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Sekmet II

Sekmet II
Sekmet II

SEKMET II
Sekmet II
Sekmet II

YANN EVINA

SEKMET II
LA CLÉ DE VIE

LES ÉDITIONS DU NET


22, rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes
Sekmet II

© Les Éditions du Net, 2013


ISBN : 000-0-000-00000-0
Sekmet II

Résumé du tome 1 :

Sekmet/Elysson et Nath/Neith sont deux orphelines issues


du plus petit village de leur royaume. Suite à un violent concours
de circonstances, elles feront la rencontre d’une des plus grande fi-
gures politique et militaire de leur temps: le capitaine kal’ouh’na
Tanshal.
Pour les deux jeunes filles débute alors un long périple vers la
capitale:Pendragon.
Durant leur voyage, elles se lieront d’amitié avec un jeune or-
phelin originaire d’un village voisin:Jorymm.
Sous l’aile du capitaine Tanshal, les trois adolescents seront
introduits à la cours, du Roi Léo II Pandéra, Monarque de tout
l’archipel. Tandis qu’Elysson et Nath passeront l’épreuve d’admis-
sion au sein de la garde royale. Jorymm sera envoyé à l’ouest afin
d’être initié à la diplomatie.
Pour les deux jeunes filles le quotidien dans l’entourage du
pouvoir, est ponctué d’intrigues et de rebondissements. Elles na-
viguent entre idylles et combats, jusqu’au décès soudain du roi.
C’est alors que Les complots précipitent le royaume dans la guerre
civile...
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Liste des personnages principaux

Île de Carma: (Sud)

Le sous-lieutenant Elysson / Sekmet de la garde royale

Le sous-lieutenant Nath/Neith de la garde royale

Le chef du corps diplomatique affecté aux iles Mardes Jo-


rymm

Assam voleur, trafiquant, et héritier des terres Gauvines

Famille royale: Pandéra (Centre)

Le premier prince son Altesse Lyor-Julius Pandéra

Le second prince son Altesse Liam- Marcus Pandéra


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La première princesse Son Altesse Marlène-Félixia Pandéra

La seconde princesse son Altesse Latavia –Marthe Pandéra

Capitaines Corsaires

Le capitaine corsaire de la flotte de l’Est: Kal’ouh’na Tan-


shal/le kraken

Le capitaine corsaire de la flotte du Sud: Nagga Cikaly / le


dragon des mers

Le capitaine corsaire de la flotte de l’Ouest: Valarion /


L’ogre

Le capitaine corsaire de la flotte du nord: Merhvouivre / Le


véloce

Famille Lancélhion (Est)

La reine d´Hurlevent : Sa Majesté Carla-Jenevah Lancélhion /


Le phénix de l’Est
La duchesse de Vaghar: Loïc-Aliyah Lancélhion 
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Le duc de Diop: Anta Lancélhion


Le colonel Malika de la garde royale

Famille Djemerker (Ouest) 

L’archiduc de Port bastion: Chamberlin Djemerker / le titan

L’archiduchesse de port bastion: Viviane Djemerker

La duchesse D’Hasborg: Mydoral Djemerker /La fille du titan

Famille stroem (Nord)

Le comte de stroem : Frigus III stroem

La comtesse de stroem : Carmen stroem

La vicomtesse de Kalt: Le colonel Sulyvan stroem / cœur de


givre
Sekmet II

PARTIE 1: FORCES.
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"Quand un bébé Mardes naît, ses parents le plongent tout en-


tier dans une cuve pleine d'eau. Si le nourrisson se débat c'est bon
signe. Il sera fort. Sinon, il est confié aux prêtres des trois déesses
et déshérité. Les Mardes n'ont que faire des faibles. Mydoral Dje-
merker brisa sa cuve, tant elle se débâtit violemment".
Extrait des notes du capitaine Valarion dit l'ogre.

Les charognards survolaient déjà le lieu de leur futur festin.


Nullement effrayés par les clameurs des hommes et le fracas de
leur acier qui s'entrechoquaient.
-Archers! Tirez! Hurla le général Hasborg...
Une volée de flèches s'éleva dans les cieux limpides et décri-
vant une trajectoire parabolique, retombèrent comme une pluie
mortelle sur les soldats de Port Bastion qui avançaient en rangs
serrés. Ces derniers interrompirent leur progression.

Byron fronça les sourcils en constatant l'immobilisation de ses


hommes. Il esquiva un ennemi chargeant sur sa droite, passa dans
son dos et l'abattit d'un puissant revers de sa lame. L'épée fendit la
côte de maille du malheureux qui s'effondra pour ne plus se rele-
ver. Déjà un autre prenait sa place. Force était de Constater que
Les troupes Hasborg perdaient du terrain. Byron se débarrassa sans
grande peine des deux soldats qui obstruaient la route jusqu'a sa
maîtresse. Parant de son bouclier un coup porté à la hache, il trans-
perça le premier et ressortant son épée maculée de sang dans un
geste rotatif, il trancha net la gorge du second.
Son large torse se soulevait au rythme de sa respiration tran-
quille, il eut un sourire satisfait en constatant qu'elle n'avait pas be-
soin d'aide. Au contraire, elle faisait le vide autour d'elle.
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Mydoral Djemerker, de taille moyenne comme toutes les


femmes d'ascendance purement mardes, les cheveux d'un roux
flamboyant attestant de son haut lignage, flottants au gré du vent,
une armure rouge de titane, épousant les formes harmonieuse de
son corps sans les comprimer, exécutait à main nue chaque ennemi
qui avait l'audace de l'affronter. Ils se faisaient d'ailleurs de plus en
plus rare. Et un cercle d'un rayon de deux mètres commençait à se
dessiner entre elle et les troupes adverses.

-J'ai cru comprendre que les Hasborg étaient de fiers Mardes!


Allons messieurs battez-vous, faites honneur à votre maison!
Les encourageait-elle d'une voix forte.

Les soldats se dévisagèrent, aucun ne semblaient prêt à


prendre le risque. Profitant de cette hésitation de leur ennemie, les
forces Djemerker, prirent l'ascendant et le cours de la bataille
changea une énième fois.

Mydoral croisa le regard de son général et bras droit: Byron


Lore. Un géant au cou de taureau. Aussi agile qu'un saltimbanque
et aussi courageux qu’un lion.
Le son d'un tambour de guerre raisonna de manière saccadé
sur l'ensemble du champ de bataille. Les trompettes Hasborg firent
écho à ce signal. Leur troupe effectuèrent un brusque retrait et se
scindèrent en deux. Permettant aux Djemerker d'occuper le centre.

-Que font-ils?! Ils n'ont pas intérêt à prendre la fuite! Hurla


Byron à l'adresse de sa maîtresse.

Mydoral plissa les yeux pour voir au-delà de la première ligne


ennemie.

-ils ouvrent la voie à quelque chose.


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En effet, comme pour lui donner raison, une énorme créature


reptilienne, haute d'une dizaine de mètres large d'une quinzaine, et
longue d'une vingtaine apparue au milieu des clameurs
Hasborg .Ses griffes acérées creusaient des sillons dans le sol. de
sa gueule clairsemée de crocs jaunâtres, dépassaient deux défenses
capables d'empaler un shire. La vouivre poussa un énorme rugisse-
ment. Sur son dos, harnaché solidement par des câbles d'acier fins
et de cuir, un batteur musclé et torse nu frappait sur un tambour de
guerre, à l'aide duquel il commandait à la créature. Un autre soldat
tout aussi massif tenait fermement les rênes du monstre.

-Cette chose va faire des dégâts parmi nos hommes. prévint-


Byron

Mydoral eut un sourire. Elle s'avança à pas lents, se détachant


du reste de ses troupes.
Elle accéléra et se mit a courir martelant le sol de ses bottes.
Puis, gagnant plus en plus de vitesse, elle chargea la vouivre. La
créature la sentit approcher, elle cligna plusieurs fois ses paupières
reptiliennes et poussa un nouveau rugissement monstrueux.

Mydoral faisait des bons Si puissant qu'elle aurait put s'envo-


ler. Le dernier la porta à la rencontre du monstre, elle effectua une
pirouette évitant ainsi le coup de patte qui aurait dû la tuer sur le
coup et s'agrippa à une des défenses de la vouivre. Se servant de
son élan et de sa force colossale, elle fit basculer la bête tout en lui
déboîtant la mâchoire.
La vouivre se retourna dans un cataclysme, renversée par l'ac-
tion d'une force plus grande que la sienne. Elle envoya voler le bat-
teur et le soldat qui tenait les rênes. Un nuage de poussières se
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leva, Et lorsqu'il retomba, Mydoral tira une large épée suspendue à


son côté et éventra la bête. Un geyser de sang noir l'éclaboussa.
L'air terrible, elle leva sa lame et hurla:
-A l'attaque soldat de Port Bastion! Écrasez ceux qui ont l'au-
dace de se dresser contre votre seigneur L'archiduc Djemerker!

Un cri montant d'un millier d'hommes rendus euphoriques par


son exploit lui répondit.

Byron galvanisa encore ses hommes les lançant sur les traces
des Hasborg qui déjà rompaient leur formation en fuyant.
-Ne faites aucun prisonnier massacrez les tous! Hurla Le ba-
ron de Lore.

Le dernier des Hasborg tomba sous l'éclatant soleil couchant


de l'ouest.

Enjambant les corps de ceux qui avaient été assez fou pour
porter une Armée contre Le duché de Port Bastion, le général By-
ron se rapprocha de sa maîtresse:

-Ce fut un combat pitoyable... Commentât-il

-Il est de plus en plus dure de trouver des adversaires à notre


mesure.
Les Hasborg étaient pourtant censés être nos ennemis hérédi-
taires les plus farouches! Répondit la jeune femme à l'armure
rouge.
Ses longs cheveux roux flottant au gré du vent, alors que le
ciel avait pris sa teinte orange, elle était telle une flamme brûlant
au milieu du champs de bataille en l'honneur de ceux qui étaient
tombés.
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-C'est dire que nous sommes devenu trop puissant... Depuis


que vous êtes à la tête de notre Armée, nous n'avons plus jamais
connu la défaite. Je commence à penser que cela me manque.

-La défaite?

-La frustration et l'excitation de croiser de nouveau le fer avec


un adversaire digne de ce nom.

-Je vois...

-Les hommes sont en forme! Marcherons/nous jusqu'au duché


d'Hasborg? La ville sera tombée avant que la lune se lève.

-Non! Si nous rasions la ville nous n'aurions plus d'ennemis


avant longtemps et puis je suis sensé en être la duchesse. Il faut
laisser les autres seigneurs penser que nous sommes affaiblis par
cette bataille. Ainsi ils seront plus enthousiastes à l'idée de nous at-
taquer.

-Bien votre seigneurie.


-Nous rentrons à Port bastion, nous donnerons un bal ce soir...
Tous les hommes de ma garde personnelle y sont conviés. Pour le
reste, annoncez des réjouissances dans toutes les tavernes de la
ville aux frais de Mydoral Djemerker, fille de l'archiduc...
17

Mydoral regarda le soleil couchant... Elle s'était ennuyée sur


le champ de bataille.
Le bal devrait être grandiose.

La richesse de la maison Djemerker amassée à force de


guerres et de campagnes victorieuses, contre ses vassales belli-
queux contraints une fois vaincus de payer un tribut, permettait
aux membres de la famille de l'archiduc toute sorte d'excès.

Port bastion était une cité millénaire, porte d'entrée et bouclier


d'une île aussi grande que la capitale du royaume. Elle fut la der-
nière des cités de l'ouest à tomber lors de la conquête totale. Et elle
aurait été la dernière de toute l'archipel Si ce n'avait été la glo-
rieuse Sayida Alhura en personne qui en avait fait le siège.
Avant la conquête, Les Djemerker régnaient déjà sur l'ouest
par la force, seul moyen légal reconnu par les Mardes. Plus tard,
leur autorité fut consacrée par le roi Adarion le pieu, faisant de l'ar-
chiduc Djemerker, le gouverneur de l'ouest, et un membre du
conseil du roi.
Cependant cette dernière fonction ne put être honorée par l'ar-
chiduc tant la guerre était une activité constante sur les îles
Mardes. Et ce, au mépris de la paix du Roy*. Il était tout le temps
en campagne pour défendre ses terres. Ce sport, locale traversa les
générations et c'était encore le cas à la naissance de Mydoral Dje-
merker, deux siècles après la conquête totale.
Fille unique de l'archiduc Chamberlin et de la duchesse Vi-
viane, elle était née dotée d'un don de force et un gout prononcé
pour le combat. L'archiduc n'eut jamais à regretter de ne pas avoir
eu de fils. Sa fille semblait taillée pour prendre sa suite. Elle avait
écrasé chacun de leurs ennemis, assistés par une armée qui lui était
entièrement dévouée et dont les rangs croissaient chaque jour.
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Les premiers seigneurs qui s'étaient frottés à elle, trompés par


son allure coquette en dehors du champ de bataille et ses grands
yeux de biche, n'avaient récolté que lourdes défaites et fractures.
La maison Djemerker forte d'une armée de six milles hommes,
s'enrichit de prêt de deux milles femmes, guerrières farouches, por-
tées par l'exemple de la duchesse. Une femme d'exception comme
l'on en voyait une tous les deux siècles disait-on à son sujet. La
fille de l'archiduc Chamberlin Djemerker, réussissait tout ce qu'elle
entreprenait et sa renommée, finit par dépasser les frontières de
l'ouest, jusqu'à parvenir aux oreilles du roi Léo. Il fit sa connais-
sance lors d'une pérégrination royale, à travers les terres de l'ouest.
Accompagné du capitaine corsaire Valarion, réputé la créature
la plus forte de l'ouest, et de sa flotte, la famille royale traversa les
terres Mardes sans aucun incidents.
Alors âgée de quinze ans à cette époque, Mydoral avait déjà
remportée plus d'une centaine de batailles. Et s'amusait à défier les
hommes de sa garde personnelle au bras de fer en période de paix.
-l'homme qui me battra aura ma main!
Avait-elle coutume de répéter. Au grand damne de sa mère:
l'archiduchesse Viviane, qui plus que tout aspirait à éloigner sa
fille des champs de batailles et à lui trouver un parti digne de son
rang.
Lorsque le fléau avait accosté à port bastion, les hommes du
capitaine Valarion, pour la plupart de fiers Mardes, commencèrent
à se présenter au château l'un après l'autre afin de relever le défi de
la jeune femme. Mydoral ne refusait jamais une confrontation et
ces joutes répétées devinrent un divertissement pour les invités
royaux. Chose qui navrait profondément l'archiduchesse.
Un après midi, un homme vint défier la jeune duchesse, la tête
recouverte d'une cape afin de cacher ses cheveux roux attestant de
son haut lignage et un turban voilant son visage pour ne point être
reconnu.
Certaine de sa victoire, La duchesse n'avait pas requis de
l'étranger qu'il se présente. À quoi bon?
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Pourtant, Son cœur battit la chamade lorsque leurs deux mains


entrèrent en contact.
L'inconnu dégageait une impression de puissance telle qu'elle
n'en avait jamais vu au cours de son existence. Sa Paume de main
n'était pas juste large, mais aussi rugueuse, une main habituée au
maniement des armes. Ce ne fut qu'à ce moment que Mydoral re-
garda l'étranger, le regarda vraiment. Elle remarqua l'épée mons-
trueuse suspendue à son dos fit le parallèle avec sa taille impres-
sionnante, même assis, il la dépassait de deux bonnes têtes. Mydo-
ral comprit que cette fois ci elle avait rencontré un adversaire
digne de ce nom.
Elle fit appel à son don, ses pupilles se tintèrent de mauve,
elle sollicita chaque fibre de son biceps droit. Habituellement elle
se contentait de broyer la main de son adversaire pour bien lui faire
comprendre la différence de force. Mais cette fois elle chercha tout
de suite à lui plaquer le dos de la main contre la table en bois mas-
sif. Elle sentit qu'elle prenait l'avantage l'inconnu était fort mais
pas assez pour lui résister. Sa main était déjà incliné à moins de
quarante degré, sa victoire était certaine...
Elle toisa le géant, c'est alors que la main qu'elle tenait, se re-
couvrit de poils roux. Grandit encore jusqu'à engloutir la sienne.
La duchesse n'était pas femme à prendre peur pour une transforma-
tion, étant elle-même une hexa, elle était une familière des dons.
Mais celle-ci était légendaire en pays Mardes et dans tout l'archi-
pel.
Elle ouvrit grand les yeux alors que l'identité de son adver-
saire ne faisait plus aucun doute.

Sa main percuta la table qui vola en éclat sous l'impact.

-Ce fut un formidable, passionnant bras de fer!


Dit le capitaine corsaire Valarion en se levant.
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Le roi, assistant à la confrontation depuis une terrasse où il


était attablé en compagnie de la reine Eliane; de l'archiduc et de
son épouse Viviane, applaudit son champion.

Ce dernier retira sa cape et présenta ses hommages à leur ma-


jesté, avant de regagner le fléau, son bâtiment amiral.

Le seigneur Chamberlin réconforta sa fille qui pour la pre-


mière fois de sa vie avait connu ce qui se rapprochait le plus d'une
défaite. L'archiduchesse Viviane, soupirant officieusement auprès
du couple royale afin que sa fille soit unie à l'un des princes
royaux, s'empressa de faire porter au capitaine corsaire Valarion
une malle pleine de pièces d'or, assortie d'une missive, précisant
que la duchesse ne disposait pas de sa main et ne pouvait l'accor-
der à qui elle voulait.
.
Le roi Léo Avant de quitter les îles Mardes arrangea les fian-
çailles de son second fils le prince Liam avec la duchesse Mydoral.
Agissant ainsi, tel qu'il l'avait fait avec le prince Lyor son premier
fils et la duchesse Jenevah.

-Un jour vous me remercierez avait-il dit à son second fils.

Mydoral était donc fiancée au second prince du royaume,


pour le plus grand bonheur
De l'archiduchesse.
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L'armée passa les portes de Port bastion alors que la nuit tom-
bait. Elle fut accueillie avec liesse par les habitants et les soldats en
faction dans la cité. La fille de l'archiduc montée sur un imposant
shire beige, suivit de prêt par le baron Byron Avait troqué son ar-
mure rouge contre une aux couleurs de sa maison, bleu et or...
Toutes ses armures étaient faites par un ombre, venu de l'autre côté
du royaume. En effet, il n'y avait pas de meilleur forgeron que
ceux d'ombreuse sur tout l'archipel des Nimurdes.

Habituellement, Mydoral prenait son temps et savourait leur


acclamation et leurs vivats, mais cette nuit elle était particulière-
ment las. Cela lui semblait monotone. Elle partit donc au galop en
direction du château. Son Shire, une jument à l'œil intelligent et
aux muscles épais, martelait le sol pavé de ses sabots protégés par
des fers. Ce son caractéristique, attira l'attention du guetteur qui
veillait en permanence au sommet du cyclope de Port bastion.
Cette immense statue, se dressait au centre de la ville et représen-
tait une créature gargantuesque dotée d'un seul œil, à l'intérieur du-
quel, des hommes se relayaient jour et nuit, veillant au maintien de
l'ordre.
Le cyclope était une tour de garde, dont le bras gauche indi-
quait la mer et le droit, la porte du lion. Une flèche partie dans le
ciel, signal du veilleur à son relais l'informant du retour de la fille
du duc. Grâce à ce système, lorsque Mydoral parvint devant le
château aux tours bleues, au bout d'une allée bordé de chaînes
massifs, les portes immenses étaient déjà ouvertes.
Elle ralentit l'allure raccourcissant les reines de sa noble mon-
ture, et pénétra dans le somptueux bâtiment au petit trot. Dans la
cours intérieur, une dizaines d'hommes l'attendaient, en position de
salut. Elle sauta du dos de son cheval sans mettre les pieds aux
étriers et atterrit sèchement. Les hommes se précipitèrent pour sai-
sir les reines du shire et la débarrasser de son armure. Elle les arrê-
ta d'un geste de la main et marcha jusqu'à la fontaine d'albâtre au
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centre de la cours représentant un ours et son petit. Elle plongea sa


tête dans l'eau claire et jaillissante, et la ressortit en rejetant ses
cheveux en arrière dans un geste à la fois sensuel et chevaleresque.
Les hommes dans la cours la fixaient comme électrisés. Puis l'ac-
calmie fut brisé quand quelques minutes plus tard, les hommes de
sa gardes rapprochée la rejoignirent, ils s'esclaffaient bruyamment,
interpellant leur camarades restés au fort. Leur chevaux retrouvant
des senteurs familières hennissaient et effectuaient de joyeuses
ruades.
D'une voix forte, Byron annonça à ses hommes:

-Mes frères! Afin de célébrer notre victoire écrasante, la du-


chesse nous convie à un bal! Prenez donc une douche demain et
sortez vos plus beaux atours! Les donzelles et le vin ne sauraient
faire défaut!
Des vivats accueillirent sa déclaration. Mydoral assise au bord
de la fontaine, semblait toujours perdue dans ses pensées. Jusqu'à
ce qu'elle remarque du haut d'un balcon une silhouette qu'elle au-
rait pu reconnaître même sans la clarté de la pleine lune.

L'archiduc Chamberlin était un homme trapu, de grande sta-


ture, dont les abondant cheveux jadis roux comme ceux de sa fille
avaient blanchi avec le temps. Heureux sexagénaire, il s'était éloi-
gné des champs de bataille lui laissant le soin de mater les révoltes
sur ses terres. Bien lui en eut pris. La dernière défaite connue des
troupes Djemerker dataient de cette époque. Depuis un balcon per-
ché trois mètres au-dessus de la cours intérieure du château, revêtu
de son éternel armure adamantine il observait les braves et sa fille.
Leurs regards se croisèrent. Mydoral se redressa et d'un bon
puissant, se hissa jusqu'au balcon ou le Seigneur incontesté de
l'ouest venait d'apparaître.
Son saut attira l'attention des autres hommes qui stoppèrent
net leur brouhaha.
23

-Père... Je vous rapporte la soumission des Hasborg! Plus ja-


mais, il n'osera prendre les armes contre notre maison.
Dit la jeune duchesse tandis qu'elle s'inclinait respectueuse-
ment devant son père.

Le vieux Seigneur Chamberlin, couva son unique fille d'un re-


gard plein de tendresse et de fierté.
- Du moment qu'ils restent à sa place, qui est celle de vassal
de notre maison, ils ne peuvent déclencher mon ire. Que n'êtes-
vous née à l'époque de la conquête ma fille! Nos ancêtre n'auraient
alors jamais dut s'agenouiller. Sayida Alhura elle-même du som-
met de sa gloire me semble pale face à la lumière qui émane de
vous! Répondit-il d'une voix vénérable et forte de sorte que tous
l'entendirent.

-Vous me flattez père... Mais j'aurai en effet souhaité me frot-


ter à un adversaire de la même trempe que la glorieuse Sayida...
Répartit la jeune fille en se redressant un sourire au coin des
lèvres.

-N'exagérons nous pas un peu?! Ma fille, vous êtes encore


loin du niveau des capitaines corsaires! N'est-ce pas d'une singu-
lière prétention de vous hisser au rang de la glorieuse Sayida qui
en son temps fut le mentor de non pas un, mais de trois de ces
guerriers de légendes...
Mydoral reconnut le timbre vocal feutré de l'archiduchesse
Viviane, sa mère. Sobrement vêtue d'une robe bleue nuit assortie
au manteau de son époux, elle apparut derrière celui-ci, ses che-
veux roux clairsemées de mèches blanches. La jeune guerrière ne
pouvait s'empêcher de penser que sa mère était Tout l'opposé de
son père.
24

L’archiduchesse était mardes dans ses gènes mais avait été


éduquée à la cours du roi Léo I er à l'époque où le prince Léo
Léo* fut nommé régent et associé au trône de son père.
Elle était la seconde épouse du vénérable Chamberlin, la pre-
mière ayant trépassée en tentant de mettre au monde un enfant qui
ne lui survécu guère. Pondérée et tempérée, elle vouait aux capi-
taines corsaires une admiration sans borne, comme tous ceux qui
avaient croisés leur route. Elle avait espéré faire de sa fille une
dame accomplie, tentant de l'éloigner des jeux d'épée et de l'équita-
tion. Quand elle comprit que ce n'était là que de vains efforts, sa
seigneurie Viviane employa tous ses arcanes afin d'enseigner à son
unique fille la coquetterie, tout en lui inculquant les bases de la
mondanité. Elle toucha au but lorsque le roi Léo, son ami d'en-
fance, accepta que la duchesse soit fiancé au prince Liam, son se-
cond fils.

-Mère... Salua-t-elle en effectuant une révérence digne de la


plus nobles des jouvencelles.

-Vous nous revenez victorieuse, cela mérite bien un bal... Ce


me semble.
Susurra Viviane désireuse d'équilibrer au possible le quotidien
de sa fille.

-Je mentirai en disant que je n'y avais pas déjà pensé. Demain


soir, nous célébrerons le dragon Ecatamchyre! Protecteur de
l'ouest... Je veux coupler ces célébrations à celle de notre victoire!
L'archiduc intervint joyeusement:

-Voilà une fort plaisante idée!


25

Bien qu’oint par l'évêque de Port bastion, le seigneur Cham-


berlin honorait toujours les dieux ancestraux de l'ouest, comme
tous les Mardes! Cela était d'ailleurs un des faits qui avaient véhi-
culé la pensée populaire dans l'archipel selon laquelle les Mardes
étaient des insoumis contestant même les dieux de la couronne!

Mydoral prit congé de ses parents et quelques heures seule-


ment après être rentrée de sa campagne, se prélassait dans une im-
mense piscine intérieure chauffée grâce au détournement de geyser
issu de l'activité volcanique intense dans la région.

Des servantes se relayaient dans la pièce, et prenaient soin de


son corps, manucure pédicure, cheveux, peau, il y en avait même
une qui lisait à voix haute la liste des personnes conviées au bal du
lendemain. Mydoral l'écoutait avec la plus grande attention et par-
fois demandait qu'un nom soit retiré.
-Le Seigneur Jorymm ambassadeur de la couronne auprès de
l'archiduché. Mentionna la servante

-Je veux qu'il soit assis près de moi lors du banquet... Il a tou-
jours des histoires passionnantes! Dit négligemment Mydoral. Par
contre c'est un piètre danseur je me passerai de lui au moment du
bal.
Capricieuse par nature, Mydoral était habituée à ce que tous
lui mange dans la main et que tout se passe selon ses moindres dé-
sirs. Ne connaissant ni la défaite
ni la frustration, elle incarnait la force dans un univers où la
force était tout!

La jeune servante acquiesça, nota la modification avant de


poursuivre….
26

Après sa douche, vinrent les massages. Les masseuses lui en-


duisirent sur son corps d'onguents et de crème afin d'adoucir sa
peau en plus de la parfumer. Toute nue, Mydoral les entendaient
glousser en s'extasiant sur son teint bronzé par le soleil des champs
de bataille, bien que portant une armure très souvent, il lui arrivait
de se promener sans lors du bivouac. Ses hanches étaient curves et
sa poitrine ferme. Le reste de son corps était sculpté pour faire sali-
ver le plus ascète des hommes. En vérité, Mydoral était belle. Mais
ce n'était rien, comparer à l'apparition qu'eurent les habilleuse en la
revêtant de sa robe rouge, dont le corset remontait sa poitrine déjà
alléchante, pour la transformer en une tentation infaillible, lui pas-
sèrent des pierres du même rouge écarlate dans ses cheveux de
flammes, et enfin lui fardèrent le visage de poudre et de rouge à
lèvre afin de la sublimer.
Mydoral sortit de ses appartements alors qu'il était presque
minuit, dépassa l'aile nord
Où se trouvait les appartements de l’archiduc, traversa plu-
sieurs corridors, croisant de temps à autres des domestiques qui lui
adressèrent une révérence et rejoignit enfin la bibliothèque du châ-
teau.

Les Mardes n'étaient pas réputés pour leur gout de la lecture,


pour tout dire, lire était une faculté jugée superflue dont seuls s'en-
combraient les membres des grandes maisons. Alors la biblio-
thèque était plutôt pauvre en manuscrits et en ouvrages. Mydoral
elle-même n'avait pas lu grand-chose, hors mis une copie des notes
du capitaine Valarion et la geste de la glorieuse Sayida Alhura,
comme tous les enfants du royaume!
Si la duchesse venait dans cette pièce, c'était pour s'adonner à
une autre passion à savoir la peinture.
L'archiduchesse Viviane veilla à ce que les meilleurs maîtres
lui enseignent l'art d'agencer les couleurs dans le but secret de voir
sa fille partager la même passion que son fiancé princier.
27

Elle s'installa devant un chevalet, s'empara d'un pinceau, My-


doral n'était pas très douée. Sa technique était correcte sans plus.
Son futur époux à ce qu'on racontait ne vivait que pour ses livres et
ses tableaux. Comme la vie devait être ennuyeuse aux côtés d'un
tel ascète! Elle avait beau le penser, Mydoral ne pourrait pas se
soustraire à ce mariage et cette perspective l'agaçait!

Elle quitta la bibliothèque et regagna ses appartements, misant


tout sur la réussite du bal du lendemain.
28

L'antique demeure des Djemerker, était un château colossal


construit au centre de port bastion. Réputée imprenable, en raison
des épais remparts qui entouraient la ville. Hauts de soixante
mètres, et suffisamment épais pour que des chevaux et des chariots
évoluent côte à côte sur le chemin de ronde. Nul besoin de douves
quand on possédait pareille muraille. Et pourtant, il avait suffi
d'une année bissextile à la glorieuse Sayida Alhura pour faire tom-
ber cette place forte. Jorymm mesurait le génie hautement straté-
gique que ce tour de force avait dû nécessiter.
Durant sa formation diplomatique à la cours de Pandragon, il
avait eu à lire plusieurs traités relatant les exploits du capitaine
mythique.
Il aurait voulu connaître une telle femme.
Tandis qu'il avançait dans le long corridor qui menait à la
salle d'audience du château, il se repassait les paroles qu'il s'apprê-
tait à prononcer. S'adresser un homme aussi puissant que le sei-
gneur Chamberlin demanderait du doigté et de la finesse. Qu'il ne
puisse pas user de son don pour se faciliter la tâche était un
comble. Toutefois cela ne l'effrayait pas. Bien au contraire le pari
n'en était que plus risqué, et le frisson plus grand!
29

Jorymm était né dans un établissement de jeu, dont les tenan-


ciers n'étaient autres que ses propres parents: les Toledo. Célèbres
dans tout Litner, petit village de Carma son île natale, ils avaient
obtenus pouvoir et richesse, grâce aux facultés de leur fils. L'hyp-
nose tactile le don de Jorymm, qui lui permettait de se faire obéir
de presque n'importe qui, d'un simple contact.
Le feu Roi Léo avait lui-même fait l'expérience de ce pouvoir,
soumis à son insu par le jeune homme arrivé à la cours sous l'aile
du capitaine corsaire Kal'ouh'na Tanshal. Jorymm usa de son don à
la demande du prince Lyor, pour lui permettre de participer à
l'épreuve finale d'admission au sein de la garde royale en dépit de
son rang.
Le prince lui était redevable. Et en bon parieur, Jorymm gar-
dait cela comme un atout dans sa manche.
Il parvint devant les imposants battants de la salle d'audience.
Rien ici ne semblait avoir été conçu à taille humaine.
Jorymm avait eu Le temps de s'habituer aux mœurs du peuple
mardes. Naturellement doué pour cerner la nature et la personnalité
des êtres qui l'entouraient, il comprit rapidement que c'était là un
moyen pour ce peuple d'assouvir son inextinguible soif de gran-
deur. Les statuts, fortifications et ornements tous colossaux,
n'étaient somme toute qu'un moyen de flatter leur égo. Les mardes
devaient être réputés forts et ériger des pilonnes gigantesque était
un bon moyen de prouver cela. Cependant ce goût pour la déme-
sure, sacrifiait l'esthétique.

L'un des gardes un colosse encore plus large d'épaule que ne


l'était Jorymm, à la ceinture duquel pendait un marteau de combat,
poussa le battant d'une seule main.
Ce que l'on pouvait considérer comme Un exploit quand on
savait son poids. Le jeune diplomate pénétra dans la large salle,
quelques seigneurs mardes s'y trouvaient déjà, devisant par petits
groupes, autour d'une table rectangulaire en bois rouge.
30

Au centre de ses messieurs, vêtu d'une armure sombre, qu'il


ne quittait qu'au couché, et d'une longue cape de velours bleu
royal, le seigneur Djemerker consultait une carte l'air contrarié, son
épouse à ses côtés.

-Votre seigneurie...

Le saluât le jeune diplomate en se rapprochant, tandis que les


seigneurs se retournaient sur son passage. Il possédait une voix en-
voûtante, ce qui participait à faire de lui un charmant orateur.

-Jorymm! Constata l’archiduc en se redressant. -J'ose croire


que vous m'apporterez des éclaircissements, ce qui m'a été rappor-
té n'est guère très reluisant pour la couronne!

Jorymm avait l'attention de tous les seigneurs présents. Jouant


de cela, il fit exprès de se rapprocher d'avantage de l'archiduc et de
répondre à mis voix de sorte qu'il fallait faire un effort et demeu-
rer très attentif pour ne rien manquer de ses révélations. En tant
que diplomate de la couronne, il était certainement le plus à même
de lever le voile sur les inquiétantes nouvelles de révoltes parve-
nues ce matin au château.

-Mon seigneur, il semblerait que l'archiduchesse Jenevah Lan-


célhion, initialement promise au prince héritier Son altesse royale
Lyor, ait fuit Pandragon. Elle aurait rejoint la cité de ses ancêtres
ou Elle a été couronnée reine par des seigneurs de l'Est avides de
pouvoirs et désireux de morceler le royaume. Son premier édit a
consisté à chasser les membres de la foi des trois déesses de ce
31

qu'elle considère comme le territoire souverain de l'Est. En bref,


Hurlevent est entrée en rébellion contre le trône.
Acheva-t-il.

-Nous savons tout cela! Sachez que vous ne nous apprenez


rien! Ce qui nous intéresse mon chère c'est les dispositions prises
par le trône! Le jeune prince n'est même pas encore couronné!
Qu'attend-il pour revendiquer le siège de son père et son épouse?!
Il me semble que cette pimbêche d'archiduchesse fut sa promise
pourtant! Que fait le conseil restreint et par les murailles de Bas-
tion sommes nous en guerre?!
Tonna l'archiduc.

-Calmez-vous Chamberlin tenta l'archiduchesse Viviane.

Jorymm ne perdit pas sa contenance pour autant.


Maîtrisant ses silences aussi Bien que le discours, il se dépla-
ça encore un peu de sorte qu'il se trouva aux abords de la table.

-Oui Votre grâce nous le sommes. Je le pense!

-vous le pensez? Excusez-moi mais vous n'êtes pas ici pour


parler en Votre Nom! Ce sont les pensées de la couronne qui nous
intéresse.

