouges marines des familles Gigartinaceae, espèces d’algues cultivées dans les mers chaudes de la cein-
Solieriaceae, Phyllophoraceae, Hypneaceae, Furcellariaceae, ture tropicale ;
Rhabdoniaceae, Rhodophyllidaceae et quelques espèces de Rho-  le Chili pour les espèces d’algues récoltées dans les eaux froi-
domelaceae [1]. des subpolaires.
La biologie des espèces productrices de carraghénanes varie Les algues des genres Kappaphycus et Eucheuma toutes deux
selon la famille d’algues à laquelle elles appartiennent. appartenant à la famille des Solieriaceae (figure 1), présentes dans
En général, les Gigartinaceae ont des cycles de vie triphasiques, les eaux chaudes, permettent d’obtenir respectivement des carra-
isomorphiques ou hétéromorphiques, avec alternance de généra- ghénanes de types kappa et iota.
tions haploı̈des et diploı̈des, alors que les Solieriaceae ont aussi Les algues des mers froides, des genres Sarcothalia, Gigartina,
un cycle triphasique mais toujours isomorphique [2]. Les Gigartina- Mazzaella, Iridaea et Mastocarpus (figure 2), sont à l’origine des
ceae produisent différents types de carraghénanes durant leurs carraghénanes de types kappa-2 et lambda. Elles appartiennent à
cycles de vie, situation qui n’apparaı̂t pas chez les Solieriaceae où la famille des Gigartinaceae et sont collectées dans leur milieu

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F5080

––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– CARRAGHÉNANES : AGENTS GÉLIFIANTS, ÉPAISSISSANTS ET STABILISANTS

a Kappaphycus b Eucheuma

Figure 1 – Genre des algues d’eau chaude

a Mastocarpus b Iridaea c Mazzaella d Sarcothalia e Gigartina

Figure 2 – Genre des algues d’eau froide

par des lettres grecques, à tel point que l’alphabet grec est utilisé

O3SO quasiment dans sa totalité [4] [5] [6].
CH2OH O Il a été décrit dans la littérature un nombre important de carra-
O ghénanes. Cependant, dans un souci de simplification, et jusqu’à
O O aujourd’hui, on continue d’utiliser la triade originelle de kappa,
O
iota et lambda, ce qui permet de mieux expliquer les propriétés de
OH ces produits. La seule variante importante observée ces dernières
OR années est la mise en évidence de la fraction kappa-2, auparavant
assimilée à kappa. La différence entre les différentes fractions
iota : R = SO3– (kappa, iota et lambda) est due au nombre et à la position du grou-
pement sulfate, et à la possible présence d’un pont 3,6 anhydro sur
kappa : R = H
le galactose lié via la position 1 et 4.

Figure 3 – Dimère constituant les carraghénanes kappa et iota


C’est le pourcentage de groupements sulfate qui détermine le
type de carraghénane :
naturel, alors que les algues des mers chaudes proviennent essen- – kappa : 24 à 25 %,
tiellement de cultures côtières. – iota : 30 à 32 %,
– lambda : 35 %.
À l’état naturel, les carraghénanes se trouvent à l’état natif ou pré-
curseur. Ils se présentent alors comme des molécules hautement sul-
2. Composition chimique fatées par rapport aux dérivés commerciaux. Le carraghénane mu est
considéré comme le précurseur biologique du kappa. Bien que le car-
raghénane kappa soit très gélifiant, son précurseur, lui, ne l’est pas.
Les carraghénanes sont issus d’une famille de polysacchari- Dans le même ordre d’idée, le carraghénane nu est à l’origine de
des linéaires formés d’un dimère d’unités alternées de a-D-1,3 et la fraction iota. Chimiquement, ils diffèrent de mu et kappa, car ils
b-D-1,4-galacto-pyranose (figure 3). ont un groupement sulfate en C-2 pour les unités liées b-1,4.
La nature des unités de sucre et la composition structurelle des Ici aussi, le carraghénane précurseur n’est pas gélifiant, alors que
macromolécules expliquent la capacité des carraghénanes à former le iota l’est, particulièrement en présence d’ions calcium.
des gels. Les nombreuses possibilités de variation dans le dimère Le carraghénane de type lambda, quant à lui, n’est pas gélifiant.
basique génèrent un spectre continu de polysaccharides, appelés Contrairement à kappa et iota, cette fraction correspond à un

