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Daoud CHARDONNENS

21108943

Faculté des Sciences Historiques

Master d'Archéologie des Mondes Anciens –


ÉGYPTOLOGIE

Sous la direction de Sylvie Donnat,


Maître de conférences en Égyptologie

Septembre 2016

L'ODORAT, DANS L'EXPÉRIENCE


RELIGIEUSE EN ÉGYPTE :
à travers les documents sur Amon
L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

Aux Dieux d'Égypte,


À ma grand-mère Carmen CHARDONNENS

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

Sommaire :

– Abréviations 5

– Introduction 8

– Première Partie : Le corpus : 16

– Chapitre I : Présentation du corpus 17


– Chapitre II : Le corpus 22

– Deuxième Partie : Analyse : 89

– Chapitre I : Analyse détaillée du corpus 91


– Chapitre II : Lexicographie de l'odorat 127

– Troisième Partie : L'odorat à travers les documents sur Amon 140

– Chapitre I : L'odorat dans le Monde des dieux 142

– 1. Le rôle d'Amon 142


– 2. L'odeur d'Amon (quand, quoi) 152

– Chapitre II : Pratiques rituelles 164

– 1. Ce que l'on utilisait 164


– 2. Signification religieuse de ces produits 181
– 3. But de leur utilisation rituelle 195

– Conclusion 209

– Illustrations 212

– Bibliographie 235

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

Abréviations:

Ani : GARDINER (A.), 1959 , A didactic passage re-examined, dans JEA 45, Londres.

BM 551 : MEYER (E.), 1877, Zeitschrift für Aegyptische Sprache und Altertumskunde 15, Leipzig.

Chap. Karnak, I : CHEVRIER (H.), LACAU (P.), 1977, Une Chapelle de Hatshepsout à Karnak,
vol.1, IFAO, Le Caire.

CT II : BUCK (A.), 1938, The egyptian coffin texts, II, Texts of spells 76-163, Chicago.

CTIV : BUCK (A.), 1951, The egyptian coffin texts, IV, Texts of spells 268-354, Chicago.

CTVI : BUCK (A.), 1956, The egyptian coffin texts, VI, Texts of spells 472-786, Chicago.

CTVII : BUCK (A.), 1961, The egyptian coffin texts, VII, Texts of spells 787-1185, Chicago.

Dandarah VIII : CHASSINAT (É.), 1978, Le Temple de Dendera, tome 8, IFAO, Le Caire.

Edfou, VI : CHASSINAT (É.), 1931, Le Temple d'Edfou, tome 6, IFAO, Le Caire.

LdM : BUDGE (E. A. W.), 1898, The Book of the Dead : the chapters of coming forth by day,
Londres.

O. DM 1409 : POSENER (G.), 1977, Catalogue des ostraca hiératiques littéraires de Deir el-
Médineh, Tome 3. 1, N° 1267-1409, DFIFAO, Le Caire.

P. Boulaq 17 : GREBAUT (E.), 1874, Hymne à Ammon-Ra des papyrus égyptiens du Musée de
Boulaq, Paris.

P. Ch. Beatty I : GARDINER (A. H.), 1931, The library of A. Chester Beatty : description of a
hieratic papyrus with a mythological story, love-songs, and other miscellaneous texts, Londres.

P. Harris 500 : MASPERO (G.), 1879-1881, Romans et poésies du papyrus Harris n°500 conservé
au British museum : dans études égyptiennes, Paris.

P. Leyde I 350 : GARDINER (A. H.), 1906, Hymns to Amon from a Leiden Papyrus, dans
Zeitschrift für Aegyptische Sprache und Altertumskunde 42, Leipzig.

P. M. Brooklyn 47.218.50 : GOYON (J.-C.), 1972-1974, Confirmation du pouvoir royal au Nouvel


An : [Brooklyn Museum papyrus 47.218.50], IFAO, Le Caire.

P. Salt 825 : DERCHAIN (P.), 1965, Le Papyrus Salt 825 (B. M. 10051), rituel pour la conservation
de la vie en Egypte, Bruxelles.

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

Petosiris : LEFEBVRE (G.), 1924, Le Tombeau de Petosiris, IFAO, Le Caire.

Pyr. Merenrâ : CARRIER (C.), 2010, Textes des Pyramides de l'Égypte ancienne, Tome 4, Textes
des pyramides de Mérenrê, d'Aba, de Neit, d'Ipout et d'Oudjebten, éd. Cybèle, Paris.

Pyr. Ounas : CARRIER (C.), 2009, Textes des pyramides de l'Égypte ancienne, Tome 1, Textes des
pyramides d'Ounas et de Téti, éd. Cybèle, Paris.

Rituel divin j. : MORET (A.), 1902, Le rituel du culte divin journalier en Égypte, Paris.

Rituel Emb. : SAUNERON (S.), 1952, Rituel de l'embaumement : pap. Boulaq III, pap. Louvre
5.158, Le Caire.

S. G. Barkal : GRIMAL (N.), 1986, Les termes de la propagande royale égyptienne : de la XIXe
dynastie à la conquête d'Alexandre, IFAO, Le Caire.

Sinouhé : FERMAT (A.), 2009, Les aventures de Sinouhé : un fidèle de Pharaon, éd. Maison de
Vie, Paris.

Urk. IV : HELCK (W.), 1957, Urkunden der 18. dynastie, IV, Heft 20, Berlin.

Vache du Ciel : LEFEBURE (E.), 1886, Les Hypogées royaux de Thèbes, Première division, Le
tombeau de Séti 1er, Paris

Wb. : ERMAN (A.), GRAPOW (H.), 1926-1931, Wörterbuch der aegyptischen Sprache, 5 vol.,
Leiptzig.

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

Introduction :

L'étude des sens est une discipline que l'on rattache volontiers à l'Anthropologie, bien que
l'anthropologie sensorielle ne soit pas encore une discipline en soi en France 1. Tout simplement car
il y a peu de travaux concernant ce domaine de recherche. Exception faite justement en ce qui
concerne les couleurs dans les années 1970, ainsi que l'odorat et les parfums dans les années 1980 2.
En fait, ce sont les Historiens qui ouvrent la voie aux études des sensibilités, avec notamment les
questions autour de l'univers sonore et odorant 3. M.-L. Gélard retrace l'histoire des recherches sur
les sens dans un article venant de paraître dans la revue d'Anthropologie L'Homme4, et remarque
que le monde anglo-saxon, lui, est plus avancé dans ce domaine spécifique des études sensorielles 5.
On peut en conclure alors que beaucoup reste à faire dans ce domaine et que l'anthropologie
sensorielle française n'en est qu'à ses débuts. Ce qui donne un éventail de perspectives pour les
chercheurs.

L'Anthropologie sensorielle, comme l'indique M.-L Gélard, s'attache à comprendre comment


les manifestations sensorielles nous informent sur la manière dont les individus utilisent les
langages sensoriels comme outils de communication et d'information 6. C'est précisément ce que l'on
cherche à comprendre en ce qui concerne les sens dans l'expérience religieuse. Les sens sont donc
une sorte de communication para-verbale puisqu'ils utilisent un autre moyen que la parole. De plus
il est évident qu'ils nous accompagnent, qu'on le veuille ou non, dans toutes les situations. À propos
de la religion d'ailleurs, D. van der Plas dit que les fidèles n'ont pas <<bouché>> leurs sens 7, pour
rappeler l'intérêt d'une telle étude. En ce qui concerne l'Égypte ancienne, il existe des travaux
répondant à cette étude. Mais ce qui nous intéresse est la thématique des sens dans un cadre encore
plus précis : celui de la religion, égyptienne en l'occurrence. Sur ce point précis les études sont très
peu nombreuses. Seules l'ouïe et la vue ont été traitées, et de manière plutôt brève. Le premier, D.
van der Plas s'est intéressé à ce que signifiait << voir le dieu >> dans la religion égyptienne 8, alors
1 GELARD, 2016, p.91
2 GELARD, 2016, p.91
3 GELARD, 2016, p.92
4 GELARD, 2016, L'anthropologie sensorielle en France. Un champ en devenir ?, dans L'Homme, 1/2016 (N° 217),
p. 91-107
5 GELARD, 2016, p.95-96
6 GELARD, 2016, p.100
7 VAN DER PLAS, 1989, p.5
8 VAN DER PLAS, 1989, <<Voir>> dieu, Quelques observations au sujet de la fonction des sens dans le culte et la
dévotion de l'Égypte Ancienne, dans BSFE 115.

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que S. Emerit, dans un article récent, a traité de la question de l'ouïe 9. Ces deux études ont
largement contribué à nous inspirer pour notre propre recherche et nous donner des pistes à
explorer.

Notre travail, lui, s'attache à explorer la question de << l'odorat dans l'expérience religieuse
de l'Égypte ancienne >>. Nous entendons par ''odorat'' tout ce qui se rapporte à la perception de ce
sens dans la religion égyptienne. Expérience car il s'agit d'étudier tout ce qui se rapporte aux
manifestations sensorielles que l'on peut trouver dans ce domaine. D'ailleurs E. Hornung définit les
dieux égyptiens avant tout comme une émanation spéciale susceptible d'être perçue directement (de
différentes manières : images, manifestations, etc) et non comme une simple définition abstraite10.
Cependant, il est à noter que le mot ''odorat'' n'existe pas en Égyptien ancien. Il n'existe pas de mot
pour désigner directement, comme en Français, le fait de ''percevoir des odeurs''. Le vocabulaire
égyptien se limite plutôt aux expressions telles que : sentir, respirer, etc (sn11, srḳ12, nšp13,..). Il
devait tout simplement y avoir alors une expression analogue à celle que l'on a en Arabe pour parler
de l' ''odorat'' : ḥâssatu š-šammi14 qui veut dire littéralement ''le sens du sentir''. Le verbe šamma
rendant le fait de : respirer, sentir, humer, flairer. De toute évidence notre recherche n'est pas
vraiment archéologique mais centrée sur l'analyse philologique, afin de répondre à une thématique
propre à la théologie égyptienne ou à l'anthropologie religieuse. L'Égyptologie étant une science
très vaste, elle peut recouvrir un nombre infini de disciplines tant les recherches sont variées, mais
le but n'est pas de jouer sur les appellations : notre étude s'inscrit dans le cadre des recherches
égyptologiques tout simplement.

Concernant le sens de l'odorat, plusieurs recherches ont été menées en Anthropologie dont
notamment le livre de A. Le Guérer 15, anthropologue et historienne, spécialisée sur le parfum.
L'intérêt de citer son ouvrage ici, plutôt que les autres travaux en anthropologie, repose sur le fait
qu'elle parle notamment de la symbolique qu'il y a autour du parfum et souvent dans un contexte
9 EMERIT, 2011, Listening to the Gods, dans Laute und Leise der Gebrauch von Stimme und Klang in historischen
Kulturen, p.61-88, Mayence.
10 HORNUNG, 1987, p.54-55
11 Wb., IV, p.153
12 Wb., IV, p.201
13 Wb., II, p.339
14 ‫م‬ ‫م‬
ِ ‫الش‬ ‫ة‬
‫حاسة‬
15 LE GUERER, 2005, Le parfum: des origines à nos jours, Paris.

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religieux en ce qui concerne l'Antiquité. Tout simplement, car à l'origine avant de devenir un
vulgaire produit commercial comme aujourd'hui, le parfum était sacré, magique, alchimique 16.. et
symbolisait un principe vital vu comme un équivalent du sang servant à remplacer petit à petit le
sang animal ou humain des rites religieux primitifs 17. De plus, l'auteure évoque la question de
l'Égypte18, et même de la culture grecque d'Égypte à travers un récit en langue grecque19. L'ouvrage
présente une assez bonne synthèse de la question en ce qui concerne l'Égypte, cependant de manière
assez brève et simplifiée, car l'ouvrage n'est pas égyptologique bien sûr. Pour ce qui est de
l'Égyptologie, il n'existe pas d'étude complète dédiée à l'odorat dans la religion égyptienne.
Cependant, des recherches sont menées assez tôt déjà en ce qui concerne les fards et les
cosmétiques égyptiens, comme le rappelle C. Lorre, et ceci y compris concernant les périodes pré-
dynastiques20. On trouve aussi une sorte de synthèse récente dans Parfums et Odeurs dans
l'Antiquité réalisée par D. A. Warburton 21 qui traite brièvement d'à peu près tout ce que l'on sait sur
le parfum et les odeurs en Égypte y compris concernant la symbolique. Bien sûr, il faut citer M.
Shîmy qui a réalisé une étude pour sa thèse de doctorat assez complète traitant des parfums (et non
de tout ce qui est encensement)22, se concentrant notamment sur la fabrication, les composantes
qu'on peut y retrouver et la typologie des récipients. La symbolique et la religion sont tout de même
bien évoquées. Outre l'aspect symbolique qui nous intéresse, ce genre d'études nous amène à étudier
la botanique pour mieux comprendre de quoi nous parlons. Des travaux assez récents nous ont été
très utiles, en plus de ceux du pionnier dans le domaine V. Loret 23, nous voulons parler de
l'Encyclopédie religieuse de l'univers végétal24 en 3 volumes. Très utiles, parallèlement à la
botanique, sont les analyses chimiques qui sont réalisées en Archéologie, dont N. Garnier évoque
les prémices de l'Archéologie biomoléculaire25. Il s'agit bien entendu d'une possibilité assez récente
et qui offre parfois une bonne complémentarité. Un article de Memnonia parle d'ailleurs de la
contribution de la chimie analytique en ce qui concerne l'Égypte ancienne 26. Concernant les autres

16 LE GUERER, 2005, p.10


17 LE GUERER, 2005, p.11
18 Voir : LE GUERER, 2005, p.13-36
19 Voir : LE GUERER, 2005, p.37-50
20 LORRE, 2008, p.179
21 WARBURTON, 2008, Le parfum en Égypte ancienne, érotisme, divinité et commerce, dans Parfums et Odeurs
dans l'Antiquité, p.217-225, Presses Universitaire de Rennes, Rennes
22 SHÎMY, 1997, Parfums et parfumerie dans l'ancienne Égypte, de l'Ancien Empire à la fin du Nouvel Empire, ANRT,
Lille. (Ouvrage traduit en Arabe en 2005, que nous avons utilisé par commodité plutôt que la version française)
23 Il y a plusieurs travaux que nous avons utilisé. Voir : bibliographie
24 AUFRERE, 1999-2005, Encyclopédie religieuse de l'univers végétal, Croyances phytoreligieuse de l'Égypte
ancienne, Orientalia Monspeliensia X, Montpellier.
25 GARNIER, 2008, p.62
26 ARCHIER, VIEILLESCAZES, 2003, Contribution de la chimie analytique à l'étude de vestige de l'Égypte
ancienne, dans Parfums, onguents et cosmétiques dans l'Égypte ancienne,..., p.111-120, Centre français de culture et

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ouvrages, il n'est pas nécessaire d'en parler ici, nous les verrons bien entendu au fur et à mesure de
ce travail.

La thématique de l'odorat dans la religion égyptienne offrait en fait déjà une perspective très
large. La place des substances odoriférantes et le sens de l'odorat étant si important pour les
Égyptiens, notre sujet était assez complexe et devait être recentré sur quelque chose d'encore plus
précis, afin d'arriver à un cadre délimitant les recherches notamment en ce qui concerne la
constitution du corpus, comme nous l'évoquerons plus loin. Ainsi nous avons choisi de recadrer
notre sujet autour du dieu Amon, et de nous intéresser avant tout aux textes qui le concernent. Ce
choix nous semblait être la meilleure solution. Le dieu Amon apparaît déjà dans les Textes des
Pyramides (dont le §446 est la première mention connue) mais il faut attendre la 12ème dynastie
pour qu'il devienne le dieu principal27. C'est petit à petit qu'il prend de l'importance jusqu'à devenir
l'un des dieux les plus importants de l'Histoire de la religion égyptienne. À la 18ème dynastie son
pouvoir est total avec notamment l'apparition de l'unicité avec le dieu solaire Râ : on parle alors
d'Amon-Râ28. À cette même époque on l'insère dans une triade qu'il forme avec Mout et Khonsou 29.
C'est en fait par toutes les assimilations et les attributs qu'Amon devient incroyablement puissant, à
cela s'ajoute une élaboration théologique tout aussi bien pensée. C'est à Thèbes notamment que la
puissance d'Amon voit le jour, bien qu'il soit peut être originaire de Ârmant 30. D'ailleurs, il
commence par absorber le dieu Min qui finit par disparaître presque totalement au profit des
différentes apparences et nouvelles conceptions31 du puissant dieu thébain, qui ne se contente pas
seulement de se doter des thèmes solaires. La théologie de Thèbes est l'héritière d'écoles
théologiques plus anciennes qu'elle va rassembler pour n'en faire qu'une seule à son profit, comme
nous l'évoquerons encore plus tard. Les conceptions thébaines sur le dieu Amon se propageront
d'ailleurs bien au-delà de sa région d'origine 32. Notre contexte géographique ne se limite donc pas
non plus à Thèbes mais tout de même en grande partie, surtout en ce qui concerne le corpus bien
sûr. Nous ne parlerons que peu du reste de l'Égypte, mais disons plutôt que toute l'Égypte est
finalement concernée par ce sujet, tant Amon a su prendre une place importante en tant que dieu
de coopération du Caire, Le Caire.
27 NÛR AD-DÎN, 2014, vol.1, p.77-78
28 GUERMEUR, 2005, p.72
29 NÛR AD-DÎN, 2014, vol.1, p.89
30 NÛR AD-DÎN, 2014, vol. 1, p.80
31 NÛR AD-DÎN, 2014, vol. 1, p.80-85
32 Sur ces questions voir l'ouvrage très bien fait de I. Guérmeur : GUERMEUR, 2005, Les Cultes d'Amon hors de
Thèbes : recherches de géographie religieuse, Turnhout.

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

dynastique. De plus les thématiques étudiées nous permettent bien de comprendre de manière
globale ce qui se rapporte à l'odorat dans la religion égyptienne et non seulement au sujet d'Amon.
Enfin, les exemples et les comparaisons nous offrent une vision plus large qui nous fait sortir de
notre cadrage. Cadrage qui concerne surtout la composition du corpus. Mais n'oublions pas que la
thématique de l'odorat se retrouve beaucoup dans les textes concernant Amon, et même plus
qu'ailleurs finalement, d'où notre choix.

Il est étonnant alors qu'il n'y ait pas déjà eu une étude plus complète sur le sujet. Ces
thématiques font l'objet de commentaires et d'études éparses mais rien de suffisant, vu l'intérêt de
ces questionnements. Pourtant les éléments permettant de réaliser cette étude ne manquent pas et on
peut souvent lire que l'Égypte est le berceau de la parfumerie et que les meilleurs parfums venaient
de là-bas 33! Pourtant les techniques n'avaient pas grand chose à voir avec celles d'aujourd'hui
puisqu'ils ignoraient la distillation, mais cela ne les a pas empêché d'exceller 34, comme le rappelle
M.-C. Grasse, conservateur en chef du patrimoine au musée du parfum à Grasse. En tout cas, l'étude
de ces questions a quelques avantages en ce qui concerne l'Égypte, car visiblement l'iconographie
égyptienne est bien plus fiable que celle des autres peuples du Proche-Orient de l'époque du Bronze,
à en croire E. Dodinet35. De même que la documentation de ces derniers en matière de parfumerie
est beaucoup moins riche que celle de l'Égypte 36. Les premières représentations iconographiques
connues d'ateliers de parfums sont d'ailleurs égyptiennes 37. Et les traces indiquant des utilisations
rituelles à partir de matières minérales et végétales broyées, se retrouvent dès les périodes pré-
dynastiques en Égypte38. Ces procédés sont en quelque sorte les précurseurs de l'utilisation des
matières odorantes pour les rituels, car ils font parties des éléments de parure et continuent par la
suite à être utilisés au côté des parfums dans les rituels.

L'objectif de cette étude était donc de rassembler le plus de textes possibles concernant la
thématique de l'odorat, en ce qui concerne la documentation disponible autour du dieu Amon.
Cependant, il ne s'agissait pas d'être exhaustif mais représentatif, afin de pouvoir traiter des thèmes

33 WARBURTON, 2008, p.219-220


34 GRASSE, 2008, p.9
35 DODINET, 2008, p.22
36 DODINET, 2008, p.119
37 DODINET, 2008, p.119
38 LORRE, 2008, p.184-185

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qui nous intéressent. Ce travail permet de parler d'un point qui reste à approfondir sur la
connaissance des parfums et de l'odorat, en ce qui concerne l'Égypte. Thème qui est bien renseigné
pour certaines civilisations d'ailleurs. Si ce n'est pas le cas pour l'Orient ancien 39, ces questions sont
bien connues en ce qui concerne la religion grecque 40. Aussi, ce travail fait un petit clin d'œil à la
France dont l'histoire de la parfumerie moderne est très liée, mais aussi à l'Égypte moderne qui a
encore hérité de la tradition arabe de l'encens.

Quelques difficultés se sont présentées dans notre travail. Il s'agit principalement des
parfums eux-mêmes, des résines, etc. Ce sont souvent des problèmes relevant de la botanique, mais
pas seulement. Malheureusement il n'est pas toujours très aisé de savoir quel nom égyptien se
rapporte à quelle espèce végétale. Soit parce que la signification d'un mot est perdue, soit parce que
le savoir botanique des Égyptiens n'était pas le même que celui d'aujourd'hui. En effet, certaines
appellations englobent plusieurs choses différentes41. La botanique d'Égypte a beau être la mieux
connue du Proche-Orient, les textes égyptiens, eux, sont souvent imprécis tout comme c'est le cas
dans la plupart des sociétés anciennes42. Ainsi se pose très vite le problème de la fameuse question
de l'utilisation de la myrrhe et de l'oliban. De même que la détermination des mots ântiou et
senetjer. Et la liste est bien plus longue que cela. Nous sommes aussi très souvent démunis en ce qui
concerne les noms des onguents dont nous avons à faire. Les résultats des recherches sont souvent
un peu frustrant. Enfin, nous pouvons évoquer le fameux pays de Pount dont il est souvent question.
Ce n'est pas un problème en soit, mais il est vrai qu'il reste mystérieux comme beaucoup d'autres
choses, et nous ne pouvons pas avec certitude régler la question de sa localisation.

Afin de traiter notre sujet, nous avons placé dans la première partie de ce travail notre
corpus. Cette partie est elle-même divisée en deux chapitres. On y trouvera d'abord un chapitre qui
présente notre corpus et qui permet de mieux comprendre les choix, le contexte etc. Puis le
39 De manière générale, il semble que dans l'Orient ancien, les encensements étaient plus considérés comme des
offrandes. Mais de manière générale la symbolique des odeurs dans les rituels sont très mal connue. Voir:
DODINET, 2008, p.122
40 En Grèce, les dieux sentent bon car cela fait partie de leur perfection corporelle: leur corps est contraire à la
putréfaction. Mais les dieux se nourrissent également des odeurs (odeurs de sacrifices, odeurs d'encens, de parfums,
etc). Tout ceci les différencie des Hommes. Les odeurs servent aussi dans le culte afin de symboliser la présence
divine et de la magnifier. De plus il semblerait que les dieux ait chacun une odeur qui leur est propre. Pour plus
d'informations voir : PROST, 2008, p.100-102 ; BODIOU, MEHL, 2008, p.146-148
41 BAUM, 2003, p.21
42 DODINET, 2008, p.22

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

deuxième chapitre constitue le corpus lui-même. Il s'agit des textes que nous avons rassemblés afin
de réaliser notre étude. Tous les textes n'étant pas de même nature, ils sont placés dans trois grandes
catégories : 1. les inscriptions royales monumentales, 2. les Hymnes et 3. les Rituels.

La deuxième partie est dédiée à l'analyse de ces documents. Le but étant de bien comprendre
d'où ils proviennent, car il s'agit d'extraits plus ou moins longs provenant à chaque fois d'un
ensemble beaucoup plus vaste. Il faut donc comprendre leur contexte et d'où ils viennent, pour
mieux comprendre les thématiques que nous faisons ressortir par la suite. Le lecteur peut alors se
familiariser avec ces textes tout en y trouvant des informations un peu plus techniques et générales,
ou de comprendre des notions ou expressions présentes dans nos extraits. Notions qui n'ont pas
forcément de liens directs avec notre thématique d'ailleurs : afin de mieux appréhender une
thématique spécifique, il faut déjà avoir bien compris les différents éléments de l'extrait.

La troisième partie, quant à elle, traitera de notre problématique en faisant ressortir les
thèmes qui peuvent être traités à partir de notre documentation. Tout ceci confronté à chaque fois à
des exemples et comparaisons à d'autres textes. Les deux axes de notre recherche sont : dans un
premier temps la place de l'odorat dans le Monde des dieux, et les produits odoriférants dans la
pratique cultuelle, ensuite.

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Première Partie :
le corpus

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Chapitre I : Présentation du corpus

Afin de réaliser notre étude au mieux, il a fallu consulter un certain nombre de sources
textuelles différentes. En effet, comme nous l'avons déjà évoqué, notre travail est philologique avant
tout, en ce qui concerne la matière de notre recherche. C'est pourquoi notre corpus est purement
littéraire. Et ceci malgré que certains de nos textes sont accompagnés d'une belle iconographie tout
aussi intéressante mais totalement hors de notre propos. Nous nous sommes donc intéressés aux
textes religieux de manière assez générale, afin de trouver des informations sur le sujet qui nous
intéressait. Ces textes sont de différentes natures : mythologiques, oraculaires, hymniques, rituels
etc. Les supports sont eux aussi variables puisqu'on retrouve nos textes sur les parois des Temples
aussi bien que sur les papyrus. De ce fait, l'écriture n'y est pas toujours la même non plus car la
moitié environ est en Hiéroglyphes alors que l'autre moitié est en Hiératique. Pour certains textes
nous avons fait le choix d'également mettre le texte hiératique dans notre corpus. Cependant, il nous
a pas toujours été possible d'avoir accès à la publication qui donne le texte hiératique. En ce qui
concerne le Rituel d'Amon du Papyrus du Musée de Berlin 3055, nous avons pu en mettre trois sur
les neufs. La publication du papyrus est plutôt difficilement accessible 43, sans parler que nos extraits
sont parfois assez longs, ce qui nécessite des ''collages'' photographiques qui ne sont pas toujours
très heureux. C'est pourquoi nous n'avons pas pu tous les présenter ici. Cependant, les références
permettent de les retrouver facilement.

Comme indiqué en introduction, notre recherche a ensuite été recentrée sur le dieu Amon et
donc sur les textes religieux qui mentionnent ou qui sont directement en rapport avec lui. Bien sûr
qui dit Amon dit aussi Thèbes la plupart du temps. Même si le dieu Amon est déjà attesté depuis les
Textes des Pyramides44, il tire toute son importance du Nouvel Empire, et c'est à partir de ce
moment là que l'on trouve une littérature le concernant qui nous intéresse pour notre étude. En effet
c'est à la 18ème dynastie qu'une théologie très élaborée apparaît, où Amon prend de l'importance
par le fait qu'il absorbe en quelque sorte des qualités solaires qui résultent d'une unicité entre Râ et
Amon qui donne le dieu thébain d'Amon-Râ 45. Ce qui explique pour quelle raison notre corpus n'est

43 En effet, la publication étant très ancienne, sa consultation n'est pas facilitée, de plus nous n'avons trouvé
malheureusement aucune version numérique de l'ouvrage. Voir : STAATLICHE MUSEEN, Hieratische Papyrus aus
des königlischen Museen zu Berlin, t. I, Leipzig, 1901.
44 GUERMEUR, 2005, p.2
45 GUERMEUR, 2005, p.72

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pas composé de textes antérieurs à la 18ème dynastie. Cependant nos textes ne se cantonnent pas au
Nouvel Empire mais s'étendent jusqu'à l'occupation perse à la 27ème dynastie. En ce qui concerne
le contexte géographique, il est évident que Thèbes a une place centrale : Temple de Luqsor, Temple
funéraire de Hatshepsout, et endroits non précisés. Mais quelques-uns de nos textes viennent aussi
du Temple de Hibis situé dans l'oasis de Al-Khârgah46 (illustration 1).

En Égyptologie, aucun travail n'a directement été effectué sur le sujet, c'est à dire sur l'odorat
dans les textes théologiques sur Amon. Mais nous ne répéterons pas ici ce qui a déjà été indiqué en
introduction. Si cette question précise n'a pas été traitée, en revanche, nombreux sont les travaux qui
ont été effectués sur certaines des sources qu'il nous fallait consulter. Que ce soit des analyses, des
traductions ou des publications du texte. En ce qui concerne les différents papyrus (P. Boulaq 17, P.
Leiden I350, P. Berlin 3049) que nous qualifions 47 d'hymniques, ils ont été étudiés et traduits
notamment par J. Assmann48, A. Barucq et F. Daumas 49, Ad. Erman50, etc. Puis on peut rajouter en
ce qui concerne les hymnes du Temple de Hibis notamment N. G. Davies 51 pour la publication des
planches, et D. Klotz52 pour les traductions. Quant aux récits théogamiques, il faut citer surtout
l'ouvrage de H. Brunner53 qui est une étude très complète. Concernant les textes en rapport avec
l'expédition de Pount, notamment les publications de E. Naville 54. Pour ces deux derniers, il existe
de nombreux travaux qui en parlent car il s'agit de textes très connus et largement commentés par-ci
par-là, mais de manière assez brève souvent. En revanche, en ce qui concerne le Rituel d'Amon du
papyrus Berlin 3055, à part une publication ancienne du texte hiératique, il n'existe qu'une seule
étude complète, elle aussi ancienne celle de A. Moret55, toutefois de bonne qualité.

Nous avons donc consulté un certain nombre de textes religieux dans un premier temps de
toutes époques et vraiment de toute nature, afin d'avoir une vision globale. C'est par la suite qu'il a
fallu définir un recadrage du sujet. Le recentrage sur une période bien précise n'a pas été retenu car
il aurait fallu abandonner des textes qui sont très pertinents pour notre argumentation. De plus, les
prémices de nos recherches nous ont conduit à constater que cette thématique s'articulait autour du
46 En Arabe : ‫الخارجة‬
47 Voir plus bas comment nous définisson nos différentes catégories
48 ASSMANN, 1975, Aegyptische Hymnen und Gebete, Artemisverlag, Zurich-Munique.
49 BARUCQ, DAUMAS, 1980, Hymnes et Prières de l'Égypte Ancienne, Paris.
50 ERMAN, 1923, Die Literatur des Aegypter, Leipzig.
51 DAVIES, 1953 The Temple of Hibis in el-Khargeh, Metropolitan Museum of Art, New York.
52 KLOTZ, 2006, Adoration of the Ram : five hymns to Amun-Re from Hibis temple, New Haven.
53 BRUNNER, Die Geburt des Gottkönigs Studiens zur Überlieferung eines altägyptischen Mythos, Wiesbaden, 1964.
54 NAVILLE, 1898, The Temple of Deir el-Bahari, Egypt Exploration Fund, Londres.
55 MORET, 1902, Le rituel du culte divin journalier en Égypte, Paris.

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

dieu Amon principalement, et non seulement au Nouvel Empire. C'est pourquoi il nous paraissait
évident de choisir cette délimitation. Même si la thématique de l'odorat se poursuit jusqu'aux
époques tardives, nous avons remarqué que ce sont les textes thébains, en rapport avec Amon, qui
sont les premiers à nous donner autant d'informations là-dessus. De ce fait, a été consulté bon
nombre de sources qui ne nous ont rien appris sur ce que l'on cherchait. D'autres, intéressantes cette
fois-ci, n'ont pas été retenues car elles ne rentraient pas dans notre cadrage. C'est le cas notamment
du Rituel de la Maison de Vie qui ne figure évidemment pas dans le corpus, mais qui n'a pas été
écarté totalement non plus, comme nous le verrons plus loin, dans notre troisième partie.

Ainsi, il est clair que le corpus constitué nous permet d'étudier efficacement notre
thématique de l'odorat dans l'expérience religieuse. À travers ce genre littéraire ''religieux'' qu'est
notre corpus, se dégage plusieurs thèmes que nous pouvons qualifier de : mythologique, liturgique
et même historique. Mais ce corpus a bien entendu ses limites car il n'est évidemment pas exhaustif.
Il se veut représentatif afin de répondre à la problématique qui nous intéresse, mais il ne prétend pas
exposer tous les textes connus qui pourraient être pertinents pour une telle étude : à la fois, comme
nous l'avons dit, il se concentre sur le dieu Amon, ce qui nous donne une fourchette chronologique
tout de même assez grande, mais l'intégralité de l'Histoire pharaonique n'est pas représentée. Les
Textes des Pyramides par exemple n'ont pas été consultés intégralement, bien qu'il y ait
certainement des éléments intéressants, cependant hors de notre cadrage bien entendu. En fait ils
nécessiteraient sans doute une étude à eux seuls. Aussi, il n'était pas forcément utile pour étudier ces
questions, de rassembler un nombre très important de textes. Il arrive qu'autour d'un thème qui nous
intéresse, plusieurs textes sont quasiment identiques : il est donc inutile de surcharger le corpus de
doublons. C'est pourquoi, concernant le Rituel d'Amon, par exemple, certaines formules
d'encensement56 n'ont pas été intégrées au corpus car elles n'apportaient rien à notre étude, et nous
en avions déjà beaucoup. Enfin dans notre cadrage, il est possible aussi que tous les textes pouvant
nous renseigner sur le sujet n'ont pas été consultés. Notamment nous nous sommes bornés avant
tout sur les textes religieux qu'on pourrait qualifier d' ''officiels'' puisqu'il s'agit d'écrits issus des
Temples pour la plupart. Il y aurait peut-être eu quelques pistes auprès d'une littérature plus
populaire (que nous avons survolé tout de même) sur des stèles privées, ostraca, etc. Toutefois, le
sujet étant vaste et passionnant, nous étions obligés de nous restreindre quelque peu pour le mener à

56 C'est le cas par exemple du Ch. 4 du Rituel d'Amon qui n'a pas été retenu car sa courte formule ne nous apprenait
absolument rien sur notre thématique. Voir : Rituel divin j., II, 2-4 ; De même pour le Ch.55 que nous avons juger
inutile de mettre dans le corpus. Seul un court extrait de phrase était intéressant, nous l'évoquons alors dans notre
argumentation seulement.

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

bien.

Notre corpus est donc divisé en trois grandes parties, elles-mêmes subdivisées en sous-
catégories pour plus de clarté. Nous avons choisi cette catégorisation car c'est celle qui nous
semblait le plus logique et le plus clair. En effet, la classification chronologique n'aurait pas été
satisfaisante. Il est beaucoup plus aisé de classer les documents que nous avons en fonction du
genre des textes. La première partie concerne les inscriptions royales monumentales. Nous
entendons par là, des inscriptions de grande taille gravées en Hiéroglyphes dans les Temples.
Royales parce qu'elles concernent de près le Pharaon, bien qu'elles soient également ''mythologico-
religieuse''. Nous l'avons divisée en trois parties dont les principales sont dédiées à la Théogamie et
aux documents concernant l'expédition de Pount. La deuxième partie, elle, rassemble les textes que
nous avons qualifiés d'Hymnes, que nous avons divisé en deux parties : celle des papyrus
hiératiques que nous avons qualifié de ''thébain'' car ils ont probablement tous pour origine la ville
de Thèbes. Puis les textes du Temple de Hibis. Enfin la troisième partie, entièrement dédiée aux
formules du Rituel d'Amon, que nous avons quand-même divisé en deux parties pour plus de clarté :
dans la première tout ce qui concerne les encensements, et la seconde sur les offrandes de parfums
et autres. Nous avons choisi de différencier ''hymnes'' et ''formules de rituels''. En effet, il s'agit de
deux choses très semblables qu'il ne tient qu'à nous de différencier. Cependant en ce qui concerne ce
que nous avons qualifié d'hymnes, il s'agit de textes probablement utilisés dans la liturgie donc lors
de rituels. Mais à la différence de ceux du Rituel d'Amon du papyrus Berlin 3055, on ne peut pas
précisément savoir quelle est leur utilisation exacte lors du rituel. À nos yeux, ils sont donc d'un
point de vue littéraire des hymnes, car ils sont laudatifs 57 et glorifie un dieu, bien qu'ils aient une
utilisation et un but plus précis en réalité.

Chaque fiche du corpus présente un fac-similé ou un dessin du texte concerné suivi d'un
éventuel numéro d'inventaire lorsqu'il s'agit d'un papyrus (en ce qui concerne les parois de Temple,
il n'y a évidemment pas de numéro car dans nos textes ils sont tous conservés sur place à leur
emplacement d'origine), le support sur lequel le texte est inscrit ou gravé, sa provenance, sa
datation, très rarement éventuellement les dimensions du support, l'état de conservation (et parfois
si le texte est plutôt bien ou mal écrit), une brève description et une bibliographie. Enfin et surtout
ces textes sont translittérés et traduits.

57 BARUCQ, DAUMAS, 1980, p.32

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Chapitre II : Le corpus :

1. Les inscriptions royales monumentales :

a. Scène d'offrande :

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D'après NAVILLE, 1898, pl. LXXXII


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D'après DESSOUDEIX, 2012, p.95

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Cat. 1. Thoutmosis III fait une offrande de résine

Support: pierre

Provenance : Temple funéraire de Hatshepsout à Daîr Al-Baḥarî, Luqsor

Datation : 18ème dynastie, année 9 de Hatshepsout

Etat de conservation : inscription bien conservée

Description : Le roi est représenté sur un bas-relief offrant de la résine odoriférante au dieu.

Bibliographie : DEROCHES-NOBLECOURT (C.), La Reine Mystérieuse Hatshepsout, p.237, éd.


Pygmalion, Paris, 2002 ; DESSOUDEIX (M.), Lettres Égyptiennes II l'Apogée du Nouvel Empire...,
p.128, éd. Actes Sud, Arles, 2012 ; SETHE (K.), Urkunden der 18. dynastie, IV, Band 2, Heft 5-8,
p.340 10-16, Leipzig, 1906 ; NAVILLE (E.), The Temple of Deir el-Bahari, pl. LXXXII, t. III,
Egypt Exploration Fund, Londres, 1898.

Inscription : << (1) ḥnk tp(y) ˁntyw wȝḏ (n) ỉmn-Rˁ nb ns.wt (n) tȝ.wy nb p.t (2) ỉr=f d(=w) ˁnḫ ḏd
wȝs snb ȝw.t-ỉb=f mỉ Rˁ ḏ.t >>

Traduction : << Offrir le meilleur de la résine-ântiou à Amon-Râ, Maître des trônes des Deux
Terres, Maître du ciel. Puisse-t-il agir en étant doué de vie, stabilité, pouvoir et santé, puisse sa joie
être comme Râ, éternellement.>>

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b. Textes théogamiques :

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D'après NAVILLE, 1896, pl. XLVII D'après DESSOUDEIX, 2012, p.12


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Cat. 2. Rencontre entre la reine Iâhmès et le dieu Amon

Support: pierre

Provenance : Temple funéraire de Hatshepsout à Daîr Al-Baḥarî, Salle nord de la terrasse du milieu

Datation : 18ème dynastie, règne de Hatshepsout

Etat de conservation : l'inscription est abîmée à certains endroits

Description : rencontre entre la reine Iâhmès, mère de Hatshepsout, et le dieu Amon qui est donc le
géniteur de Hatshepsout.

Bibliographie : DEROCHES-NOBLECOURT (C.), La Reine Mystérieuse Hatshepsout, p.166-167,


éd. Pygmalion, Paris, 2002 ; DESSOUDEIX (M.), Lettres Égyptiennes II l'Apogée du Nouvel
Empire..., p.28-29, éd. Actes Sud, Arles, 2012 ; ḤASAN (S.), Mawsûˁah Miṣr al-qadîmah, ˁahad
al-hiksûs wa tâ'sîs al-âmbirâṭûriyah, p.316-317, vol.4, Le Caire, 2001 (réédition) ; MANNICHE
(L.), al-ḥayâat al-ginsiyah fî Miṣr al-qadîmah, p.65, Le Caire, 2002 ; NAVILLE (E.), The Temple of
Deir el-Bahari, pl. XLVII, t. II, Egypt Exploration Fund, Londres, 1896 ; VERNUS (P.), Chants
d'amour de l'Égypte antique, p.133, Imprimerie Nationale Éditions, Paris, 1993 ; WERBROUCK
(M.), Le temple d'Hatshepsout à Deir el Bahari, p.50-51, Bruxelles, 1949.

Inscription : << (1) [ḏd-mdw ỉỉ~n nṯr pn šps ỉmn nb ns.wt tȝ.wy] [ỉr]~n=f ḫpr(.w)=f [m] ḥm [n]
h(y)=s pn nsw-bỉty ˁȝ-ḫpr-rˁ gm~n=f s(.y) n=n (?) snḏm=s (2) m nfrw n(y).w ˁḥ=s rs~n=s ḥr st nṯr
sbṯ[=s] ḫft ḥm=f sw šm=f ḫr=s ḥr-ˁ sw ḥȝd=f r=s (3) sw rd(=w) ỉb=f r=s sw rd(=w) mȝ=s sw [m]
ỉr(.w)=f n(y) nṯr m-ḫt ỉw(w)=f tp-ỉm=s ḥˁ=tỉ (4) m mȝȝ nfrw=f mr(w).t=f ḫp=s m ḥˁ(.w)=s [ˁḥ
bˁḥ(=w) m st nṯr] [ḫnm(.w)]=f nb.w m pwn.t>>

Traduction : << Paroles dites : cet auguste dieu, Amon, Seigneur des trônes des Deux Terres est
venu, ayant fait sa transformation en la Majesté de son époux, le Roi de Haute et de Basse Égypte

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

Âakheperkarâ. Il la trouva pour nous (?) alors qu'elle se reposait dans la perfection de son palais.
Elle s'éveilla au parfum du dieu en souriant à Sa Majesté. Puis il alla aussitôt auprès d'elle, étant
brûlant de désir pour elle et lui montra son affection. Puis, il fut fait qu'elle le voit dans sa forme de
dieu après qu'il fut venu face à elle, elle se réjouit de voir sa perfection, alors que son amour
s'introduisait dans ses membres. Le palais fut inondé par le parfum du dieu, toutes ses senteurs
venant de Pount.>>

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

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D'après BRUNNER, 1964, pl.4, scène IV L


L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

Cat. 3. La Théogamie d'Amenhotep III

Support: pierre

Provenance : Temple de Luqsor, Luqsor

Datation : 18ème dynastie, règne d'Amenhotep III

Etat de conservation : inscription bien conservée

Description : texte racontant la rencontre entre la reine Moutemouia et le dieu Amon. Ce récit
théogamique raconte donc la conception divine du futur Pharaon Amenhotep III.

Bibliographie : ; BRUNNER (H.), Die Geburt des Gottkönigs Studiens zur Überlieferung eines
altägyptischen Mythos, p.46, p.50-51 et pl.4 Scène IV L, Wiesbaden, 1964. ; CABROL (A.),
Amenhotep III le Magnifique, p.55-56, éd. du Rocher, Monaco, 2000 ; HELCK (W.), Urkunden der
18. dynastie, IV, Heft 20, p.1714, Berlin, 1957.

Inscription : << (1) ḏd-mdw ỉn ỉmn-rˁ nb ns.wt tȝ.wy ḫnt(y) ỉp.t=f ỉr~n=f ḫpr.w=f m ḥm n hy pn
nsw.t bỉty mn-ḫpr.w-rˁ d(=w) ˁnḫ (2) gm~n=f s(.t) snḏm=s m nfr.w n ˁḥ=s rs~n=s ḥr sty nṯr sbt=s ḫft
ḥm=f sw šm<=f> ḫr=s (3) ḥr-ˁwy ḥȝd=f r=s sw rd(=w) mȝ~n=s sw m ỉrw=f n nṯr m-ḫ.t ỉỉ=f tp-
(4)ỉm=s ḥˁ=y m mȝȝ nfr.w=f mrw.t=f ḫp(w) m hˁ.w=s ˁḥ bˁḥ(=w) (m) sty nṯr ḫnm.w=f nb m pwn.t >>

Traduction : << Paroles dites par Amon-Râ, Maître des trônes des Deux Terres, Celui qui préside à
son Ipet, il fit sa transformation en la Majesté de cet époux le Roi de Haute et Basse Égypte
Menkheperourâ, doué de vie. Il la trouva alors qu'elle se reposait dans la perfection de son palais.
Elle s'éveilla à l'odeur du dieu et sourit à sa Majesté. Puis il alla aussitôt auprès d'elle étant brûlant
de désir pour elle. Et il permit qu'elle le voit sous sa forme de dieu après qu'il fut venu en face
d'elle. Elle se réjouit de contempler sa perfection tandis que son amour avait pénétré ses membres.
Le palais fut inondé du parfum du dieu, toutes ses senteurs venant de Pount.>>

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c. L'expédition vers Pount :

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

D'après NAVILLE, 1898, pl. LXXXIV

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

Cat. 4. L'oracle d'Amon concernant l'expédition de Pount

Support: pierre

Provenance : Temple funéraire de Hatshepsout à Daîr Al-Baḥarî, Luqsor

Datation : 18ème dynastie, règne de Hatshepsout

Etat de conservation : Texte lisible mais assez endommagé

Description : Avant d'envoyer l'expédition à Pount, la reine Hatshepsout a consulté l'oracle du dieu
Amon. Celui-ci lui explique comment cela se déroulera et quels en sont les objectifs en quelque
sorte. Il est donc beaucoup question d'encens puisqu'il est très important pour le culte rendu aux
dieux.

Bibliographie : DESSOUDEIX (M.), Lettres Égyptiennes II l'Apogée du Nouvel Empire..., p.82-83


et p.97-104, éd. Actes Sud, Arles, 2012 ; SETHE (K.), Urkunden der 18. dynastie, IV, Band 2, Heft
5-8, p.342 - 347, Leipzig, 1906 ; NAVILLE (E.), The Temple of Deir el-Bahari, pl. LXXXIV, t. III,
Egypt Exploration Fund, Londres, 1898.