-La couronne, a besoin d'hommes tels que moi pour prendre


des décisions. Des hommes capables d'anticiper, et de lire les
signes avant-coureurs d'une catastrophe pour lui permettre de l'évi-
ter.. Alors savoir ce que je pense est capital mon seigneur. Autre-
ment feu le Roi Léo ne m’aurait pas confié la difficile tâche d'être
son émissaire au sein de Votre cours en dépit de mon jeune âge.
32

-Je ne voulais pas remettre en doute Votre probité... simple-


ment Je suis curieux de savoir ce que la couronne attends pour
nous communiquer son plan afin de mater cette révolte! Pandragon
ne peut aller en guerre sans l'ouest. La vermarme à Elle seule ne
saurait lui assurer la victoire!

-Il semble pourtant qu'elle va le faire! Fort du soutien des ca-


pitaines corsaires et de la gardienne, le prince héritier a déjà
convoqué sa garde royale, et des stratégies s’élaborent au moment
où je vous parle mon seigneur! Répliqua Jorymm en savourant le
coup qu'il s'apprêtait à porter...

-C'est une aberration! Les Djemerker furent de toutes les ba-


tailles et de toutes les guerres, enfin, le prince aurait-il perdu l'es-
prit? Chercherait-il à faire de nous les Seigneurs de l'ouest la risée
du royaume? Cracha l’archiduc amer

-N'y voyez là aucune disgrâce, Votre seigneurie. C'est simple-


ment que certaines... rumeurs... viennent entacher la confiance que
le jeune prince souhaite placer en vous. Et sous mes avis il a choisi
de patienter avant de vous inviter À vous joindre à son ost.

Le Duc blêmit:
-Des rumeurs? Votre avis?!

L'ensemble des seigneurs présents attendaient avec impa-


tience la suite de l'élocution du jeune diplomate.
Jorymm savait qu'il les tenait. Mais parfois, il fallait relâcher
tous les autres poissons du filet pour être sûr de ramener le plus
gros sans qu'il se déchire!
33

-Il ne me semble point adéquat de parler de cela en publique


Votre grâce. Il y va de l'intérêt supérieur de la couronne.

Le seigneur Djemerker fut bien aise de renvoyer ses vassaux.


Il fit un signe de la tête, et la dizaine de nobles présents, Bien
qu'étant des seigneurs de guerre aguerris, quittèrent la pièce. Seule
son épouse demeura à ses côtés.
.

-Vous pouvez parler à présent... Lui dit le duc lorsque le der-


nier seigneur eut passé la porte.

-L'on prétend que vous auriez fiancée votre fille à l'ogre, ba-
fouant ainsi l'accord qui vous liait à la couronne.
La duchesse répondit avec un geste méprisant:

-Une folie de jeune fille! Rien qu'une fable vous dis-je!

-Où est-Elle? À présent Votre seigneurie? J'aimerai entendre


la duchesse Mydoral me le confirmer
-Notre parole devrait suffire! Nous sommes ses parents!
L'ogre n'a jamais revendiqué sa main et il à quitter la cité depuis
belle lurette!

-je l'espère votre grâce. En ces heures où les félons abondent,


nous auront besoin de toutes nos forces afin de préserver l'héritage
de feu sa majesté!
34
35

Une comptine mardes disait que l'on avait le sommeil plus


paisible une fois que l'on avait trucidé mille ennemies. Dans ses
draps de soie, Mydoral se réveilla alors que le soleil était déjà au
zénith. Tout à fait débarrassée de la lassitude de la veille, elle s'éti-
ra comme un chat avant de se lever et d'aller directement s'assoir
devant son immense coiffeuse, là, contemplant son reflet dans le
miroir, elle entreprit de masser son visage légèrement bouffi par le
sommeil. Quiconque l'aurait vu en cet instant aurait juré qu'elle
était incapable de faire du mal à une mouche. Une fois qu'elle ju-
gea que ses traits avaient retrouvé leur finesse habituelle, elle son-
na ses servantes.

Ces dernières pénétrèrent dans la chambre quelques minutes


plus tard, l'une se ruant vers son lit et les deux autres vers elle pour
la conduire à son bain.
Mydoral sortit de ses appartements rayonnants, elle s'attendait
à voir le château grouillant de vie et d'agitation en prélude au bal
qu'elle et ses parents donneraient le soir même.
Cependant sa surprise fut grande lorsqu'elle fit son entrée dans
l'immense salle de réception du château. Point de servants affairés
ni de décorations. Furieuse, elle marcha d'un pas résolu vers l'in-
tendance, qu'elle trouva également vide à son grand étonnement.
Elle convint que quelque chose n'allait pas et se rendit jusqu'à la
salle d'audience, où ses parents recevaient les nobles et les petites
gens venus présenter leurs doléances à l'archiduc.
La quantité de nobles attroupés devant les battants clos de la
salle d’audience, ainsi que leur chuchotement incessant acheva de
la convaincre qu'il y avait un problème.
36

Se composant un air hautain, elle traversa les petits groupes.


Reconnue par les deux gardes en faction devant la salle, elle fut
tout de suite introduite en son sein.
Les énormes battants dorés se refermèrent derrière elle.

L'archiduc son épouse, et quelques hommes debout en demi-


cercle, interrompirent leur débat en la voyant se rapprocher.
-Ma fille!
L'interpella le seigneur Chamberlin.

Mydoral lui adressa une révérence rapide


-Père... Que signifie tout ceci?

Demanda t'elle a brûle-pourpoint.


L'archiduc prit son temps pour répondre et elle scruta les vi-
sages des hommes rassemblés là. Des diplomates pour la plupart,
parmi eux, le porte-parole de la délégation envoyée par la cou-
ronne deux ans plutôt: Jorymm.

-Une triste nouvelle nous a été communiquée... Commença


l'archiduc consultant son épouse du regard.
C'est cette dernière qui acheva:
-Le Roi son altesse Léo est décédé il y' a un mois au cours
d'une réunion du conseil restreint.
Mydoral mesura la gravité de la nouvelle et se tourna vive-
ment vers Jorymm, qu'elle connaissait bien pour avoir échangé de
nombreuse fois avec lui au sujet de la cours du roi.

-Pourquoi ne l'apprenons nous que maintenant?


37

Jorymm, un jeune homme svelte, au teint noir ciré et aux che-


veux frisés, élégamment vêtu d'une chemise noire surmontée d'une
cape rouge portant l'insigne de la maison royale attestant de son
statut de diplomate, prit la parole d'un ton mesuré:

-Votre seigneurie, n'y voyez aucune lacune de notre part, il


semble que le conseil restreint ait fait tout son possible pour retar-
der au possible la diffusion de la nouvelle sur l'ensemble de l'archi-
pel.

Mydoral répondit du tac au tac

-Pourquoi cela?! Les nobles ont le droit de savoir ainsi que le


peuple! Qui règne à présent?!

Jorymm se racla la gorge, une lueur d'intelligence traversa ses


pupilles noires.
-Le prince Lyor est l'héritier présomptif du trône votre sei-
gneurie.

Mydoral connaissait Lyor. Elle l'avait rencontré lors de la pé-


régrination royale qui avait mené le couple et les enfants royaux
dans les terres de l'ouest il y' avait sept années de cela. Elle gardait
le souvenir d'un garçon au tempérament bagarreur et bout en train,
un bon partenaire de jeu, non dépourvu de force et doté d'un don
fascinant. Cela surtout lui avait permis de gagner son estime.

-Bien... Quand auront lieu les obsèques royales? Demandât


elle.
38

-C'est l'objet de notre discussion, une invitation a été envoyée


par le général de la garde royale siégeant au conseil, Le duc d'om-
breuse, Camil. Il souhaite que l'archiduc de Port bastion assiste aux
obsèques de leurs défuntes majestés.

-Leurs?

-La reine Eliane était souffrante, l'annonce du décès de son


mari a achevé ce que la maladie avait commencé.

Un silence lourd tomba sur la pièce.


Mydoral le brisa de nouveau s'adressant à son père:

-Père, la famille royale doit être particulièrement éplorée, je


n'ose imaginer dans quel état je serai Si je devais perdre mère et
vous simultanément. Vous devez vous rendre à leur côté....

Mydoral n'était pas compatissante de nature, mais elle avait


nettement saisie l'enjeu diplomatique d'une telle invitation, le pou-
voir allait se réorganiser autour du nouveau roi et toute la géopoli-
tique de l'archipel s'en trouverait affectée. La plus grande des mai-
sons Mardes se devait de prendre part aux débats.

-Cela va de soit ma fille, mais j'ai dans l'idée, de vous envoyer


nous y représenter...

Dit posément le seigneur Chamberlin. Sa fille quêta une expli-


cation dans son regard sérieux.
39

-Le sieur Jorymm a porté à notre connaissance d'autres fac-


teurs dont je ne doute pas que notre maison puisse tirer avantage...
Poursuivit-il

Mydoral interrogea vivement le jeune diplomate:


-Et de quoi s'agit-il?

Jorymm prit son temps pour bien choisir ses mots:

-Le roi avant son décès avait émis le souhait que le prince hé-
ritier soit marié à l'archiduchesse Jenevah, de la maison Lancél-
hion... Il avait convenu d'un accord avec le regretté archiduc
Charles son père. Cependant, il semblerait que l'archiduchesse n'ait
pas l'intention d'honorer cet accord. Elle s'est enfuie de Pandragon
après s'être rendue coupable de l'assassinat du grand prêtre et de
son collège. Elle a été sacrée reine de tous les territoires inféodés à
Hurlevent il y'a quelque jours.

La nouvelle fit à Mydoral l'effet d'un électrochoc... Elle ne


connaissait pas L'archiduchesse Jenevah, Et n'avait aucune idée de
ses prétentions. Cependant exposées de la sorte, elles lui sem-
blaient tout à fait illégitimes. Un outrage à la couronne était un ou-
trage à tous les seigneurs qui lui était loyaux. Donc, un outrage à la
maison Djemerker. Mais les choses pouvaient être envisagées au-
trement et elle comprit que son père avait réfléchi dans le même
sens lorsque leur regard se croisèrent de nouveau:

-Ma fille voici une occasion inespérée de prouver notre loyau-


té à la couronne et même, de graver le nom des Djemerker aux cô-
tés de celui des Pandéra, dans la glorieuse histoire de notre archi-
pel! Vous êtes promise au prince Liam!
Vous devez vous rendre à Pandragon et rappeler au conseil
restreint, la grandeur de notre maison, vous joindrez nos forces aux
40

leurs afin de rétablir l'ordre au sein de l'archipel, en échange d'as-


surances claires du conseil au sujet de l'avenir de la couronne.

Mydoral comprit à quelles assurances son père faisait réfé-


rence. Plus important, la perspective d'une guerre prochaine la ré-
jouissait au plus profond de son être.
41

Le départ de la duchesse fut préparé le jour même. L'archiduc


semblait convaincu que d'autres seigneurs avaient sans doute eu la
même idée qu'eux et ils avaient un mois de retard, il fallait s'y
prendre vite. Une lettre fut envoyée au Duc d'ombreuse afin d'an-
noncer l'arrivée de l'archiduchesse et une autre missive fut remise
scellée à Jorymm pour le conseil royal. Elle contenait les termes
d'un accord qui entraînerait l'armée Djemerker aux côtés de la Ver-
marme et de la garde royale dans une guerre pour la défense des
intérêts du royaume. La menace voilée était toutefois claire.
Si Mydoral était éconduite, rien n'empêcherait l'archiduc de
revendiquer l'ouest pour lui. Étant celui qui y maintenait l'ordre
pour la couronne, il avait tout à fait cette capacité.

Jorymm et la duchesse Mydoral prirent la mer suivit d'une


flotte de cent vingt bâtiments, transportant l'armée de la duchesse.
Dans la cale, des chambres avaient été aménagées pour rendre
la traversée confortable aux diplomates et à la duchesse.
Sirotant un vin fruité, Mydoral échangeait avec Jorymm:

-Je ne suis jamais allé à la capitale... Dit-elle pensive

-Port bastion n'a rien à lui envier. Si ce n'est le trône... Répli-


qua ce dernier en se servant une coupe du liquide doré

-Et bientôt la cité des Djemerker n'aura plus rien du tout à lui
envier.

Sourit-elle confiante. Séduire Liam ou pourquoi pas Lyor et


ainsi devenir reine ne serait pas difficile, elle était une belle jeune
femme, puissante de surcroît. Et elle emmenait avec elle ce qu'elle
pensait être l'armée la plus redoutable de l'archipel.
42
43
44

"L'oracle d'Hurlevent parle au nom de la déesse unique,


révérée depuis des temps anciens dans les terres de l'Est. Elle
jouit d'une grande autorité morale et politique comparable à
celle de la gardienne sur le reste de l'archipel. Cependant,
leur pouvoir ne saurait être comparé. En effet, lors de la
bataille de Lanssalbion, qui fut la dernière de la conquête
totale, les deux eurent à s'affronter, Et la gardienne conduisit
les troupes du roi à la victoire. Cependant, Des bruits
auxquels il faut accorder une probité relative courent. Selon
eux, depuis trois siècle, les oracles se sont succédés, ruminant
leur défaite et préparant leur revanche ".

Extrait de l'Encyclopédie du savoir et du pouvoir.

Sous le soleil flamboyant de l'Est, les guetteurs en faction sur


la muraille de jade aperçurent deux formes ondoyantes avancer
dans la plaine des souffles. Par un habile jeu de miroir, ils en-
voyèrent l'information aux gardes postés en bas de l'incroyable gi-
sement qui servait de fortification à la cité.
A mesure que les cavaliers approchaient, les formes se préci-
saient. Il s'agissait d'une petite fille aux boucles blondes intermi-
nables montée sur une jument pommelée et d'un homme en armure
portant une épée colossale dans le dos avançant sur un shire géant.
45

L’ordre des chevaliers du phénix, était le plus important corps


d'élite de l'Est. C'était des chevaliers choisis pour leurs qualités,
auxquelles on confiait la protection des rois de l'Est depuis deux
mille ans. Ils étaient en quelque sorte l'équivalent de la garde
royale. Ils disposaient donc d'informations auxquelles les autres
forces de défenses n'avaient pas toujours accès.

Le chef de l'escouade de reconnaissance fit le rapprochement


entre les deux personnes qui avançaient vers la cité et les signale-
ments qu'il avait reçu quelques semaines plutôt quand les Olas,
avaient amené la princesse Latavia au château des Lancélhion. En
effet la dernière fille de la famille Pandragon, fut kidnappée alors
qu'elle était en voyage diplomatique avec la gardienne et l'ogre.
Pensant sans doute qu'elle serait un otage stratégique dans la
guerre à venir, la duchesse Loïc- Aliyah Lancélhion d'Hurlevent
avait ordonné son enlèvement.
Des représailles étaient à craindre! La petite appartenait à la
famille royale contre laquelle L'Est était entrée en rébellion, de
plus, elle voyageait avec deux des personnalités politiques et mili-
taires les plus importantes de l'archipel: la gardienne Hérionne et le
capitaine corsaire Valarion. Une description sommaire des deux
avait été donnée à tous les hauts gradés d'Hurlevent, afin de préve-
nir une attaque surprise éventuelle contre la cité.
La gardienne avait l'apparence d'une fillette en toge immacu-
lée, aux mèches blondes et aux pupilles dorées. Le capitaine cor-
saire Valarion celui que l'on surnommait l'ogre était un guerrier
mardes pure et dure. Musculature épaisse, cou de taureau, tignasse
rousse attestant de son haut lignage, il avait pour signes distinctifs
des canines bien trop épaisses pour un homme normal, et une épée
colossale qu'il magnait avec une facilité déconcertante: "mange-
coeur".
46

Aliyah postée devant une fenêtre de la tour du zénith, ayant la


vue sur l'ensemble de la cité observait l'avancée des étrangers. A
ces côtés se trouvait le seigneur du comté de Lancastre.
-C'est donc là le monstre qui m'a enlevé Robert! Cracha
Jacques le cruel.
Le comte de Lancastre était Chauve, les sourcils sombres et
fournis. il avait l'œil mauvais posé sur la lointaine mais imposante
silhouette du capitaine Valarion et la bouche pincée en une gri-
mace de dégoût. il peinait visiblement à retenir son aversion pour
celui qui avait porté la guerre contre ses terres.
N'ignorant rien de ses pensées, la duchesse l'avertit:

-l'heure de votre vengeance arrive! J'ose croire que vous sau-


rez la saisir!

- Je ne suis pas un couard! il est le meurtrier de mon fils!

Aliyah acquiesça de la tête et se tourna vers l'un des soldats


présents dans la tour.
-Allez dire à messire Bako de rassembler ses hommes! Qu'ils
me rejoignent devant les portes de la ville. J'irai avec ma garde
personnelle. Ah! Et informez les autres membres du conseil.
47

Le messager parvint au château alors que le conseil venait de


lever la séance. Tout essoufflé, il pénétra dans le magnifique bâti-
ment de granit bleu et courut dans les allées aussi vite que lui per-
mettait ses jambes.
Il s'arrêta au bout du couloir menant à la salle du conseil, lors-
qu'il repéra le vénérable messire Hector et l'oracle deviser devant
l'entrée de la pièce.
Ils s'aperçurent de sa présence et l'oracle lui fit signe d'appro-
cher. Le soldat obéit et tomba à genou. Une fois qu'il eut délivré
son message, le vieux chevalier s'adressa à l'oracle:

-Ils sont arrivé un peu plus tôt que prévu, Oracle. Sommes-
nous prêts?

L'oracle d'Hurlevent était une femme âgée au visage creusé de


rides. Elle avait le teint basanée des gens de l'Est et ses cheveux ja-
dis noir de jais, avaient blanchi avec le temps.
Elle s'exprima d'une voix profonde et grésillant

-Nous le sommes!
Le vieux chevalier oscilla lentement du chef.

-Bien... Soupira-t-il.

Il fit volteface et marcha d'un pas résolu vers les appartements


de la reine. L'oracle l'interpella a mis distance.

-Hector?

Il se retourna.
48

Le vieillard avait le port noble et malgré son allure malingre


conservait la démarche altière.

-Votre sacrifice ne sera pas vain...


Dit lentement la vielle devineresse

- Espérons-le...

Répondit calmement le chevalier octogénaire.


Il poursuivit sa route sa cape immaculée flottant à sa suite.
Il monta l'escalier en colimaçon qui menaient aux apparte-
ments de la fille aînée de feu son maître l'archiduc Charles.
Hier encore ce n'était qu'une enfant dont il devait assurer la
protection et aujourd'hui, elle était devenue, La reine rebelle, Car-
la-Jenevah de la maison Lancélhion.

Devant l'imposante porte d'or, deux gardes étaient postés là en


faction.

-Annoncez-moi messieurs! Leur Ordonna t'il .

Ceux-ci se consultèrent du regard et obtempèrent.

Quelques minutes plus tard, messire Hector fut introduit dans


les appartements royaux. La chambre était si vaste qu'on aurait pu
y jouer au bandit et au voleur. A l'autre bout de celle-ci, la reine
Jenevah, assise sur une chaise en bois précieux garnie de mousse et
de cuir, observait la ville en contrebas, le regard perdu dans le
vague.
49

Hector se rapprocha lentement. Sa reine ne l'entendit pas et


sursauta lorsqu'il lui adressa la parole:

-D'ici vous avez une vue imprenable sur la pyramide de vos


ancêtres.

Commença-t-il.
En effet, la grande pyramide d'Hurlevent, bâtie deux mille ans
plutôt, rayonnait sous le soleil haut dans le ciel et son sommet tu-
toyait les nuages.

Jenevah ne répondit guère, il poursuivit.

-Nous avons tenu conseil au château aujourd'hui, au lieu de le


faire à la pyramide comme il est d'usage. Mais vous n'avez pas dai-
gné vous montrer encore une fois.

Jenevah se tourna vers lui dans un mouvement simple du


buste mais plein de grâce comme tout geste qui était le sien. Elle
était belle, vraisemblablement la plus belle femme de toute l'archi-
pel des nimurdes. Partout, on composait des hymnes poétiques,
dans lesquelles on redisait, l'harmonie de son teint, la douceur de
ses traits, la longueur de ses cheveux noirs et la beauté de ses yeux.
En plus d'un physique divin, elle avait hérité du tempérament
humble et érudit de son feu père l'archiduc Charles. La reine de
l'Est faisait l'unanimité au sein de son peuple.
Elle répondit enfin d'une voix suave, mais néanmoins pleine
de contrariétés.

-Et pourquoi aurais-je voulu y paraître? Vous prenez toutes


les décisions à ma place sans tenir compte de mon avis, que je
50

désapprouve ou pas, Vous le faite tout de même. Ma présence n'est


pas nécessaire. Je ne semble qu'être une excuse pour assouvir vos
ambitions politiques. J’ai le sentiment d'être une marionnette que
l'on exhibe pour obtenir l'adhésion du peuple.

-Nous prenons ces décisions en votre nom! Dès lors que vous
avez été faite reine, l'Est est entrée en guerre, nous ne pouvions
donc plus vous laisser gouverner avec la douceur qui est la vôtre.
Objecta le vieux chevalier.

-Est-ce donc par soucis de fermeté que vous avez enlevez la


jeune Latavia et la retenez contre son gré dans la pyramide? Vous
avez contrefait mon sceau!

Le vieux chevalier baissa sa tête recouverte de cheveux blan-


chis par l'âge. Puis, se reprenant il dit :

-La gardienne et l'ogre sont à nos portes ma reine ...

Jenevah eut mouvement de surprise:

-Ils viennent pour Latavia!

-Nous avons un plan votre majesté


-Quel est-il?
Hector garda le silence.

La jeune reine le dévisagea un moment puis reporta son re-


gard sur la pyramide.
51

-Laissez-moi seule! ordonna-t-elle...

Le cœur lourd, le vieil homme obtempéra.

-Bien... Adieu votre majesté. Ce fut un honneur de servir le


phénix.

Avant qu'elle ait pu saisir la portée de ses paroles, Hector sor-


tit.
Jenevah demeura seule telle qu'elle l'avait requis, le cœur
plein d'anxiété.
52

Rassemblé devant l'entrée d'Hurlevent. Les chevaliers de


l'ordre du phénix attendaient patiemment que l'injonction de sortie
soit donnée. Bako Olajuhwon commandeur en chef du corps de
chevalerie et fils du duc D'Ola, éminent membre du conseil tenta
de calmer son cheval qui fit un écart. Les animaux sentaient la ner-
vosité de leur maître.

Aliyah amusée par cette réaction, observa la herse se lever. les


hommes de sa garde personnelle passèrent lentement les portes de
la ville. De loin, elle aperçut les longues boucles de la gardienne
portées par le vent scintiller comme des rayons de soleil. Elle dis-
tingua aussi la stature de l'ogre plus grand que n'importe lequel des
hommes qui l'entouraient. Une gamine et un géant, avait-elle en-
tendu dire. Pour une fois, la rumeur avait dit vrai.

Ils couvrirent rapidement la distance qui les séparait des étran-


gers et se campèrent à une vingtaine de mètres d'eux
-Humpf!
Souffla Le géant roux. Comment Robert le hardi avait-il put
se fourvoyer sur son identité? pensa Bako Olajuhwon. Pour la pre-
mière fois, il douta que le conseil de L'Est ait agi sagement en cou-
ronnant Jenevah. Aucun homme à sa connaissance ne pouvait riva-
liser qu'il avait sous ses yeux.

-Vous vous trompez lourdement! Prenez courage messieurs!


Gronda la duchesse sa tête.
Aliyah, une fois de plus avait usé de son don pour violer l'inti-
mité de ses pensées.
53

Lisait-elle aussi clairement dans l'esprit de toutes les per-


sonnes ici présentes?

Hérionne et Valarion bien qu'ayant été doublés par le duc


d'ola ne disposaient pas de preuves irréfutables que la jeune prin-
cesse Latavia était retenue par les Lancélhion. Ils ne pouvaient
donc pas faire irruption dans la ville sans s'être au préalable annon-
cés comme le requérait leur rang.

La duchesse, juchée sur une monture à la robe sombre, apos-


tropha la fillette en armure dorée qui se tenait aux côtés du grand
roux, d'une voix forte.

-Vous devez être Hérionne je présume...

Les iris dorés de la gardienne étincelaient, ses cheveux et son


armure diffractaient les rayons du soleil de plomb au-dessus de
leur tête.
-j'ai porté bien des noms au fil des siècles. Celui que j'ai au-
jourd'hui importe peut...

Aliyah balaya d'un revers de la main.

-Que nous vaut de recevoir votre visite, affublée de celui


qu'on nomme l'ogre célèbre sur toutes les îles de l'Est pour sa bar-
barie? Dit-elle...
-Humpf!
Souffla Valarion.

Aliyah s'était exprimé en souriant le raillant volontairement.


Mais il n'était pas qu'une montagne de muscles et avait conscience
que réagir à la provocation serait particulièrement stupide.
54

Le regard de la jeune femme lui donnait l'impression de péné-


trer en dessous de son armure, sous sa peau et ses muscles, pour
percer les secrets de son âme. Il soupçonnait quelque don là des-
sous. Et Il avait un excellent instinct. La duchesse lisait en lui
comme dans un livre ouvert. Pour ce qui était de la gardienne en
revanche c'était une tout autre affaire.

Cette dernière répondit de manière limpide.


-La princesse Latavia deuxième fille de sa majesté le Roi Léo
a été enlevée alors que nous faisions une halte à Ola. Tout porte à
croire que ses ravisseurs l'on conduite jusqu'ici.... Mais je n'ai pas
l'honneur de savoir à qui je m'adresse...

Les traits d'Aliyah se durcirent.

-Je suis Loïc -Aliyah Lancélhion deuxième fille de l'archiduc


Charles Lancélhion. Porte-parole du conseil de l'Est et Duchesse
de Vaghar. Je parle au nom de la reine... La princesse se trouve bel
et bien en ces murs. Nous vous la restituerons ! Mais bien évide-
ment nous avons des exigences.
Rétorqua-t-elle.

-Si vous n'y voyez pas d'inconvénient nous aimerions la voir,


dans un premier temps, puis il faudrait que des chevaux frais
soient mis à nos dispositions afin de regagner Pandragon dans les
plus brefs délais. Nous souhaiterions également nous entretenir
avec l'archiduchesse Jenevah. Je ne prête pas l'oreille aux rumeurs
je la sais d'une grande noblesse de caractère. La traîtrise n'est point
son partage.

Hérionne avait clairement posé sa demande, en fonction de la


réponse d'Aliyah, tout pouvait basculer.
55

Le comte de Lancastre, l'œil noir, caressait le pommeau du


fouet accroché à sa ceinture. Vêtu de pourpre, et d'une cape de ve-
lours rouge, il toisait l'ogre sans vergogne. Valarion ne s'y trompait
pas, Jacques le cruel fulminait et sa simple présence, lui était aussi
douloureux qu'un soufflet. Il tenterait de l'étriper à la première oc-
casion pour venger son fils Robert le hardi.

-Il n'y a plus qu'une seule duchesse à Hurlevent et elle se


trouve devant vous révérendissime. Ma sœur a été faite reine. Vos
prêtres ont agi en violation de tous les accords préétablis entre nos
deux dynasties. Les Pandéra ne peuvent attendre de nous une sou-
mission aveugle, après que le phénix de l'Est ait été déshonoré...
Mais, nous n'avons pas à nous traiter en ennemis. Tout ce que nous
demandons, c'est la reconnaissance de notre indépendance, et nous
vivrons en bon voisin.

Répondit Aliyah le plus sereinement du monde.

Les pupilles dorés de la gardienne étincelèrent. Bien qu'étant


la personne la plus fluette dans la plaine, elle dégageait une aura
encore plus écrasante que celle de l'ogre.
Aliyah avait faillit être emportée par un torrent en tentant de
pénétrer ses pensées. En effet l'esprit de la gardienne semblait fait
d'une multitude de couches, tenter de les saisir dans leur ensemble
était simplement impossible.
Mais la duchesse restait un solide stratège et lorsqu'elle ne
pouvait compter sur l'avantage que lui procurait son don, elle fai-
sait jouer ses méninges.

Exposées tel quel venait de le faire, les revendications d'Hur-


levent n'avaient rien de belliqueuses.
Cependant le trône ne pouvait y accéder, Hérionne ne consen-
tirait pas un aveu de faiblesse et elle ne décréterait pas la nullité de
56

trois siècles d'histoire. Les Pandéra avaient conquis chaque îles de


l'archipel par le fer et le sang et ce dans un seul but. Assurer à tous
le même accès aux ressources et la jouissance d'une existence pai-
sible. Une île aussi riche qu'Aureus tirerait sans peine son épingle
du jeu. Mais qu'en serait-il de ses voisins?
L'Est était le magasin de l'archipel. Cela, elle ne le savait que
trop bien.

-La question de l'indépendance d'Hurlevent a été tranchée il


y'a deux cent ans duchesse. Je n'ai pas le pouvoir de renégocier un
accord que votre ancêtre a librement consenti. Cependant, j'en-
tends bien réparer le préjudice subi par L'archiduchesse. Ses bour-
reaux ont été châtiés, nous pourrions essayer de faire table rase et
envisager de nouvelles perspectives d'avenir. Ou, nous pouvons
entrer en guerre et réduire à néant ce que nos prédécesseurs ont
mis tant de temps à bâtir. J'aurai pu réagir au rapt de la jeune prin-
cesse de la pire des manières. J'aurai pu réduire chaque cité de la
région en cendre. Mais là n'a jamais été l'intention de la couronne.
Elle ne souhaite pas entrer en guerre avec ses vassaux.

-Votre pondération vous honore révérendissime. Cependant


une liste de nos exigences est déjà parvenue à Pandragon et nous
attendons leur réponse, qui seule déterminera le statut de nos mai-
son respectives. La gardienne est avant tout un symbole instituée
par un Pandéra, il est donc normal que vous soyez dans leur
camps. Je tiens à présenter mes plus humble excuses pour le
manque de délicatesse dont on fait preuve mes hommes en enle-
vant la princesse. Nous avions besoin d'assurances pour nous
adresser aux Pandéra d'égaux à égaux.
57

-Il ne peut être question d'égalité entre le suzerain et son vas-


sal. Dois-je comprendre que la princesse est votre otage?

La voix d'Hérionne avait perdu toute sa douceur. Il ne restait


que la fermeté.

Aliyah une fois de plus scruta l'esprit de l'ogre. Il était de plus


en plus nerveux.

-Inutile de galvauder les mots... Otage, est vocable très péjora-


tif. Je préfère le terme d'invité.
Temporisa-t-elle

-Soit! Cependant, Il y'a des siècles de cela, J'ai participé à la


guerre de conquête. Et j'ai assisté à la capitulation du dernier roi de
l'Est Tyerri Lancélhion. L'histoire retient le nom de cet homme
comme celui d'un couard...J'aime quant à moi penser qu'il fut un
sage...

Repartit Hérionne.

Aliyah du haut de son cheval la défiait du regard. Soudain,


derrière elle, les chevaliers alignés s'écartèrent. Laissant passer un
vieux guerrier aux longs cheveux blancs et au visage émacié: mes-
sire Hector. Il portait une épée à sa taille qui battait contre son
mollet et tenait un arc en main, tandis qu'un carquois rempli de
flèches était suspendu à son épaule.

Il traversa les lignes et parvint à pied prêt du cheval de la du-


chesse. Il abaissa lentement la tête en signe de respect et lui tendit
l'arc des deux mains.
58

-L'oracle m'a chargé de vous remettre ceci... Dit-il d'une voix


enrouée.

Aliyah étendit la main et se saisit de l'arme. Le vieux cheva-


lier passa encore le carquois au porte étendard. Puis, il recula d'un
pas et se campa aux côtés de la duchesse et du comté de Lancastre.

Aliyah reprit la conversation:

-messire Hector que voici était le grand commandeur de


l'ordre du phénix. Il a servi mon père Et a vu le roi Léo Léo
conclure le mariage qui devait unir les Pandéra et les Lancélhion.
Il avait coutume de me répéter, lorsque je m'inquiétais pour ma
sœur partie à Pandragon, que Jenevah serait traitée par feue sa ma-
jesté Avec tous les égards dus à son rang et protégée comme une
enfant de son propre sang. Hors, voilà qu'à peine quelques mois
après sa mort, ma sœur fut arrêtée et jugée comme une voleuse.
Confinée dans ses appartements comme une veule, dont on peut
restreindre la liberté d'aller et venir à sa guise. Est-ce ainsi que l'on
manifeste égard et protection, révérendissime?

Tandis qu'elle parlait Aliyah tendit son arc et banda sa flèche.


Un geste exempt d'hésitation. Un geste rodé. Elle braqua son arme
vers son interlocutrice. Ouvrit les doigts et regarda la flèche partir.

Valarion tira mange cœur et se tint en garde.


Hérionne ne sourcilla pas. La flèche vint se ficher à ses pieds.

Aliyah tenant son arc d'une main souriait:


59

-A partir du moment où j'ai tiré cette flèche, elle ne peut ren-


trer dans son carquois. Et vous êtes libre de l'interpréter comme un
acte de pure provocation ou de tenter de me comprendre. Mais la
vérité est toute simple. J'ai tiré une flèche contre vous. Que je vous
ai manqué n'a pas d'importance. Les actes des hommes ne sont que
ce qu'ils paraissent. Chacun en donne une interprétation qui sert
ses intérêts. Le conseil par ma voix vous informe qu'il en est de
même pour nous. Les Pandéra ont tiré une flèche il y a douze se-
maines, aujourd'hui elle s'est fichée à nos pieds. Nous l'interpré-
tons comme nous le voulons.

Hérionne secoua lentement sa tête en signe de négation et ses


boucles blondes oscillèrent à son rythme.

-Est-ce donc là votre réponse? Mesurez-vous l'ensemble des


conséquences que cela peut avoir? L'Est n'est qu'une région. La
couronne peut encore compter sur la loyauté de tous ses autres vas-
saux. Une armée telle que vous n'en avez jamais vue pourrait dé-
ferler sur vos côtes et anéantir jusqu'au souvenir de votre dynastie.
Est-ce là votre souhait duchesse? Vous qui parlez au nom du
conseil? Est-ce là le désir de Jenevah?

Pour toute réponse, Aliyah fit faire volteface à sa monture:

-Allez-vous en gardienne! Vous n'êtes pas la bienvenue ici!

-Je vous pensais plus avisé que votre fils monsieur le comte.
Lança la gardienne à Jacques le cruel.

Ce dernier en guise de réponse leva la main.


60

Du haut de la muraille de Jade. L'on entendit un bruit de rou-


lement. Puis, une vingtaine de canons apparurent. Tous braqués
sur les deux étrangers.

-Je vois. Je ne peux quitter ces terres et me présenter à mon


roi sans sa sœur. Rendez-nous Latavia et nous partirons. J'oublierai
les canons et les flèches tirées. J'oublierai l'outrage et la menace.
Tenta la gardienne dans une ultime tentative de conciliation.

-Hélas! Vous n'oublieriez pas le chemin qui mène à nos terres.

Répondit Jacques le cruel en abaissant la main.

Dans un fracas assourdissant, les hommes se turent et à leur


place, les canons parlèrent.
61

Survivre à un tir de barrage émis par vingt-cinq canons n'était


pas quelque chose dont pouvait se vanter beaucoup de soldats!
Valarion constata avec surprises qu'aucun tir n'avait suivi la
bonne et trajectoire. Dispersés, les boulets étaient allés exploser au
quatre coins de la plaine.