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J2220

Gels de biopolymères naturels


pour formulation agroalimentaire

par Camille MICHON


Professeur
AgroParisTech – Institut des Sciences et Industries du Vivant et de l’Environnement
Véronique BOSC
Maître de Conférence
AgroParisTech – Institut des Sciences et Industries du Vivant et de l’Environnement
et Gérard CUVELIER
Professeur
AgroParisTech – Institut des Sciences et Industries du Vivant et de l’Environnement

1. Gérer la structuration de systèmes complexes ............................... J 2 220 - 2


1.1 Texture comme premier objectif intimement lié
à la structure du produit .............................................................................. — 2
1.2 Systèmes multiphasiques structurés ......................................................... — 3
1.3 Une définition du gel ? ................................................................................ — 4
1.4 Typologie des applications ou des fonctionnalités recherchées ............. — 5
2. Origines et pricipaux types de polymères......................................... — 5
2.1 Origine et structure ...................................................................................... — 5
2.2 Variabilité...................................................................................................... — 8
3. Mise en œuvre ........................................................................................... — 8
4. Physicochimie des milieux gélifiés ..................................................... — 9
4.1 Gels modèle simple ..................................................................................... — 9
4.2 Produits formulés réels ............................................................................... — 11
5. Propriétés fonctionnelles des gels de caractérisation .................. — 12
5.1 Rhéologie...................................................................................................... — 12
5.2 Gels cisaillés et réversibilité mécanique .................................................... — 13
5.3 Réversibilité thermique ............................................................................... — 13
5.4 Gonflement/synérèse................................................................................... — 14
5.5 Adhésion....................................................................................................... — 14
6. Formulation produit/procédé ................................................................ — 14
7. Conclusion/perspectives ........................................................................ — 15
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. J 2 220

a texture est souvent l’une des caractéristiques premières de la qualité


L d’un produit appréciée par le consommateur et une source d’innovation.
Elle est la résultante de sa structure. L’usage des polymères offre au formula-
teur de multiples possibilités de construire et de gérer la structure des produits
par la création des réseaux gélifiés qu’ils permettent de mettre en place en
milieu aqueux. Cela ne va pas sans une maîtrise conjointe des conditions de
mise en œuvre, que ce soit :
– de l’environnement constitué par les autres éléments de la formulation
(solvant, éléments dispersés...) ;
Parution : septembre 2010

– des paramètres de procédés mis en œuvre pour la fabrication ;


– des conditions de conservation et d’usage.

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GELS DE BIOPOLYMÈRES NATURELS POUR FORMULATION AGROALIMENTAIRE _________________________________________________________________

Dans ce dossier, on expose tout d’abord la problématique générale liée à la


texture et à la structure des produits, ainsi que le rôle que peuvent jouer les
polymères dans l’organisation de structures gélifiées en fonction des finalités
recherchées. Les différentes classes de polymères et leur origine sont ensuite
présentées de façon non exhaustive et en insistant sur les biopolymères uti-
lisés dans les formulations alimentaires, mais qui trouvent de plus en plus
d’application dans d’autres secteurs en particulier dans les produits cosméti-
ques et pharmaceutiques.
Les phénomènes physicochimiques à l’origine des mécanismes de gélifica-
tion sont ensuite développés à la fois pour les systèmes simples – un polymère
gélifiant dans l’eau –, pour les mélanges de biopolymères et pour les systèmes
dispersés au sein desquels la dynamique des interactions entre éléments de la
formule est déterminante.
Les principales propriétés des gels, ainsi que des méthodes expérimentales
de mesures permettent de revenir sur l’importance d’une démarche de formu-
lation qui part des propriétés recherchées pour construire la structure du
produit adaptée en intégrant les possibilités offertes par les interactions
produit/procédé.
Les auteurs s’appuient principalement sur leur expérience des produits ali-
mentaires pour donner une démarche généralisable aux systèmes de même
nature, rencontrés dans d’autres secteurs, en particulier celui des produits cos-
métiques où les problématiques sont comparables aussi bien en termes de
propriétés recherchées qu’au niveau des phénomènes physicochimiques mis
en jeu.