Inscription : << nḏw.t-r(ȝ) n(y).t nṯr ḏs=f ḏˁr wȝ.wt r pwn.t wbȝ mṯn.w r ḫtyw(.w) ˁntyw (6) sšm [n]
mšˁ ḥr mw ḥr tȝ r ỉn.t bỉ(ȝ).w m tȝ-nṯr n nṯr pn [ḳ]mȝ(=w) nfrw=s (...) (7) ḏd-mdw ỉn ỉmn [nb ns.wt
tȝ.wy] (...) d~n(=ỉ) n=ṯ tȝ.w nb(.w) ḫȝs.wt nb.(w)t ȝw(=w) ỉb=ṯ ỉm=sn sr~n=(ỉ) n=t s.t wȝ mȝ(=w)
s.t ḥnty r nn ˁšȝ m rnp.wt ḫmt~n(=ỉ) ỉr.t n ȝḫ(w).t (10) d~n(=ỉ) n=ṯ pwnt mỉ-ḳd=s r-mn-m tȝ.w nṯr.w
tȝ-nṯr tmm(w) ḫnd(w)=f ḫntyw ˁntyw ḫm~n rmṯ ỉw=tw sḏm=tw=f m r(ȝ) n r(ȝ) (11) m sḏdw.w ỉmy.w-
[ḥȝt] ỉn~n=tw g(r)t bỉ(ȝ).w ỉnn(w).w ỉm ḫr ỉt.w=ṯ bỉty.w m wˁ n wˁ ḏr rk (12) ḏrty.w n nsy.w ḫprw.w
ḏr-bȝḥ m-ỉsw ḏr-bȝḥ m-ỉsw ḏbȝw.w ˁšȝ.w ỉw(=ỉ) ḥm r rd.t ḫnd s.t mšˁ=ṯ (...) hb~n(=ỉ) ḫtyw(.w)
n(y).w ˁntyw w pw ḏsr n(y) tȝ-nṯr s.t=ỉ pw grt n(y).t sḫmḫ-ỉb ỉr~n(=ỉ) n=ỉ s(.t) r sȝb (14) ỉb=ỉ ḥnˁ
mw.t ḥw.t-ḥr nb(.t) wrr.t nb.t pwn.t nb.t p.t wr.t ḥkȝw.t nṯr.w nb.w ṯȝ=sn ˁntyw r mrr(w).t=sn ȝtp=sn
ˁḥˁ.w r ḥtp(w).t ỉb=sn (15) m nh.wt n(y.w)t ˁntyw wȝḏ mȝˁw nb nfr n(y) ḫȝs.t ṯn (...) ỉsk sn grt ỉw=sn
ḥtp[w r ỉp.t-s.wt] ỉn~n=sn bỉ(ȝ).yt [ˁȝ].t ḫ.t nb.t nfr.t n(y).t tȝ-nṯr hȝbt(ỉ) sn ḥm.t=ỉ r=s ˁḥˁ.w m (18)
ḳmy.t n(y).t ˁntyw nh.wt mn(w) ẖr ˁntyw wȝḏ wbȝ(w) m wsḫ.t-ḥby.t r mȝȝ n(y) nb nṯr.w srd(w)~kȝ s.t

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

ḥm.t=t ḏ[s]=t [m ḫn]t-š [ḥr gs.wy] ḥw.t-nṯr=ỉ (19) r sḫmḫ ỉb=ỉ mm=sn (...) p.t tȝ bˁḥ(w) m sṯ(y) nṯr
ḫnmw m ḥw.t-sr smȝˁ=t n=ỉ s.t wˁb(=w) (20) twr(w) r nwd.t mḏ.t ḥˁw nṯr šms=t ˁntyw ỉr=t [d](.t)
mḏ.t >>

Traduction : << Oracle du dieu lui-même : cherche les chemins vers Pount, ouvre les routes vers
les Plaines de la résine-ântiou. Conduis l'armée sur eau et sur terre pour aller chercher les merveilles
du Pays-du-dieu pour ce dieu qui a créé ses beautés. (...) Paroles dites par Amon, Maître des trônes
des Deux-Terres : (...) (Je) t'ai donné toutes les terres et tous les pays étrangers et tu t'en es réjouis.
(J')ai prédit cela pour toi depuis longtemps, et cela a été perçu depuis une éternité nombreuse en
années. (J')ai prévu d'agir selon ce qui est utile. (Je) t'ai donné Pount en son entier, jusqu'au Pays-
des-dieux, le Pays-du-dieu qui n'a jamais été foulé, et les Plaines de la résines-ântiou qui sont
inconnues des gens. On entend parler de lui de bouche en bouche dans les dires des ancêtres. Mais,
on est allé chercher ces merveilles, qui étaient rapportées là sous tes pères les rois de Basse-Égypte,
l'un après l'autre depuis l'époque des ancêtres pour des rois advenus auparavant, en échange de
nombreuses contreparties. Certes, (je) vais faire que ton armée le foule,(...) (moi j')ai parcouru les
Plaines de la résine-ântiou, c'est le territoire sacré du Pays-du-dieu, et c'est aussi ma place de
réjouissance. (Je) l'ai créé pour moi afin de réjouir mon cœur avec Mout, Hathor, Ouereret, la
Maîtresse de Pount, la Maîtresse du ciel, la Grande de magie, la Dame de tous les dieux. Qu'ils
collectent la résine-ântiou à leur guise ! Qu'ils chargent les bateaux jusqu'à satisfaction (du cœur),
d'arbres à résine-ântiou fraîche et de tout beaux produits de cette contrée. (...) Or, ils viennent vers
Ipet-Sout (= Temple de Karnak), après qu'ils ont apporté les grandes merveilles et toutes les belles
choses du Pays-du-dieu, vers lequel Ma Majesté les enverra, les tas de résine d'ântiou, et les arbres
qui demeurent chargés de résine-ântiou fraîche étant envoyés dans la salle-ousekhet de fête à la vue
du Maître des dieux. Ta Majesté en personne les plantera dans le jardin sur les deux côtés de mon
Temple pour réjouir mon cœur parmi eux. (...). Le ciel et la terre sont inondés de la senteur divine,
le parfum est dans le château du Notable. Puisses-tu me consacrer cela, purifié et nettoyé pour
exprimer l'huile des membres divins, et me présenter la résine-ântiou, faire appliquer l'huile. >>

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

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D'après NAVILLE, 1898,


pl.LXXXVI
L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

Cat. 5. Grande inscription de l'an 9 de Hatshepsout

Support: pierre

Provenance : Temple funéraire de Hatshepsout à Daîr Al-Baḥarî, Luqsor

Datation : 18ème dynastie, règne de Hatshepsout

Etat de conservation : Le haut des colonnes de textes est perdu, et la fin de l'inscription est très
lacunaire

Description : Il s'agit d'une inscription honorifique où Hatshepsout se vante d'avoir fait certaines
choses, notamment d'avoir perpétué la tradition et d'avoir rendu hommage comme il se devait aux
dieux. Et elle fait justement allusion aux encens, résines, parfums qu'elle n'a pas hésité à aller
chercher afin de les offrir aux dieux.

Bibliographie : DESSOUDEIX (M.), Lettres Égyptiennes II l'Apogée du Nouvel Empire..., p.109,


éd. Actes Sud, Arles, 2012 ; SETHE (K.), Urkunden der 18. dynastie, IV, Band 2, Heft 5-8, p.352-
353, Leipzig, 1906 ; NAVILLE (E.), The Temple of Deir el-Bahari, pl. LXXXVI, t. III, Egypt
Exploration Fund, Londres, 1898.

Inscription : << (11) [ỉw gr.t wḏ~n] ḥm.t=ỉ rd.t m ḥr r sb.t r ḫtyw ˁntyw wbȝ wȝ.wt=f ḥr-tp ḏ.t=f rḫ
pẖr=f s(w)n.t mṯn.w=f ḫft wḏ ỉt=ỉ ỉmn (12)[...] nwd.w šps.w r nwd.t mḏ.t ḥˁw-nṯr šȝ(w).t~n=ỉ n nb
nṯr.w r swȝḥ hp.w n(y).w pr=f fd=t(w) nh.wt m tȝ-nṯr d=w m tȝ m (13) [...] [m ḫnt-š] n(y) nsw nṯr.w
ỉn=tw ẖr ˁntyw ỉm r nwd.t mḏ.t ḥˁw-nṯr šȝ(w).t~n(=ỉ) n nb nṯr.w ḏd hm.t=ỉ d=ỉ rḫ=ṯn m ntt wdd(w).t
ḫr=ỉ ỉw sḏm~n(=ỉ) ḫr ỉt=ỉ (14) [...](...) n=f rd.t m ḥr=ỉ smn.t n=f pwn.t m ẖnw pr=f wd.t mnw(.w)
n(y).w tȝ-nṯr ḥr gs.wy ḥw.t-nṯr=f m ḫnt-š=f mỉ wḏ~n=f ḫprt(y)=sn r smnḫ ˁb(.w) šȝ(w).t~n(=ỉ) (15)
[n nb nṯr.w] [...] nn wsf=ỉ ḥn(w).t~n=f >>

Traduction : << [Et,] Ma Majesté [a ordonné de donner l'ordre] d'aller vers les Plaines de la résine-

39
L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

ântiou, de frayer ses chemins sur son étendue, savoir les traverser et ouvrir ses chemins selon le
décret de mon père Amon, [...] des onguents nobles pour extraire l'huile de la chair divine que j'ai
assignée au Maître des dieux, pour rendre durable les lois de son domaine. Qu'on déracine les arbres
dans le Pays-du-dieu, qui seront mis en terre dans [...] [dans le jardin] du roi des dieux ! Qu'on en
rapporte de la résine-ântiou afin d'extraire l'huile de la chair divine que (j')ai assignée au Maître des
dieux ! Ma Majesté a dit : je veux que vous sachiez ce qui m'est ordonné. (j')ai obéi à mon père [...]
(...) de perpétuer pour lui Pount à l'intérieur de son domaine, de planter des arbres du Pays-du-dieu
sur les deux côtés de son Temple dans son jardin, comme il a ordonné ce qui adviendra, afin
d'établir les offrandes et ce que (j')ai assigné [au Maître des dieux.] [...] Je ne négligerai pas ce qu'il
a ordonné.>>

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

41

D'après NAVILLE, 1898, pl. LXXXII


L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

Cat. 6. Le retour de Pount

Support: pierre

Provenance : Temple funéraire de Hatshepsout à Daîr Al-Baḥarî, Luqsor

Datation : 18ème dynastie, règne de Hatshepsout

Etat de conservation : inscription bien conservée

Description : L'expédition de Pount est revenue avec de nombreux produits exotiques et


notamment toutes sortes de résines et parfums très précieux. Ce passage explique l'importance de
ces produits du fait de ce qu'il représente dans la religion égyptienne.

Bibliographie : DEROCHES-NOBLECOURT (C.), La Reine Mystérieuse Hatshepsout, p.235, éd.


Pygmalion, Paris, 2002 ; DESSOUDEIX (M.), Lettres Égyptiennes II l'Apogée du Nouvel Empire...,
p.127, éd. Actes Sud, Arles, 2012 ; NAVILLE (E.), The Temple of Deir el-Bahari, pl. LXXXII, t. III,
Egypt Exploration Fund, Londres, 1898.

Inscription : << (...) ḫȝ.t ˁntyw wȝḏ r ỉmn nb ns.wt tȝ.wy nb p.t (2) tp šmw [nb] [ỉny] m bỉ(ȝ).w ḫȝs.t
pwn.t nb ḫmnw ḏḥwty smn(w) m sš(.w) sfḫ.t-ˁb.w sšȝ.t ḥr ḥsb ṯn.wt ḥm.t=s (3) ḏs=s ỉr(w).t m ˁ.wy=s
ḥȝt.t ˁntyw ḥr ˁ.wt=s nb.(w)t ḫnm(.w)=s m ỉd.t nṯr ỉw sṯ=s ȝbḫ(=w) m pwn.t ỉnm=s nb(w) m ḏˁm (4)
ḥr ˁbȝ mỉ ỉr sbȝ.w m-ẖnw wsḫ.t-ḥb(y).t ḫft-ḥr-n(y) tȝ r-ḏr=f ỉr.t hnw ỉn rḫy.t nb.t d=sn ỉȝw n nb nṯr.w
(5) swȝš=sn mȝˁ.t-kȝ-rˁ m sp.w n(y).w ntrr=s n-ˁȝ.t-n(y.t) bỉ(ȝ)y.t ḫpr(w).t n=s n sp ḫpr mỉt.t ḫr nṯr.w
[ỉm(y)].w-bȝḥ ḏr pȝ(w).t tȝ >>

Traduction : << Mesurer la résine-ântiou fraîche pour Amon, le Maître des trônes des Deux Terres,
Maître du ciel. Le meilleur de chaque moisson qui a été apporté en tant que merveilles du pays de
Pount. Le Maître de Khemenou (Hermopolis en grec), Thot, qui actifie par écrit. Celle-aux-sept-
cornes, Seshat calcule les quantités. C'est Sa Majesté qui a agi elle-même de ses mains. Des
onguents et de la résine-ântiou sont sur tous ses membres, son odeur est celle de la senteur divine.

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

Son parfum s'est uni à (celui de) Pount. Sa peau recouverte d'électrum brille comme le font les
étoiles à l'intérieur de la salle-ousekhet de fête devant le pays tout entier. Faire des acclamations par
tout le peuple, et qu'ils honorent le Maître des dieux et qu'ils acclament Maâtkarâ dans les actions
qui l'a font devenir divine tant sont importantes les merveilles qui sont apparues pour elle. Une
chose semblable n'est jamais arrivée du temps des dieux ancêtres, depuis les origines de la Terre.>>

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

2. Hymnes

a. Documents ''thébains'' :

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

D'après MARIETTE, 1872, pl.12-13

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

Cat. 7. Grand Hymne à Amon-Râ du Caire

Papyrus 17 du Musée de Boulaq (Papyrus Cairo CG 58038)

Support: papyrus

Origine : Luqsor

Datation : 18ème dynastie avant règne d'Amenhotep IV

Etat de conservation : bonne conservation et écriture très soignée

Description : Il s'agit d'un extrait d'un long papyrus donnant une série d'hymnes dédiés à Amon.

Bibliographie : ASSMANN (J.), Aegyptische Hymnen und Gebete, Artemisverlag, n°87 Zurich-
Munich, 1975 ; BARUCQ (A.), DAUMAS (F.), Hymnes et Prières de l'Égypte Ancienne, p.199,
Paris, 1980 ; ERMAN (AD.), Die Literatur des Aegypter, pp. 350-358, Leipzig, 1923 ; GREBAUT
(E.), Hymne à Amon-Rê des papyrus égyptiens de Boulaq, t.21, Paris, 1874 ; LUISELLI (M.), Der
Amun-Re Hymnus des P. Boulaq 17, p.26, Wiesbaden, 2004 ; MARIETTE (A.), Les papyrus
égyptiens du Musée de Boulaq, tome II, pl. 12-13, Paris, 1872 ; ROEDER (G.), Urkunden zur
Religion des alten Aegypten, pp. 4-8, Iéna, 1923 ; SCHARFF (A.), Aegyptische Sonnenlieder, p.61,
Berlin, 1921 ;

Inscription : << ỉwny ḫnty psḏ.t=f . ˁnḫ(=w) m mȝˁ.t rˁ nb . ȝḫt.y ḥr ỉȝbt.t . ḳmȝ(w)~n=f ḫȝs.t ḥḏ .
nbw ḫsbd mȝˁ n mrw.t=f . ỉhm snṯr šbn ḥr mḏȝ.w . ˁntyw wȝḏ n šr.t=k . >>

Traduction :
<< L'Héliopolitain qui préside son Ennéade, vivant chaque jour, Celui des Deux Horizons, Horus de
l'Est, pour qui a été formé le désert, l'argent et l'or. (Ainsi que) le lapis-lazuli véritable selon son
désir. (De même que) la résine-ihem et des encens variés (au pays) des Medja ; (et) la résine-ântiou
fraîche pour ton nez.>>

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

D'après GARDINER, 1906, p.14-15

Cat. 8. Chant à Amon, dieu de Thèbes

Papyrus Leiden I 350

Support: papyrus

Provenance : probablement Thèbes (?)

Datation : 19ème dynastie, certainement fin du règne de Ramsès II

Dimension : 38 X 91 cm

Etat de conservation : aujourd'hui en mauvais état, de nombreuses lacunes dans notre extrait.

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

Description : Ce texte est extrait d'une série de chants dédiés à Amon de Thèbes et à cette ville
sacrée. Il s'agit ici du chapitre 6. L'ensemble est divisé en chapitre à chaque fois centré sur un thème
bien précis. L'écriture est très cursive mais la séparation entre les chapitres est très claire.

Bibliographie : ASSMANN (J.), Aegyptische Hymnen und Gebete, Artemisverlag, n°132-142 et


194, Zurich-Munich, 1975 ; BARUCQ (A.), DAUMAS (F.), Hymnes et Prières de l'Égypte
Ancienne, pp. 208-209, Paris, 1980 ; ERMAN (AD.), Die Literatur des Aegypter, pp. 363-373,
Leipzig, 1923 ; GARDINER (A. H.), Zeitschrift für Aegyptische Sprache und Altertumskunde 42,
p.12, Leipzig, 1906 ; ROEDER (G.), Die ägyptische Götterwelt, pp.283-284, Zurich, 1959 ;
STEUER (R. O.), Über das wohlriechende Natron..., pp.72-75, Leyde, 1937 ; ZANDEE (J.), De
Hymnen aan Amon van papyrus Leiden I-350, plate I, Leyde, 1948

Inscription : << ỉw n=k ỉmỉ.w pwn.t . ȝḫȝḫ n=k tȝ-nṯr n mrw.t=k . ḫn (I, 6) [...] ẖry ḳmy.t . r sb r(ȝ)-
pr=k m sty ḥb . nh.wt snṯr ḥr ḏf (I, 7) [...] ˁntyw . ḫnm n ỉȝd.t=k ȝbḫ(=w) m fnḏ=k . (...?) ḥr bȝk kȝ.t
bỉ.t . (... [...] ...) . sft mnỉ.t šbn.w ḥr ỉhm.t . r nwd mrḥ.t ỉmy.t ḥˁ.w=k . (I, 9) [...] (...) . ˁntyw ỉbr mȝˁ n
ḥry-tp=k . >>

Traduction :
<< Que ceux de Pount viennent pour toi !
Que le Pays-du-dieu verdoie pour toi selon ton désir.
Que naviguent [...] portant de la résine-qémyt,
Pour mettre en fête (?) ton temple par un parfum de fête !
Les arbres à encens débordent (?) de [...] résine-ântiou.
L'odeur de ton parfum s'unit (?) dans ton nez.
(?) travaille et fabrique le miel. (...) .
L'onguent-sefet et la résine-ménit sont mêlés à la résine-ihem,
Pour obtenir un onguent issu de tes membres.
[…] (...) .
Résine-ântiou, de la résine-iber sont pour le dessus de ta tête (le front ?). >>

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

D'après GÜLDEN, 2001, tafel X

Réécris d'après GÜLDEN, 2001, p.57

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

Cat. 9. Hymnes à Râ-Horakhty

Papyrus de Berlin 3049

Support: papyrus

Provenance : Thèbes

Datation : 22ème dynastie

Etat de conservation : Bon état, mais quelques lacunes dans notre extrait.

Description : Extrait d'un ensemble d'hymnes très certainement liturgique dédié en grande partie à
Râ Horakhty. Cependant, ces hymnes étant thébains mentionnent souvent le dieu Amon. Très belle
écriture. Texte écrit en hiératique.

Bibliographie : Hieratische Papyrus aus des königlischen Museen zu Berlin, t. II, p. 10-26, Berlin
1905 ; ASSMANN (J.), Aegyptische Hymnen und Gebete, Artemisverlag, n°127 Zurich-Munich,
1975 ; BARUCQ (A.), DAUMAS (F.), Hymnes et Prières de l'Égypte Ancienne, p.273-274, Paris,
1980 ; GÜLDEN (S. A.), Die hieratische Texte des P. Berlin 3049, p.57-59, Wiesbaden, 2001.

Inscription : << bhd(w) pw m ˁntyw nty ẖry ỉȝhw=k (...) m ḥtp 2-sp ỉmn-rˁ twt(w) (?) tȝ.wy grg(w)
ỉdb.wy šȝ~n. ntt nb.t m ḳmȝ m pȝ n ỉb=f >>

Traduction : << C'est Celui qui respire la résine-ântiou qui est dans ta luminosité. (...) (Bienvenu)
en paix, en paix, Amon-Râ qui a créé les Deux-Terres, qui a fondé les Deux Rives, tout [ce qui
existe] a commencé comme une création de son coeur. >>

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

b. Hymnes du Temple de Hibis :

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

D'après DAVIES, 1953, pl.23

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

Cat. 10. Hymne à Amon, Seigneur de Hibis

Support: pierre

Localisation : Nord du sanctuaire dans le Temple de Hibis, oasis d'Al-Khârgah (Gouv. Nouvelle-
Vallée)

Datation : sous Darius II, 27ème dynastie

Etat de conservation : assez bien conservé.

Description : Hymne à Amon de Hibis qui reproduit, d'après son titre, les paroles de Thot
<<lorsqu'il adore Sedjem-Our>>. L'inscription se trouve sur la paroi sud de l'escalier conduisant à
une salle osirienne, au nord du sanctuaire.

Bibliographie : BARUCQ (A.), DAUMAS (F.), Hymnes et Prières de l'Égypte Ancienne, p.302,
Paris, 1980 ; DAVIES (N. G.), The Temple of Hibis in el-Khargeh, part III, The Decoration,
Metropolitan Museum of Art, New York, 1953

Inscription : << kȝp=k ˁn{d}(t)yw kȝp=k snṯr ḫbs=k tȝ sḳr=k wdn.wt ḫsbd šw.ty=k m nbw ẖnm(.w)
šw.ty=k m nbw sty {sp-2} ḫmy šn(y)=k ỉw st[y] [...] šn(y)=k ḫnm nṯr r ỉwf=k >>

Traduction : << Tu fais des fumigations de résine-ântiou, tu fais des fumigations d'encens
(senetjer), tu pioches la terre, tu présentes l'offrande de lapis-lazuli. Tes deux plumes sont d'or, tes
deux plumes sont revêtues d'or. Un parfum est répandu sur ta coiffure. Un parfum [...] ta coiffure,
une senteur divine est sur ta chair.>>

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

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D'après DAVIES, 1953, pl.31


L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

Cat. 11. Hymne à Amon, Maître de Hibis

Support: pierre

Localisation : Temple de Hibis, oasis d'Al-Khârgah (Gouv. Nouvelle-Vallée), salle hypostyle

Datation : 27ème dynastie

Etat de conservation : Endommagé par endroit

Description : Hymne dédié à Amon se trouvant dans le Temple de Hibis, sur le mur au fond de la
deuxième salle hypostyle, côté droit de la porte. Cet hymne était très certainement utilisé lors de la
liturgie. Cet hymne est dédié au dieu principal du Temple de Hibis, c'est-à-dire Amon de Hibis mais
le dieu de Thèbes est mentionné au sein même de cet hymne. En effet, il ne faut pas oublier que la
théologie thébaine est à l'origine de celle de Hibis.

Bibliographie : ASSMANN (J.), Aegyptische Hymnen und Gebete, Artemisverlag, n°128 Zurich-
Munich, 1975 ; BARUCQ (A.), DAUMAS (F.), Hymnes et Prières de l'Égypte Ancienne, p.317,
Paris, 1980 ; BRUGSCH (H.), Reise nach der Grossen Oase El Khargeh, pp. 48-52, Leiptzig,
1878 ; DAVIES (N. G.), The Temple of Hibis in el-Khargeh, pl.31, part III, The Decoration,
Metropolitan Museum of Art, New York, 1953 ; KLOTZ (D.), Adoration of the Ram : five hymns to
Amun-Re from Hibis temple, p.59-61 et p.194-195, New Haven, 2006. ; SCHARFF (A.),
Aegyptische Sonnenlieder, p.88, Berlin, 1921.

Inscription :
<< sḏm=tw ḫrw=f nn mȝȝ=tw=f ḥr(-ntt) srḳ ḥt(y){p}.t nb smn(w) ỉb n bkȝ ḥr ms.w sˁnḫ(w) ṯȝ.w
pr(=w)

ỉm=s pḫr(=w) štȝt [...] [w]rd.w-ỉb m ṯȝw nḏm n mḥw mḥ~n=f fnḏ=f m ḫnmw=f nb m nw nb rˁ nb (r)
rd.t sḫm=f m ḏ.t=f ḥr(-ntt)

ỉỉ r nw=f nn ȝb m ˁ=f m rn=f n ḥr ṯmȝ-ˁ ḫw(.w) šntỉ.t ḏd(=w) sȝ=s ḥr ns.t n ỉt=f ˁnḫ(=w) ḏ.t >>

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

Traduction : << On entend sa voix mais on ne le voit pas, alors qu'il fait respirer toute trachée.
Celui qui réconforte le cœur de la parturiente au moment des naissances et qui fait vivre les petits
qui en sortent. Celui qui parcourt les régions-mystérieuses [...] Celui-dont-le-coeur-est-fatigué, en
un vent doux du Nord, après avoir empli son nez de tous ses parfums, à chaque moment de chaque
jour (afin) de rendre sa puissance à son corps parce qu'il vient en son temps, sans cesser son action.
(Ceci) en son nom de Horus-au-Bras-Fort qui protège Shentyt son fils étant stable sur le trône de
son père, vivant éternellement. >>

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

D'après DAVIES, 1953, pl.32

Cat. 12. Hymne à Amon-Rê de Hibis

Support: pierre

Localisation : Temple de Hibis, oasis d'Al-Khârgah (Gouv. Nouvelle-Vallée), salle hypostyle

Datation : 27ème dynastie

Etat de conservation : Notre extrait est bien conservé, mais le texte autour comporte pas mal de

59
L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

lacunes.

Description : Hymne à Amon-Râ du temple de Darius à Hibis dans l'oasis d'Al-Khârgâ. Il est
inscrit sur le mur sud de la salle hypostyle.

Bibliographie : ASSMANN (J.), Aegyptische Hymnen und Gebete, Artemisverlag, n°129 Zurich-
Munich, 1975 ; BARUCQ (A.), DAUMAS (F.), Hymnes et Prières de l'Égypte Ancienne, p.324,
Paris, 1980 ; DAVIES (N. G.), The Temple of Hibis in el-Khargeh, pl.32, part III, The Decoration,
Metropolitan Museum of Art, New York, 1953 ; KLOTZ (D.), Adoration of the Ram : five hymns to
Amun-Re from Hibis temple, p.152-153 et p.214-215, New Haven, 2006.

Inscription : << sdm~n=f ỉnm=sn s{d}(t)nm~n=f ns=sn r ḫsf sš~n=f fnḏ=sn srḳ~n=f ḥtỉ.t=sn
smȝˁ~n=f rȝ r pḥwy.t >>

Traduction : << Il a fardé leur peau ; il a distingué leur langue afin de (les) opposer ; il a ouvert
leur nez ; il a fait respirer leur trachée ; il (les) a doté d'une bouche (reliée) à un anus (?) >>

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

3. Les rituels :

a. Encensements :

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

D'après MORET, 1902, p.116

Cat. 13. Chapitre de l'encensement du Rituel d'Amon

Papyrus du Musée de Berlin 3055

Support: papyrus

Provenance : Luqsor

Datation : 22ème dynastie

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

Etat de conservation : Semble bien conservé

Description : Chapitre récité, comme son titre l'indique, pendant l'encensement pour le culte
d'Amon. La formule nous rappelle en même temps l'importance des résines brûlées de par son
origine mythologique.

Bibliographie : CARRIER (C.), Le Rituel du Culte divin journalier de l'Égypte ancienne (Papyrus
Berlin 3055), p.26 et p.147-150, Montigny-le-Bretonneux, 2015 ; VON LEMM (O.), Das
Ritualbuch des Ammondienstes, Leipzig, 1882 ; MORET (A.), Le rituel du culte divin journalier en
Égypte, p.116, Paris, 1902 ; STAATLICHE MUSEEN, Hieratische Papyrus aus des königlischen
Museen zu Berlin, t. I, Leipzig, 1901.

Inscription : << rȝ n sntr ḏd mdw ỉỉ nṯr ḏbȝ.w m ḥˁ.w=f kȝp~n=f sw m ỉr.t=f n(y).t ḏ.t=f sntr (8) n
nṯr pr(=w) ỉm=f ḥr sty rḏw{t}.w pr(=w) m ỉwf=f nṯr fd.t hȝ.tw r tȝ rd~n=f sw n nṯr.w nb.w (9) ḫˁ=k
ỉm=sn m nb snḏ ḫpr(=w) šfy=k n ỉm=sn ỉmn-rˁ nb ns.t tȝ.wy mỉ n=k s.t rd~(n=ỉ) n=k s.t ỉr.t ḥr (10)
pw ˁnḫ=s ˁnḫ rḫy.t ˁnḫ ỉwf=k rwd mt.w=k ỉmȝ ỉb n nṯr.w ȝḫty.w r=k mȝȝ(11)=sn tw ḫnm=sn sty=k
ỉw=k ḫˁ=tw ḥr tȝ=k kȝ wȝḏ=f >>

Traduction : << Formule pour l'encensement. Paroles à dire : le dieu vient, muni de ses chairs qu'il
avait cachées dans son œil de son corps. L'encens du dieu qui est sorti de lui parfume les humeurs
sorties de ses chairs divines et les sécrétions tombées à terre. Il l'a donné pour tous les dieux, tu
apparais parmi eux en tant que Maître de crainte, et la ta terreur s'est manifestée chez eux. Amon-
Râ, Maître du trône des Deux Terres, prends donc cela, je te l'ai donné : c'est l'Oeil de Horus ! (S')il
vit, les Rekhyt vivent, tes chairs vivent, tes muscles sont fermes et les dieux de l'horizon te sont
favorables lorsqu'ils te voient, (car) ils respirent ton parfum ! Tu apparais sur terre et elle, elle
fleurit. >>

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

D'après STAATLICHE MUSEEN, 1901, pl. XII – XIII

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

D'après MORET, 1902, p.117-119

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

Cat. 14. Rituel d'Amon, formule récitée lors d'un encensement

Papyrus du Musée de Berlin 3055

Support: papyrus

Provenance : Luqsor

Datation : 22ème dynastie

Etat de conservation : bien conservé

Description : Chapitre récité lors d'un des encensements du Rituel du culte divin journalier. Celui-
ci, d'après Moret, était récité lorsqu'on donnait au dieu les offrandes de nourriture qu'on brûlait en
holocauste. En même temps, de la résine était brûlée également. C'est pourquoi, il est beaucoup
question de l'Oeil de Horus car l'Oudjat symbolise la plénitude et notamment les offrandes.

Bibliographie : CARRIER (C.), Le Rituel du Culte divin journalier de l'Égypte ancienne (Papyrus
Berlin 3055), p.26-27 et p.150-155, Montigny-le-Bretonneux, 2015 ; VON LEMM (O.), Das
Ritualbuch des Ammondienstes, Leipzig, 1882 ; MORET (A.), Le rituel du culte divin journalier en
Égypte, p.117-119, Paris, 1902 ; STAATLICHE MUSEEN, Hieratische Papyrus aus des
königlischen Museen zu Berlin, t. I, Leipzig, 1901.

Inscription : << ỉỉ snṯr ỉỉ sty (12) nṯr ỉỉ ḫnm(w) nṯr ỉỉ dgȝ.w ỉỉ fd.t nṯr ỉỉ sty r=k ỉmn-rˁ nb ns.t tȝ.wy
(XIII, 1) kȝp~n tw ỉr.t ḥr m r(r)m(w) sw ỉỉ sty=s r=k ỉmn-rˁ nb ns.t tȝ.wy ḳȝ r=k (2) m-m nṯr.w nfrwy
sty nṯr ḳȝ tw m nṯr mr~n tw rˁ-ḥr-ȝḫty šsp~n tw fnḏ=f wˁb (3) r=k snṯr n(y) ỉmn-rˁ nb ns.t tȝ.wy
sḳȝ~n tw ỉr.t (4) rˁ r p.t šsp~n tw nṯr.w mr~n tw ỉb=sn ḥtp r=k ỉmn-rˁ nb ns.t tȝ.wy ȝw ỉb{.w}=k
ỉn~n(=ỉ) n=k ỉr.t ḥr (5) wr=tw=k šsp(w) ỉb=k ḫnm(w) fnd=k m sntr pwy sty nṯr ỉrr(w)=tw sty ḥb m
ḥtȝw(6)=f sḫy=f r p.t ḫr rˁ ỉrr=tw sty ḥb ỉm=f n nṯr.w nb.w m sty pr(=w) ỉm=k ỉmn-rˁ nb ns.t tȝ.wy
(7) ḫˁ(w) wr.t ḳȝ=t{w}ỉ m tp=k wtt(w) ỉmn smn tw m ḫˁ sẖkr=k m ḥȝ.t=k ỉmn-rˁ nb ns.t (8) tȝ.wy ṯs=ỉ
n=k ỉr.t ḥr ỉỉ sty=s{s} r=k sty ỉr.t ḥr r=k ỉmn-rˁ nb ns.t tȝ.wy sntr (9) mr(w). >>

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

Traduction : << L'encens vient, le parfum du dieu vient, ce que respire le dieu vient, les morceaux
de résine viennent, la sécrétion du dieu vient, son parfum vient vers toi, Amon-Râ, Maître du trône
des Deux Terres. L'Oeil de Horus t'a caché dans ses larmes et son parfum vient vers toi, Amon-Râ,
Maître du trône des Deux Terres. Élève-toi parmi les dieux ! Qu'il est agréable, le parfum divin !
Élève-toi en tant que dieu ! Râ-Horakhty t'a aimé et sa narine t'a saisi. Purifie-toi donc, encens
d'Amon-Râ, Maître du trône des Deux Terres ! Élève-toi, encens d'Amon-Râ, Maître du trône des
Deux Terres ! L'oeil de Râ t'a honoré jusqu'au ciel, les dieux t'ont saisi et leur cœur t'a aimé. Apaise-
toi donc, Amon-Râ, Maître du trône des Deux Terres ! Réjouis-toi, car je t'ai amené l'Oeil de
Horus !On t'a grandit en ce que ton cœur a reçu et sur ce que ton nez a respiré de cet encensement.
Le parfum divin que l'on fait est un parfum de fête à brûler, il s'élève jusqu'au ciel auprès de Râ. On
en prépare le parfum de fête pour tous les dieux avec le parfum sorti de toi, Amon-Râ, Maître du
trône des Deux Terres. La grande couronne s'est élevée sur ta tête qu'a fait naître Amon. Établis-toi
comme Maître de la couronne ! Puisse-t-elle servir d'ornement sur ton front, Amon-Râ, Maître du
trône des Deux Terres. J'ai disposé pour toi l'Oeil de Horus, et son parfum vient vers toi. Le parfum
de l'Oeil de Horus est pour toi, Amon-Râ, Maître du trône des Deux Terres, l'encens qui est
apprécié. >>

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

D'après STAATLICHE MUSEEN, 1901, pl. VII - VIII

D'après MORET, 1902, p.78-79

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

Cat. 15. Chapitre de l'encensement du Rituel d'Amon

Papyrus de Berlin 3055

Support: papyrus

Provenance : Luqsor

Datation : 22ème dynastie

Etat de conservation : Bien conservé

Description : Chapitre de l'encensement se trouvant dans les premières phases du Rituel du culte
divin journalier, que Moret appelle phase de << première ouverture du naos >>.

Bibliographie : CARRIER (C.), Le Rituel du Culte divin journalier de l'Égypte ancienne (Papyrus
Berlin 3055), p.15, Montigny-le-Bretonneux, 2015 ; VON LEMM (O.), Das Ritualbuch des
Ammondienstes, Leipzig, 1882 ; MORET (A.), Le rituel du culte divin journalier en Égypte, p.78-
79, Paris, 1902 ; STAATLICHE MUSEEN, Hieratische Papyrus aus des königlischen Museen zu
Berlin, t. I, Leipzig, 1901.

Inscription : << r(ȝ) n sntr ḏd-mdw (VIII, 1) ỉỉ snṯr ỉỉ sty nṯr ỉỉ sty=s r=k ỉmn-rˁ nb ns.t tȝ.wy sty ỉr.t
ḥr (2) r=k sty nḫb.t r=k pr(=w) m nḫb ỉˁ=s ẖkr=s tw ỉr=s s.t=s ḥr-tp (3) ˁ.wy=k ỉnḏ ḥr=k sntr ỉnḏ
ḥr=k mn.t-wr ỉmy(t) ˁ.t ỉr.t ḥr wr pd~n tw (4) pr-ˁȝ m rn=k pwy n pd.w sntr~n tw pr-ˁȝ m rn=k pwy n
sntr ỉmn-rˁ nb ns.t tȝ.wy (5) mỉ n=k ỉr.t ḥr ỉỉ sty r=k sty ỉr.t ḥr r=k >>

Traduction : << Formule de l'encensement. Paroles à dire : l'encens vient, le parfum du dieu vient,
son parfum vient à toi, Amon-Râ, maître du trône des Deux Terres, le parfum de l'oeil de Horus est
pour toi, le parfum de Nekhbet sorti de Nekheb est pour toi. Il lave et te pare, il prend place sur tes
deux bras. Salut à toi, encens ; Salut à toi, résine-ménet-our qui est dans la chair de l'oeil de Horus
le Grand. Le Pharaon a étendu (?) pour toi en ce tien nom de Ped (?), le Pharaon t'a encensé en ce

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

tien nom de ''Senetjer''. Ô Amon-Râ, maître du trône des Deux Terres, prends donc l'oeil de Horus !
Le parfum vient jusqu'à toi, celui de l'Oeil de Horus (vient) jusqu'à toi ! >>

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

D'après STAATLICHE MUSEEN, 1901, pl. XXV - XXVI

D'après MORET, 1902, p.166

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

Cat. 16. Chapitre pour encenser l'Ennéade du Rituel d'Amon

Papyrus de Berlin 3055

Support: papyrus

Provenance : Luqsor

Datation : 22ème dynastie

Etat de conservation : Assez bien conservé

Description : Chapitre récité pour l'encensement de l'Énnéade. Cette formule se trouve dans la
partie destinée à la ''toilette du dieu''.

Bibliographie : BUDGE (E. A. W.), The Book of Opening the Mouth, The Egyptian texts with
English translations, p.225, Londres, 1909 ; CARRIER (C.), Le Rituel du Culte divin journalier de
l'Égypte ancienne (Papyrus Berlin 3055), p.43 et 209, Montigny-le-Bretonneux, 2015 ; VON
LEMM (O.), Das Ritualbuch des Ammondienstes, p.50, Leipzig, 1882 ; MORET (A.), Le rituel du
culte divin journalier en Égypte, p.166, Paris, 1902 ; STAATLICHE MUSEEN, Hieratische
Papyrus aus des königlischen Museen zu Berlin, t. I, Leipzig, 1901.

Inscription : << rȝ n sntr n psḏ.t ḏd mdw wˁb(=w) nṯr.w m šmˁw mḥw psḏ.t (7) ˁȝ.t mỉ ḳd=sn ỉmy.w-
ḫt ỉmn m ḥw.t-nṯr=f ỉs(k) d=tn ˁ.wy=tn ḥr sty pw nḏm=s fd(8).t nṯr pr(=w) ỉm=f ỉs(k) d=tn ˁ.wy=tn
ḥr sty wr pr(=w) m ỉr.t ḥr sḥḏ(w) ḥr.w n (9) nṯr.w m šmˁw mḥw psḏ.t ˁȝ.t mỉ ḳd=sn ỉmy.w-ḫ.t ỉmn m
ḥw.t=f ỉs(k) d=tn ˁ.wy=tn (XXVI, 1) ḥr sty ȝḫ pr(=w) m ȝḫ.t ỉỉ sty=s r=tn sty ỉr.t ḥr r=tn >>

Traduction : << Formule pour encenser l'Ennéade. Paroles à dire : les dieux de Haute Égypte et de
Basse Égypte sont purifiés ainsi que la Grande Ennéade au complet qui sont dans la suite d'Amon
dans son Temple. Vous mettez vos (deux) mains sur ce parfum, il est agréable car c'est la sécrétion
du dieu sortie de lui. Vous mettez vos (deux) mains sur ce fameux parfum sorti de l'Oeil de Horus

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

qui illumine les visages des dieux de Haute Égypte, de Basse Égypte et de la Grande Ennéade au
complet, qui sont dans la suite d'Amon dans son Temple. Vous mettez vos (deux) mains sur le
parfum bénéfique sorti de l'Horizon. Son parfum vient vers vous, le parfum de l'Oeil de Horus est
pour vous ! >>

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

D'après MORET, 1902, p.205

Cat. 17. Chapitre pour le bol d'encens du Rituel d'Amon

Papyrus de Berlin 3055

Support: papyrus

Provenance : Luqsor

Datation : 22ème dynastie

Etat de conservation : Bien conservé

Description : Formule récitée pour le bol d'encens et l'encensement dans le Rituel d'Amon.

Bibliographie : CARRIER (C.), Le Rituel du Culte divin journalier de l'Égypte ancienne (Papyrus
Berlin 3055), p.57 et 252-254, Montigny-le-Bretonneux, 2015 ; VON LEMM (O.), Das Ritualbuch

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

des Ammondienstes, Leipzig, 1882 ; MORET (A.), Le rituel du culte divin journalier en Égypte,
p.205, Paris, 1902 ; STAATLICHE MUSEEN, Hieratische Papyrus aus des königlischen Museen
zu Berlin, t. I, Leipzig, 1901.

Inscription : << rȝ n ỉˁb n sntr ḏd mdw sntr=k (2) sntr ḥr ṯs-pẖr sntr=k sntr ḏḥwty ṯs-pẖr sntr=k
sntr (3) spdw ṯs-pẖr sntr(=w) tp=k sntr(=w) kȝ=k sntr(=w) nṯr=k swˁb(=w) ḳs.w=k tm(=w) (4)
ỉry.w=k rd=t(w) n=k ỉr.t ḥr ḥtm(w) ḥr=k ỉm=s pd.tỉ ỉmn-rˁ nb ns.t tȝ.wy mỉ n=k (5) ỉr.t ḥr ỉỉ sty=s
r=k sty ỉr.t ḥr r=k wˁb(w) 2-sp ỉmn-rˁ nb ns.t (6) tȝ.wy 4-sp >>

Traduction : << Formule pour le bol d'encens. Paroles à dire : ton encens est l'encens de Horus et
vice versa ! Ton encens est l'encens de Thot et vice versa ! Ton encens est l'encens de Soped et vice
versa ! Ta tête est encensée, ton ka est encensé, ta divinité est encensée, tes os sont purifiés de ce qui
ne te concerne pas. On t'a donné l'Oeil de Horus et ton visage en est équipé, et il est diffusé (?).
Amon-Râ Maître du trône des Deux Terres, prends donc l'Oeil de Horus ! Son odeur vient vers toi,
l'odeur de l'Oeil de Horus est vers toi ! (Sois) purifié, (sois) purifié, Amon-Râ Maître du trône des
Deux Terres, Amon-Râ Maître du trône des Deux Terres, Amon-Râ Maître du trône des Deux
Terres, Amon-Râ Maître du trône des Deux Terres ! >>

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

D'après MORET, 1902, p.210

Cat. 18. Chapitre pour l'encensement final du Rituel d'Amon

Papyrus de Berlin 3055

Support: papyrus

Provenance : Luqsor

Datation : 22ème dynastie

Etat de conservation : Bien conservé

Description : Formule pour l'encens lors de l'encensement final du Rituel d'Amon. Il s'agit ici de
l'avant dernier chapitre du rituel.

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

Bibliographie : CARRIER (C.), Le Rituel du Culte divin journalier de l'Égypte ancienne (Papyrus
Berlin 3055), p.59 et p.258-260, Montigny-le-Bretonneux, 2015 ; VON LEMM (O.), Das
Ritualbuch des Ammondienstes, Leipzig, 1882 ; MORET (A.), Le rituel du culte divin journalier en
Égypte, p.210, Paris, 1902 ; STAATLICHE MUSEEN, Hieratische Papyrus aus des königlischen
Museen zu Berlin, t. I, Leipzig, 1901.

Inscription : << rȝ n sntr ḏd-mdw (5) wˁb 2-sp ỉmn-rˁ nb ns.t tȝ.wy ỉmn-rˁ kȝ-mw.t=f ḥr(y) (6) s.t=f
wr.t mỉ n=k ỉr.t ḥr ỉỉ sty=s r=k sty r=k wˁb~n tw (7) ḥr sntr~n=f tw m ỉr.t=f nt ḏ.t=f ḥtm~n(=f) tw
ỉm=s (XXXVII, 1) m rn=s pwy n pd s[n]tr~n(=f) tw ỉm=s m rn=s pwy n sntr (2) ỉmn-rˁ nb ns.t
tȝ.wy mỉ n=k ỉr.t ḥr ỉỉ sty=s sty ỉr.t ḥr r=k (3) wˁb(=w) 2-sp ỉmn-rˁ nb ns.t tȝ.wy 4-sp >>

Traduction : << Formule pour l'encensement. Paroles à dire : (Sois) purifié, (sois) purifié Amon-Râ
Maître du trône des Deux Terres, Amon-Râ Taureau de Sa Mère, Chef de sa Grande Place ! Prends
donc l'Oeil de Horus, son parfum vient vers toi, le parfum est vers toi. Horus t'a purifié, il t'a
encensé avec son œil de son corps, il te l'a tendu en ce sien nom de ''Ped''. Il t'a encensé avec lui (=
l'Oeil de Horus) en son sien nom de ''Senetjer''. Amon-Râ Maître du trône des Deux Terres prends
donc l'Oeil de Horus, son parfum vient vers toi, le parfum de l'Oeil de Horus est pour toi ! (Sois)
purifié, (sois) purifié, Amon-Râ Maître du trône des Deux Terres, Amon-Râ Maître du trône des
Deux Terres, Amon-Râ Maître du trône des Deux Terres, Amon-Râ Maître du trône des Deux
Terres ! >>

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

b. Offrandes de parfums et autres

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

Cat. 19. Chapitre de l'offrande de l'onguent du Rituel d'Amon

Papyrus 3055 de Berlin

Support: papyrus

Provenance : Luqsor

Datation : 22ème dynastie

Etat de conservation : Bien conservé

Description : Formule récitée dans le Rituel du culte divin journalier pour l'offrande de l'onguent.
La formule passe en revue un certain nombre de produits tels que des huiles et des onguents
notamment. Toutes ces substances ont une action magique de par leur origine sacrée, et étaient
utilisées dans les rituels funéraires également. La formule est récitée pour l'offrande de l'onguent-
medjet et pourtant il est question dans la formule de beaucoup d'autres produits. Nous pensons
qu'effectivement pour le culte quotidien, il n'était pas nécessaire d'utiliser tous ces produits comme
aux jours de fêtes. Le simple fait de les nommer et d'offrir un onguent suffit à jouer le rôle de
substitution. Dans le Rituel du culte divin journalier, on trouve d'autres exemples où l'on utilise des
substitutions à des rituels longs et compliqués.

Bibliographie : CARRIER (C.), Le Rituel du Culte divin journalier de l'Égypte ancienne (Papyrus
Berlin 3055), p.50-51 et p.235-239, Montigny-le-Bretonneux, 2015 ; VON LEMM (O.), Das
Ritualbuch des Ammondienstes, Leipzig, 1882 ; MORET (A.), Le rituel du culte divin journalier en
Égypte, p.192, Paris, 1902 ; SHÎMY (M.), Al-ˁuṭûr wa maˁâmil al-ˁuṭûr fî Miṣr al-qadîmah, min al-
dawlah al-qadîmah ḥattâ nihâyat al-dawlah al-ḥadîṯah, p.151-152, Centre National de la
Traduction, Le Caire, 2005 ; STAATLICHE MUSEEN, Hieratische Papyrus aus des königlischen
Museen zu Berlin, t. I, Leipzig, 1901.