Incrédule il consulta Hérionne du regard. Ses yeux scin-


tillaient comme deux mini soleils.

-Capitaine Valarion je vous ordonne au nom du seul et unique


conseil royal de l'archipel des nimurdes de pénétrer en ces murs et
de ramener la princesse Latavia! Éliminez quiconque se mettra en
travers de votre route...
Dit-elle avec force.

L'ogre grogna, son corps fut recouvert de poils roux. Sa mus-


culature épaisse forcit d'avantage. Et l'humanité déserta ses pu-
pilles bleus cobalt. Il poussa un rugissement de fauve puis, prenant
progressivement de la vitesse sur son shire, chargea.

Aliyah se repliait déjà à l'abri de la muraille de Jade. Elle pas-


sa devant Hector qui avait tiré son épée. L'espace d'un instant, elle
mesura comme il coûtait au vieil homme de renoncer à la vie en
dépit de toute son abnégation. Elle le remercia et le réconforta du
mieux qu'elle put. L'échange télépathique ne dura qu'une dizaine
de secondes mais suffit pour donner du courage au vieux chevalier.

-Protégez la duchesse! Cria-t-il à l'adresse de ses hommes.


62

-Ne craignez pas!! En avant !! Hurlait Bako Olajuhwon à sa


suite, Alors que l'impact était imminent.

Un premier brave se hasarda à barrer le passage au capitaine


Valarion. Il brandissait une hallebarde devant lui et poussa un cri
de guerre très convaincant.
L'ogre se décala sur le côté, laissant passer la pointe de la
lance, et asséna une claque au soldat tout en continuant sa progres-
sion vers l'avant. Le malheureux eut les cervicales brisées sur le
coup.
Trois hommes prirent sa place. Le vieil Hector cligna des
yeux un instant, les trois qui s'étaient interposés gisaient au sol,
morts.

Valarion bouscula une monture et attrapa un soldat par le tibia


il le fit tournoyer au-dessus de sa tête un moment avant de lâcher
le malheureux qui alla s'écraser sur un de ses compagnons, entraî-
nant la chute de son cheval lancé au grand galop.

-C'est un monstre!
S'exclama le vieux chevalier malgré lui.

Le comte de Lancastre talonna son cheval et tira son fouet.


À sa suite, la cavalerie de sa garde personnelle se porta à la
rencontre du géant roux.

Une nouvelle salve de tirs partie du haut de la muraille.


63

Et Hérionne décida qu'il n'y aurait pas de troisième. Puisant


dans ses ressources incommensurables, elle ferma les yeux, les
boulets filant vers elle furent dispersés comme les premiers.
Puis, la terre à la base de la muraille se mit à trembler violem-
ment. Au moment où la duchesse allait passer la herse, le gisement
haut d'une trentaine de mètres se fissura.

Aliyah surprise, éperonna son cheval qui fit un bon en avant


pour traverser la herse démantelée. Non, ce n'était pas juste la
herse, la muraille tout entière s'effondrait.
64

Aliyah dressée sur ses étriers, essayait de voir par-dessus les dé-
combres du mur. De toute part les soldats affluaient et comme des
fourmis hors d'une termitière brisée, ils se ruèrent dans la plaine
des souffles.

A un contre mille, Le capitaine Valarion faisait avancer son


shire géant qui écrasait sans peine les malheureux sous ses sabots.
Mangecoeur semblait avoir été conçue pour ce moment. Elle tran-
chait, décapitait, éviscérait comme le hachoir d'un boucher.
Soudain le géant sentit quelque chose s'enrouler autour de son
bras.

Jacques le cruel tint fermement le manche de son fouet et es-


péra désarçonner le capitaine corsaire. A pieds il constituerait une
moins grande menace.
Valarion se contenta de ramener son bras à lui et l'homme fut
soulevé dans les airs. Il atterrit au milieu d'une flaque de sang et se
brisa la jambe. Immobilisé, il poussa un râle de douleur!

Alors que l'ogre se débattait comme un gorille au milieu d'un


essaim, Hector progressa jusqu'à la gardienne. Il approcha son
épée de ses lèvres et psalmodia une prière. Levant la lame vers le
ciel, une énergie aussi blanche que ses cheveux s'en dégagea. Il
pointa le rayon vers Hérionne. Elle veillait sur l'ogre s'assurant que
personne ne l'attaque dans le dos. Elle n'eut pas le temps d'esquiver
la salve de lumière sa jument alezane effectua une ruade et dans un
flash lumineux, elle disparut.

La peau Complètement calcinée et le corps fumant, le vieux


Hector tomba à genoux.
Il avait joué sa partition et s'éteignit en convulsant, certain
d'avoir accompli son devoir.
65

L'ogre se retourna un instant surpris par l'éclat de lumière.


Constatant la disparition d'Hérionne, il poussa un grognement de
rage.
Il n'eut pas le temps de s'inquiéter plus que cela. Un guerrier
lui planta sa pique dans l'épaule entre deux plaques de son armure.
Il rugit et tua le fou sur le champ, d'un coup d'épée assené avec une
violence telle qu'il trancha le malheureux en deux.
Comme s'ils étaient pressés de mourir, les soldats n'arrêtaient
pas d'arriver.
Valarion savait qu'ils espéraient l'avoir à l'usure. Tout comme
il savait qu'il avait beau être fort, il n'était pas infatigable. Il fau-
drait encore retrouver la petite princesse et fuir avec elle.
Talonnant son cheval, il le poussa à effectuer une ruade pour
faire le vide autour de lui.
Il lâcha les reines. D'une pirouette agile vida les étrillés et at-
territ au sol. Les chevaliers qui l'encerclaient le jugèrent fou
d'abandonner son avantage alors qu'eux étaient toujours sur leur
monture.
L'ogre rugit une nouvelle fois et sauta.

Son bond le porta si haut qu'il ne fut plus qu'un point dans le
ciel.

Bako Olajuhwon suivit sa trajectoire du regard et le vit redes-


cendre loin derrière les décombres de la muraille de Jade. Dans la
ville!!
66

Moire prononça les vœux qui lui permirent d'entrer au service


de la déesse unique un demi-siècle avant la naissance de l'archiduc
Charles Lancélhion. Elle était vielle. Très vielle. Ses gestes ri-
tuelles perdirent en grâce et en souplesse. Moire passa plus de
soixante-dix-sept cycles solaire, lorsqu'elle entendit pour la pre-
mière fois la voix de la déesse unique. Une simple phrase. Une for-
mule. Qu'elle dut mettre des années à déchiffrer. Humblement, elle
demanda l'aide du précédent oracle et de ses sœurs spirituelles.
Après une centaine de transes, elles finirent par extraire des gémis-
sements ineffables de la déesse unique la formule qui permettait à
quiconque d'invoquer un esprit d'où qu'il soit et quel qu'il soit. L'on
pouvait convoquer la forme spirituelle d'un être passé ou présent.
L'on pouvait même le forcer à se réincarner. Cette découverte la
propulsa au premier plan dans l'ordre des prêtresses de la déesse
unique. Mais le prix à payer pour pratiquer cet exercice fut exorbi-
tant. Il fallait sacrifier une vie. En l'occurrence la vie de la per-
sonne qui prononçait la formule. Elle indiquait où et quand devait
se matérialiser l'être invoquée et à la seconde où son vœu était
exaucée, sa vie lui était prise. La noblesse de la sacrifiée devait
être à la hauteur de l'esprit convoqué. Ainsi, les prêtresses de la
déesse unique sacrifièrent quantité de novices pour parvenir à in-
voquer l'âme du tout premier oracle. Entendre sa sagesse et son
histoire furent passionnant pour Moire. Ce fut le premier oracle qui
la désigna pour assumer la charge au décès de la vielle Iloa. Elle la
chargea également d'une mission: Créer les conditions de la renais-
sance du phénix...

Moire avait comme toutes les prêtresses ointes de la déesse


unique, une talent aléatoire pour la divination, obtenu en échange
du renoncement aux plaisirs charnels et à l'usage de don d'une
autre nature pour celles qui étaient nées hexa. Elle sut en lisant les
fils du destin que la jeune Jenevah n'épouserait jamais le fils aîné
de la dynastie Pandéra. Alors très tôt, elle commença à insuffler en
Aliyah le désir de grandeur et celui de retrouver la gloire d'antan.
Lui racontant contes et légendes au sujet de ses ancêtres.
67

La petite avait reçu un don impressionnant à la naissance, nul


doute qu'elle serait à la hauteur de la tâche.

Moire s'astreignit à toujours plus d'ascétisme dans le but de


pousser ses visions plus loin. Au départ cela fonctionna très bien,
puis, elle atteignit une zone floue dans sa divination. Une ombre se
dressait entre elle et le reste de sa vision. Quelque chose se dressait
entre elle et l'avenir idéal. Elle s'en ouvrit au premier oracle.
"Frieda... Tues Frieda... Et tu verras à nouveau."

Cette réponse laissa Moire perplexe. Qui était Frieda?


Elle chercha, jeûna, fouilla d'avantage. Et elle finit par se las-
ser quand enfin elle trouva:

Frieda était le nom de la toute première incarnation de la gar-


dienne. Comment avait-elle put ne pas le comprendre ? C'était à
cause la gardienne que les troupes de l'Est avait été défaite à Lans-
salbion alors que la glorieuse Sayida Alhura était retenue dans les
îles Mardes. Pour sûre, elle se dresserait sur le chemin de Moire et
tenterait d'empêcher la réalisation de son avenir idéal...

Partant de ce constat elle avait œuvré pour s'assurer que cha-


cune de ses décisions la mène à cet instant. L'instant où elle tien-
drait la gardienne en son pouvoir.

Ce n'était pas une enfant aux boucles blondes qui se tenait de-
vant elle. La forme spirituelle de la gardienne était celle qu'elle
avait reçue lors de sa toute première incarnation: Frieda. Une ma-
gnifique jeune femme dont il eut été difficile de dire quel avait été
le teint et la couleur des yeux. Son âme irradiait d'une blancheur à
nulle autre pareille. Une énergie amassée au fil des siècles,
condensée deux millénaires durant parfaitement maîtrisée.
68

La gardienne scruta le lieu où elle se trouvait. Elle qui avait


presque tout visité au cours de sa vie n'avait jamais mis les pieds
dans la pyramide d'Hurlevent. Le lieu de culte de la déesse unique
et tombeau des rois de l'Est. Elle ignorait où elle se trouvait.
Une voix l'interpella:
-Frieda...

Il y'avait mille ans qu'on ne l'avait pas nommé ainsi.


Elle remarqua que dans la pièce où elle se trouvait, une di-
zaine de jeunes femmes l'entourait, têtes baissées, psalmodiant une
formule incompréhensible. La voix l'appela de nouveau. Elle ve-
nait de derrière elle.

-Frieda...

Elle se retourna et tomba sur Moire.


Les deux êtres ne s'étaient jamais rencontrés. La gardienne
n'établit pas tout de suite le lien.

-Qui êtes-vous? Où-suis-je

Vêtue d'une longue tunique blanc cassé aux manches brodées


de fils d'or, l'oracle dont les pupilles semblaient sans vie pris la pa-
role lentement. Un rictus lui déformait les traits et elle avait l'air de
quelqu'un qui touchait enfin au but de son existence:
69

-Je suis une servante de la déesse unique... Mon nom est


Moire...

-La déesse unique... Répéta la gardienne... Vous êtes l'oracle


d4Hurlevent!
S’exclama-t-elle.
Moire oscilla du chef avec la bienveillance du chasseur face à
sa proie.

-Quel est ce lieu?

-Vous vous trouvez dans le temple de la déesse unique. Le


lieu où elle daigne faire entendre sa voix et révéler sa volonté aux
pauvres mortelles que nous sommes.

-La pyramide... Vous m'avez fait pénétrer dans la ville...


Mais? Qu'est-il arrivé à mon enveloppe charnelle?

-Vous n'en avez plus... Et vous n'en aurez plus. Ceci était
votre dernière réincarnation gardienne. Votre âme restera enfermée
ici... Pour les deux siècles à venir... Et quand viendra l'heure vous
disparaîtrez...

Les incantations rituelles des prêtresses augmentèrent derrière


la gardienne.
Elle eut l'impression qu'on l'enchainait au sol... Elle s'apprêtait
à maudire la providence, qui lui attribuait toujours les pires enve-
loppes charnelles pour se réincarner comme elle en avait pris l'ha-
bitude durant son périple aux côtés de Valarion.
70

Une âme millénaire dans le corps d'une enfant. Les


contraintes que ce principe lui avait imposées étaient telles qu'in-
consciemment elle avait toujours bridé son pouvoir par peur de dé-
truire son enveloppe corporelle. Comme l'éléphanteau enchaîné à
un simple pieu, qui ayant grandi, ne réalise pas qu'il pourrait d'une
chiquenaude se libérer.

Elle prit soudain conscience que cela n'avait plus lieu d'être.
Ces femmes tentaient de mettre un terme à son existence. Hur-
levent avait refusé son offre de paix. Hurlevent l'avait outragé. A
présent Hurlevent allait disparaître, et ce culte imbécile avec elle.
Laissant libre court à sa colère, et sans plus réfléchir aux consé-
quences, elle se déchaîna.
Les incantations cessèrent.
Vingt siècles de réincarnations et d'énergie pure renouvelée,
firent trembler la pyramide de son fondement jusqu'à son sommet.
La gardienne s'apprêtait à tout souffler, Et son seul désire était
d'oblitérer jusqu'aux fondations d'Hurlevent.
Mais contre toute attente, elle sentit la raison de sa présence
en ces lieux: la princesse Latavia!
La sensation se fit plus nette.

Elle était dans cette pièce, parmi les femmes recouvertes de


capuchons.
N'ayant pas renoncé à son désir de destruction, elle cria à
l'adresse de la jeune princesse qui ne semblait pas retenu de force:

-Va-t’en!

-Elle a été initié à nos arcanes. A cet âge, l'esprit est malléable
à souhait. L'on peut modeler la femme qu'elle sera. La préparer à
71

son rôle dans le futur parfait... Elle vous entend et vous voit. Mais
elle est une novice... Elle ne peut agir...
Souffla l'oracle d'une voix profonde.

Le tremblement cessa...
Moire avait vu cela... La gardienne ne pourrait interrompre le
rituel de peur de tuer la princesse. Un rictus plus large encore tor-
dit ses traits...
-Mes sœurs poursuivons, achevons de la sceller, c'est là le
chemin qui nous mènera au futur parfait voulu par notre déesse.

Les incantations reprirent de plus belle! La gardienne sentit


une partie de sa conscience s'effriter. Pour celle qui avait traversé
les époques et les âges, Le temps était désormais compté.
72

Aliyah galopait à toute vitesse en direction de la grande pyra-


mide. Parler à l'oracle était sa principale préoccupation. Moire ne
lui avait pas dit que la muraille de Jade serait détruite. Son esprit
était en proie au doute. Elle devait savoir si le plan s'était déroulé
comme prévu!
Un sifflement caractéristique d'un boulet de canon lancé dans
les airs attira son attention. Aliyah leva la tête et vit avec effare-
ment le capitaine corsaire Valarion atterrir sur une modeste maison
de commerce qu'il réduisit en débris. Émergeant des décombres, il
poussa un rugissement de rage.

Sans plus réfléchir, Aliyah saisit l'arc accroché à sa scelle.


Elle réalisa que son carquois était demeuré dans la plaine des
souffles. Comme désorienté, Valarion qui ne l'avait pas vu avan-
çait en détruisant chaque statuette ou monuments qui lui barrait le
passage.

-Tu ne saccageras pas ma ville!


Dit la duchesse en serrant les dents.

Elle lança son cheval au galop et il parcourut rapidement les


quelques mètres qui les séparaient. Valarion se retourna au dernier
moment. Le cheval entra en collision avec son large torse. Il lâcha
mangecoeur et stoppa net l'élan de la bête.

Aliyah prise de panique voulu sauter de sa selle, mais il la sai-


sit comme une poupée de chiffon et laissa partir le canasson. Il s'en
fut au triple galop abandonnant sa maîtresse suspendue entre ciel et
terre:
73

-Tiens tiens... Madame la duchesse...

Aliyah suffocante envoya des images mentales d'une rare vio-


lence à l'ogre. Ce dernier fronça les sourcils et ses iris déjà ovales
devinrent deux fentes accentuant son expression de férocité. Son
esprit n'était plus que sauvagerie. La duchesse perçut très claire-
ment que sa volonté de la tuer prendrait le pas sur tout le reste si
elle persistait.
L'ogre resserra sa prise, elle sentit une de ses côtes flottantes
céder. Les visions cessèrent.

-Voilà qui est préférable et mieux... Humpf!


Grogna l'ogre.

-Je t'explique, te donne les règles! Un, on ne crie pas, deux, on


ne parle que pour répondre à mes questions, interrogations! Et
gardes toi de me mentir! Si tu as pigé compris, fais un signe de
tête.

Aliyah effarée par le visage recouvert de poils, le museau qui


avait remplacé le nez de l'ogre et sa dentition de carnivore, remua
vigoureusement la tête.

-Bien! Où est la petite, jeune princesse?!

Elle tendit la main vers la pyramide.

L'ogre eut un rictus cruel. Aliyah remua de nouveau la tête,


comprenant que son espérance de vie venait de chuter brutale-
ment...
74

Valarion s'apprêtait à la briser en deux comme la brindille


qu'elle était Lorsque la terre trembla. Il fut projeté au sol et ses
poils se hérissèrent.
Son instinct lui dicta très clairement de mettre le plus de dis-
tance possible entre cette cité et sa frimousse.
Mais, N'écoutant que son sens du devoir, Valarion se redressa
et sans plus accorder un regard à la duchesse qui rampait pour re-
trouver son équilibre, il marcha vers la pyramide.
75

Hérionne avait beau retourner le problème dans tous les sens, elle
ne voyait pas comment venir à bout de ses ennemies et protéger la
princesse. La sacrifier n'était même pas une option. La situation al-
lait de mal en pis car elle avait du mal à rester consciente et ne sa-
vait plus très bien à quelle époque elle se trouvait. Sa conscience
s'effaçait à mesure que son essence était scellée.

Elle porta un regard sur la jeune adolescente. Elle avait les pu-
pilles complètement dilatées, et les lèvres sèches. L'on avait coupé
ses belles mèches de cheveux. Elle n'avait plus rien à voir avec la
petite princesse grassouillette de Pandragon.
Quelle sorte de divinité infligeait cela à des enfants?
Une sourde colère gronda à nouveau en elle. Mais cette fois ci
la gardienne, se contint.
Il était vain d'attendre Valarion. Hors de ces murs, il affrontait
des milliers d'hommes entraînés à La Défense de leur cité et prêts à
mourir pour leur patrie.

Gagner du temps? Moire n'était pas une femme que l'on pou-
vait berner avec des mots... Échafauder un plan pareil demandait
une patience et une minutie hors du commun.
Latavia n'avait pas de don. Elle même était prise au piège.
Elle allait disparaître pour de bon cette fois -ci. À qui transmet-
trait-elle son savoir, sa puissance? Elle eut une pensée pour ses
propres dévots qui l'attendaient à Koraïe.

Latavia n'avait pas de don.

Fallait-il vraiment Que sa conscience soit sur le point de dis-


paraître pour qu'elle soit aussi lente à la détente!

Moire interrompit ses incantations!


76

Elle fut frappé d'une vision.

Elle se vit morte. Elle et toutes ses prêtresses... Brûlant dans


des flammes...bleues... Elle trembla de tout son être. Elle sentit les
flammes lécher son corps entendit les cris des autres prêtresses.

La gardienne savait que cela ne se passerait pas comme lors


d'une réincarnation classique. Normalement elle investissait le
corps d'un nourrisson quelque heure après sa naissance. L'âme et la
mémoire était donc vierge. Mais dans le cas présent, Latavia avait
sa propre personnalité avec laquelle, elle allait devoir fusionner.
Elle perdrait sans doute quantité de ses pouvoirs, elle hésita encore
un instant.
Si elle ne faisait rien, elle disparaîtrait à coup sûr!
Elle se jeta dans le corps de la jeune princesse.
La déflagration produite par la fusion entre l'âme et la matière
fit valdinguer plusieurs prêtresses et la pyramide trembla de nou-
veau. La première secousse causée par la gardienne l'avait ébran-
lée fortement. De gros blocs commencèrent à se détacher et à tom-
ber du toit. Une prêtresse fut écrasée.
Moire toujours consciente réalisa ce qu'il se passait lorsqu'elle
vit la princesse inconsciente étendue au sol, un dôme d'énergie
pure la protégeant des blocs de granit. Le dôme réduisait en pous-
sière la pierre millénaire. Il était vain de chercher à récupérer la pe-
tite tant qu'il était actif.

Elle eut une nouvelle vision.

Un fauve bipède pénétrait dans l'antichambre et enlevait la pe-


tite.
77

Quelque chose lui dit que ce futur était très proche.

Elle se retira en titubant, soutenue par les prêtresses rescapées


qui s'étaient regroupées autour d'elle.

Longtemps après qu'elles se soient enfuies, le dôme pulsait


encore d'une énergie radieuse. Le dernier Rocher tomba et comme
ceux avant lui, il fut réduit en poussière.

C'est alors qu'émergeant de ce qui semblait n'être qu'un long


rêve Latavia ouvrit les yeux.
78

Un bruit attira l'attention de l'ogre tout au fond du couloir lugubre.


Il se plaqua contre un mur de sorte à disparaître dans la pénombre
et s'immobilisa. Deux sentinelles effectuaient leurs rondes indiffé-
rentes à ce qui se passait hors de la pyramide. Si les dignitaires
d'Hurlevent prenaient autant de précautions avec ce lieu c'est qu'il
devait être important.
Valarion entendit distinctement des voix, puis, alors qu'ils
passaient sous une zone éclairée, il distingua leur visage. Une
femme et un homme. Il était trop massif pour passer inaperçu. En
tant que vétéran de plusieurs batailles, il savait reconnaître l'instant
du choix. Ce moment où la prise d'une décision apparemment ano-
dine pourrait déterminer la suite de tous les événements. Il observa
de nouveau la femme. D'âge mûr, elle avait les cheveux coupés
court et portait une simple épée suspendue à sa ceinture en plus de
son uniforme aux couleurs de la maison Lancélhion. L'autre, un
homme plutôt bien en chair, peinant visiblement à avancer, tenait
une lance d'une main et faisait de grands gestes de l'autre.
L'ogre fit son choix! La fille était un soldat aguerri cela se
voyait. Elle mourrait plutôt que de trahir. L'autre lui poserait moins
de problème. Profitant de l'effet de surprise, il bondit en avant
alors que les deux parvenaient à sa hauteur. La femme tira promp-
tement son épée, sans réfléchir elle tenta de lui trancher l'abdomen.
Valarion para de son bras recouvert par son armure de bronze.
L'épée se brisa net. La femme surprise écarquilla les yeux. Non, ce
n'était pas du bronze, mais un titane travaillé par le meilleur maître
forgeron d'ombreuse. Tous les Mardes assez fortunés pour s'offrir
ses services en possédait une. La femme n'eut pas le temps d'envi-
sager une autre option offensive, d'un puissant coup de griffes,
l'ogre lui lacéra le cou, sectionnant sa jugulaire! Elle plaqua sa
main contre la blessure, mais ne parvint pas à stopper l'hémorragie.
Elle s'écroula contre un mur, et s'affaissa progressivement, jusqu'à
expirer. L'autre avait déjà pris ses jambes à son cou.
"Il va donner l'alerte!" Pensa le capitaine corsaire. D'un bon
puissant il rattrapa le fuyard, qui luttait contre sa bedaine pour
conserver une allure raisonnable.
79

Valarion lui saisit les jambes comme un fauve, aurait fait bas-
culer une gazelle.
L'autre s'étala de tout son long. L'ogre le plaqua contre le sol
froid et plaça son visage en face du sien:

-La princesse!

-Dans l'antichambre du temple!


S'exclama le garde.

-Où?

-Deux étages au-dessus!

-Comment?

-Un système de poulie courroie au fond du couloir, la mani-


velle est caché derrière un buste d'or!

-Des gardes?

-Non! Seulement des prêtresses!

-Bien!
80

Sans autre forme de procès, Valarion lui brisa le cou. Et se re-


dressa. Malgré son imposante stature, et mangecoeur accroché à
son dos, il courût jusqu'au bout du corridor et actionna la poulie.
Une plateforme s'éleva lentement, l'emmenant jusqu'à l'étage sou-
haité. Avançant pas à pas, il dégaina mangecoeur et se tint prêt à
faire une rencontre désagréable.
De manière inopinée, Une nouvelle secousse le poussa à s'ap-
puyer contre le mur.

-Humpf! Grogna-t-il.

Il n'avait pas l'intention de finir ensevelie ici! Il pressa le pas


et après plusieurs minutes de courses vit une suite d'ombres enca-
puchonnées tourner précipitamment à un couloir. Il courut à leur
poursuite, mais en passant devant une pièce, un curieux éclat attira
son attention.
Valarion s'arrêta et pénétra dans la pièce. Il écarquilla les
yeux. Au milieux d’immenses blocs de granit, la princesse se trou-
vait assise dans un dôme d'énergie. Le capitaine corsaire rengaina
sa lame dans son dos et chercha un éventuel utilisateur de don
quelque part. N'en détectant aucun, il conclut que ce phénomène
était le fait de la princesse.

Il se rapprocha d'elle, elle avait maigri et ses cheveux étaient


coupés à ras. Dans sa toge blanc cassé, elle lui faisait penser à
quelqu'un... Valarion balaya cette impression de déjà vu et étendit
la main vers le dôme. Avant qu'il ne le frôle, il disparut.
Surprit au possible, l'ogre s'agenouilla.
Latavia jusqu' alors à l'abri dans le dôme, recula prestement.
Valarion inclina la tête dans un mouvement animal d'incom-
préhension.
81

Il se remémora en voyant la mine effrayée de la jeune femme


qu'il avait encore son visage de fauve et il était recouvert du sang
de ses adversaires.
Doucement, ses traits retrouvèrent leur harmonie. Il ne resta
de sa transformation que ses énormes canines.
La princesse Latavia reconnut le capitaine qui avait toujours
fait preuve de gentillesse à son égard. Et sa crainte s'envola...

-Capitaine Valarion !
S’exclama-t-elle...

Le corsaire eut un sourire large révélant ses canines supé-


rieures.
La jeune princesse fit de son mieux pour juguler sa crainte et
prendre la main que lui tendait le géant roux.
Il la prit délicatement et la souleva de terre.
Latavia se blottit contre le guerrier mardes et demanda inno-
cemment:

-J'ai fait un rêve dans lequel se trouvait La révérendissime. À


mon réveil ce dôme me protégeait. J'ignore où elle est... Le sau-
riez-vous Valarion?

Le capitaine grogna:

-Non... Mais je sais et suis certain qu'elle voudrait que je vous


fasse sortir de cette ville Le plus rapidement possible.
82

Dans l'esprit de Valarion la partie était loin d'être gagnée. Il


avait probablement à ses trousses la totalité des forces de la cité et
il ne pourrait pas les affronter avec la petite princesse. Il faudrait
trouver un moyen de quitter la ville sans se faire repérer. Assuré-
ment, Ça n'allait pas être une mince affaire.
83

«On sait grâce aux mémoriae régum que la glorieuse lignée des
Pandéra, est issue de l'illustre couple formé par leur majestés, le
roi Archéus et la reine Diane. Archéus et Diane, furent proches du
peuple Nîmes et en partageaient les secrets de longévité. Ainsi, ils
vécurent prêts d'un siècle et régnèrent en bon souverains parta-
geant à part égale les responsabilités. Ils eurent un seul fils en la
personne du roi Konrad. Konrad Épousa une noble d'Hurlevent,
Et ainsi renforça les relations de bon voisinage entre les Lancél-
hion rois de l'Est et les Pandéra. Ils eurent un fils aîné du nom de
Pyrrhus et un autre Baptisé Sirrac en honneur à son grand père
monarque d'Hurlevent. Pyrrhus, avait hérité du feu par sa mère. Il
fut un roi guerrier, et ne vécut pas très longtemps. Sirrac lui suc-
céda, mais son règne fut aussi fragile que celui de son frère fut
violent. Plus d'une fois, le royaume faillit disparaître constamment
menacé par les pirates interceptant les bateaux commerciaux
entre les eaux de l'Ouest et celles de l'Est. Fort heureusement Sir-
rac tomba amoureux d'une stroem. Elle descendait de ceux qui, di-
sait-on, avait de le glace dans les veines. Freya, fille du nord, don-
na six fils et deux filles au roi Sirrac. L'un de leurs fils: Le roi Fri-
gus qui avait reçu son nom de son grand-père maternel le comte
de stroem, encouragea la fondation de l'alliance des capitaines
corsaires. Avec lui, la lignée se poursuivit jusqu'à l'avènement du
célèbre roi Vandred Ier, dit l'érudit à qui l'on doit les actes
royaux. Cette généalogie éclatante, étendit ses branches jusqu'à
Vandred II arrière-petit-fils de l'érudit. Puis, vint sa majesté Ada-
rion le pieu qui voulut faire de la glorieuse Sayida Alhura sa
reine. Ensemble, ils achevèrent la conquête de l'archipel des ni-
murdes créant le royaume unifié. Mais Il dut se contenter d'épou-
ser une fille du Sud en la personne de Giuseppa de Gargan fille du
duc Malfurion. Ils eurent deux fils, des jumeaux et les deux ré-
gnèrent. Même Si l'aîné, Malfurion II, ne fut jamais couronné. Ju-
gé hérétique par le grand prêtre Adolfos, il fut assassiné par
l'ordre des sicarius. Son frère, Malfurion III, lui succéda et assura
la pérennité de l'institution. De lui et de l'archiduchesse Victoire
de port Bastion, naquit le roi Léo Et ses sœurs. Sa majesté Léo Ier
fut par son fil, Sa majesté Léo Léo, l'heureux grand père de quatre
84

petites altesses royales: D'abord la princesse Marlène puis Les


princes Lyor et Liam, Enfin la princesse Latavia."
Extrait de généalogie de la maison royale Par Camil, duc d'Om-
breuse. 

-Dis Assam... Tu penses qu'on va y arriver? Demanda le gras-


souillet en soufflant bruyamment.
Cette ascension était plus qu'épuisante, c'était contre nature. Si
les hommes avaient été faits pour grimper cela se saurait depuis
longtemps! Il détestait l'exercice physique dès lors qu'il s'agissait
de faire jouer son endurance. Et pourtant il était là suspendu à un
mur escarpé à trente mètres du sol. Si des gardes les apercevaient,
ils les tireraient comme des lapins!
Heureusement, il faisait nuit noire.

Le jeune homme svelte aux cheveux crépus qui grimpait de-


vant lui l'encouragea

-On y est presque Jym!

-On y est presque on y est presque! C'est ce que tu n'arrêtes


pas de dire depuis tout à l'heure!

Fallait-il qu'il soit tombé en disgrâce au sein de la guilde pour


accepter une telle mission. Déjà que leur chance de réussite en
temps normal étaient proches de zéro alors épuisés, arriver à per-
pétrer leur larcin relèverait du miracle!
Continuant calmement sa progression, Assam ne semblait pas
animé des mêmes doutes. Il grimpait comme s'il avait fait cela
toute sa vie. Sa dextérité et sa haute position dans l'organisation
85

étaient les seules choses qui avaient convaincues Jym de le suivre


dans cette folle entreprise.
Après plusieurs minutes, les deux voleurs parvinrent enfin à
se hisser sur les remparts du palais.
Le chemin de garde était désert comme prévu. Il fallait croire
que le plan d'Assam était parfaitement huilé.
Ils repérèrent une porte au bout du rempart et une fenêtre plus
haute. L'accès à la fenêtre était bien plus difficile. Assam la pointa
du doigt:
-Par-là!
Jym pesta... Bien-sûr qu'ils n'allaient pas passer par la porte!

Assam jouant de l'obscurité se glissa jusqu'à la tour et repéra


une anfractuosité qui lui permit de se hisser jusqu'à l'ouverture. Il
jeta un regard à l'intérieur avant de de s'y engouffrer.
Jym l'avait suivi du regard. Aucune chance qu'il se hisse là-
haut. Il passerait par la porte un point c'est tout!
Des bruits de bottes en provenance de derrière lui, le firent ra-
pidement changer d'avis.
Il courut jusqu'à la porte et tant bien que mal se hissa jusqu'à
la fenêtre. Il y disparu avec difficulté, au moment où les gardes ap-
parurent dans son champs de vision.

L'intérieur de la tour était parfaitement éclairé. On se serait


cru dans les appartements d'un roi. Des lustres dorées pendaient au
plafond, projetant une lumière vive sur des tableaux représentants
diverses figures historiques. Des commandants de la Vermarme
pour la plupart. Au bout d'un couloir descendait un escalier en co-
limaçon recouvert d'un tapis de velours vert foncé aux bordures
dorées et derrière les deux intrus se trouvait une porte au poignet
en forme de lion, doré elle aussi.
La porte était entrebâillée et L'écho d'une conversation animée
parvenait jusqu'à eux:
86

-Je t'assure le baron Vèrmar ne savait pas où se mettre! Insista


une première voix

-Je n'aurai jamais pensé qu'elle aurait eu le courage de refuser


sa demande en mariage avec si peu d'égard, alors qu'il sera fait roi
dans moins de quarante-huit heures! C'est à croire qu'elle n'a au-
cune ambition!

-Vois-tu Gédéon, elle a beau être un formidable élément, elle


n'en demeure pas moins de basse naissance! Il en est ainsi de ces
gens-là! Ils préfèrent la sécurité procurée par le fait d'être com-
mandé au risque que comporte la manipulation du pouvoir poli-
tique! Une paysanne voilà tout!
Répondit une deuxième, sur le ton cassant propre aux nobles.
-C'est donc ce que tu penses d'elle? Elle t'a tout de même sau-
vée lors de l'épreuve finale et sans elle aucun de nous n'aurait sur-
vécu aux sombreterres Tchézar.

-Je lui suis reconnaissant, mais je reste convaincu que sa basse


origine y est pour quelque chose dans le manque de pragmatisme
dont elle a fait preuve en refusant d'épouser Lyor! Toi et moi nous
le voyons bien! Le prince est ridicule aux yeux de sa cours. Et tu
sais ce que dit l'adage " les princes ont horreurs de ceux qui les ont
vu nus" une fois qu'il sera monté sur le trône, le conseil se chargera
de lui trouver une épouse et alors Elysson quelle que soit sa valeur
en tant que soldat, tombera en disgrâce! Ça, je peux te l'assurer.

-Tu as peut être raison


87

-Pas peut être très chère! J'ai raison. L'histoire me donne


d'ailleurs de sérieux éléments pour soutenir la thèse selon laquelle
les veules sont incapables d'ambition politique.

-ah bon lesquelles?

-Elysson n'est pas la première à dédaigner d'épouser un roi!