1. Gérer la structuration qualité d’un produit, en particulier pour les produits alimentaires
ou cosmétiques. Créer de nouvelles textures est identifié comme
de systèmes complexes l’un des facteurs d’innovation au plan industriel. Dans certains cas
au contraire, il s’agit de modifier la formulation d’un produit (pour
en réduire les coûts ou la teneur d’un ingrédient par exemple) ou
bien de changer une étape du procédé de fabrication sans modifier
1.1 Texture comme premier objectif de façon sensible la texture. Celle-ci est donc souvent un objectif
intimement lié à la structure premier du formulateur.
du produit La définition de la texture met en avant les propriétés rhéolo-
giques du produit en tant que stimulus premier de la texture per-
çue. Dans le cas des gels, sont sollicitées les propriétés
La texture est habituellement définie comme l’ensemble des rhéologiques liées à la résistance à la déformation en deçà des
propriétés mécaniques, géométriques et de surface d’un pro- limites de rupture du milieu (petites déformations). Cela inclut par
duit perceptibles par les récepteurs sensoriels (norme exemple l’observation d’un gel démoulé s’affaissant sous son
NF ISO 5492). propre poids. Dans un test de compression, les gels sont comparés
du point de vue de leur rigidité, ou module, qui peut être évaluée
à partir de la pente initiale de la courbe force-déformation
Il s’agit bien d’un ensemble de propriétés rhéologiques et de (figure 1). Les propriétés liées à la rupture (force et déformation
structure qui vont être perçues par nos différents sens : correspondantes) sont également intéressantes à caractériser.
– le toucher est principalement impliqué aussi bien par la per- Elles traduisent une plus ou moins grande fragilité du produit,
ception des forces nécessaires à la manipulation globale du pro- ainsi que la manière dont il va se rompre, en morceaux de plus ou
duit (somesthésie) et liées à la résistance de celui-ci lors de sa moins grande taille visibles ou perceptibles au toucher.
mastication ou de son étalement par exemple, que par les sensa-
tions liées au contact du produit avec la peau ou la cavité buccale Sur la figure 1, les produits a et c ont ainsi des forces à la rupture
(kinesthésie) ; équivalentes mais le produit c se déforme deux fois plus avant de se
– la vue est également impliquée dans la perception immédiate rompre que le produit a. Le produit b résiste beaucoup plus que le
de la texture, ce qui est particulièrement vrai pour les produits produit c avant de se rompre mais il « lâche » après s’être déformé
« gélifiés » dont l’aspect est le premier facteur d’identification ; jusqu’au même point.
– enfin, l’ouïe peut être sollicitée, plus rarement dans le cas des
gels. Néanmoins, si ceux-ci contiennent des bulles prisonnières Les gels peuvent ainsi être comparés du point de vue de leurs
d’un réseau gélifié – cas d’une mousse par exemple – le bruit propriétés à la rupture, par exemple, à l’aide d’une cartographie
engendré par l’éclatement de celles-ci lors de la manipulation (figure 2) qui permet de les situer du point de vue de leurs proprié-
constitue un élément identifiant de sa texture. tés aux grandes déformations mais également de définir des cibles
La texture, en tant que propriété sensorielle perçue par le de comportement à obtenir pour le formulateur. Les propriétés à la
consommateur, est ainsi l’une des composantes majeures de la rupture peuvent aussi être reliées à la perception sensorielle de la

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J 2 220 − 2 est strictement interdite. − © Editions T.I.

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_________________________________________________________________ GELS DE BIOPOLYMÈRES NATURELS POUR FORMULATION AGROALIMENTAIRE

À ces deux niveaux et aux différentes échelles impliquées, la


structure détermine la texture :
Frupt,b
Produit b
– au niveau très local – macromoléculaire pour les interactions
entre chaînes polymères ou supramoléculaire pour les interactions
entre éléments dispersés – ;
– au niveau macroscopique par les éléments dispersés en
eux-mêmes, initialement présents ou formés par la rupture du gel.
Force (N)

Les propriétés de surface au contact sont sur ce dernier point


déterminantes.

