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Hypnose et confiance en soi

Un motif fréquent de consultation en hypnose ericksonienne ou hypnothérapie est le désir de


retrouver confiance en soi. Quel rôle l’hypnothérapie peut-elle jouer pour répondre à ce
désir ?

D’une part, l’hypnothérapie se propose d’induire chez le patient un état d’hypnose, ou


« transe », et d’utiliser cet état d’hypnose pour permettre à chacun et chacune d’entrer en
relation avec ses ressources profondes, ressources qui sont autant physiques que psychiques.

D’autre part, lorsque l’on parle de confiance en soi, de quoi parle-t-on ?

La confiance désigne le fait de se fier à quelque chose ou à quelqu’un, de déposer sa foi, son
espérance, en quelque chose ou en quelqu’un.

Avoir confiance en quelque chose ou en quelqu’un, c’est se sentir en sécurité vis-à-vis de


cette chose ou de cette personne. Cette sécurité est le fondement essentiel qui permet
d’entreprendre un projet nouveau et de supporter la part de risque, de difficultés et de danger
inhérente à ce projet nouveau. Sans confiance, nous nous retrouvons coupés de nos ressources
intérieures, celles qui nous permettent de nous tenir debout face aux situations que nous
rencontrons, d’être capable face à elles de liberté, de créativité, de tendresse, d’amour. Sans
ces ressources, le monde nous apparaît comme menaçant. Et face à cette menace, tout coupés
de nos ressources que nous sommes, il ne nous reste plus qu’à nous protéger. Alors nous
entrons dans une attitude défensive par rapport au monde et à la vie. Nous nous cantonnons à
ce que nous connaissons déjà. Nous n’entreprenons rien de nouveau. Nous nous enfermons
peu à peu dans une prison. Nous devenons nos propres geôliers. Alors surviennent les
maladies du corps et de l’esprit. Et lorsqu’elles surviennent dans un tel contexte, ne sont-elles
pas à considérer comme des messagères qui cherchent à nous indiquer à nouveau le chemin de
la santé ? Et ce chemin n’est-il pas aussi celui de la confiance ?

Revenons-en à elle, la confiance.


Il est essentiel de distinguer la confiance qui nous vient de l’extérieur de celle qui vient de
l’intérieur.

Dans le premier cas, l’individu tient sa confiance de ce que les autres le reconnaissent,
l’apprécient et le valorisent. Il éprouve le besoin que quelqu’un, à l’extérieur de lui-même, lui
dise que ce qu’il fait est bien : sa mère, son père, un ou une professeur, manager, entraîneur,
sa compagne ou son compagnon, son directeur de conscience… Lorsqu’il obtient cette
reconnaissance, il se sent fort et confiant. Mais lorsque pour une raison ou pour une autre ce
n’est pas le cas, la confiance s’effrite et laisse place au doute et à un sentiment d’insécurité,
qui peut rapidement tourner au désespoir. Ce premier type de confiance est une confiance
conditionnée par le regard et l’appréciation des autres, de l’environnement. Elle se situe au
niveau social et existentiel de ce qu’on appelle en psychologie le « Moi », l’ego ou la persona,
le masque. Elle place l’individu dans une dépendance forte vis-à-vis de son entourage.

Dans le second cas, l’individu tient sa confiance non pas du regard des autres mais de ce qu’il
croit et est fidèle à ce qu’il ressent au plus intime de son cœur, ce dont il a l’intuition et peut-
être même déjà l’expérience dans cet espace intérieur, l’espace du cœur. On pourrait penser
que c’est extrêmement fragile, que c’est subjectif, que ça n’a aucune valeur car c’est invisible
et presque impossible à exprimer. Mais selon Ralph Waldo Emerson, comme avant lui tous
les sages d’Orient et d’Occident, c’est exactement l’inverse.

Voici ce qu’il nous dit dans les premières lignes de son essai La confiance en soi : « Croire
en notre propre pensée, croire que ce qui est vrai pour nous dans notre propre cœur est vrai
pour tous les autres hommes, cela est le génie. Exprimez votre conviction intime et elle se
découvrira être le sens universel ; car toujours le subjectif devient l’objectif, et notre
première pensée nous est rapportée du dehors comme par les trompettes du jugement
dernier. »

Emerson nous indique la direction d’un tout autre type de confiance en soi que celle qui
s’appuie sur le « Moi » et l’image que nous en renvoie les autres. Cette confiance en soi est
une confiance inconditionnée, qui trouve sa source à un niveau essentiel, à l’endroit où le plus
intime rejoint l’universel. Cet endroit, cette source, a été nommé le « Soi » par la pensée
traditionnelle hindoue, ainsi que plus récemment, en Occident, par le thérapeute Carl Gustav
Jung ou par le philosophe Friedrich Nietzsche, dans son magistral : « Des contempteurs du
corps »1.