Sayida fit pareille en son temps... Et aussi glorieuse fut-elle elle a
dû essuyer le courroux de son roi les années qui suivirent. On ra-
conte qu'elle les passa à voguer sur les mers loin de la capitale
qu'elle aimait pourtant beaucoup!

-Tu n'imagine pas Lyor - Pardon Le prince Lyor tenir rigueur


au meilleur soldat de sa garde rapprochée pour une banale rupture
amoureuse... Il est plus grand que cela et même, Si quelques
nobles se gaussent de lui, on est loin du scandale.

-Il l'est assurément. Sinon, il ne serait pas digne d'être roi.


Toutefois, il arrive même au plus grand des rois de se conduire de
façon indigne une fois de temps à autres. Et aucune rupture n'est
banale du moment qu'elle est amoureuse.

Assam s'arracha à l'écoute des deux officiers.

Il ignorait qui ils étaient mais il avait compris deux choses en


les écoutant:
La première, il ne viendrait pas les embêter pendant leur ef-
fraction, trop absorbés par leurs ragots. La seconde, les nobles sous
estimaient le bas peuple. Toute la ville était au courant de l'histoire
et il n'y avait pas une taverne où l'on ne trinquait pas au cœur brisé
88

du jeune prince héritier. On lui souhaitait d'avoir plus de chance


durant son règne qu'avec l'élu de son cœur.
Selon la rumeur, Il lui avait fait porter une carriole entière de
roses, conduite par le baron Vèrmar lui-même, aveugle notoire!
Afin de symboliser la cécité de celui que l'amour tenait en son
pouvoir. La jeune officière de la garde royale l'avait réduit en
pièce. Avant de demander au Baron de débarrasser le perron de la
résidence des Pundles, demeure des officiers de la garde royale.
En définitive une histoire bien cocasse, déjà mise en scène par
les troubadours aux quatre coins du royaume.

Le jeune homme fit signe à son acolyte et ils se glissèrent


dans l'escalier. Au bas de celui-ci, ils trouvèrent la sortie de la tou-
relle. Elle donnait sur un jardin intérieur du Palais Royal de Pan-
dragon. Le sol était recouvert de lampadaire diffusant une lumière
jaune permettant d'apprécier la beauté du jardin même de nuit et de
rehausser la féerie qui caractérisait l'architecture des lieux. A pas
de velours, ils traversèrent le jardin et se retrouvèrent devant un
pavillon désert.

-Parfait! Ce sont les anciens appartements de l'archiduchesse


Jenevah. Depuis son départ la sécurité y est négligée. Ils donnent
pourtant un accès direct à la salle du trône. Cette commodité a été
voulue par le feu roi Léo Léo afin que sa bru puisse facilement ve-
nir à lui en tout heure.

Jym écoutait le jeune Assam religieusement. Il se demandait


comment il pouvait en savoir autant? Il avait dit lors de son admis-
sion dans la guilde ne pas être né à la capitale. Et pourtant, aucune
des résidences cossues de la cité n'avait de secret pour lui. Il le sui-
vit à travers le pavillon et comme prévu ils ne croisèrent aucun
garde.
89

Ils parvinrent devant une gigantesque porte aux poignets de


Jade. Assam s'arrêta:

-Les appartements de l'archiduchesse. Tout avait été fait pour


lui rappeler sa patrie dans les plus infimes détails. Le roi Léo avait
à cœur d'unifier le royaume.

Jym se rapprocha il jeta un regard soupçonneux à son com-


parse:

-Pourquoi te sens tu obligé de faire l'étalage de tes connais-


sances? Nous sommes ici pour voler. C'est ce que nous sommes
des voleurs pas des historiens. Ouvre cette fichue porte!
Assam tiqua. Lentement, il posa un genou au sol, et introduisit
une longue aiguille qu'il sortit de sa manche dans la serrure à
contrepoids...
Il commença à la forcer en douceur tout en expliquant à Jym
qui faisait le guet.

-C'est justement là le problème mon ami. La guilde n'a jamais


vu assez grand. Nous pourrions être plus que de simples voleurs.
Le monde change et nous devons nous y adapter pour survivre. Ce
que je tiens à démontrer est une chose toute simple.

Un premier cliquetis ponctua la suite de sa phrase:

-Peu importe les efforts que feront un Homme, les seules évé-
nements qu'il pourra contrôler sont ceux qui se déroulent de son vi-
vant. Il est vain d'espérer quoi que ce soit de ceux qui reste après
nous. Le roi Léo Léo était l'homme le plus puissant du royaume.
Mais voici son héritage menacé par une guerre qu'il a pris tout le
90

soin d'éviter de son vivant! Tu veux un conseil mon ami? Ne vit


que pour toi... Toujours dans le présent. Le passé et le futur ne t'ap-
partiennent pas.

Jym ne voyait pas bien le rapport. Mais c'était le genre d'As-


sam de balancer des trésors de sagesse populaire pendant qu'il
commettait un larcin. C'était un voleur hors pair! Le meilleur qu'il
lui ait jamais été donné de rencontrer. Mais il avait quelques tics
qui en somme, le rendaient humain.

La serrure finit par abdiquer et Assam se releva triomphale-


ment. Il adressa une révérence à Jym: après vous très chère!

Son complice grassouillet ne se fit pas prier pour entrer dans


ce qui avait été la chambre de L'archiduchesse Jenevah. La pièce
n'était pas éclairée et pourtant l'œil expert de Jym décelait çà et là
des objets qui pouvaient valoir une petite fortune hors de ces murs.
Il étendit la main lorsque son compagnon l'arrêta:

-Chût Chût Chût! Nous avons mieux à faire...

Jym se renfrogna:

-Je ne suis pas d'accord, un bon voleur saisit toujours l'oppor-


tunité! Nous sommes ici maintenant et je n'ai que faire d'une cou-
ronne qui se trouve dans une pièce beaucoup plus loin et qu'il sera
des millions de fois plus difficile de revendre, qu'un simple peigne
en argent!

Assam sourit.
91

-Vise la lune et tu atterriras dans les étoiles. Vise les étoiles et


tu n'atteindras peut être même pas la voute céleste. Ce peigne mon
ami, symbolise les étoiles... Et nous sommes venus pour la lune.
Penses-tu que je me sois introduit ici juste pour voler de quoi
M'offrir une semaine de débauche? Non cela j'aurai pu l'avoir dans
l’affaire de n'importe quel riche seigneur récemment arrivé en
ville! Ce que je veux c'est un objet qui nous donnera du pouvoir au
sein de la guilde et la reconnaissance de nos pairs! Depuis sa créa-
tion nulle n'a commis un acte d'une telle effronterie! Voilà pour-
quoi nous devons la ramener! Ne tiens-tu pas à récupérer ta place
au sein de l'organisation? Veux-tu te contenter de restes toute ta
vie?

Jym serra les dents et à regret laissa le peigne.

Assam sourit et ils poursuivirent.

Au fond des appartements de l'archiduchesse se trouvait une


petite Porte Dorée. Elle s'ouvrait d'une simple pression de la main,
et se refermait grâce à un système de contre poids. Les deux
hommes s'y engouffrèrent. Un petit couloir les conduisit tout droit
à la salle du trône.

Jym s'arrêta saisit de stupeur. Il allait s'exprimer lorsque son


ami d'un geste lui désigna les deux gardes assoupis devant un pro-
montoire en cristal sur lequel reposait dans une caisse de verre
l'objet de leur convoitise. Loin derrière eux se trouvait le trône,
sans un regard pour celui -ci, Jym se glissa dans le dos des dor-
meurs. Ils roupillaient paisiblement au pied de la couronne.
92

Jym sourit. A leur place, Il aurait sans doute pioncé lui aussi.
Comment imaginer que quelqu'un puisse avoir le toupet de s'intro-
duire dans le château pour voler la couronne. Lui-même n'y aurait
jamais pensé. Il s'apprêtait à tendre la main vers le cube en verre
lorsqu'Assam l'arrêta de nouveau.

Jym lui adressa un regard courroucé!


Assam lui répondit par un signe de la main:

Il l'observa marcher jusqu'au trône et s'arrêter devant lui un


instant.

Assam lutta contre l'envie de s'assoir sur le siège en adaman-


tine cristalline. Il trouva la force de s'arracher à sa contemplation et
se tourna vers Jym à qui il fit signe de le suivre. Ce dernier pesta
en silence et s'éloigna à regret de la couronne.

Assam traversa l'entrée réservée au roi, non loin du trône et


s'engagea dans un corridor resplendissant, bordé d'œuvres d'arts!
Après quelques minutes Jym l'y rejoignit:

-Que fais-tu bon sang! Du tourisme?

-Cette couronne n'était qu'un leur destinée à tromper ceux qui


seraient assez fou pour tenter de voler le roi. La vraie se trouve au
fond de ce couloir dans le Trésor royal.

Jym demanda interloqué:


93

- Comment peux-tu savoir tout ceci?

-figures toi que je l'ai entendu de la Bouche d'un membre de la


garde royale. J'étais ici un peu plutôt dans la journée. Le palais foi-
sonnait de nobles!

-Mais comment as-tu fais pour les laisser passer?

-J'ai quelques contacts utiles... Tu dois savoir que La plupart


des petits nobles sont friands de pots de vin ils ont le titre mais pas
le portefeuille qui leur permet de mener la grande vie. Au fond ce
sont des hommes comme les autres à ceci près qu'ils ont un fort
complexe d'infériorité à l'égard de la haute noblesse. C'est ce qui
les rend si facilement malléable. C'est pourquoi, Nous nous ap-
puierons sur eux pour la suite de notre projet. Ils nous aiderons à
développer nos affaires.

En parlant, ils n'avaient pas cessé d'avancer à pas feutrer.

-Qui va là?
Jym fronça les sourcils c'était trop beau pour être vrai! Il fal-
lait nécessairement qu'il y' ait de la castagne à un moment où à un
autre.

Assam semblait Surpris durant sa visite en journée, il n'était


sans doute pas allé aussi loin et ne pouvait pas savoir qu'un officier
de la garde royale veillait en permanence sur l'entrée du Trésor
royale.
94

La jeune officière qui se dressait devant eux, s'était exprimée


d'un ton Péremptoire. Elle tira son épée plus pour mieux éclairer le
couloir que pour menacer les intrus.
Les runes gravées sur Ally: sa lame magique, scintillèrent.
En bon soldat, elle était parée à toute éventualité. Mais s'était
tout de même assez impressionnant de voir deux hommes appa-
remment sans armes, ayant pénétré aussi loin dans le palais.

-Neith?!

Assam avait crié... Jym se tourna la tête vers lui et vit l'expres-
sion de surprise sur son visage.

L'officière était jeune élancée et avait les cheveux court. Mal-


gré son plastron rouge et doré, frappé d'une tête de lion, l'on pou-
vait remarquer qu'elle avait une forte poitrine. Un éclair percuta la
mémoire de Jym.

Comment oublier ces grands yeux de biches? C'était l'une des


dernières choses qu'il avait vu le soir où tout avait basculé pour
lui! Son corps gras fut pris d'un tremblement. Il ne savait si c'était
de la crainte ou de l'excitation. Il jeta de nouveau un regard à son
compagnon:
Assam était toujours pétrifié.

-Assam?
Lança la jeune femme hésitante.
95

Jym sursauta et dévisagea son compagnon. Comment se fai-


sait-il qu'un membre de la garde royale connaisse son nom?

Le jeune homme aux cheveux crépus, qui tout d'abord avait


paru surpris, finit par se reprendre.
Il se jeta en avant, peut être espérait il prendre l'officière de
vitesse.
C'était un espoir d'une vanité sans nom. Nath était le soldat le
plus rapide de sa génération. Elle anticipa la trajectoire du scélérat
et lui barra le passage, brandissant son épée.

Assam sourit. Il savait bien que personne ne pouvait prendre


Neith de jiya de vitesse. Douloureuse leçon apprise à ses dépens
dans les ruelles de leur petit village.
Usant à son tour de son don, il bondit par-dessus elle, et
comme si il marchait sur l'air, s'éleva en une série de pas dans le
vide. Il atterrit souplement derrière elle et sans réfléchir pénétra
dans la salle du trésor.

Nath serra les dents! Assam était toujours aussi... Teigneux.

Jym avait eu de la peine à suivre la scène des yeux. Il se sou-


venait très clairement qu'à l'époque où son chemin avait croisé ce-
lui de la jeune femme devant lui, il était dans une bien meilleure
forme qu'aujourd'hui, il pesait vingt kilos en moins et était
l'homme le plus puissant de la guilde des Dènnes. Et pourtant il
n'avait eu aucune chance. Les choses ne seraient pas différentes
aujourd'hui. Les mots d'Assam frappèrent son esprit.
" Ne vit que pour toi! Toujours dans le présent."

S’ils étaient capturés ce serait la potence ou le billot.


96

Il cracha par terre et recula lentement les mains bien en évi-


dence. Cherchant une ouverture pour s'enfuir.

L'officière ne lui accordait pas la moindre attention. A la suite


du voleur, elle entra dans le trésor.

-Qui l'eut cru?

L'accueillit Assam.

-la salle du Trésor est une bibliothèque? Poursuivit-il.

-Pour des hommes tels que toi cela ne revêt sans doute aucun
sens... Les trésors ne sont pas que des espèces sonnantes et trébu-
chantes.
Rétorqua l'officière.

-Entendre cela de la bouche de Neith! La plus grande voleuse


de Jiya! Il faut le vivre pour le croire! Te souviens-tu de quand tu
nous passais à tabac pour un sac de cauris Neith? A l'époque où tu
faisais la loi dans les rues de jiya. Toi, officière de la garde royale?
C'est à peine croyable!

-Tu te répètes Assam! J'ignore comment l'idée saugrenue de


voler la famille royale t'es venue, mais on sait tous les deux que tu
ne me surprendras pas deux fois... Repose cette couronne!
97

Assam tenait fermement contre son torse trois kilos d'or et de


pierres précieuses, façonnés par les meilleurs maîtres forgerons de
l'archipel des nimurdes: les ombres. Il n'entendait pas se séparer de
la couronne. Qui malgré l'écoulement du temps demeurait resplen-
dissante.

-Tu te trompes Neith!

La formation qu'elle avait suivie lui avait enseigné qu'elle de-


vait écarter le danger avant toute chose. Le danger ici était qu'As-
sam réussissent à lui fausser compagnie en possession de la cou-
ronne.
Impossible.

-Et veux-tu bien me dire en quoi Assam? Je constate que l'âge


n'a pas eu d'effet bénéfique sur le choix de ta profession! Tous,
nous volions pour survivre mais pour toi, il semble que ce soit de-
venu une vocation! Je te pensais mort d'ailleurs. Comme tous les
autres garçons de l'île qui refusèrent de se joindre aux pirates de
Soron. Mais c'était te faire top d'honneur.

-Que veux-tu? On n’a pas tous eu la chance d'être repéré par


le kraken... N'empêche j'ai survécu. Et tu serais surprise de savoir
comment. Hélas nous n'avons pas le temps de bavasser. Tu te
trompes lorsque tu prétends que je ne comprends pas la valeur des
mémoriae régum. Ici se trouve entreposée toute la sagesse de la
maison Pandéra! Les actes et traités qui les lient à toutes les mai-
sons de l'archipel. Cela a infiniment plus de valeur que l'or et le
diamant. Alors as-tu fait ton choix?

-Que veux-tu dire ?


98

Nath comprit soudain où le bandit voulait en venir, mais bien


trop tard!

Il craqua une bûchette tirée de sa manche et enflamma un rou-


leau. Les vieux papiers constituaient d'excellents combustibles.

-Non! Cria Nath.

Elle usa de son don de vitesse pour tenter d'éteindre le feu.


Profitant de l'ouverture, Assam fit des pas aériens et pris la poudre
d'escampette.

Les flammes gourmandes avaient déjà dévoré une partie de


l'étagère lorsque Nath parvint enfin à stopper l'incendie. Elle sauva
tous les parchemins qui y reposaient sans exception. Mais lors-
qu'elle se retourna, il était trop tard. Assam s'était enfui. Son com-
plice s'était également évanoui dans la nature.
Tout en sachant que cela ne servirait à rien, elle fila sonner
l'alerte.
99

Le prince Lyor repoussa son siège dans un mouvement de stu-


peur. Il écouta sans l'interrompre le Duc d'ombreuse, qui lui rela-
tait les évènements de la nuit avec une attention accrue, espérant
un dénouement heureux qui hélas ne vint pas. Le jeune homme se-
coua sa tête couverte de boucles blondes et promena son regard
bleu ciel sur les membres du conseil.

-Vous êtes en train de me dire que deux voleurs se sont intro-


duits dans l'enceinte de ce palais et en sont ressortis avec la cou-
ronne! Deux voleurs! Si ça avait été une armée qui nous avait visi-
tées cette nuit, où en serions-nous?
Demanda le futur roi avec dureté.

La salle où se tenaient les conseils se trouvait dans l'aile Ouest


du château, au sommet d'une tour maintes fois rénovée par les ar-
chitectes royaux. L'entrée était protégée par d’immenses portes en
bois massif précieux, aux poignets dorées en forme de lion. A l'in-
térieur, au centre des huit murs élevés en hexagone, et recouvert de
marbre chromatique, une table faite du même bois que les battants
était entourée de huit sièges sculptés par les meilleurs artisans. La
simplicité du décor n'affectait pas l'impression de prestige que l'on
éprouvait en franchissant le seuil de cette pièce. En effet, c'était là
qu'au fil des siècles, furent prises les décisions qui participèrent
grandement à façonner l'histoire du royaume.

Le soleil n'était pas encore tout à fait levé et à travers les fe-
nêtres, l'on pouvait voir le jour poindre à L'Est. Il se levait toujours
en premier sur les terres de la rebelle, avant de consentir à illumi-
ner le reste du royaume. Cinq des dix sièges du conseil étaient
vides tandis que cinq autres étaient occupés.
A l'extrême droite de la table, se trouvait Kal'ouh'na Tanshal.
La femme aux cheveux d'un rouge éclatant et aux yeux vert éme-
raudes, portait le titre de capitaine corsaire de la flotte de l'Est.
100

L'une des quatre Armada du royaume. Le rôle d'un capitaine cor-


saire était en vérité semblable en tout point à celui d'un général.
Pacifier les eaux intérieures et s'assurer que la paix du roi soit res-
pectée. Kal'ouh'na avait beau avoir l'apparence d'une séduisante
jeune femme, elle occupait ce poste depuis soixante années et était
sortie victorieuse de plusieurs centaines de batailles navales. Par-
tout dans l'archipel sa renommée était établie. On la surnommait le
Kraken en référence au légendaire monstre marin, tant elle était re-
doutée.
Assise à son exact opposé, Le capitaine corsaire de la flotte du
sud: Nagga Cikaly. Sans conteste la guerrière la plus redoutable de
tout le royaume. Elle était la plus ancienne personne vivante à oc-
cuper la charge de corsaire. Ses hauts faits se comptaient en millier
et nul n'était sorti vivant d'un affrontement direct avec elle. Celle
que l'on nommait le dragon des mers faisait trembler tout ceux sur
qui elle braquait ses yeux châtains aux iris vide d'émotions. Si elle
n'avait eu les traits si exempt d'émotions, elle aurait été la plus ra-
vissante femme qui soit en dépit de ses soixante-six années de ser-
vice. Le temps passait et ne semblait pas avoir d'effet ni de prise
sur ces deux femmes, de même que sur le troisième disciple de la
glorieuse Sayida Alhura: le capitaine Corsaire de la flotte du nord:
Merhvouivre.

-Où est Merhvouivre? Que fait-il en des heures aussi graves ?!

S'exclama le futur roi, toujours aux abois.

Nonchalamment Nagga Cikaly bâilla... Ses longues rasta noirs


noués en boule oscillèrent lentement.
101

Le kraken ne semblait pas plus concerné. Seul Camil, duc


d'ombreuse et commandant de la garde royal daigna répondre au
jeune prince:

-Il est de coutume qu'à cette heure il se trouve dans la tour de


la garde votre majesté.

Lyor baissa la tête et poussa un soupir. Les capitaines cor-


saires étaient redoutables et illustres. Ils étaient aussi tout à fait
libre et il devait se rendre à l'évidence ils ne lui obéiraient pas au
doigt et à l'œil. Ils avaient tous, hors mis Valarion le triple de son
âge. Qu'espérait-il en vociférant ainsi?

-Que pouvons-nous faire? Le couronnement est prévu


pour demain. Il ne peut tout de même pas avoir lieu sans
couronne ? Demanda-t-il ...

Kal'ouh'na Tanshal avait à l'égard du jeune prince une attitude


presque pédagogique. Elle attendait toujours qu'il domine ses émo-
tions avant de lui apporter la solution à ses problèmes. Elle s'expri-
ma narquoise:

-Vous posez enfin les bonnes questions... J'étais las de vous


entendre geindre...

Lyor encaissa la pique sans réagir. Que pouvait-il faire


d'autre? Néanmoins, son égo en pris un coup. Son père avant lui
avait-il été victime du même traitement en dépit du fait qu'il soit le
roi?
102

-Votre majesté... J'ai en ce moment même une centaine


d'hommes qui ont investis chaque recoin malfamé de la cité. Les
voleurs ne sauraient nous échapper.

Dit le vieux Maehs sur un ton paternel. Le vieil aveugle était


avec le duc d'ombreuse les deux seuls membres du conseil sur les-
quelles Lyor sentait qu'il avait un réel pouvoir.
La Vermarme était l'équivalent d'une armée de terre classique.
Maehs, en sa qualité de baron Vèrmar en était le général. En dépit
de son handicap visuel, il était un guerrier formidable qui se dépla-
çait avec une rare agilité. Comme s'il voyait mieux que ceux dont
les yeux étaient fonctionnels.

-Une centaine ce n'est pas assez! Envoyez en mille! S'exclama


Lyor.

-Voyons votre majesté vous n'y pensez pas! Mille hommes de


la Vermarme dans les rues à quelques heure de votre couronne-
ment. Quel message cela enverrait-il au peuple? Et aux nobles ve-
nus des quatre coins du royaume pour y assister? Il ne faudrait sur-
tout pas que la nouvelle s'ébruite. Cela ferait un scandale de trop!

Réfuta Camil.

Lyor le dévisagea. Homme dans la fleur de l'âge, le duc était


en permanence vêtu d'une fine armure sombre nul doute qu'elle
était faite d'un alliage meilleur que l’acier. Les ombres étaient des
forgerons de père en fils. Leur dextérité légendaire en avait fait les
fabriquant à d'arme attitrée de la couronne. Le duc Camil, était
l'héritier de cette illustre maison et le fiancé de sa sœur aînée la
princesse Marlène.
103

-De trop? L'on se gausse de moi c'est cela?


Demanda le prince.

-Vous n'avez pas à avoir honte votre majesté. Nul ne devrait


avoir honte d'un acte posé avec amour.

Le rassura le baron Vèrmar avec le même paternalisme. Il


était le seul dont le physique montrait des signes de vieillesse. Ce-
pendant il était loin d'être gâteux. Malgré sa cécité, il portait sur les
choses et les êtres un jugement qui, s'il était rarement de valeur,
était toujours clairvoyant..

Le vieux Maehs fut rabroué de manière cinglante par la voix


sans âme du dragon des mers:

-Et c'est au nom de pareil niaiseries que vous avez prêtez le


flanc à cette mascarade infantile?
Demande-t-elle. Ses iris habituellement vides d'émotions étin-
celaient de fureur. Sa rectitude morale était telle qu'elle ne suppor-
tait pas que l'on entache les institutions et le vivait comme un af-
front personnel.
Hors, voilà qu'à cause d'une démarche du prince héritier
qu'elle trouvait particulièrement saugrenue, tout le peuple se riait
du conseil Et de son futur roi.

La seule personne capable de voler aux secours des deux


hommes qui avaient déclenché le courroux de Nagga était
kal'ouh'na. Elle le fit de grand cœur, un sourire narquois flottant
sur les lèvres.
104

-Je suis du même avis que Maehs. Cependant le véritable


amour est souffrance, Et si vous avez cru trouver en Elysson une
donzelle dont votre titre vous assurerait la conquête, vous n'êtes
qu'au début de votre déconvenue. Ôtez-vous l'idée de vous trouver
une reine pour l'heure. Que cette passion qui brûle en vous soit re-
dirigée à l'adresse de votre peuple. Le véritable amour est aussi
service.

Lyor écouta religieusement. Il trembla à l'intervention de Nag-


ga et maintenant il avait simplement du mal à comprendre:

-Service? Répéta t'il..

-Un bon roi est le serviteur de tous l’ignoriez-vous?

Lyor demeura pensif un instant. Il était vrai que depuis le dé-


but du conseil, il n'avait pas arrêté de se questionner. Mais sa ré-
flexion était entièrement égocentrique. Comment échapperait-il à
la honte Et au déshonneur? Comment redorerait-il son blason? Pas
une fois, il ne s'était demandé, De quelle manière pouvait-il servir
au mieux son peuple?

La tempête qui soufflait en lui s’apaisa:

-Soit! Vous dites que le sous-lieutenant Nath souhaite elle-


même prendre chasse ces voleurs? Demanda-t-il au duc d'om-
breuse

-Oui votre majesté.


105

-Faites-lui savoir que le roi lui donne sa bénédiction, si elle


parvient à me ramener la couronne avant demain, j'oublierai ce
qu'il s’est passé cette nuit et je lui accorderai même une promo-
tion! Sinon...Nous devrons encore une fois compter sur le don de
Liam...

Reprit le prince solennellement.

-Bien votre majesté...

Lyor scruta tour à tour les membres de son conseil. Il ne trou-


va la désapprobation dans aucun regard, c'était donc qu'il avait
bien agit.

-Mes seigneurs la séance est levée! J'ai encore une tonne de


choses à voir avec le protocole...

finit-il

Demeurés dans la salle du conseil alors que tous les autres


s'en étaient allé, Maehs demanda au kraken non sans espièglerie:

-Crois-tu donc qu'il s'en remettra?


106

- Nul ne peut le savoir mieux que toi...

-il est vrai que j'ai maintes fois échoué à conquérir la femme
de ma vie ... Cette jeune Elysson est donc aussi intransigeante que
tu ne le fus?

-Cent fois plus mon chère Maehs. Cent fois plus...


107

Le prince Lyor eut aimé retourner dans ses appartements et


ruminer sa déception amoureuse, mais son devoir lui dictait de se
rendre dans l'immédiat à la salle du trône, où les membres du pro-
tocole royale s'activaient depuis un mois afin que tout soit parfait
lors de son couronnement.
Il pénétra dans la salle alors qu'elle fourmillait de valets et
d'intendants officiant sous le regard vigilant de sa sœur aînée, la
princesse Marlène. Vêtue d'une longue robe au décolleté plon-
geant, elle arborait fièrement les couleurs de la maison Pandéra
rouge et or. Outre le fait qu'elle n'était pas coiffée de son diadème,
Lyor fut surpris de la voir active de si bonne heure et sans la suite
de nobles qui avait coutume de l'accompagner ou qu'elle aille.

A l'entrée du jeune prince dans la salle, tout s'immobilisa un


instant et les serviteurs s'inclinèrent respectueusement. Goûtant au
frisson du pouvoir, Lyor leva la main signe que chacun pouvait re-
prendre ses activités.
Marlène se retourna dans un geste plein d'élégance et adressa
en dernier une révérence à son frère tenant les pans de sa robe et
pliant les genoux. Lyor fut rassurer de voir qu'elle ne rechignait
plus à reconnaître son autorité et respectait les termes du marché
qu'ils avaient conclu.
En effet La princesse Marlène était la cause indirecte de la
très prochaine guerre civile. Guignant la couronne au décès de
leurs parents, elle avait tout fait pour affaiblir les prétentions de
son frère cadet au trône. N'hésitant pas à s'attaquer à sa promise
l'archiduchesse Jenevah, avec la complicité du grand prêtre. L'his-
toire ne s'était pas bien terminée pour le vieillard, qui avait fini
brulé vif par l'archiduchesse avec une centaine de prêtres de l'ordre
des trois déesses.
Son complot découvert, Marlène n'avait eu d'autre choix que
de céder et de reconnaître son cadet comme héritier légitime ainsi
que le consacrait les actes royaux, commis par leur ancêtre Van-
dred Ier. En échange, Lyor s'engagea à modifier les dits textes une
108

fois couronnée, afin que plus jamais, le sexe ne prime sur l'ordre
de naissance.
La princesse Marlène se redressa lentement, ses cheveux
blonds comme ceux de Lyor noués en un chignon plus élégant que
pratique, les yeux bleus caractéristique des Nobles Ouestiens, Et
un visage aux traits fins faisaient d'elle une des plus belles femmes
de la capitale. Cependant, elle avait aussi le front haut et l'air hau-
tain. Habituée aux messes basses et aux mesquineries, un regard
lui suffisait pour manifester son mépris et mettre mal à l'aise un in-
terlocuteur, si tel était son désir.

-Mon frère... Vous êtes bien matinal... Dit-elle en l'attirant à


l'écart des serviteurs.

-Je vous retourne la remarque... Répondit Lyor


Malgré leur apparente cordialité, le prince se méfiait encore
d'elle et se tut volontairement sur l'incident qui s'était produit la
nuit.

-Vous semblez avoir la réussite de cette cérémonie à cœur...


Ajouta-t-il pour contrôler le cours de la conversation.

-Cela va sans dire. Il s'agit du prestige de notre maison. Nous


devons rappeler à nos vassaux la grandeur de la famille royale et
notre puissance. Quoi de mieux qu'une belle fête? Nous avons une
centaine d'hôtes au château. Il serait judicieux de le faire remar-
quer à votre garde. Faire sonner l'alarme toute la nuit durant n'est
pas de nature à créer un climat festif.
109

-Je me suis déjà penché sur la question avec les membres du


conseil. Le chef du protocole royal m'a informé qu'une parade dans
la ville était prévue, après le couronnement des nobles pourront se
joindre à mon cortège. Cela sera-t-il plus festif ma sœur? Qu'en
est-il de l'avancée des préparatifs? Dit le prince pour dévier la
conversation.

-Tout va pour le mieux mon frère... Édouard!


Acquiesça la princesse en hélant un homme d'âge moyen qui
s'affairait à l'autre bout de la salle.
Il courut aussi vite qu'il put, Et s'agenouilla devant Lyor.

-Relevez -vous messire. Comment vont les préparatifs ce ma-


tin? Demanda à nouveau Lyor.

L'homme se redressa, ses cheveux châtains parcourus de


poivre étaient complètement en pagaille et sa barbe mal rasée. Il
avait en plus des cernes visibles sous les yeux et ses mains trem-
blaient. Lyor en bon guerrier analysa rapidement et déduisit qu'il
croulait sous la fatigue.

-Nous avançons bien votre majesté. D'ici deux heures tout


sera fin prêt. L'orchestre; le buffet et comme vous pouvez le voir
les décorations.

Lyor laissa son regard flotter dans la pièce. Il dut convenir


que les designers royaux avaient abattu un travail remarquable.
Tout n'était que raffinement, magnificence orgueilleuse affirmation
du prestige des Pandéra. Des Lions d'or juchés sur des pilonnes en-
cadraient le chemin recouvert d'un tapis de velours rouge jusque
110

devant les marches menant au trône. Des statuts de marbre; des


vases en céramique précieuse; des tableaux inestimables et Des es-
sences rares de fleurs regroupées en bouquets chatoyants et des ri-
deaux de soie; le tout harmonieusement agencé.

Lyor posa la main sur l'épaule de l'homme qui dépassait d'une


bonne tête. Ce dernier surpris par un geste d'une telle familiarité,
sursauta.

-Vous avez fait du bon travail Édouard. Prenez un peu de re-


pos, vous en avez besoin.
Dit le prince

Le chef du protocole s'inclina avec gratitude


Quand il fut sorti de la salle, Marlène prit le bras de son frère
Et l'entraîna observer de plus près les tableaux des précédents roi
qui avaient été accrochés aux murs tapissés.

- Quelle magnanimité...
Remarqua-t-elle

-C'était la bonne chose à faire. Dans un tel état de fatigue, il


pourrait ruiner d'un coup ce qu'il a mis tant de temps à parfaire.

-Soit et qu'en est-il de vous mon frère?

Demanda La princesse.
111

Ils se tenaient devant le portrait d'Adarion dit le pieu... le roi


qui avait achevé la conquête totale.

-Que voulez-vous dire?

-J'ai entendu des rumeurs, des nobles s'amuser de vous. <<Il


n'a pas pu soumettre une roturière à son charme. Ce n'est pas une
reine rebelle qu'il parviendra à infléchir.>> Dit-on dans les ban-
quets. Si la noblesse ne vous respecte pas, qu'en sera t'il' de votre
règne? Comment ferez-vous prospérer le royaume si personne ne
craint de vous déplaire?

Lyor fronça les sourcils et lâcha la main de sa sœur.

-Ce qu'il est arrivé avec Elysson ne regarde que moi!

-Vous avez tout faux! Les affaires de cœur d'un roi concernent
tout autant une soubrette, qu'un duc! Puisque la moindre de vos dé-
cisions auront un impact direct sur leur vie. vous être un symbole
mon frère...Pourquoi croyez-vous que je me sois attaquée à la ré-
putation de Jenevah lorsque je tentais de vous surclasser?

-Admettons. Je ne suis pas le premier roi à voir été éconduit!


Adarion lui-même au sommet de sa gloire fut repoussée par Sayi-
da. Et je n'entends pas pour autant renoncer. L'amour est bien la
seule chose en ce bas monde qui mérite que l'on se batte pour elle.
Dit Lyor d'une voix qu'il eut tout le mal du monde à ne pas
laisser se briser.
-Oui! Mais lui, il était déjà roi! Il avait montré de solides va-
leurs et conquit l'ouest!
112

Répliqua Marlène. Puis, elle reprit la main de son frère et ten-


tant de le circonvenir, adopta une voix douçâtre:

-Mon frère, ne comprenez donc vous pas? Cette jeune femme


Et vous, vous n'avez aucun avenir. Demain vous serez roi! Votre
destin ne vous appartient plus, votre cœur ne vous appartient plus
Et vous-même vous ne vous appartenez plus. Il y eut un temps où
j'aurai été heureuse de vous voir ainsi déchiré, heureuse de vous
remplacer. Mais vous vous êtes battu pour ceci et vous avez gagné.
Vous devez vous en montrer digne . Je vous en conjure, laissez-
moi vous aider, mettre un terme à tout ceci, et sauver du même
coup votre réputation.

La main du prince tremblait. Dans un ultime effort de volonté


il parvint à se contenir.

-Que ferais-tu? Si je te laissais agir? T'en prendrais tu as elle?

-Non mon frère, elle a beau faire partie de la garde royale, elle
n'est pas de notre monde. Ce n'est qu'une roturière et vous êtes le
roi. Il faudra le rappeler à tous. Pour commencer, il vous faut trou-
ver une compagne digne de vous, qui vous secondera et s'affichera
comme une éventuelle favorite. Le capitaine Nia Stadfelt me
semble tout à fait désigner pour remplir ce rôle... L'on vous a vu
proches plus jeunes. De plus, elle vient d'une puissante et noble fa-
mille... En plus d'être membre de la garde royale elle aussi.