Inscription : << rȝ n ḥnk (9) m mḏ.t ḏd mdw nḥrḥr(w) ỉb n ỉmn-rˁ nb ns.t tȝ.wy m ḫsf (XXXI,1)

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

ỉr.t=f n.t ḏ.t=f nḥrḥr(w) ỉb n ḥr m ḫsf ỉr.t=f n.t ḏ.t=f swȝḏ=s tw sẖk(2)r=s tw m rn=s pwy n wȝḏ(y).t
snḏm(w) sty=s r=k m rn=s pwy n nḏm(w)-sty (3) mḏ.t ỉmn mḥ n=k ỉr.t ḥr mḏ.t (4) sty ḥb mḥ n=k ỉr.t
ḥr s<ty> ḥb (5) ḥknw rˁ mḥ n=k ỉr.t ḥr mḏ.t mrḥ.t ḥknw=s m tp=k (6) sfy mỉ n=k ỉr.t ḥr sfkk(w) n stš
ẖr(y)=s (7) nẖnm nb ns.t mỉ n=k ỉr.t ḥr ẖnm n=f mḏ.t (8) twȝ(w.t) mỉ n=k ỉr.t ḥr ỉn(w.t)~n=f twȝ~n=f
nṯr.w ỉm=s (9) ḥȝ.t n ˁš tȝ.wy mỉ n=k ỉr.t ḥr ỉṯ n=k r ḥȝ.t=k (10) ḥȝ.t n.t ṯḥnw mỉ n=k ỉr.t ḥr ỉṯ n=k r
ḥȝ.t=k (XXXII, 1) ỉbr ỉmn-rˁ mỉ n=k ỉr.t ḥr nn bỉȝ~n stš ẖr=s sṯ(y)=k bỉȝ~n stš ẖr=s (2) b(ȝ)ḳ nb ns.t
mỉ n=k ỉr.t ḥr sỉp n=k sw tȝ.wy bȝḳ=tw >>

Traduction : << Formule pour offrir de l'onguent. Paroles à dire : Que se réjouisse le cœur
d'Amon-Râ, Maître du trône des Deux Terres, de s'approcher de son œil de son corps. Que se
réjouisse le cœur de Horus de s'approcher de son œil de son corps. Et qu'il te verdisse et te pare en
ce sien nom de Ouadjet ! Que son parfum te sois agréable en ce sien nom de ''Celui-au-parfum-
agréable'' !
Onguent : Amon, remplis donc l'Oeil de Horus de l'onguent !
Parfum de fête : remplis donc l'Oeil de Horus du parfum de fête !
Onguent-hekenou : Râ, remplis donc l'Oeil de Horus d'onguent, l'huile acclame ta tête.
Onguent-sefy : prends donc l'Oeil de Horus qui punit seth qui lui est soumis !
Onguent-nekhenem : Maître du Trône, prends donc l'Oeil de Horus et unis-toi à lui au moyen de
l'huile !
Onguent-touaout : prends donc l'Oeil de Horus qu'il a apporté avec lequel il a invoqué les dieux !
Huile de âsh : du Double Pays, prends donc l'Oeil de Horus et mets le donc sur ton front !
Onguent-tchehenou : prends donc l'Oeil de Horus et mets le donc sur ton front !
Iber : Amon-Râ prends donc l'Oeil de Horus ! Il n'est pas question que se dissipe ton parfum (alors
que) Seth s'en est éloigné !
Huile-baq : Maître du Trône, prends donc l'Oeil de Horus, examine le donc,
du Double Pays, tu es devenu lumineux ! >>

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

D'après MORET, 1902, p.70-71

Cat. 20. Chapitre du parfum de fête du Rituel d'Amon

Papyrus de Berlin 3055

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

Support: papyrus

Provenance : Luqsor

Datation : 22ème dynastie

Etat de conservation : Texte bien conservé

Description : Formule du chapitre 20 utilisée dans le Rituel d'Amon lors de l'offrande de parfum de
fête sous forme de miel. Cette action survient dans le rituel quotidien dans la phase de <<première
ouverture du naos>>, selon A. Moret.

Bibliographie : CARRIER (C.), Le Rituel du Culte divin journalier de l'Égypte ancienne (Papyrus
Berlin 3055), p.14, Montigny-le-Bretonneux, 2015 ; VON LEMM (O.), Das Ritualbuch des
Ammondienstes, Leipzig, 1882 ; MORET (A.), Le rituel du culte divin journalier en Égypte, p.70-
71, Paris, 1902 ; STAATLICHE MUSEEN, Hieratische Papyrus aus des königlischen Museen zu
Berlin, t. I, Leipzig, 1901.

Inscription : << r(ȝ) sty-ḥb m by.t ḏd-md.w hȝ ỉmn-rˁ nb ns.t tȝ.wy mỉ n=k by.t ỉr.t ḥr nḏm.t ỉnfy n
ỉr.t (4) rˁ nb ḥtp.w ḏfȝ.w ỉmn-rˁ nb ns.t tȝ.wy ỉm=st nḏm.t=s ḥr ỉb=k (…) (7) … swn=s r ỉwf=f ṯs=s
qs.w=f s(8)ȝq=s n=f ˁ.wt=f ḫnm=f sty=s r=f mỉ ẖnm rˁ m ȝḫ.t=f ỉmn-rˁ nb ns.wt tȝ.wy (9) d=ỉ n=k
ỉr.t ḥr nḏm.t=s ḥr ỉb=k ḥtp ḥr=k nfr n pr-ˁȝ >>

Traduction : << Formule du parfum de fête sous forme de miel. Paroles à dire : ô Amon-Râ, Maître
du Trône des Deux Terres ; Prends (donc) pour toi le miel, l'Oeil de Horus doux, sécrétion de l'Oeil
de Râ, le Maître des offrandes et des provisions. Amon-Râ, Maître du Trône des Deux Terres, est en
lui (?), (car) sa douceur est sur son cœur. (…). Il (= le miel) ouvre ses chairs, il lui met en ordre ses
os, il lui assemble ses membres, et il (= Amon) respire son parfum pour lui, de même que Râ s'unit à
son horizon. Ô Amon-Râ, Maître du Trône des Deux Terres, je te donne l'Oeil de Horus (car) il est
doux à ton coeur, et paisible pour ta face favorablement pour le Pharaon.>>

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

D'après MORET, 1902, p.141

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

Cat. 21. Chapitre de présenter Maât du Rituel d'Amon

Papyrus de Berlin 3055

Support: papyrus

Provenance : Luqsor

Datation : 22ème dynastie

Etat de conservation : Bien conservé

Description : Formule utilisée pour l'offrande de Maât au dieu lors du Rituel du Culte divin
journalier d'Amon.

Bibliographie : CARRIER (C.), Le Rituel du Culte divin journalier de l'Égypte ancienne (Papyrus
Berlin 3055), p.37, Montigny-le-Bretonneux, 2015 ; VON LEMM (O.), Das Ritualbuch des
Ammondienstes, Leipzig, 1882 ; MORET (A.), Le rituel du culte divin journalier en Égypte, p.141,
Paris, 1902 ; STAATLICHE MUSEEN, Hieratische Papyrus aus des königlischen Museen zu
Berlin, t. I, Leipzig, 1901.

Inscription : << ˁnḫ=k m sty ỉȝd.t=s dd mȝˁ.t m mḏȝ(7).t r ḫḫ=k ḥtp=s ḥr šnb.t=k bȝk(w) n=k nṯr.w
ḥnw=w m mȝˁ.t ỉw=w (8) rḫ=s(n) (s)bḳ=s mk nṯr.w nṯr.wt ỉmy(.w)=k ẖr(y.w) mȝˁ.t ỉw=w rḫ(=w)
ˁnḫ=k ỉm(XXII, 1)=s ỉmn.t=k m mȝˁ.t ỉȝb.t=k m mȝˁ.t ỉwf=k ḥˁ.w=k m mȝˁ.t ṯȝw.w n ẖ.t=k ỉb=k n
mȝˁ.t (2) šm=k tȝ.wy ẖr(y) mȝˁ.t wrḥ=k tp=k m mȝˁ.t šm=k ˁ.wy=k ẖr(y.wy) mȝˁ.t mnḫ(.t)(3)=k
ỉsn.t=k m mȝˁ.t ḥbs n ḥˁ.w=k m mȝˁ.t wnmy=k m mȝˁ.t sỉwr(=k) m mȝˁ.t t.w=k (4) m mȝˁ.t ḥ(n)ḳ.t=k
m mȝˁ.t ḫnm=k sntr m mȝˁ.t ṯȝw.w n fnḏ=k m mȝˁ.t >>

Traduction : << Puisses-tu vivre de l'odeur de son parfum ! Maât se met comme une amulette à ton
cou et elle se repose sur ta poitrine. Puissent les dieux œuvrer à leur tâche pour toi conformément à
Maât, car ils connaissent sa sagesse. Vois, les dieux et les déesses qui sont avec toi portent Maât car

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

ils savent que tu en vis. Ton œil droit est Maât, ton œil gauche est Maât, tes chairs et tes membres
sont Maât ! Les souffles de ton ventre et ton cœur appartiennent à Maât. Puisses-tu cheminer dans
les Deux Terres portant Maât et oindre ta tête avec Maât. Puisses-tu cheminer, tes deux bras portant
Maât ! Ton vêtement et ton tissu-isenet sont Maât, le vêtement de ton corps est Maât ! Ta nourriture
est Maât, ta boisson est Maât ! Tes pains sont Maât, ta bière est Maât ! Ton parfum d'encens est
Maât, les souffles de ton nez sont Maât ! >>

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

Deuxième Partie :
Analyse

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

Chapitre I : Analyse détaillée du corpus

1. Les inscriptions royales monumentales :

a. Scène d'offrande :

Cat. 1. Thoutmosis III fait une offrande de résine :

Il s'agit d'un bas-relief du Temple funéraire de Hatshepsout de Daîr Al-Baḥarî et date donc
de la 18ème dynastie, et plus précisément de l'an 9 de Hatshepsout 58. Le personnage représenté est
le roi Thoutmosis III portant la couronne-kheperesh. Sa présence dans ce Temple de Hatshepsout
s'explique par le fait que la reine n'était censée avoir qu'un rôle de régence en raison du jeune âge du
roi, même si par la suite, elle l'évince finalement. Thoutmosis III tient dans ses mains deux
récipients que l'on voit remplis d'un produit. La position du roi indique qu'il est en train de faire une
offrande à un dieu et l'inscription nous apprend que l'offrande n'est autre que de la résine-ântiou.
Cette offrande est destinée au dieu Amon-Râ que nous ne voyons pas sur cette image : << Offrir le
meilleur de la résine-ântiou à Amon-Râ, Maître des trônes des Deux Terres, Maître du ciel. Puisse-t-
il agir en étant doué de vie, stabilité, pouvoir et santé, puisse sa joie être comme Râ,
éternellement.>> ( ḥnk tp(y) ˁntyw wȝḏ (n) ỉmn-Rˁ nb ns.wt (n) tȝ.wy nb p.t ỉr=f d(=w) ˁnḫ ḏd wȝs
snb ȝw.t-ỉb=f mỉ Rˁ ḏ.t). Ce don de résine à Amon-Râ survient après la fameuse expédition de Pount
d'où a été ramené toutes sortes de produits dont bien sûr plusieurs sortes de résines odoriférantes.
Les offrandes de ce genre sont assez courantes dans les Temples mais ce qui est un peu plus rare,
c'est qu'elle est qualifiée de <<meilleur>>, certainement parce qu'elle vient de Pount et que cette
expédition n'était tout de même pas banale pour l'époque ! Le reste de l'inscription n'a rien de très
surprenant. On trouve les formules honorifiques traditionnelles et le style que l'on peut retrouver
ailleurs dans d'autres inscriptions. Même si l'on peut tout de même remarquer que l'on insiste sur les
vœux adressés à Amon-Râ : vie, stabilité, etc. En tout cas cette courte inscription montre bien
l'importance qu'a ce genre d'offrande pour le culte rendu aux dieux.

58 DESROCHES-NOBLECOURT, 2002, p.237

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

b. Textes théogamiques :

Les deux documents suivants sont tous deux du Nouvel Empire et plus précisément de la
18ème dynastie. Le thème de la théogamie est bien antérieur à cette époque mais évolue 59 au fil du
temps jusqu'à ce qu'il prenne sa forme définitive à l'époque tardive où il se retrouve sur les parois
des Mammisis (ou Temple des naissances). En effet avant le règne de Nectanébo, semble-t-il, ce
genre de textes se trouvaient au sein même du Temple principal intégrés dans le reste 60. La nature du
contenu est bien différente également. Dans sa version tardive61, la théogamie concerne avant tout le
dieu-enfant du couple divin du Temple. Tandis que dans nos textes, le principal intéressé est
Pharaon.
Il est évident que ces compositions mythologiques sont de nature religieuse. On admet
généralement que la théogamie est un concept solaire 62 et l'apparition d'Amon dans ce mythe n'a
rien d'étonnant puisque justement ce dieu devient solaire à partir de la 18ème dynastie 63. Il existait
d'autres exemples du Nouvel Empire de ce genre. Hélas, nous n'en présentons que deux car ce sont
les seuls exemples exploitables. Beaucoup de ces textes gravés sur les parois des Temples sont en
très mauvais état64, c'est le cas par exemple de celui de Ramsès II 65. Toujours est-il que nos deux
textes sont spécialement intéressants car ils racontent la venue ou l'apparition du dieu Amon-Râ
dans le monde des vivants pour une raison assez particulière. Ce qui est important pour nous : c'est
la description de son odeur qui est visiblement une des choses les plus importantes qui caractérise sa
présence. Enfin on remarque que nos deux textes sont très semblables, parfois au mot près, ce qui
est très pratique pour combler les lacunes.

Cat. 2. Rencontre entre la reine Iâhmès et le dieu Amon :

Ce texte se trouve dans le Temple funéraire de Hatshepsout à Daîr al-Baḥarî66 dans le


59 DESROCHES-NOBLECOURT, 1995, p.121-126
60 CAUVILLE, 1990, p.92
61 CAUVILLE, 1990, p.91
62 Car on considère que l'origine de ce concept est le récit du papyrus Westcar
63 GUERMEUR, 2005, p.72
64 VERNUS, 1993, p.203
65 OBSOMER, 2012, p.413
66 En Arabe : ‫ دير البحري‬et signifie ''le monastère du Nord''.

93
L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

gouvernorat de Luqsor. Il date donc bien entendu de la 18ème dynastie sous le règne de
Hatshepsout. Ce Temple, d'architecture assez spéciale, est constitué de deux terrasses auxquelles on
accède par de longues rampes. Cette inscription gravée dans la pierre se trouve sur les parois de la
salle du portique nord situé sur la deuxième terrasse.

L'écriture est en Hiéroglyphes soignés, certainement peints à l'époque, mais aujourd'hui on


ne distingue plus les couleurs. Une scène iconographique (mal conservée) illustre de façon stylisée
le texte. La scène montre notamment le dieu Amon avec une reine. Notre extrait comporte quelques
lacunes mais la compréhension n'en est pas vraiment altérée pour autant. À noter encore sur le texte
lui-même, qu'il est écrit en colonne et de manière rétrograde, ce qui signifie que les Hiéroglyphes
sont orientés dans le sens contraire de la lecture. La langue utilisée est bien entendu l'Égyptien
classique.

Le texte est de nature mythologique, et comme nous l'avons déjà évoqué plus haut, il s'agit
d'un concept religieux très ancien qui prend une tournure nouvelle au Nouvel Empire. On lit
souvent, particulièrement en ce qui concerne Hatshepsout, que le but de ce récit est politique 67 voire
même parfois dans la littérature grand publique, qu'il s'agit de ''propagande royale''. Nous
partageons complètement l'avis de A. Gabolde qui considère que la théogamie est un élément
faisant partie de la royauté pharaonique et qu'il s'agit d'une tradition religieuse et littéraire. De plus,
l'argument le plus pertinent à cela est le fait que ces textes sont de nature religieuse et donc inscrits
dans le secret des Temples. Tandis que la propagande est un moyen de faire passer un message en le
diffusant largement pour faire adopter une idée.

Le récit raconte donc l'ascendance divine de la reine Hatshepsout ou devrions-nous plutôt


parler de la ''Pharaonne'' Hatshepsout puisqu'elle finit par prendre le pouvoir au détriment de
Thoutmosis III pour lequel elle n'avait qu'un rôle de régente à la base. Assumant donc la fonction de
Pharaon d'Égypte, elle a utilisé tous les éléments traditionnels que ce pouvoir lui conférait, y
compris la théogamie. L'extrait qui nous intéresse ici, raconte le moment de la rencontre entre
Amon le géniteur et la reine Iâhmès qui est donc la mère de Hatshepsout. Cette rencontre se fait de
manière assez spéciale puisque le dieu ne se manifeste pas tout à fait sous sa forme divine puisqu'il
apparaît << ayant fait sa transformation en la Majesté de son époux, le Roi de Haute et de Basse
Égypte Âakheperkarâ >> ([ỉr]~n=f ḫpr(w)=f [m] ḥm [n] h(y)=s pn nsw-bỉty ˁȝ-ḫpr-rˁ).
67 GABROL, 2000, p.183-186

94
L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

Âakheperkarâ étant le nom de couronnement du Pharaon Thoutmosis Ier, père de Hatshepsout. Sous
cette forme, le dieu s'accouple avec la reine comme nous le fait comprendre le texte de manière
subtile. Cependant, la reine, du moins à la fin, découvre qu'il s'agit du dieu Amon puisqu'<<elle se
réjouit de voir sa perfection>> (ḥˁ=tỉ m mȝȝ nfrw=f). Mais surtout on parle de l'odeur du dieu qui
<<inonde>> (bˁḥ(=w)) le palais avec <<des senteurs venant de Pount >> ([ḫnm(.w)]=f nb.w m
pwn.t).

Cat. 3. La Théogamie d'Amenhotep III :

Cet extrait de texte se trouve dans le Temple d'Ipet Reset ou aussi appelé simplement Temple
de Luqsor. Le Temple se trouve en effet en plein dans la ville moderne de Luqsor : bien que depuis
quelques années la région connaît un remaniement important qui vise la création d'un ''Open
Museum'' (ou Musée en pleine air) remplaçant l'entité de ''ville''. Dans ce nouveau programme
gouvernemental visant à une meilleure protection du patrimoine archéologique (surtout dans un but
touristique ne le nions pas), Luqsor est devenu un Gouvernorat 68 alors que la ville se trouvait
auparavant dans le gouvernorat de Qinâ69.
L'état du Temple tel que nous le connaissons n'est pas l'œuvre d'un seul souverain mais bien entendu
notre texte date du règne d'Amenhotep III à la 18ème dynastie. L'inscription gravée dans la pierre se
trouve dans une salle latérale du côté gauche vers le fond du Temple.

L'inscription est en écriture hiéroglyphique finement gravée en quatre colonnes dont on ne


distingue plus la polychromie. Certains hiéroglyphes sont un peu abîmés mais le texte ne souffre
pas de réelles lacunes. La disposition ainsi que le texte lui-même est très semblable à la version de
Hatshepsout, cependant ici il n'est pas écrit de manière rétrograde. Une scène iconographique
illustre le récit. Cette scène n'est pas en parfait état mais il est possible de bien voir ce qui est
représenté. On y voit notamment le dieu Amon face à une reine portant la dépouille de vautour sur
la tête, ce qui lui confère déjà un rôle de mère en quelque sorte. Cette coiffe est caractéristique des
reines en fait. Les deux personnages s'entrelacent de manière très chaste. D'une manière stylisée est
symbolisé leur union charnelle. Par le texte nous savons que la reine en question n'est autre que
Moutemouia (voir illustration 2).

68 ‫محافظة القصر‬
69 ‫محافظة قنا‬

95
L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

Comme pour Hatshepsout, il s'agit d'un texte mythologique qui s'inscrit dans une tradition
royale parmi un certain nombre d'autres rites comme le Heb-Sed par exemple70. Pour Amenhotep
III, il y a beaucoup moins matière à fabuler sur le but de ce texte puisqu'il était légitime au trône.

Il est très intéressant de constater d'ailleurs que cette version postérieure à celle de
Hatshepsout est très proche en tout point. On comprend bien que ces deux versions sont liées par la
tradition à laquelle elles appartiennent. De plus, l'avantage pour nous est de pouvoir combler
d'éventuelles lacunes dans l'un ou l'autre, ou de pouvoir mieux comprendre certaines phrases par
des variantes grammaticales ou lexicales. En l’occurrence, mis à part quelques variantes
grammaticales insignifiantes, il n'y a pas de variations lexicales.

L'origine divine du Pharaon Amenhotep III est donc expliquée à travers ce récit où l'on
prend part à la rencontre entre la reine Moutemioua, mère du Pharaon, et le dieu Amon. Ici aussi, le
dieu Amon se métamorphose en l'<< époux le Roi de Haute et Basse Égypte Menkheperourâ >> (
hy pn nsw.t bỉty mn-ḫpr.w-rˁ). Menkheperourâ étant le nom de couronnement de Thoutmosis IV. La
reine sait qu'il s'agit d'Amon car à un moment << elle le voit sous sa forme de dieu >> ( mȝ~n=s sw
m ỉrw=f n nṯr). Enfin l'intérêt pour notre étude est l'odeur qui est décrite : << ses senteurs venant de
Pount >> (ḫnm.w=f nb m pwn.t).

70 GABROL, 2000, p.186

96
L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

97
L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

c. L'expédition vers Pount :

Les documents rassemblés ici sont des extraits de trois textes différents concernant
l'expédition à Pount ordonnée par la reine Hatshepsout à la 18ème dynastie. Ils sont tous issus du
Temple de Djeser-Djeserou ou Temple funéraire de Hatshepsout de Daîr al-Baḥarî, sur la rive Ouest
du Nil dans le Gouvernorat de Luqsor. Ils sont également tous gravés dans la pierre et rédigés en
Égyptien classique. Bien entendu, il ne s'agit pas de la seule expédition à Pount de l'Histoire de
l'Égypte pharaonique71, mais la plus connue et la mieux documentée. On connaît par exemple des
expéditions menées72 par Sahourâ et Monthouhotep V, mais nous n'avons trouvé que peu
d'informations là-dessus. Il est vrai que l'expédition ordonnée par Hatshepsout est la plus connue, en
raison des célèbres représentations et textes qui se trouvent dans son Temple funéraire. D'ailleurs, il
faut remarquer qu'en dehors de la mission clairement commerciale, il y a eu aussi tout un travail
d'observation. C'est pourquoi C. Desroches-Noblecourt73 compare cela à l'Expédition d'Égypte de
Bonaparte. Elle y voit donc aussi une dimension scientifique.
Quant à la localisation de ce fameux et étrange pays de Pount, appelé aussi par les textes
égyptiens Pays-du-dieu, nous ne savons toujours pas où il se situe exactement. On lit généralement
qu'il se situe soit dans l'actuelle Somalie, soit au Yémen. Tout simplement car ces régions sont
célèbres encore de nos jours74 pour leurs productions de résines telles que la myrrhe ou l'oliban. En
tout cas selon une étude récente de D. Meeks 75, il faudrait conclure que Pount se trouvait en Arabie
plutôt qu'en Afrique76. Cependant, il ne s'agit pas forcément du Yémen mais peut-être aussi des
côtes de l'actuelle Arabie Saoudite77. Pour sa part, D. Warburton penche plutôt pour l'Arabie
également, car il est évident que plus tard, la plupart des résines tels que l'oliban et la myrrhe
venaient d'Arabie78. Il est intéressant de noter encore que les Égyptiens ont accordé beaucoup
d'importance à ce pays en raison des produits précieux qu'ils en ramenaient. C'est certainement pour
cela qu'ils considéraient que leurs dieux venaient de là-bas. Et il semblerait même qu'ils se
71 ḤASAN, 2001, p.326
72 LORET, 1949, p.8
73 DESROCHES-NOBLECOURT, 2002, p.239
74 Dans l'imaginaire européens du moins. Dans les pays arabes, l'Arabie Saoudite, les Émirats Arabes Unis et surtout le
Sultanat d'Oman sont connus pour leur productions de résines odoriférantes. Sans parler de cette culture de l'encens
chez les Bédouins d'Arabie, encore vivante aujourd'hui.
75 MEEKS, 2002, Coptos et les chemins de Pount, dans Topoi
76 MEEKS, 2002, p.332
77 Ibid
78 WARBURTON, 2008, p.220

98
L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

considéraient comme étant de la même origine que les populations habitant là-bas79. Ce qui fait dire
à S. Ḥasan que c'est pour cette raison que les Égyptiens ont représenté les habitants de Pount
habillés de la même façon que les dieux égyptiens80.

Cat. 4. L'oracle d'Amon concernant l'expédition de Pount :

Ce long extrait est issu d'un texte qui se trouve dans le Temple funéraire de Hatshepsout. Il
date donc bien entendu de la 18ème dynastie sous le règne de Hatshepsout. Cette inscription gravée
dans la pierre se trouve sur les parois de la salle du portique sud situé sur la deuxième terrasse.

L'inscription est écrite en Hiéroglyphes. Le texte n'est pas très bien conservé mais ne
comporte que peu de lacunes totales, en tout cas rien de très perturbant pour la compréhension.
Nous avons retiré volontairement certains passages inutiles à notre étude afin d'alléger le reste, car
notre extrait était déjà assez long. Le texte est écrit en colonnes dont les deux premières sont
rétrogrades.

Ce texte qu'il faut certainement qualifier de mythologique explique en quelque sorte


pourquoi la reine Hatshepsout a ordonné cette lointaine expédition. Selon ce récit, c'est le dieu
Amon lui-même par l'intermédiaire d'un oracle qui aurait demandé à la reine d'effectuer cette
entreprise. D'ailleurs, ce texte relate directement les paroles du dieu : << oracle du dieu lui-même
>> (nḏw.t-r(ȝ) n(y).t nṯr ḏs=f ), et est rédigé à la première personne : <<(J')ai prédit>> (sr~n=(ỉ)),
<<(J')ai prévu d'agir>> (ḫmt~n(=ỉ) ỉr.t), <<(je) vais faire que ton armée le foule>> (ỉw(=ỉ) ḥm r rd.t
ḫnd s.t mšˁ=ṯ), etc. On remarque une ellipse systématique du pronom suffixe de la première
personne =ỉ. Ce genre d'ellipses n'est pas rare dans les textes égyptiens. Il est clair ici que c'est
Amon qui parle, comme indiqué dès le début du texte, alors selon les Égyptiens, il n'était pas
indispensable de noter le pronom qui est clairement sous-entendu par d'autres éléments déjà.

Dans cet oracle, le dieu indique clairement à la reine la raison pour laquelle elle doit s'y
rendre. Il explique également un peu comment c'est là-bas et insiste sur le fait que c'est un endroit
divin : <<Pays-du-dieu>> (tȝ-nṯr), <<sacré>> (ḏsr), création divine : << (Je) l'ai créé pour moi

79 ḤASAN, 2001, p.326


80 ḤASAN, 2001, p.326

99
L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

(ỉr~n(=ỉ) n=ỉ s(.t)), lieu de réjouissance des dieux : << afin de réjouir mon cœur >> (r sȝb ỉb=ỉ).
Tous ces éléments sont assez vagues voir abstraits. On ne sait trop comment comprendre le terme
<<ḫtyw(.w) ˁntyw>> d'ailleurs. Pour notre part, nous avons choisi de traduire ''ḫtyw(.w)''81 par
''plaines'' bien que la traduction traditionnelle soit plutôt : terrasse en escalier, escalier. Il est vrai que
le déterminatif du mot est un escalier 82 mais concernant un espace géographique, le mot ''plaine''
parait approprié. Cependant l'hypothèse selon laquelle cette expression doit se traduire par ''escalier''
fait dire à C. Desroches-Noblecourt que le Temple de Hatshepsout a peut-être été construit en
terrasses pour rappeler les <<escaliers de Pount>>83. Quant à la fin de notre extrait, il y a tout de
même une partie plus concrète. Il est évoqué les produits qui seront ramenés, mis dans les bateaux
et amenés au Temple de Karnak. Il est question d'ailleurs du transport d'arbres à résines (<<nh.wt
mn(w) ẖr ˁntyw wȝḏ>>) qui seront replantés en Égypte comme nous le montrent d'ailleurs certaines
représentations du Djeser-Dejeserou (Illustration 3). D'ailleurs des traces archéologiques de cela ont
été observées sur le site de Daîr al-Baḥarî (Illustration 4), même si d'un autre côté L. Manniche
doute de la longévité de ces arbres déracinés 84. Cependant, le texte parle plutôt du Temple de <<
ỉp.t-s.wt >> où aucunes traces archéologiques de cela ont été retrouvées, semble-t-il. En revanche,
on peut évoquer les magasins à résine que la reine a fait construire dans le Temple de Karnak85.

Ce texte est donc particulièrement intéressant sur plusieurs points car il nous apprend
différentes choses sur notre recherche, comme nous le verrons plus loin. Il est en rapport direct avec
notre sujet puisqu'il est question de ramener des résines odoriférantes, mais au-delà de cet aspect, il
y a plusieurs autres éléments différents sur l'odorat.

Cat. 5. Grande inscription de l'an 9 de Hatshepsout :

Cet extrait également provient du Temple funéraire de Hatshepsout et date de la 18ème


dynastie. L'inscription est gravée dans la pierre sur les parois du Temple du portique sud. Notre
extrait s'inscrit dans un long texte hiéroglyphique de vingt-deux colonnes écrites de manière
rétrograde. Notre extrait comme le reste du texte souffre de lacunes et n'est pas très bien conservé

81 Wb., 348
82 Le signe O40:
83 DESROCHES-NOBLECOURT, 2002, p.292
84 MANNICHE, 2008, p.21
85 DESROCHES-NOBLECOURT, 2002, p.187

100
L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

par endroit. Certaines lacunes ne peuvent absolument pas être restituées.

Ce document complète en quelque sorte le précédent ,car il évoque l'expédition de Pount et


mentionne l'oracle ou l' << ordre >> (wḏ) d'Amon. Sauf que cette fois-ci, c'est la reine et non le dieu
qui narre les faits. Hatshepsout indique qu'elle a donné les ordres par rapport au désir de <<son
père>> Amon. Cependant, cette fois-ci le but de cette inscription est plutôt historique que
mythologique. En effet, la reine se vante et rappelle ce qu'elle a accompli. Il s'agit d'une sorte de
compte rendu qui vise à prouver que Hatshepsout a respecté la tradition. Bien sûr il y a aussi un but
religieux ici, car la reine ne cherche pas à se vanter auprès de son peuple, mais bien auprès d'Amon
auprès de qui elle légitime sa fonction de Pharaon en prouvant qu'elle a accompli son devoir envers
les dieux.

L'importance de ce document est évidente, encore une fois, car elle a un rapport direct avec
notre sujet. Et en plus de parler de cette expédition intéressante pour nous, on peut en tirer certaines
informations sur la symbolique et l'utilisation de ces produits si précieux et tant recherchés.

Cat. 6. Le retour de Pount :

Ce texte lui aussi issu du Temple funéraire de Hatshepsout. Inscription gravée dans la pierre
sur une paroi du Temple. Il s'agit de cinq colonnes de texte en Hiéroglyphes, positionnés de manière
normale (et non rétrograde cette fois-ci). L'ensemble est pas trop mal conservé mis à part beaucoup
de hiéroglyphes endommagés, mais ce qui ne pose aucun problème pour la compréhension.

Ce document fait partie de plusieurs textes et représentations qui évoquent le retour en


Égypte avec les produits ramenés du pays de Pount. On remarque tout de suite l'importance
religieuse que possède ces produits. D'abord, il est dit que la résine est mesurée pour Amon : << ḫȝ.t
ˁntyw wȝḏ r ỉmn >> mais ceci se fait en présence du dieu Thot et de la déesse Seshat, ce qui confère
à cet acte un côté très officiel aussi. Thot étant le scribe divin, il notifie les produits ramenés et donc
il est témoin de ce qu'a accompli la reine. Même chose en ce qui concerne Seshat, cette déesse a un
rôle souvent dans les fondations des édifices religieux ou autres événements officiels 86. Puis il est
très intéressant de comprendre à travers ce texte la symbolique et l'utilisation de ces produits par la
86 CORTEGGIANI, 2007, p.487

101
L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

reine. Puis le texte conclu comme c'est souvent le cas dans la phraséologie royale : << Une chose
semblable n'est jamais arrivée du temps des dieux ancêtres, depuis les origines de la Terre >> (mỉt.t
ḫr nṯr.w [ỉm(y)].w-bȝḥ ḏr pȝ(w).t tȝ), il ne faut pas prendre cette expression pour la réalité. Il est
courant de lire des phrases comme celles-ci qui servent à souligner l'exploit et la fierté d'un
souverain à l'accomplissement d'un acte. Mais le fait de dire que c'est la première fois est une
exagération qu'il faut plutôt prendre pour une expression.

102
L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

2. Hymnes :

a. Documents ''thébains'' :

Les trois documents suivants ont été rassemblés sous la catégorie de ''documents thébains''
car ils sont tous en rapport étroit avec la ville de Thèbes. Deux d'entre eux ont été retrouvés ou
proviennent bien de là-bas. Quant au troisième, il provient très certainement de Thèbes également,
mais nous ne pouvons en être sûr. C'est pourquoi nous avons mis entre guillemets ''thébains''.

Cat. 7. Grand Hymne à Amon-Râ du Caire :

Ce court extrait est tiré d'un long papyrus donnant des hymnes à Amon. Il a pour origine la
ville de Thèbes87 et a bien été retrouvé là bas88. Cependant, il a été acheté au Caire89 et porte le nom
de ''Papyrus Boulaq 17'' car il était conservé dans le musée égyptien de Boulaq 90, ancêtre de l'actuel
Musée Égyptien du Caire de la place Taḥrîr. Les antiquités ayant été transférées dans le nouveau
musée, ce papyrus porte également aujourd'hui un nouveau numéro d'inventaire : Papyrus Cairo CG
58038. A. Barucq et F. Daumas rappellent que ce document est généralement daté de la 18ème
dynastie avant le règne d'Amenhotep IV91.

Le texte est écrit en Hiératique, en ligne, à l'encre noire avec parfois des éléments à l'encre
rouge comme les titres ou d'autres éléments dont nous ignorons pourquoi ils sont mis en évidence 92.
Dans l'ensemble ces textes sont bien conservés et l'écriture y est plutôt belle, de même pour notre
extrait. Il semblerait que le papyrus comporte en fait quatre hymnes différents93.

87 GREBAUT, 1874, p.4


88 MARIETTE, 1876, p.6
89 MARIETTE, 1876, p.6
90 Le nom de Boulaq vient du nom arabe (bûlâq) d'un quartier du Caire. Mais en réalité, très vite, le musée a été
installé à Gizeh dans une ancienne résidence du Khédive Ismail. Ceci tout en gardant le nom de Musée de Boulaq.
91 BARUCQ, DAUMAS, 1980, p.191
92 BARUCQ, DAUMAS, 1980, p.191
93 ERMAN, 1923, p.351

104
L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

Comme expliqué dans la présentation de notre corpus, nous avons choisi de considérer ce
texte comme un hymne. En effet, il honore le dieu Amon-Râ, mais ceci sans que l'on sache à quelle
occasion ou s'il fait partie d'une liturgie quelconque. En tout cas J. Assmann va jusqu'à qualifier ces
compositions de propagande pour le dieu de Thèbes94. Le but étant de le vanter mais aussi de le
faire bien adopter auprès du peuple. Il semble tout de même que les propos 95 de J. Assmann vont un
peu trop loin d'autant plus que nous ne savons pas si n'importe qui pouvait avoir accès à ces textes.
A. Nûr al-Dîn lui aussi voit une dimension politique dans les traités religieux thébains qui ont fait
d'Amon un dieu Créateur96. En revanche, il est évident que ces hymnes mettent l'accent sur le côté
solaire d'Amon-Râ et qu'ils rappellent son rôle de Créateur 97. Il est vrai que déjà dans notre extrait,
il est possible de remarquer cette assimilation à Râ : << L'Héliopolitain qui préside son Ennéade >>
(ỉwny ḫnty psḏ.t=f), Héliopolis étant la ville par excellence des cultes solaires et ceci depuis les
époques les plus reculées98. Et bien sûr le dieu présidant l'Ennéade n'est autre que Râ. << Celui des
Deux Horizons >> (ȝḫt.y) est également une épithète solaire faisant référence à l'horizon de Bakhou
(à l'Est) et l'horizon de Manou (à l'Ouest) là où le Soleil se lève puis se couche. À en croire le texte,
Amon-Râ est un dieu d'Héliopolis 99. En fait, comme l'explique Y. Guermeur 100, il ne faut pas en
conclure à un culte d'Amon-Râ à Héliopolis101, il s'agit avant tout de développements théologiques
faisant intervenir cette ville en raison de son rôle dans le culte de Râ qui est assimilé à Amon.
Intéressant aussi est la mention du pays des Medja. Il s'agit d'un peuple d'Afrique qui n'a pas été
situé et identifié avec certitude. Il y a également une sorte de confusion car souvent le mot désigne
également une sorte de police, car cette population jouait souvent ce rôle en Égypte. Quoi qu'il en
soit, il semblerait qu'il s'agisse plutôt d'une population blanche102 contrairement à ce qu'on pensait
généralement. Les frontières de ce pays ont peut-être évolué au fil du temps mais il semble établi
que le pays a toujours eu sa ''frontière'' proche d'Âsûân 103 et que très certainement ce peuple nomade
vivait à l'Est de la Haute-Égypte, comme le conclut D. Michaux-Colombot 104, donc dans la région

94 ASSMANN, 1995, p.129


95 En effet comme le rappel GUERMEUR, 2005, p.542, J. Assmann considère toute <<l'hymnologie amonienne>> de
propagande.
96 NÛR AD-DÎN, 2014, vol. 2, p.56
97 ASSMANN, 1995, p.122
98 DAUMAS, 1970, p.101-102
99 GUERMEUR, 2005, p.73-74
100 GUERMEUR, 2005, p.78
101 En fait ce n'est qu'à l'époque tardive qu'on trouve un véritable culte d'Amon à Héliopolis, voir GUERMEUR, 2005,
p.78
102 MICHAUX-COLOMBOT, 2007, p.84
103 En Arabe : ‫أسوان‬
104 MICHAUX-COLOMBOT, 2007, p.91

105
L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

de Port Bérénice105 et de Šalâtîn106.

Cat. 8. Chant à Amon, dieu de Thèbes :

Cet extrait est tiré du chapitre 6 d'un ensemble d'hymnes écrits pour Amon. Ces textes se
trouvent sur le papyrus Leiden I 350, appelé comme ceci car il est détenu par le musée des
Antiquités de Leyde aux Pays-Bas. G. Roeder date ce papyrus de la 19ème dynastie, à la fin du
règne de Ramsès II107. On peut supposer que ce document vient de Thèbes, mais les différents
chercheurs l'ayant étudié n'en parlent pas.

Le texte est écrit en Hiératique, en ligne, à l'encre noire. La ponctuation à l'aide de points
rouges aide à la compréhension et compense l'écriture très cursive difficilement déchiffrable 108 qui
permet parfois plusieurs lectures109. Il y a des ligatures inhabituelles et le style ressemble aux textes
bureaucratiques plus qu'aux textes religieux 110. Sans compter l'état actuel du papyrus 111 et donc des
nombreuses lacunes, y compris dans notre extrait, qui ne facilitent pas la traduction déjà assez
compliquée par la présence d'expressions ou de termes obscures. La numérotation des différentes
parties du papyrus est également particulière puisque les chiffres ne se suivent pas112.

De par sa ponctuation, on peut considérer que le texte est composé de vers et donc certains 113
ont voulu voir dans ce texte des chants plutôt que des hymnes. Cependant il n'y a semble-t-il pas
une grande différence et parfois l'un n'empêche pas l'autre. Toujours est-il que le contenu ne change
pas et qu'il est évident que le texte glorifie Amon. Cependant tout le monde n'est pas d'accord sur
leur utilisation ou leur but. A. Gardiner rejette en tout cas l'idée d'une utilisation liturgique 114 et voit
cette composition comme une éloge de Thèbes et d'Amon dans un but littéraire. Tandis que S.
Morenz penche plutôt pour une utilisation cultuelle115. Et c'est pourquoi nous avons rangé cet extrait

105 Auj. : Baranîs (‫)برنيس‬


106 En Arabe : ‫شلتين‬
107 ROEDER, 1959, p.276
108 GARDINER, 1906, p.12
109 BARUCQ, DAUMAS, 1980, p.206
110 GARDINER, 1906, p.13
111 GARDINER, 1906, p.13
112 Voir GARDINER, 1906, p.12-13
113 BARUCQ, DAUMAS, 1980, p.206
114 GARDINER, 1906, p.12-13
115 MORENZ, 1960, p.133

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dans notre catégorie ''hymne'', comme expliqué plus haut. Nous n'aurons jamais, dans l'état actuel
des choses, de certitude absolue concernant ce document. En tout cas, on a parfois rapproché
certains passages de ces hymnes au Grand Hymne à Amon du Papyrus Boulaq 17, voire même à la
littérature amarnienne116. J. Assmann quant à lui, explique que ce texte théologique nous montre un
''Amon'' intégrant les théologies de Memphis et d'Héliopolis. Il est donc Amon-Râ qui joue le rôle
d'hypostase de la triade impériale, de l'époque ramesside, qu'est Tatenen-Râ-Amon117.

Cependant notre extrait est assez court et parfois les lacunes rendent la compréhension
compliquée, nous n'avons donc pas l'occasion de parler ici des observations de J. Assmann citées au
dessus. En revanche, à ne comparer que notre extrait du papyrus Boulaq 17 et celui-ci, on remarque
qu'effectivement on peut également y trouver des ressemblances. Dans les deux cas il y a une
succession de produits précieux qui sont dus au dieu. Dans ces produits précieux notamment
plusieurs résines. En dehors des mentions des résines, il est vrai que l'on peut trouver des parallèles
avec les hymnes amarniens, qui sont également solaire bien entendu, mais surtout qui semble
énumérer la Création d'Aton en listant notamment toutes sortes de choses présentes dans la Nature.
Nous reparlerons plus tard des hymnes à Aton.

Cat. 9. Hymnes à Râ-Horakhty :

Ce court extrait est tiré d'un ensemble d'hymnes écrits pour Amon. Ces textes se trouvent sur
le papyrus Berlin 3049, appelé comme ceci car il est conservé par le musée de cette ville. On date
généralement ce papyrus de la 22ème dynastie118. La provenance de ce document est très
certainement Thèbes.

Le texte est écrit à l'encre noire, en ligne, et en écriture Hiératique. Il n'y a pas ici de
ponctuation dans ce texte. Cependant, l'écriture est assez belle et donc bien lisible. Sur notre extrait
le papyrus n'est pas trop mal conservé à part quelque petits trous qui ne sont pas vraiment gênant
pour reconnaître les signes. En revanche certaines expressions ne sont pas toujours facile à
comprendre.

116 BARUCQ, DAUMAS, 1980, p.207


117 ASSMANN, 1995, p.159-161
118 BARUCQ, DAUMAS, 1980, p.262

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

Cet ensemble de texte était très certainement des prières utilisées dans un culte, comme le pensent
A. Barucq et F. Daumas119. Mais nous n'avons pas plus d'informations à ce sujet et il est très difficile
de savoir comment ces textes s'inséraient-ils dans le culte. Quoi qu'il en soit, nous sommes bien en
présence d'hymnes servant à glorifier un dieu. Même si dans notre extrait, il est question d'Amon-
Râ, ces textes sont plutôt destinés à Râ-Horakhty.

Ces textes mettent en tout cas beaucoup l'accent sur la création et glorifie le dieu par rapport à ceci.
C'est ce que l'on peut remarquer aussi dans notre court extrait. La phrase qui évoque la résine-
ântiou ( bhd(w) pw m ˁntyw nty ẖry ỉȝhw=k ) est assez obscure, mais nous avons décidé de quand
même inclure cet extrait dans notre corpus. Pour A. Barucq et F. Daumas, cette phrase fait allusion
au fait que certains produits proviennent des concrétions de la lumière, des larmes ou de la sueur
des dieu120. Donc en l'occurrence, ici la résine-ântiou serait issu de la concrétion de la lumière
d'Amon-Râ. S'il est vrai que certains produits sont issus de différentes manières d'un dieu, comme
nous le verrons plus loin, cette expression n'en est pas moins assez surprenante et ne trouve pas
d'écho dans d'autres textes visiblement. Cette phrase est d'autant plus bizarre que le début de cette
parti de texte est perdu. Le contexte étant plus ou moins inconnu, il est très compliqué de savoir de
quoi parle exactement cette portion de phrase. Sa traduction est donc de tout façon assez
approximative.

119 BARUCQ, DAUMAS, 1980, p.263


120 BARUCQ, DAUMAS, 1980, p.274

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

b. Hymnes du Temple de Hibis :

Le Temple de Hibis se trouve dans l'actuel oasis de Khârgah 121, à environ 3 km au nord de la
ville du même nom. Ce lieu est situé au sud de l'Égypte dans le désert libyque, Gouvernorat de la
Nouvelle Vallée122. Cette oasis n'est pas extrêmement éloignée de Luqsor, et d'ailleurs les routes
pour s'y rendre partent de Luqsor, Abydos ou Îsnâ 123. En Égyptien, le site est connu sous le nom de
hbt ou encore parfois par wḥȝ.t rsy.t (Oasis du Sud) et wḥȝ.t wr.t (la Grande Oasis)124. Khârgah
compte plusieurs Temples dont le plus important est celui de Hibis.

Le Temple de Hibis (transcription grecque de l'Égyptien hbt) étant le Temple le plus


important porte le nom en fait de l'oasis. Ce Temple est dédié à Amon, mais à deux
personnifications différentes d'Amon 125: Amon-Râ, dieu de Thèbes mais aussi une forme locale :
Amon, Maître de Hibis. Il n'est pas toujours facile de bien les différencier d'ailleurs car ils ont la
même apparence et la même famille divine126. Cela dit, il est évident qu'à la base, les cultes de Hibis
ont été influencés ou créés à partir de ceux de Thèbes. Y. Guermeur explique que la documentation
que l'on possède dans ce Temple serait issue d'une Maison de Vie thébaine de l'époque ramesside 127,
et J. Assmann pense que les hymnes de Hibis seraient des extraits du papyrus magique Harris
501128. Cette implantation du culte d'Amon s'inscrit dans un phénomène que l'on remarque à partir
de la 18ème dynastie, grâce à un contexte particulier 129 qu'est cette époque pour Thèbes et son dieu.
En effet les cultes d'Amon sortent de Thèbes et s'implantent souvent hors de l'Égypte même : les
oasis comme la Nubie sont des territoires égyptiens que l'on considère hors d'Égypte 130.

Le Temple tel que nous le connaissons 131 aujourd'hui, a été construit principalement sous

121 En Arabe : ‫واحة الخارجة‬


122 En Arabe : ‫محافظة الوادي الجديد‬
123 NÛR AD-DÎN, 1998, p.93
124 NÛR AD-DÎN, 1998, p.92
125 GUERMEUR, 2005, p.582
126 La parèdre d'Amon pouvant être Mout ou Amonet, cependant il semble qu'Amonet est plus souvent avec Amon-Râ
de Thèbes, voir GUERMEUR, 2005, p.582
127 GUERMEUR, 2005, p.547
128 ASSMANN, 1995, 163
129 Contexte politique, idéologique et religieux dû à la richesse de cette époque prospère grâce aux conquêtes
notamment. Voir GUERMEUR, 2005, p.543
130 GUERMEUR, 2005, p.547
131 Mais attesté depuis la 26ème dynastie, même s'il était peut être présent déjà à la 18ème dynastie, voir :
GUERMEUR, 2005, p.547

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

Darius Ier et la décoration réalisée sous Darius II 132. En ce qui concerne nos textes en tout cas, les
rajouts d'époque ptolémaïque et romaine sont assez insignifiants 133. Nos textes datent donc de la
27ème dynastie.

Cat. 10. Hymne à Amon, Seigneur de Hibis :

Cet extrait se trouve sur une inscription hiéroglyphique en colonnes gravées dans la pierre.
Le texte se trouve sur les parois du Temple de Hibis dans le nord du sanctuaire : sur la paroi sud de
l'escalier conduisant à une salle osirienne. Malgré l'état général plutôt dégradé du texte dans lequel
nous avons extrait le nôtre, notre passage est plutôt bien conservé. On observe toutefois quelques
dommages et une lacune. D'ailleurs un peu gênant pour la compréhension de la dernière phrase. En
revanche ici aussi, on observe des orthographes et des graphies fautives, voire des expressions un
peu obscures comme dans le reste du texte qui est beaucoup concerné par ce genre de problèmes 134.
Ce qui rend son étude compliquée. Sans parler que les études sur ce texte en particulier n'ont pas été
nombreuses.