Exemple de la complexité de la perception sensorielle


de la texture
Les sensations de « crémeux » ou d’« onctueux » sont recher-
Frupt,a&c chées pour de nombreux produits formulés de type partiellement géli-
Produit a Produit c fié. Ces sensations mettent en jeu, d’une part, des perceptions liées
à la texture du produit dans ses différentes composantes :
– consistance globale ; propriétés au contact produit/surface buc-
cale ou de la peau ;
Pa&b – présence de particules ;
– mais on peut montrer d’autre part, que la flaveur du produit inter-
vient également, les notes aromatiques perçues engendrant la per-
Pc
ception de crémeux par association avec la mémoire de produits
crémeux de flaveur similaire.
∆Hrupt,a ∆Hrupt,b&c Ainsi, les propriétés rhéologiques du « gel », les propriétés interfa-
Variation de hauteur du produit (mm) ciales et la flaveur du produit liée à la libération des composés aroma-
tiques, elle-même dépendante de la structure et de son évolution lors
Les gels a et b ont le même module (proportionnel à la pente Pa&b).
de la manipulation du produit, vont jouer un rôle sur l’onctuosité
Le gel c a un module plus faible (proportionnel à la pente Pc). Les gels
perçue.
a et c ont la même force à la rupture. Les gels b et c ont les mêmes
variations de hauteur donc déformation à la rupture.
On voit bien à travers cet exemple que la corrélation entre tex-
Figure 1 – Évolution de la force lors d’un essai de compression ture perçue et propriétés rhéologiques peut se révéler difficile.
en conditions lubrifiées de trois gels de même géométrie L’ensemble des composantes de la structure joue un rôle aux diffé-
rents niveaux [1].
La texture des produits est donc indissociable de leur structure
et la suite présente la structuration des réseaux gélifiés par les
polymères et les propriétés physiques qui en résultent.
Produit b
+

Les propriétés d’usage peuvent être rapprochées des propriétés


de texture. Elles sont la plupart du temps associées à la manipula-
– Résistant avant de rompre

Force à la rupture (N)

(Ex : bonbon gélifié)


tion du produit, telles la versabilité, la facilité d’étalement, l’adhé-
sion au support, la reprise de texture au repos, et résultent de la
même manière de la structure du milieu.
On verra plus loin (§ 6) que d’autres finalités, liées à la fabrica-
Produit a Produit c tion elle-même du produit et à sa conservation (stabilité), mettent
en jeu le rôle des polymères présents dans la formulation.

(Ex : flan) (Ex : gel coiffant)


1.2 Systèmes multiphasiques structurés
Déformation à la rupture Les produits alimentaires ou cosmétiques sont la plupart du
temps des systèmes structurés complexes.
– Déformable avant de rompre +

On qualifie de « systèmes colloïdaux » des milieux constitués


Figure 2 – Cartographie des produits réalisée à partir d’éléments dont la taille est grande (quelques nm à quelques
de leurs propriétés à la rupture
centaines de nanomètres) par rapport au milieu dispersant
(quelques 10–1 nm, ici le plus souvent l’eau) et pour lesquels
texture des produits moyennant l’établissement de corrélation l’agitation thermique suffit à maintenir les éléments en suspen-
entre les deux types de mesure (instrumentale et sensorielle). sion. Il est habituel d’y inclure les polymères en solution ou les
gels.
Ces propriétés rhéologiques macroscopiques trouvent leur ori-
Les milieux dispersés dont la taille des éléments est supé-
gine dans la structure du produit, en particulier dans l’organisation
rieure au micromètre (en fait de très nombreuses émulsions ali-
du réseau gélifié formé par les chaînes de polymères et, le cas
mentaires où cosmétiques) répondent pour une large part à la
échéant, comme nous le verrons ci-après (§ 1.2) dans l’agence-
même logique d’organisation. Au plan pratique, s’ajoutent
ment des différents éléments ou phases dispersées et dans les for-
dans ce cas les phénomènes d’instabilité de type sédimentation
ces de cohésion de l’ensemble. Certains éléments constitutifs de la
ou crémage auxquels peuvent être soumises les dispersions du
structure du produit comme des gouttelettes de phase grasse ou
fait de la taille des éléments et de leur différence de densité
des particules solides, s’ils sont de taille suffisante vont pouvoir
avec le milieu dispersant.
être perçus au toucher.