-Cela ne risque t-il pas d'être un faux pas diplomatique de


m'afficher en compagnie d'une nouvelle jeune femme? De nom-
breux seigneurs sont venus accompagnés de leurs filles dans l'es-
113

poir d'en faire la future reine. Je ne souhaite pas déclencher leur


ire.

Répondit Lyor hésitant. Il savait qu’Elysson assisterait au


couronnement.
Marlène lui dédia un regard malicieux:
-Au contraire vous afficher seul, ne fera qu'alimenter leurs
luttes intestines. J'ai quant à moi une idée très claire de qui vous
devez épouser et elle ne sera pas là demain...

-A qui pensez-vous?!

-L'archiduc Chamberlin n'a t-il pas adressé au conseil une


missive indiquant l'arrivée de la duchesse Mydoral sa fille unique
et héritière de port bastion?

-Vous n'y pensez pas! Elle est promise à Liam et d'ailleurs


comment êtes-vous au courant de ceci? Le conseil ne l'a point fait
savoir au public.

-Je vous ferai remarquer que je suis moi-même promise au


duc d'ombreuse. Éminent membre de ce conseil. Quant à Liam,
l'avez-vous vu ces derniers jours? Non! J’en mettrai ma main à
couper! Il s'est enfermé dans ses appartements comme à son habi-
tude et a occupé chacune de ses journées à réaliser ces tableaux.

Lyor se renfrogna...Mieux que personne, il savait que lorsque


son frère se réfugiait dans l'art, cela n'augurait rien de bon.
114

Marlène fixa son regard dans celui du jeune prince.

-Ma loyauté vous est acquise mon frère. Mais elle a un prix...

-Que désirez-vous?

La princesse demeura silencieuse un moment, choisissant ses


mots avec précaution.

-Soyez un bon roi...

Marlène prit délicatement la main de son frère et la baisa du


bout des lèvres:

-Faites venir Nia...


Murmura Lyor en déglutissant.

Son égo souffrait d'avoir été éconduit. Et il se sentait honteux


d'être ainsi tourner en dérision par ses vassaux.
Demain il deviendrait roi.

Mais il se sentait le plus pauvre des hommes.


<<Tous les hommes doivent porter le poids de leur destin. Et
vous avez hérité de l'un des plus lourds.>> Lui avait dit un jour son
père.
115

Il comprenait et c'était infiniment douloureux. Renoncer à


Elysson lui semblait impossible. Son absence lui paraissait insup-
portable. Le simple fait de savoir qu'elle ne voulait plus de lui, lui
avait donné des cauchemars. Il n'y avait aucun moyen de sortir de
là sans qu'il souffre le martyr.

Lyor fut soudain prit d'une envie sordide de réduire en miette


chaque chose autour de lui. Ses yeux dans lesquelles hurlait une
tempête, se posèrent sur le tableau d'Adarion.

Lentement, il retira de nouveau sa main, tourna le dos à sa


sœur et sortit. Il marchait d'un pas résolu vers les appartements de
Liam.
116

Suspendue entre ciel et terre, Elysson décocha un coup de pieds


circulaire. Merhvouivre esquiva en inclinant son buste en arrière.
Elle frappa le vide mais l'onde de choc de son coup détruisit un
mur de soutènement. Dans un fracas assourdissant le plafond de la
pièce s'effondra. Les blocs de marbres dégringolaient et se bri-
saient sur eux, tandis qu'ils continuaient de se battre comme s'il
s'agissait de gouttes de pluie.
Totalement dans le rythme de son adversaire, la jeune femme
tenta de le percuter avec son talon gauche qu'elle abaissa brutale-
ment. Merhvouivre esquiva de nouveau tellement vite, qu'il laissa
une image rémanente. Elysson le suivit sans ciller. Lorsqu'il se
rendit compte qu'il n'arrivait pas à la semer, le capitaine corsaire
lui envoya un coup de poing d'une violence inouïe. La jeune
femme para avec son avant-bras.
Nouvelle onde de choc.
Rapidement, elle saisit le bras du chauve et le retenant contre
son gré, commença à lui asséner une pluie de directs qu'il bloquait
de sa main libre.
Trouvant une ouverture, Elysson feinta de son genou et frappa
l'homme au menton, au moment où lui-même l'atteignait d'un coup
de poing à la joue. Elle vacilla. Certain de son avantage le capi-
taine corsaire lui laissa le temps de se remettre.

-C'est beau de frapper. Mais dans un combat rapproché celui


qui gagne est celui qui encaisse mieux.
Dit-il

-c'est déjà un miracle que je sois encore debout. Ne m'en de-


mandez pas trop.

Répliqua la jeune femme en souriant.


117

Ils échangèrent un regard de connivence avant que le chauve


annonce la fin de l'entraînement.

-Bien! Ce sera tout pour ce matin. Tu progresses bien trop


vite. Je n'ai déjà plus rien à t'apprendre soldat.

Elysson s'étonna:

-Vous rigolez! Je suis encore loin d'avoir votre niveau...

-Cela fait plus de quarante ans que je me bats. Toi tu n'en a


même pas vint cinq... La différence qu'il y' a entre nous s'appelle
l'expérience. Mais N'aie crainte! Lorsque je vois ta progression je
reste persuadé que tu combleras bien vite ce faussé.

Répondit calmement le chauve.


La jeune fille sourit de nouveau.
Cinquante ans que l’homme au physique de trentenaire occu-
pait le poste de capitaine corsaire. Et Cela faisait maintenant prêt
de quatre mois qu'elle s'entraînait avec lui tous les matins ! Un
honneur dont elle prenait toute la mesure. Être ainsi encensé par
l'un des plus puissants guerriers de l'archipel était énormément gra-
tifiant.

En outre, elle sentait qu'elle avait réellement gagnée en puis-


sance. Elle avait une claire connaissance de ses capacités et de ses
limites. Son don était en plein épanouissement et elle goûtait à un
équilibre nouveau.
Brisant son harmonie intérieure, son ventre gargouilla si fort
que le capitaine corsaire l'entendit.
118

-Sais-tu qu'il est fréquent en temps de guerre de manquer le


petit déjeuner?

Elysson n'écoutant que sa fringale, marchait d'un pas léger


vers la sortie du vieux temple abandonné.

-Peut-être mais je m'en préoccuperai quand je serai partie en


campagne! Pour l'heure, je vais de ce pas me remplir la panse!
Répliqua-t-elle

Merhvouivre rit de son impertinence et la regarda s'en aller. Il


la couvait d'un regard bienveillant. Une merveilleuse recrue pensa-
t-il.

Oui, Elysson était belle. Et c'était un euphémisme de le dire.


Forte aussi.
Ses longs cheveux châtains se balançaient au rythme de sa dé-
marche.
Avançant sur le petit sentier qui menait au temple païen de-
puis longtemps déserté par les fidèles, elle massait sa joue chocolat
au lait qui l'élançait repensant au parcours effectué depuis son pre-
mier affrontement Avec Merhvouivre. A cette époque, elle venait
tout juste d'intégrer la garde royale. Elle s'était sentie insultée par
le capitaine et faisant preuve de prétention, avait exiger que ce der-
nier lui présente des excuses.
Ce jour-là, elle ne s'en était pas sortie aussi bien.
Les conifères qui se dressaient le long du sentier, malgré leur
hauteur ne parvenaient pas à cacher la capitale derrière eux. Cette
marche solitaire lui rappelait ses longues promenades à Carma, son
119

île natale. A l'époque où son monde se résumait à cueillir des


herbes médicinales et les rapporter à son père. Le souvenir du
vieux docteur Adonis, vivait au fond de son cœur de même que la
fureur née de son assassinat demeurait tapi au fond d'elle, mena-
çant à tout moment d'éclater lorsqu'un pirate avait le malheur de
croiser son chemin.
Il y' avait pourtant plus trois ans que le drame s'était déroulé.
Trois ans. C'était court et long à la fois. Court quand on pensait
qu'en si peu de temps elle était devenue sous-lieutenant de la garde
royale; côtoyait les capitaines corsaires et s'était amouraché d'un
prince. Et pas n'importe quel prince! Lyor Pandéra, l'héritier de la
couronne.
Long lorsqu'elle se rappelait de son premier repas à la Table
verte, en compagnie de Nath Et Jorymm.
Elysson passa devant la première habitation de la cité presque
sans s'en se rendre compte qu'elle était déjà parvenue en ville. Per-
due dans le flot de ses souvenirs.
Elle portait l'uniforme de la garde royale rouge et or. Alors,
les passants s'écartaient sur son passage. Elle avait l'habitude que
les hommes de tout âge lui dédient des regards particulièrement
appuyés. Son corps admirablement délié et ses yeux châtains
comme ses longues mèches de cheveux y étaient pour beaucoup.
Et d'ailleurs, Le fait que l'uniforme épouse à merveille les contours
de son anatomie n'aidait pas à la faire passer inaperçue. Toutefois
elle avait Des sens particulièrement aiguisés et savait faire la diffé-
rence entre ces regards grivois et un autre plus perçant.

S'arrachant à ses pensées, elle en chercha l'origine et tomba


sur une femme très courte, le visage légèrement ridé et les cheveux
noirs parcourus de blanc, tirés en un chignon pratique qui portait
l'uniforme de la Vermarme. Les yeux bridés du colonel Malika
Lancélhion devinrent deux traits lorsqu'elle sourit à la jeune Elys-
son.
120

Cette dernière s'apercevant qu'elle avait instinctivement mar-


chée jusqu'au lieu de rendez-vous habituelle fut prise d'un fou rire.
Malika se rapprocha d'elle.

-Bonjour Jeune Elysson...


Dit le colonel sur son habituel ton posé.

-Bonjour Malika comment allez-vous ce matin? Répondit


Elysson jovialement tout en mimant une révérence.

-Bien merci... Viendrez-vous partager un croissant en ma


compagnie?

Demanda ensuite Malika. Elle savait qu'Elysson accepterai.


Car il en était ainsi tous les matins depuis deux mois. Mais le colo-
nel Lancélhion avait eu une solide éducation en vertu de son as-
cendance et ses bonnes manières étaient une partie indissociable
d'elle. En sa compagnie, Elysson avait acquis la tenue d’une véri-
table princesse de sang.

Pour sûre! Je meure de faim! S'exclama Elysson.


Elles traversèrent la place sur laquelle affluait de plus en plus
de monde, Et marchèrent en direction de leur terrasse favorite.

Elysson remarqua une énième fois que le colonel Malika,


avait de nombreux points en commun avec sa nièce Jenevah. Leurs
traits de famille, sautaient aux yeux.
La jeune officière avait connu la rebelle du temps où elle était
encore chargée d’enseigner l’étiquette aux filles de la cours. Cela
remontait à près de deux ans, lorsqu’elle était arrivé à la capitale
en compagnie de Nath, de Jorymm et du kraken.
121

Ils n’étaient alors que trois adolescents ignorants tout ou


presque de la cours et de ses règles. Elysson avait appris les conve-
nances sous la houlette de Jenevah avant d’intégrer un an plus tard
la garde royale. Jorymm quant à lui c’était initié à la diplomatie et
il fut envoyé représenter la couronne sur les îles mardes. Un tel
destin pour de simples paysans était inimaginable. Cependant, ils
avaient grandement bénéficié de l’influence de leur mentor le capi-
taine Kal’ouh’na Tanshal.
C’est lors de sa formation pour intégrer la garde qu’Elysson
fit la connaissance du colonel Malika. Elle fut l’un de leur instruc-
teur au camp d’entraînement.
A son retour des sombreterres, victorieuse de l’épreuve finale
qui déterminait l’admission au sein de la garde, elle ne l’avait plus
revue jusqu’à il y’avait quelques mois.

Ce jour-là, elle se tenait en faction dans la salle d’audience


comme l’exigeait sa fonction avec d’autres membres de la garde
tandis que Lyor assisté des capitaines corsaires, géraient les af-
faires du royaume. Les prêtres des trois déesses menés par sa Sain-
teté Mazarin, ancien évêque de Pandragon, soumirent au roi leurs
griefs contre la maison Lancélhion. C’était un peu après que le
conseil ait appris le rapt de la princesse Latavia. L’ambiance était
tendue au possible.
Elysson trouva le grand prêtre d’une véhémence qui frisait
l’insolence. Elle le détesta tout de suite. Ce pouvait-il vraiment que
cet homme parle au nom des dieux ? Il lui rappelait les marchands
de son île natale. Vicieux et mercantiles.
Les prêtres exigeaient que la couronne agisse puissamment
contre les rebelles. Il fallait selon eux commencer par châtier les
membres de la famille les plus proches du trônes qui selon eux, ne
pouvait être que des espions. Le sous-entendu était clair. La seule
Lancélhion encore dans la capitale était le colonel Malika.
Membre de la garde royale depuis une vingtaine d’années,
elle avait toujours fait preuve d’une attitude irréprochable dans
122

l’accomplissement de son devoir. De plus, Aucun élément probant


n’attestait d’une éventuelle traîtrise de sa part.
Elysson tomba donc des nues lorsqu’en réponse aux do-
léances du clergé, Lyor destitua le colonel et l’affecta à la Ver-
marme.
Elle savait qu’aucun capitaine corsaire ne le contredirait en
public. Cela risquerait de saper son autorité et d’affaiblir son pou-
voir. Alors, portée par son indignation, elle suivit le prince héritier
lorsqu’il quitta la salle d’audience et tenta de lui faire remarquer
l’injustice de son jugement.

Seulement, deux jours plutôt, Lyor avait eu l’idée saugrenue


de la demander en mariage et naturellement elle avait refusé.
Leur conversation fut houleuse. A huis clos dans les apparte-
ments du prince, le ton était vite monté.

-Quel dommage que tu ne daignes m’adresser la parole que


pour contredire mes décrets!
Lui avait jeté Lyor.

Elysson accusa le coup. Réalisant qu’il ne faisait preuve d’au-


cune distinction entre la situation actuelle et leurs problèmes de
couple.

-Dois-je moi aussi m’attendre à être rétrogradée? Puisque j’ai


eu le malheur de déplaire à sa majesté?
Ironisa-t-elle

Lyor balaya d’un revers de la main.


123

-Malika paie les erreurs des siens... Je ne peux la garder dans


ma garde rapprochée alors que des membres de sa famille fo-
mentent une rébellion contre moi et détiennent ma petite sœur!

-Es-tu sûre que ce sont là tes seules raisons? Dans ce cas


pourquoi ne pas l’avoir écarté bien avant ? Ne chercherais-Tu pas
plutôt à contenter le clergé?

-Et quand bien même! J’ai besoin d’eux pour me maintenir


sur ce trône...

Elysson se tût. Lyor venait de la décevoir une fois de plus. La


fois de trop sans doute.

-Je te savais émotif, mais pas lâche!


Laissa-t-elle échapper à regret.

-je ne te permets pas de m’insulter... Je suis ton roi!

Elysson ravala la réplique qu’elle avait au bout des lèvres.

-Soit votre majesté! Je pense en tant qu’officier de votre garde


que ce sont les prêtres qui sont les premiers responsable de l’insta-
bilité du royaume. S’ils n’avaient pas déshonoré Jenevah, jamais
elle ne serait partie de cette manière. Vous la connaissez mieux
que moi... vous le savez !

-Oui! Je la connais mieux que toi et je sais mieux que toi quel
a toujours été son ambition! Jenevah était une vassale de la cou-
ronne. Elle aurait dû recourir à la justice du trône et ne pas entrer
en rébellion!
124

-Un trône vacant? Tu n’étais pas là lorsque ta sœur ourdissait


les pires complots contre elle. A qui aurait-elle pu se confier? Le
conseil était préoccupé par le décès de tes parents!

-Je n’étais pas là comme tu le rappelle si bien! J’ai eu la sot-


tise de te suivre à sombrevalle! J’ai délaissé mon héritage pour toi!
En as-tu seulement conscience?

Elysson ne s’y trompa pas. C’était bien de la rancune qui


brillait dans les yeux bleus du prince. Il ne lui pardonnait pas
d’avoir rejeté sa demande et remettrait toujours cela sur le tapis.
Mais la tenir responsable de ses choix était tout de même particu-
lièrement malhonnête et cela elle ne put le supporter.

-Je ne t’ai pas demandé de t’engager dans la garde de ton père


Lyor! C’était ta décision... Mais sache que plus jamais tu n’auras à
choisir entre ta fonction et moi.

-Qu’est-ce que cela veut dire?

-Que c’est terminé Lyor... A partir de maintenant je ne suis


plus pour toi qu’une officière. Si tant est que tu veuilles encore de
moi dans ta garde.

Le prince lui lança un regard haineux.

Elysson salua et quitta la pièce.

Le souvenir de ses mains qui tremblantes la hantait encore,


lorsque l’odeur des croissant vint lui chatouiller le nez.
125

Elle reporta son attention sur Malika.


Du jour où Lyor en avait fait un paria, elle s’était prise d’af-
fection pour le colonel.
Nath et elle l’invitèrent à prendre le petit déjeuner en leur
compagnie. Puis de fil en aiguille, elles étaient toutes les trois de-
venus inséparables.

Elles parvinrent devant l’établissement de restauration dans


lequel elles avaient coutume de prendre le premier repas de la jour-
née. Une douce odeur de pâtisserie flottait aux alentours de la bou-
langerie. Le kipferl était connu pour être la meilleure viennoiserie
de la capitale.
Adam Spiel le maître boulanger, employait une trentaine
d’apprenties pour confectionner les pâtisseries qui étaient deman-
dées jusqu’au château. C’était un homme occupé et particulière-
ment sévère.
Elysson fut donc surprise de reconnaître la silhouette grasse
du boulanger, de dos, debout devant une table. Les deux femmes
avancèrent jusqu’à la terrasse et durent jouer des coudes entre les
serveurs massés là, qui particulièrement nerveux, ne leur cédaient
pas le passage comme d’habitude. Elysson découvrît l’origine de
toute cette agitation lorsque son regard tomba sur le capitaine
Kal’ouh’na dégustant un croissant assise à leur place favorite.

Le kraken avait tant poussé l’acuité de ses sens qu’elle parve-


nait à distinguer une présence familière à plusieurs mètres, au mi-
lieu d’une foule. Elle leva la tête vers les deux femmes et croisa les
yeux châtains d’Elysson. Elle leur fit signe d’approcher. Le maître
boulanger qui nota son geste se retourna pour découvrir à qui il
était adressé... Découvrant les deux officières, il ordonna à ses ap-
prenties:
126

-Place voyons! Faites place! Répétait-il en passant ses grosses


mains moites sur son tablier.

En voyant l’homme habituellement si sévère, adopter un air


soumis, Elysson ne put s’empêcher de sourire.
Cependant, il n’était pas le seul.
Malika c’était raidie. Comme un automate, elle effectua un sa-
lut militaire impeccable, à l’adresse du capitaine Tanshal.

Le même sourire qu’Elysson brillait dans le regard vert éme-


raude du capitaine. Elle reposa le bout de son croissant dans le plat
en porcelaine devant elle et croisa les mains sous son menton, les
deux coudes sur la table.

-Repos Malika!
Dit doucement le Kraken

Tandis que Le colonel s’exécutait Elysson se rapprocha de la


table passant devant les apprenties médusées et s’assit en face de
son mentor.

-Bonjour capitaine! Lança-t-elle gaiement.

-Comment vas-tu ce matin Sekmet?

Répondit le kraken en Nyme ancien, langue d’origine de ses


protégés.

-Voyez-vous ça?! Vous vous êtes améliorée capitaine!


127

Répondît Elysson agréablement surprise.

Initialement, Kal’ouh’na parlait assez mal le Nyme ancien.


C’était d’ailleurs elle qui se trouvant dans l’incapacité de les pro-
noncés avait trouvé un équivalent aux prénoms de Neith et Sek-
met.

La femme aux cheveux d’un rouge éclatant poursuivit en


Nyme moderne. La Langue officielle du royaume:
-Ne restez pas là Malika venez! Assoyez-vous! Adam? Deux
autres couverts et tu ajouteras la commande de ces deux dames à
ma note!

Le maître boulanger joignit les mains comme dans une prière:

-Oh! Mais tout de suite votre seigneurie!

Le colonel tira une chaise lentement et s’assit. C’était chose


curieuse de voir la déférence dont elle faisait preuve alors qu’elle
semblait physiquement plus âgée que le capitaine Tanshal.

-Rajoutez-en un, s’il vous plaît! Nous attendons une personne


de plus!
Dit Elysson à l’apprentie qui déposait les couverts devant
elles.

Le jeune homme allait s’exécuter, quand, Kal’ouh’na contre-


dit calmement sa protégée.
-Nath ne se joindra pas à nous ce matin...

-Pourquoi ça ?! S’exclama Elysson


128

La lumière rieuse qui brillait dans les pupilles du kraken laissa


la place à un éclat froid...
129

-À la mamelle d’Agénor!!!!

Jurèrent les compagnons de beuveries d’Assam tandis que


leurs chopes de bière s’entrechoquaient.
Au sein de la guilde des Dènnes, c’était la fête!
Réunis dans un camp de fortune monté au milieu de la forêt la
guilde célébrait
L’exploit accompli par deux membres émérites de l’organisa-
tion criminelle en avalant force bières et gigots de mouton grillés
au feu de bois.

La soixantaine de Dènnes réunis dans le sous-bois, faisait un


tapage de tous les diables.
Assam, savourait son heure de gloire, ou plutôt faisait sem-
blant de la savourer. Assis sur un simulacre de trône, la couronne
volée sur sa tête, il racontait pour la onzième fois consécutives
comment il s’était joué des défenses du palais!
La plupart de ses compères étaient pendus à ses lèvres.

Il acheva une phrase tout en pelotant une jeune femme assise


sur ses cuisses tenant une petite jarre qui contenait sans doute de
l’alcool:

-Verse m’en encore une rasade! Parler donne soif!


Ordonna-t-il à la fille de joie qui s’exécuta avec un large sou-
rire.
Assam laissa son regard glisser sur ses compagnons.
Une bande de bandits hétéroclites pour la plupart vêtus de
haillons. La célèbre organisation était tombée bien bas.
Il en était réduit à donner le change afin de se faire accepter
comme chef.
130

De ce qu’il savait de l’histoire des Dènnes, La chute avait


commencé lorsqu’un capitaine corsaire avait fait irruption au sein
de la taverne qui leur servait de quartier général deux ans plutôt.
Ce soir-là au Triton, le tavernier jura que c’était Kal’ouh’na
Tanshal elle-même qui avait administrée à Jym une solide correc-
tion. Le tenancier rompit tout lien avec le groupe et plaça son éta-
blissement sous la protection de la Vermarme.
Jym, ancien chef des Dènnes avait bien tenté de rebondir.
L’annonce du décès du couple royal provoqua l’arrivée d’une flo-
pée de noble à la capitale et aussi l’installation d’un climat propice
aux complots. Qui disait complots, disait assassinats et crimes!
Cependant, la situation fut rapidement maîtrisée par le
conseil! Les quatre capitaines corsaires furent rapatriés, puis ce fut
la gardienne!

Chaque capitaine corsaire commandait une armada d’au


moins mille hommes. Ils arrivèrent à Pandragon avec le quart de
ce nombre. La ville se mit à foisonner d’hommes de la couronne.
Le moindre écart pouvait coûter très chère.
Le crime organisé fut menacé d’asphyxie.
Les Dènnes ne purent plus financer leurs festins et perdirent
peu à peu leur influence.
Jym tenait pour seule et unique responsable la jeune officière
de la garde royale, sur laquelle deux années avant, il avait eu la
sottise de faire une tentative de séduction musclée.

L’organisation s’était repliée dans les campagnes autour de la


capitale.
Mais il s’avéra les paysans étaient moins docile que la popula-
tion urbaine. Ils ne tardèrent pas à leur donner du fil à retordre. La
Vermarme fit même une expédition afin de leur donner la chasse à
la demande du vicomte D’Avalon.
131

Encore une fois les Dènnes replièrent. Cette fois ils s’éta-
blirent dans la forêt d’Avalon et la transformèrent en véritable
coupe gorge. En déplaçant constamment leur campement, ils par-
vinrent à échapper aux hommes du roi et à survivre. Mais Jym fut
tenu pour responsable de leur déchéance par ses camarades, et s’ils
ne le tuèrent pas sur le champ, ils en firent un paria.

C’est à cette période qu’Assam fit son arrivé dans l’organisa-


tion.
C’était un jeune hexa tout ce qu’il y’avait de plus banal, aux
cheveux crépus et l’air confiant. Il commença à mener de petits
raids nocturnes contre le château d’Avalon et malgré le renforce-
ment de la sécurité par le vicomte; il s’en sortait toujours!
Le vieux noble fit appel à la Vermarme mais cela n’y changea
rien.
Assam était un fin stratège. Il semblait tout savoir des habi-
tudes du château et perpétrait ses larcins dans la plus grande impu-
nité. Il Gagna la confiance de plusieurs membres et annonça le re-
tour prochain de la guilde dans les bonnes grâces des trois déesses.

Il avait un plan! Il en fit part à Jym lorsque de retour de leur


excursion au palais royale, ce dernier voulu faire fondre la cou-
ronne et afin de la revendre.

-C’est hors de question! Cette couronne est une assurance...


Commença-t-il

-Une assurance? Et qu’as-tu à faire d’une assurance? Nous ne


sommes pas des fichus banquiers mais des voleurs!

Pour toute réponse Assam sourit...


132

-Viens avec moi...

Jym le suivit à travers les ruelles faiblement éclairés de la


ville jusqu’au palais de glace.

Le véritable palais de glace était la demeure du comte de


Stroem gouverneur du nord. Celui -ci était une pâle copie, réalisé il
y’avait plusieurs siècles de cela, par le Roi Sirrac, afin de rappeler
à son épouse la reine Freyja ses terres d’origines.
Jym leva la tête et vit les soldats se promener sur les remparts.
Il analysa rapidement et jugea que ce n’était pas des hommes de la
capitale, le blason qu’ils arboraient et la couleur de uniforme
n’étaient pas ceux de la maison royale.
Ils étaient Aussi plus attentifs, et comme le jour se levait, Jym
savait qu’ils ne pourraient pas compter sur l’obscurité pour se dé-
rober à leur vue.

-Je sors à peine d’un château où j’ai bien failli laisser ma


peau! Je ne vais pas retourner dans un autre de sitôt!
Prévint-il son compagnon.

Tout en continuant à avancer, Assam répliqua:

-Détrompe toi mon ami. Tu y retourneras plus vite que tu ne


le penses.

Pas de prétention dans le ton de sa voix, juste une assurance


tranquille.

Ils avaient tous les deux rabattus les capuchons de leur man-
teau. Mais voilà qu’approchant du pont qui menait à la herse, As-
sam abaissa le sien.
133

Jym étouffa un cri! Un des gardes l’avait aperçu.


Cependant, au lieu de donner l’alarme, ce dernier salua le
jeune bandit avec un fort accent du sud.

-Bien le bonjour Mon seigneur!

Assam répondît poliment:

-Bonjour Paolo...

Le garde ordonna d’une voix de stentor de lever la herse.

Jym se figea, interloqué...

-Tu viens? Nous sommes un peu en retard...

Par la suite Assam lui révéla que le palais de glace hébergeait


en ce moment un des hauts nobles venus à assister au couronne-
ment du jeune prince héritier. Ce dernier les fournirait en équipe-
ments et financerait les activités de la guilde. L’assurance était
pour lui.

Assam avançait à travers les allées de fleurs blanches et


chaque fois qu’ils croisaient une servante vacante à ses tâches ma-
tinales, elle lui adressait une révérence appuyée.
134

Au détour d’un corridor Jym n’y teint plus et empoigna son


comparse par le col, en le plaquant dos au mur.

-Tu es un saligaud de Sang bleu?!

Assam sans se départir de son sourire lui répondit:

-Non ! Mais quelle importance?

-Qui es-tu? Bordel!

-Ça je te le révélerai, mais il va falloir que tu me lâches si tu


ne veux pas que ces hommes te criblent de flèches...

Le palais de glace avait de larges ouvertures dans les endroits


les plus improbables pour favoriser la fraîcheur. Par l’une d’elles,
Jym aperçut deux gardes sur les remparts, qui le tenaient en joue.

Il lâcha Assam et recula les mains bien en évidence.

Assam leur fit un signe et ils baissèrent leur arc.


Les deux maraudeurs poursuivirent leur progression. Jym res-
ta silencieux mais un millier de questions fusaient sous son crâne.

Assam frappa deux coups à une immense porte en bois sculp-


tée d’où provenaient des cris obscènes... Puis, sans être avertir, il
poussa le battant et pénétra dans la pièce.
135

Jym vit par l’encadrement un sexagénaire nue dans un lit en


baldaquin avec deux jeunes femmes aux traits fins... il entendit dis-
tinctement Assam le saluer:

-Bonjour père!

Le battant se referma.

Jym demeura dans le couloir où il faisait un froid de canard. Il


resserra son manteau. Et colla son oreille à la porte au moment où
celle-ci s’ouvrît de nouveau.

Il se retrouva nez à nez avec Assam:

-Père? Je vous présente Jym, c’est de son organisation que je


compte prendre la tête! Enfin son ancienne organisation... c’est
bien cela Jym?
Dit-il en lui dédiant un sourire narquois

Intimidé au plus haut point Jym ne pipa mot et ne fit aucun


geste.

-Entre voyons! Ne reste pas là! L’encouragea Assam.

Le bandit à la barbe hirsute pénétra lentement dans la pièce.

Le sexagénaire avait revêtu un peignoir de velours de la


même couleur que les uniformes des soldats sur les remparts:
Mauve. Les deux jeunes femmes gloussaient en se cajolant.
136

Jym fut encore plus mal à l’aise. Ce n’était pourtant pas le


première fois qu’il voyait deux femmes nues se peloter.
Mais l’atmosphère qui régnait dans cette pièce était incroya-
blement pesante. Ajouté au chamboulement dont il était victime
depuis qu’ils étaient entrés dans le palais, cela achevait de le per-
turber. Lui qui s’était pourtant juré que le jour où il serait en face
d’un membre de la véritable noblesse, celle qui faisait la pluie et le
beau temps, il n’hésiterait pas à le rosser.

-Comment allez-vous messire ?


S’enquit l’homme au peignoir mauve.

Jym ne sût quoi répondre et resta muet.

-Parlez sans crainte, elles sont sourdes et muettes! Des


femmes parfaites!

Ajouta l’homme. Il avança jusqu’à son chevet et prit une bou-


teille dorée faite de métal sur laquelle était frappée une grappe de
raisins. Il versa une rasade du liquide rouge vermeil dans un verre
en cristal.
-Vous prendrez bien un verre?

Jym ne répondait toujours pas, alors le noble s’adressa à As-


sam.

-Aurais-je auparavant usé de mon don sur lui? Ou alors est-ce


la nature qui l’a rendu sourd et muet lui aussi?

Assam partit d’un petit rire


137

-Non père. Rassurez-vous, Jym est un homme en pleine pos-


session de ses moyens. Il me l’a encore prouvé ce soir. Voyons
mon ami détend toi!

Jym décolla la langue de son palais:

-Je prendrai bien un verre mon seigneur...


Balbutia-t-il

-Fort bien! C’est le meilleur que vous ailliez jamais goutté!


Dit le sexagénaire en servant un second verre qu’il tendit à
Jym.

Ce dernier le prit délicatement et le porta à ses lèvres... Un


frisson de plaisir parcouru son dos lorsque le liquide se répandit
dans sa bouche:
-Du Gauvinal ! S’exclama-t-il.

-Oh! Mais c’est un connaisseur que nous avons là... Remarqua


le noble

Un jour Jym avait réussi à voler une des bouteilles du vin le


plus chère du royaume. Il l’avait savouré jusqu’à la dernière lam-
pée!

-Celui-ci est encore expérimental nous ne le commercialise-


rons pas tout de suite...
Se vanta l’homme.
138

Jym le détailla du regard. On parlait comme s’il était le pro-


priétaire de la maison Gauvinal...

Un éclair frappa l’esprit du voleur. Il se trouvait en face du


Duc de Gauvinal!
Le seigneur de L’une des maisons les plus fortunées et les
plus prestigieuses du royaume. Et Assam l’avait appelé père!!!
Il était donc l’héritier du Duc?

-Tu m’as menti! Tu es un foutu sang bleu! S’exclama-t-il de


nouveau cette fois à l’adresse d’Assam.
Il fallait reconnaître que le vin expérimental qu’il venait d’in-
gérer avait la propriété de se mélanger rapidement au sang et donc
de provoquer tout aussi vite l’ébriété.

-Là, là! Tempéra le Duc comme s’il flattait un cheval.

-Si j’ai bien un regret c’est que dans ses veines ne coule pas
mon sang! Toutefois Assam est mon fils! Et je compte le faire
confirmer comme tel aussitôt que le nouveau roi sera couronné! Il
héritera de toutes mes terres et par lui le nom des Gauvinal perdu-
rera!

Jym fixait tour à tour le Duc, puis Assam.


Il est vrai qu’ils n’avaient rien en commun physiquement. As-
sam était grand svelte, beau les cheveux crépus et la peau basanée.
Le Duc quant à lui était de taille moyenne. Il avait les yeux verts et
de rare cheveux gris sur son crâne dernier vestige de la tignasse
écarlate qu’il avait jadis. C’était bien connu: Les sudistes étaient
tous très beaux dans leur jeunesse, mais pour ceux qui en avaient
la grâce, ils vieillissaient mal.
139

Jym appris ainsi qu’Assam n’était que le fils adoptif du Sei-


gneur Gauvinal.

Ce dernier tira la couronne du sac qu’il portait par-dessus son


épaule et la lui tendit.
Le Dènnes gras vit la convoitise briller dans les yeux des deux
femmes sur le lit en baldaquin.

-Ai-je assez d’audace selon vous?


Dit Assam goguenard
-Lorsque je t’ai proposé cette épreuve j’étais loin de me dou-
ter que tu y parviendrais! Combien de dégâts vais-je devoir répa-
rer?

S’enquit le Duc en buvant une autre gorgée de vin.

-Oh! Pas grand-chose... une officière de la garde royale m’a


reconnue. En dehors de cela, tout s’est déroulé sans incident.

-Reconnu, dite vous... Où vous avait-elle vu la première fois?

-Nous venons de la même île père... C’est une des protégés du


kraken...

-Oh! Celle-là! Éloignez de moi un doute fils. Ce n’est pas


celle dont s’est entiché le futur roi?

-Non père...
140

-Bien! Alors nous la ferons muter sous n’importe quel pré-


texte! Vous aurez mon appui pour distribuer votre... comment l’ap-
peler... Avez-vous un nom pour cette mixture?

-Elle existe depuis déjà fort longtemps père. Et elle fut bien
nommée. Comme je vous l’ai dit elle fut même interdite par le roi
Pyrrhus qui jugeait que cela affaiblissait les membres de son ar-
mées et les rendaient moins réactifs...

-Avait-il raison?

-Toute chose a un bon et un mauvais côté père... C’est comme


le vin...

-Non fils non! Le Gauvinal, n’a que de bons côtés! Mais dit
moi donc comment ce nomme ton produit!