À côté de notre texte se trouve une représentation du dieu Thot car cette hymne reproduit en
fait les paroles du dieu <<lorsqu'il adore Sedjem-Our>> comme indiqué dans le ''titre'' (ne figurant
pas dans notre extrait). L'hymne glorifie le dieu de différentes manières et nous n'avons gardé que la
partie parlant de fumigations et d'odeurs. On y observe justement une graphie certainement fautive
où le mot '' sty '' est suivi de deux signes se lisant sp-2 et qui signifie normalement bis. Nous avons
considéré que cet ajout est fautif car nous ne voyons pas ce qu'il pourrait signifier ici. C'est
pourquoi il n'apparaît pas dans la traduction. De telles erreurs s'expliquent parfois par le fait que les
scribes en charge de la décoration et de l'écriture de ces formules se basaient sur des papyrus écrits
en Hiératique. De plus, à la 27ème dynastie, l'Égyptien classique n'est plus une langue parlée dans
la vie de tous les jours, ce qui favorise également les erreurs. Une autre expression est assez obscure
dans un cas comme celui-ci où elle est sortie d'un contexte bien précis : <<ẖnm(.w) šw.ty=k m
nbw>> que nous avons rendu par : tes deux plumes sont revêtues d'or. A. Barucq et F. Daumas

132 BARUCQ, DAUMAS, 1980, p.301


133 NÛR AD-DÎN, 1998, p.94
134 BARUCQ, DAUMAS, 1980, p.301

111
L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

avaient traduit135 ''ẖnm''136 par le verbe ''réunir'' mais la phrase n'aurait pas vraiment de sens, bien
qu'il soit difficile de savoir réellement ce que cela veut dire. Dans notre traduction, cette phrase
vient renforcer la précédente, qui dit clairement que les deux plumes sont en or : << šw.ty=k m nbw
>>. Enfin une lacune nous empêche de bien comprendre la dernière séquence où il est question
d'une odeur et de la chevelure du dieu : << st[y] [...] šn(y)=k >>.

Cat. 11. Hymne à Amon, Maître de Hibis :

L'extrait se trouve dans une inscription hiéroglyphique gravée en colonnes dans la pierre. Le
texte se trouve sur les parois du Temple de Hibis dans la deuxième salle hypostyle, mur du fond à
côté de la porte. Notre extrait fait partie d'un ensemble de deux hymnes et se trouve, lui, dans le
deuxième137. En ce qui concerne l'état de conservation de notre extrait, il est lisible dans l'ensemble
mais a subi quelques dommages. Il y a également quelques lacunes. Les orthographes fautives ne
sont pas trop nombreuses, mais on note quelques anomalies sans grande importance.

Cet hymne est dédié à la forme locale d'Amon, c'est-à-dire Amon de Hibis. Ces textes
avaient certainement une utilisation liturgique138. De ce que l'on peut dire du deuxième hymne, c'est
que l'on remarque une fois de plus le côté solaire d'Amon, surtout au début du texte (ne figurant pas
dans notre extrait), alors que plus loin et c'est le cas dans notre passage, il revêt également des
qualités de dieu funéraire : << Celui qui parcourt les régions-mystérieuses >> ( pḫr(w) štȝt ), <<
Celui-dont-le-coeur-est-fatigué >> ( [w]rd.w-ỉb ), les régions-mystérieuses font références à des
paysages de l'Au-Delà139. Et l'expression Celui-dont-le-coeur-est-fatigué est une épithète d'Osiris.
Toutefois, on peut quand-même observer dans ce passage que le dieu a un rôle de Créateur, ce qui
lui confère donc aussi un côté solaire : << il fait respirer >>, << il fait vivre >>. Quant à la mention
de << Horus-au-Bras-Fort >> ( ḥr ṯmȝ-ˁ ), il s'agit d'une épithète propre à Amon ou parfois à Min140.
Enfin, Shentyt est une déesse mais elle est mentionnée ici avant tout par jeu de mot car ce mot
signifie également ''veuve''141. En effet, Shentyt est souvent considérée comme un doublet d'Isis

135 BARUCQ, DAUMAS, 1980, p.302


136 Wb., III, p.377
137 BARUCQ, DAUMAS, 1980, p.308
138 BARUCQ, DAUMAS, 1980, p.308
139 JACQ, 2010, p.134
140 BARUCQ, DAUMAS, 1980, p.526
141 BARUCQ, DAUMAS, 1980, p.318

112
L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

dans sa fonction de veuve éplorée142. À l'époque tardive Shentyt devient une sorte d'épithète d'Isis
où elle est connue sous Isis-Shentyt 143. Cette mention vient donc renforcer l'aspect funéraire de ce
passage déjà marqué avec les allusions à Osiris et aux paysages de l'Au-Delà. Amon est donc
également celui qui protège la veuve. Ce qui lui confère un caractère ''populaire'' soucieux d'aider
les faibles.

Cat. 12. Hymne à Amon-Rê de Hibis :

Ce court extrait se trouve dans une inscription hiéroglyphique gravée en colonnes. Le texte
se trouve sur les parois du mur sud de la salle hypostyle du Temple de Hibis. Notre extrait est tiré
d'un long hymne qui n'est pas très bien conservé et comporte beaucoup de lacunes. Cependant notre
passage est assez bien conservé. Comme pour nos autres extraits tirés de ce Temple, on observe des
orthographes inhabituelles, certainement fautives. Nous n'avons pas non plus très bien compris la
dernière phrase et sa signification exacte (<< rȝ r pḥwy.t >>) mais cela n'est pas très important pour
notre étude.

L'hymne est dédié comme le précédent à la forme locale d'Amon. Même s'il n'est pas inscrit
au même endroit que le précédent, les problématiques sont à peu près les mêmes. Pour notre étude il
vient compléter l'autre au sein de notre corpus. Il semblerait que le texte de cet hymne soit en partie
parallèle à celui du papyrus Harris 501 144. Notre extrait met l'accent avant tout sur le côté Créateur
d'Amon, une fois de plus.

142 CORTEGGIANI, 2007, p.99-100


143 NÛR AD-DÎN, 2014, p.272
144 BARUCQ, DAUMAS, 1980, p.318

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

3. Les rituels :

Enfin, nous arrivons à une partie importante de notre corpus. En effet, un grand nombre de
nos extraits sont tirés du même ensemble. Nous l'avons toutefois divisé en deux sous-catégories
pour plus de clarté, bien qu'ils soient peu différents les uns des autres.

Les textes suivants sont donc tous extraits du Rituel d'Amon, ou appelés aussi par A. Moret
Le Rituel du Culte divin journalier en Égypte145. Ces appellations sont modernes mais rendent bien
la réalité de ces textes puisqu'il s'agit bien de textes liturgiques qui étaient utilisés lors des rituels
dispensés quotidiennement. Le nôtre est inscrit sur le papyrus Berlin 3055 et était utilisé pour le
culte du dieu Amon, d'où le nom de Rituel d'Amon que nous utiliserons dans notre travail. Toutefois
146
le titre exact, c'est-à-dire le titre donné par les ''auteurs'' à ce papyrus est le suivant : <<
Commencement des chapitres des rites divins faits dans la maison divine d'Amon-Râ, roi des dieux,
au cours de chaque jour, par le grand prêtre de service en ce jour >>.

Le papyrus a été acheté à Luqsor en 1845 par K.R. Lepsius pour le compte du Musée de
Berlin147 d'où son identification moderne de ''Papyrus du Musée de Berlin 3055''. Ce manuscrit
mesure 5 mètres de long et 25 centimètres de large et est écrit en écriture hiératique 148. A. Moret qui
a réalisé la transcription hiéroglyphique à partir du texte hiératique, parle d'une <<belle
écriture>>149. Les études sur ce rituel proprement dit n'ont pas été nombreuses. A. Moret présente
l'étude la plus complète avec non seulement la transcription hiéroglyphique du texte mais également
la traduction intégrale et commentée150. Récemment C. Carrier a également proposé une traduction
intégrale du rituel151, ce qui permet d'avoir une traduction évidemment plus précise que celle de
1902. Cependant, C. Carrier se base sur la transcription hiéroglyphique de A. Moret.

Le rituel d'Amon n'est pas propre au culte d'Amon ni à une époque en particulier. Chaque

145 MORET, Le Rituel du Culte divin journalier en Égypte, 1902, Paris.


146 MORET, 1902, p.7
147 KOENIGLICHEN MUSEEN ZU BERLIN, 1901, p.3
148 MORET, 1902, p.2
149 MORET, 1902, p.2
150 MORET, Le Rituel du Culte divin journalier en Égypte, 1902, Paris.
151 CARRIER, Le Rituel du Culte divin journalier de l'Égypte ancienne (Papyrus Berlin 3055), 2015, Montigny-le-
Bretonneux

115
L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

dieu et chaque temple a ses spécificités, ses fêtes, ses rites spéciaux mais il existe un rituel plus ou
moins commun appliqué partout et quotidiennement 152. Celui d'Amon est d'origine thébaine153 et
date de la 21ème ou 22ème dynastie c'est-à-dire de la Troisième Période Intermédiaire 154. On
retrouve donc ces textes utilisés pour d'autres dieux (Osiris, Horus, Isis, Ptah,.. 155) et surtout à
d'autres époques. Les premières attestations qui nous sont connues sont celles de la 19ème dynastie,
inscrites sur les murs des Temples d'Abydos, et se retrouvent jusqu'aux périodes tardives, de
manière très semblable156. C'est ainsi que l'on peut considérer le papyrus Berlin 3055 et les
inscriptions des Temples de Dandarah, Edfou et Abydos comme des variantes d'un même rituel 157,
bien que chronologiquement ils s'étalent de la 19ème dynastie à l'époque ptolémaïque. Néanmoins,
toutes les versions ne sont pas égales non plus puisque certaines ne présentent pas le rituel en entier.
La seule en notre possession qui comprend le rituel en entier est le papyrus de Berlin 3055. Ce
papyrus comporte 66 chapitres, dont 29 sont identiques à ceux d'Abydos 158. Ces 66 chapitres
peuvent ensuite être subdivisés en différentes parties, généralement sept groupes que J. Vandier
résume comme ceci159 : 1. Cérémonies préliminaires, 2. Première ouverture du naos (illustration 5),
3. Adoration du dieu (illustration 6), 4. Embrassement du dieu (illustration 7), 5. Deuxième
ouverture du naos, 6. Toilette du dieu, 7. Cérémonies finales. On se rend compte aisément en le
lisant, que c'est un rituel assez long et nécessitant un matériel assez important de différentes sortes.

Ces textes n'étaient très certainement pas connus de n'importe qui puisqu'ils servaient au
culte très secret des Temples. Il est évident que les actes rituels étaient accomplis par un prêtre mais
que l' ''auteur'' du culte était bien le Pharaon. En effet, le Pharaon ne pouvant pas être présent dans
tous les Temples d'Égypte, n'avait d'autre choix que de déléguer sa fonction à un prêtre le
représentant pour le culte160. C'est pourquoi les représentations des Temples nous montrent toujours
le roi officier alors que la réalité était autre. Mais le fait est que c'est bien le roi qui est le garant des
cultes, donc il est tout à fait logique de le représenter lui. D'autant plus que le Rituel du culte divin
journalier est à la fois un culte solaire et osirien161. Le Pharaon a donc le rôle de Horus fils

152 MORET, 1902, p.3-4


153 MORET, 1902, p.3
154 CARRIER, 2015, p.XXIII
155 MORET, 1902, p.2
156 DAVID, 1981, p.74
157 DAVID, 1981, p.77
158 CARRIER, 2015, p.XXIII
159 VANDIER, 1949, p.164
160 SAUNERON, 1957, p.45
161 DAVID, 1981, p.58

116
L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

d'Osiris162. Pour A. R. David, c'est à partir de la 18ème dynastie que le Rituel du culte divin
journalier devient un rituel alliant à la fois le culte solaire et le culte osirien pourtant à la base bien
distincts163. Il faut bien comprendre qu'ici l'auteur parle de la façon d'accomplir les actes, l'origine
des formules; en effet ce rituel allie des traditions venant de différents endroits164. Mais il ne faut pas
perdre de vue que tout rituel d'adoration ou funéraire est complètement lié dans ses fondements,
même si par la suite les façons de faire peuvent différer quelque peu. Déjà parce que le but en est le
même et ensuite parce que l'origine mythique de tout rituel passe pour être le rituel qui a été fait
pour la première fois sur Osiris165 pour lui donner la vie éternelle. Donner la vie, c'est-à-dire faire
venir un élément de la personne ou du dieu dans un support quel qu'il soit 166. Cet élément s'appelle
le ba et c'est par le rituel que cette opération est possible167. Un support donc inanimé à la base
devient vivant car habité par un élément du sujet du culte. À partir de là il est prêt pour recevoir un
culte et donc être maintenu en vie. Que ce soit un culte rendu à un dieu dans un Temple ou un culte
funéraire pour un défunt ordinaire, le but est le même. Le support peut donc être de différentes
natures : statue ou momie (humaine), mais aussi pourquoi pas une pierre (bétyle), une momie
d'animal168, etc. Renaître après la mort est donc une action qui rend divin, ce genre de rituels est
encore utilisé pour le Pharaon qui est considéré comme un dieu 169 car il est le représentant de Horus
sur Terre.

L'intérêt pour nous de ce rituel est qu'il utilise très fréquemment l'encens, les huiles
parfumées, et nous donne plusieurs informations intéressantes pour notre étude, comme nous le
verrons plus loin. En effet les produits odoriférants sont très importants, c'est pourquoi ils sont
indissociables de ce rituel. Bien qu'omniprésentes dans les rituels égyptiens, les odeurs passent
souvent inaperçues par la foule d'informations et d'études qui peuvent être faites à partir de tels
ouvrages. Il est intéressant ici d'apporter une nouvelle vision parmi celles qui ont déjà été étudiées
et celles qui suivront.

162 DAVID, 1981, p.58


163 DAVID, 1981, p.58
164 DAVID, 1981, p.58
165 MORET, 1902, p.33, SHÎMY, 2005, p.150
166 CORTEGGIANI, 2007, p.137
167 MORET, 1902, p.17
168 En effet, une momie d'un animal sacré (rattaché à un dieu et non représentant directement le dieu sur Terre), tel le
chat, peut une fois momifié remplir la même fonction qu'une statue pour abriter en tant que support le ba du dieu.
Voir : DUNAND, LICHTENBERG, 2012, p.240-241
169 HORNUNG, 1987, p.120

117
L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

a. Encensements :

Dans cette catégorie, nous avons regroupé les différentes formules du Rituel d'Amon qui sont
utilisées pour différents encensements (illustration 8). La longueur de ces formules est variable mais
généralement assez courte car elles s'inscrivent dans un ensemble d'autres formules que constitue le
rituel qui est lui relativement long avec l'accumulation de tous ces petits ''chapitres''. Nous avons
choisi à chaque fois de les donner en entier, du début à la fin et sans retirer de passage au sein même
du texte. On remarque que les formules d'encensement se retrouvent tout au long du rituel et dans
toutes ses différentes étapes. Puisque le but en est souvent à peu près le même à chaque fois, il est
notoire que certains éléments du texte se retrouvent presque à chaque fois dans les différentes
formules.

Cat. 13. Chapitre des encensement du Rituel d'Amon :

Il s'agit du chapitre 35 selon la numérotation qu'indique A. Moret170. La formule porte le titre


de : << Formule pour l'encensement >> (<< rȝ n sntr >>). cette formule était prononcée dans la
cinquième partie du Rituel, c'est-à-dire la deuxième ouverture du naos 171. Le texte est bien conservé
et A. Moret n'indique aucune lacune dans sa transcription hiéroglyphique 172. Il est particulièrement
intéressant pour notre problématique puisqu'il mentionne non seulement l'importance de l'encens
dans le rituel, et le vocabulaire lié aux odeurs est très présent.

Cat. 14. Rituel d'Amon, formule récitée lors d'un encensement :

Chapitre 36 du Rituel d'Amon, il se situe également comme le précédent dans la cinquième


partie : la deuxième ouverture du naos. Il semblerait que ce chapitre soit une variante plus longue du
précédent, puisqu'il porte le titre de : << autre (formule) >> (<< ky (rȝ) >>). En tout cas, aucun

170 MORET, 1902


171 VANDIER, 1949, p.164
172 MORET, 1902, p.115-116

118
L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

doute qu'il s'agit bien d'une <<autre>> formule pour l'encensement. A. Moret indique que cette
formule survient au moment où l'on présente les offrandes au dieu et que ce genre d'action est
toujours accompagnée d'une fumigation173. Ces offrandes de nourriture sont brûlées en holocauste et
leur fumée se mêle à celle des résines parfumées174. Ici aussi, il n'y a aucune lacune dans le texte,
comme on peut le voir sur le papyrus.

Cat. 15. Chapitre de l'encensement du Rituel d'Amon :

Cette formule assez courte est le chapitre 21. Il s'agit de la dernière formule de la troisième
partie du Rituel, appelée : Adoration du dieu175. Le titre indiqué de ce chapitre est : << Formule de
l'encensement >> (<< r(ȝ) n sntr >>). Certains passages sont identiques à ce que l'on trouve dans
les autres formules. Mais en plus de cela, une partie de ce texte se retrouve également dans certains
rituels funéraires176. Ici, il est intéressant de remarquer la mention de la déesse vautour Nekhbet et
de sa ville Nekheb (actuel Al-Kâb 177). Cette déesse est liée à la royauté pharaonique et représente la
Haute-Égypte178. C'est pourquoi elle est souvent associée à Ouadjet qui elle représente la Basse-
Égypte179. On peut se demander pourquoi ici Ouadjet n'est pas mentionnée. Il est vrai qu'Amon est
originaire de Haute-Égypte mais de par son rôle étroit avec la politique depuis la 12ème dynastie 180
on aurait pu s'attendre à ce que Ouadjet soit aussi mentionnée. À moins que ce soit à cause que la
résine-ménet-our, citée dans cette formule, soit liée à cette région pour des raisons que nous
ignorons. En tout cas, il semble très difficile de trancher sur cette question. Un autre problème s'est
posé pour notre traduction. Il s'agit de cette phrase : << pd~n tw pr-ˁȝ m rn=k pwy n pd.w >>. le
sens est très obscur et il est difficile de proposer une bonne traduction du terme ''pd''181. À titre
d'exemple, A. Moret a traduit cette phrase de la manière suivante : << le Pharaon t'a fait voler (ped)
en ce tiens nom de Ped >>182, alors que C. Carrier l'a rendue par : << Si Pharaon t'a diffusé, c'est en
ce nom qui est tien de ''Diffusé'' >> 183. Cependant, cela n'est pas très grave pour la compréhension

173 MORET, 1902, p.119


174 MORET, 1902, p.119
175 VANDIER, 1949, p.164
176 MORET, 1902, p.78-79
177 ‫الكاب‬, se trouve à environ 80 km au sud de Luqsor.
178 NÛR AD-DÎN, 2014, vol.1, p.314
179 NÛR AD-DÎN, 2014, vol.1, p.314-315
180 NÛR AD-DÎN, 2014, vol.1, p.78
181 Wb., I, p.567
182 MORET, 1902, p.78
183 CARRIER, 2015, p.15

119
L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

générale de la formule. Enfin, il n'y a pas de lacune dans notre extrait.

Cat. 16. Chapitre pour encenser l'Ennéade du Rituel d'Amon :

Chapitre 43 du Rituel d'Amon qui est la première formule de la sixième partie : la Toilette du
dieu184. Cette formule assez courte porte le titre de : << Formule pour encenser l'Ennéade >> (<< rȝ
n sntr n psḏ.t >>). Par Ennéade, il faut ici comprendre que le but est d'associer à ce rituel les autres
dieux adorés dans le Temple d'Amon. Il ne faut donc pas comprendre le mot Ennéade de manière
littérale où il s'agirait forcément d'un groupe de neuf dieux. Le texte est très clair ensuite et nous fait
comprendre qu'il s'agit bien tout simplement des dieux dans << la suite d'Amon dans son Temple >>
(<< ỉmy.w-ḫt ỉmn m ḥw.t-nṯr=f >>), en insistant bien sur le fait qu'ils sont tous concernés : << les
dieux de Haute Égypte et de Basse Égypte >> (<< nṯr.w m šmˁw mḥw >>), << au complet >> (<< mỉ
ḳd=sn >>). A. Moret l'a remarqué également et parle d'associer notamment les parèdres d'Amon 185.
Il n'est pas étonnant d'avoir une sorte de décalage entre le titre et la fonction réelle de la formule, car
le Rituel d'Amon, comme nous l'avons déjà dit plus haut, n'a pas été rédigé pour Amon. Il s'agit de
textes certainement très anciens qui sont adaptés à chaque fois pour le dieu en question. Cette
adaptation se limite parfois simplement à changer le nom et les épithètes du dieu. Ce qui explique
pourquoi des formules d'Abydos et de ce papyrus sont presque identiques 186. Pour cette formule
même, on pourrait imaginer remplacer le nom d'Amon par celui d'un autre dieu et cela
''fonctionnerait'' très bien aussi. À peu près de la même manière que les formules du Livre des Morts
étaient écrites à l'avance, et le prénom et titulature du propriétaire rajoutés ensuite dans les espaces
''blancs'' prévus à cet effet.

Cat. 17. Chapitre pour le bol d'encens du Rituel d'Amon :

Chapitre 61 faisant partie de la septième partie appelée : Cérémonies Finales187. Cette courte
formule porte le titre de : << Formule pour le bol d'encens >> (<< rȝ n ỉˁb n sntr >>). Ce chapitre
était prononcé au moment de diverses autres chapitres de purifications. Le papyrus est un peu abîmé

184 VANDIER, 1949, p.164


185 MORET, 1902, p.167
186 En effet, 29 chapitres du papyrus Berlin 3055 sont identiques à ceux d'Abydos, voir CARRIER, 2015, p.XXIII
187 VANDIER, 1949, p.167

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

à un endroit, mais pas de lacunes importante.

Cat. 18. Chapitre pour l'encensement final du Rituel d'Amon :

Chapitre 65, avant-dernière formule du Rituel d'Amon. Il s'agit ici comme pour le texte
précédent, de la septième partie : cérémonies finales. Chapitre assez bref portant le titre de : <<
Formule pour l'encensement >> (<< rȝ n sntr >>). cette formule n'est pas très différente des autres
et certains éléments s'y retrouvent. Même problème qu'avant d'ailleurs avec le terme ''pd''188.

188 Voir plus haut : cat. 15

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

b. Offrandes de parfums et autres :

Dans cette catégorie, nous avons regroupé les différentes formules du Rituel d'Amon qui
concernent l'offrande ou la présentation de parfums (illustration 9), c'est-à-dire produits odoriférants
sous forme d'huile ou d'onguent plutôt. Nous avons également placé un chapitre un peu différent
mais qui nous était utile pour notre étude. Cette catégorie étant moins importante que celle sur les
encensements, recense donc en quelque sorte tous les autres chapitres de ce Rituel qui nous sont
utiles pour notre étude. À noter encore que cette fois-ci, à la différence de la catégorie précédente,
nous ne présentons ici que des extraits de chapitres. En effet, ils étaient assez longs, et il nous
semblait nécessaire pour plus de clarté et de précision de retirer de longs passages inutiles à notre
sujet.

Cat. 19. Chapitre de l'offrande d'onguent du Rituel d'Amon :

Cette formule constitue le chapitre 54 faisant partie de la sixième partie du Rituel d'Amon :
la Toilette du dieu189. Il s'agit ici d'un extrait qui donne presque entièrement la longue formule de ce
chapitre. Nous en avons retiré seulement la fin après l'énumération de tous les différents produits.
Le titre de ce chapitre est : << Formule pour offrir l'onguent >> (<< rȝ n ḥnk m mḏ.t >>). Ce
chapitre est notamment intéressant par la liste de produits odoriférants de différentes natures qu'il
donne. Outre le côté rituel de cette formule, il y a une véritable liste de produits donnée ici. On
remarque d'ailleurs la façon, plutôt originale et peu habituelle (dans ce papyrus), dont le texte est
écrit. La partie où sont énumérés les différents produits est faite sous forme de liste où s'intercale
entre le nom du produit et la formule qui lui correspond : une phrase qui se lit de haut en bas. À
chaque ligne se trouve un ou deux mots. Ainsi on peut lire : << Amon-Râ, Maître du Trône du
Double Pays >>, cette phrase est inscrite deux fois. Pour mieux la faire apparaître et pour une
compréhension facilitée, nous avons choisi de mettre les mots de cette phrase en évidence en les
écrivant en vert dans la traduction française. A. Moret mentionne d'ailleurs que dans le Temple
d'Abydos ces huiles qu'il nomme <<canoniques>> se retrouvent écrites dans un tableau 190. Rien

189 VANDIER, 1949, p.167


190 MORET, 1902, p.191, note 7

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

d'étonnant, en effet, puisqu'il semble bien que l'écriture hiératique ici imite une sorte de tableau
imaginaire en disposant ainsi les signes. Outre les jeux graphiques, il y a également quelques jeux
de mots facilement identifiables dans ce texte. Comme souvent dans les textes égyptiens, l'auteur
joue sur les assonances entre des mots, des noms qui se prononcent de manière proche. Même si
cela est hors de notre propos, nous en citons un pour exemple : le jeu de mot entre l'huile-baq
(bȝḳ191) et le verbe baq (bȝḳ192) qui signifie ''être brillant, clair''. On peut aussi se demander pourquoi
le titre parle uniquement d'onguent (medjet) au singulier, alors que la formule nous dresse une liste
d'autres produits. Certainement qu'un tel nombre de produits n'étaient pas utilisés au quotidien, mais
réservés aux jours de fêtes, la formule ne nécessitant alors qu'un seul onguent (visiblement non
déterminé) réellement (c'est-à-dire de manière physique). La simple mention orale des autres
produits valait comme une véritable offrande, puisque la parole et l'écrit ont un pouvoir magique en
Égypte. On peut certainement aller jusqu'à dire que cette formule sert de rappel à un rituel ou à des
offrandes faites à une occasion spéciale. En effet, on observe ce genre de phénomène ailleurs dans
les textes : où certaines formules sont des résumés d'un rituel plus complexe qui a pour fonction de
le rappeler, car il n'est pas nécessaire de le faire en entier à chaque fois 193. Enfin, A. Moret indique
que cette formule et l'utilisation des produits cités par la formule se retrouvent en contexte funéraire
également194.

Cat. 20. Chapitre du parfum de fête du Rituel d'Amon :

Il s'agit ici du chapitre 20 se trouvant dans la troisième partie, celle de l'Adoration du dieu 195.
Comme pour le précédent, il s'agit d'un extrait. Nous avons retiré quelques lignes au sein même du
texte, car ce passage obscur ne nous semblait pas indispensable pour notre étude. Ce chapitre porte
le titre << Formule du parfum de fête sous forme de miel >> (<< r(ȝ) sty-ḥb m by.t >>). À part
l'utilisation du miel qui n'apparaît que dans cette formule, il n'y a rien de très différent ici par
rapport aux autres textes de notre corpus qui sont issus de ce rituel.

191 Wb., I, p.424


192 Wb., I, p.424
193 C'est le cas par exemple où une formule du Rituel d'Amon vaut pour rappel du Rituel d'Ouverture de la Bouche,
voir MORET, 1902, p.204
194 MORET, 1902, p.196
195 VANDIER, 1949, p.167

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Cat. 21. Chapitre de présenter Maât du Rituel d'Amon :

Extrait du long chapitre 42 se trouvant dans la cinquième partie du rituel : Deuxième


Ouverture du Naos196. Le chapitre étant très long, nous avons gardé seulement ce qui nous était
utile. Le titre de ce chapitre est : << Formule de présenter Maât >> (<< rȝ n ḥnk mȝˁ.t >>197). Cette
formule était prononcée lors de l'offrande de la statuette de Maât comme son titre l'indique. On peut
observer facilement sur les représentations des Temples cette offrande qui paraît banale et anodine.
Ce texte nous en apprend plus sur la signification très symbolique qu'il y a derrière cet acte.

196 VANDIER, 1949, p.167


197 Rituel divin j., p.138, XX,2

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

Chapitre II : Lexicographie en relation avec les odeurs

Pour compléter l'analyse de notre corpus, il était nécessaire d'effectuer une brève étude du
vocabulaire en relation avec les odeurs, pour mieux comprendre notre sujet et le pourquoi de
certaines traductions. Ce genre d'étude étant tout de même longue et compliquée, nous nous
sommes basé bien sûr uniquement sur les textes de notre corpus pour choisir les termes à expliciter.
Nous avons réparti les différents termes en plusieurs catégories :
1. Termes présentant un intérêt particulier
2. Termes bien connus, ne posant pas de problème
3. Termes moins importants par rapport à notre corpus
Ceci afin de gagner du temps et parfois aussi de ne pas refaire des études qui ont déjà été effectuées.

1. Termes présentant un intérêt particulier :

- bˁḥỉ 198: inonder, embaumer (odeur) ; envahir, submerger (sentiments) ; abonder (biens)

Le verbe bˁḥỉ apparaît quelques fois dans nos textes. Il est bien de s'arrêter dessus car il n'est
pas propre à l'odorat mais est utilisé pour en parler parfois. On ne peut pas dire qu'il ait été mal
compris ou mal traduit en ce qui concerne les textes en rapport avec l'odorat. Cependant, il nous
semblait nécessaire d'en parler car il s'agit d'une expression avec une acception assez large, dont
celle en rapport avec l'odorat n'est peut-être pas toujours connue. De plus bˁḥỉ exprime une notion
intéressante lorsqu'on parle d'une odeur. On traduit donc généralement ce verbe par : ''inonder'', ceci
dans son sens large comme en Français pour parler d'odeur également. Voici les exemples tirés de
nos textes :

Cat. 3 : ˁḥ bˁḥ(=w) (m) sty nṯr = Le palais a été inondé du parfum du dieu.

198 Wb., I, p.448

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

Cat. 4 : p.t tȝ bˁḥ(=w) m sṯ(y) nṯr = Le ciel et la terre sont inondés de la senteur divine.

Visiblement, malgré une acception assez large de ce terme, il est souvent utilisé pour parler
de quelque chose de positif. Ici l'odeur du dieu évoque un parfum très agréable. On trouve donc bˁḥỉ
dans d'autres registres :

1° Pour évoquer une abondance de biens :

Chapelle de Hatshepsout : bˁḥ~n(=ỉ) ḥr=s199 = (J')ai abondé (en biens) grâce elle.200

2° Pour parler d'un sentiment qui envahit quelqu'un :

Chapelle de Hatshepsout : bˁḥ~n [šf]šf.t[=ỉ] tȝ.wy201 = [Mon] prestige inonde les Deux Terres.

3° Pour parler de notions assez vagues :

Chapelle de Hatshepsout : bˁḥ(=w) tȝ.wy m nbw st[w.t =f] 202 = Les Deux Terres sont submergées par
l'or de [ses] rayons.

- nwd203 : faire/obtenir un onguent, extraire (parfumerie), …

Terme particulièrement intéressant pour notre sujet même s'il ne se retrouve qu'à quelques
reprises dans nos textes. Nous avons choisi cependant de nous attarder quelque peu sur lui car il

199 Chap. Karnak, I, 142 1.8.


200 Nous suivons la traduction de CHEVRIER, LACAU, 1977, p.143
201 Chap. Karnak, I, 145 1.1
202 Chap. Karnak, I, 130 1.7
203 Wb., II, p.226

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

n'est pas toujours très bien compris et aucune étude ne semble avoir été faite dessus. Nous n'avons
pas la prétention d'en faire une étude ici, mais simplement de mentionner quelques informations et
éventuellement des pistes de réflexions. Déjà il faut rappeler que ce terme est visiblement assez rare
car l'on trouve que peu d'informations dessus. Dans les ouvrages lexicographiques de D. Meeks 204,
peu d'informations à son sujet. De plus cette expression nous parait intéressante car elle semble ne
se retrouver que dans le contexte de l'odorat, des odeurs, des parfums surtout, et de leur fabrication.
Il s'agit alors d'un terme véritablement technique à la parfumerie. Habituellement, les Égyptologues
le rendent par : cuire, presser, filtrer. Pour notre part nous comprenons cette notion comme un verbe
signifiant : réaliser ou fabriquer un onguent à partir d'un produit pour en faire un onguent ou une
huile. Il y a donc la notion de << fabriquer >>, <<obtenir>>, <<extraire>> peut-être au moyen d'une
<<cuisson>> ou d'un <<pressage>> mais ces traductions traditionnelles sont peut-être un peu trop
précises selon certains contextes, ou même quelque peu artificielles. Il est possible aussi que les
déterminatifs (un brasier ou un pressoir) attestés de ce terme aient influencé les traductions.Voici ce
que nous avons pu observer dans notre corpus :

Cat.8 : sft mnỉ.t šbn=w ḥr ỉhm.t r nwd mrḥ.t ỉmy.t ḥˁ.w=k = L'huile-sefet et la résine-ménit sont
mêlés à la résine-ihem, pour obtenir un onguent issu de tes membres.

Cat.5 : smȝˁ=t n=ỉ s.t (...) r nwd.t mḏ.t ḥˁw nṯr = Puisses-tu me consacrer cela,(...), pour exprimer
l'huile des membres divins.

Cat.5 : ỉn=tw ẖr ˁntyw ỉm r nwd.t mḏ.t ḥˁw-nṯr = Qu'on en rapporte de la résine-ântiou afin
d'extraire l'huile de la chair divine.

Il semblerait que l'expression nwd soit un terme précis et réservé au contexte de la


parfumerie. Il exprime en fait la même chose, peut-être de manière plus précise, qu'un terme plus
courant et d'acception plus large : šd205 (= tirer, extirper, diviser, enlever,...). C'est ce que remarque
également N. Baum sur le sens nwd206. Voici un exemple tiré du Temple d'Edfou 207:

ỉr kȝ.t n nwdt(y) ỉm=f r šd sḳn=f = Faire le travail du parfumeur grâce à lui pour en tirer/extraire sa

204 MEEKS, 1980-1982, t.1,t.2,t.3


205 Wb., IV, p.561
206 BAUM, 1999, p.437
207 Edfou, VI, 163, 13

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

matière grasse.

En dehors de notre corpus, il a été difficile de trouver d'autres exemples. De plus, il semble
qu'on trouve plus facilement des exemples dans des textes datant de l'époque ptolémaïque. Nous en
citerons un, pour exemple. Pour un exemple antérieur (?), il aurait fallu consulter peut-être l'ouvrage
cité par D. Meeks208 mais qui est malheureusement relativement rare209.

210
Temple de Dandarah : ḏd-md.w šsmw (?) nb ẖ.t nwd(=w) mḏ(.t) n psḏ.t = Dire les paroles :
Shesmou, Maître du Temple, Celui qui fabrique l'onguent pour l'Ennéade.

Enfin, on remarque qu'à partir de ce verbe nwd, dérivent d'autres expressions :

nwd211 qui signifie ''pommade'', ''onguent'' et qui exprime tout simplement le résultat de l'action du
verbe nwd. On le retrouve dans nos textes :

Cat.5 : nwd.w šps.w = des onguents nobles.

Mais aussi nwd(ty)212 qui désigne celui qui est chargé de fabriquer ces onguents. Nous ne le
213
rencontrons cependant pas dans nos textes. Voici un exemple tiré du Temple d'Edfou déjà utilisé
plus haut :

ỉr kȝ.t n nwdt(y) ỉm=f r šd sḳn=f = Faire le travail du parfumeur grâce à lui pour en tirer sa matière
grasse.

Et encore un autre exemple, tiré, cette fois-ci, de la tombe de Petosiris de Tûnah al-Gabal :

nwd.w ḥr ỉr(.t) ˁntyw214 = Parfumeurs fabriquant de l'ântiou.

208 MEEKS, 1980, p.187


209 ḤABACHÎ, TAVOLE, 1977, Tavole d'offerta, are e bacili da libagione, Vol.2, Turin
210 Dandarah VIII, 91, 5
211 Wb., II, p.226
212 Wb., II, p.226
213 Edfou, VI, 163, 13
214 Petosiris, pl. 11

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

2. Termes bien connus, ne posant pas de problème :

Nous avons regroupé dans cette catégorie des termes intéressants pour notre sujet et qui sont
bien connus. C'est à dire qu'ils ne posent pas de problème de traduction et ne nécessitent donc pas
une étude approfondie. Parfois aussi parce qu'une étude convaincante a déjà été effectuée. Bien sûr,
nous ne traitons que des termes se retrouvant dans notre corpus. Cependant, nous regroupons des
termes intéressants qui ne sont pas forcément présents de nombreuses fois dans nos textes.

- ḫnm(w)215, ḫnm 216 ; ḫnm 217: odeur, parfum, senteur ; respirer

Ce terme se retrouve très souvent dans les textes de notre corpus, plus d'une dizaine de fois
(en confondant le verbe et le substantif). Il ne pose pas de problème de traduction, et il s'agit d'un
terme généralement bien compris.

La forme que l'on retrouve le plus est ''ḫnm(w)/ḫnm '' qui est un nom commun désignant : la
senteur, l'odeur, le parfum. On retrouve cette expression dans tous nos différents textes relatifs aux
odeurs de l'encens, des dieux, etc. Voici quelques exemples :

Cat.3 : ḫnm.w=f nb m pwn.t = toutes ses senteurs venant de Pount.

Cat.10 : ḫnm nṯr r ỉwf=k = une senteur divine est sur ta chair.

Beaucoup moins nombreux, le verbe ''ḫnm '' qui signifie ''respirer'' se retrouve néanmoins
dans nos textes :

Cat.13 : ḫnm=sn sty=k = ils respirent ton parfum.

215 Wb., III, p.293


216 Wb., III, p.292
217 Wb., III, p.292

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

Cat.14 : ḫnm(w) fnd=k m sntr = ce que ton nez a respiré de cet encensement.

Il semble donc qu'en ce qui concerne le nom commun ''ḫnm(w)/ḫnm '' : qu'il est très proche
de ''sṯy'' et qu'il semble être à peu près interchangeable. De la même manière qu'en Français, on ne
puisse pas vraiment faire de différence entre : ''odeur'' et ''senteur'' par exemple. En effet, on
remarque qu'on peut utiliser aussi bien ''ḫnm(w)/ḫnm '' que ''sṯy'' pour parler de l'odeur divine/ d'un
dieu :

Cat.10 : ḫnm nṯr r ỉwf=k = une senteur divine est sur ta chair.
Et Cat.4 : p.t tȝ bˁḥ(=w) m sṯ(y) nṯr = Le ciel et la terre sont inondés de la senteur divine.

Il est donc clair que ces deux termes sont très proches et qu'il n'y a pas de différence
significative entre eux.

- sṯy, sty, st(y)218 :

Il s'agit du terme qui revient le plus souvent dans nos textes, plus d'une dizaine de fois. Il ne
pose pas de problème de compréhension et est généralement bien compris. Il n'était donc pas
nécessaire de faire une étude approfondie dessus. Il désigne : l' ''odeur'', le ''parfum'', la ''senteur'' de
quelque chose. Voici deux exemples tirés de notre corpus :

Cat.10 : sty {sp-2} ḫmy šn(y)=k = Un parfum est répandu sur ta coiffure.

Cat. 16 : sty wr pr(=w) m ỉr.t ḥr = le fameux parfum sorti de l'Oeil de Horus.

Il est souvent associé au mot ''nṯr'' pour désigner l'odeur divine, le parfum du dieu :

Cat. 4 : p.t tȝ bˁḥ(=w) m sṯ(y) nṯr = Le ciel et la terre sont inondés de la senteur divine.

Comme nous l'avons déjà mentionné, le terme ''sṯy'' est très proche de ''ḫnm''. Ils semblent
218 Wb., IV, p.349-350

133
L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

être assez interchangeables219.


Cependant, à la différence de ''ḫnm'' qui semble toujours évoquer une odeur, une senteur assez
abstraite, ''sṯy'' peut aussi désigner un parfum sous forme de produit. Sans que ce produit soit bien
précis cependant. C'est notamment le cas lorsqu'il est associé à ''ḥb'' :

Cat.19 : sty ḥb mḥ n=k ỉr.t ḥr s<ty> ḥb = Parfum de fête : remplis donc l'Oeil de Horus du parfum
de fête !

- kȝp220 : brûler (parfum, encens), encenser, faire une fumigation

Ce terme n'apparaît qu'une seule fois dans notre corpus. Malgré cela, il est particulièrement
intéressant car il s'agit d'une notion assez précise qu'il est étonnant de ne pas trouver plus souvent.
De plus, sa traduction semble convaincante grâce à l'étude de V. Loret 221 qui donne une étude
lexicographique complète de ce terme, en donnant de nombreux exemples des différents contextes
où se retrouve cette notion. On le retrouve dans deux contextes. Il ajoute cependant que le sens
premier serait celui concernant l'encens car le terme apparaîtrait plus tard dans les papyrus
médicaux222.

1° Contexte religieux : le verbe a donc le sens de << brûler un corps qui dégage de la fumée sans
flammes >>223, ce qui est précisément le cas lorsqu'on brûle de la résine (d'oliban ou autre). Donc on
peut traduire cette notion par ''encenser''.

2° Contexte médical : le verbe a le sens de << fumiger ; fumigation (de drogues diverses odorantes
ou non) >>224, il y a donc aussi la notion de quelque chose qui fait de la fumée ou de la vapeur au
contact de la chaleur.

219 Voir les exemples plus haut, sous ḫnm


220 Wb., V, p.103
221 LORET, Le Kyphi, parfum sacré des anciens Égyptiens, 1887, p.11-14, Paris
222 LORET, 1887, p.12
223 LORET, 1887, p.11
224 LORET, 1887, p.12

134
L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

De ce radical est dérivé un autre mot : ''kȝp'' qui signifie << parfum à brûler >>225.
Cependant, ceci sort du cadre de notre travail puisque nous n'avons pas rencontré ce terme dans
notre corpus. Toutefois, il est intéressant par le fait que ce mot n'indique pas la matière de ce
parfum, mais nous renseigne sur le fait qu'il est fait pour être brûlé. Nous ne sommes pas toujours
dans la possibilité de dire si tel ou tel parfum était utilisé pour une onction ou pour un encensement.
Même en ce qui concerne les résines puisqu'elles peuvent rentrer dans la composition d'huiles226.

Après avoir vu ceci, voilà comment nous avons compris ce terme pour nos traductions :

Cat.10 : kȝp=k ˁn{d}(t)yw kȝp=k snṯr = Tu fais des fumigations de résine-ântiou, tu fais des
fumigations d'encens (senetjer)

Même si ce terme n'apparaît donc qu'une seule fois, il est particulièrement intéressant
comme nous avons pu le voir. Il semble que le terme ''kȝp'' puisse être un synonyme du verbe
''snṯr''227 que l'on rencontre souvent dans nos textes.

225 LORET, 1887, p.13


226 MANNICHE, 2008, p.98-99, l'oliban et la myrrhe pourraient avoir la fonction pratique de fixer et de donner une
consistance au produit.
227 Wb., IV, p.180

135
L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

3. Termes moins importants par rapport à notre corpus

Nous avons qualifié les termes de la liste suivante, de peu important en raison de leurs
apparitions peu nombreuses dans les textes de notre corpus. Ou éventuellement parce qu'ils ne sont
pas d'une importance capitale pour la problématique de notre sujet. À titre indicatif et puisqu'ils ont
tous un rapport avec l'odorat, nous avons choisi de les indiquer ici quand-même. Il s'agit ici, plus
d'une liste lexicale qu'une étude lexicographique.

- ỉȝd.t228, ỉd.t229 : odeur, parfum, senteur

Surprenant aussi, ce terme n'apparaît que très peu dans nos textes. Il semble être un
synonyme de sty mais il est largement moins utilisé que ce dernier. Ainsi, nous ne l'avons qu'à trois
reprises. Il ne pose pas de problème particulier et il semble admis que sa traduction est ''odeur'',
''parfum''. M. Shîmy en parle brièvement dans son étude sur les parfums230.

Cat.6 : ḫnm(.w)=s m ỉd.t nṯr = son odeur est celle de la senteur divine.

Cat.21 : ˁnḫ=k m sty ỉȝd.t=s = Puisses-tu vivre de l'odeur de son parfum !

- fnḏ, fnd231 : nez

Ce terme apparaît à cinq reprises dans nos textes. Sa traduction fait l'unanimité.

Cat.14 : ḫnm(w) fnd=k m sntr pwy = Ce que ton nez a respiré de cet encensement

228 Wb., I, p.36


229 Wb., I, p.152
230 Voir : SHÎMY, 2005, p.189-190
231 Wb., I, p.577

136
L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

- mḏ.t, md.t232 : huile, onguent

Ce terme mériterait une étude plus approfondie car il semble ambiguë et confus surtout dans
la littérature égyptologique. Cependant, nous l'avons placé dans cette catégorie car il n'apparaît que
trois fois dans nos textes. Suivant les contextes, les auteurs le considèrent comme un mot commun
désignant ''huile'' ou ''onguent''. Alors qu'à certains endroits il est considéré comme une sorte d'huile
qu'on appelle alors en Français : ''Medjet'' ou ''onguent-medjet''. A. Moret y voit, lui, une sorte de
''fard''.

M. Dessoudeix : r nwd.t mḏ.t ḥˁw-nṯr233 = pour extraire l'huile de la chair divine234 (Cat. 5)

A. Moret : ḥknw rˁ mḥ n=k ỉr.t ḥr mḏ.t235 = Parfum d'acclamation. Râ, je t'emplis (la face) de fard. 236
(Cat. 19)

A. Moret : rȝ n ḥnk m mḏ.t237 = Chapitre de l'offrande du fard mezet.238 (Cat. 19)

Pour notre part, en vue des exemples ci-dessus, nous avons choisi de considérer le mot
''mḏ.t'' comme un mot désignant un ''onguent'' et non un produit ou un onguent particulier qui doit
être rendu par le même mot en Français. Ce choix est appuyé par le fait que M. Shîmy ne cite pas
d'onguent ou d'huile portant le nom de medjet dans sa liste des huiles canoniques 239. Hors notre Cat.
19 nous mentionne ces huiles dites canoniques y compris le mot ''mḏ.t'' qui est alors très
certainement un nom commun. Visiblement il ne s'agit pas non plus d'une matière spécifique
rentrant dans la composition de parfum car M. Shîmy ne cite pas non plus le terme ''mḏ.t'' dans sa
liste des matières utilisées dans la parfumerie égyptienne 240. Cependant, nous insistons sur le fait

232 Wb., II, p.185


233 DESSOUDEIX, 2012, p.109, 12
234 DESSOUDEIX, 2012, p.109
235 Rituel divin j., p.192, XXXI, 5
236 MORET, 1902, p.194
237 Rituel divin j., p.191, XXX, 8-9
238 MORET, 1902, p.191
239 SHÎMY, 2005, p.33-42
240 SHÎMY, 2005, p.185-232

137
L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

que nous nous sommes basé ici uniquement sur notre corpus. Peut-être une étude plus large avec la
comparaison d'autres textes, pourrait nous donner tort. Et rappelons encore qu'il en est peut-être
autrement aux périodes tardives, l'étude de M. Shîmy, comme son titre l'indique, s'arrête à la fin du
Nouvel Empire241.

- ḥȝt.t242 : onguent(s)

Étonnamment ce terme n'est présent qu'une seule fois dans nos textes.

Cat. 6 : ḥȝt.t ˁntyw ḥr ˁ.wt=s nb.(w)t = Des onguents et de la résine-ântiou sont sur tous ses
membres.

- ḥty.t, ḥtỉ.t243 : trachée, gorge

Ce terme n'apparaît que deux fois dans nos textes et n'est pas d'une importance capitale pour
notre sujet. Ses deux apparitions sont liées au terme ''srḳ''244. Il est souvent traduit plutôt par ''gorge''
mais dans notre contexte ''trachée'' convenait mieux, et nous suivons la traduction proposée dans le
dictionnaire sur les organismes vivants de S. Maqâr245.

Cat.11 : (…) ḥr(-ntt) srḳ ḥt(y){p}.t nb = alors qu'il fait respirer toute trachée

Cat.12 : sš~n=f fnḏ=sn srḳ~n=f ḥtỉ.t=sn = il a ouvert leur nez ; il a fait respirer leur trachée

241 SHÎMY, Al-ˁuṭûr wa maˁâmil al-ˁuṭûr fî Miṣr al-qadîmah, min al-dawlah al-qadîmah ḥattâ nihâyat al-dawlah al-
ḥadîṯah, 2005, Le Caire
242 Wb., III, p.28
243 Wb., III, p.181
244 Wb., IV, p.201
245 MAQÂR, Qâmûs al-gîb lil-kâ'inât al-ḥayyah, 2013, p.10 et p.21, Le Caire

138
L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

- srḳ246 : respirer, faire respirer, souffler

Ce terme n'apparaît qu'à deux reprises dans notre corpus. Il semble également qu'il ne pose
pas de problème de compréhension.