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GELS DE BIOPOLYMÈRES NATURELS POUR FORMULATION AGROALIMENTAIRE _________________________________________________________________

Une classification habituelle des systèmes colloïdaux et milieux – d’autre part de l’organisation des éléments dispersés ou des
dispersés à phase continue liquide distingue : chaînes polymères entre elles et des interactions et connections
qui s’établissent.
– les solutions macromoléculaires et les gels ;
– les émulsions ;
– les dispersions de particules solides ;
1.3 Une définition du gel ?
– les mousses.
Un gel se définit d’abord par la nature de son comportement
Mais de fait, les produits réels sont le plus souvent une physique macroscopique : il s’agit d’un solide élastique (viscoé-
combinaison de ces différents types de systèmes et les polymères lastique) de faible module (quelque 102 Pa environ pour un
sont le plus souvent présents, jouant un rôle déterminant dans la yaourt, par exemple), donc facilement déformable (mou) et plus
structuration de la phase continue ou dans l’organisation des élé- ou moins fragile. Au-delà d’un certain seuil de contrainte, sui-
ments dispersés. vant sa rigidité et sa nature, le gel peut se rompre grossièrement
Dans cette perspective, la figure 3 donne une classification sim- ou s’écouler de façon plus homogène comme un fluide épais.
plifiée des différents types de gels et de leur organisation, dont le
paragraphe 1.3 détaille certains points. Comme nous l’avons déjà vu, du point de vue physicochimique
un gel se définit par sa structure microscopique comme un réseau
Ainsi, la structuration du milieu et la texture qui en découle tridimensionnel de matière retenant une grande quantité d’eau
résultent en première approche de deux facteurs principaux : (jusqu’à plus de 95 % en masse le plus souvent). Classiquement,
– d’une part du volume de solvant mobilisé par le polymère mis on distingue :
en œuvre ou de la fraction volumique occupée par les éléments – les gels de polymères à chaîne étendue ;
(ou phases) dispersés ; – les gels particulaires.

A1

(A1) (A2) (A3) (A4)

a gels de polymères à chaîne étendue

(B1) (B2) (B3a) (B3b)

b gels articulaires

A1) réseau de polymère. Les chaînes étendues sont connectées par des zones de jonction dont la nature dépend des espèces macromoléculaires mises en jeu.
A2) deux polymères en solution mais n'ayant pas la même affinité pour le solvant et peu d’affinité l’un pour l’autre, peuvent former un système à phases
séparées. Chacun d’eux pouvant être en lui-même gélifiant ou non. Dans l’exemple représenté ici, le polymère dans les gouttelettes est gélifiant mais ce n’est
pas toujours le cas.
A3) gel mixte pouvant se former avec deux polymères associés. Dans l’exemple représenté ici, les deux polymères gélifient par eux-mêmes mais ce n’est pas
toujours le cas.
A4) éléments dispersés (sphériques ou non, polydispersés) figurant des gouttelettes, des bulles ou particules solides dispersées dans un réseau gélifié. Les
éléments dispersés peuvent être connectés (« actifs ») ou non (non actifs) à la matrice dispersante.
B1) réseau formé par agrégation ou entassement de particules (gel particulaire). Chaque particule elle-même peut être constituée de polymère plus ou moins
organisé en structure complexe (cas des micelles de caséines du lait, d’agrégats de protéines globulaires…). Le « remplissage » de l’espace peut être très
important jusqu’au close-packing (non représenté ici) des particules qui peuvent se déformer sous l’effet de l’entassement (grains d’amidon natifs ou réticulés,
microgels acryliques…).
B2) réseau formé par floculation des éléments dispersés par déplétion en présence de chaînes étendues dans le milieu solvant.
B3) système dispersé de particules connectées par pontage par polymère à chaîne étendue (a) ou par protéines agrégées (b).

Figure 3 – Représentation schématique des différents types d’organisation des gels de polymères (échelles pas forcément respectées)

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