-On l’appelle Lodette. En mémoire de la première paysanne


qui cultiva la plante dont elle est tirée.

-Bien... Je te fournirais terres; protection et des hommes pour


t’aider dans ta production. Tu dis que cet homme et son organisa-
tion t’aideront pour ce qui est de la distribution?
141

-Merci père! C’est cela même. Pour augmenter nos gains sans
nous faire prendre, nous devons mettre un intermédiaire sur le ter-
rain entre les clients potentiels et nous! Afin que le nom des Gau-
vinal ne soit jamais entaché...

Jym écoutait religieusement l’échange entre le père et le fils


quand soudain le duc s’adressa à lui:

-Nous débuterons les activités incessamment -sous peu. De-


meurez loyal à mon fils et vous croulerez sous l’or par contre si
vous deviez nous décevoir ... je ferai de vous un misérable
aveugle; un sourd; un muet où peut être les quatre à la fois...

Jym déglutit. La menace semblait tout à fait sérieuse.

Le Duc tendit la couronne à Assam:

-Débarrassez-vous de ceci! Je ne tiens pas à ce que l’on re-


monte jusqu’à nous...

Jym écarquilla les yeux.


Son comparse prit la couronne et l’enfourna dans son sac.

-Permettez-moi de me retirer père... j’ai encore fort à faire no-


tamment avec la guilde.
Dit Assam.

-Faites-donc fils...
142

Le Duc embrassa Le jeune homme sur les deux joues. Assam


serra le vieil homme dans ses bras. A les voir ainsi, on devinait
tout de suite qu’une affection sincère les liait.

Jym vida son verre à regret et attendit d’être sortie pour poser
ses questions à son compagnon. L’alcool déliait les langues mais il
était le seul des deux à avoir bu, alors il parla sans détours:

-Quel besoin as-tu de t’encanailler avec des voleurs alors que


tu pourrais te pavaner dans les endroits les plus luxueux, du
royaume? Es-tu inconscient? Ou fou?

Assam sourit en répondant:

- Rien de tout cela mon ami... Je suis né voleur voilà tout! Et


j’ai grandi dans la rue.
Cela fait partie de moi...

-Grandi dans la rue dis-Tu! Mais comment es-tu devenu l’hé-


ritier des Gauvinal?!

-Oh cela c’est une Bien longue histoire! Je te la raconterai un


jour si tu me restes fidèle. Par contre ce que je peux te dire c’est
que je dois tout au Duc...

-Drôle de façon de le remercier! Les Gauvinal sont parmi les


maisons les plus riches de toute l’histoire du royaume! Pourquoi
vouloir plonger dans un commerce illicite ? Je connais bien Lo-
dette. La sentence si l’on est pris en sa possession c’est les mines
143

pour les nobles et la mort pour les veules! Moi je n’ai rien à perdre
mais toi, Souhaites-tu finir déshérité?

-Cet édit date d’il y’a deux siècles! Il est aussi vieux que ce
château!

-La loi reste la Loi...

-Cela sonne faux dans ta bouche mon ami.

Ils arrivaient à la herse et Assam salua les gardes qui avaient


fait seller deux chevaux:

-Toujours aussi prévenants!


Apprécia le jeune homme

-Tu ne m’as pas répondu!

Reprit Jym, alors qu’ils s’éloignaient du palais de glace au pe-


tit trot.

Assam regardait le soleil se lever:

-Une nouvelle guerre se prépare... Et le prince héritier n’a pas


ce qu’il faut pour tuer la révolte dans l’œuf. Les capitaines cor-
saires sont des guerriers pas des politiciens.
144

-Je ne vois pas où tu veux en venir!

-Combien de banquet crois-tu que l’on donnera pendant que


les batailles feront rage? Penses- tu que les seigneurs dépenseront
leur argent pour fourbir leurs armes où pour acheter des tonneaux
de vins onéreux? Lodette est une drogue puissante! Elle rend in-
sensible à la douleur pendant un temps et donne un sentiment de
toute puissance proche de l’euphorie...
La guerre créera l’occasion... Les Gauvinal se feront larron...

Jym fut forcé de reconnaître que le raisonnement était lo-


gique.

-Et la couronne qu’en feras-tu?

-Je la garde... Elle sied au roi des voleurs...


145

A l’écart de tout le raffut causé par les autres Dènnes, Jym


mordait voracement dans une tranche de mouton, dont le jus dé-
goulinait dans sa barbe.
D’un revers de la main, il s’essuya et rota bruyamment. As-
sam fanfaronnait encore sur son trône de bois.
-Tu lui fais confiance ?
Lui demanda Timilfe, l’homme assis sur une souche à ses cô-
tés.

Pour toute réponse le voleur à la barbe hirsute continua de


mâcher son morceau de viande. Agacé par le son de sa mastication
l’autre finit par se lever.
Il fit quelque pas et se lança dans une tirade:

-L’époque où nous festoyons au Triton à longueur de journées


est révolue! Il est loin le temps où les Dènnes régnaient en maître
sur le crime organisé. Aujourd’hui nous ne sommes plus que des
voleurs réduits à se cacher dans les bois comme des singes! Nappa
le fondateur doit sans doute se retourner dans sa tombe. Je parie
que [...]

L’homme s’arrêta au milieu de son monologue, hébété.

Un gigantesque fauve venait d’émerger des buissons à


quelques mètres du rassemblement. La créature était colossale,
aussi grande qu’un homme adulte. De longue canines ou défenses
dépassaient de sa gueule. Les babines retroussées et le museau
plissé, elle semblait renifler une piste, agitant le moignon qui lui
servait de queue. Une machine à tuer!
146

Le félin poussa un énorme rugissement qui couvrit le brouha-


ha des voleurs. Ceux-ci, pris d’effrois, détalèrent à sa vue dans un
chaos totale. Assam pétrifiée sur son siège fait de rondins, laissa
tomber sa chope. La femme sur ses genoux sauta prestement et prit
ses jambes à son cou.

L’animal tournant la tête à droit et à gauche semblait confus


quant à l’identité de sa proie.
Jym se redressa d’un bon et lâcha la côte qu’il tenait.

Les buissons s’écartèrent de nouveau et une jeune fille svelte


en uniforme de la garde royale, les cheveux coupés court et une
épée scintillante à la main en sortie.

-Toi?!
S’exclama Jym...

Un sourire dur étira les lèvres de Nath. Elle avait enfin retrou-
vé les voleurs!
147

Donner l’alarme n’avait pris qu’une dizaine de minutes à Nath.


Son don de vitesse lui permit de parcourir la distance entre le tré-
sor et la tour de la garde royale située à cents mètre du palais. Elle
y trouva Tchézar et Arthas endormis... Alors qu’ils étaient de
garde!
Elle réveilla ses deux camarades de promotion et fila faire son
rapport au Duc d’ombreuse dont les appartements se trouvaient au
dernier étage de la tour.

Elle mit Camil au courant des événements sans omettre ses


propres fautes de jugements. Mais termina en assurant qu’elle avait
bien l’intention de poursuivre les voleurs!
-Bien! Je vais de ce pas avertir le prince et prendre les dispo-
sitions nécessaires. Ils ne doivent pas être bien loin!
Lui répondît le général de la garde royale. En homme pragma-
tique, il savait que sermonner son élément ne servirait à rien sur le
moment. Il fallait tout au contraire chercher à gagner en temps afin
de rattraper l’avance des brigands.

Une demi-heure plus tard, le palais royal fourmillait de sol-


dats et d’officiers. Nath pensait que l’agitation ne produirait pas de
résultats probants. Elle connaissait l’identité du voleur. Il lui fallait
du temps et de l’espace pour réfléchir avant de se lancer à sa pour-
suite. Sa détermination était à son paroxysme.

Perchée au sommet de la tour, elle observait le soleil se lever


et regardait les soldats bouger en bas aussi minuscules. Que des
fourmis.
Les premiers rayons illuminèrent son visage. Elle ferma les
yeux plongea dans ses souvenirs.
148

Elle se revit plus jeune, vêtue comme un sac, se bagarrant


dans les rues sablonneuses de son île.

-Assam! Rends moi ce sac de Cauris je l’ai gagné!

Le jeune gringalet en face d’elle s’amusait avec ses sous fifres


à se lancer le sac à tour de rôle...

-Tu es rapide Neith mais lequel de nous devras-Tu pour-


suivre?
Répondît le jeune homme goguenard.

Neith, la petite voleuse réagit à la provocation en ramassant


un caillou, qu’elle lança si vite qu’il fusa comme une balle à
l’oreille d’Assam.

-Le prochain ira dans ta tête Assam!


Mon sac de cauris!
Répondit Neith.

Comprenant que le don de la jeune fille lui conférait l’avan-


tage cette fois-ci il se retira... Lentement avec un sourire en coin
qui n’avait pas échappé à la petite orpheline.

Elle ramassa le sac en coton que le garnement avait jeté sur le


sol poussiéreux et constata avec surprise qu’il ne pesait pas grand-
chose. Rageusement, elle l’ouvrit et s’aperçut qu’Assam avait
échangé le sac.
149

Le soleil se couchait et le poursuivre dans la nuit était inutile.


Tant pis! Elle se coucherait le ventre vide mais demain elle met-
trait la main sur lui et lui ferait payer!

Le lendemain tint toutes ses promesses!


Elle avait dormi sur un hamac dressé entre deux arbres à la
belle étoile.
A l’époque, elle s’était familiarisée avec le fait de grimper aux
arbres cherché son petit déjeuner. L’un des avantages sur île à la
végétation luxuriante c’était qu’on pouvait difficilement mourir de
faim. A Jiya la chasse et la cueillette étaient encore des piliers de
l’économie.

Elle grimpa sommet d’un cerisier et commença à se gaver de


petits fruits rouges... Un craquement sec attira son attention plu-
sieurs mètres en bas. Neith sourit jusqu’aux oreilles en découvrant
la bande à Assam. Les quatre adolescents, arpentaient la forêt avec
de petits arcs rustiques, probablement en quête de leur pitance.

Nath revint de son voyage mémoriel. Les forêts sont aux vo-
leurs, ce que sont les nids aux oiseaux. Les rayons du soleil levant
faisaient scintiller son uniforme rouge et or. Elle porta son regard
au loin, à la périphérie Nord de Pandragon. Là où débutaient les
terres d’Avalon. Une forêt luxuriante se dressait là. Retrouver deux
voleurs dans une telle immensité végétale, requerrait le flair d’un
fin limier.
De nouveau Nath sourit en réalisant qu’elle savait exactement
où trouver un compagnon de chasse.
150

Le jeune officière tira la lame magique que lui avait fabriquée


le prince Liam: Ally.
Le plat de l’épée était marqué de runes scintillantes. Elles
brillèrent plus fort lorsque Nath fit appel au pouvoir de l’arme.
Dans un flash de lumière vive, elle disparut.

Emportée plusieurs milliers de kilomètres par l’épée, elle ou-


vrit les yeux, sur un environnement en total déphasage avec le
sommet de la tour de la garde royale: Sombrevalle. Le lien l’unis-
sant à Gror était assez fort pour lui permettre de retrouver le fauve
qui fut son compagnon de survie pendant l’épreuve d’admission au
sein de la garde royale.
Le félin était gigantesque, comme toutes les espèces qui
constituaient la faune de l’île. Il remua le moignon qu’il avait en
guise de queue et poussa un feulement impressionnant, expirant de
la vapeur blanche de sa gueule.

-Bonjour mon vieil ami ... Moi aussi je suis heureuse de te re-
voir... Serais-tu partant pour une petite partie de chasse?

Murmura-t-elle en se rapprochant du félin...

Les fauves de l’espèce de Gror vivaient en société. Mais lui,


était devenu solitaire depuis qu’il avait fait la rencontre de Nath.
Comme si ce binôme lui avait appris qu’il était tout ce dont il
avait besoin pour se maintenir au sommet de la chaîne alimentaire.
Nath caressa Ses énormes défenses.

-Comme tu as de grandes dents!


151

Dit -Elle en se moquant.

Comme si le Félin comprenait, il oscilla lentement la tête et


l’inclina de sorte qu’il put frotter le haut de son crâne contre la poi-
trine de la jeune fille. Aux côtés de Gror, elle semblait si frêle que
cela l’amusait. Interrompant les retrouvailles touchantes, Nath leva
Ally dans un mouvement chevaleresque.
Produisant un nouveau flash de lumière, l’épée runique les té-
léporta de nouveau.
152

Gror retrouva bien vite ses réflexes de prédateur, en un bon


puissant, il renversa un Dènnes et le maintint sous sa patte mas-
sive, d’un violent coup de mâchoire, il lui arracha l’échine, d’un
second, il broya la tête du malheureux.

Le spectacle fut d’une horreur insoutenable pour ses com-


pères.

Le cerveau d’Assam fonctionnait à toute vitesse. Presque aus-


si vite que Nath.
En un battement de paupières elle fut dans son dos. Le jeune
homme sentit la pointe de l’épée s’enfoncer dans sa région lom-
baire, juste assez pour qu’il saigne légèrement. Le fauve massa-
crait une troisième Dènnes comme s’il n’étaient rien d’autre qu’un
rongeur. Son crâne fut fracassé par un coup de patte.
Des rongeurs auraient eu plus de chance de survie.
L’un des yeux du mort sauta au moment de l’impact et vint
frôler le nez d’Assam avant de tomber dans la boue.
Ce dernier retrouva toute sa lucidité.

-C’est la couronne que tu veux Neith? Je te la donne! Reprend


là! Tenta-t-il

-Pas un geste Assam!

Le voleur qui avait esquissé un mouvement, s’immobilisa.


Une goutte de sueur perla sur son front. Il n’allait tout même pas
mourir maintenant! Avant même d’avoir réalisé ses ambitions.
Non! C’était impensable. Il fallait gagner du temps! Une seconde,
une minute, c’était déjà ça de volé à la mort!
153

Voler sa vie à la mort... Assam se souvint de comment il avait


survécu à l’attaque de leur village, en se cachant sous les corps de
ses camarades morts.
Naturellement ils avaient refusé de se joindre à la bande de
Soron. Ils étaient des voleurs, pas des tueurs sans aucun scrupules!
Ils volaient pour survivre à un monde impitoyable qui ne leur avait
pas fait de cadeau ni laissé d’autre choix. Orphelins, ils avaient
tous cela en commun. Courir les rues et se chahuter après un larcin
fructueux, tentant de récupérer le trésor qu’un autre avait durement
gagné par une ruse ou simplement par la force. C’était là leur quo-
tidien. Assam ne s’y trompa pas, c’était sa vie qui défilait devant
ses yeux.

Une fois de plus, il était aux prises avec Neith dans une forêt
et n’avait aucun moyen de lui échapper. Comment s’en était- il tiré
la dernière fois?
La chance bien sûre ! La plus grande alliée que pouvait avoir
un voleur s’en était mêlée.

Depuis toujours Neith était une fille distraite. Comme un


contre poids apporté à son don, la nature l’avait dotée d’un cerveau
incapable de se fixer plus d’une demi-heure sur un objet donné.
Assam en avait tiré parti lorsque les cabriole d’un singe hur-
leur, lui avait permis à lui et à ses compagnons de s’enfuir en di-
rection du marché.
C’était là qu’elle les avait rattrapés et qu’ils s’était battu tous
les quatre.
Une distraction...
Mais même s’il arrivait à détourner l’attention de Nath, que
faire de ce monstre qui dardait sur lui des prunelles verte emplies
de cruauté?
Quand il n’y avait pas d’issue, l’audace était le seul moyen de
s’ouvrir un chemin!
154

Cela avait payé par le passé. Quand il avait quitté Jiya, fuyant
les souvenirs du massacre, il s’était clandestinement embarqué à
bord d’un bateau qui partait vers une autre île du sud. C’est ainsi
qu’il était arrivé dans le duché de Gargan. Dont les terres étaient
Régies par le duc de Gauvinal. Là-bas, le vol à l’étalage était puni
par l’amputation d’un membre...
Assam tenta de voler le Duc lui-même!
Il n’alla pas bien loin avec les deux bouteilles de Gauvinal.
Les limiers du Seigneur Ron, le capturèrent et lorsqu’ils tentèrent
de lui trancher le bras, il en appela à la justice du Roi!

C’était d’une singulière effronterie, mais tout sujet avait droit


à la justice du roi avait-il entendu dire au cours d’une de ses flâne-
ries. Bien sûr il ne faisait pas d’illusion, jamais il ne comparaîtrait
devant le roi! On l’enverrait moisir dans un cachot... au mieux ou
au pire, on le traînerait devant le duc réputé être un homme cy-
nique. Qui donnerait sans doute l’ordre de le faire exécuter.
Mais cela lui fit gagner du temps.

Et c’était précisément ce dont il avait besoin.

Nath prit la couronne sur sa tête, et frappa sa fosse poplitée


droite. Il fut forcé de s’agenouiller.

-As-tu une dernière parole Assam?

-Je suis le dernier survivant mâle de notre village... et tu veux


me tuer? Dit-il d’une voix qu’il voulait suppliante.
155

-Plaise à la nature que tu ne te sois jamais reproduit... le


monde serait un meilleur endroit sans des hommes de ton espèce!
Répondît durement l’officière.

-Qu’ai-je donc fait pour susciter en toi une telle aversion?

-Il n’y a rien de personnel Assam, même si nous nous


connaissons depuis notre prime jeunesse. Tu as volé le roi! En tant
qu’officier de la garde je me dois d’appliquer la loi.

-Cela signifie donc que tu appliques toujours la loi?

-Autant que faire se peut. C’est mon devoir!

Assam sourit.

-Bien! Alors j’en appelle à la justice du roi!

Nath étonnée au possible, posa le tranchant de sa lame ru-


nique sur le cou du jeune homme:
-Es-tu sûr de ce que tu demandes? Tu n’es qu’un veule. Et tu
as volé le roi! Il fera de toi un exemple... Je t’offre une mort rapide
et sans douleur...

-Je demande à comparaître devant le roi!


Maintînt Assam.
156

-Qu’espères-tu donc?
-J’ai confiance en mon roi!

Comme s’il était certain que sa maîtresse n’accéderait pas à la


requête du jeune homme, Gror se pourlécha les babines.

Nath réfléchit un instant. Assam pensait sans doute qu’il pour-


rait lui fausser compagnie sur le chemin du Palais. Après tout, le
comté d’Avalon était à une demi-heure de Pandragon.
Elle sourit à son tour.
Les runes gravées sur Ally scintillèrent aveuglant Assam.
157

-Pensez-vous que Nath ramènera la couronne à temps?

Demanda Elysson alors que le kraken achevait de relater les


événements qui s’étaient déroulés au palais durant la nuit.
Kal’ouh’na sirota sa tasse de thé aux fruits rouge.

-Possible.... Nath est pleine de ressource. Ce qui me préoc-


cupe c’est plutôt l’identité du voleur. Dans son rapport elle a men-
tionné qu’il s’agissait d’une vielle connaissance. Un certain As-
sam. Sais-tu de qui il s’agit?

Elysson leva les sourcils surprise:

-Non... Il doit s’agir de quelqu’un qu’elle a connu avant notre


rencontre.

Répondît-Elle pensive.

-Alors vous ne vous connaissez pas depuis toujours?


S’enquit Malika entre deux bouchées.

-Non. Pour tout vous dire j’ai rencontré Nath le jour même où
Soron et ses hommes ont attaqué notre village.

-Je vois. Quand on voit votre complicité on pourrait s’imagi-


ner que vous êtes sœurs.

Poursuivit le colonel.
158

Elysson sourit. Oui, Nath était ce qui se rapprochait le plus


d’un membre de sa famille. Elle n’avait qu’elle en ce bas monde.
Et depuis que leur route s’étaient croisés, elles ne s’étaient plus ja-
mais séparées.

Kal’ouh’na repoussa sa chaise et se leva.

-Bien... J’ai rendez-vous avec Mag. M’accompagneras-tu


Elysson?
Demandat-elle.

La jeune officière enfourna rapidement le bout de croissant


qu’il lui restait et se leva à son tour. Elle appréciait beaucoup la
compagnie du vice capitaine Mag. Il était Le Bras droit de
Kal’ouh’na et elle avait fait sa rencontre au même moment que
celle du capitaine.

Malika demeura attablée alors que les deux femmes s’en al-
laient.

-À demain Colonel! Lui lança Elysson en s’éloignant.

La femme soupira. Une vague de tendresse l’envahit. Cette


jeune fille, Originaire de la plus petite île du royaume avait su s’at-
tirer la sympathique de personnages puissants pensa t-elle. C’était
une bonne chose. Nul doute qu’elle était promise à un grand des-
tin.
De plus, On était bien démuni, lorsqu’on est était seul en ce
bas monde.
159

Seule... Malika eut une pensée pour sa famille de l’autre côté


de la mer intérieure. Hurlevent lui semblait si loin, elle avait bâti
toute sa vie ici. Si il devait retourner à Hurlevent, quel rôle y tien-
drait -elle? Elle ne pouvait se résoudre à trahir son roi.
La loyauté était à ses yeux la plus grande vertu. Que pouvait-
il bien se passer dans la tête de sa nièce pour qu’elle décide d’en-
trer en rébellion contre la couronne et de briser les accords
qu’avait passé son frère?
Sa dernière pensée alla au défunt archiduc Charles Lancél-
hion, celui que les historiens nommaient le second érudit.
« Je me dois de tout faire pour protéger ce que tu avais de plus
précieux. Hors c’est ici que se joue le destin de tes filles. Tant que
je le peux encore, j’intercéderai pour elles auprès du roi sitôt qu’il
sera sur le trône. Donne-moi de la force mon frère. »
160

Les appartements du prince Liam étaient situés dans la tour du


midi. On l’appelait ainsi car lorsque le soleil atteignait son zénith,
il se trouvait exactement en dessus d’elle.

Lyor pénétra dans la vaste pièce sans être annoncé.


Surprit, par cette visite inopinée, son frère interrompit le ta-
bleau qu’il peignait, déposa son pinceau et se tourna vers lui.

-Mon frère! Que me vaut l’honneur de votre visite? Salua-t-il.

Lyor se rapprocha du chevalet et fut subjugué par la beauté ir-


réelle de l’œuvre presque achevée. Liam était assurément l’artiste
peintre le plus doué de la capitale.
Mais ce qui était le plus touchant, c’était le fait que Le tableau
en question le représentait lui, Lyor, ceint de la couronne de leur
père, vêtu d’or et de vermeil, entouré d’attributs royaux. La
pomme surmontée d’une croix dans une main et le sceptre dans
l’autre.

-Comment le trouvez-vous? S’enquit le cadet. Dans un geste


plein d’élégance, il passa sa main dans ses longs cheveux platine.

Les deux princes ne se ressemblaient guère physiquement. Si


Lyor tenait de son père, Liam lui, avait hérité des traits fins de sa
mère. Il était svelte quoi que bien bâti et la boucle en forme de
161

croix qui pendait à son lobe achevait de lui donner l’air d’un en-
chanteur sorti tout droit d’un conte pour enfant.

-Il est à couper le souffle! Je ne me reconnais pas moi-


même...

-C’est pourtant bien vous mon frère. Je comptais le faire por-


ter ce soir dans la salle du trône. Aux côtés des autres rois.

-C’est donc vous qui les avez peint.

-Tous sans exception. Ils sont un présent offert de ma part à la


couronne.

-Voyons Liam! Vous n’avez pas besoin de [...]

-En échange j’aimerai que vous m’accordiez quelque chose.

Lyor n’avait pas terminé sa phrase. Il fixa son frère attentive-


ment. Une flamme s’était allumée dans ses iris noirs.

-Qu’est-ce donc? Qu’attendez-vous de moi? Et je vous en prie


ne me demandez pas d’être un bon roi ! J’ai assez entendu de dis-
cours de ce genre aujourd’hui...
Dit l’aîné.

-Demain vous serez couronné. Vous serez le personnage le


plus puissant du royaume. Ordonnez au grand prêtre Mazarin de
rappeler ses assassins.
162

Liam s’était exprimé sans détour. En effet, en guise de repré-


sailles suite au procès noir, sa sainteté Mazarin avait fait savoir
qu’il avait mandé des assassins à Hurlevent afin de venger des
confrères tués par la rebelle.
Lyor n’ignorait rien des sentiments que nourrissait son frère
cadet pour Jenevah.
Quand ils étaient plus jeunes, il avait coutume de les couvrir,
pendant qu’ils s’amourachaient en cachette dans le palais d’Hur-
levent et un peu plus tard dans celui de Pandragon.
Mais le temps de l’insouciance était passé. Il l’avait bien com-
pris. On attendait de lui qu’il fasse primer le bien du royaume sur
ses sentiments personnels. Cela était vrai pour Elysson, mais cela
était aussi et surtout vrai pour les membres de sa famille. Il devait
se montrer ferme avec eux, d’avantage qu’avec n’importe qui.

-Avez -vous appris que les rebelles retiennent Latavia?

Demanda-t-il froidement.

Liam fronça les sourcils:

-J’ai cru comprendre cela... En effet.

-Que cela vous évoque t-il? Son sort n’est-il pas plus préoccu-
pant que celui de notre ennemie?

Le cœur de Liam battit douloureusement.


163

Il ne s’était pas attendu à devoir affronter Lyor. Plus que qui-


conque il savait ce que c’était de vouloir ramer à contre-courant de
son destin. Il avait espéré qu’à défaut de le soutenir, il l’aurait sim-
plement laissé agir à sa guise. Mais il devait se rendre à l’évidence.
Ce n’était pas en tant que frère qu’il poursuivrait cette conversa-
tion. Il était déjà dans son rôle de monarque.

-Pourquoi ne pas me reprocher la mort de père tant que vous y


êtes mon frère?

Lyor porta son regard sur la tapisserie grise recouverte de pe-


tits lions dorés en imprimé. Il repensa aux circonstances de la mort
de son père. Absent, ils les avaient apprises de la bouche du duc
D’ombreuse.
Feue sa majesté le roi Léo était morte au cours d’un conseil.
Durant lequel La princesse Marlène avait cru bon de lui jeter au vi-
sage des preuves de la liaison entre Liam et Jenevah.
L’obscénité de la chose choqua grandement le monarque.

Pourtant Lyor se tenait tout autant responsable que son frère


et sa sœur.
Lui aussi, avait donné du fil à retordre à ses parents. En tant
qu’aîné de Liam et fiancé officiel de Jenevah, il aurait dû mettre un
terme à cette relation dès qu’il l’avait su. Hélas, il était trop occupé
à suivre ses propres passions.

-Père est mort d’un infarctus! Si votre conscience vous tient


responsable de quoi que ce soit. Sachez que le meilleur moyen de
la soulager est d’agir dans le sens de ce qu’il aurait voulu.
Dit-il sèchement.
164

-C’est donc ce que vous tentez de faire?

Répliqua Liam en s’asseyant sur son lit en baldaquin aux ten-


tures dorées.

-J’essaie d’honorer nos ancêtres et nos parents du mieux que


je peux mon frère... Mais je n’y parviendrai pas seul! J’ai besoin
que nous soyons unis, Marlène vous et moi. Il n’y a qu’ensemble
que nous viendrons à bout de nos ennemis et que nous sauverons
Latavia. Rien ne doit passer avant la famille. Rien ne doit surclas-
ser l’intérêt supérieur du royaume. Vous devez faire une croix sur
ce qui vous uni à Jenevah, fussent-ils les sentiments les plus nobles
qui soient. Dorénavant, ils sont plus petits que ce qui se dresse
entre vous!

Liam releva soudain la tête et vrilla ses yeux dans ceux de son
frère.

-Auriez-vous tenu le même discours si Elysson vous avait ac-


cordé sa main?

Lyor vacilla. Son frère venait de toucher son point faible. Sa


gorge se noua tandis qu’il cherchait une réponse convaincante...

Liam se releva:

-Ne vous fatiguez pas mon frère. Je le sais mieux que vous.
Le feu qui vous embrase n’est pas de ceux que l’on peut éteindre
avec de belles résolutions. J’ai choisi pour ma part, de me laisser
consumer tout entier.
165

-Que signifie cela?

Liam parut soudain être le plus cruel des hommes. Il émanait


de lui une aura meurtrière que son frère aîné ne lui connaissait pas.

-Sitôt que vous serez couronné, je partirai pour l’Est. Je re-


trouverai la piste des hommes du Grand prêtre, et je mettrai un
terme à leurs projets...

-Vous parlez de tuer une centaine d’hommes mais vous a ton


jamais vu une épée à la main? Railla Lyor malgré lui

Liam eut un sourire dure

-Vous avez raison, je ne suis pas comme vous autres... Ballé-


rion vous a t’il bien servi durant l’épreuve finale? Vous a ton ra-
conter les circonstances de mon retour à la capitale mon frère?

Le prince aux cheveux platines lançait des menaces voilés que


quiconque auraient pu prendre à la légère. Mais pas Lyor. Il ne sa-
vait que trop bien le danger que représentait le don de son frère.
Employés à des fins guerrières, la capacité de matérialiser ses ta-
bleaux pouvait s’avérée être, destructrice.
De plus, les rapports des gardes affectés aux remparts, fai-
saient mention d’une créature mythologique: un dragon.
Liam serait revenu à la capital sur le dos d’une monstrueuse
créature reptilienne ailée, vingt fois plus grosse qu’un cheval.
166

-Ce dragon... Où est-il? Qu’en est-il réellement?


Demanda Lyor

-Un dragon n’est pas un caniche mon frère. Je ne puis le gar-


der auprès de moi. Mais soyez sûr que lorsque j’en aurai besoin, il
fera pleuvoir le feu sur mes ennemis.

-Votre famille ne saurait devenir votre ennemie... J’ai l’inten-


tion de lancer des troupes à L’Est sitôt monté sur le trône.

-Parlons bas mon frère. Jenevah est ma famille elle aussi...


vos troupes ne passeront pas Vaghar.

-Est-ce une menace? J’ai de l’acier à profusion et les


meilleurs guerriers du royaume. La justice est dans mon camp.

-L’acier fond comme du beurre sous le feu dragon. Les sol-


dats grillent comme de la viande. Corsaires où fantassins. L’amour
a son propre règne, et il est mille lieux de celui de la justice

-Vous affronteriez Kal’ouh’na?

-Je défierai Nagga elle-même, si elle menaçait la vie de la


femme que j’aime...
167

Lyor recula en frémissant de rage.

Tout était dit. Les mots de trop ne pouvaient être repris.

Liam avança jusqu’à la porte de bois et l’ouvrit grandement:

-Je ne vous retiens pas votre majesté.

Dit-il en s’inclinant.

Lyor comme un ouragan sortit de la chambre et derrière lui la


porte claqua violemment.

Les deux frères se tinrent ainsi dos à dos. L’un dedans et


l’autre dehors, les mains agitées du même tremblement incontrô-
lable.
168

Le soleil déclinait lorsque Jym arriva devant le palais de


glace.
Il avait pris ses jambes à son coup sans un regard en arrière et
comme un oiseau qui s’envole sans dire au revoir à la branche, il
ne s’était soucié que de mettre le maximum de distance possible
entre le fauve et lui.

Ce ne fut qu’une fois hors de la forêt d’Avalon qu’il se de-


manda ce qu’il était advenu d’Assam. Ne Sachant où aller, il erra
un instant dans les bourgades environnant le château D’Avalon.

Il aurait fini par penser qu’il était le seul rescapé de la guilde


lorsqu’il croisa Timilfe. L’homme qui avait la manie de se lancer
dans des monologues ennuyeux. Il n’aurait jamais pensé qu’il se-
rait heureux de le voir un jour.

Timilfe était bien plus jeune et svelte que Jym. Va savoir par
quel miracle ce dernier l’avait devancé au moment de fuir. Le
jeune Dènnes, affirmait avoir vu Tudor se faire briser le crâne par
le fauve et Assam se volatilisé avec l’officière!

Jym s’était creusé la tête autant que possible, afin de trouver


une suite d’actions logiques qui le rapprocherait de son but. Récu-
pérer sa position dominante au sein de la guilde. Il avait fui comme
un lâche devant le danger... Et le fait qu’Assam se soit fait prendre
ôtait tout panache à leur escapade au palais. Il finit par se
convaincre qu’il fallait entrer en contact avec le Duc de Gauvinal.
Après tout, il savait les risques du métier de voleur et ça n’était sû-
rement pas la première fois qu’Assam se faisait prendre!
169

Il quitta Avalon et passa les portes de la cité une demi-heure


plus tard.

Les gardes du palais de glace le reconnurent aisément. L’air


patibulaire de Jym n’était pas quelque chose qu’on oubliait aisé-
ment.
Il assura qu’il avait d’urgentes nouvelles pour le duc et on
l’emmena auprès de celui-ci.

Cette fois c’est dans la salle d’apparat que ce tenait le sexagé-


naire. Vêtu seulement d’une large culotte en coton, il était entouré
de couturier et de stylistes qui s’affairaient sur des machines à
coudre. Des étoffes de toutes sortes gisaient ça et là et une ving-
taine de tenues accrochées à des cintres.

Le Duc semblait en pleine essayage comme l’attestait le grand


miroir posé devant lui.

-Votre seigneurie, voici l’homme qui dit avoir d’importantes


nouvelles pour vous. Annonça un homme en uniforme de mauve.

Le Duc se retourna et étendit les bras. Deux servants se


ruèrent pour le recouvrir d’un peignoir en soi doré.

-Merci... À présent! Retirez-Vous... Tous!

L’un après l’autre les hommes quittèrent la salle l’air soulagé


d’avoir un peu de répit.
170

Quand ils ne furent que deux le Duc engagea la discussion sur


un ton agacé:

-Le croyez-vous?! Le couronnement à lieu demain et ces inca-


pables n’ont toujours pas trouvé une tenue qui met en valeur mon
physique altier! Ce n’est pourtant pas bien compliqué!

Se plaignit-il en avançant vers la table où reposait un calice


remplit à ras bord de ce que Jym devinait être du Gauvinal.
Il observa le duc et se retint de justesse d’éclater de rire. La
silhouette du haut noble était tout ce qu’il y’avait de plus lympha-
tique! Pas étonnant que ses stylistes aient du mal à le sublimer.

Après avoir pris une lampée du vin capiteux, Le Duc s’enquit


du motif de sa visite.
Jym se ressaisit et entreprit de relater les faits tels que Timilfe
les lui avait rapportés.

Bien qu’il omît volontairement de mentionner sa propre fuite.

Le Duc l’écouta silencieusement jusqu’à la fin de son récit.


Quand il eut eu fini, il prit la parole posément:
-Si je comprends bien c’est la même officière qui déjà s’était
dressée sur votre route cette nuit au palais?

-Oui mon seigneur...


Répondît Jym. Il remarqua que l’aura du Duc avait changé du
tout au tout.

.-Voilà qui est fâcheux... Merci de votre rapport Jym.


171

Le Duc de Gauvinal se retourna et faisant face au miroir de-


meura pensif un moment...

-J’ai ma petite idée sur là où il a été emmené. Mais nous at-


tendrons demain pour agir. Le royaume tout entier aura les yeux
fixé sur le nouveau roi. Et Nous irons le libérer. Rassembler les
hommes de votre organisation et ne vous éloignez pas trop. Nos
plans demeurent inchangés.