Cat.11 : (…) ḥr(-ntt) srḳ ḥt(y){p}.t nb = alors qu'il fait respirer toute trachée

Cat.12 : sš~n=f fnḏ=sn srḳ~n=f ḥtỉ.t=sn = il a ouvert leur nez ; il a fait respirer leur trachée

246 Wb., IV, p.201

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

Troisième Partie
L'odorat à travers les documents sur Amon

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

Chapitre I : l'odorat dans le Monde des dieux

Il s'agit dans ce premier chapitre de s'intéresser à la portée théologique de nos textes. De voir
quelles sont les informations de la Science religieuse des Égyptiens liées à l'odorat, que notre
corpus renferme. Nous étudierons donc le ''Monde des dieux'' pour comprendre l'importance qu'il y
a dans l'action de sentir et pourquoi ceci est-il important. Nous verrons aussi pourquoi, à travers ce
Monde divin, les bonnes odeurs et les produits odoriférants étaient si chers aux Égyptiens.

1. Le rôle d'Amon

Amon, comme tout autre dieu a des fonctions et on lui attribue un certain nombre de faits.
De par son importance exceptionnelle, il en cumule un assez grand nombre. Ainsi il est
particulièrement pertinent d'étudier les conceptions, les textes et tout ce qui se rapporte à ce dieu.
Alors qu'en est-il des sens et plus précisément de l'odorat ? Quel est le rôle d'Amon en ce qui
concerne l'odorat ? Quel rapport entretient-il avec les produits odoriférants utiles aux cultes ?

a. Créateur de l'Odorat :

Il est évident que le dieu Amon participe à la Création, c'est-à-dire à la Création du Monde,
de l'Univers, etc. Non pas qu'il y participe avec d'autres dieux mais plutôt qu'il en est le Créateur lui
seul, l'Unique. Bien entendu il n'est pas le seul dieu égyptien dont les textes en font un créateur,
mais la Religion égyptienne ayant de nombreux textes mythologiques et de Traditions différentes a
plusieurs versions sur ce phénomène. Toutes les grandes villes ayant des centres théologiques de
grandes renommées avaient leur version de la Création et mettaient bien sûr en avant leur propre
dieu (principal). Il ne faut pas voir ces différentes versions comme des contradictions, mais tout
simplement comme une vision légèrement différente de voir les choses. D'ailleurs un récit

142
L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

mythologique n'a pas la prétention de présenter la vérité, mais d'expliquer ou d'apporter des
réponses sur un phénomène au moyen d'un récit plus ou moins fictif. Quoi qu'il en soit, Amon dans
les textes qui le qualifient de Créateur, montrent bien qu'il est un dieu qu'on qualifie d' ''Unique'' 247.
Ce côté est d'ailleurs renforcé par le fait qu'Amon soit à la fois masculin et féminin puisqu'il est
aussi bien qualifié de père que de mère248.

Ce qui nous intéresse n'est pas les récits qui parlent de la Création de l'Univers et comment
cela s'est-il produit. Mais plutôt des textes faisant de brèves allusions sur le fait qu'il est à l'origine
de tel endroit, tel produit, etc. L'intérêt particulier de la théologie d'Amon sur ces questions, réside
dans le fait qu'elle a été élaborée à partir des trois plus grands foyers théologiques d'Égypte pour
n'en former au final qu'un seul au bénéfice d'Amon 249. C'est notamment ceci qui lui confère son
importance, sans doute. C'est pourquoi Amon devient à la 18ème dynastie Amon-Râ, qui est une
forme d'unicité du dieu d'Amon et du dieu solaire Râ, 250 qui résulte de ces nouvelles conceptions
théologiques englobant les autres traditions.

Rien que dans nos textes nous pouvons observer rapidement qu'Amon est un dieu créateur,
sous sa forme solaire d'Amon-Râ. Quelques extraits tirés par ci par là de notre documentation nous
donnent quelques indications. Dans nos textes, il est surtout question de territoire dont on rappelle
qu'il en est le créateur. C'est le cas dans le papyrus de Berlin 3049 (Cat. 9) où il est dit d'Amon-Râ :
<< Celui qui a créé les Deux-Terres, qui a fondé les Deux Rives, tout [ce qui existe] a commencé
comme une création de son cœur. >> ( twt(w) (?) tȝ.wy grg(=w) ỉdb.wy šȝ~n. ntt nb.t m ḳmȝ m pȝ n
ỉb=f ). Ici, le dieu est clairement qualifié de créateur de l'Égypte et l'accent est bien mis sur le fait
que tout ce qui existe est de son fait. L'expression ''de son cœur'' veut certainement dire qu'il s'agit
d'une création consciente et non accidentelle ou hasardeuse, comme cela peut parfois être le cas
dans les récits mythologiques, comme nous le verrons plus loin. Dans un autre texte, l'hymne du
papyrus Boulaq 17 (Cat. 7), nous apprend qu'Amon-Râ, dont le côté solaire est mis en avant, est
tout de même l'instigateur, même s'il n'est pas directement le créateur à l'origine des choses
suivantes : << pour qui a été formé le désert, l'argent et l'or. (Ainsi que) le lapis-lazuli véritable
selon son désir. (De même que) la résine-ihem et des encens variés >> ( ḳmȝ(w) n=f ḫȝs.t ḥḏ nbw
ḫsbd mȝˁ n mrw.t=f ỉhm snṯr šbn ). Cette fois-ci encore il est question de la création divine d'un lieu

247 DAUMAS, 1970, p.118


248 TRAUNECKER, 2012, p.53
249 NÛR AD-DÎN, 2014, vol.3, p.57
250 GUERMEUR, 2005, p.72

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

géographique, en l'occurrence le ''désert''. Mais le texte indique également des matières telles que
l'argent, l'or, le lapis-lazuli, et des résines parfumées sur lesquelles nous reviendrons ultérieurement.
Amon n'a pas créé seulement l'Égypte puisqu'il est aussi à l'origine des pays étrangers, comme on
peut l'apprendre dans une inscription relative à l'oracle concernant Pount, dont Hatshepsout a pris
connaissance (Cat. 4). Amon dit à propos de Pount : << (moi j')ai parcouru les Plaines de la résine-
ântiou, c'est le territoire sacré du Pays-du-dieu, et c'est aussi ma place de réjouissance. (Je) l'ai créé
pour moi afin de réjouir mon coeur avec Mout, Hathor, Ouereret, la Maîtresse de Pount >> (
hb~n(=ỉ) ḫtyw(.w) n(y).w ˁntyw w pw ḏsr n(y) tȝ-nṯr s.t=ỉ pw grt n(y).t sḫmḫ-ỉb ỉr~n(=ỉ) n=ỉ s(.t) r
sȝb ỉb=ỉ ḥnˁ mw.t ḥw.t-ḥr nb(.t) wrr.t nb.t pwn.t ). Il est donc ici le créateur d'une contrée étrangère,
et ceci n'est pas surprenant car les dieux égyptiens ne sont pas uniquement responsables de l'Égypte.
Les Égyptiens considèrent même que le Créateur est à l'origine des dieux étrangers, puisque ces
derniers ne sont autres que les dieux égyptiens nommés autrement251.

En tout cas, nous pourrions facilement multiplier les exemples concernant la création par
Amon de différentes matières, plantes, endroits, etc. Ces textes sont particuliers car ils ne sont pas à
proprement parler des récits étiologiques, dans la mesure où ils n'expliquent pas le comment de la
création de quelque chose par le dieu. Il s'agit plutôt d'une énumération faisant la liste des bienfaits
de la création du dieu afin de l'exalter, plutôt que de donner une quelconque explication. En fait
cette manière de faire n'est pas directement propre à Amon. Il s'agirait plutôt d'une nouvelle
conception théologique solaire apparue à la 18ème dynastie ''reprenant'' des thèmes plus anciens 252,
souvent mis au profit de la théologie thébaine pour son dieu Amon-Râ 253. Le papyrus Boulaq 17 est
un exemple de ces nouvelles conceptions. Selon P. Grandet, l'hymnologie du dieu Aton ne fait que
pousser un peu plus loin ces conceptions-là, et bien sûr marque une rupture avec Amon en revenant
à une doctrine solaire plus ''pure'' ou en tout cas plus stricte 254. C'est par la suite avec le retour à la
religion traditionnelle et l'échec du monothéisme atonien que la théologie d'Amon-Râ s'est encore
enrichie des conceptions solaires élaborées à Al-ˁAmârnah255. Pourtant ces dernières avaient
combattu et tenté d'anéantir le dieu Amon qui finalement en ressort encore plus puissant ! En tout
cas il est évident que l'on peut comparer les hymnes à Amon, à ceux dédiés à Aton, car les
similitudes sont nombreuses. Ainsi dans la partie que l'on appelle la Révélation 256, il est énuméré la

251 MEEKS, 1988, p.442


252 GRANDET, 1995, p.27
253 GRANDET, 1995, p.27-28
254 GRANDET, 1995, p.28
255 GRANDET, 1995, p.69-70
256 GRANDET, 1995, p.77

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

création d'Aton : l'Univers, les saisons, le temps mais aussi l'Égypte et les pays étrangers, les
différents langages humains, etc. Le passage où il est dit d'Aton : << tu façonnes la terre selon ton
cœur alors que tu es solitaire. (de même que) les humains, le bétail, les petits animaux tout ce qui
est sur terre et qui va sur des pattes (...) le Kharou 257, Koush258 et la terre d'Égypte >> ( ḳmȝ=k tȝ n
ỉb=k ỉw=ṯ m rmṯ mnmn.t ˁw.t nb(.t) nty nb ḥr tȝ šnw ḥr rd.wy (...) ḫȝs.wt ḫȝrw kȝš tȝ n km.t ) est
clairement à rapprocher de notre extrait (Cat. 7) du papyrus Boulaq 17 que nous venons de voir,
concernant Amon-Râ, où il est dit qu'il a été créé pour lui le désert et ce qui s'y rapporte. On peut
également le rapprocher de notre extrait (Cat. 9) papyrus de Berlin 3049 où Amon-Râ est le créateur
de l'Égypte et des << Deux Rives >> avec la même expression : << n ỉb >>. Nous pourrions
continuer les comparaisons avec d'autres exemples mais nous sortirions de notre sujet. En tout cas
les ressemblances sont telles qu'elles font dire à P. Grandet qu'on pourrait remplacer le nom d'Amon
par celui d'Aton dans les hymnes traditionnels, qu'on ne verrait pas vraiment la différence 259. On
remarque donc à travers ces exemples que l'hymnologie d'Amon et celle d'Aton se sont influencées
tour à tour et que ni l'une ni l'autre n'a clairement été complètement innovante. En fait, il faut selon
nous, considérer l'épisode amârnien comme une ''école de pensée'' plutôt qu'une religion nouvelle,
même si son ''défenseur'' ou ''prophète'' 260 Akhénaton a voulu en faire une sorte de doctrine stricte et
intolérante de manière artificielle261. Cette aboutissement théologique s'inscrit en fait totalement
dans l'évolution philosophico-religieuse de la religion égyptienne traditionnelle et a servi dans
l'élaboration théologique d'Amon-Râ. D'ailleurs le fait d'énumérer et d'exalter les dieux solaires est
une manière de faire littéraire, qui va perdurer à la période râmesside, comme le remarque C.
Traunecker, où les textes développent beaucoup de longues <<descriptions de la divinité solaire
unique et lointaine>>262.

Il est donc évident qu'Amon est un dieu créateur, mais venons-en maintenant à ce qui nous
intéresse dans cette étude. Si Amon ou Amon-Râ a tout créé, l'Univers, la Terre, l'Égypte.. il est
également à l'origine des sens qui nous occupent ici. Notre documentation nous informe justement
qu'Amon est le créateur de l'odorat. Dans le Temple de Hibis (Cat. 11), il est écrit à propos de la
forme locale d'Amon que : << il fait respirer toute trachée >> ( ...srḳ ḥt(y){p}.t nb ). Il est donc
257 Contrée de l'act. Syrie
258 Contrée de Nubie
259 GRANDET, 1995, p.28
260 Le terme est assez mal approprié mais on peut comparer Akhenaton comme une sorte de prophète (ou de Messager
- rasûl - comme Muḥammad dans l'islam) à la manière des prophètes des religions dites <<du Livre>>.
261 Artificielle car nier les autres dieux était contraire aux conceptions de cette époque. La preuve en est la disparition
de la ''Religion d'Akhénaton'' comme l'explique GRANDET, 1995, p.28
262 TRAUNECKER, 2012, p.97

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

clairement désigné ici comme le responsable de l'action de respirer, donc de l'odorat. Il n'existe
d'ailleurs pas directement de mot en Égyptien qui rend exactement notre expression ''odorat''.
Toujours dans le Temple de Hibis, un autre texte est intéressant à ce propos (Cat. 12) et affirme que
Amon-Râ : << il a ouvert leur nez ; il a fait respirer leur trachée >> ( sš~n=f fnḏ=sn srḳ~n=f
ḥtỉ.t=sn ). Dans ce long hymne qui énumère la création du dieu, il est souligné qu'il est aussi à
l'origine de l'odorat. Le dieu Amon n'est bien sûr pas le seul qu'on peut qualifier de responsable de
l'odorat. Dans un registre un peu différent car funéraire, on trouve sur la Stèle 551 du British
Museum une inscription mettant en scène cette fois-ci la déesse Maât. Le texte dit : << Louange à
toi, Maât, Dame du vent du Nord, qui ouvre le nez des vivants et puisses-tu donner le vent à celui
qui est dans sa barque. Fais respirer le prince Horemheb (…) comme (les) respire la Dame de Pount
quand elle respire.. >> ( ỉȝ.w n=t Mȝˁ.t nb.t mḥyw swn=t fnḏ.w n ˁnḫ.w dd=t ṯȝw n hry-ỉb wỉȝ=f d=t
ḫnm (ỉ)r(y)-pˁ.t ḥr-m-ḥb mỉ ḫnm nb.t pwn.t ḫnm=s.. 263 ). On comprend alors par là que l'odorat est
un peu comme le souffle vital, il est nécessaire à la vie. C'est ce qu'explique clairement un passage
d'une formule du sarcophage de Sepi en disant : << respire ta fille Maât et porte-la à ta narine afin
que vive ton cœur. Qu'ils ne s'éloignent pas de toi, c'est ta fille Maât et ton fils Shou, dont le nom est
''Vie'' >> ( sn sȝ.t=k mȝˁ.t d n=k s(.t) r ḫn.t=k ˁnḫ(=w) ỉb=k n ḥr=sn r=k sȝ.t=k pw mȝˁ.t ḥnˁ sȝ=k
264
šw ˁnḫ rn=f ). D'ailleurs Amon lui aussi est clairement responsable de la vie ou de la mort,
certainement grâce au souffle de vie qu'il peut donner. C'est pourquoi le papyrus de Leyde indique
bien à propos d'Amon que : << Vie et mort dépendent de lui pour tout homme >> ( ˁnḫ mwt ḫr=st265
n bw-nb 266). En fait, ce sont tous les sens, et non seulement l'odorat, qui ont une importance dans la
religion égyptienne. Comme l'explique très bien S. Emerit, les sens rendent divin et c'est
précisément le but du Rituel d'Ouverture de la bouche qui vise à donner ou à redonner ces sens afin
de rendre le bénéficiaire divin, donc vivant 267. Les sens sont clairement contraires à la mort (et pas
seulement dans le monde divin!). C'est pourquoi S. Emerit, ayant traité la question de l'ouïe dans la
religion égyptienne, rappelle que entendre les dieux, c'est être un dieu 268. On peut encore citer le
Livre de la Sortie au Jour (Livre des Morts) qui souligne dans le papyrus de Nebseny (BM EA
9900) l'importance de l'odorat : << Nebseny, l'air est pour lui, l'air est pour son nez, l'air est pour ses
269
deux narines >> ( nb-sny ṯȝw n=f ṯȝw n fnḏ=f ṯȝw n šr.ty=fy ). Dans cette formule où pratiquement
263 BM 551, III, 20 - 22
264 CT II, 35, c - f
265 Pronom féminin car la phrase précédente parle en fait du << message divin >> (hȝb.t), mot féminin en Égyptien,
envoyé par Amon.
266 P. Leyde I 350, IV, 25
267 EMERIT, 2011, p.83
268 EMERIT, 2011, p.70
269 LdM, CLXXII, p.451, 46

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

toutes les parties du corps (du défunt) sont mentionnées, on remarque que l'action de respirer est
très importante. De plus le texte insiste bien sur le mot ''air'' (<< ṯȝw >>) qui est répété à trois
reprises et qui est pour le nez AINSI que pour les narines, bien qu'il s'agit au fond de la même
chose.

Le dieu Amon, souvent sous sa forme d'Amon-Râ, est donc bien un démiurge. Nous avons
vu qu'il a créé l'Univers et tout ce qui s'y trouve, pour résumer rapidement. En tout cas, ce qui nous
intéresse est qu'il est à l'origine, comme d'autres dieux égyptiens d'ailleurs, des sens et donc bien sûr
de l'odorat. Amon étant un dieu responsable de la Vie (et donc aussi de la mort) 270 a créé les sens car
ils sont essentiels à la Vie. Le fait de respirer rend divin au même titre que tous les autres sens qui
sont contraires à la mort. Les sens sont la Vie.. !

b. La volonté d'Amon

Le rôle du dieu Amon ne se résume pas à la création de l'Univers et de ce qui s'en suit.
Comme nous venons de le voir il est bien un démiurge, et en tant que dieu dispensateur de la Vie, il
a la possibilité de donner le sens de l'odorat. Mais ses fonctions ne s'arrêtent pas à cela. En fait, le
dieu Amon se retrouve dans un nombre presque infini de domaines et son importance est peut-être
encore plus soulignée qu'aucun autre dieu. Ceci pour diverses raisons sur lesquelles nous ne
reviendrons pas ici.

Amon a effectivement une importance politique très marquée. L'évocation de la politique, ou


plutôt du pouvoir, peut surprendre de prime abord dans ce travail. Mais à cette époque-là, les deux
domaines sont totalement liés et de toute façon il faut remarquer que la religion est omniprésente à
peu près partout. De plus, Amon n'est pas le seul dieu à avoir exercé un rôle intimement lié au
pouvoir du Pharaon, comme le rappelle ˁA. Nûr Ad-Dîn, en précisant que ce rôle politique a été
alloué à Amon au Nouvel Empire271 alors que Horus et Bat, par exemple, ont eu un rôle dans

270 ASSMANN, 1995, p.180


271 NÛR AD-DÎN, 2014, vol. 1, p.8

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

l'Unification de l'Égypte272 dans une époque très reculée, où le pouvoir pharaonique s'est mis en
place. Ceci n'est pas surprenant d'ailleurs puisqu'à la base les dieux gouvernaient eux-mêmes la
Terre dont le pouvoir avait été hérité de Râ273. C'est très certainement pour cette raison que les
Égyptiens s'en sont souvent remis aux dieux, même si ceux-ci se ''passent'' tour à tour ce rôle, pour
toutes sortes de choses, notamment des questions liées au pouvoir ou à diverses décisions. En tout
cas le rôle politique d'Amon est évident et peut se remarquer sur de nombreux points, sans doute
encore plus que pour les autres dieux ayant assumé des fonctions analogues. Ainsi, les rites de
couronnement étaient présidés par Amon, comme le montrent les scènes datant de l'époque de
Hatshepsout274. Toujours à la même époque, Amon assumait à peu près tous les rites royaux :
inscription du nom royal sur l'arbre-ished, les jubilés pour la Fête-Sed275, etc. Cependant, le rôle
d'Amon va encore plus loin que cela. En effet, il semble qu'il ait été finalement presque considéré
comme le Roi lui-même, comme le remarque J. Assmann, du moment qu'on le qualifiait de ''nesout-
bity'' et que son nom pouvait être inscrit dans un cartouche au Nouvel Empire 276. En principe,
l'inscription du nom dans un cartouche est le seul fait de Pharaon, à part durant la parenthèse
amârnienne où le nom d'Aton l'était aussi. Encore une fois Thèbes et Al-ˁAmârnah se sont
influencés comme nous l'avons vu plus haut. Il est vrai que l'on peut déjà remarquer dans notre
documentation, que dans le Rituel d'Amon, le dieu de Thèbes est qualifié de manière récurrente
(Cat. 13, Cat. 14, Cat. 15, Cat. 17, …) de << Maître du trône des Deux Terres >> ( nb ns.t tȝ.wy ). Il
s'agit normalement d'une épithète royale mais ceci n'est pas surprenant car C. Traunecker va jusqu'à
dire qu'Amon était même véritablement le roi à la 21ème dynastie 277. Or le Rituel d'Amon date de la
22ème dynastie, ce qui montre bien qu'il s'inscrit totalement dans cette logique. Cependant cette
épithète se retrouve déjà dans des textes antérieurs à la 21ème dynastie. À cette époque, Amon est
un dieu vivant, aussi bien dans les conceptions savantes des prêtres, qu'auprès des fidèles 278. Le dieu
intervient dans beaucoup de domaines et notamment prend des décisions dans le réel à travers les
oracles. Il a donc un rôle clair dans le monde des vivants et y fait savoir ce qu'il veut des Hommes.

Ainsi les oracles étaient très utilisés par les Égyptiens. Ils font partie de ce que qualifie C.
Traunecker de moyen de communication, aussi bien d'un dieu vers un humain que le contraire 279.
272 NÛR AD-DÎN, 2014, vol. 1, p.6
273 NÛR AD-DÎN, 2014, vol. 1, p.5
274 NOBLECOURT, 2002, p.392-393
275 NOBLECOURT, 2002, p.381
276 ASSMANN, 1995, p.148
277 TRAUNECKER, 2012, p.72
278 TRAUNECKER, 2012, p.72-73
279 TRAUNECKER, 2012, p.100-103

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

L'oracle sert au dieu à faire connaître son désir ou à transmettre ses ordres. Tandis que l'Homme
l'utilise pour questionner le dieu sur quelque chose. Les autres moyens de communication sont les
apparitions, les songes, le culte et la prière personnelle 280. Toujours est-il que l'oracle est un moyen
très prisé et assez pratique puisqu'il permet de recevoir des réponses sur à peu près n'importe quel
sujet : que cela soit du passé, du présent ou du futur281. Nombreux sont les dieux (Isis, Apis, Bes,..)
qui rendent des oracles, un peu partout en Égypte 282. Même si on ne sait pas exactement quand cette
pratique commence, elle est certainement très ancienne283. Elle se développe surtout au Nouvel
Empire et le dieu Amon est celui dont nous avons le plus de documentation à ce propos. Bien sûr
nous nous intéressons avant tout ici aux oracles concernant la sphère royale, mais ils sont très
utilisés par toutes les couches de la société égyptienne. En ce qui concerne les oracles dispensés par
Amon, ils peuvent être de plusieurs natures. On peut par exemple interroger le dieu lors de ses
sorties (càd lorsque la statue quitte son sanctuaire) et la réponse se manifeste par le mouvement des
porteurs de la barque du dieu. La réponse ne peut alors être que << oui >> ou << non >>. Il y a
aussi la possibilité d'écrire sur deux ostraca (ou autre support) différents, deux possibilités de
réponse à une question284. Mais les oracles peuvent être aussi plus directs à travers des songes
oraculaires et même une parole directe du dieu dans son sanctuaire. Mais cette dernière n'arrive en
principe qu'au souverain285. Les rois utilisent les oracles afin de traiter différents domaines :
questions militaires, travaux de construction, politique intérieure, choix des hauts fonctionnaires (et
même du Grand Prêtre d'Amon), etc 286. À l'époque des ''rois-prêtres'' les oracles ont pris encore plus
d'importance et étaient utilisés pratiquement pour tout ce qui concernait l'État 287. En effet comme
nous l'avons déjà vu plus haut, la 21ème dynastie considérait Amon comme le véritable Pharaon.
Ainsi on peut observer très facilement à travers la littérature égyptienne et notamment royale, des
exemples de cette volonté divine. Les oracles rendus par Amon au Pharaon pour faire savoir ses
volontés sont assez courant. On peut prendre l'exemple intéressant de la stèle de Piânkhy du Gabal
Al-Barkal288 où il déclare : << Amon de Thèbes m'a donné de gouverner l'Égypte, (de sorte que)
celui à qui je dis : ''Sois couronné !'' se fait couronner, et que celui à qui je dis : ''Ne sois pas
couronné !'' ne se fait pas couronner. (…) Les dieux peuvent faire un roi, les Hommes peuvent faire

280 TRAUNECKER, 2012, p.100-102


281 POSENER, SAUNERON, YOYOTTE, 1996, p.360
282 POSENER, SAUNERON, YOYOTTE, 1996, p.361
283 POSENER, SAUNERON, YOYOTTE, 1996, p.360
284 POSENER, SAUNERON, YOYOTTE, 1996, p.360
285 TRAUNECKER, 2012, p.102
286 POSENER, SAUNERON, YOYOTTE, 1996, p.360
287 POSENER, SAUNERON, YOYOTTE, 1996, p.360-361
288 ‫جبل البركل‬

149
L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

un roi : Moi, c'est Amon qui m'a fait ! >> ( dỉ n=ỉ ỉmn m wȝs.t ỉr(.t) ḥḳȝ n km.t pȝ nty tw=ỉ ḏd n=f ỉr
ḫˁ(.t) ỉr=f ḫˁ(.t) pȝ nty tw=ỉ ḏd n=f m ỉr(w) ḫˁ(.t) bw ỉr=f ḫˁ(.t) (...) nṯr.w ỉr=w nsw.t ỉr=w nsw.t rmṯ
289
ỉr=w nsw.t ỉn ỉmn ỉrr (w)ỉ ). Le terme oracle n'est pas utilisé directement ici, mais l'important est
de remarquer que la volonté d'Amon est bien soulignée dans ce texte. On peut donc constater
qu'Amon avait bien un rôle important dans les décisions de toutes sortes, et notamment politiques.
Encore plus intéressant et cette fois en rapport direct avec notre sujet, Amon n'hésite pas non plus à
ordonner à Hatshepsout d'envoyer une mission importante à Pount, afin d'en ramener toutes sortes
de produits précieux dont évidemment des résines odoriférantes. On peut lire dans le Temple de
Hatshepsout à Daîr Al-Baḥarî concernant l'expédition vers Pount (Cat. 4) : << Oracle du dieu lui
même : cherche les chemins vers Pount (…) (J')ai prédit cela pour toi depuis longtemps, et cela a
été perçu depuis une éternité nombreuse en années. (J')ai prévu d'agir selon ce qui est utile. (Je) t'ai
donné Pount en son entier>> ( nḏw.t-r(ȝ) n(y).t nṯr ḏs=f ḏˁr wȝ.wt r pwn.t (…) sr~n=(ỉ) n=t s.t wȝ
mȝ(=w) s.t ḥnty r nn ˁšȝ m rnp.wt ḫmt~n(=ỉ) ỉr.t n ȝḫ(w).t d~n(=ỉ) n=ṯ pwnt mỉ-ḳd=s ). Le dieu
donne même des indications très précises : << Qu'ils chargent les bateaux >> ( ȝtp=sn ˁḥˁ.w ), <<
Ta Majesté en personne les plantera dans le jardin sur les deux côtés de mon Temple >> ( srd(w)~kȝ
s.t ḥm.t=t ḏ[s]=t [m ḫn]t-š [ḥr gs.wy] ḥw.t-nṯr=ỉ ), << puisses-tu me présenter la résine-ântiou >> (
šms=t ˁntyw ). Dans ces exemples il est clairement question d'oracle, et les désirs d'Amon sont
formulés directement. On peut apprécier toute l'importance accordée au rôle de décision alloué à ce
dieu, déjà à la 18ème dynastie. Néanmoins, nous ne savons pas de quelle manière est survenu cet
oracle : songe, parole directe dans son sanctuaire ? Hatshepsout ne nous indique pas ce détail
malheureusement. Mais elle fait encore une fois écho à cet oracle dans sa Grande Inscription de
l'An 9 (Cat. 5) où elle déclare : << Ma Majesté [a ordonné de donner l'ordre] d'aller vers les Plaines
de la résine-ântiou (…) selon le décret de mon père Amon >> ( wḏ~n] ḥm.t=ỉ rd.t m ḥr r sb.t r ḫtyw
ˁntyw (…) ḫft wḏ ỉt=ỉ ỉmn ). Et elle ajoute encore un peu plus loin : << Ma Majesté a dit : je veux
que vous sachiez ce qui m'est ordonné. (j')ai obéi à mon père (…) Je ne négligerai pas ce qu'il a
ordonné.>> ( ḏd hm.t=ỉ d=ỉ rḫ=ṯn m ntt wdd(w).t ḫr=ỉ ỉw sḏm~n(=ỉ) ḫr ỉt=ỉ (…) nn wsf=ỉ
ḥn(w).t~n=f ). L'importance des ordres du dieu Amon est plus que soulignée dans ces exemples.

Amon a donc clairement un rôle politique marqué. Ce rôle se manifeste très souvent par
l'intermédiaire des oracles. Ces derniers sont tout simplement un moyen de communication entre le
monde des dieux et celui des Hommes. Le Pharaon, mais pas seulement, l'utilise pour toutes sortes
de raisons et les manières de l'utiliser sont multiples. En tout cas, l'un des dieux dont on a le plus de
289 S. G. Barkal, p.217, 19 - 23

150
L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

documentation en ce qui concerne les oracles est bien Amon, car cette pratique se développe
notamment à l'époque où il est le dieu le plus puissant du panthéon égyptien. Le recours aux oracles
est tel que l'approvisionnement de produits odoriférants est concerné par cette pratique. Ces
produits, si importants pour le culte, sont directement réclamés par le dieu Amon lui-même !
L'importance des substances odoriférantes prend donc une dimension politico-religieuse à travers
l'expédition à Pount par Hatshepsout, tant l'odorat fait partie du ;onde des dieux.

Conclusion

Il est donc intéressant de remarquer l'importance qu'a eu le dieu Amon et ceci dans de
nombreux domaines. La théologie thébaine enrichie de nombreuses écoles de pensées religieuses
égyptiennes a su faire une sorte de synthèse englobant toutes ces dernières, afin d'élever son dieu au
plus haut sommet du panthéon égyptien. Amon est un démiurge à l'origine de tout ce qui existe : il
est responsable de la Vie, et pour cela il a créé les sens dont celui de l'odorat.
S'il est effectivement le Créateur de l'Univers, comme nous l'avons vu dans le point a., son rôle ne
s'arrête pas à une création où tout est achevé. Au contraire, comme nous l'avons vu dans le point b.
Amon est responsable de la bonne marche de sa création et a notamment un rôle politique. Il
n'hésite pas à faire savoir au roi ce qu'il attend de lui, et ceci même en ce qui concerne
l'approvisionnement des produits odoriférants indispensables à la bonne marche des rituels rendus
aux dieux.

151
L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

2. L'odeur du dieu (quand, quoi)

Après avoir vu qu'en est-il de l'odorat dans le monde divin et de l'importance du rôle d'Amon
pour celui-ci, nous allons voir maintenant ce que nous pouvons dire de l'odeur des dieux, et plus
particulièrement celle d'Amon. Qu'est-ce qu'un dieu et quand son odeur se manifeste-t-elle ?

a. Nature d'un dieu, et le cas d'Amon

Tout d'abord afin de répondre à ces questions, il est important de savoir de quels dieux l'on
parle. En effet, notre propos concerne le mot égyptien : netjer qui n'a pas exactement la même
signification que le mot français ''dieu''. Ce dernier ayant tendance à réduire ou à restreindre le
terme égyptien en le traduisant ainsi, comme le remarque F. Dunand et R. Lichtenberg 290. Les
conceptions sont différentes et surtout beaucoup plus larges en Égypte. Il y a différentes classes,
sortes et façons d'être un dieu pour les Égyptiens. Il nous faut alors d'abord définir de quoi nous
parlons, afin de comprendre ce qu'est la nature des dieux dont nous voulons parler.
Il y a clairement une sorte de hiérarchie entre les différentes sortes de netjer, comme l'explique D.
Meeks et C. Favard-Meeks291. Ceci car certains sont tout simplement plus importants et ont plus de
pouvoir, attributs, etc. En fait, est netjer plusieurs autres catégories d'entités en plus des dieux
''traditionnels''que l'on qualifie directement comme tel (Amon, Osiris, Horus,..). Il faut comprendre
qu'un netjer est une entité pour laquelle est réalisé un culte et qui fait l'objet de rites 292. De ce fait,
on peut ranger dans la catégorie netjer : les génies, les esprits, les personnifications en tout genre et
bien sûr aussi : le Roi, les animaux et les défunts de n'importe quelle classe sociale293.
Il y a cependant effectivement des différences entre les différentes ''classes'' de dieux. Déjà, F.
Daumas nous explique que la différence essentielle entre les entités que nous considérons comme
dieux traditionnels possèdent plusieurs ba, alors que les humains qui deviennent des netjer n'en

290 DUNAND, LICHTENBERG, 2012, p.239


291 MEEKS, FAVARD-MEEKS, 1995, p.54-55
292 MEEKS, FAVARD-MEEKS, 1995, p.55
293 DUNAND, LICHTENBERG, 2012, p.239

152
L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

possèdent toujours qu'un seul294. Les dieux sont également dotés généralement de plusieurs noms,
ce qui souligne le fait qu'ils sont en haut de cette hiérarchie divine. Amon est effectivement qualifié
dans le papyrus Boulaq 17 de celui : << aux nombreux noms dont on ne connait pas le nombre >> (
295
ˁšȝ.w rn.w nn rḫ tnw ). En fait les dieux possèdent tout en plusieurs exemplaires, y compris donc
les organes qui sont également multipliés296. On peut lire à propos d'Amon toujours dans le même
297
papyrus : << l'Unique qui est seul, aux bras nombreux >> ( wˁ wˁ(=w) ˁšȝ.w ˁ.wy=fy ). Deux
points sont encore importants en ce qui concerne la différence entre les dieux et les autres netjer
moins importants. Il s'agit des formes (irou) et des transformations (kheperou) que les dieux
possèdent en général encore ici en plusieurs exemplaires 298. Cela dit, les deux choses sont souvent
confondues car assez proches. Les transformations sont par exemple celles qu'opère au fil de la
journée le Soleil 299: Khepri au Lever, Râ au Zénith et Atoum au Coucher. Alors que la forme
concerne plutôt les ''représentations'' du dieu, c'est-à-dire les images de culte que les Hommes ont
''choisi'' pour le représenter300. Ces représentations sont alors plus des conventions que des images
véritables. Un peu à la manière des mythes qui n'exposent pas une réalité mais évoquent un concept
bien précis à travers un récit plus ou moins fictif que l'on peut qualifier aussi de convention. Quoi
qu'il en soit, le jeu des formes et transformations des dieux est évoqué dans les traités
mythologiques notamment, dont D. Meeks et C. Favard-Meeks donnent quelques exemples pour
mieux expliquer la différence qu'il y a entre ces deux concepts, et pour comprendre ce qu'est un
dieu en Égypte301. En ce qui concerne Amon, il est généralement représenté de manière
anthropomorphe mais il se présente parfois aussi sous la forme d'un homme criocéphale, d'un bélier
ou d'une oie302. Ceci sans que nous savions vraiment pourquoi. Maintenant en ce qui concerne la
divinité de Pharaon, elle est évidente mais bien moindre que les dieux dont nous venons de parler.
En fait, le Pharaon de son vivant est une sorte de demi-dieu, pour reprendre le terme de ˁA. Nûr Ad-
Dîn, qui cumule en même temps un statut d'Homme et un statut divin 303. C. Traunecker lui, explicite
cette conception où la sacralité de Pharaon s'attache à sa fonction et non à sa personne elle-même 304.

294 DAUMAS, 1970, p.107


295 P. Boulaq 17, pl. IX, 3
296 TRAUNECKER, 2012, p.50
297 P. Boulaq 17, pl.VI, 7
298 TRAUNECKER, 2012, p.49
299 TRAUNECKER, 2012, p.49
300 TRAUNECKER, 2012, p.49
301 MEEKS, FAVARD-MEEKS, 1995, p.76-79
302 DUNAND, LICHTENBERG, 2012, p.246
303 NÛR AD-DÎN, 2014, vol. 1, p.43
304 TRAUNECKER, 2012, p.70-71

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

Pharaon devient un dieu à part entière en principe qu'après sa mort 305, mais plusieurs cas montrent306
que certains pharaons ont été complètement divinisés de leur vivant307. En tout cas, il faut souligner
que l'on devient Pharaon par le rite : il ne s'agit pas de quelque chose d'automatique dû à la
naissance. Nous reviendrons sur ce point plus loin. Enfin, pour ce qui est des animaux, il y a deux
choses à comprendre. Dans le culte des animaux, il y a deux catégories différentes qui sont toutes
deux concernées par nos propos, car il s'agit de ce que l'on peut qualifier encore une fois de netjer.
Tout d'abord, il y a les animaux sacralisés qui ne sont pas divins car ils ne s'agit pas directement de
netjer mais d'entité susceptible de devenir des netjer par le rite308. En fait ils sont suffisamment
''aptes'' pour être potentiellement investis d'une partie du dieu dont ils sont les ''protégés'' mais en
aucun cas ils ne représentent le dieu lui-même directement. La preuve en est, comme l'indique ˁA.
Nûr Ad-Dîn, le fait que les Égyptiens tuaient et ou mangeaient des animaux qui pourtant
représentaient des dieux, car ils n'étaient eux-mêmes pas directement ces dieux-là 309. Ils ne servent
parfois que de support au dieu, une fois momifiés 310, comme une simple statue. Ces rites se
pratiquent donc qu'une fois l'animal mort. On peut comparer alors les animaux sacralisés aux
Hommes qui sont seulement susceptibles de devenir netjer, mais ne le sont pas automatiquement.
Comme les défunts (humains), ils deviennent des Osiris à leur mort (pour autant que le rite soit
effectué) et sont donc des netjer. Il semble donc qu'un animal non-sacralisé (rattaché en fait à aucun
dieu, comme les chevaux, les lapins, etc) ne puisse pas devenir un Osiris ? À côté de cette catégorie,
il y a celle des animaux réellement sacrés ou même plutôt divins. Il en existe un seul, choisi selon
des critères rigoureux311, qui représente le dieu sur Terre, le temps de son existence. Comme par
exemple, le taureau Apis de Memphis représentant le dieu Ptah 312. Cet animal reçoit donc un
véritable culte de son vivant, et pour ses funérailles bien entendu. Ce genre de cas de figure
n'existait pas pour tous les dieux cependant. Nous ne connaissons d'ailleurs aucun exemple de ce
type concernant Amon313.

Aborder la nature d'un dieu est quelque chose de complexe tant le sujet est vaste. De plus, la
difficulté est de rassembler les bribes d'informations que nous avons par ci par là pour reconstituer

305 TRAUNECKER, 2012, p.71 ; NÛR AD-DÎN, 2014, vol. 1, p.43


306 TRAUNECKER, 2012, p.70-72
307 Voir la liste des principaux pharaons divinisés de leur vivant dans : NÛR AD-DÎN, 2014, vol. 1, p.45-46
308 DUNAND, LICHTENBERG, 2012, p.239
309 NÛR AD-DÎN, 2014, vol. 1, p.‫ي‬
310 DUNAND, LICHTENBERG, 2012, p.208
311 Voir par exemple les critères requis pour le taureau Apis : DUNAND, LICHTENBERG, 2012, p.181
312 DUNAND, LICHTENBERG, 2012, p.181
313 DUNAND, LICHTENBERG, 2012, p.194

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

le puzzle et tenter d'y voir plus clair. Comme toujours, certains éléments sont mieux connus, alors
que d'autres nous laissent perplexes. Malheureusement, nous ne pouvons pas aller directement
interroger les prêtres qui, selon F. Daumas, connaissaient la théologie se rapportant à la nature des
dieux314. Cela dit, un texte du sarcophage de Sen nous rappelle la difficulté de percer ce mystère
puisque c'est plutôt les défunts qui y auraient accès, car la formule souhaite au défunt : << Puisse-t-
il voir le grand dieu dans sa vrai forme ! >> ( mȝ(w)=f nṯr ˁȝ m ỉrw=f mȝˁ 315).
Ce qui nous occupe particulièrement ici en ce qui concerne la nature du divin en Égypte, est
de savoir qu'en est-il de la composition d'un dieu. De quoi est-il fait et qu'est ce que les textes nous
disent sur ce qui caractérise la ''matière'' du corps divin ? En tout cas le corps des dieux est
comparable à celui des humains en ce qui concerne sa fonction et son fonctionnement, 316 mais il
diffère clairement en ce qui concerne sa composition. On peut s'en douter d'ailleurs, par leur côté
exceptionnel, les dieux sont des créatures hors du commun. Leur corps est fait de matières
précieuses et surtout impérissables. On peut remarquer ceci dans le chapitre 172 du Livre de la
Sortie au Jour du papyrus de Nebseny où il est dit à propos du défunt qui est clairement assimilé à
un dieu : << ton visage est l'éclat de Râ, ta face est revêtue d'or, Horus l'a incrustée de lapis-lazuli.
Les deux-sourciles sont les Deux-Sœurs parce que Horus les a incrustés de lapis-lazuli. >> ( ḥr=k
wbnw rˁ mḫn.t=k ḥbs=t(ỉ) m nbw drf~n s.t ḥr m ḫsbd ỉnḥ.wy sn.ty snsn(=tỉ) n drf~n s.t ḥr m ḫsbd
317
) Nebseny qui est en train de devenir un dieu grâce aux rites funéraires voit son corps revêtu et
incrusté d'or et de lapis-lazuli qui ne sont autres que des composantes du corps des dieux. Son corps
subit en quelque sorte une transformation pour qu'il soit impérissable comme celui des dieux. Dans
le Livre de la Vache du Ciel, récit mythologique, il est clairement précisé la nature du corps de Râ :
<< ses os sont d'argent, ses membres d'or, ses cheveux en lapis-lazuli véritable >> ( ḳs.w=f m ḥḏ
ḥˁ.w(=f) m nbw šnw=f m ḫsbd mȝˁ.t 318). Hatshepsout a le même privilège mais de son vivant,
comme l'indique le texte du retour de Pount (Cat. 6) en parlant de la reine : << Sa peau recouverte
d'électrum brille comme le font les étoiles >> ( ỉnm=s nb(w) m ḏˁm ḥr ˁbȝ mỉ ỉr sbȝ.w ). il est clair
qu'ici encore l'électrum recouvre la peau de Hatshepsout pour la rendre divine car il s'agit également
de la chair des dieux.
La question qu'on se pose alors est de savoir quelle est l'odeur de ces dieux ? Car tous ces
questionnements pour savoir qu'est-ce qu'un netjer et de quelle nature est son corps, nous amène

314 DAUMAS, 1970, p.7-8


315 CTVI, 69, c
316 MEEKS, FAVARD-MEEKS, 1995, p.75
317 LdM, CLXXII, p.446, 12-14
318 Vache du Ciel, col.2

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

bien sûr à son odeur. D. Meeks et C. Favard-Meeks rappellent que malheureusement nous ne savons
que peu de chose sur cette question319. Nous pouvons effectivement le confirmer car il s'agit du
''monde des dieux'' et visiblement les textes ne sont pas très bavards à ce sujet. Mais que savons
nous alors ? En fait, les textes évoquent souvent les odeurs des dieux mais sans les définir et sans
donner d'informations dessus. Nous savons qu'elles existent et qu'elles font partie intégrante du
corps d'un dieu mais nous ne savons pas précisément de quelle nature sont-elles. Il suffit pour
observer cela de reprendre les deux textes dont nous venons de parler, pour s'apercevoir qu'ils
parlent effectivement d'odeur, mais ils ne nous apprennent pas grand chose. De plus ils ne parlent
pas directement des dieux eux-mêmes, mais de matières et produits qui rendent divins et qui
assimilent les bénéficiaires à des dieux. Ceci est clairement dit dans les textes, mais il s'agit
finalement de notre interprétation car les informations sont la plupart du temps indirectes. On ne
peut pas dire : tel dieu a telle odeur car tel texte nous dit cela. Dans le papyrus de Nebseny il est dit :
<< ton nez est dans l'odeur de la salle d'embaumement, tes deux narines sont comme l'air dans le
ciel >> ( fnd=k m ḫmnw [wt] šr.ty=k mỉ ṯȝw m p.t 320). Dans cette formule le défunt est assimilé à un
dieu, et toutes les parties de son corps sont rattachées à des dieux ainsi qu'à des matières faisant
partie de leur corps. En ce qui concerne les odeurs et le nez, le moins qu'on puisse dire est que cette
phrase est plutôt obscure. Dans le texte de Hatshepsout (Cat. 6), les choses sont plus claires
cependant : << Des onguents et de la résine-ântiou sont sur tous ses membres, son odeur est celle de
la senteur divine. Son parfum s'est uni à (celui de) Pount. >> ( ḥȝt.t ˁntyw ḥr ˁ.wt=s nb.(w)t
ḫnm(.w)=s m ỉd.t nṯr ỉw sṯ=s ȝbḫ(=w) m pwn.t ). On comprend que l'odeur des dieux est composée
de résine-ântiou et d'onguents. Et que ceci est comme le parfum du fameux pays de Pount. Il est
évident qu'il s'agit d'une odeur au parfum agréable et subtil mais tout ceci n'est pas très précis. Dans
le même genre on peut encore citer un exemple concernant la reine Moutemouia. À condition que
l'on puisse bien la considérer comme un personnage de nature divine, en tout cas partiel. D'après le
texte en tout cas, il n'y a pas de doute qu'elle est un personnage divin. Ainsi on peut y lire à son
321
sujet : << Celle qui remplit la salle du parfum de son odeur >> ( mḥ(w)t ḫȝ m sty ỉȝd.t=s ). Là
encore peu d'information, mais il s'agit sans aucun doute d'une odeur agréable. Enfin pour terminer,
un peu imprécis toujours, mais cette fois concernant des dieux directement : la formule 840 des
Textes des Sarophages indique sur le sarcophage de Mentouhotep : << Que ta mère Nout vienne à
toi en lui (càd en ce jour), avec ta sœur Nephthys ! Elles apportent de même l'œil de Horus.
Agréable est leur odeur vers toi, (et) l'odeur de l'œil de Horus vers toi. >> ( ỉỉ(w) n=k mw.t=k nw.t
319 MEEKS, FAVARD-MEEKS, 1995, p.82
320 LdM, CLXXII, p.446, 14
321 Urk. IV, 1772, 621, 10

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

322
ỉm=f ḥnˁ sn.t=k nb.t-ḥw.t ỉm=sn ỉn=sn mỉ ỉr[.t] ḥr nfr(=w) s[t(y)]=sn r=k st(y) ỉr.t ḥr r=k ) Cette
odeur est une fois de plus agréable mais pas plus de précision.

Voilà ce que nous pouvions dire de l'odeur des dieux. Cette question est difficile à traiter, du
moment que les textes sont assez vagues sur les informations qu'ils donnent, comme nous l'avons
vu. De plus, ces données sont souvent indirectes et donc il est évident que nous ne pouvons parler
de l'odeur spécifiquement en ce qui concerne Amon. Il s'agit de l' ''odeur du dieu'' ou odeur des
dieux au sens large. Vu les informations précises concernant les matières qui compose le corps d'un
dieu (matières précieuses et imputrescibles telles l'or ou le lapis-lazuli), nous aurions pu nous
attendre à quelque chose de similaire en ce qui concerne l'odeur, mais ce n'est pas tout à fait le cas.
Ce que nous pouvons conclure là-dessus est que l'odeur d'un dieu est un parfum agréable fait
d'onguents, de résines et autres produits précieux.

b. Où et quand sentir l'odeur d'Amon :

Il est venu le temps de se poser la question de savoir quand peut-on sentir les dieux et plus
précisément Amon? Il fallait déjà savoir à quel moment est-il possible de rentrer en contact avec
eux, voire même de les rencontrer. Comme nous l'avons vu, il y a plusieurs catégories de netjer et
donc il y a plusieurs manières de voir 323 ou rencontrer un dieu. Tout d'abord, nous avons pu
remarquer à travers nos recherches que les textes indiquant des ''rencontres'' avec des dieux, ne nous
renseignent pas forcément sur leur odeur. À titre d'exemple, nous avions pensé qu'il était possible
d'avoir quelques informations dans les récits oniriques. Bien qu'il s'agisse d'une rencontre
particulière, les rêves font partie intégrante de l'expérience religieuse et sont qualifiés de << don
providentiel offert par un dieu aux Hommes >> 324. Mais il est vrai que E. Hornung indique bien que
les manifestations oniriques ne renseignent guère sur l'apparence véritable des dieux 325, et donc pas
non plus sur leur odeur.