Ce que les sens éprouvent, ce que reconnaît l’esprit, n’a jamais de fin en soi. Mais les sens
et  l’esprit voudraient te convaincre qu’ils sont la fin de toute chose : tellement ils sont vains.
Les sens et l’esprit ne sont qu’instruments et jouets : derrière eux se trouve encore le soi.
Le soi, lui aussi, cherche avec les yeux des sens et il écoute avec les oreilles de l’esprit.
Toujours le soi  écoute et cherche  : il compare, soumet, conquiert et détruit. Il règne, et
domine aussi le  moi.
Derrière tes sentiments et tes pensées, mon frère, se tient un maître plus puissant, un sage
inconnu — il s’appelle soi. Il habite ton corps, il est ton corps.
Il y a plus de raison dans ton corps que dans ta meilleure sagesse.
Alors qu’une confiance placée dans le « Moi » place l’individu dans une posture de
dépendance par rapport aux autres et au monde, une confiance qui repose sur le « Soi » le met
dans une posture d’autonomie.

Photo de Emerson / Nietzsche / Jung

Maintenant que cette distinction est établie, revenons à l’hypnose ericksonienne et à


l’hypnothérapie : que peut-elle pour aider celui ou celle qui souffre d’un déficit de confiance
en soi ?

En pratique, le déficit de confiance en soi provient toujours d’un enchevêtrement des deux
facteurs cités plus haut : l’individu a été privé de la reconnaissance de l’extérieur. Il en
souffre. Et c’est le fait même d’éprouver cette souffrance qui lui interdit d’accéder à ce qui en
lui-même pourrait lui procurer une confiance d’une toute autre nature. Le Moi blessé souffre,
et double peine, la souffrance du Moi obscurcit le chemin qui mène à la lumière intérieure, au
Soi.

Le thérapeute s’efforce alors de suivre une ligne de crête. D’une part : écouter et reconnaître
la réalité de la souffrance, panser la blessure. D’autre part : accompagner la prise de
conscience par le patient qui souffre qu’une telle blessure est inéluctable lorsque l’on fait
dépendre sa confiance de l’extérieur. Alors peut s’ouvrir le chemin de l’intériorité.
Selon Ralph Waldo Emerson, pour cultiver la confiance (en soi), « l’homme doit s’attacher à
découvrir et à surveiller cette petite lumière qui erre et serpente à travers son esprit bien plus
qu’à découvrir et observer les astres du firmament des bardes et des sages ».

L’hypnose ericksonienne est une des nombreuses pratiques et techniques qui permettent à
l’individu de plonger à l’intérieur de son propre monde et d’entrer en relation avec sa
profondeur. Elle le rend plus attentif à tout ce qui vit en lui, à cette myriade de sensations que
perçoivent ses sens, qui n’a pas de début et pas de fin, qui n’appartient pas au domaine du
« Moi ». Ce « maître plus puissant », « sage inconnu » dont parle Nietzsche, « qui habite dans
le corps, qui est le corps », l’hypnose ericksonienne l’appelle l’esprit inconscient.

Sur ce chemin de confiance et de réalisation de soi, l’expérience hypnotique peut-être une


porte d’entrée. Elle peut permettre de découvrir ou de redécouvrir en soi le chemin. Et à ceux
qui feront cette expérience et qui lui donneront toute son importance, c’est-à-dire qui y
croiront plus qu’à toute autre chose et y feront l’exercice d’y mettre jour après jour leur
confiance et leur foi, Emerson promet une puissance d’agir renouvelée : « la puissance qui
réside en lui est neuve, originale ; personne ne sait ce qu’il peut faire, lui-même ne le sait pas
avant de l’avoir essayé ».

1. voir notamment Ainsi parlait Zarathoustra – Des contempteurs du corps 


https://fr.wikisource.org/wiki/Ainsi_parlait_Zarathoustra/Premi%C3%A8re_partie/
Des_contempteurs_du_corps

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