Dit-il enfin.

Rasséréné, Jym fit une révérence gauche et se retira.


172

-Alors c’est lui le voleur? Je l’avais imaginé plus intimidant.


Déclara Tchézar.
Le jeune sous-lieutenant toisa Assam avec toute la morgue qui
caractérisait les petits nobles complexés.

-Ne le sous-estime pas Tchézar! Il pourrait tenter de s’évader.


D’ici à ce que le prince Lyor soit couronné il attendra dans cette
geôle... Avant d’être présenté au roi.

Répliqua vertement Nath.

-Et toi ? Où vas-tu?

Lui demanda Arthas. Un autre camarade de promotion, lui


aussi sous-lieutenant de la garde royale.

-Il ne peut y avoir de couronnement sans couronne! Je vais de


ce pas, restituer ceci au Prince Lyor. Quant à vous, assurez-vous
que le prisonnier ne nous fausse pas compagnie!
Lança la jeune fille en s’éloignant

-Où veux-tu qu’il aille? Ligoté et bâillonné de la sorte même


le capitaine Valarion n’arriverait pas à s’évader!
Rigola Arthas le blondinet.
173

Assam faisait peine à voir, assis à même le sol derrière les


barreaux en acier de sa cellule, on lui avait solidement lié les
membres et un bâillon l’empêchait d’émettre la moindre syllabe.
Pourtant, dans ses prunelles châtain, brillaient une froide résolu-
tion. Si ses geôliers avaient su lire les hommes, ils auraient com-
pris que celui -ci était tout sauf résigné!
174

Ayant quitté le sous-sol de la tour, Nath rejoignit le Duc


d’ombreuse au sein du palais.
Il se trouvait dans la salle du trône et discutait à voix basse
avec cinq hommes vêtus avec ostentation et affichant des mines
préoccupés.
L’attention de Nath fut cependant retenue un instant par l’as-
pect de la pièce.
Elle fut émerveillée, la salle avait été décorée avec faste et
magnificence.

Elle avança sur le tapis rouge qui conduisait au trône et Camil


se retourna à son approche.

Le Duc sourit en remarquant le sac qu’elle tenait et son air


triomphal.

-Encore une fois vous dépassez nos espérances.

Nath effectua un salut militaire;

-Nath de jiya au rapport mon général!

-Repos officière. Je vous écoute.


Répondît Camil.

Les traits du général de la garde royale perdirent soudain leur


gaieté, comme si l’arrivée de Nath n’avait été qu’un rayon de soleil
perçant sous des nuages sombres.
175

-Au moins, aurais-je une bonne nouvelle à annoncer à sa ma-


jesté... Suivez-moi Nath!

Dit-il en prenant congé de ces précédents interlocuteurs.

Nath suivit le duc à travers les longs couloirs du palais aux


murs de marbre ornés de tableaux et de sculptures inestimables.

-Avez-vous obtenu le mobile du vol?

Demanda-t-il en marchant.

Nath comprit où il voulait en venir :

-Je ne pense pas que cela ait quoique ce soit de politique.


Même si on peut à juste titre s’interroger sur la raison qui poussa le
voleur à s’intéresser à la couronne plutôt qu’à un autre élément du
trésor, je ne crois pas me tromper en disant qu’il s’agit simplement
de quelqu’un qui a eu les yeux plus gros que le ventre.

Répondit-elle

-Vous le connaissez bien...

Dit le duc

-Je l’ai connu par le passé. Aujourd’hui, nous n’avons plus


rien en commun.
176

-Tant mieux...

-Euh mon général?

-Oui Nath?

-Vous sembliez préoccupé... Puis-je savoir pourquoi ?

Nath en tant que major de promotion était considérée par le


duc d’ombreuse comme un de ses meilleurs éléments. De plus il
l’avait lui-même entraîné à son arrivée au palais trois ans plutôt.
Une relation de confiance les liait. C’est pourquoi, il parla sans dé-
tours.

-Ces charmants messieurs que je viens de quitter sont des


commerçants... ils devaient livrer tout un tas de produits rares pro-
venant des quatre coins du royaume dont la couronne avait passé
commande pour le dîner après le couronnement.

En effet l’excentricité de leurs tenues et de leurs bijoux, avait


rappelé à la jeune officière les commerçants de son île natale.

-Et je devine à leurs airs affolés qu’un imprévu s’est


produit....
Dit-elle
177

-Un fâcheux imprévu... Je dirais même alarmant!

-C’est si grave que cela?

-Les cargaisons ont toutes été pillées par des pirates! A en


croire ce qu’ils disent, les flibustiers font la loi sur les eaux inté-
rieures du royaume.

-Mais ce n’est pas possible! Que font les flottes??!


S’exclama Nath.

-D’après les commerçants les pirates arrivent toujours à leur


filer entre les doigts. Comme s’ils savaient d’avance quand et où
ils allaient frapper.

-Cela relève d’une incompétence notoire!

-Oui! Mais on ne peut pas leur en vouloir. Voilà presqu’un an


que Les capitaines corsaires sont retenus à la capitale. Privés de
leurs têtes, ils ont du mal à coordonner leurs actions... Et les pi-
rates en profitent.

Nath se tût interloquée...


178

-Il faut tout de suite prendre des mesures! Les commerçants


exigent un dédommagement. Ils avaient engagé plus de la moitié
de leur fortune, certains que la couronne paierait à la livraison...
Rajouta Camil

-C’est invraisemblable! La couronne ne peut tout de même


pas être tenue pour responsable de leur perte!

-Hélas, responsable ou pas, nous devrons payer! Il y va de la


réputation du jeune roi. Si la nouvelle se propage, on le pensera in-
capable de protéger des sujets... Le véritable problème est qu’en ce
moment, les finances sont presque asphyxiées. Depuis la rébellion
de Jenevah, les approvisionnements en métaux précieux et les
échanges commerciaux entre l’Est et l’Ouest ont été interrompus.
Les autres régions du Royaume ont beau continuer de verser l’im-
pôt royal, L’Est représente à elle seule plus de cinquante pour cent
de la richesse de l’archipel... sans compter que les dépenses occa-
sionnées par la cérémonie de demain sont exorbitantes. La cou-
ronne en est réduite à s’endetter.

Nath prenait conscience de la complexité de la situation et prit


un air soucieux.
-Pourquoi ne pas avoir réduit les festivités si nous n’en avions
pas les moyens?

-C’est là une notion que les hauts nobles comprennent très


bien. Le prestige a un lien direct avec le pouvoir et l’influence. Ré-
duire le coût ou verser dans le bas de gamme, ternirait l’image de
la famille royale et enverrait un signal de faiblesse. Les charo-
gnards apparaîtraient alors de toute part, pour se repaitre de notre
carcasse.
179

Expliqua le Duc

-Que préconisez-Vous?

-Nous allons d’abord informer sa majesté. Il est le roi! C’est à


lui que revient le fin mot. Mais je pense qu’il faut renvoyer Les ca-
pitaines corsaires pacifier les eaux intérieures et lancer sans at-
tendre une offensive sur l’Est.

-La guerre coûte chère! La diplomatie de la gardienne aura


donc échoué?

-je suis convaincu que rester passif nous coûtera plus chère
encore! Quant à la révérendissime et au capitaine Valarion, je me
suis longtemps refusé à cette idée, tant j’ai conscience leur puis-
sance, mais il faut croire que l’ennemi a trouvé un moyen de
contrecarrer leurs actions. Autrement comment expliquer le fait
que nous n’ayons pas de nouvelles d’eux depuis tout ce temps?

Tandis qu’il parlait, ils arrivèrent devant les appartements


royaux. L’officier Gédéon Loung était postée en d’action devant
les imposants battants de la porte. Il effectua un salut militaire en
apercevant son général.

-La couronne est en l’état?


Demanda le duc à Nath.
Cette dernière la sortie du sac.
180

Heureusement, Assam n’avait pas pu lui jouer de mauvais


tour cette fois ci.

-Bien... Acquiesça Camil.

Puis, s’adressant à Loung, il ordonna:

-Repos soldat! Veuillez nous annoncer sa majesté.


L’officier, camarade de promotion de Nath et du prince ob-
tempéra.

-Bien mon général!

Il frappa, et tira les battants qui se refermèrent derrière lui. Le


Duc et Nath attendirent un moment puis, Loung ouvrit largement
la porte et les invita à entrer tandis qu’il retournait à son poste.

Nath déglutit en passant la porte à la suite de Camil.

Lyor était debout dans la vaste pièce visiblement anxieux...


181

Toute la journée durant, Lyor avait pris sur lui. Cette nouvelle était
simplement la goutte d’eau qui fit déborder le vase.
Une aura mauve enveloppa le prince, et emplie ses orbites.
Dans un éclat vif, Ballérion, la masse d’arme conçue par son frère
cadet se matérialisa. La saisissant à deux mains, il réduisit en pièce
un buste représentant la déesse Agénor.
Du buste d’albâtre, il ne resta plus que de la poussière lorsque
le prince releva son énorme marteau.
Nath avait sursauté, surprise par la réaction du jeune homme.

Le Duc venait à peine d’achever son rapport. Il avait com-


mencé par lui présenter la couronne avant de le mettre un courant
du vol des cargaisons...
Cherchant à atténuer au mieux et proposant des solutions
concrètes.
Cependant rien n’y fit. Lyor avait à l’esprit toutes les contra-
riétés des derniers jours quand il succomba à la colère.

-Laissez-moi!
Ordonna-t’il soudainement, tandis que son torse se soulevait
au rythme de sa respiration rapide.

Nath consulta Camil du regard.


Elle lut dans ses iris gris sombre qu’il ne servirait à rien de
poursuivre la discussion.

Les deux officiers s’inclinèrent:

-Votre majesté!

Dit le duc en se retirant.


182

Demeuré seul, livré aux fêlures de son âme, Lyor ne parvint


pas à trouver le repos alors même que la lune scintillait haute dans
le ciel.
Il avait en tête le souvenir d’une nuit passé en compagnie
d’Elysson à l’appartement de la jeune femme, située dans la rési-
dence des Pundles, domicile de la plupart des officiers de la garde
royale.

Cette nuit-là, il lui avait conté une histoire afin qu’elle par-
vienne à trouver le sommeil. Mais ce fut leurs jeux d’amour qui
eurent raison de son insomnie.
Serrant le drap soyeux dans ses gros poings, il fut pris d’une
envie soudaine de débarquer chez la jeune femme et de lui redire
combien il l’aimait. Il était prêt à abandonner la couronne et le
poids de ses responsabilités pour s’offrir une vie libre à ses côtés.
C’est à ce moment que sa conversation avec sa sœur aînée, la
princesse Marlène lui revint en mémoire.

« Soit un bon roi. » lui avait-Elle demandé.


Dans moins de dix heures il serait couronné roi de tout l’ar-
chipel des nimurdes. Il lui incomberait de protéger ses populations
et d’assurer l’unité de son royaume.
Il ne se sentait pas à la hauteur de la tâche. Le jeune prince se
sentait assailli de toute part. Le décès de ses parents; la rébellion
de Jenevah qui embrassait l’Est; la prochaine et certaine trahison
de Liam; sans oublier les pirates qui semaient le trouble et la ziza-
nie sur les eaux du royaume. Mais Au-dessus de tout cela, sa rup-
ture avec la femme qu’il aimait..

Il tourna la tête sur son oreiller et son regard se posa sur ce


qu’il restait du buste d’Agénor.
183

Quel genre de roi serait-il et comment l’histoire retiendrait-


Elle son nom?

Le citerait-on comme son ancêtre Pyrrhus le roi Guerrier? Ou


comme celui de Jenevah, Tierry le couard ? Serait-Il un conserva-
teur comme le fut son père sa majesté Léo Léo ou un bâtisseur
comme Archéus, le premier roi Pandéra.
Aucune réponse n’émergea de son esprit embrumé.
Tout au contraire, une sourde rage se mit à gronder en lui.
Liam qui n’avait jamais été un guerrier était prêt à tout abandonner
derrière lui pour défendre la femme qu’il aimait...Lui ne pouvait
s’y résoudre. Éduqué pour tenir le rôle qui était le sien, il ne conce-
vait même pas l’idée d’abdiquer. Il fallait qu’il trouve le moyen
d’écraser du même coup tous ses ennemis, si on coupait une seule
tête de l’hydre on lui laissait la chance d’attaquer avec une autre de
ses huit têtes! Régler définitivement chaque problème qui se posait
à lui.
Il avait d’ores et déjà plus de pouvoir que n’importe qui dans
le royaume. Mais Jusqu’ici, il n’en avait jamais fait usage se
contentant d’en référer aux membres du conseil et de déléguer.
L’heure n’était plus à la discussion mais à l’action!

Lyor se leva... Il devait penser en roi, puisque c’est ce qu’il


était!
Marchant jusqu’à son cabinet, il s’installa et demeura pensif
un moment. Un papyrus propre et un encrier plein y étaient posés
en permanence. Pour que le roi puisse à tout moment rédiger des
édits qui avaient force de loi, pour les millions de personnes vi-
vants sur l’archipel.

Il s’imagina son père assis à sa place avant lui et son grand


père avant ce dernier. Quelque chose lui manquait!
184

Se retournant, il vit la couronne reposer sur un piédestal à la


place du buste qu’il avait détruit. Il étendit la main et la saisit.
Elle ne pesait pas bien lourd et pourtant sa main trembla à tel
point qu’il dût la tenir à deux mains. L’or qui recouvrait la tête du
meuble royal, lui renvoyait son reflet. Il fixa ses propres iris bleu
cobalt. Lentement, Lyor posa la couronne sur sa tête couverte de
boucles blondes.
Il sentit une impression de vitalité confondante l’envahir. La
couronne semblait chargée d’énergie. Un pouvoir sauvage et en-
ivrant, qui lui donna la force de prendre la plume devant lui. Il la
mouilla dans l’encrier et se mit à écrire.
Écrire, l’acte créateur.
Comme possédée d’un esprit propre, sa main courue sur le pa-
pyrus, dessinant des caractères, couplant des mots, agençant des
phrases, créant la loi qui régirait le monde. C’était donc cela, le
pouvoir constituant originaire?

Quand il eut fini, il relit calmement. Toute trace de colère


avait déserté son âme.
Cet édit serait son premier.
Il donnerait le ton de son règne et c’était pour le mieux, il était
en parfait accord avec lui-même.
Alors qu’il s’apprêtait à regagner sa couche apaisé, Loung
frappa et entra.

-Votre majesté, sa seigneurie le Duc de Gauvinal demande


une audience privée.

Dit-il
Lyor soupira...
185

-Ne peut-Il attendre? J’allais me reposer!

Loung ne sût quoi répondre.

Lyor se ravisa. Le Duc de Gauvinal était un haut noble. L’un


des seigneurs les plus riches et puissant du royaume. Il aurait pu
guigner la place de gouverneur du Sud si sa maison n’avait été
vassale des Gladstone... L’heure était aux alliances...
Il serait fou de l’éconduire.

-Fais le entrer ordonna t-il à l’officier.

Alors que le jeune homme s’exécutait, bien content de ne pas


avoir à rabrouer le haut noble, Lyor se souvint des parole du kra-
ken au conseil de ce matin:
« Un bon roi est le serviteur de tous. »

Il n’y avait point de repos pour celui qui en toute heure servait
tout le monde.
186

Le Duc de Gauvinal pénétra dans les appartements royaux vê-


tus d’une chemise mauve et d’un manteau de cuir noir. Il avait pla-
qué en arrière ses cheveux grisonnant a l’aide d’un gel coiffant.

-Votre majesté!

Salua-t-il humblement en s’inclinant.


Lyor savoura l’hommage un instant, puis l’invita à se relever.

-Que me vaut l’honneur de votre visite?

-Oh? Cela n’a pas encore débuté?

Demanda le duc l’air malicieux...

-Quoi donc mon seigneur? S’enquit le futur roi curieux.

-De toute part dans la ville, le peuple festoie en l’honneur du


futur roi! Une fois n’est pas coutume, tous les établissements de
restauration offrent des services gratuits... La ville est décorée, les
messagers parcourent les routes annonçant la joyeuse nouvelle: «
Vive le roi! », n’eut été l’insécurité des mers, on y ferait pareil! A
l’Est vos ennemis fulminent, au Nord au sud et à l’ouest on trinque
en votre nom et celui de vos illustres ancêtres! Mais savez-Vous ce
que feront les plus puissants de vos sujets ce soir?
L’un après l’autre ils frapperont à votre porte afin de vous
présenter leur félicitations et vous soumettre ensuite qui des do-
léances, qui des projets d’alliances. Afin d’être sure de profiter du
187

pouvoir. Ceci est votre première nuit en tant que politicien votre
majesté. Il vous faudra promettre aux uns, refréner les autres, et
tous les rassurer!

Lyor écouta silencieusement, il demanda au duc:

-Et à quel groupe appartenez-vous monseigneur?

-Evitez de nommer un duc mon seigneur, vous n’êtes plus


prince! Ne vous a ton rien appris à la politique? Vous devriez être
plus hautain! Plus distant! Moins chaleureux!

-Tenteriez-vous de me dicter ma conduite? Prenez garde! Iro-


nisa Lyor.

-Voilà qui est mieux!


Sourit le duc...
-Pour répondre à votre question votre majesté, je suis des trois
types! Je suis autant venu vous féliciter que requérir de vous que
vous exauciez un vœu. Je constate que vous avez la tête sur les
épaules... Cela achève de me rassurer.

-Je suis un soldat... Je me dois de garder la tête froide en toute


circonstance.

-Un roi soldat, prendrez-Vous exemple sur l’illustre Pyrrhus?


Il eut un règne bien court... Ce n’est point-là ce que je vous sou-
haite. Voilà mon conseil, une main de fer dans un gant de velours!
188

-Il n’est pas tombé dans Les oreille d’un sourd. Mais dites-
moi, quel est ce vœux?

Le Duc modifia sa posture et se rapprocha du cabinet pour y


prendre appui d’une main. Lyor réalisa alors que si la jeunesse
l’exemptait du supplice occasionné par une position debout pro-
longée, il n’en était pas de même pour le maître des Gauvinal. Le
droit de siège était un des privilèges accordés aux princes, aux ar-
chiducs et aux ducs. Ils avaient le droit de s’assoir en présence du
roi...
Mais il fallait que le roi lui-même soit assis. Lyor tira un siège
et posa son royal postérieur dessus avant d’inviter le duc à en faire
autant.

Ce dernier lui en fut gré et racle sa gorge avant de débuter:

-Dans ma prime jeunesse, j’avais coutume de courir les bois


avec mon frère aîné. Celui qui aurait dû hériter des terres de notre
père. Mais il est mort suite à une chute de cheval. Sans laisser
d’héritier. J’ai donc dû assurer la pérennité de notre illustre mai-
son. Mais alors que j’ai sans relâche travailler au rayonnement du
nom des Gauvinal, me voici sur le point de faillir. Je ne suis plus
tout jeune votre majesté, et je pourrai m’éteindre d’un moment à
l’autre, hélas! Je n’ai pas eu la grâce d’un enfant.

Lyor releva les sourcils en signe de perplexité.

-J’ai longtemps cru que cela était la faute de mon épouse,


mais cette Catin est tombée enceinte de mon sommelier alors que
je visitais des vignobles, plus au sud! A mon retour j’ai découvert
le pot au rose et je les ai fait pendre net! Haut et court...
189

-Funeste histoire que cela... Je suis fort contrit pour vous,


mais que puis-je changer à la situation? D’autant plus que pour
parler franchement, Si vous deviez périr sans avoir désigné d’héri-
tier, vos terres reviendraient à la couronne...

-Oh! Mais j’ai un héritier votre majesté! Il n’est cependant pas


de mon sang...

-Du moment que vous le désignez dans un testament en bonne


et due forme comme le stipule les actes royaux, il pourra légitime-
ment hériter de vous...

-Je n’entends pas simplement en faire mon héritier je souhaite


qu’à travers lui le nom des Gauvinal perdure. Et qu’il obtienne
tous les privilèges et titres liés à mon illustre maison.

Lyor fut gagné par la curiosité.

-Parlez sans détours. Qu’attendez-vous de moi?

Demanda-t-il au duc.

Dionos De Gauvinal prit une grande inspiration et répondit:


190

-J’ai adopté un jeune homme remarquable, tant par son esprit


et son audace que par ses aptitudes naturelles. Je souhaiterai pour
lui l’anoblissement.

Lyor demeura silencieux un instant.

-C’est une requête assez peu commune...


Constata-t-il enfin.

-Ce n’est pourtant pas tout à fait inédit. Déjà à l’époque de


votre grand ancêtre Archéus, on savait que le roi avait le pouvoir
de rendre noble qui il souhaite. C’est pour cela que de toute part
les petits seigneurs s’empressaient de se ruer à chaque fois qu’il
convoquait son banc. Les plus valeureux de ce que j’appelle pre-
mier opportunistes, sont aujourd’hui les ascendants de quelques-
unes des maisons les plus prestigieuses. Gauvinal lui-même n’était
qu’un riche cultivateur ayant offert du vin et des vivres aux armées
du roi Pyrrhus alors qu’il était en campagne dans le Sud...

Lyor écoutait attentivement. L’ordre des choses lui paraissait


soudain tout à fait nouveau. Ainsi dans les veines de tous ceux qui
se targuaient d’être des nobles coulait un sang bourbeux que seul
avait éclairci le décret royal.

-Je peux donc anoblir qui je souhaite?

-À peu de chose près, oui votre majesté. Il faut cependant


vous méfiez. Il s’agit de l’honneur suprême, indélébile et atempo-
rel. Nul pas même vous ne pourra défaire ce que vous avez fait.
191

Ôtez leur terres et titre, ceux que vous avez anoblis resteront
nobles! Moi-même je n’entends pas profiter d’une telle grâce sans
offrir une solide contrepartie.

Lyor n’avait écouté le Duc qu’à moitié. Déjà dans son esprit,
il se voyait anoblir Elysson et en faire sa reine par la suite. S’il suf-
fisait d’un haut fait de guerre, le contexte politique était plus que
parfait!

-Quelle contrepartie? Demanda-t-il négligemment...

Le Duc prit au piège de ce soudain désintérêt se fit plus


humble, redoutant que sa requête soit rejetée. Il pensa alors que
son offre initiale serait jugée insuffisante et regretta d’avoir ouvert
les yeux au futur roi. Lyor le tenait à sa merci pensa-t-il.

-L’argent ce n’est pas ce qu’il manque aux Gauvinal, et j’ai


cru comprendre que la couronne, avait quelques soucis dans ce
sens. Je me porte garant de toutes les dettes de la famille royale
contractées avant ce soir, en échange de l’anoblissement de mon
fils.

Lyor écarquilla les yeux et ne put s’empêcher d’être suspi-


cieux:

-Toutes? Monsieur le Duc avez-vous idée de ce que cela re-


présente? Je ne puis penser que c’est là autre chose qu’une pro-
messe fallacieuse!
192

-Ô! Non sire! Je pourrais faire déposer dans le trésor royal la


somme d’ici demain soir!

Lyor eut toutes les peines du monde à ne pas laisser voir sa


stupeur, contrairement à ce que le Duc pensait, on lui avait incul-
qué des rudiments de politiques. Il fit donc mine de ne pas accepter
la proposition trop vite, afin de mieux ferrer son interlocuteur.

-Ce serait une chose forte bonne pour le royaume chère Duc!
Mais je ne puis brader ainsi l’honneur suprême vous l’avez dit
vous même! C’est alors que tous viendrait s’acheter un titre... Ima-
ginez ce que serait la cours! De vils commerçants pourraient pré-
tendre à parlez d’égale à égale avec les plus illustres de mes sujets
dont vous faites partie. Non! Je ne le puis!
De plus la couronne n’est pas si mal en point qu’elle doive se
jeter dans les bras du premier venu...

- Votre majesté! Je vous en prie. Ce n’est plus un Duc qui se


tient devant vous mais un père, un homme effrayé pour l’avenir de
sa maison qui se prosterne à vos pieds.

Joignant le geste à la parole, le vieil homme s’agenouilla de-


vant Lyor.
Il était pris au piège de ce que l’on appelle l’ultime désirata.
En effet souhaitant plus que tout obtenir cette faveur, il menaçait
de s’effondrer et perdait toute sa contenance à la seule pensée
qu’elle puisse lui être refusée.

Lyor bien content d’avoir su appliquer les leçons de sa mère,


se leva et invita le duc à en faire autant. Si Marlène était de loin la
meilleure élève de feue sa majesté Éliane, Ses fils n’étaient pas
tout à fait ignares dans l’art de la manipulation.
193

-Relevez-Vous messire! Mon cœur n’est pas fait de roche. Je


perçois vos craintes et je suis touché par le tourment de votre âme.
Sitôt couronné Je rencontrerai votre fils, et jugerai s’il est digne de
l’honneur que vous sollicitez pour sa personne.

-Oh! Il le sera votre Grâce!


Répondit le duc transporté...

-Bien! Sous réserve que vous teniez votre part du contrat et


que la somme soit déposé au trésor demain soir...
ajouta Lyor.

-Bien sur votre majesté! Je vais de ce pas remplir les formali-


tés nécessaires au transfert des fonds qui se trouvent en ce moment
même au palais de glace sous bonne garde!

Encore une fois Lyor s’étonna intérieurement. Le Duc avait


dû se préparer à acheter un titre pour son fils depuis longtemps...
Sinon comment croire qu’il se déplace avec une telle fortune? Et
comment savait-il le montant exact des dettes de la couronne?

-Faites!
Répondit-Il calmement malgré son étonnement.

Dionos baisa la main de son suzerain et se retira précipitam-


ment.
Il avait un peu perdu de sa superbe en tombant aux pieds du
jeune roi. Mais cela lui avait permis d’obtenir ce qu’il voulait!
194

Quittant le palais un quart d'heure plus tard, C’est en se frot-


tant les mains qu’il monta dans la cabine de son carrosse.
195

Au cours de sa longue carrière de voleur, Assam avait connu


bien des cellules et bien des cachots. Une nuit à l’ombre était aussi
banale pour lui qu’une promenade dans une allée ensoleillée. Et
fort de cette expérience, Il devait reconnaître que les geôles de la
garde royale, étaient ce qu'il y avait de plus confortable comme
lieu de détention. Il y avait même  un petit lit et de l'eau propre
propre pour la toilette! On était plus à l'aise ici que dans certaines
bourgades! 
Assam n'avait cependant pas le luxe de voir la lumière du
jour. Éclairé par une lampe torche accrochée au mur, il se tenait au
courant du défilé des heures par les bruits  qui lui parvenaient  de
l'extérieur. Il sut que le jour s'était à nouveau levé en attendant  le
chant des oiseaux. Puis, des vivats et les acclamations. 
Il tressaillit! Le couronnement avait lieu aujourd'hui! Selon le
plan établi avec son père, ce dernier devait requérir du roi qu'il soit
anoblit d'ici quelques heures! Ou peut-être l'avait-il déjà fait... As-
sam pensa que le duc devait sans doute ignorer qu'il avait été fait
prisonnier... Il blêmit en réalisant que l'opportunité tant souhai-
tée   était  sur le point de lui passer sous le nez! 

Heureusement la chance ne l'avait jamais abandonnée. 

-Qu'est-ce que vous faite là?! Où allez-vous? Entendit-il son


geôlier crier...

Un bruit d'aciers qui s'entrechoquaient raisonna devant sa cel-


lule. 
Lentement, le jeune voleur se rapprocha de la porte en fer au
moment où celle-ci s'ouvrit dans un claquement sec! 
196

Assam tressaillit:

-Paolo! S’exclama-t-il. 

-Chut! Il n'y a pas une minute à perdre mon seigneur! 

Assam comprenant que l'heure était venue de s'envoler, esqui-


va sans un regard le corps du soldat de la Vermarme affalé sur le
sol devant sa cellule. Une flaque de sang se répandait sous lui. 

-Il avait vu mon visage et notre blason.... Dit Paolo pour se


justifier. 

-Vôtres? Faillit demander Assam avant d'apercevoir une di-


zaine d'homme en arme, revêtu de l'uniforme mauve de la maison
Gauvinal. 

Il se demandait comment son père avait-il appris sa capture.


Mais le temps des questions viendrait. Il fallait pour l'instant sortir
dare-dare de la tour! 

Emboîtant le pas aux hommes du duc, Assam commença à


monter l'escalier en colimaçon. 
197
198

-Relevez la tête Elysson... 


Chuchota le vice capitaine Mag à l'oreille de la jeune offi-
cière. 

Dans les splendides jardins du palais royal, un bal était donné.


Cette fête venait mettre un point final aux festivités diurnes ayant
suivies la cérémonie de couronnement. Le prince Lyor venait tout
juste de revenir de sa parade en ville, où il avait récolté les accla-
mations du peuple. Cette première sorte de pérégrination s'était dé-
roulée sans anicroche et couplée à couronnement à la fois tradi-
tionnel et majestueux achevaient de conquérir la foule de nobles
présents. 
Tous plus fastueusement apprêté les uns que les autres, tous
plus grandiloquents, chacun déployant des trésors de richesse in-
trinsèque et extrinsèques pour se démarquer. Ils se passaient autour
de leur nouveau roi: Lyor Pandéra Premier du nom. 

Elysson était forcée de le reconnaître pour la dixième fois de


la journée, il était divin. 
Déjà quand on lui avait versé le saint crème sur ses boucles
blondes et revêtue de la longue cape vermeille qui le consacrait
oint des déesses  et protecteur du royaume. Ensuite Quand il avait
pris la tête du cortège de la garde royale sur son pur-sang immacu-
lé et qu'elle ainsi que les autres membres de la garde l'avaient suivi
au travers des ruelles de Pandragon, au milieu du peuple hysté-
rique. Et encore maintenant, alors qu'il valsait avec le capitaine de
la garde royale Nia Stadfelt. 

Le soleil déclinait et l'orchestre royale jouait une Symphonie


si belle que le moment n'en était que plus intense. 
Elysson avait baissé les yeux. Le vice-amiral  Mag, second du
kraken bien que n'étant pas son cavalier, tenta donc de la réconfor-
199

ter comme il pouvait. Mieux que personne, il savait quel était la


nature du lien entre la protégée du kraken et le nouveau roi. La
passion qui les dévorait était née sous ses yeux. A l'époque ou ren-
trant à la capitale avec son capitaine corsaire, ils avaient introduit
Elysson; Nath Et Jorymm à la cours. 

Il avait été l'un des premières au courant de la décision d'Elys-


son. Comme le kraken il avait salué son abnégation tout en crai-
gnant qu'elle ne soit pas capable de supporter le poids d'une rup-
ture. Après tout elle était jeune et ce n'était que sa première histoire
d'amour... 

La jeune officière, leva fièrement la tête Et s'en voulu d'avoir


détourné le regard un instant. Époustouflante dans la tenue d'appa-
rat de la garde royale, nimbée d'or et sertie de grosses améthystes
rouge, elle se murmura à elle-même qu'elle n'était plus une ingénue
mais un sous-lieutenant de la garde du roi! Le corps d'élite parmi
les corps d'élite de l'archipel! Le prince Lyor Et elle avaient été
amants. A présent le prince était mort: que vive le roi! 

Mag toujours aussi débonnaire eu un sourire en coin. Elysson


n'avait pas besoin qu'on la console. Elle avait murit. Il s'était in-
quiété pour rien. 

-Dites-moi donc où est passée le capitaine Nath? J'ai cru com-


prendre que c'était une de vos amies? 
S'exclama la comtesse  Carmen de stroem accompagnée du
duc de Gauvinal. 
L'homme vêtue de mauve et la femme d'une robe immaculée
comme la neige du nord, s'étaient approchés d' Elysson Et Mag
dans leur dos. 
200

Les deux officiers ayant des sens particulièrement aiguisés


même dans ce contexte se retournèrent et se composèrent une mine
ravie comme il convenait de le faire lorsque deux hauts nobles
vous adressaient la parole en public. 

-Après avoir reçue sa distinction, nous espérions  la comtesse


et moi-même qu'elle voudrait bien s'entretenir avec nous. Et nous
conter quelques un de ses exploits. Elle est tout de même la pre-
mière officière à recevoir un honneur de sa majesté! Ajouta le duc
de Gauvinal. 

Elysson jeta un regard à Mag. Elle n'était pas certaine de pou-


voir jouer la comédie sur un sujet aussi sensible. 
A peine couronné Lyor avait annoncé devant toute la cours
qu'il serait un roi qui tiendrait toujours ses promesses. Il avait ré-
compensé Nath pour ses nombreux services rendus à la couronne
en l'élevant au grade capitaine de la garde royale. Puis, il l'avait af-
fecté par édit à la flotte de l'Est. Jusque-là tout allait bien... 
Mais les choses se complexifièrent lorsqu'il fit lire son pre-
mier décret. 

Le nouveau roi ordonnait au capitaine Corsaire kal'ouh'na


Tanshal Et à toute sa flotte de prendre la mer. Et de reconquérir les
terres rebelles en son nom! 

Nath partirait donc pour la guerre demain. Elysson ne parve-


nait pas à comprendre si cela était un acte mûrement réfléchie de la
part de Lyor en ce sens qu'il était normal qu'il veuille confier une
mission aussi délicate à ses meilleurs éléments, où était-ce une ma-
nière de la châtier en l'éloignant de celle qu'il savait être son amie
la plus proche? 

Mag vola à son secours en répondant au seigneur Dionos:


201

-Le capitaine Nath prépare sans doute ses affaires, pour nous
autres qui avions déjà nos quartiers à bord de la dame rouge, ce
départ sonne comme un heureux carillon. Mais pour elle qui em-
barquera pour la deuxième fois seulement sur le bâtiment amiral de
la flotte de l'Est cela requiert un minimum de préparatif... 

-C'est donc la deuxième fois qu'elle est affectée à l'armada du


capitaine Tanshal? Je l'ignorais! Je n'ai pas non plus connais-
sance  des hauts faits qui lui ont valu son avancement... 
S'exclama la comtesse Carmen. 

La femme du comte de stroem, gouverneur du nord  était sans


doute âgée de la cinquantaine et avait tout de la bonne vivante.
Ses cheveux aussi immaculés que sa robe lui donnait l'air d'une di-
vinité de l'hiver et un vent rieur soufflait en permanence dans ses
yeux. On disait d'elle qu'elle était tout l'opposé de son mari le
comte Frigus VI réputé être un homme froid et farouche. Et leur
fille unique le colonel Sulyvan de la Vermarme avait hérité de ce
tempérament. 
C'était sans doute pourquoi, la comtesse était le seul membre
de la famille stroem à être venu assister au couronnement. 

-Oh! Cela c'est sans doute  par ce que vous n'êtes arrivé que
récemment a la capitale. Moi j'ai ouïe dire qu'elle avait retrouvé le
prince Liam porté disparu, juste après les décès de feues leur ma-
jesté le roi Léo Et la reine Eliane. Elle aurait en plus de cela captu-
ré un voleur qui se serait introduit dans le palais Et dévalisé le tré-
sor royal!  Le croyez-vous?

Lui répondit le duc. 