322 CT VII, 45, n - q


323 En ce qui concerne la ''vue'' d'un dieu, se reporter à l'étude D. van der Plas qui explique les différentes manières d'y
parvenir : VAN DER PLAS, 1989, p.18-26
324 BRESCIANI, 2006, p.19
325 HORNUNG, 1987, p.117

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

En tout cas, du moment que les animaux sacrés sont des représentants du dieu sur Terre,
comme nous l'avons vu, il est possible de les ''rencontrer'' assez facilement 326. Le peuple y avait
accès, puisqu'ils allaient notamment les trouver dans un but oraculaire ou encore pour favoriser la
fertilité des femmes en ce qui concerne le taureau Apis327. En tout cas il semble bien que les pèlerins
ayant eu la chance de rencontrer ce dieu, aient pu sentir également son odeur. Malheureusement très
peu d'informations à ce sujet mais F. Dunand et R. Lichtenberg indiquent que parmi les soins reçus
par le taureau Apis, on l'oignait également de parfums 328. Ceci n'a rien d'étonnant, car pour rendre
cette divinité effective, il était indispensable d'utiliser des parfums, étant l'odeur des dieux, afin
d'achever le rituel qui rend divin. Mais ceci ne concerne pas le dieu Amon puisque nous ne lui
connaissons pas d'animal sacré le représentant sur Terre329.

Ensuite, en ce qui concerne la ''rencontre'' des statues de culte 330, qui sont investies du ba du
dieu comme nous le verrons plus loin, était un peu plus compliquée. En effet, tout le monde n'avait
pas accès aux Temples et encore moins au Saint des Saints, c'est-à-dire la salle dans laquelle se
trouve la statue de culte. Quoi qu'il en soit, les statues de culte avaient l'odeur des dieux, et ceci
parce que les substances odoriférantes étaient indispensables sur plus d'un point 331. D'ailleurs, dans
un court texte écrit sur un ostracon d'époque ramesside de Daîr al-Madînah, on peut lire : << je me
prosterne vers ton Temple, mes bras en prière pour ton ka. Je hume la résine-senetjer qui sort de ton
332
avant-cour >> ( sn=ỉ tȝ r pr=k r(ȝ)-pr=k ˁ.wy=ỉ m ỉȝw n kȝ=k ḫnm=ỉ snṯr pr(=w) m-ḫnt=k ). La
résine que cet homme a pu humer est clairement l'odeur du dieu lui-même, preuve que l'odeur d'un
dieu, en l'occurrence ici Amon, pouvait être sentie dans les Temples. Et ceci d'ailleurs malgré le fait
que le fidèle ne pouvait pénétrer directement l'endroit où se ''trouvait'' le dieu, puisqu'il n'est que
dans le parvis, seul endroit en principe ouvert à la foule, avec parfois la première cour 333.
Cependant, le peuple avait parfois un peu plus de chance, car à l'occasion de certaines fêtes la statue
du dieu sortait et était promenée dans une barque soulevée par des prêtres. C'est le cas justement à
propos de plusieurs fêtes d'Amon : Fête d'Opet, Belle Fête de la Vallée, etc334. Dans ce genre de
festivité, nous savons que la foule avait l'occasion de s'approcher un peu plus près du dieu que
326 DUNAND, LICHTENBERG, 2012, p.181
327 DUNAND, LICHTENBERG, 2012, p.182
328 DUNAND, LICHTENBERG, 2012, p.181
329 DUNAND, LICHTENBERG, 2012, p.194
330 Bien qu'il s'agisse d'une statue, il faut clairement considérer ceci comme une rencontre du dieu. Voir VAN DER
PLAS, 1989, p.18
331 Voir notre chapitre II, 3
332 O. DM 1409, 9-10
333 ZAKî, 2007, p.86
334 ZAKÎ, 2007, p.86

158
L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

d'habitude335 et sans doute de sentir son odeur.

Enfin, il existe des rencontres très particulières entre des humains et des dieux. Cette partie
nous fait entrer dans un univers à la fois divin, mystérieux et érotique. Il n'est finalement pas très
étonnant de retrouver mention de senteurs parfumées dans un cadre intime : tant l'odorat à une place
importante dans l'imaginaire érotique, tout comme l'ouïe avec la musique d'ailleurs 336. Nous voulons
parler bien sûr des textes théogamiques (Cat. 2 et Cat. 3.) qui mettent clairement en scène la
rencontre d'une reine avec le dieu Amon, même si ce dernier prend la forme de son époux, le
Pharaon : << il fit sa transformation en la Majesté de cet époux le Roi de Haute et Basse Égypte
337
Menkheperourâ >> ( ỉr~n=f ḫpr.w=f m ḥm n hy pn nsw.t bỉty mn-ḫpr.w-rˁ ). Cette rencontre,
n'ayons pas peur des mots, est sexuelle puisqu'il s'agit de concevoir l'héritier au Trône d'Égypte. Le
texte autant que la scène, qui illustre cet événement, est d'une finesse remarquable car tout ce qui se
passe est à peine suggéré. On ne trouve en aucun cas les termes usuels 338 pour évoquer l'acte sexuel,
même les plus péri-phrasés comme : << connaître (sous entendu sexuellement)>> , << dormir avec
>>, << passer une heure agréable avec >> 339. On ne retrouve pas non plus les codes habituels
utilisés pour évoquer quelque chose d'érotique. Dans cette scène, ni lotus, ni cônes parfumés sur les
têtes, singes, oies, canards, servantes versant des boissons, etc. tout ceci étant pourtant des
évocations liées à l'érotisme340 que l'on peut observer dans les tombeaux par exemple 341, et qui à
première vue n'évoquent absolument pas ces choses-là pour l'Homme moderne. En effet les
Égyptiens ont des codes pour faire allusion à ces choses qui ne sont que très rarement évoquées
directement342. D'un autre côté le texte ne laisse aucun doute sur ce qui se passe, en utilisant des
expressions comme : << Puis il alla aussitôt auprès d'elle étant brûlant de désir pour elle >> ( sw
šm<=f> ḫr=s ḥr-ˁwy ḥȝd=f r=s ) et surtout : << son amour avait pénétré ses membres >> ( mrw.t=f
ḫp(=w) m hˁ.w=s ). Le terme ḥȝd343 est clairement connoté sexuellement, déjà de par son
déterminatif (un phallus) et aussi parce qu'il semble exclusivement utilisé dans un contexte d'amour
et de sexualité. D'autre part, L. Manniche évoque dans les représentations le jeu de mot entre le

335 ZAKÎ, 2007, p.86-89


336 MANNICHE, 2002, p.53
337 Ici : Cat.3, donc concernant Amenhotep III. La version de Hatshepsout étant quasiment identique, nous n'utiliserons
que celle d'Amenhotep III pour les exemples de ce point b.
338 MANNICHE, 2002, p.36
339 Pour plus d'occurrences, voir : MANNICHE, 2002, p.36
340 MANNICHE, 2002, p.46-47
341 MANNICHE, 2002, p.45
342 MANNICHE, 2002, p.37-38
343 Wb., III, p.36

159
L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

verbe sṯỉ344 qui signifie ''verser'' et le verbe sṯỉ345 qui se prononce la même chose (ou de manière
proche) mais qui signifie : copuler, fertiliser. Ce jeu de mot est encore une manière codée d'évoquer
la sexualité346. Ce qui est intéressant de remarquer aussi est que le mot ''odeur'' utilisé très souvent
dans les textes est sṯy347 dont la racine est la même que ceux dont nous venons de parler. Dans notre
texte théogamique il est utilisé avec le terme bˁḥ : << ˁḥ bˁḥ(=w) (m) sty nṯr >>. Le terme bˁḥ348 qui
peut aussi bien évoquer l' ''abondance'', l' ''inondation'' en ce qui concerne des biens, des sentiments,
ou des odeurs349. Toujours est-il qu'en tout cas, la reine a le privilège de sentir l'odeur d'Amon : <<
Le palais fut inondé du parfum du dieu, toutes ses senteurs venant de Pount >> ( hˁ.w=s ˁḥ bˁḥ(=w)
(m) sty nṯr ḫnm.w=f nb m pwn.t ). D'ailleurs, il faut relever qu'il s'agit de la première chose dont la
reine se rend compte puisque : << elle s'éveilla à l'odeur du dieu et sourit à sa Majesté >> ( rs~n=s
ḥr sty nṯr sbt=s ḫft ḥm=f ). Il faut en conclure que l'odeur a une place très importante en ce qui
concerne les dieux, puisqu'il s'agit de la première chose que l'on remarque, avant même la vue !
D'autre part, ces textes théogamiques ne sont pas sans rappeler certains poèmes que l'on qualifie de
poésie d'amour. Bien que la nature de ces deux types de textes peuvent paraître bien différente, ils
peuvent cependant tout à fait être comparés car ils présentent tout de même un certain nombre de
choses en commun. La poésie égyptienne n'est pas religieuse dans le sens où elle n'était pas utilisée
comme prière et ne faisait pas partie d'une liturgie officielle 350. Mais elle peut tout à fait être
rattachée à l'expérience religieuse dans la mesure où les dieux y sont largement cités, et le sacré n'y
est jamais très loin351. La structure littéraire est d'ailleurs souvent assez proche des hymnes
religieux352. De plus, Ḥ. Ṣâbir pense que ce genre de poèmes étaient récités lors de festivités
religieuses en guise de divertissement353. Il va même jusqu'à dire que certains poèmes auraient eu
une utilisation magique évidente354. Ce qui nous donne donc en tout cas un regard plus populaire sur
la religion égyptienne355. Ceci en plus d'une comparaison bienvenue avec nos textes. Dans le
papyrus Chester Beatty, un passage rappelle certains points de notre texte : << Tu te présenteras à la
344 Wb., IV, p.346
345 Wb., IV, p.347
346 MANNICHE, 2002, p.46
347 Wb., IV, p.349
348 Wb., I, p.448
349 Voir notre partie II, II, 1
350 ṢÂBIR, 2015, p.18
351 D'ailleurs, Ḥ. Ṣâbir fait une comparaison intéressante avec la poésie soufie du Monde arabo-musulman où la
frontière entre amour et religion n'a pas lieu d'être : << ‫ول ننسى أن الشعر الصوفي في الثقافة العربية تذوب فيه‬
‫ ويتحول فيه شعر الحب إلى شعر ديني خالص‬،‫الحدود بين العشق والعشاق والسعي إلى التوحد مع الذات اللهية‬
>> Voir : ṢÂBIR, 2015, p.25
352 ṢÂBIR, 2015, p.24
353 ṢÂBIR, 2015, p.18
354 ṢÂBIR, 2015, p.25
355 ṢÂBIR, 2015, p.15-16

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

maison de la sœur356. (…) Sa tonnelle débordera (de boissons?) ! (…) Fais en sorte de la mener à
terme pendant la nuit! (…) Tu te présenteras à la maison de la sœur, (quand) elle est seule, sans
personne d'autre. À toi de maîtriser le verrou. (…) La puissance du ciel descendra en un souffle de
vent, et cela t'amènera son odeur. Le parfum se répandra, enivrant ceux qui sont en face. >> ( ḫr
ms=k sw r pr n sn.t (...) sṯf sw tȝy.s nb.t (...) mnḳ=k s.t m pȝy=s grḥ{.t} (...) ḫr ms=k sw pr (?) sn.t
wˁ=tỉ n ky ỉry=k ȝbw=k m tȝy=s ḥg(.t) (...) hȝy tȝ p.t m ṯȝw n (?) nfy sw (?) ỉnt=s n=k ḫnmw=s sty
357
(r) bˁḥ d.t tḫw=tw nȝ nt.y r ḫft ḥr ). Le contexte de rencontre est assez similaire : où l'on
comprend que l'amant se rend plus ou moins en cachette chez sa dulcinée. À la différence que lui ne
peut se transformer comme le fait Amon ! L'allusion au sexe est claire ici aussi, mais seulement
suggérée comme dans notre texte. Enfin, le parfum lui aussi est de la partie. Sauf qu'évidemment il
s'agit ici du parfum de la femme et non de l'amant. Il y a une inversion dans le texte de théogamie
où c'est le dieu dont on parle de l'odeur. Cependant l'expression parlant des odeurs est très proche
dans les deux textes. En fait, chez les Égyptiens, il semble évident que l'amour et la sexualité sont
intimement liés au parfum et même aux résines. Il est vrai en tout cas, à en croire L. Manniche, que
l'on retrouve même les onguents (ou plutôt leurs récipients) dans les représentations érotiques 358.
Sur une scène du papyrus de Turin 55001359, où cette fois-ci un rapport sexuel est représenté de
manière directe et crue (illustration 10) : on peut remarquer une sorte de vase tenu à droite par
l'homme, qui serait en fait un récipient à onguent, tout comme l'objet (à côté du sistre) sous le
tabouret de la femme à gauche360. En tout cas il suffit de parcourir les poèmes égyptiens pour se
rendre compte que les odeurs agréables et autres parfums sont omniprésents en ce qui concerne
l'imaginaire amoureux. Ce sont soit les vêtements qui sont imprégnés, soit l'odeur de la bien-aimée
qui sont décrits, comme nous venons de le voir dans les exemples ci-dessus. Ou alors encore il s'agit
tout simplement de fleurs, arbres au parfum agréable comme dans un poème du papyrus Harris
500 : << Je suis à toi comme l'arpent de terre, où sont plantées pour moi des fleurs de toutes sortes,
au doux parfum... >> ( tw=ỉ m d=k mỉ pȝ ḫȝ-n-tȝ srdw n=ỉ m ḥrr.w(t) m ḫȝw.t nb(.t) nḏm sṯy 361 ). Il
est en tout cas plus qu'évident que l'amour et la sexualité sont donc liés aux parfums et même à
l'encens. Et c'est certainement pour cette raison que la déesse de l'Amour, Hathor est souvent
qualifiée à l'époque tardive de <<maîtresse de l'encens>>362. Car l'amour n'est-il pas, comme le dit
356 Dans la poésie égyptienne les amoureux sont appelés << frère >> et << sœur >>, bien sûr il ne s'agit que d'une
expressions. Peut être pour rappeler le monde des dieux où Osiris et Isis sont époux, voir : ṢÂBIR, 2015, p.19
357 P. Ch. Beatty I, 16, 9 – 12 et 17, 1
358 MANNICHE, 2002, p.123
359 Pour plus d'informations, voir : MANNICHE, 2002, p.119-129
360 MANNICHE, 2002, p.123
361 P. Harris 500, 7, 7-8
362 Par exemple au Temple de Dandarah où le texte met bien en avant son côté de déesse de la danse, de la musique,

161
L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

un poème : << comme la résine-senetjer à la narine >> ( mỉ sntr r fnd 363) ?

L'érotisme et la sexualité étant intimement liés à l'odorat et plus précisément aux parfums, le
Monde des dieux, lui, n'échappe pas à cette touche d'érotisme. C'est ce que nous avons pu constater
à travers les textes de théogamie qui sont pourtant hermétiques de prime abord. La sexualité en
Égypte et dans les Mondes Anciens, est toujours rattachée au cycle de la Vie et symbolise l'éternel
recommencement. C'est pourquoi on retrouve dans les tombes ces scènes, codées, à connotation
érotico-sexuelle364. Dans un contexte royal comme ici avec la Théogamie, il permet la conception de
l'héritier au Trône. Et n'oublions pas, qu'Amon est parfois lui aussi considéré en quelque sorte
comme un dieu de l'Amour, puisqu'il peut être responsable des sentiments amoureux chez les
gens365. Aussi, on peut évoquer enfin l'expression sn366 dont nous n'avons pas parlé puisque ce verbe
ne figure pas dans notre documentation. Cette expression a un double sens car elle signifie ''sentir'',
''respirer'', ''flairer'' mais aussi ''embrasser'' dans le sens de ''donner un baiser'', si l'on en croit les
traductions habituelles. On peut penser alors que les Égyptiens n'usaient pas du même ''baiser''
qu'aujourd'hui, mais plutôt avaient une pratique proche de celle que l'on retrouve encore chez les
Bédouins367 qui se touchent le bout du nez ? Il semblerait même que les Égyptiens ne pratiquaient
pas la fellation dans leur sexualité368. Si cela se confirme, on comprend donc que l'odorat a une
place d'autant plus importante, et notamment en ce qui concerne l'amour et la sexualité !

Conclusion

Il est évident que les dieux, et notamment leur corps, sont de composition spéciale. Même si
nous n'avons pas toujours d'informations très précises, nous avons vu que les dieux possèdent
également une odeur. Cette odeur nous est parfois évoquée dans les textes et il y a plusieurs façons
de pouvoir rentrer en contact avec les dieux afin de sentir ce parfum.

etc. Voir : VERNUS, 1993, p.125


363 O. DM 1266 + O. CGC 25218, 4
364 MANNICHE, 2002, p.44-46
365 VERNUS, 1993, p.32
366 Wb., IV, p.153
367 Dans les pays du Golf, principalement, les hommes se saluent en se touchant le bout du nez.
368 ROSSINI, SCHUMANN ANTELME, 1999, p.178

162
L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

Chapitre II : Pratiques cultuelles

Dans ce second chapitre nous allons nous intéresser cette fois-ci aux odeurs dans les
pratiques rituelles. En effet, l'utilisation de substances odoriférantes dans le culte est très fréquente
en Égypte. Comme nous l'avons vu, ce sens est une création divine comme pour tout le reste. Nous
avons vu également que le monde des dieux est très lié aux odeurs ou plutôt que les odeurs
appartiennent à ce monde divin. Nous allons voir maintenant quant est-il de l'utilisation des produits
odoriférants par l'Homme, et ceci toujours à travers les textes concernant Amon tirés de notre
corpus. D'abord, il sera question d'en savoir plus sur les différents produits utilisés dans les rituels :
résines, gommes, huiles, onguents. Déjà en connaître les noms et si possible leur nature, en voyant
où en sont les recherches sur ces questions. Ensuite, nous nous intéresserons à la signification
religieuse de ces produits : comment sont-ils apparus sur Terre et quelle symbolique leur attache-t-
on. Enfin, nous verrons à quoi ils servent concrètement dans un rituel, quelle fonction, quel but
exactement est recherché dans le culte.

1. Ce que l'on utilisait (d'après notre corpus)

Nous allons voir maintenant quelles sont les substances odoriférantes utilisées à des fins
cultuelles en Égypte. Bien sûr il ne s'agit ici que des substances que l'on retrouve dans notre corpus.
Nous avons choisi de classer ces produits en deux catégories car il y a d'un côté les résines et de
l'autre les huiles et onguents. Parfois la distinction entre résine ou huile est difficile en raison du
manque d'informations que nous avons sur certains produits. Il semblerait même parfois qu'il soit
possible d'avoir des mêmes produits sous différentes formes. La classification peut paraître alors
parfois artificielle, mais pour la plupart il est quand même plus aisé de les ranger dans l'une ou
l'autre catégorie. Bien sûr, certaines résines étaient utilisées pour la fabrication d'onguents et
certains onguents sont constitués en grande partie de résine, comme nous allons le voir. Tout ceci
sera explicité au mieux lorsque c'est possible.

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

À chaque fois, nous avons consulté plusieurs ouvrages traitant du produit en question pour
essayer de savoir de quoi il s'agit, quelles étaient ses composantes, etc. Ceci afin d'avoir notre
propre opinion sur le problème. Cependant, il est évident que parfois nous ne possédons que peu
d'informations et qu'il est difficile de conclure quoi que ce soit. Il s'agit finalement avant tout d'un
état de la question sur ces produits.

a. Les huiles et les onguents

Il n'y a pas de grande différence entre ''huile'' et ''onguent'', mais nous avons préféré donner
le nom d' ''onguent'' à une préparation qui comporte plusieurs substances différentes. Tandis que le
mot ''huile'' désigne plutôt l'extrait d'une matière sans l'ajout de quoi que ce soit d'autre. L'onguent
est donc susceptible d'être moins liquide que l'huile, dans ce cas.

- Onguent-âsh (ḥȝt.t n ˁš369)

Produit faisant partie des huiles dites canoniques370. Il n'apparaît qu'une seule fois dans nos
textes371. Ce produit nous est connu depuis la 4ème dynastie372.

G. Maspero parle d' <<huile du cèdre>> 373 et il semble que les auteurs n'ont pas toujours été
d'accord374 sur la nature de ce produit à base de ''âsh''. V. Loret penche pour une sorte d'acacia
(acacia seyal) mais pourquoi pas éventuellement d'un conifère375. En tout cas, M. Shîmy conclu
qu'il y aurait deux sortes de âsh, mais que lorsque le mot est mentionné tout seul, sans autre
indication, il s'agirait du pin parasol (pinus pinea) et serait donc importé du Liban376. Selon les
analyses chimiques sur les échantillons de Lyon, il s'est avéré que sur les trois échantillons, tous ont

369 Wb., I, p.228


370 SHÎMY, 2005, p.22
371 Voir plus haut : Cat.19
372 SHÎMY, 2005, p.39
373 MASPERO, 1897, p.296
374 SHÎMY, 2005, p.39-40
375 LORET, 1892, p.85
376 SHÎMY, 2005, p.40

165
L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

donné des résultats différents. L'un est effectivement composé essentiellement de résine de
conifère377. Le deuxième comporte bien de la résine de conifère également, mais en proportion
moindre par rapport à la graisse animale 378. Le dernier, lui, est avant tout composé de graisse
animale avec une faible quantité de résine379.

Pour une fois, les résultats semblent convaincants puisque les analyses viennent plus ou
moins confirmer les hypothèses des Égyptologues. Du moment qu'il a été trouvé des résidus de
résine de conifère, il est tout à fait possible qu'il s'agisse du pin parasol. Il est difficile de définir s'il
faut parler d'huile ou plutôt d'onguent. La liquidité du produit devait être variable. Cependant il
semble qu'il devait toujours y avoir un pourcentage plus ou moins élevé de graisse.

- Huile-baq (bȝḳ380)

Cette huile est utilisée au moins depuis l'Ancien Empire par les Égyptiens 381. Tous les
chercheurs, sauf Ebbell, semblent s'accorder sur le moringa pour le terme baq382.

V. Loret parle du moringa aptera383 et est suivi par la plupart des autres auteurs y compris M.
Shîmy. L. Manniche ajoute à ceci également l'espèce de moringa pterygosperma qu'elle dit être une
essence présente naturellement en Égypte 384. Effectivement, on trouve des arbres de moringa au
nord de l'Égypte et dans le Sinaï 385, mais également dans la région thébaine 386. Ce qui est sûr c'est
que l'on trouve ces arbres également en Syrie 387, et pour L. Manniche, les Égyptiens en importaient
de là-bas388. À en lire le conte des Aventures de Sinouhé, il semble bien que les Égyptiens aient eu
connaissance de la présence de l'huile-baq au Proche-Orient : puisqu'on peut y lire à propos du
Retenou389 : << c'est un beau pays (…) son huile-baq se trouve (litt. est) en grande quantité >> ( tȝ

377 BLETON, GOURSAUD, MEJANELLE, MOURER, TCHAPLA, 1999, p.525


378 BLETON, GOURSAUD, MEJANELLE, MOURER, TCHAPLA, 1999, p.526
379 BLETON, GOURSAUD, MEJANELLE, MOURER, TCHAPLA, 1999, p.526
380 Wb., I, p.424
381 SHÎMY, 2005, p.206
382 SHÎMY, 2005, p.204-205
383 LORET, 1892, p.86
384 MANNICHE, 2008, p.268
385 SHÎMY, 2005, p.206
386 MANNICHE, 1999, p.30
387 SHÎMY, 2005, p.206
388 MANNICHE, 1999, p.30
389 Contrée située dans l'actuelle Syrie.

166
L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

390
pw (...) ˁšȝ bȝḳ=f ). C'est peut-être alors pour cette raison que l'on trouvait de l'huile de baq verte
et de l'huile de baq rouge391, car V. Loret indique que l'huile de moringa en Égypte était rouge et
celle d'Arabie verte392. Faut-il en conclure que l'espèce d'Égypte n'était pas la même que celle de
Syrie, mais que les deux espèces étaient utilisées pour en faire de l'huile ? Intéressant de constater
en tout cas que l'Égypte d'aujourd'hui, si les arbres de moringa sont toujours présents (?), ne produit
plus d'huile de moringa393.

L. Manniche indique encore qu'on utilisait le moringa en parfumerie car c'est une huile qui
ne se dégrade pas rapidement394. Son utilisation se retrouve également assez largement dans la
médecine égyptienne395. En tout cas, il est à noter que l'huile de moringa (moringa oleifera, espèce
asiatique, la plus utilisée de nos jours) a peu d'odeur et que celle-ci est assez proche de celle de
l'olive, en plus amère, tant dans son arôme (elle est également comestible) que par sa couleur
(Illustration 11).

- Onguent-hekenou (ḥknw396)

Produit faisant partie des huiles dites canoniques 397 qui sont généralement au nombre de
sept.
Il n'apparaît qu'une seule fois dans nos textes 398. La première mention connue date de la
première dynastie399.

G. Maspero ne donne que peu d'informations mais indique qu'il s'agit d'un produit liquide
que l'on peut verser400. Pour M. Shîmy, il s'agit plutôt d'une sorte de vin sucré ou de liqueur
parfumée ayant l'odeur du styrax, plutôt qu'une huile 401. Selon l'analyse chimique des échantillons, il

390 Sinouhé, B81 ; B83


391 SHÎMY, 2005, p.206
392 LORET, 1892, p.87
393 La médecine traditionnelle égyptienne d'aujourd'hui utilise beaucoup d'huiles de toutes sortes, mais l'huile de
moringa est introuvable dans les magasins du Caire.
394 MANNICHE, 2008, p.268
395 MANNICHE, 2008, p.268
396 Wb., III, p.180
397 SHÎMY, 2005, p.22
398 Voir plus haut : Cat.19
399 SHÎMY, 2005, p.34
400 MASPERO, 1897, p.295
401 SHÎMY, 2005, p.34

167
L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

semblerait qu'on ne trouve ni oliban ni myrrhe dans les composantes 402. La matière principale, des
deux hekenou analysés, donne une matière grasse, peut être d'origine animale 403. On trouve
également des traces de résine de conifère404 dans l'une. Enfin, la recette tardive du Temple d'Edfou
indique, dans les ingrédients du bitume, deux sortes de résine-sntr et des rameaux de sycomore405.

Le hekenou était donc certainement moins liquide que ne le pense G. Maspero et M. Shîmy,
mais il est évident qu'il n'était pas toujours réalisé de la même manière. L'odeur était principalement
donnée par la résine qui y était ajoutée, à savoir une résine de conifère dans certains cas. Il est bien
possible que la recette a évolué depuis la première dynastie jusqu'à l'époque ptolémaïque. De plus,
la recette donnée par le Temple d'Edfou n'est peut-être propre qu'à ce Temple, à cette époque
tardive.

- Onguent-nekhenem (nẖnm406)

Produit faisant partie des huiles dites canoniques407. Il n'apparaît qu'une seule fois dans nos
textes408. Ce produit nous est connu depuis la 4ème dynastie 409. Certains y voient un lien avec le
dieu Khnoum et parfois même avec la ville d'Éléphantine.

G. Maspero ne fait aucune supposition sur la nature des composantes mais pense qu'il est
complètement liquide410. Quant à M. Shîmy, il indique surtout qu'on ne sait pas de quelle nature
était la composition de cette huile ou pommade parfumée 411. Les résultats des analyses chimiques
des deux échantillons ont donnés des résultats différents. L'un est principalement composé de
graisse animale avec un peu d'une résine indéterminée 412. L'autre en revanche présente peu de
graisse animale et donne, comme composante principale, de la résine de conifère413.

402 BLETON, GOURSAUD, MEJANELLE, MOURER, TCHAPLA, 1999, p.525


403 BLETON, GOURSAUD, MEJANELLE, MOURER, TCHAPLA, 1999, p.525-526
404 BLETON, GOURSAUD, MEJANELLE, MOURER, TCHAPLA, 1999, p.526
405 AUFRERE, 1999, p.540
406 Wb., II, p.319
407 SHÎMY, 2005, p.22
408 Voir plus haut : Cat.19
409 SHÎMY, 2005, p.37
410 MASPERO, 1897, p.295-296
411 SHÎMY, 2005, p.38
412 BLETON, GOURSAUD, MEJANELLE, MOURER, TCHAPLA, 1999, p.525
413 BLETON, GOURSAUD, MEJANELLE, MOURER, TCHAPLA, 1999, p.526

168
L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

La seule chose qui peut être conclue sur ce produit est que nous le connaissons encore très
mal. Au final, on ne sait pas à quoi il correspondait vraiment en ce qui concerne sa composition.

- Onguent-Sefet (sfṯ, sft, sfy414) :

Ce produit fait partie de ce que l'on appelle parfois huiles canoniques qui sont en principe au
nombre de sept415. Elle n'apparaît que deux fois dans nos textes 416. M. Shîmy indique que ce produit
est attesté depuis au moins la 3ème dynastie, et est mentionné dans les Textes des Pyramides du
Pharaon Ounas417.

Il semble que sfṯ soit parfois également écrit sfy, comme c'est le cas dans notre texte Cat. 19.
A moins qu'il ne s'agisse carrément d'un autre produit mais ceci nous semble peu probable. Déjà
parce que ce texte donne la liste au complet des huiles dites canoniques et la mention de sfṯ ne se
trouve pas ailleurs. De plus selon l'ordre qui est toujours donné 418, sfy se trouve bien à la place de sfṯ
c'est à dire en troisième position juste après l'onguent-hekenou. Étonnant cependant que peu
d'auteurs expliquent ceci, tout au plus nos lectures évoquent rapidement ceci comme une variante
(le Wörterbuch, A. Fermat419), sans donner plus d'explications.

Quant à sa nature exacte il est très difficile de savoir de manière assurée en quoi elle
consistait. Cette question a d'ailleurs occupé plusieurs Égyptologues depuis bien longtemps déjà.
Dont le premier doit être G. Maspero420.

Il semble que le sefet était entre une pommade et une huile car il n'était pas complètement
liquide comme l'indique G. Maspero 421. Les autres chercheurs semblent s'accorder plus ou moins là-
dessus422.

414 Wb., IV, p.118


415 SHÎMY, 2005, p.22
416 Voir plus haut : Cat.8. et Cat. 19.
417 SHÎMY, 2005, p.35
418 SHÎMY, 2005, p.35
419 FERMAT, 2010, p.72 note 112
420 MASPERO, 1897, p.294-298
421 MASPERO, 1897, p.296
422 SHÎMY, 2005, p.35-36

169
L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

Les auteurs ne sont pas tous d'accord sur la résine de base qui devait être utilisée. Mais
l'argument de M. Shîmy en faveur de la résine de pin importée de Syrie et du Liban semble
convainquant423. Il ajoute encore que de la graisse de gazelle 424 rentrait peut-être dans la fabrication
de ce produit. L. Manniche parle également de résine de pin du Liban 425. Il est effectivement très
intéressant de remarquer que le papyrus du Rituel de la Maison de Vie semble confirmer ceci en
expliquant : << (…) l'arbre-âsh advint. Et c'est ainsi que l'onguent-sefy advint de sa sève (litt. eau)
>> (ḫpr(=w) ˁš ḫpr sfy pw m mw=f 426). A condition qu'il soit bien juste que la résine-âsh soit bien
issu de conifère, ce texte vient confirmer ce que les chercheurs ont supposé, bien que ce texte soit
pourtant de nature mythologique. Cependant, il faut remarquer que A. Aufrère considère que le sefy
mentionné ici n'est pas l'onguent-sefet des Onguents Canoniques427. Il s'agit pour elle, d'un produit
ayant le même nom, étant proche du bitume, mais fait à partir de résine de conifère ou de cade 428.
Cela dit, cette résine-sefy (ou sefet) rentrerait dans la composition de l'onguent-sefet, à Edfou en tout
cas429. Il semble évident qu'à l'époque tardive, il y ait un onguent et une résine qui porte le nom de
sefet. Mais en est-il de même aux époques plus anciennes ? D'autant plus, qu'il y ait aucune
différence graphique, ni même au niveau du déterminatif, entre cette résine et cet onguent.

Enfin selon l'étude faite à partir d'échantillon conservé à Lyon 430, il en est ressorti que le
sefet, que ces chercheurs considéraient comme de l'huile de cade, est composé avant tout de matière
grasse, donc d'un corps gras d'origine animale (mammifère) 431. À ce corps gras était ajouté des
faibles quantités de cire d'abeille et de résine432. Ils concluent également que le sefet ne contenait
pas d'huile de cade433. Mais il ne faut pas perdre à l'esprit que cette analyse chimique ne peut pas
tout déceler en raison de la vieillesse de ces échantillons.

Il est donc difficile de conclure sur la nature de ce produit. Nous pouvons cependant retenir
que le sefet est sûrement un onguent épais plutôt qu'une huile et qu'il était constitué de graisse
animale. Selon nos textes, il est intéressant enfin de remarquer qu'il pouvait être mélangé : <<

423 SHÎMY, 2005, p.36


424 SHÎMY, 2005, p.36-37
425 MANNICHE, 1999, p.28
426 P- Salt 825, II, 2-3
427 AUFRERE, 1999, p.542
428 AUFRERE, 1999, p.544
429 AUFRERE, 1999, p.544
430 BLETON, GOURSAUD, MEJANELLE, MOURER, TCHAPLA, 1999, p.518
431 BLETON, GOURSAUD, MEJANELLE, MOURER, TCHAPLA, 1999, p.526
432 BLETON, GOURSAUD, MEJANELLE, MOURER, TCHAPLA, 1999, p.526
433 BLETON, GOURSAUD, MEJANELLE, MOURER, TCHAPLA, 1999, p.526

170
L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

L'onguent-sefet et la résine-ménit sont mêlés à la résine-ihem >> (<< sft mnỉ.t šbn.w ḥr ỉhm.t
>>)434.

- Onguent-tjehenou (ṯḥnw435)

Produit faisant partie des huiles dites canoniques436. Il n'apparaît qu'une seule fois dans nos
textes437. Ce produit nous est attesté pour la première fois déjà à la première dynastie 438. Son nom
ḥȝt.t n ṯḥnw, signifie ''Onguent de Libye''. Mais nous ne savons pas qu'elle est son lien réel avec
cette région.

G. Maspero ne fait aucune supposition sur sa nature mais nous rappelle qu'elle pouvait être
brûlée lors de fêtes où l'on enduisait les mèches de ce produit. M. Shîmy pour sa part indique que
certains ont voulu y voir de l'huile d'olive, dont J. C. Goyon 439, et d'autres une huile tirée d'une sorte
de moringa (moringa aptera L.), mais tout cela sans fondements440. Mais M. Shîmy conclu qu'il
devait s'agir d'un produit végétal et non animal 441. Cependant, selon les analyses des échantillons de
Lyon442, il y avait deux échantillons différents de tjehenou qui ont donné des résultats différents.
L'un donne comme élément principal de la graisse animale 443, alors que le second indique de la
résine de conifère comme élément majeur. Cela dit, le second comporte tout de même quelques
traces de graisse également444.

Conclusion également un peu difficile concernant ce produit puisqu'il semble qu'il pouvait
être fabriqué de différentes manières. Il peut donc être plutôt sous forme d'huile ou d'onguent selon
les cas. On peut imaginer qu'il avait toujours plus ou moins la même odeur mais qu'il existait sous
plusieurs formes, pour être plus pratique selon son utilisation.

434 Voir : Cat. 8.


435 Wb., V, p.394
436 SHÎMY, 2005, p.22
437 Voir plus haut : Cat.19
438 SHÎMY, 2005, p.41
439 GOYON, 2000, p.345
440 SHÎMY, 2005, p.41
441 SHÎMY, 2005, p.42
442 BLETON, GOURSAUD, MEJANELLE, MOURER, TCHAPLA, 1999, p.524
443 BLETON, GOURSAUD, MEJANELLE, MOURER, TCHAPLA, 1999, p.525
444 BLETON, GOURSAUD, MEJANELLE, MOURER, TCHAPLA, 1999, p.526

171
L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

- Onguent-touaout (twȝ(wt)445)

Produit faisant partie des huiles dites canoniques446. Il n'apparaît qu'une seule fois dans nos
textes447. Ce produit nous est connu depuis la 4ème dynastie448

Nous avons relativement peu d'informations sur la nature de ce produit. Shîmy en conclu
qu'il s'agit d'une sorte de pommade, voire de pâte, assez solide (et non liquide) ayant une bonne
odeur449. Au Temple d'Edfou, la recette indique : du bitume, de la graisse d'oie et des résines
aromatiques450.

À ce stade des recherches, il est impossible de trancher. Les éléments sont bien trop peu
nombreux pour émettre ne serait-ce que des hypothèses comme pour certains autres produits de
cette liste.

b. Les résines

Par ''résine'', il faut comprendre la ''sécrétion'' de certains végétaux, autrement dit la ''sève''.
Ces sécrétions peuvent être de différents type et de différentes couleurs. On parle aussi parfois de
''gomme'' suivant la consistance de la résine.

- résine-ântiou (ˁntyw451)

Point également sensible de l'Égyptologie qui nous a particulièrement interpellé du moment

445 Wb., V, p.251


446 SHÎMY, 2005, p.22
447 Voir plus haut : Cat.19
448 SHÎMY, 2005, p.38
449 SHÎMY, 2005, p.39
450 AUFRERE, 1999, p.540
451 Wb., I, p.206, 207

172
L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

qu'on le rencontre très souvent dans nos textes. Il n'est pas toujours très clair de savoir à quoi
correspond la fameuse résine-ântiou des textes égyptiens. En dehors du fait que les chercheurs
peuvent être d'avis différents, on remarque surtout dans les ouvrages moins spécialisés qu'il y a
clairement une confusion entre myrrhe et oliban, pourtant il ne s'agit pas du tout de la même chose :
ni à l'apparence, ni à l'odeur (illustration 12). En ce qui concerne les études sérieuses, les chercheurs
hésitent justement entre ces deux résines. V. Loret ne se prononce pas, en effet, il qualifie l'ântiou
d'encens et ne précise pas de quelle résine il s'agit 452. Quant à la plupart des dictionnaires, ils
indiquent que l'ântiou est de la ''myrrhe''453. Dans les études plus spécialisées sur la question, il est
clair qu'il s'agit de la résine d' ''oliban'' comme le pense M. Shîmy 454 ou J.C. Goyon455. Mais il est
possible que pour l'ântiou il ait eu plusieurs sources biologiques utilisées comme pour le senetjer.
Ou alors qu'il y ait eu des confusions chez les Égyptiens eux-même à certaines époques 456. En effet,
il semble bien qu'à l'époque tardive il soit attesté, grâce à des exemples bilingues et autres
comparaisons, que ˁntyw ait bien désigné la ''myrrhe'' 457. Cependant, en ce qui concerne les périodes
qui nous intéressent dans ce travail, nous pensons que ˁntyw désigne de l'oliban. Aux époques
classiques, un autre terme désigne la ''myrrhe'' 458 : ḫry459. C'est ce même mot qui est utilisé en
Démotique et qui a survécu en Copte. Il faut alors expliquer la confusion, comme le fait F. Colin 460,
de ˁntyw à l'époque tardive par le fait que ce mot n'était plus utilisé que dans la langue savante ou
langue classique. Le terme n'était plus usité par contre en Démotique, langue parlée de cette époque.
Par ce fait il n'est pas étonnant que la signification soit devenue confuse. Ceci ne va donc pas à
l'encontre de notre propos en faveur de l'oliban pour les époques antérieures. Et notons encore que
l'utilisation de la myrrhe est attesté archéologiquement en Égypte dès le Moyen-Empire461.

- Iber (ỉbr462)

452 LORET, 1892, p.96


453 Wb., I, p.206 ; MEEKS, 1982, t.3, p.50
454 SHÎMY, 2005, p.192
455 GOYON, 2003, p.55
456 GOYON, 2003, p.55
457 COLIN, 2003, p.106
458 SHÎMY, 2005, p.218
459 Wb., III, p.323
460 COLIN, 2003, p.105-106
461 DODINET, 2008, p.28
462 Wb., I, p.63

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

Substance utilisée très tôt en Égypte, certainement depuis au moins la 4ème dynastie463.

En principe, il s'agit de quelque chose de parfumé mais certains ont voulu y voir un produit
de beauté464.

Il semble admis que ''iber'' soit du ''ladanum'' issu d'un arbuste dont le nom est le ciste 465. Cet
arbuste est d'ailleurs présent dans le Bassin Méditerranéen et également en Égypte466.

On l'utilise aussi bien en parfumerie qu'en médecine 467. En revanche on ne sait pas bien sous
quelle forme se présentait le parfum : pommade, huile, … mais en tout cas il était fabriqué à partir
de la résine de cet arbuste468.

Au-delà du fait que ce mot semble identifié en ce qui concerne la plante qu'il désigne : Il est
difficile de le traduire ou de le rendre dans nos textes, car nous ne savons pas sous quelle forme il se
présentait. C'est pourquoi nous ne le traduisons pas complètement et gardons le mot égyptien iber.
Parfois nous l'avons écrit seul, et parfois nous avons précisé qu'il était sous forme de résine. Il s'agit
de supposition.

- Résine-ihem (ỉhm469)

Ce produit semble assez mal connu car il est difficile de trouver des informations à ce sujet
dans la littérature égyptologique. Il est particulièrement étonnant que M. Shîmy n'en parle pas du
tout dans son étude des substances utilisées dans la parfumerie470.

V. Loret pense que ''ihem'' serait du bdellium, mais il n'est pas certains de cela. Si c'est le cas,
il faut noter que le bdellium est une résine qui peut avoir une odeur comparable à celle de la

463 SHÎMY, 2005, p.185


464 SHÎMY, 2005, p.185-186
465 SHÎMY, 2005, p.186
466 SHÎMY, 2005, p.186
467 SHÎMY, 2005, p.186
468 SHÎMY, 2005, p.186
469 Wb., I, p.119
470 SHÎMY, 2005, p.180-232

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

myrrhe471. Cette résine provient à peu près des mêmes régions que cette dernière 472 et donc n'est pas
présente en Égypte. Le bdellium (ou en tout cas une sorte) est toujours utilisé de nos jours en
Égypte sous une forme assez particulière puisqu'il est bleu et porte le nom de : muql âzraq
(illustration 14).

Ihem apparaît à deux reprises dans nos textes473 et est en principe évoqué parmi d'autres
résines. Il est particulièrement intéressant de relevé la phrase suivante : << la résine-ihem et des
encens variés (au pays) des Medja >> (<< ỉhm snṯr šbn ḥr mḏȝ.w >>)474. Évidemment il est
impossible de savoir si la résine-ihem vient comme <<les encens variés>> du pays des Medja. Mais
si c'est le cas, il semble donc difficile que ihem se rapporte au bdellium. En effet le Medja ne s'étend
pas jusque dans les régions où l'on trouve le bdellium. Si l'on en croit L. Manniche, le bdellium se
trouve dans les pays et régions suivantes : Somalie, Éthiopie, Arabie, Inde, etc 475. À moins que les
Medja aient été en contact avec ses régions là. Il est vrai que D. Michaux-Colombot parle d'un
peuple nomade mais dont le territoire se situe bien plus au Nord que les pays qui viennent d'être
cités, puisqu'il s'agit en principe d'une région allant de Port Bérénice jusqu'à Âsûân 476. Peut être,
selon nous, aussi la région du triangle de Ḥalâîb ? Plus surprenant est la mention par D. Michaux-
Colombot d'un ''Pount'' que certains verraient dans la région de Port Bérénice477. Mais notre fameux
pays de Pount de l'expédition de Hatshepsout ne semble pas pouvoir se situer dans cette région.
Alors s'agit-il d'un homonyme ? En tout cas l'auteur parle de mentions qui parleraient de <<Medja
de Pount>>478. S'agit-il d'un surnom ou cela prouve-t-il un lien entre ces deux peuples ? Difficile de
savoir. En tout cas, les deux régions ont des points en communs, puisqu'il s'agit de producteurs de
résines et les Pountites sont également plutôt une population blanche.

- Résine-ménit (mnỉt479)

Cette substance qui apparaît qu'une seule fois dans nos textes 480 nous a posé problème. Notre
471 MANNICHE, 1999, p.28
472 MANNICHE, 1999, p.28
473 Voir plus haut Cat.7. et Cat. 8.
474 Cat. 7.
475 MANNICHE, 1999, p.28
476 MICHAUX-COLOMBOT, 2007, p.91
477 MICHAUX-COLOMBOT, 2007, p.90
478 MICHAUX-COLOMBOT, 2007, p.88
479 Wb., II, p.76 (?)
480 Voir plus haut Cat. 8.

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

translittération nous donne mnỉt alors que A. Barucq et F. Daumas donnent mỉt481 mais ni l'un ni
l'autre n'a été trouvé avec certitude dans le Wörterbuch.

Ce produit semble donc assez rare et quant à sa nature, il est difficile de savoir quoi penser.
M. Shîmy n'en parle pas dans son étude. A. Barucq et F. Daumas pensent éventuellement à de la
résine de benjoin ou à une sorte de styrax482.

- Résine-ménet-our ( mn-wr483 )

Ce produit assez rare, et que nous avons qu'une seule fois dans nos textes 484, apparaîtrait
relativement tôt dans l'Histoire égyptienne485.

Il n'y a visiblement que très peu de suppositions quant à la nature de ce produit, ne serait-ce
qu'il s'agit d'une sorte d'encens et qu'il soit utilisé en encensement 486. Ou encore selon A. Moret, du
''bitume'', plus précisément du << bitume de Palestine >>487.

On le retrouve par exemple dans la formule 530 du sarcophage de Horhetep, mais sans que
cela nous renseigne sur sa nature : << ỉ(w) mn-wr 2-sp!488>> (= Que vienne la résine-mén(et)-our !
Bis). En tout cas, C. Carrier le considère comme un encens dans sa traduction489.

Nous choisissons de considérer cette substance comme une résine vu que les quelques
chercheurs s'étant penché sur la question, supposent qu'il s'agit d'un encens. Malheureusement, en
l'absence de plus d'informations, il est difficile d'en faire plus.

481 BARUCQ, DAUMAS, 1980, p.209 note f


482 BARUCQ, DAUMAS, 1980, p.209 note f
483 Introuvable dans le Wb.
484 Voir plus haut, Cat. 15.
485 SHÎMY, 2005, p.209
486 SHÎMY, 2005, p.210
487 MORET, 1902, p.78
488 CTVI, 122, c
489 CARRIER, 2004, t.2, p.1273

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

- Qémyt (ḳmy.t, ḳmỉ490)

Ce terme est généralement rendu en Français par ''gomme''. Il s'agit tout de même d'un terme
assez rare et nous le rencontrons une seule fois dans nos textes 491. Il est attesté depuis la 18ème
dynastie492.

Aussi bien pour V. Loret493 que pour M. Shîmy494, cette résine provient d'un acacia : acacia nilotica.
S. Aufrère est un peu moins catégorique et dit qu'il s'agit normalement d'acacia et cite plusieurs
sortes d'acacia495. Acacia dont le nom égyptien496 est šnt497 et en Copte498 ϣⲟⲛⲧⲉ499. Il est intéressant
de constater que la résine de l'acacia (sanṭ en Arabe) est toujours utilisée par les Coptes
d'aujourd'hui500 pour certains rituels magiques501.

Cette résine était directement présente en Égypte, mais sans aucun doute, on en trouvait
également en Nubie ou dans le Pays de Pount 502. S. Aufrère confirme que la Nubie est l'hôte de
diverses essences d'acacia503.

Enfin, à noter que le mot ḳmỉ, s'il est associé avec un autre mot, a dans ce cas le sens de
''gomme'' ou ''résine''504. Il ne désigne donc plus une substance bien précise qu'est la résine d'acacia.
On le trouve par exemple dans l'expression : << ḳmy.t n.t ˁntyw >>505 = gomme-résine d'oliban506.

490 Wb., V, p.39


491 Voir plus haut Cat. 8.
492 AUFRERE, 2005, p.159
493 LORET, 1897, p.84
494 SHÎMY, 2005, p.219
495 AUFRERE, 2005, p.158
496 LORET, 1897, p.84
497 Wb., IV, p.498
498 LORET, 1897, p.84
499 Et en Arabe : sanṭ
500 Cependant, il est très très difficile de s'en procurer auprès des vendeurs spécialisés dans ce genre de produit, que ce
soit au Caire ou dans le Sud de l'Égypte.
501 VIAUD, 1978, p.66
502 SHÎMY, 2005, p.219
503 AUFRERE, 2005, p.158
504 LORET, 1897, p.84 ; AUFRERE, 2005, p.159
505 Urk. IV, 329,3
506 AUFRERE, 2005, p.159

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

- Résine-senetjer (snṯr, sntr507) : ''encens''

Il s'agit là d'un sujet épineux et très complexe, qui occupent les Égyptologues, mais pas
seulement, depuis bien longtemps déjà.

Plusieurs problèmes se posent concernant l'étude du senetjer. Déjà simplement parce que les
Égyptiens ne nous ont pas laissé d'explication claire sur la nature de ce produit, ce qui n'est pas
surprenant, bien sûr. Ensuite, car il y a souvent des imprécisions dans les travaux et traductions qui
traitent de ce terme. En effet, il y a aussi parfois un obstacle, si l'on peut dire, avec l’imprécision de
la langue française. Il est établi que senetjer se rend en Français par ''encens''. Or le terme ''encens''
est légèrement ambigu car il est imprécis. Étymologiquement ''encens'' évoque n'importe quelle
substance qui dégage, en la brûlant, une fumée odoriférante 508, sauf que normalement le langage
courant attache une résine en particulier à la notion d'encens. Il s'agit de la résine d'oliban qui
provient des arbres du genre Boswellia509. Il s'agit donc déjà d'une source de confusion. Il n'y a pas
le même problème en Arabe par exemple, où le baḫûr510 a le sens que l'on a étymologiquement en
Français avec le mot ''encens''. Ainsi il ne désigne jamais une résine précise. Cependant, d'un autre
côté, l’ambiguïté du Français rend bien l’ambiguïté du terme senetjer qui n'est pas précis non plus
en Égyptien. Mais à la différence du Français (parlé), il ne semble pas qu'il soit possible en
Égyptien d'expliciter le mot senetjer qui signifie ''encens'' (dans l'acception d'une résine non
déterminée) en indiquant de quelle résine il s'agit : encens de myrrhe, encens de mastic 511. En
Égyptien, sur la racine sntr512 est formé également un verbe qui signifie ''encenser'' (donc faire une
''fumigation'') et pourtant le senetjer se rattache bien à une résine aussi. Il semble que le mot ait
désigné plusieurs sources botaniques comme le pense N. Baum513. Mais la question est de savoir
qu'elle était la résine généralement désignée sous cette appellation. En tout cas il ne semble pas que
l'oliban convienne dans ce rôle, car il y a la question de la présence géographique de ces différents
arbres. Les arbres à oliban ne poussent pas en Égypte. Ceci sans parler qu'il existe environ 700
espèces de Boswellia514. Et bien sûr, toutes ces variétés ne se trouvent pas au même endroit. Il est

507 Wb., IV, p.180


508 GOYON, 2003, p.56 note 10
509 MANNICHE, 2008, p.98-99
510 La racine BḪR se réfère en effet à tout ce qui à rapport avec : les odeurs, les fumées, la vapeur
511 Aucun exemple connu ne donne par exemple : snṯr n ˁntyw (encens d'oliban) à la différence de : ḳmỉ n ˁntyw (résine
d'oliban).
512 Wb., IV, p.180
513 BAUM, 1999, p.429
514 AKSAMIJA, 2012, p.34

178
L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

vrai que l'on trouve certaines espèces dans des territoires égyptiens comme le Soudan 515, mais la
qualité est bien différente de celle d'Arabie 516 (illustration 13). L'oliban n'est attesté scientifiquement
en Égypte que tardivement, il aurait été largement utilisé qu'à l'époque ptolémaïque 517. La résine de
pin ne semble pas retenue non plus, bien que V. Loret la supposait, parmi d'autres propositions, en
ce qui concerne la mention des ''nh.t sntr'' où il y voyait éventuellement le pin 518. A. Moret pensait
aussi au pin d'Alep pour le senetjer519. En fait, les chercheurs s'accordent plus ou moins sur le fait
que le senetjer était généralement de la résine de térébinthe520 ou plutôt du mastic comme l'explique
N. Baum venant du pistacia terebinthus, et selon elle, pourquoi pas de : pistacia lentiscus, pistacia
atlantica, pistacia khinjuk et pistacia aethiopica. En fait elle étend la proposition de V. Loret à tout
le genre pistacia et ajoute, qu'au moins une sorte d'oliban ressemble beaucoup au mastic lorsqu'il est
utilisé comme encens521. De plus, ces arbres sont présents dans tout le bassin méditerranéen, y
compris en Égypte522 et même encore de nos jours523 (illustration 15). D'ailleurs E. Dodinet affirme
que le pistacia était utilisé partout au Levant à l'époque du Bronze 524. Dans l'état actuel des
recherches, il faut conclure que la résine utilisée généralement en tant que senetjer était du genre
pistacia. Cela semble ce qu'il y a de plus probable.

Conclusion

Comme nous l'avons vu, l'étude des huiles et des résines n'est pas aisé à réaliser. Les textes
égyptiens ne nous donnent que peu d'informations quant à la nature de ces produits odoriférants et
les échantillons sont rares. De plus, nous avons vu que les échantillons ne sont pas toujours aussi
parlant que l'on pourrait l'espérer, car ils sont endommagés vu leur âge très avancé. Nombreux sont
515 AKSAMIJA, 2012, p.35. Voir aussi à la même page la liste des espèces avec son pays d'origine.
516 Il est vrai cependant que de nos jours, on utilise très souvent l'oliban soudanais en Égypte.
517 DODINET, 2008, p.27
518 LORET, 1892, p.97
519 MORET, 1902, p.78
520 LORET, 1949, p.61 ; MANNICHE, 2009, p.3 ; DODINET, 2008, p.28
521 BAUM, 1999, p.429
522 GOYON, 2003, p.55
523 Il est possible d'acheter chez l' ˁaṭṭâr (apothicaire, parfumeur) au Caire du mastikah (c'est à dire du mastic) qui
provient donc surement du pistacia lentiscus. Quoique ce terme en Arabe est assez vague et ne désigne pas
forcément un pistacia en particulier. De plus, mastikah et buṭm sont tout simplement des synonymes et ne désignent
pas chacun une autre sorte de pistacia comme on pourrait le penser, mais sont tout deux des termes généraux.
524 DODINET, 2008, p.28

179
L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

les chercheurs à avoir planché sur le sujet et ceci depuis bien longtemps. Et pourtant certaines
notions restent encore, pour nous, un mystère. Quoiqu'il en soit, l'étude de ces produits est très
intéressante et il nous paraissait indispensable de l'évoquer dans notre travail.

En vue de ce que nous avons présenté ici, il nous semble juste de reconsidérer l'appellation
d'<< Huiles Canoniques >>525. En effet, ces produits sont tous réalisés à partir de différentes
substances, il s'agit d'une préparation, souvent complexe, qui donne un résultat plus proche du
''baume'' que de l' ''huile'', du moment qu'elles comportent toutes de la graisse animale. Le mot
''huile'' nous semble donc mal adapté. C'est pourquoi nous proposons de parler plutôt d'Onguents
Canoniques. Le mot ''huile'' étant susceptible d'être ambigu à cause du fait que l'on pourrait
imaginer que ces produits ne sont fait qu'à partir d'une seule plante, arbuste ou autre. Alors qu'il
s'agit toujours, semble-t-il, d'une préparation faisant appel à plusieurs ingrédients.

En ce qui concerne les Onguents Canoniques, les analyses chimiques réalisées dont nous
avons parlé, ont révélé une utilisation assez généralisée de résines de conifère. Il est vrai que parfois
les résines n'ont pas pu être identifiées, mais contrairement à ce que pensaient certains, il n'a pas été
retrouvé de myrrhe ou d'oliban parmi les résines utilisées pour la fabrication de ces onguents. Or,
nous pensons que ceci n'est pas surprenant du tout. Du moment que ces onguents sont fabriqués à
partir de plusieurs produits différents, dont un fort pourcentage de graisse (animale), la plupart du
temps, il n'est pas étonnant qu'on ait préféré utiliser de la résine de conifère plutôt que de l'oliban ou
de la myrrhe. En effet, même si les résines de conifère venaient très certainement de Syrie, elles ne
devaient pas être aussi onéreuses que l'oliban ou la myrrhe qui viennent de régions plus difficile
d'accès. À en croire l'expédition de Hatshepsout, il n'était pas si simple d'y aller. Alors que la Syrie
était beaucoup plus accessible. N'oublions pas que le Proche-Orient était d'ailleurs souvent sous
contrôle égyptien direct ou indirect. De plus, l'oliban et la myrrhe sont des produits beaucoup plus
fins que la résine de conifère. Il semblerait alors surprenant de les mélanger avec d'autres choses,
surtout comme de la graisse. Les matières odoriférantes de base des Égyptiens étaient donc
principalement celles du Bassin Méditerranéens comme le remarque E. Dodinet 526. Cependant, il est
notoire que certaines résines venaient bien d'Arabie mais ceci grâce la plupart du temps au
commerce levantin527. Nulle besoin alors d'entreprendre à chaque fois de longue expéditions comme
celle de Hatshepsout.
525 SHÎMY, 2005, p.29
526 DODINET, 2008, p.23
527 WARBURTON, 2008, p.218

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

Enfin, concernant les Onguents Canoniques que les chercheurs considèrent généralement au
nombre de sept, il est à noter que le premier onguent de cette liste, qui est le sty-ḥb, n'a pas été
inclus dans nos recherches. De par son étymologie déjà, on peut se demander s'il s'agit bien d'un
produit en particulier, ou alors bien d'un <<parfum de fête>> indéterminé. Bien sûr, s'il s'agit bien
d'un onguent spécifique, les Onguents Canoniques sont au nombre de sept, ce qui est ''pratique''
puisque le chiffre sept a son importance dans la Religion égyptienne, comme le rappel M. Shîmy 528.
Quoi qu'il en soit, les informations sur les composantes de ce soit-disant onguent ne sont pas
connues, c'est pourquoi, il ne nous paraissait pas indispensable de l'inclure dans cette partie. La
question reste ouverte sur la nature de cette expression.

2. Signification religieuse de ces produits odoriférants

Afin de se rendre compte de l'importance de l'utilisation des produits odoriférants comme les
onguents et les résines, il faut comprendre leur signification religieuse pour les Égyptiens. C'est ce
que nous allons voir maintenant en voyant d'abord quelle était l'origine, c'est à dire comment ont-ils
été créés. Nous verrons à travers des textes mythologiques qu'il s'agit d'une création divine. Puis
nous verrons à partir de différentes sources la symbolique qui leur est attachée. ''Origine'' et
''symbolique'' peuvent paraître assez proches, mais nous faisons la distinction pour bien expliquer :
le contexte de la création mythologique de certains de ces produits à travers un conte étiologique
dans notre <<a. Origine>> alors que notre <<b. Symbolique>> traitera plus de la considération que
l'on fait de ces produits, même si parfois il s'agit aussi de parler en quelque sorte de leur origine,
mais pas du pourquoi de leur création.

a. Origine

Peu nombreux sont les textes égyptiens en notre possession expliquant le contexte de

528 SHÎMY, 2005, p.31

181
L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

création des produits odoriférants. Ce qui nous intéresse ici est de savoir comment les dieux qui ont
créé toutes choses, ont créé ces produits si important dans le culte. Pourquoi et comment les ont-ils
créé. Amon, qui est celui qui nous intéresse avant tous les autres dans ce travail, est-il celui qui a
créé ou participé à la création de résines, de plantes utilisées dans la parfumerie sacrée ? Quand il
s'agit de mythologie, bien sûr aucune réponse définitive ne peut être véritablement prise en compte.
La mythologie n'ayant pas de règles précises: même si un texte indique quelque chose, un autre peut
dire le contraire, sans que cela ne donne tort à l'un ou à l'autre. Mais notre propos n'est pas de
définir ce qu'est la mythologie. Un de nos textes semble indiquer que des résines et autres produits
précieux n'ont pas été créés directement par Amon mais plutôt pour lui : << (...) pour qui a été
formé le désert, l'argent et l'or. (Ainsi que) le lapis-lazuli véritable selon son désir. (De même que)
la résine-ihem et des encens variés... >> (ḳmȝ(w) n=f ḫȝs.t ḥḏ nbw ḫsbd mȝˁ n mrw.t=f ỉhm snṯr
šbn)529 dans cet extrait, nous pouvons dire qu'il est fait allusion à la création de ces différents
produits dont la <<résine-ihem>> et des <<encens variés>> qui nous occupent ici. Mais nous
n'avons pas plus d'informations sur le comment et le pourquoi. En fait, il faut aller chercher la
''réponse'' ailleurs. Le papyrus du Rituel de la Maison de Vie (Papyrus Salt 825) est bien plus parlant
et nous indique des informations très intéressantes sur la création de produits qui nous intéressent
dans notre étude. Cette création surviendrait, à en lire le Rituel, à cause de la tristesse des dieux par
rapport à la mort d'Osiris. Ainsi, on y apprend que la résine-ântiou a été créé par les pleurs de
Horus : << Horus pleura, une larme tomba de son œil à terre. Elle crût, c'est ainsi qu'advint la
résine-ântiou sèche. >> (wn=ỉn ḥr (ḥr) rm hȝy mw m ỉr.t=f r tȝ rd =f ḫpr ˁntyw šw pw 530). Quant à la
résine-âsh, elle serait due à la création par Geb de son arbre : << Geb (…), du sang de son nez coula
sur la terre. Il poussa et l'arbre-âsh advint. >> (gb (...) hȝy snf n fnḏ=f r tȝ rd=f ḫpr ˁš 531) et on y
apprend encore qu'à partir de là : << c'est ainsi que l'onguent-sefy advint de sa sève (litt. eau) >>
(ḫpr sfy pw m mw=f532). Le senetjer lui résulte des pleurs de Shou et Tefnout : << Shou et Tefnout
ont énormément pleuré, de l'eau coula de leurs yeux à terre. Elle crût, et c'est ainsi qu'advint le
senetjer. >> (wn-ỉn šw tfnw.t (ḥr) rm r ˁȝ wr hȝy mw m ỉr.t=w r tȝ rd=f ḫpr snṯr pw 533). La liste
continue par des procédés analogues qui nous expliquent comment sont apparus d'autres produits,
dont le miel et le bitume qui entrent parfois dans la fabrication de certains parfums. Le reste sort
complètement du cadre de notre sujet. Il peut paraître surprenant en tout cas que le contexte de

529 Voir dans notre partie II, Cat. 7.


530 P. Salt 825, II, 1-2
531 P. Salt 825, II, 2-3
532 P. Salt 825, II, 3
533 P. Salt 825, II, 4-5

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

création (ou d'apparition) de ces produits est lié à un événement tragique qu'est la mort d'Osiris. De
plus, il est surprenant que le sang d'un dieu (Geb en l'occurrence) intervienne dans ces créations,
comme le remarque P. Derchain 534. En réalité, ce n'est pas si surprenant que cela, dans la mesure où
d'autres explications mythologiques sur la création de différentes choses surviennent lors
d'événements tragiques, voire violents. On remarque par exemple ceci dans le papyrus Chester
Beatty I : un mythe racontant notamment les différents épisodes de la lutte de Horus. Ainsi après un
différent avec sa mère Isis, dont on passe les détails, on arrache les yeux de Horus qui sont jeté dans
la terre. De là, poussent des fleurs de lotus535, une fleur sacrée pour les Égyptiens. On remarque
donc que les créations divines peuvent tout à fait survenir à des moments tragiques, même si ici le
côté étiologique est tout de même moins mis en avant que dans le papyrus Salt 825. Les exemples
pourraient être multipliés d'ailleurs.

En dehors du fait qu'il s'agit souvent d'événements tragiques, on peut aussi souligner le fait
que l'apparition de ces produits est un accident, ou en tout cas le fruit du hasard. On pourrait penser
qu'il s'agit d'une création divine volontaire et planifiée. Alors qu'en fait, il s'agit bien d'une création
divine, mais malgré elle. Effectivement, ce n'est pas le seul exemple comme cela. On remarque
souvent qu'il s'agit d'apparitions paraissant totalement hasardeuses. Toujours dans le papyrus
Chester Beatty I et dans les mythes autour de la lutte de Horus, on trouve un exemple pour illustrer
ce propos. Lorsque Horus se présente devant le tribunal des dieux, il est question de savoir si Horus
a bien été abusé par son ennemi. Thot usant de la magie, appelle alors le sperme de Horus pour voir
d'où il sort. Vu que Seth avait mangé des salades sur lesquelles le sperme de Horus avait été
répandu, ce sperme sort de sa bouche. Mais il ne sort pas n'importe comment ! Il apparaît tel un
disque d'or … celui que l'on retrouve sur la coiffe de Thot 536. Il semble bien de nouveau que cette
explication mythologique soit assez hasardeuse et non planifiée, bien qu'il s'agisse d'autre chose. Ce
n’est pas quelque chose de comparable à nos produits odoriférants. Cependant, nous voulions faire
un parallèle pour montrer que le développement mythologique concernant les résines n'est pas si
différent des autres textes mythologiques.

Ce qui est plus surprenant en revanche, est que les explications mythologiques de cette
partie du papyrus sont particulièrement simples, brèves et même fonctionnelles 537 comme le

534 DERCHAIN, 1965, p.29


535 LALOUETTE, 1996, p.130
536 P. Ch. Beatty I, recto, 12 ; Traduction : LALOUETTE, 1996, p.132
537 DERCHAIN, 1965, p.29

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

constate P. Derchain. Tout est basé sur la mort d'Osiris, puis les réactions s'enchaînent dans
lesquelles les dieux vomissent, crachent etc. Ce qui donne en fait les différents produits utiles au
rituel. Dans certains mythes effectivement, les récits débouchant sur une explication étiologique
sont beaucoup plus longs, alors qu'ici tout est dit en une phrase. Plus surprenant encore est le fait
qu'il n'y a pas de jeu avec les mots (sur les assonances, les homophonies, etc.), comme c'est le cas
très souvent dans les textes égyptiens et notamment dans les mythes. Dans ces extraits, mais
également partout ailleurs dans ce Rituel de la Maison de Vie, P. Derchain n'a relevé aucun jeu de
mot538.

Aussi, il est intéressant la mention du ''sefy'' alors qu'il est question de l'apparition de l'arbre-
âsh. On ne sait pas si le sefy qui advint à partir de la sève, advient en même temps et est donc une
création divine ou alors s'il s'agit d'une explication de ce que l'on peut faire avec la sève de cet arbre
qui est lui une création divine. Quoi qu'il en soit il s'agit d'une indication intéressante. Comme
mentionné plus haut, le sefy dans ce cas-là n'est peut-être pas l'onguent-sefet des Onguents
Canoniques, mais comme le pense A. Aufrère une résine-sefy proche du bitume539. Ni la graphie du
mot, ni le déterminatif ne permettent vraiment de trancher sur la question. En tout cas, P. Derchain
remarque également que parmi ces données figurent des produits ''producteur'' comme le miel qui
vont donc servir à fabriquer d'autre chose, alors que parfois des recettes ou des indications sur
l'utilisation de telle ou telle chose sont données, comme pour la boisson-shedeh540. En l'occurrence,
tout ceci est indiqué comme création divine pour établir un lien avec l'utilisation qui en est faite
ensuite dans le rituel541. Le but de ces explications mythologique est donc de justifier, ou en tout cas
d'expliquer pourquoi on les utilise dans le rituel.

Enfin, il faut tout de même indiquer un dernier point, un peu moins mythologique, mais qui
a son importance. Il est évident qu'en vrai, les Égyptiens s'approvisionnaient en résines précieuses
notamment dans le fameux pays du Pount. Si bien que ce pays, mystérieux et mythique, est très
souvent appelé dans les textes, y compris bien sûr de nombreuses fois dans notre documentation,
Pays-du-dieu (tȝ-nṯr). Ce pays justement passe pour être une création du dieu Amon, dans nos
textes. Le dieu l'indique clairement dans un texte dont les paroles lui sont attribuées. Ainsi dans

538 DERCHAIN, 1965, p.29


539 AUFRERE, 1999, p.542
540 DERCHAIN, 1965, p.30
541 DERCHAIN, 1965, p.30

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

l'oracle concernant l'expédition de Pount542, Amon déclare : << (Je) l'(= Pount) ai créé pour moi afin
de réjouir mon coeur avec Mout, Hathor, Ouereret, la Maîtresse de Pount, la Maîtresse du ciel, la
Grande de magie, la Dame de tous les dieux. Qu'ils collectent la résine-ântiou à leur guise ! >>
(ỉr~n(=ỉ) n=ỉ s(.t) r sȝb ỉb=ỉ ḥnˁ mw.t ḥw.t-ḥr nb(.t) wrr.t nb.t pwn.t nb.t p.t wr.t ḥkȝw.t nṯr.w nb.w
ṯȝ=sn ˁntyw r mrr(w).t=sn). Finalement, Amon fait donc indirectement partie des créateurs des
résines puisqu'il a créé Pount.

Il est donc clair, à travers ces exemples, que les résines et autres produits odoriférants
utilisés dans le culte, ne sont pas utilisés par hasard. Les textes ne manquent pas de mentionner
qu'ils sont des créations divines. Mais il est moins évident de trouver le pourquoi du comment, et il
existait peut-être d'autres explications que celles du papyrus Salt 825. Cependant, ce dernier est
clair sur l'origine de ces substances.

b. Symbolique

De par leur origines mythologiques particulières, comme nous venons de le voir, les résines
notamment, et par extension les onguents aussi, puisqu'ils sont fabriqués à partir de résine souvent,
sont devenus sacrés, et il n'est donc pas surprenant qu'ils soient utilisés dans le culte, dans divers
rituels, comme nous le verrons plus loin. De par cette sacralité, voire même ce statut divin, car il
faut remarquer que les résines sont parfois des dieux à part entière 543 ou en tout cas issus du corps
divin544. Il nous faut alors maintenant évoquer la symbolique qui est rattachée aux parfums et aux
résines. Il est souvent plus question des résines d'ailleurs, même parfois de manière assez vague,
que des onguents. Cependant, beaucoup de résines entrent dans la fabrication des onguents.

b.1 Pount, odeur du dieu :

542 Voir dans notre partie II, Cat. 4.


543 MORET, 1902, p.116
544 MORET, 1902, p.79 ; BLACKMAN, 1912, p.71 et p.74

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

Notre documentation nous renseigne plusieurs fois sur différents points quant à la
symbolique de ces produits odoriférants. Tout d'abord il est parfois dit que l'odeur du dieu est celle
de Pount : << le parfum du dieu, toutes ses senteurs venant de Pount >> ( sty nṯr ḫnm.w=f nb m
545
pwn.t ), rien de surprenant dans une telle affirmation, puisque nous l'avons vu dans le point
précédent, que Amon passe pour être le créateur de ce pays mythique où les Égyptiens allaient
chercher de la résine, notamment, la résine-ântiou d'après les textes. C'est pour cette raison qu'ils
appelaient ce pays << Pays-du-dieu >>. Et même parfois, F. Assaad relève que certaines versions du
chapitre 15 du Livre de la Sortie au Jour (ou ''Livre des Morts'') le nomment ''Pays des Parfums'' 546.
De plus, selon S. Ḥasan, les habitants de ce pays ont été représentés vêtus de la même manière que
les dieux égyptiens547. Ceci n'est très certainement pas représentatif de la réalité, même si les dieux
égyptiens sont vêtus assez simplement et ne ''suivent'' en principe pas les modes, il y a un contraste
entre la simplicité de l'habitat548 des Pountites (voir illustration 16) et leur vêtements à l'Égyptienne.
C'est certainement pour toutes ces raisons que les Égyptiens considéraient qu'ils étaient de la même
origine que les habitants de Pount. De par l'importance de ce pays pour eux et puisque leurs propres
dieux l'avaient créé, ils devaient forcément être de la même origine que ses habitants. D'ailleurs, il
est intéressant de remarquer que Pount est la terre des dieux, comme nous l'avons dit, mais bien des
dieux d'Égypte. En aucun cas, il est fait référence à des divinités locales vénérées réellement par les
Pountites549. Alors que les Égyptiens ont intégré des dieux étrangers dans leur panthéon (du Proche-
Orient550, Libye551 et Nubie552 notamment), les Pountites ne sont donc pas considérés comme les
autres peuples avec lesquels les Égyptiens avaient des contacts. La Nubie par exemple, si proche de
l'Égypte sur bien des points était considérée comme égyptienne et même certainement de religion
égyptienne553 , mais elle n'en était pas moins soumise à l'Égypte. En ce qui concerne Pount, en tout
cas pour ce qui est de l'expédition de Hatshepsout, on parle toujours de mission pacifique 554, bien

545 Voir notre partie II, Cat. 2. et Cat. 3.


546 ASSAAD, 2000, p.155
547 ḤASAN, 2001, vol.4, p.326
548 Effectivement à en observer les représentations de Daîr al-Baḥarî, on remarque un paysage plutôt sauvage et naturel
dont les habitations sont sous formes de huttes. La population de Pount semble donc assez primitive et pourtant leur
habits sont plutôt évolués. Voir : NAVILLE, 1894-1908, Tome III, pl. LXIX, LXX et LXXI
549 Sauf si, comme le dit H. Gauthier, le dieu nubien Dedoun est originaire de Pount. Mais il s'agit plus d'une
supposition que d'une affirmation. Voir : GAUTHIER, 1920, p.4
550 NÛR AD-DÎN, 2014, tome 1, p.367
551 NÛR AD-DÎN, 2014, tome 1, p.377
552 NÛR AD-DÎN, 2014, tome 1, p.379
553 Les Nubiens avaient leurs propre dieux mais ils ont également adopté la religion égyptienne (ce qui détermine
l'appartenance religieuse est la façon de faire un rite, et non l'origine des dieux) puisque le conquérant Piânkhi a
conquis l'Égypte au nom de la religion, voir GRIMAL, 1988, p.405
554 ASSAD, 2000, p.158

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

que l'armée y a été envoyée (certainement pour protéger la mission égyptienne entre l'Égypte et
Pount, mais en aucun cas pour attaquer ce pays). Ceci prouve bien que les Égyptiens ne se voyaient
pas différents des Pountites, et ceci parce qu'il y avait dans leur pays tant de résines sacrées ! On
comprend alors mieux toute la symbolique qui est rattachée aux résines.

b.2 La résine-ântiou, chair du dieu :

Ensuite, on apprend que la résine-ântiou est issue de la chair du dieu : << ˁntyw ỉm r nwd.t
mḏ.t ḥˁw-nṯr >>555. On comprend donc la sacralité du produit qui n'est pas seulement sacré mais qui
provient directement du corps du dieu. Cette notion reste tout de même assez vague, car on ne sait
pas de quel dieu il s'agit. C'est pourquoi, on pourrait également traduire cette expression ( ḥˁw-nṯr )
par << la chair divine >>, car dans l'absolu le mot ''nṯr'' n'est pas propre à un dieu spécifique bien
sûr. Cependant, il est évident que la résine-ântiou n'est pas issue de tous les dieux ou de n'importe
quel dieu. Il y a certainement plusieurs dieux selon les cas, les époques qui sont concernés par cette
expression. Comme si l'expression devait être ''passe par tout''. Ce n'est pas le seul exemple comme
cela où le mot ''nṯr'' est utilisé de manière neutre. Les textes de sagesse utilisent également souvent
ce procédé556, qu'il ne faut pas confondre avec vision monothéiste de la religion avec un dieu
unique. On ne sait pas exactement pourquoi les Égyptiens utilisaient ce procédé littéraire, mais
certainement pour que la sagesse soit plus facilement diffusée 557 et compatible avec le dieu de
chacun558. Ce que rappelle bien E. Hornung en disant que ''nṯr'' est utilisé quand les Égyptiens
entendaient << le dieu que vous désirez >> 559. Cependant, dans notre cas, à quel(s) dieu(x) est-il fait
allusion ? En fait il est très difficile de répondre à cette question. Peut-être faut-il y voir Horus
puisque, nous l'avons vu plus haut, en tout cas dans le Rituel de la Maison de Vie, il en est le
créateur. Mais ce n'est pas parce qu'il en est le créateur que ce texte fait forcément allusion au dieu
qui a créé ce produit. M. Shîmy indique que la résine-ântiou serait reliée particulièrement au dieu
Râ560, à en lire une formule du Rituel de l'Embaumement. En effet la formule dit : << La résine-
ântiou est pour toi ! (…) les humeurs sortis de Râ sont pour toi ! >> ( ˁntyw r=k (...) rḏw.w r=k
555 Voir notre partie II, Cat. 5.
556 HORNUNG, 1987, p.39-40
557 On ne sait pas dans quelle mesure elle était diffusée, mais l'élite en avait connaissance puisqu'on retrouve des
extraits de ces textes sur les exercices d'écoliers. Voir : VERNUS, 2010, p.32
558 Bien que Polythéistes, les Égyptiens avaient ce que l'on appelle un dieu personnel qui est souvent lié à leur famille
ou à leur ville d'origine.
559 HORNUNG, 1987, p.50
560 SHÎMY, 2005, p.192

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

pr(=w) m rˁ561 ). Donc nous continuons à penser que cette résine n'est pas rattachée seulement à un
dieu en particulier, mais selon les cas, cela peut être l'un ou l'autre. En tout, on peut conclure que les
différentes sources sont parfois contradictoires, ou en tout cas ne donnent pas les mêmes
informations. Il faut peut-être alors voir le ''nṯr'' de l'expression ḥˁw-nṯr comme un moyen de
concilier les différentes versions mythologique, et tout simplement de ne pas prendre position. Car
s'il est évident que ces résines sont sacrées, car venant d'un dieu directement, tout le monde ne
connaît peut-être pas les explications mythologiques (désir donc de garder ces informations aux
seuls initiés ?). Il ne faut pas oublier que, seule une minorité avait accès aux textes sacrés, et
également, que peu de monde savait lire et écrire 562. Nous ne sommes donc pas les seuls à ignorer
les réponses à nos questions.

b.3 Les onguents, issus des membres divins :

Il n'y a pas que les résines qui ont une symbolique complexe. On s'en doute puisque les
onguents et les huiles sont également utilisés dans le culte et les rituels, et ont une importance
capitale. Très souvent composés de résines, les onguents n'en ont pas moins une symbolique propre,
si l'on peut dire. Ainsi, on qualifie certaines fois les onguents comme << issu de tes membres >>
(mrḥ.t ỉmy.t ḥˁ.w=k563), un peu à la manière de l'exemple précédant concernant la résine-ântiou. Sauf
que cette fois-ci, cet hymne du papyrus Leiden I350, étant dédié à Amon, nous laisse moins de
mystère. Les membres en question sont donc tout simplement ceux du dieu Amon. Pourtant A.
Moret indique que les Onguents Canoniques, par exemple, sont des sécrétions de Râ 564. On
comprend donc qu'il s'agit beaucoup du contexte et que ce n'est pas toujours les mêmes dieux qui
sont concernés. Évidemment on ne peut pas nier le côté solaire d'Amon qui est d'ailleurs mis en
avant dans ce recueil, comme nous l'avons déjà évoqué plus haut. Mais il semble plutôt qu'il s'agisse
de justifier au dieu lui-même une fois de plus ce qu'on utilise pour son culte. Comme le pense P.
Derchain à propos du Rituel de la Maison de Vie, où l'on cite et indique que les produits qu'on
utilise sont sacrés565. Ici en plus de cela, ils sont directement liés au dieu auquel on rend le culte, ce
qui n'est pas le cas dans le Rituel de la Maison de Vie.

561 Rituel Emb. I, 2,2


562 Certainement entre 1 et 2% de la population, voir : MEEKS, 2000, p.13
563 Voir notre partie II, Cat. 8.
564 MORET, 1902, p.196
565 DERCHAIN, 1965, p.29-30

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

b.4 La résine-senetjer, sécrétion du dieu :

On qualifie également l'encens, donc la résine-senetjer, de << sécrétion du dieu >> (fd.t
nṯr566) dans le Rituel d'Amon. Dans l'un des textes (Cat.14), l'on peut se poser la même question que
plus haut, à savoir quel dieu est désigné par le mot ''nṯr''. Tandis que le Cat. 16. indique que cette
sécrétion est celle de l'Oeil de Horus : << ce parfum, il est agréable car c'est la sécrétion du dieu
sortie de lui. Vous mettez vos (deux) mains sur ce fameux parfum sorti de l'Oeil de Horus >> (sty
pw nḏm=s fd.t nṯr pr(=w) ỉm=f ỉs(k) d=tn ˁ.wy=tn ḥr sty wr pr(=w) m ỉr.t ḥr 567). Cependant, il faut
rappeler que l'Oeil de Horus est une notion assez vague ou plutôt qu'il s'agit surtout d'un concept. La
notion est peut-être finalement aussi vague que la mention de ''nṯr'', car il ne faut pas comprendre
''Oeil de Horus'' comme étant directement une partie anatomique (en l'occurrence l'œil) du dieu
Horus. En réalité, il s'agit d'un concept religieux complexe évoquant la plénitude et les offrandes qui
sont faites au dieu. Il est donc un symbole qui procure au dieu des offrandes, comme l'explique A.
Moret568. Sa symbolique est finalement assez proche de l'offrande de Maât. Car aussi bien l'offrande
de Maât que de l'Oeil de Horus symbolise toutes les offrandes dont a besoin le dieu 569. Cependant,
la notion d'Oeil de Horus n'est peut-être pas toujours à comprendre de la même manière, mais il est
difficile de faire la différence dans ces textes religieux, souvent en partie hermétiques. Il est vrai que
si parfois l'on parle vraiment de l'Oeil du dieu Horus directement (et non d'un concept abstrait), il
n'est pas sans rappeler le récit étiologique du Rituel de la Maison de Vie qui indique que la résine-
ântiou provient en fait des pleurs de Horus. Mais encore faut-il que le mot senetjer puisse désigner
la résine-ântiou. Quoi qu'il en soit, A. M. Blackman indique bien que l'Oeil de Horus symbolise
l'encens570 mais que ce dernier est totalement relié à Osiris et qu'il est un produit de son corps. Pour
A. M. Blackman toutes les expressions avec le mot ''nṯr'' parlant de l'encens-senetjer sont en fait
relatives à Osiris. Osiris est donc sous-entendu dans le mot ''nṯr''571. Et ceci y compris bien sûr pour
l'expression qui nous intéresse ici : fd.t nṯr. Difficile de trancher définitivement sur la question mais
les arguments de A. M. Blackman sont intéressants et recevables. Cependant, il ne semble pas qu'il
puisse être généralisé qu'Osiris soit tout le temps et partout le seul dieu concerné par cette
566 Voir notre partie II, Cat. 14. et Cat. 16.
567 Voir dans notre partie II, Cat. 14.
568 MORET, 1902, p.119
569 MORET, 1902, p.152-153
570 BLACKMAN, 1912, p.73
571 BLACKMAN, 1912, p.74

189
L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

expression. On remarque tout de suite que la question de la résine-senetjer n'est pas simple, car si
elle devait être rattachée à Osiris en ce qui concerne sa symbolique, il ne faut pas oublier que le
Rituel de la Maison de Vie indique que ce sont Shou et Tefnout qui en sont les créateurs par leurs
larmes, comme nous venons de le voir. En fait, comme pour les onguents (voir plus haut), il semble
que la sacralité d'un produit utilisé dans un rituel est souvent rattachée au dieu même bénéficiaire du
culte. Ainsi dans une formule d'encensement du Rituel d'Amon on peut lire ceci : << On en prépare
le parfum de fête pour tous les dieux avec le parfum sorti de toi, Amon-Râ >> ( ỉrr=tw sty ḥb ỉm=f
n nṯr.w nb.w m sty pr(=w) ỉm=k ỉmn-rˁ )572. En l'occurrence le parfum ici désigne les résines qui sont
brûlées pour l'encensement. On peut encore donner un argument qui va dans le sens que la résine-
senetjer est rattachée à chaque dieu bénéficiaire du culte (et non un en particulier) en citant la
formule du chapitre 1130 du sarcophage de Sathedjhotep faisant partie de ce que l'on appelle le
Livre des Deux Chemins (partie des Textes des Sarcophages). Dans cette formule, Râ, le Créateur,
explique sa création : ce qu'il a fait, comment, et éventuellement pourquoi. Et ce qui nous intéresse
est lorsqu'il affirme : << C'est de mes sécrétions que j'ai créé les dieux >> ( sḫp[r~n=ỉ] nṯr.w m
573
fd.t=ỉ ). Visiblement si tous les dieux sont donc issus de Râ, car créés de ses sécrétions ou de sa
sueur, ils devraient tous produire la même ''fd.t nṯr'' qui n'est autre que de la résine-senetjer.

b.5 Le cas du miel :

On peut encore évoquer brièvement le miel qui n'est ni une résine ni un onguent à
proprement parler. Mais il est effectivement utilisé dans la fabrication de certains onguents et se
retrouve assez souvent dans les textes, puisqu’ il existe d'ailleurs une formule pour un parfum à base
de miel dans le Rituel d'Amon (Cat. 20). De plus, sa symbolique est très proche de celle des produits
odoriférants ''classiques'' puisqu'il est qualifié de << sécrétion de l'Oeil de Râ >> (ỉnfy n ỉr.t rˁ574). Ce
qui est particulièrement intéressant, c'est de remarquer que pour une fois la symbolique s'accorde
avec le récit étiologique du Rituel de la Maison de Vie où il est dit que << Râ pleura à nouveau, de
l'eau tomba de son œil à terre. Elle se transforma en abeille. Quand l'abeille fût façonnée, son
activité se produisit dans les fleurs de tous les arbres. C'est ainsi que la cire fut produite, et que le
miel fut produit de son eau >> (wn-ỉn rˁ (ḥr) rm m wḥm hȝy mw m ỉr.t=f r tȝ ḫpr=f m ˁfy wnn ˁfy (ḥr)

572 Voir dans notre partie II, Cat. 14


573 CTVII, 464, g
574 Voir dans notre partie II, Cat. 20.

190
L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

ḳd ḫpr wp(t)=f m ḥrr.t n šȝ nb ḫpr mnḥ pw ḫpr byt pw m mw=f 575). Les deux textes parlent donc de
la même chose visiblement, puisque le récit étiologique parle de pleurs, donc de larmes, et que ce
sont bien des sécrétions des yeux.

b.6 La personnification des résines :

En effet, on peut remarquer qu'il y a véritablement une sacralité de ces résines utilisées dans
le culte. Il faut remonter à l'Ancien Empire pour mieux comprendre que leur sacralité ne change pas
au fil du temps. Ce sont les Textes des Pyramides qui illustrent le mieux la sacralité de ces produits
en les considérant presque comme des dieux, puisque l'on trouve des formules directement dédiées
à l'encens qui est personnifié. Dans le §116 de la Pyramide de Ounas, la formule commence comme
576
ceci : << Salut à toi, Résine-senetjer ! Salut à toi, frère du dieu ! >> ( ỉ(n)ḏ-ḥr=k snṯr ỉ(n)ḏ-ḥr=k
577
sn nṯr ). On remarque bien que la résine ici est directement concernée et qu'elle est visiblement
considérée comme un dieu. Elle est saluée comme eux par l'expression ''ỉnḏ-ḥr=k''. Le texte ajoute
encore : << ton odeur est pour Ounas ! 578>> ( sṯ=k r wnỉs 579). Il est donc clair que la résine-senetjer
est une divinité ici, comme le mentionnait A. Moret580.

b.7 La personnification des onguents :

Il s'agit d'ailleurs exactement de la même chose en ce qui concerne les onguents. On trouve
dans la Pyramide de Merenrâ, le §742a qui lui, de la même manière, est dédié à un onguent. La
formule commence ainsi : << Paroles à dire : Salut à toi, Onguent ! 581>> ( ḏd mdw ỉnḏ-ḥr=ṯ [ḥȝt.t]
582
). L’onguent, produit sacré, est vu ici comme une divinité à part entière puisque l'on s'adresse
directement à lui. La salutation est la même que pour la résine-senetjer et il s'agit de l'expression
utilisée pour s'adresser aux dieux. La suite de la formule est intéressante car elle donne une
indication sur son utilisation, mais nous en reparlerons plus tard. À noter encore qu'il existe une
575 P. Salt 825, II, 5-7
576 Pyr. Ounas, W/F-A/N, 17
577 Translittération de CARRIER, 2009, p.100
578 Pyr. Ounas, W/F-A/N, 18
579 Translittération de CARRIER, 2009, p.100
580 MORET, 1902, p.116
581 Pyr. Merenrâ, M/A/E sup, 33
582 Translittération de CARRIER, 2009, p.1976

191
L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

déesse qui n'est autre qu'une personnification de l'huile ou de l'onguent. Il s''agit de la déesse Merhet
dont le nom vient tout simplement du mot ''mrḥ.t''583 qui signifie ''huile'' ou ''onguent''. Bien sûr il ne
s'agit pas du même mot que la formule des Textes des Pyramides, mais cela montre bien que ces
produits sacrés peuvent être sacralisés au point d'être clairement personnifiés. Et d'ailleurs une
phrase d'une formule du Rituel d'Amon semble aussi indiquer, de manière moins flagrante, la
personnification d'un onguent rituel dont le nom est ''mrḥ.t'', cette fois-ci : << Ô huile que voici (...),
584
jeune fille qui est au front de Horus >> ( ỉ mrḥ.t tn (...) ḥwnt ỉmy(.t) ḥȝ.t ḥr ). l'huile n'est pas
vraiment clairement désignée comme une déesse mais est tout de même personnifiée puisqu'elle est
qualifiée de << jeune fille >>. On ne connaît malheureusement qu'un seul exemple à ce jour de cette
déesse Merhet, d'après J.-P. Corteggiani585. On pourrait se poser la question de savoir si, dans ces
deux cas de personnification, ce phénomène va jusqu'à attribuer une forme humaine ou animale à ce
genre de divinités. En tout cas, aucune représentation existe, en ce qui concerne Merhet 586. On la
considère simplement comme une divinité funéraire participant notamment à la préparation de la
momie du défunt. Dans un registre à peine différent, nous pouvons encore parler du dieu Nefertoum
qui, cependant, ne représente pas un produit directement. Ce dieu Lotus, fils de Ptah et de Sekhmet,
est clairement lié aux parfums, notamment royaux 587. Outre l'importance mythologique de la fleur
de Lotus, il s'agit d'une fleur au parfum agréable qu'on utilisait en parfumerie 588. Elle a souvent un
caractère érotique aussi, et la particularité de son parfum et que l'on peut le sentir que lorsque la
fleur s'ouvre589. En tout cas, la personnification du Lotus est ici plus élaborée puisqu'il s'agit d'un
dieu très connu dont nous avons beaucoup de représentations. La forme de ce dieu est d'ailleurs très
variée puisqu'on lui connaît huit aspects différents 590! Son odeur agréable est évoquée à demi-mot
dans la formule §266 de la Pyramide de Ounas, où il est dit : << Ounas apparaît en tant que
Nefertoum, en tant que fleur de lotus à la narine de Râ 591>> ( ḫˁ wnỉs m nfr-tm m sššn r šr.t rˁ 592).

b.8 La sacralité de tout objet de culte

583 Wb., II, p.111


584 Rituel divin j., XXXIII, 1 - 2
585 CORTEGGIANI, 2007, p.321
586 CORTEGGIANI, 2007, p.321
587 NÛR AD-DÎN, 2014, p.318
588 MANNICHE, 1999, p.121
589 WARBURTON, 2008, p.222
590 CORTEGGIANI, 2007, p.359
591 Pyr. Ounas, W/A/W sup, 17
592 Translittération CARRIER, 2009, p.110

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

La personnification de produits sacrés n'est absolument pas un cas isolé, car il y a de


nombreux autres exemples où l'on peut même observer la sacralisation d'objets rituels. Pour ne pas
trop nous éloigner de notre sujet, il suffit de regarder dans notre documentation et de citer en
exemple la formule du Rituel d'Amon destinée au <<bol d'encens>> (ỉˁb n sntr)593. En effet, il s'agit
simplement d'un récipient (aussi précieux soit-il) dans lequel on y mettait de la résine. Et pourtant
on peut déjà observer une sorte de sacralisation. Il ne faut peut-être pas y voir un dieu mais plutôt
un simple objet (à la base) qui doit assurer une fonction importante (une action magique), et de ce
fait, il est investi lui aussi d'une certaine magie. Il en est de même donc en ce qui concerne les
coffrets dans lesquels sont conservés les encens, les onguents, ainsi que des bandelettes et autres
objets rituels. Ce coffret s'appelle Meret, il a sa propre formule dans le Rituel d'Amon, il s'agit du
chapitre 45. A. Moret indique qu'en fait tous les objets que touche le prêtre sont assimilés à une
divinité, et sont une forme de l'Oeil de Horus594.

b.9 Les dieux responsables des substances odoriférantes :

Enfin, il nous faut évoquer un autre phénomène lié à la symbolique des produits odoriférants
utilisés dans les rituels. Il y a plusieurs dieux liés eux aussi à ce genre de produits mais d'une
manière différente de celle que l'on vient de voir. En effet, ils ne sont ni créateurs (c'est à dire
évoqués dans les textes étiologiques), ni ''producteur'' de ces substances. Ils sont plutôt
''pourvoyeur'' car ils ont la responsabilité de donner ou de fabriquer ces produits. On peut finalement
les comparer en quelque sorte (dans leur fonction surtout, moins par rapport à leur iconographie)
aux génies économiques de l'époque tardive 595. Ainsi Shesmou est un dieu lié au pressoir 596 : même
s'il arbore des fonctions très contradictoires, au Nouvel Empire, il est considéré comme étant
responsable du pressoir utilisé à la confection des huiles et des onguents de la parfumerie sacrée.
Par extension, il est même le préparateur des résines et de tous les parfums fabriqués dans les
Temples597. On lui connaît plusieurs aspects et il se retrouve d'ailleurs effectivement sur les frises
des Temples tardifs en tant que génie économique apportent des pots d'onguents 598. Dans la même
idée, on trouve également le dieu Dedoun. Dieu lié à la Nubie et certainement originaire de là-bas.
593 Voir dans notre partie II, Cat. 17.
594 MORET, 1902, p.171
595 Sur les ''génies économiques'' voir CORTEGGIANI, 2007, p.131-133
596 CORTEGGIANI, 2007, p.103
597 CORTEGGIANI, 2007, p.104
598 CORTEGGIANI, 2007, p.104

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

La plupart des auteurs s'accordent sur le fait qu'il est un dieu nubien, à part ˁA. Nûr Ad-Dîn qui émet
une réserve à ce sujet. Pourtant, il est en tout cas évident que l'étymologie de son nom n'est pas
égyptienne599. De plus, il ne possède pas de lieu de culte en Égypte contrairement à la Nubie depuis
le Moyen-Empire600. Donc nous pensons qu'il est bien un dieu nubien importé en Égypte. Quoi qu'il
en soit, en plus de son côté guerrier 601, Dedoun a un rôle de pourvoyeur de l'encens. En fait il est
responsable de tout ce qui vient du Sud et notamment de la Nubie 602 : peuplade nubienne soumises,
encens, or, etc. On le qualifie généralement des épithètes suivants : <<celui qui préside à la
Nubie>>603, <<jeune homme>>604 mais aussi de << Seigneur de Pount >> 605 et encore plus
surprenant606 << Prêtre de Hibis >>607. Les épithètes le montrent, Dedoun n'est pas responsable que
de la Nubie. Sa ''présence'' en Égypte est très ancienne puisqu'on retrouve son rôle de purificateur au
moyen de l'encens dans les Textes des Pyramides déjà608. Tandis que dans les Textes des
Sarcophages, il a le rôle de fabriquer un parfum pour le défunt. La formule du chapitre 346 du
sarcophage de Djehoutynakht nous dit : << Que Dedoun fasse son parfum avec ce qui est en toi !
>> ( ỉry d(d)wn sṯ=f m ỉm(y).t=k 609). En tout cas, il est clair que Shesmou et Dedoun sont tous deux,
des dieux liés aux produits odoriférants utilisés dans les rituels. Cela souligne encore une fois
l'importance de ces produits auxquels une symbolique très variée est rattachée. En plus, des récits
étiologiques, des expressions et de leur origine directe du corps des dieux, ces produits sont
également gérés et fournis par des dieux spécialement préposés à faire ceci, comme nous l'avons vu
avec Shesmou et Dedoun. Ces deux dieux n'apparaissent pas dans notre corpus mais il nous
semblait important de les évoquer pour compléter notre argumentation sur la symbolique attachée
aux substances odoriférantes. De plus, Dedoun est présent dans le Temple d'Amon de Hibis 610
(illustration 17) dont il est question dans notre travail.

599 Il semblerait qu'on puisse rapprocher ce nom du radical tôd, tô (jeune, petit) de la langue nubienne actuelle, Voir :
GAUTHIER, 1920, p.36
600 TRAUNECKER, 2012, p.115
601 NÛR AD-DÎN, 2014, tome 1, p.384
602 CORTEGGIANI, 2007, p.118
603 CORTEGGIANI, 2007, p.118
604 GAUTHIER, 1920, p.36
605 NÛR AD-DÎN, 2014, tome 1, p.383
606 Voir aussi la liste des Temples où apparaît Dedoun : NÛR AD-DÎN, 2014, tome 1, p.384
607 NÛR AD-DÎN, 2014, tome 1, p.383
608 CORTEGGIANI, 2007, p.118
609 CTIV, 377, e
610 NÛR AD-DÎN, 2014, tome 1, p.384

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

Conclusion

Nous avons pu constater qu'il n'y a pas forcément de corrélation entre les récits étiologiques
et ce que nous considérons comme symbolique, en ce qui concerne les substances odoriférantes.
Ces deux point permettent donc d'évoquer des choses différentes bien qu'assez proches car ces
produits n'en demeurent pas moins divins et sacrés, quels que soient les textes. En fait, il semble
que n'importe quel dieu peut être concerné par la symbolique sacrée de ces substances. C'est
pourquoi l'utilisation du mot netjer est très courante dans les textes, comme nous avons pu le
remarquer. Nous avons pu démontrer qu'il n'y a pas de réponse absolue ou définitive concernant
quel dieu représente plus la symbolique des résines ou des onguents. Les récits étiologiques
d'ailleurs ne donnent pas davantage de réponses définitives. Les textes nous apportent des
informations, des morceaux qu'il faut considérer dans un sens large. L'important est de comprendre
la sacralité et par là leur importance dans les cultes, comme le remarque H. Bonnet 611 et D. Meeks
en disant que l'encens est ce qui ponctue tous les rites dans un Temple 612. C'est ce que nous allons
voir dans la partie suivante.

3. But de l'utilisation rituelle :

Nous venons de comprendre la symbolique et donc la sacralité que revêtent les produits
odoriférants. Il nous faut donc maintenant analyser leur utilisation dans les rituels et notamment
comprendre quel en était le but. En effet, il ne s'agit pas de simplement utiliser des produits ou des
objets sacrés pour le simple plaisir des dieux. Bien entendu, comme tout en Égypte, cette utilisation
611 BONNET, 1952, p.625
612 MEEKS, 1988, p.437

195
L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

rituelle a un but, voir des buts, bien précis, d'où son importance capitale. C'est pourquoi, comme
nous l'avons déjà dit, les encensements notamment sont par exemple utilisés dans toutes les étapes
d'un rituel.

Nous avons divisé cette partie en trois points pour alléger notre argumentation. Cependant, il
est à noter que l'utilisation et le but rituel de produits odoriférants reste à peu près la même, quel
que soit le rituel. De plus comme nous l'avons déjà évoqué, tous les rituels sont liés puisque le
Rituel du Culte divin journalier a pour origine (mythique en tout cas mais pas seulement) 613 les
Rituels funéraires. Ces derniers sont eux assez nombreux d'ailleurs et ont pour origine généralement
les Textes des Pyramides qui vont finalement évoluer dans le temps à travers d'autres compositions.
Bien entendu, les différents rituels que nous venons de citer ne sont absolument pas contemporains,
mais il est tout à fait possible de les comparer sans trop se soucier de leur époque de rédaction. Ces
rituels ont été utilisés pendant plusieurs millénaires en évoluant quelque peu mais l'idée de fond, le
fonctionnement, les mythes, etc. restent mêmes. Et ceci même en ce qui concerne les périodes
tardives parfois. Cependant nous nous limitons tout de même en principe aux périodes antérieures à
l'époque grecque. Ainsi nous avons séparé ce troisième point en trois parties dont la plus importante
est la première puisqu'elle traite des rituels des Temples à travers le Rituel d'Amon. Il s'agit donc des
textes de notre corpus et ils concernent en plus Amon qui est tout de même le cadre de notre travail.
Les deux autres parties sur les rituels royaux et funéraires sont là à titre comparatif du premier
point, et donc seront moins développées, puisqu'il s'agit d'exemples tirés d'autres documents que
ceux de notre corpus. Ils servent donc à comparer les nôtres en cherchant dans d'autres
compositions qui, on le verra, sont effectivement très proches finalement du Rituel d'Amon.

a. Dans les Temples

En ce qui concerne les produits odoriférants, on remarquera qu'il s'agit surtout des résines
qui sont utilisées dans le Rituel du Culte divin journalier, non pas qu'elles sont plus importantes que
les onguents et que ces derniers ne sont pas utilisés. Cependant, on remarque que l'utilisation des
résines est beaucoup plus fréquentes car elles répondent au besoins des fumigations. Presque chaque
geste du culte finalement s'accompagne, d'un encensement. J. Vandier découpe le Rituel d'Amon en

613 Voir notre partie II, p.119-120

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

sept parties614 dans lesquelles on retrouve des encensements pour cinq d'entre elles. Il suffit
également de parcourir aujourd’hui un Temple égyptien pour remarquer que beaucoup des scènes
représentées montrent un encensement. L'encens et les résines sont donc omniprésentes de par leur
importance, et l'on peut donner déjà comme exemple le Cat. 1. de notre documentation qui illustre
ce dont nous parlons ici, puisqu'il montre le roi Thoutmosis III offrir des récipients de résine-ântiou
au dieu Amon.

Ainsi on retrouve donc des encensements dans les parties suivantes du Rituel d'Amon :

1° Cérémonies préliminaires
3° Adoration du dieu
5° Deuxième ouverture du naos
6° Toilette du dieu
7° Cérémonies finales

1° Cette partie consiste essentiellement à l'allumage de feux et en un encensement. 3° Des hymnes


sont prononcés et suivis d'onction (Cat. 20) et d'un encensement (Cat. 15). 5° Longue partie
comprenant des gestes rituels sur la statue, des prosternements, des hymnes, l'offrande de Maât et
bien sûr des encensements (Cat. 13 et Cat. 14). 6° diverses purifications, habillage de la statue et
onctions d'onguents (Cat. 19) et encensement (Cat.16). 7° diverses purifications, offrandes et
encensement (Cat. 18).

Les formules utilisées pour l'onction d'onguents ou celle des encensements ne nous
renseignent pas forcément sur leur but car elles sont récitées pour accompagner le geste qui est
accompli. Et les allusions théologiques ne nous donnent pas forcément d'information en ce qui
concerne cette question précise. Ces différentes formules sont de nature et de longueur différente
d'ailleurs. De plus, le but de ces différents gestes rituels ne sont pas toujours les mêmes. On
distingue visiblement qu'il y a trois but différents dans l'utilisation des produits odoriférants dans le
culte :

Il ne s'agit pas de l'utilisation, la plus fréquente mais il faut remarquer que parfois
l'accomplissement d'un encensement n'a pas forcément une finalité très recherchée. Ainsi, le fait de
614 VANDIER, 1949, p.164

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

brûler des résines peut servir à purifier tout simplement. On retrouve ceci dans le chapitre 43 (Cat.
16) du Rituel d'Amon où la formule est récitée pour un encensement dont le but est clairement de
purifier : << Formule pour encenser l'Ennéade. Paroles à dire : les dieux de Haute Égypte et de
Basse Égypte sont purifiés ainsi que la Grande Ennéade au complet, qui sont dans la suite d'Amon
dans son Temple. >> ( rȝ n sntr n psḏ.t ḏd mdw wˁb nṯr.w m šmˁw mḥw psḏ.t ˁȝ.t mỉ ḳd=sn ỉmy.w-ḫt
ỉmn m ḥw.t-nṯr=f ), la formule indique elle-même que grâce à l'encensement les dieux pour qui il est
réalisé sont << purifiés >>. D'ailleurs cette formule survient dans la partie de la Toilette du dieu
parmi plusieurs autres chapitres destinés à diverses purifications, en vue de l'habillage de la statue.
Le rôle purificateur de l'encens souvent associé dans ce cas au natron a été évoqué par A. Moret 615.
On trouve encore une indication concernant le pouvoir purificateur de l'encensement dans un autre
chapitre. Il s'agit de la formule du chapitre 61 (Cat. 17) du Rituel d'Amon qui n'est pourtant pas
destinée directement à l'encensement lui-même, car elle est dite sur le bol qui contient les résines
( ỉˁb n sntr ). Mais le texte de la formule est encore plus clair que le précédent. Il fait d'ailleurs partie
d'un ensemble d'autres formules de purifications diverses dans la fin du Rituel. Ainsi nous y
apprenons : << Ta tête est encensée, ton ka est encensé, ta divinité est encensée, tes os sont purifiés
de ce qui ne te concerne pas. >> ( tp=k sntr(=w) kȝ=k sntr(=w) nṯr=k swˁb(=w) ḳs.w=k tm(=w)
ỉry.w=k ). Le rôle purificateur est très clair ici. De plus, l'indication qui suit tout de suite après
disant : << de ce qui ne te concerne pas >> est particulièrement intéressant puisqu'il explicite le sens
qu'on entend par ''purification''. Il s'agit donc d'enlever : le mal, les impuretés que la statue pourrait
contenir. Cela revient plus ou moins à l'analyse de H. Bonnet qui dit que l'encens a le pouvoir de
repousser les forces démoniaques616. Et cette étape est finalement une condition indispensable aux
fonctions suivantes remplies par les autres fumigations et les onctions d'onguents. Les onctions sont
d'ailleurs utilisées à plusieurs reprises également dans le Rituel, et leurs fonctions sont également
multiples. Les onguents ont donc aussi une action protectrice pour le bénéficiaire du culte, comme
le rappel M. Shîmy. Mais il faut observer les versions des rituels funéraires pour le comprendre,
comme nous le verrons plus loin617.

Ensuite, l'encensement peut également avoir la fonction d'accompagner d'autres actes rituels
et prendre ainsi la fonction d'apaisement. C'est le cas de la formule du chapitre 36 (Cat. 14) du
Rituel d'Amon. La formule est assez longue et il n'est pas tout de suite évident d'en comprendre la
fonction. D'autant plus qu'elle n'est pas très différente des autres formules d'encensements, car
615 MORET, 1902, p.17
616 BONNET, 1952, p.625
617 SHÎMY, 2005, p.146

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

certains éléments se retrouvent d'ailleurs souvent, voire même dans toutes les formules. En effet,
cette formule, outre un rôle également purifiant, a pour but d'apaiser, de réjouir le dieu : << Apaise-
toi donc, Amon-Râ, Maître du trône des Deux Terres ! Réjouis-toi ! >> ( ḥtp r=k ỉmn-rˁ nb ns.t
tȝ.wy ȝw ỉb{.w}=k ). Ceci n'est pas étonnant car elle était prononcée, selon A. Moret, au moment où
le dieu prenait possession de ses offrandes, alimentaires notamment 618. Une partie des aliments
étaient brûlés en holocauste en même temps que la fumigation de résines. Évidemment, ceci avait
sûrement un côté pratique aussi, puisque l'odeur de la nourriture carbonisée ne devait pas être
spécialement agréable. L'encensement devait alors permettre de masquer quelque peu ceci 619. En
tout cas, on comprend pourquoi la formule invite le dieu à se réjouir et à s'apaiser. L'encens ici est
un peu alors comme une offrande, d'ailleurs le sage Ani ne dit-il pas : << la musique, la danse et
l'encens deviennent sa nourriture >>620 ( ḫpr=w ḥsw ḫb(.t) sntr m kȝw=f 621) ? C'est pourquoi on peut
parler d'un pouvoir revitalisant de l'encens qui fait dire à H. Bonnet que la fumée, en se dégageant,
rappelle un peu le signe hiéroglyphique des deux bras notant le mot ''kȝ''622 qui renvoie donc à
l'énergie vitale623. Dans cette formule (toujours Cat. 14), le but va encore plus loin car la fumée de
l'encens est même un ornement : << La grande couronne s'est élevée sur ta tête qu'a fait naître
Amon. Établis-toi comme Maître de la couronne ! Puisse-t-elle servir d'ornement sur ton front,
Amon-Râ, Maître du trône des Deux Terres >> ( ḫˁ(w) wr.t ḳȝ=t{w}ỉ m tp=k wtt(w) ỉmn smn tw m ḫˁ
sẖkr=k m ḥȝ.t=k ỉmn-rˁ nb ns.t tȝ.wy ). A. Moret explique qu'effectivement la résine peut prendre
toutes les formes de l'Oeil de Horus et donc prendre ici la forme de couronne sur le front du dieu624.

Enfin, le dernier point très important que procure au dieu un encensement ou même
d'ailleurs l'onction des onguents n'est pas toujours très clair dans tous les textes. On ne retrouve que
très peu cette explication dans notre documentation ou en tout cas, il faut considérer quelques
indications par-ci, par-là, pour mieux comprendre. En fait ce point est important car il s'agit d'une
étape essentielle pour le culte. Il s'agit de combler un manque qui est évoqué dans cette phrase : <<
les humeurs sorties de ses chairs divines et les sécrétions tombées à terre >> ( rḏw{t}.w pr(=w) m
ỉwf=f nṯr fd.t hȝ.tw r tȝ ). Cette phrase du chapitre 36 du Rituel d'Amon (Cat. 14) peut paraître
obscure de prime abord. Il faut déjà comprendre que les << sécrétions >> dont il est question, sont
618 MORET, 1902, p.119-120
619 Sauf si les Égyptiens à l'instar des Grecs appréciaient, à en croire L. Hugot, l'odeur du sang, des graisses brûlées et
autres lors des sacrifices. Voir : HUGOT, 2008, p.89
620 Traduction VERNUS, 2010, p.317
621 Ani, 16, 3,7 – 3,8
622 Wb., V, p.86
623 BONNET, 1952, p.625
624 MORET, 1902, p.120

199
L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

la résine utilisée pour l'encensement. H. Bonnet indique bien que la résine est la sueur des dieux
tombée à terre625. Et donc il s'agit à travers l'encensement de combler le manque ou de redonner ce
que le dieu a perdu. A. M. Blackman explique qu'il s'agit de redonner cette partie divine qui a été
perdue au même titre qu'on fait des libations pour compenser la perte des humeurs, comme ce fût le
cas pour Osiris. C'est ce que semble bien indiquer une phrase du Rituel d'Amon lorsqu'on lit : <<
Vos sécrétions vous appartiennes, dieux ! (...) L'odeur de votre corps vous appartiens ! >> ( ỉw
626
fd(.t)=tn n=tn nṯr.w (...) ỉȝd.t n ḏ.t=tn n=tn ). Soit on maintient la divinité d'un dieu, car c'est par
le rituel qu'on reste divin627, soit on rend quelqu'un divin, un défunt par exemple. Il est donc
indispensable que le bénéficiaire du culte reçoive des encensements pour que l'on puisse affirmer
<< une senteur divine est sur ta chair >> ( ḫnm nṯr r ỉwf=k ), comme le souhaite un hymne à Amon
du Temple de Hibis (Cat. 10). Les résines ont un pouvoir sacramental 628 et donc la magie qui est
contenue dans ces produits a le rôle d'animer le bénéficiaire du culte ou plutôt le support qui est
utilisé pour lui rendre le culte. Puisque le but est de rendre un objet (non animé) vivant ou en tout
cas de l'investir du Ba de l'entité en question629. A. Moret dit bien que les résines lui sont rendues en
même temps que son Ba630, car effectivement les deux choses sont liées. L'encensement permet de
symboliser la présence divine, et S. Cauville ajoute qu'à l'époque tardive, cette présence divine était
symbolisée, en plus de l'encens, avec de la poudre d'or et de la faïence verte 631. Enfin il faut
mentionner qu'il semble bien qu'étymologiquement, snṯr signifie ''rendre divin'' car
grammaticalement il est le verbe causatif de nṯr632 qui signifie lui par extension ''être divin''.
En ce qui concerne les onguents, c'est précisément ce but qui est recherché. On peut lire
dans l'oracle d'Amon sur l'expédition à Pount de Hatshepsout (Cat. 4) : << Puisses-tu me consacrer
cela, purifié et nettoyé pour exprimer l'huile des membres divins >> ( smȝˁ=t n=ỉ s.t wˁb(=w)
twr(=w) r nwd.t mḏ.t ḥˁw nṯr ), ceci est effectivement indispensable car l'onction d'huiles et
d'onguents permet de rendre divin. M. Shîmy rappelle d'ailleurs que le front d'un dieu 633 ne doit
jamais être dépourvu de l'onction d'onguents sacrés car il s'agit d'une condition à la vie des dieux 634 :

625 BONNET, 1952, p.625


626 Rituel divin j., IV, 8-9
627 TRAUNECKER, 2012, p.34
628 BLACKMAN, 1912, p.73
629 CORTEGGIANI, 2007, p.137 ; SHÎMY, 2005, p.150 ; MORET, 1902, p.17
630 MORET, 1902, p.116-117
631 CAUVILLE, 2011, p.182-183
632 Wb., II, p.358
633 Une phrase du Rituel d'Amon (XXXIII, 1-2) semble bien indiquer que les onguents était oints au front du dieu : <<
ô huile que voici (...), jeune fille qui est au front de Horus >> ( ỉ mrḥ.t tn (...) ḥwn.t ỉmy ḥȝ.t ḥr )
634 SHÎMY, 2005, p.555

200
L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

les huiles étant des fluides magiques qui pénètrent la chair et garantissent le caractère divin 635.
L'objectif est d'éviter grâce à cela, la mort, car être divin finalement, c'est ne pas mourir. Les
Onguents Canoniques, par exemple, servent notamment au Rituel d'Ouverture de la bouche 636 (ou à
ses variantes) qui n'est autre qu'un rituel d'animation. Il n'est en aucun cas réservé au cadre
funéraire.

L'utilisation des produits odoriférants dans les cultes dispensés dans les Temples égyptiens
est donc très large. Les fonctions allouées à ces produits sont assez complexes et assez nombreuses.
En effet, nous avions évoqué et relevé le fait qu'ils sont utilisés dans presque toutes les étapes du
rituel. Il était donc évident que leur utilisation revêtait des fonctions variées. Même si ces fonctions
sont multiples, elles n'en demeurent pas moins liées. Ainsi, les encensements autant que les onctions
(car finalement ils forment un ensemble, un tout utilisés dans les rituels) servent d'abord à purifier,
voire à laver, afin de repousser le mal et ce qui est impur : il y a donc un pouvoir protecteur
également. Cette étape ne concerne finalement que la statue ou l'objet inanimé car c'est grâce à cette
purification préliminaire que le Ba pourra venir dedans. Ensuite, ils apaisent et réjouissent par leur
odeur agréable : ils servent à la fois de nourriture, d'offrande et d'ornement. Puis ils permettent enfin
d'achever le processus qui rend divin, en s'étant imprégné de ces odeurs qui sont autres que des
''matières'' divines. C'est à ce moment-là que le Ba du dieu peut venir habiter l'objet consacré. La
statue, objet non animé à la base, devient alors vivante par le rituel qui a fait qu'elle est ''apte'' à la
''venue'' du dieu. C'est pourquoi dans la même idée on réalise souvent les statues de culte en or, car
il s'agit de la chair des dieux, comme nous l'avons évoqué dans notre premier chapitre. Le parfum
lui représente l'odeur du dieu, et donc tout ceci sert à imiter ou recréer le dieu en quelque sorte. On
comprend donc l'importance capitale des produits odoriférants dans le culte puisqu'ils sont en
grande partie nécessaires à l'animation de l'objet de culte, autrement dit à la sacralisation de la
statue. Ils sont donc une condition indispensable à tout rituel, car ils forment en quelque que sorte,
la base de ce qui doit être fait pour ensuite dispenser les autres actes. Si le Ba du dieu n'est pas
présent dans la statue, les hymnes, les libations et autres n'auraient aucun intérêt.

635 SHÎMY, 2005, p.152


636 SHÎMY, 2005, p.146

201
L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

b. Le culte royal

Maintenant que nous avons vu le but de l'utilisation des produits odoriférants dans les rituels
des Temples à travers le Rituel d'Amon, nous allons nous intéresser brièvement à son utilisation et à
sa fonction dans le culte royal. Bien sûr, la fonction ne change pas beaucoup, puisque nous restons
dans un cadre sacré. En effet, Pharaon nous intéresse en ce qui concerne la sphère sacrée puisqu'il
est un dieu637, ou en tout cas représente-il Horus sur Terre.

Sur ce point, un de nos textes est particulièrement intéressant. Il concerne la reine


Hatshepsout qu'il faut voir ici comme le Pharaon. Bien que son pouvoir était bien entendu
illégitime, ce n'est pas l'important ici, car elle a rempli malgré cela cette fonction, et ce texte nous
permet d'illustrer notre propos. Par ailleurs, il semblerait que l'on est pas Pharaon même si l'on est
né de << semence divine >> : D. Meeks dit que c'est par le rite qu'on devient Pharaon 638. Ce texte
relate le retour de l'expédition à Pount (Cat. 4) et évoque bien sûr les produits qui en sont ramenés,
dont les résines. Il est dit de Hatshepsout que : << des onguents et de la résine-ântiou sont sur tous
ses membres, son odeur est celle de la senteur divine. Son parfum s'est uni à (celui de) Pount. Sa
peau recouverte d'électrum brille comme le font les étoiles à l'intérieur de la salle-ousekhet de fête
devant le pays tout entier. >> ( ḥȝt.t ˁntyw ḥr ˁ.wt=s nb.(w)t ḫnm(.w)=s m ỉd.t nṯr ỉw sṯ=s ȝbḫ(=w) m
pwn.t ỉnm=s nb(w) m ḏˁm ḥr ˁbȝ mỉ ỉr sbȝ.w m-ẖnw wsḫ.t-ḥb(y).t ḫft-ḥr-n(y) tȝ r-ḏr=f ). On
comprend bien à travers cet extrait que la résine-ântiou a le pouvoir de rendre divin car le texte va
jusqu'à octroyer à Hatshepsout une peau recouverte d'électrum. En effet, la chair des dieux est
généralement d'or ou d'électrum. Bien qu'il s'agisse de résine-ântiou, fraîchement ramenée de Pount,
elle est sous une forme plus ou moins liquide puisque le texte parle d' <<onguent>> ( ḥȝt.t ) pour
que la reine puisse s'en enduire. D'après S. Aufrère, on pouvait mouiller la résine-ântiou avec du vin
par exemple, ce qui permettait de la rendre plus molle (illustration 18). On pouvait alors s'en
enduire mais encore aussi l'utiliser en fumigation, ce qui lui donnait un parfum encore plus
agréable639. Il faut croire que c'était sûrement le cas ici pour Hatshepsout. En tout cas, Hatshepsout
est donc très clairement assimilée à un dieu, et d'ailleurs le texte le dit lui-même : << Faire des
acclamations par tout le peuple, et qu'il honore le Maître des dieux et qu'il acclame Maâtkarâ dans

637 Voir le chapitre I, 2. a.


638 MEEKS, 1988, p.431
639 AUFRERE, 1999, p.439

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

les actions qui l'a font devenir divine tant sont importants les merveilles qui sont apparues pour elle
>> ( ỉr.t hnw ỉn rḫy.t nb.t d=sn ỉȝw n nb nṯr.w swȝš=sn mȝˁ.t-kȝ-rˁ m sp.w n(y).w ntrr=s n-ˁȝ.t-n(y.t)
bỉ(ȝ)y.t ḫpr(w).t n=s ). On remarque bien que les acclamations sont rendues aussi bien à Amon,
désigné comme << Maître des dieux >> et à la reine (Maâtkarâ étant son nom de couronnement). Et
le texte dit bien qu'à travers ses actions et notamment à tout ce qui se rapporte à ces produits
odoriférants, la reine est devenue << divine >> !
Par ailleurs, on sait que le Rituel de Confirmation du Pouvoir Royal au Nouvel An faisait
usage de neuf onguents640 pour ce rituel. Ils sont cependant différents, au niveau de leur noms en
tout cas641, que ceux que l'on retrouve ailleurs. Quoi qu'il en soit le but de cette utilisation était de
procurer protection et d'exalter la légitimité solaire de Pharaon 642. Un passage du texte le rappel
643
d'ailleurs : << l'iber par qui est protégé les chairs du Roi >> ( ỉbr(y) nh(.w)t ḥˁ.w n nsw.t ỉm ). Le
fait de rendre divin le Pharaon avait donc un rôle de légitimation aussi.

En tout cas l'onction de ces onguents et résines a donc le même but que dans le Rituel
d'Amon. Du moment que Pharaon fait partie des dieux et qu'il doit conserver ce pouvoir ou cette
sacralité, il a les mêmes besoins que dans n'importe quel autre rituel.

c. Le culte funéraire

Enfin pour terminer notre partie sur le rôle des produits odoriférants dans les rituels, il est
indispensable d'évoquer les rituels funéraires. Par funéraire, nous entendons les rituels dispensés
pour un défunt en vue de sa renaissance après la mort. Il faut bien sûr parler de rituels au pluriel car
ces derniers sont très nombreux. En ce qui nous concerne ce sera surtout les Textes des Sarcophages
qui nous intéressent, car c'est là que nous avons trouvé les informations qui nous étaient utiles.
Parler des rituels funéraires ne concerne pas Amon directement, mais ils permettent de faire des
comparaisons intéressantes et de mieux comprendre certains points. Tous les rituels sont plus ou
moins liés et ne sont que des variantes les uns des autres. Et rappelons encore une fois que le Rituel
640 GOYON, 1972, p.20-21
641 bȝs n ḫˁ n štȝt ; bȝs n snḏm ḥr ṯnṯȝt ; bȝs n ḫˁ n ṯnṯȝt ; bȝs ỉry n nswt ddw m-ẖnw ˁfn.t ; bȝs ỉry n nswt hrw ḥb-sd ; bȝs
n tȝ wˁb n ỉwnw ; bȝs n ṯḥn.t ; bȝs n bỉȝ šmˁ ˁntỉ tȝ wˁb st-ḏsr.t ; bȝs n šnḏyt nt ṯḥn.t bs m ỉbr. Voir : GOYON, 1972,
p.20-21
642 GOYON, 1972, p.21
643 P. M. Brooklyn 47.218.50, col. XVI, 2

203
L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

du Culte divin journalier est une adaptation des rituels funéraires créés la première fois pour Osiris
par Horus, Anubis et Thot644. Nous n'allons cependant pas passer en revue forcément toutes les
fonctions que l'utilisation des produits odoriférants peut avoir dans les rituels funéraires. Il s'agit de
donner quelques exemples pour comparer avec l'utilisation des rituels des Temples. De plus, il faut
rappeler que les rituels funéraires sont nombreux et donc extrêmement vastes. Rien que les Textes
des Sarcophages, par exemple, est déjà constitué de 1186 formules, pour donner un ordre d'idée.

On trouve également mention d'encensements de nombreuses fois dans les rituels funéraires
tout comme dans le Rituel d'Amon. De même, les fonctions ne sont pas toujours les mêmes et les
buts exprimés par cette utilisation sont multiples. Ainsi dans les Textes des Sarcophages on trouve
une formule qui en indique clairement sa fonction. Il s'agit de la formule 530 du sarcophage de
Horhetep qui nous dit : << Que ledit N. se purifie pour son ka ! Que sa tête soit encensée grâce à la
résine-senetjer au doux parfum ! Que ledit N. soit réconforté par la résine-senetjer , (car) le parfum
du dieu est pour son corps. Les deux Grands, les deux Maîtres qui président au pays l'ont purifié !
Que vienne l'encens ! Bis >> ( wˁb(=w) N. pn n kȝ=f ! kȝp(=w) tp=f m snṯr nḏm sṯ(y) ỉsr(w)d(w) N.
pn m snṯr ỉd.t nṯr r iwf=f swˁb~n. sw wr.wy nb.wy ḫnt(y) tȝ ! ỉ(w) snṯr 2-sp 645 ). Il est évident qu'ici
l'encensement survient dans une phase de purification et que le rôle de la résine-senetjer est de
purifier le bénéficiaire du culte. On remarque qu'il s'agit d'un processus, car si le côté purificateur
est mis en avant ici, les choses ne s'arrêtent pas là, car les fumigations de résine ont plusieurs rôles.
Le défunt est également <<réconforté>> par l'encensement, certainement grâce à ce <<doux
parfum>> qui n'est autre que le <<parfum du dieu>>, et bien sûr ceci <<est pour son corps>>. Ce
rôle purifiant n'est pas propre aux Textes des Sarcophages, puisque A. M. Blackman indique que
dans les Textes des Pyramides, des formules d'encensements ont également un rôle purificateur,
parmi d'autres fonctions bien sûr646. En tout cas, il est donc clair que l'utilisation des encensements
peut avoir un rôle purificateur et réconfortant dans les rituels funéraires. Cette fonction avait
également été relevée, plus haut, dans les formules du Rituel d'Amon, ce qui prouve que ces rituels
sont liés. Même si les formules sont des variantes, voire complètement différentes : les produits
odoriférants demeurent utilisés pour la même chose, à savoir la purification ici.

Ensuite, on relève que l'utilisation de produits odoriférants peut avoir une fonction
protectrice dans le cadre des rituels funéraires. C'est le cas de la formule 1169 des Textes des
644 SHÎMY, 2005, p.150
645 CTVI, 121, b-g
646 BLACKMAN, 1912, p.74

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

Sarcophages, dont on peut lire sur le sarcophage de Sen : << le parfum du dieu est sur moi, le
647
Destructeur ne peut (alors) m'attein[dre] >> ( ỉw sṯ(y) nṯr r=ỉ n ḥ[~n] [w]ỉ nbḏ ). La phrase est
très claire et indique sans ambiguïté que c'est grâce à ce <<parfum du dieu>> qui est sur le défunt,
qu'il ne sera pas inquiété par le Destructeur. Et c'est ce même parfum qui permet au défunt de
648
déclarer << les gardiens des chambres ne peuvent m'écarter >> ( n ḫm~n (w)ỉ ỉr(y).w ˁ.wt ). On
comprend donc l'importance de ce parfum. Cependant nous ne savons pas ici de quelle nature était
le parfum dont il est question et s'il s'agit du résultat d'un encensement ou d'une onction. La notion
est ici assez vague alors que généralement dans le Rituel d'Amon, nous savons mieux de quoi il
s'agit. Ceci s'explique aussi par le fait que ces formules funéraires restent assez abstraites pour nous,
car on ne sait pas précisément comment se déroule le rituel qui accompagne ces formules. Surtout
en ce qui concerne les Textes des Sarcophages649, et d'ailleurs, s'agit-il uniquement d'un rituel fictif
dont le défunt prononce lui- même les formules une fois arrivé dans l'Au-Delà, ou y a-t-il vraiment
un rituel réel réalisé par une tierce personne dans le monde des vivants ? Quelle que soit la réponse,
l'acte rituel ne nous est pas indiqué. Le Rituel d'Amon lui ne nous soumet pas ce genre de
questionnement. En tout cas, le défunt, grâce à ce parfum divin, est protégé, et ceci, car il est
devenu un dieu : la formule évoque bien cette idée, mais ceci est une autre fonction que nous
évoquerons juste après. Les rituels funéraires s'accordent encore une fois avec le Rituel d'Amon en
utilisant les produits odoriférants, considérés comme parfum divin, comme protection pour le
bénéficiaire du culte.

Enfin, on relève bien sûr encore une fonction à l'utilisation de ces substances et non des
moindres. Ces produits permettent de réaliser un tout et ils réalisent ou accompagnent différentes
étapes. Il s'agit cette fois de l'utilisation des Onguents Canoniques qu'on retrouve sans surprise dans
les rituels funéraires, puisque nous avons vu déjà qu'ils sont utilisés aussi bien dans le Rituel
d'Amon que dans les rituels royaux (d'autres onguents mais bien au nombre de neuf aussi). Ces
Onguents Canoniques sont cités dans la formule 934 du sarcophage d'Iqer. La formule est assez
longue et n'indique pas seulement des onguents mais aussi des amulettes utiles à ce rituel. En fait,
cette formule est en tout point comparable, comme le rappel M. Shîmy, à des formules d'autres
recueils qui ne sont que des variantes. Il est évident que cette formule tire son origine du Rituel de

647 CTVII, 511, g-h


648 CTVII, 511, i
649 En revanche, on ne peut pas dire la même chose du Rituel de l'Ouverture de la Bouche, lui aussi funéraire, dont on
sait qu'il était clairement réalisé dans le monde des vivants. Les modalités du rituel nous sont connues : les différents
prêtres, le matériel, etc. Sur sur les acteurs du rituel et le matériel : GOYON, 2000, p.95-103

205
L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

l'Ouverture de la Bouche qu'on retrouve déjà dans les Textes des Pyramides (Chapitres 50-54) mais
aussi et surtout dans le Rituel d'Amon650. En effet, la formule 934 des Textes des Sarcophages est
une variante plus développée que la formule du chapitre 54 du Rituel d'Amon (extrait dans Cat. 19),
dont la très longue formule 936 du même sarcophage est encore plus développée. Comparons
cependant les produits indiqués dans les deux textes (dans l'ordre):

Formule 934 (sarc. d'Iqer) : sfṯ, ḥknw, nḫnm, ḥȝt.t n.t ˁš, ḥȝt.t ṯḥnw, ˁntyw, ˁrf n wȝḏw651, twȝw.t652
Chapitre 54 (Rituel d'Amon) : ḥknw, sfy, nẖnm, twȝ(w.t), ḥȝ.t n ˁš, ḥȝ.t n.t ṯḥnw, ỉbr, b(ȝ)ḳ653

On remarque que les produits sont à peu près les mêmes, à part quelques petites différences, et
qu'ils ne sont pas cités exactement dans le même ordre. Ce qui est particulièrement intéressant dans
cette comparaison, c'est que nous avions déjà évoqué au sujet du Rituel d'Amon que le but de cette
formule n'était pas vraiment explicité directement dans la formule elle-même et qu'il fallait pour
mieux comprendre consulter une variante dans un autre rituel. En effet, cette variante que constitue
la formule 934 indique cette fois-ci clairement son but et la fonction de ces onguents. On peut lire
après l'énumération des produits : << puisses-tu vivre, puisse ton ba vivre, puisses-tu être un dieu !
654
>> ( ˁnḫ=k ˁnḫ bȝ=k wnn=k m nṯr ). On comprend donc bien à partir de là que ces onguents ont
pour fonction de rendre divin le bénéficiaire du rituel. On offre, on enduit le défunt ou ailleurs la
statue de culte avec un produit issu directement des dieux et ceci rend, donne la divinité ou la
sacralité au bénéficiaire qui est revivifié et assimilé au dieu Râ d'après M. Shîmy 655. Il ajoute aussi
que la fonction est bien sûr encore la même dans le Livre de la Sortie au Jour (ou Livre des
Morts)656. On peut encore évoquer le Rituel de l'Embaumement qui nous donne également une
information intéressante allant dans ce sens. Il s'agit d'une formule parlant plutôt d'encensement,
mais l'idée d'odeur est la même : << pour toi est la résine-ântiou sortie de Pount, (…) le parfum
657
divin >> ( ˁntyw r=k pr(=w) m pwn.t{t} (...) sty nṯr ) et le texte ajoute plus loin : << la senteur
658
parfaite (…), elle ne s'évaporera pas >> ( ḫnm(y) nfr(y) (...) nn wnȝḳ=f (?)659). On comprend donc
que cette odeur divine ne doit pas partir car c'est elle qui rend divin et on souhaite au défunt qu'elle
650 SHÎMY, 2005, p.146
651 = sachet de fard
652 CTVII, 134, a-j
653 Voir notre partie II, Cat. 19.
654 CTVII, 136, d-e
655 SHÎMY, 2005, p.142
656 SHÎMY, 2005, p.143
657 Rituel Emb., I, 2,2
658 Traduction: GOYON, 2000, p.43
659 Rituel Emb., I, 2,3

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

ne s'évapore pas. Dans les Textes des Pyramides déjà on trouve une indication sur l'utilisation de
l'onguent dans le §742 : << Salut à toi, [Onguent] ! Salut à toi, celui qui est au front de Horus (et)
que Horus a placé au front de son père Osiris ! Je te place au front de mon père Merenrâ, comme t'a
660
placé Horus au fro[nt de son père Osiris] >> ( ỉnḏ-ḥr=ṯ [ḥȝt.t] ỉnḏ-ḥr=ṯ ỉm(y).t ḥȝ.t ḥr dỉ.t~n ḥr m
661
wp.t ỉt =f Wsỉr d =ỉ ṯn m wp.t ỉt(=ỉ) M. mỉ wd(w).t ṯn ḥr m wp[.t ỉt =f wsỉr] ). Il est donc évident, à
travers ces exemples, que les rituels funéraires cherchent exactement la même fonction que le
Rituel d'Amon : à savoir de rendre divin le bénéficiaire du rituel afin qu'il ne meurt pas.

Nous avons vu que les rituels funéraires font également une utilisation importante de
produits odoriférants tels que les résines en encensement et les onguents pour les onctions. De
même que pour le Rituel d'Amon, et les autres rituels du Culte divin journalier, les usages ne se
résument pas à une seule fonction. Que ce soit pour un rôle purificateur, protecteur et enfin qui
revitalise pour rendre divin, les rituels funéraires recherchent exactement la même chose que dans le
Rituel d'Amon. À la simple différence que le bénéficiaire du rituel est un défunt à la place d'une
statue. Ce qui entraîne dans ce cas-là un côté encore plus concret, puisque la momie est
véritablement ointe d'onguents nécessaires pour préserver (physiquement) le corps. La bonne odeur,
qui est divine, est donc contraire à l'idée de putréfaction662. On comprend donc très bien pourquoi
les produits odoriférants rendent ''vivant''. Ainsi le défunt peut vivre dans le monde des dieux663.

660 Pyr. Merenrâ, M/A/E sup, 33-34


661 Translittération CARRIER, 2009, p.1976
662 HORNUNG, 1987, p.120
663 SHÎMY, 2005, p.556

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

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Conclusion finale :

Au terme de cette étude, il est possible de se rendre un peu mieux compte de l'importance de
l'odorat pour les Égyptiens en ce qui concerne la sphère religieuse. En effet, ce sens est omniprésent
aussi bien dans les textes que dans la pratique à travers l'utilisation des diverses substances
odoriférantes.

Les documents notamment philologiques pouvant nous renseigner sont assez nombreux. De
plus, nous nous sommes concentré avant tout sur ceux concernant Amon afin de cadrer notre étude.
Mais nous avons largement évoqué d'autres textes de toutes époques pour faire des comparaisons
afin de mieux comprendre certaines choses. Même si la documentation est assez vaste, les
informations elles, sont souvent assez brèves voir parfois obscures. Il s'agit alors de rassembler
autant de bribes possibles pour mieux expliciter certaines notions. Cela dit, certains éléments sont
certainement perdus, alors que d'autres ne satisfont pas forcément jusqu'au bout notre curiosité.
Mais dans l'ensemble les résultats sont globalement plutôt satisfaisant car ils permettent de se faire
une bonne idée de la question.

En dépit du fait que cette étude est souvent tributaire des connaissances en botanique, et
qu'elles sont souvent lacunaires. De même pour les noms des onguents utilisés dont nous savons
souvent pas exactement de quoi il s'agit. En fait nos problèmes résident souvent dans la langue dont
nous ne pouvons comprendre tout les mots puisqu'elle est très ancienne. Nous pouvons tout de
même comprendre la symbolique et la sacralité qui se rattache à ces produits. Quant au sens de
l'odorat lui même, il n'est pas très compliqué de se rendre compte à travers les textes religieux de
différentes natures qu'il a une importance très marquée au même titre que les autres sens, tout
simplement car ils symbolisent la Vie qui n'est autre qu'un bien fait créé par Amon, ou d'autres
dieux.

L'odorat dans l'expérience religieuse nous semblait important à plus d'un titre. Tout d'abord
parce que cette étude permet d'aborder la religion égyptienne sous un angle différent. L'étude d'une
religion est très vaste et il est important d'observer le liens qu'il peut y avoir entre les fidèles et les

209
L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

dieux, entre les ''pratiquants'' et la religion elle-même. Du moment que l'expérience est sensorielle,
il est alors indispensable de s'intéresser à l'odorat comme on peut le faire pour les autres sens. De
plus, l'étude de l'odorat est à la fois spécifique mais aussi très vaste. Très vaste car il faut s'intéresser
à un grand nombres de sources, qui font d'ailleurs souvent partie des textes religieux les plus
connus. Cela permet alors d'apporter quelque chose en plus à leur compréhension.

De manière plus concrète, cette thématique a permit d'éclaircir quelques points en ce qui
concerne la Création des dieux, la nature de ces derniers, les contactes direct ou indirect entre les
Hommes et les dieux, les produits odoriférants : leur symbolique et leur utilisation. Tout ces points
montrent bien qu'à partir de l'odorat, il est possible d'étudier plusieurs aspects de la religion
égyptienne.

Pour aller plus loin, il serait intéressant d'effectuer une étude qui tenterait de rassembler le
plus de documents possibles autour de cette thématique sans devoir être limité par un cadre comme
le nôtre. Cela permettrait notamment de mieux étudier ces questions en ce qui concerne les périodes
les plus reculées de l'Histoire égyptienne en remontant jusqu'à l'époque tardive. Cependant une telle
étude sortirait largement du cadre de recherche d'un mémoire de master. Enfin n'oublions pas que
l'étude des sens dans la religion égyptienne en est plutôt à ses débuts. Le goût et le toucher n'ayant
pas du tout été traités encore.

210
L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

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Illustrations :

212
L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

Illustration 1 :

Illustration 1: openstreetmap.fr

La ville de Thèbes, aujourd'hui Luqṣor ‫القصر‬, et l'oasis de Al-Khârgah (Al-ẖârgah) ‫ الخارجة‬dans le


désert libyque.

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

Illustration 2 :

Illustration 2: D'après NÛR AD-DÎN, 2014, vol.1, p.33

Scène de la théogamie : la reine Moutemouia avec le dieu Amon. Temple de Luqṣor.

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

Illustration 3 :

Illustration 3 a : D'après NAVILLE,


1898, pl. LXIX

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

Illustration 3 b : photographie personnelle

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

Arbres à résine-ântiou déracinés à Pount par les Égyptiens. Représentation du Temple funéraire de
Hatshepsout à Daîr Al-Baḥarî.

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

Illustration 4 :

Illustration 4: Photographie personnelle

Trace d'un des arbres ramené de Pount par Hatshepsout. Site archéologique de Daîr Al-Baḥarî.

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

Illustration 5 :

Illustration 5: D'après, MARIETTE, 1869-1880, p.59, 23è tableau

Le Pharaon ouvre la porte du naos. Scène de la chapelle d'Amon du Temple d'Abydos.

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

Illustration 6 :

Illustration 6: D'après MARIETTE, 1869-1880, p.61, 25è tableau

Le Pharaon en adoration devant Amon sous sa forme ithyphallique. Scène de la chapelle d'Amon à
Abydos.

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

Illustration 7 :

Illustration 7: D'après MARIETTE, 1869-1880, p.38, 5è tableau

Scène de l'embrassement. Chapelle d'Amon à Abydos.

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

Illustration 8 :

Illustration 8: D'après MARIETTE, 1869-1880, p.76, 36è tableau

Le Pharaon présentant une cassolette d'encens au dieu. Chapelle d'Amon à Abydos.

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

Illustration 9 :

Illustration 9a : D'après MARIETTE, 1869-1880, p.45, 12è tableau

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

Illustration 9b : D'après MARIETTE, 1869-1880, p.41, 8è tableau

Dans la première scène (a) le Roi présente, au dieu Amon, deux récipients allongés contenant des
onguents. Tandis que dans la deuxième (b), il oint la statue de culte d'un onguent, avec le geste
traditionnel. Scènes provenant de la chapelle d'Amon à Abydos.

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

Illustration 10 :

Illustration 10: D'après MANNICHE, 2002, p.123

225
L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

Illustration 11 :

Illustration 11: Photographie


personnelle

De l'huile de moringa (moringa oleifera) asiatique.

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

Illustration 12 :

Illustration 12: Photographie personnelle

Myrrhe (d'Oman) à droite, et oliban (d'Oman) à gauche. Même si la couleur de l'oliban tire parfois
sur le brun, il est plutôt de couleur jaune. La différence entre les deux est donc très claire déjà au
niveau de l'apparence mais surtout au niveau de l'odeur.

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

Illustration 13 :

Illustration 13 : photographie personnelle

Oliban d'Arabie du Sud (Ẓufâr, Oman) à droite, et oliban de Nubie à gauche. L'oliban d'Arabie est
infiniment meilleur que celui de Nubie. Celui de Nubie ne sent presque rien tant qu'il n'est pas
brûlé.

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

Illustration 14 :

Illustration 14: photographie personnelle

Bdellium bleu que l'on trouve de nos jours en Égypte, appelé muql azrâq. Pas sûr au final qu'il
s'agisse vraiment d'un sorte de bdellium, malgré son nom.

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

Illustration 15 :

Illustration 15: Photographie personnelle

Résine d'une espèce de pistacia que l'on trouve au Caire, sous le nom de (baẖûr) al-mastikah.

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

Illustration 16 :

Illustration 16: d'après, NAVILLE, 1898

Les habitations des Pountites tels que les Égyptiens, les ont représenté. Temple funéraire de
Hatshepsout.

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

Illustration 17 :

Illustration 17 : d'après DAVIES, 1953, pl.27

Représentation du dieu Dedoun telle qu'on peut l'observer dans le Temple de Hibis.

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

Illustration 18 :

Illustration 18: photographie


personnelle
Expérience de la myrrhe dans du vin :
1. Morceaux de myrrhe (d'Oman) dur.
2. La myrrhe dans du vin rouge ordinaire.
3. Résultat après une heure environ : la myrrhe est effectivement devenue molle, un peu collante et
l'odeur est beaucoup plus forte.

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L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

234
L'odorat dans l'expérience religieuse en Égypte Daoud CHARDONNENS

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