202

-Mais où est donc cette jeune femme? Elle devrait profiter de


son heure de gloire! Le départ La guerre peut bien attendre de-
main! 
Dit de nouveau la duchesse de sa voix chantante. 

Elysson se retint  de lever les yeux au ciel. 

Elle savait où était allée Nath. Elle l'avait vu prendre la route


de la tour du midi au moment où le cortège royale était enfin rentré
de la parade en ville. 

Elle entendait d'une oreille distraite le vice capitaine Mag en-


tretenir la conversation avec les hauts nobles. Il louait le fairplay
de la comtesse qui avait laissé le plais de glace conçu à l'origine
pour un membre de la maison des stroem, aux Gauvinal arrivés
plutôt qu'elle à Pandragon. 
L'esprit de la jeune officière divagua. Elle souhaita intérieure-
ment  que son amie ait plus de chance  qu'elle-même n'en avait eu
en amour. Lyor dansait toujours avec Nia. 

Elle chercha des yeux le capitaine Tanshal Et trouva plutôt le


dragon des mers. 
Le capitaine du Léviathan, lui dédia son éternel regard vide.
Cette fois-ci Elysson ne tressaillit pas en le croisant. 
Elle y lut simplement le reflet de son cœur. 
Aujourd'hui Et pour toujours elle était séparé de Lyor. 
Demain, pour une durée indéterminée, elle serait séparée de
Nath. 
203
204

-Vous partez en voyage? 

-Comme vous, il me semble...

-Où allez-vous? Je ne serai pas là pour vous retrouver cette


fois ci... Votre altesse 

Liam sourit tristement. 

Un silence lourd tomba entre eux.

La jeune officière aux cheveux courts et aux yeux de biches le


brisa:

-Je tenais à vous dire que je n'ai pas oublié ce qu'il s'est pro-
duit dans la grotte ce jour-là. J'ai essayé mais...

La voix de Nath fut couverte par un grondement venu du ciel. 

Dans un fracas assourdissant le dragon millénaire Pygmalion


se posa prêt du prince.
205

-Je vous suis reconnaissant pour tout capitaine! Nous nous re-
verrons j'en suis sure Et nous aurons le temps d'achever cette
conversation! Pour l'heure le temps presse il me faut vous quitter!
N'ayez crainte je ne me perdrais plus, j'ai enfin trouvé ma voie! Et
n'oubliez pas, où que je sois, grâce à l'épée vous pourrez me re-
trouver.

Cria le prince en se hissant sur le dos de la créature my-


thique...

Pygmalion,  d'un battement d'ailes puissant, regagna les


cieux... 

Emportant au loin le prince élu du cœur de Nath. 

La dernière  chose qu'elle vit de lui fut sa chevelure platine


ballotée par les vents. 

Son cœur se serra... 

L'envol du dragon avait généré un vent si fort, que la larme


roulant  sur sa joue sécha aussi Vite qu'elle avait coulé. 
Elysson avait souhaité en vain. 
206
Sekmet II

PARTIE:2 MOUVEMENT
Sekmet II
Sekmet II

"Je suis né dans la carriole en bois d'un cirque itinérant. En


plein milieu des terres les plus à l'Ouest de l'archipel. Ce que les
géographes appellent les îles Mardes. Ma mère était une funambule
qui avait beaucoup de succès et mon père, était un haut noble
appartenant à la maison des Hasborg. Il venait voir ma mère après
chacune de ses représentations. Souvent, quand il trouvait qu'un
admirateur l'avait précédé dans la loge où nous vivions, il entrait
dans une colère noire et la battait. Il n'a jamais rien voulu savoir de
moi. Ma mère m'a éduqué seule. Quand j'eus fêté ma sixième
année, mon don fit son apparition et je sus que j'étais un hexa.
Grâce à ma mère le cirque tout entier put bénéficier des faveurs du
seigneur Hasborg. On nous autorisait à nous produire au château.
Mais les seigneurs de l'ouest étaient déjà à cette époque
perpétuellement en guerre. Alors, un soir, alors que j'avais à peine
fêté mes huit ans, la cité fut attaquée, le cirque également. Ma mère
et bien d'autres de trouvèrent la mort.
Ironie cruelle du sort, ygor le dompteur de fauve survécu. Cet
homme était un ivrogne et ma mère avait longtemps repoussé ses
avances. Il nourrissait à mon égard une haine viscérale
probablement par ce que j'étais le rejeton d'un autre. Au courant de
ma capacité de métamorphose, il fit de moi l'une de ses bêtes. Je
couchais avec les animaux dans la cage et mangeait dans leur
écuelle. Je ne devais jamais reprendre ma forme humaine, sinon
j'étais roué de coups de fouet. Le cirque fut rebâti et les Hasborg
survivants se bousculèrent afin de voir l'homme-bête... Mon père ne
fut pas de ceux-là. Il avait lui aussi trouvé la mort dans l'attaque
des Djemerker. Les années passèrent et je gagnais en force. La
société des fauves m'avait quasiment ôtée toute humanité. Le fouet
n'était plus aussi douloureux et ygor plus du tout terrifiant. Je
quittais le cirque alors que je venais d'avoir quatorze ans. Non sans
avoir envoyé l'ivrogne présenter ses excuses à ma mère pour la
façon dont il m'avait traité. Il me fallait gagner mon pain et la cité
était encore et toujours assaillie. Les Hasborg étaient de fiers
Mardes et ils refusaient de reconnaître la domination des
Djemerker leurs ennemies héréditaires, établis par le roi comme
210

gouverneur de l'ouest. Je m'engageais dans l'armée en tant que


simple soldat. Et fut envoyé sur les champs de bataille sans
expérience ni entraînement. Je fus cependant un guerrier farouche.
Et je finis même par conduire les troupes Hasborg à leur première
victoire. Rapidement, je montais en grade et je fus présenté au duc.
Loin d'imaginer que j'aurai pu être son neveu, Il attribua mes
cheveux roux à mon don et non à une quelconque haute
ascendance. Il me confia le commandement de ses troupes. Au fur et
à mesure, j'accumulais les succès face aux troupes ennemis. Nous
devînmes même plus audacieux et harcelions les Djemerker
jusqu'aux murailles de port bastion, leur fief ancestral!
Complètement aux abois, le duc Chamberlin fit appel au roi et ce
dernier bien heureux de rappeler aux Djemerker qui détenait le réel
pouvoir, déchaîna sur nous toute la puissance de la flotte du sud. La
première fois que je vis le capitaine Nagga Cikaly, ce fut sur un
champ de bataille. Je sus alors, que je me trouvais dans le camp des
vaincus. Quelques-uns de mes hommes rescapés et moi-même, nous
fûmes faits prisonniers. Le duc Hasborg perdit sa tête exécuté par le
dragon des mers et ses terres furent attribuées au duc Chamberlin.
Il fut confirmé dans ses fonctions de protecteur de l'ouest et reçu le
titre d'archiduc. Quant à nous, on nous offrit de rejoindre les mines
pour expier nos crimes. Nous avions brisé la paix du roi et nous
nous étions rebellés contre l'autorité établie. Après cinq ans dans
les mines, j'avais extrait plus de granit que n'importe quel
prisonnier. Le contremaître me fit mander. Il ne pouvait me rendre
ma liberté, mais il pouvait changer mon statut et je pouvais
travailler comme salarié. J'acceptais, travaillais tant et si bien que
je fus bientôt en mesure de payer ma caution de libération auprès
du vicomte de Djarengolkoden.
C'est en homme libre que je partis sur les traces du seul être
qui m'avait autant marqué par son charisme et sa force que ma
propre mère. Je la retrouvais alors que son vaisseau amiral: le
Léviathan, mouillait dans les eaux de Gargan. Je demandais la
grâce d'intégrer la flotte du Sud. On me conduisit face à Nagga
Cikaly. Honneur ultime: le capitaine se souvint de moi. Je fus
211

affecté au Léviathan en tant que moussaillon. Les grades n'avaient


pas de valeur pour moi. J'étais heureux de servir librement mon
capitaine. Nous avons mené tant de missions pour le compte du roi
et nous avons rempli chacune d'elles avec dévouement. Un jour,
après que j'ai passé plus d'une dizaines d'années au service du
dragon des mers, nous fûmes convoqués par le roi. Il nous fallait
comparaître devant sa majesté, je fus envoyé représenté mon
capitaine munit d'une missive scellée.
Le lendemain de mon arrivé à bord du fléau, [initialement un
vaisseau de la flotte du sud], le roi me fit mander et devant la cours
lu le message que lui avait adressé le dragon des mers. Mon
capitaine annonçait qu'elle m'avait jugé digne d'occuper la charge
de corsaire... Le roi entérina sa décision et à compter de ce jour je
fus Valarion, capitaine corsaire de la flotte de l'Ouest... Je dois tout
au capitaine Nagga Cikaly. D'aucuns pensent qu'elle n'a pas de
cœur. Mais moi, je sais bien qu'il renferme un trésor. C'est
pourquoi, elle le garde soigneusement fermé Et ne l'ouvre pas à
n'importe qui."

Extrait des notes du capitaine corsaire de la flotte de l'ouest


Valarion, dit l'ogre.

Le sous-bois qui séparait la plaine des souffles, des montagnes


de Lanssalbion était gorgée de vie et verdoyant. Chaque buisson
semblait être la demeure d'une divinité sylvestre et le ruisseau
brillait tant qu'on eut pu s'imaginer que quelques nymphes venaient
de s'y abreuver.
Mais de nymphe il n'y avait point, juste la petite princesse
puînée de la maison Pandéra.
L'eau du ruisseau était claire. Latavia jugea qu'elle pouvait y
boire sans risque d'attraper une maladie digestive. Elle se baissa et
212

remplie ses deux paumes jointes avant d'approcher délicatement ses


lèvres. Elle but jusqu'à satiété puis, se perdit dans la contemplation
de la nature environnante. Un chevreuil, se tenait immobile entre les
frondaisons et observait la jeune princesse. Elle repéra la bête, dont
la robe châtain, tranchait quelque peu avec le vert chlorophyllien de
la végétation environnante.

-Humpf!

Le grognement de l'ogre fit détaler l'animal, au grand regret de


la jeune fille. Quittant le bord du ruisseau, Latavia se rapprocha du
bivouac dressé par le capitaine Valarion.
Assis sur une souche de bois, en face des restes d'un lièvre cuit
à l'aide d'une broche rudimentaire, il n'en finissait pas de ruminer sa
douleur et d'examiner sa blessure à la cuisse droite.

Durant leur fuite, Latavia avait remarqué qu'il saignait, mais


comme le capitaine n'avait pas montré de signes de faiblesses, elle
ne s'était pas inquiétée. Elle s'accroupie devant lui au moment où
Valarion s'apprêtait. À poser la lame d'un poignard rougie au feu sur
la plaie. Craignant de la blesser, il sursauta maladroitement et fit
tomber le poignard.

-Voyons! Votre Al [...]

Le reste de l'exclamation s'étrangla dans sa gorge.


Latavia approcha ses mains frêles de sa jambe et un flux
d'énergie jaune se mit à circuler entre les tissus lésés. Une minute
plus tard, la blessure était entièrement guérie.
Elle releva la tête vers le capitaine et lui sourit l'air de rien.
Ce dernier demeura silencieux.
213

La seule fois où il avait été témoin d'une telle guérison c'était à


la capitale. Le jour où la gardienne sauva la vie de l'évêque de
Pandragon. Il l'avait retrouvé brûlé au troisième degré, sous les
décombres du temple de la troisième déesse et Hérionne l'avait
soigné en un temps record, de la même façon que Latavia venait de
guérir sa plaie.

En temps normal il aurait dû se régénérer lui-même. Mais il


s'en trouvait incapable. La lame qui avait fait l'entaille devait être
imprégnée de quelque poison.
Il contracta les muscles de sa jambe, et constata avec
émerveillement que ce fut comme s'il n'avait jamais été atteint. Ils
allaient pouvoir reprendre leur progression plus vite, pensa t'il
rasséréné.

Valarion observa encore la princesse, ses cheveux taillés à raz


mettraient sans doute plusieurs semaines à repoussés. Bien qu'elle
semble encore avoir maigri au point que son visage naguère rond
était à présent émacié, ses grands yeux bleus, donnaient l'impression
d'être deux cristaux reflétant la lumière du soleil. Ils irradiaient
d'une telle force et d'une telle sagesse que le doute n'était plus
permis. D'une manière ou d'une autre, Hérionne avait trouvé un
moyen de transmettre ses pouvoirs à la princesse. Probablement
dans une situation désespérée se dit le capitaine. Même s'il brûlait de
comprendre, il se souvenait que son rang ne l'autorisait pas à
questionner une princesse de sang royale. Il devrait attendre de
l'avoir ramené à la capitale pour obtenir des réponses.

Au-dessus de leur tête, le ciel était bleu, alors Latavia sursauta


lorsqu'au loin elle entendit le tonnerre gronder.
Elle se leva et regarda en direction des montagnes de
Lanssalbion où des nuages s'amoncelaient.
Valarion plissa les yeux et remarqua qu'une sorte de fumée
s'élevait vers les cieux. C'était comme si un incendie s'était déclaré
sur la montagne.
214

-Humpf!
Grogna t'il mécontent.
Il ignorait ce qui avait causé cela, mais il n'avait pas envie
d'aller vérifier, surtout pas avec la princesse. Ils changeraient
d'itinéraire. Au risque de faire face à d'éventuels poursuivants.
A présent que sa jambe était remise, il était certain de pouvoir
mener à bien sa mission.
De plus, personne ne les avait vus quitter Hurlevent. Valarion
avait su se faufiler dans les ruelles infestées de soldats sur le qui-
vive grâce à un plan audacieux!

La princesse, toujours vêtue de sa toge s'était faite passer pour


une novice de la déesse unique. Elle était allée prévenir les gardes
en faction qu'un étranger se trouvait dans la pyramide. Ces derniers
ne l'ayant jamais vu n'avaient pas pu reconnaître celle qu'ils
retenaient captive dans cette chétive enfant visiblement mal nourrie.
Chacun savait que la princesse Latavia portait de longues boucles et
affichait un certain embonpoint.
Les soldats du phénix avaient fait encercler la pyramide et
firent le siège de la place, alors que Valarion et la princesse
s'enfuyaient sans être inquiétés. La ville ne pouvait plus compter
sur la muraille de Jade, ils la traversèrent d'une seul traite, de même
que la plaine des souffles et s'autorisèrent leur première halte dans
ce bois.

-Je sens une grande source de pouvoir là-bas!


S'exclama la princesse en désignant les montagnes du doigt.

-Nous allons donc partir à l'exact, opposé contraire! Conclut


l'ogre.
215

Saisissant mangecoeur sa lame imposante, il se redressa d'un


bon et prenant la main de la princesse, fit ce qu'il venait de déclarer.
216

L'eau fumait dans la petite casserole en fer, suspendue au-


dessus du feu de bois. Sina y puisa une grande louche et la versa
dans son gobelet, puis repartit s'assoir sur sa souche de bois. Il
souffla sur l'infusion dont il se dégageait une vapeur blanche Et
pressa ses paumes de main contre le métal afin de se réchauffer un
peu. Le jour se lèverait bientôt, sur le campement et se serait la fin
de son tour de garde. Il jeta un coup d'œil circulaire à ses frères
endormis. Une centaine, enroulée dans des sacs de couchage, leurs
armes à leurs côtés. A les voir ainsi, nul n'aurait cru qu'il s'agissait
de prêtres. Frère de la milice depuis bientôt une décennie, Sina avait
intégré la branche très fermée des sicarius il y'avait à peine un an et
ceci était sa première mission. Cela faisait une semaine qu'ils étaient
partis d'Avalon, le comté situé à un kilomètre de la capitale, servant
de base à son ordre. Sa sainteté, le grand prêtre Mazarin, s'était lui-
même déplacé pour leur confier cette mission très spéciale.
L'ordre des sicarius ne comptaient qu'une centaine de frères
jurés. Tous des prêtres guerriers, arpentant la voix de l'assassin. <<
Pour l'accomplissement de la justice divine>>! Comme le disait la
doctrine de saint Adolfos. Sina en était persuadé, ils étaient
l'instrument de cette justice. Refusant la tiédeur de l'inaction, il avait
fait vœux de chasteté et de fidélité devant la stèle d'Agénor, la
déesse au glaive. Il avait alors reçu des mains du vieux prêtre
Ptolémaüs, un poignard et une ceinture, signes de son appartenance
à l'ordre.
Les oiseaux commençaient à chanter, Et l'horizon se nimba
d'une lueur magenta.
Un à un, les frères se réveillèrent. Ils procédèrent à leurs
ablutions rituelles dans le silence le plus complet et Sina se joignit à
eux pour le chant des laudes matinales.

Leur voix parfaitement harmonisées s'élevaient jusqu'aux


cieux, Et remplissaient la nature environnante, vibrant hommage à
la deuxième déesse. Selon le livre de la lumière, Agénor était-elle
217

même descendue des cieux, offrir un glaive à Kadmos, premier des


prêtres alors qu'il avait passé trois jours Et trois nuits à prier et
jeûner. Demandant la grâce de la conversion pour le peuple Nîmes,
animistes et païens.
Il avait rejoint la croisade du roi Archéus Pandéra contre les
Nîmes Et l'assista dans son règne glorieux. Ce glaive, c'était
aujourd'hui Sina et ses frères qui le brandissaient contre les ennemis
de la foi, ceux de la couronne et Celle qui avait osé verser le sang
des prêtres martyrs, lors du procès noir.

Après les laudes matinales vint l'heure du petit déjeuner, un


repas loin d'être frugal fut pris dans le silence. Assis en petits
cercles, les frères partageaient le pain et la tisane chaude, les sicarius
indifférents à la beauté du soleil levant sur les montagnes de
Lanssalbion, mangeaient en toute hâte. Ils avaient choisi un
itinéraire qui serpentait entre les montagnes de l'Est car, s'était un
chemin abandonné par les voyageurs. En effet, depuis la bataille de
la vallée de Lanssalbion, marquant la fin de la conquête totale, les
peuples de l'Est considéraient la région comme maudite par le sang
des chevaliers tombés au combat. Des légendes locales racontaient
que les montagnes étaient hantées. Bien entendu, les sicarius
n'accordaient aucun crédit à ses ragots de non croyants. Enfin,
normalement...
Emmitouflé dans une cape sombre, une silhouette spectrale
s'avançait vers leur campement. Sina l'aperçut Et oublia de mordre
dans sa miche de pain.

Il donna l'alerte, Et l'ensemble de ses frères se ruèrent sur leurs


armes, prêts à en découdre avec le fantôme. Au fur et à mesure
qu'elle se rapprochait, la vision se précisa. C’était un homme d'os et
de chair. Peut-être un vieillard, car ses longs cheveux argentés
dépassaient de sa capuche, soulevés par le vent du matin. Sina
consulta le frère Boris du regard.
En mission, les sicarius ne devaient être vu par personne. Nul
ne devait voir la main agissante de la déesse! C'était la règle, mais
218

ils n'étaient pas des barbares et si le vieil homme était assez naïf
pour les prendre pour une bande de mercenaires ou pour ce qu'ils
étaient en réalité, c'est à dire des prêtres, ils le laisseraient aller son
chemin.

-Qui va là? Cria Sina à l'adresse de l'homme, plissant les yeux


pour apercevoir son visage. Peine perdue, il arrivait du côté d'où le
soleil se levait. Seule sa voix permis à Sina de se faire une idée de
son âge.

-Un voyageur affamé! Je loue la miséricorde d’Aliénor! Quelle


aubaine de tomber sur d'autres voyageurs en ces montagnes isolées!
Répondit l'étranger. C'était un jeune homme, svelte, recouvert de
pieds en cap d'un manteau garni de fourrure sombre.

-Rangez-vos poignards! Lança le frère Boris. Ce que firent les


autres rapidement.

Sina nota que le nouvel arrivant avait mentionné la première


déesse, Aliénor, sœur aînée d'Agénor, vénérée pour sa douceur et sa
bienveillance à l'égard de tous les êtres vivants. Elle était la déesse
de la vie, et en toute chose bonne, on voyait sa divine main. C'était
donc un croyant. Curieux... Cependant, il ne le releva pas à l'instant.

L’homme abaissa sa capuche, et Sina remarqua que ses


cheveux gris, tranchaient avec sa jeunesse. Les yeux noirs et les
sourcils fournis de la même couleur, une boucle dorée scintillant à
son lobe, le port noble et front haut. Il n'avait vraiment rien d'un
voyageur affamé. Pourtant, il demanda:

-Partageriez-vous avec moi, un peu de votre pain?


219

Cette fois-ci le frère Boris consulta les autres derrière lui.


Plusieurs d'entre eux semblèrent se désintéresser du jeune homme.
Et commencèrent à replier leurs sacs de couchage. Seul Sina
continua à darder sur lui un regard inquisiteur.
Avant d'intégrer l'ordre des sicarius, il avait officié comme
diacre à la cathédrale de Pendragon. Il avait déjà vu ce visage...
Mais ne parvenait pas à se souvenir d'où.

-Le pain est sec et la tisane n'est pas sucrée! Prévint le frère
Boris de son ton bourru.

-Ça m'ira! Voilà deux jours que je n'ai rien mangé.


Répondit L'inconnu en avançant jusqu'au cercle.
-Prendre la route sans provisions, voilà une entreprise bien
étrange...
Remarqua le frère juré qui lui tendit une miche de pain et un
gobelet.

-N'est-il pas écrit dans le grand livre: ne te soucis pas des


moyens, cherche seulement la sagesse de l'ancienne, arme toi du
courage de la sauveuse et Mets-toi en route?

Le frère juré acquiesça:

-Vous êtes donc croyant...

-Je le suis, baptisé dans la foi des trois déesses, deux jours
après ma naissance. Le grand livre fut le premier ouvrage que je
terminasse une fois que je susse lire.
220

-Je pensais qu'il n'y' avait plus un seul adepte de la véritable foi
dans tout l'Est.
Intervint un autre frère.

-Partout les cathédrales brûlent depuis que la catin d'Hurlevent


a trahi. Rajouta un autre.

Sina nota que les traits du jeune homme se durcirent un instant.


Il l'attribua au mépris que lui aussi devait sans doute éprouver pour
l'archiduchesse Jenevah Lancélhion.

Le jeune homme s'assit sur une souche de bois Et mordit dans


le pain. Le frère Boris avait dit vrai. Il était sec! Il avala une gorgée
de la tisane et trouva cela infecte! Toutefois, il ne laissa rien
transparaître.
-Et vous? Seriez-vous des prêtres en fuite?

Sina Et Boris échangèrent un regard furtif. Le premier répondit:


-C'est cela même.
Il enchaîna afin d'éviter à avoir à répondre à d'autres questions:
-Mais dis-nous quel est ton nom? Où vivais-tu? Où comptes-tu
te rendre? Il n'y a pas un seul endroit sûr à l'Est du royaume pour les
croyants... L'ignores-tu?

Le jeune homme reprit une gorgée de tisane. Elle semblait


moins amère.

-voilà bien des questions... Les réponses sont complexes. Êtes-


vous certains de les vouloir? Un croyant ne doit point travestir la
vérité ... Je devrai vous répondre sincèrement, Si vous insistez.
221

-Nous ne demandons que cela. Repartit calmement un frère


assis en face de lui.

-Très bien. Je suis un assassin! Et je fais à présent route vers


Hurlevent afin de prendre le cœur de la cruelle de Jenevah
Lancélhion !

Sina sursauta... Les frères jurés se mirent à murmurer.


Le jeune homme continuait à boire sereinement.

-Tu te gausses de nous! Intervint de nouveau le frère assis en


face de lui.

Lentement, Sina porta la main à son poignard dissimulé sous sa


tunique ample.

-Vous ne me croyez pas?! Désirez-vous que je le jure sur le


glaive d'Agénor?

-Nul besoin de blasphémer. Il n'est pas bon de jurer sur les


déesses. Mais quand bien même, tu dirais vrai, pour quel maître
travailles-tu? S'enquit Sina

-Je ne sers que moi... Répartit calmement l'étranger.

Cela devenait amusant,

-Et quelle arme utiliseras-tu? Le glaive?


Se moqua le frère Boris.
222

-Hélas je n'en ai pas une assez bonne maîtrise! Le feu sera mon
arme.

-Le feu?

-Oui...

Le frère Anicet cracha avec mépris.

-C'est un simplet!

-Du moment qu'il règle mon affaire je m'estimerai satisfait....


Poursuivit l'étranger l'air absent.

-Tu mens! Tu n'es pas assassin, peut être étais tu marchand ou


je ne sais quoi d'autre mais tu n'as jamais ôté la vie. Autrement tu
saurais qu'on ne se vante pas ainsi lorsque l'on s'apprête à en prendre
une. C'est Agénor qui tranche le fil de la vie. Les hommes ne sont
que ses instruments!
Intervint de nouveau Sina.

L'étranger, esquissa un sourire:

-Vous avez raison... Dit-il posément.

Les frères jurés le dévisagèrent tous.


223

-Je ne suis pas un assassin. Pas encore du moins, Mais, je vais


bientôt le devenir...

Les frères jurés murmurèrent entre eux, se demandant quel


crédit il fallait accorder aux propos de cet homme. Soudainement, la
nuit tomba sur le campement...Le jour était pourtant paru une heure
plutôt.

Les sicarius levèrent la tête. Un rugissement terrifiant déchira


l'espace.

-Par Aliénor! Qu'est-ce que cela?


S'exclama le frère Boris...

-Oh cela? C'est le feu...


Répondit l'étranger.
Sa voix fut couverte par un cataclysme sonore. La fin des
temps semblait venue pour les sicarius, autrement comment
expliquer la présence de ce monstre tout droit venu des enfers au-
dessus de leur tête?

Pygmalion, le dragon millénaire se posa, provoquant un mini


séisme sur la montagne entière. Les arbres au tronc noueux furent
déracinés par le souffle de ses ailes sombres et la nature toute
entière semblait craindre l'ultime prédateur descendu des cieux.
Sina le premier, laissa tomber son glaive. Nulle foi n'aurait pu
les sauver, du destin funeste qui était les attendaient. L'effroi qu'ils
ressentaient n'avait d'égale que l'effarement que produisit sur eux la
vue du monstre crachant un geyser de flamme dans les airs.
224

-Par A [...]! Voulu s'exclamer le frère Boris. Ses frères ne


surent jamais laquelle des déesses il voulut invoquer. La queue du
monstre, garnie de longues protubérances osseuse, lui donnant
l'apparence d'un fléau d'arme, vint percuter son tronc!
La cage thoracique du malheureux vola en éclat.
Dans les rangs des sicarius se fut la débande.

Ils laissèrent sur place leur sac de couchage, comme s'ils


avaient su , que plus jamais ils n'en auraient eu besoin. Ils auraient
abandonné leur poignard et leur ceinture, symbole de leur
appartenance à l'ordre si cela avait pu les lester un tant soit peu.
Hélas, pygmalion était aussi suprême dans le ciel que sur la terre.

Il étendit son long cou Et happa dans sa gueule aux crocs


terribles deux frères jurés, il en écrasa un sous sa patte, le réduisant
en bouillie. Le reste, fut englouti par les flammes.

Liam, prince de l'archipel des nimurdes, second fils de sa


majesté le roi Léo II, se tenait au milieu de ce qui avait été le
campement des sicarius. Au milieu des ossements calcinés. Un vent
venu d'Ouest souffla et Certains crânes partirent en poussière. Le
feu dragon était d'une telle intensité qu'il pouvait même faire fondre
la roche.
L'espèce des dragons était naturellement télépathe comme les
hommes étaient naturellement bipèdes. La voix millénaire de
pygmalion retentit dans l'esprit du jeune prince.
Grâce à sa boucle magique Dragnir, le prince décodait la
langue draconnique et il avait pu tisser un lien unique Avec la
créature.
225

" Ces morts, sont les tiens prince des hommes! Tu sais à
présent quel était le sens de mon avertissement.»

Oui, Liam s'en souvenait. Jenevah Et lui étaient amants depuis


leur adolescence. Elle, la première fille de l'archiduc Charles
Lancélhion, gouverneur de l’Est. Et lui, second fils du roi de toute
l'archipel, feue sa majesté Léo II Pandéra. Les Lancélhion étant
vassaux des Pandéra depuis la reddition de Tierry le couard, leur
amour n'aurait dû connaître aucun obstacle. Cependant, le roi Léo II,
préoccupé par l'unification du royaume, Et désirant freiner le repli
identitaire qui menaçait l'hégémonie de la famille royale, décida de
fiancer la fille aînée du gouverneur de L'Est à son premier fils Lyor.
Cette décision, prise sans consulter les concernés comme il
était de coutume dans les grandes et anciennes maisons, empêcha
Liam et Jenevah de vivre leur amour. Si au moins ils avaient pu
compter sur la distance entre les deux bastions de leurs familles
pour s'oublier, la fin aurait pu être tout autre. Ce ne fut point le cas.
Celle qui avait succédée à son père à la tête du duché,
d'Hurlevent, fut contrainte de quitter sa cité natale pour recevoir une
éducation digne de la future reine à la cours du roi.
Jenevah fut si assidue à ses leçons, qu'elle devint la grande
instructrice royale. Le roi Léo II, la chargea d'enseigner l'étiquette
aux jeunes filles fraîchement arrivées à la cours, avant de finir par la
présenter officiellement aux nobles comme la fiancée de son
premier fils. Jenevah grandissait et s'épanouissait en grâce et en
beauté. Au point de devenir la plus belle femme de la capitale.
Cependant, nul n'osa soupirer auprès de la pupille du roi. Excepté
son amant de toujours. Le frère cadet de son fiancé.

Les deux amoureux s'étaient disputés un peu avant les


événements qui précédèrent le procès noir.
Liam quitta la capitale en quête de réponses et d'inspiration. Il
trouva Pygmalion.
Jenevah s'enfuit de la capitale en quête de sécurité et
d'apaisement. Elle trouva la guerre.
226

Leur destin était Si étroitement lié, que Liam sourit face à sa


propre naïveté. Il aurait dû comprendre le sens de la prophétie du
dragon bien plutôt!
"Des heures sombres arrivent et tu devras choisir ton camps."

Le jeune prince tomba à genoux. Il posa ses mains sur la terre,


tout n'était que cendre chaude... Les cris des sicarius mort sifflaient
encore à ses oreilles. Lyor avait eu raison de le mettre en garde, ôté
la vie n'avait rien d'aisé. Complément bouleversé, il se serait lacéré
le visage si sa manucure n'avait pas été parfaite.
Il regarda ses mains, elles lui semblèrent écarlates.
Il tremblait de tout son être.
En massacrant les sicarius, Il avait fait pencher la balance
irrémédiablement.
Il aimait Jenevah. Il était fou d'elle. Intensément. Jusqu'à
l'abrutissement. Jusqu'à la damnation!
Et cet amour fut son salut.
Il se souvint soudain qu'il n'était qu'à un battement d'ailes de
son aimée.
Il se remémora son sourire divin.
La douceur de sa peau et son odeur. Momentanément, son
esprit fut apaisé.

Fuir cette horreur! L'enfouir dans son esprit et l'oublier!

L'œil du dragon flamboya. De la fumée s'échappait de ses


immenses nasaux.
Terrifiant, il abaissa l'échine.
227

Le prince Liam grimpa sur sa céleste monture.


Les montagnes de Lanssalbion furent témoin d'un massacre de
plus, pensa le prince à la chevelure argentée tandis qu'il s'envolait
sur le dos du pygmalion.

Le feu du dragon avait réchauffé l’atmosphère. Un éclair


déchira les cieux. Et une pluie fine commença à tomber.
228

Le soleil couchant vu depuis la terrasse des appartements de la


reine Jenevah était un spectacle grandiose. L'immense disque
orangé, nimbait l'atmosphère de colorations merveilleuses. Debout,
une cape de satin sur ses épaules et parée des couleurs de sa maison,
la reine méditait silencieusement.
Brisant la quiétude qui régnait dans sa chambre, un chevalier fit
son entrée et annonça:

-Votre majesté, messire Bako désire une audience...

Jenevah tourna à peine la tête, de sorte qu'elle n'offrit que son


profil au garde, qui se découpait gracieusement sur l'astre achevant
sa course.

-Que me veut-il?
Demanda-t-elle.

-Il souhaite sans doute faire son rapport...

Jenevah prit une grande inspiration comme si cela lui coûtait de


se retenir et dit avec hauteur:

-Dites-lui qu'il n'est pas le bienvenu en ma présence. Je ne


souhaite pas être dérangé
229

Le soldat visiblement gêné, attendit un instant espérant sans


doute que sa reine reviendrait sur sa décision.

-Eh bien! Qu'attendez-vous?!


Le somma-t-elle.

Le garde tout à son désarroi, effectua une révérence raide et


sortit.

Il poussa la porte de la chambre royale et sursauta en tombant


nez à nez avec la duchesse Aliyah.

-Ma sœur se trouve t'elle en ses appartements?


Le questionna t'elle

-Oui votre grâce... Mais il semble qu'elle ne désire pas


recevoir...
Balbutia-t-il en guise de réponse.

-Et pourquoi cela? Écartez-vous!


S'insurgea Aliyah...
Sans autre forme de procès, la duchesse de Vaghar pénétra
dans la pièce.
Le soldat demeuré dans le couloir croisa le regard de Bako qui
attendait toujours sa réponse.
Il déglutit lentement avant de lui transmettre le refus de la reine
de le recevoir.
Le grand commandeur de l'ordre du phénix tiqua mais, au
contraire de la duchesse, il se contenta d'adresser un signe de la tête
au garde et s'en fut.
230

Quand elle entendit la porte s'ouvrir de nouveau, Jenevah


tonna:

-Je pensais avoir été claire! Je ne veux pas être dérangée!

-Ma sœur...
Répondit doucement la duchesse...

Jenevah se retourna vivement. Elle échangea un regard de


braise avec sa cadette et ajouta :

-Par quiconque...

- Je vous en prie, écoutez-moi...

-Qu'avez-vous à m'apprendre que je ne sache déjà duchesse?

Aliyah accusa le coup...... Elle n'eut pas besoin d'user de son


don pour comprendre que l'échange serait houleux. Elle décida
d'être brève.

-il semble que l'ogre et la princesse se soient enfuis... Nous


n'avons trouvé nulle trace d’eux dans la pyramide... Et [...]

-Pouvait-il en être autrement!? L'interrompit brutalement


Jenevah
231

-Je ... Je vous demande pardon? Balbutia la cadette

-Dites-moi Aliyah qui de nous deux a été faite reine?

Sans savoir où sa sœur voulait en venir, Aliyah répondit:

-Vous ...

-Qui de nous deux a été éduquée pour régner?


Poursuivit Jenevah en avançant vers la duchesse.

-Vous ...

-Qui de nous deux connaissait le mieux le capitaine Valarion et


la gardienne?

-Vous...

-Alors comment ce fait-il que ce soit vous qui aillez pris toutes
les décisions récemment?

-Je ... Je ne les ai pas prises seule! Le conseil tout entier les a
prises en votre nom!
Se défendit Aliyah...

A mesure que Jenevah se rapprochait d'elle, l'air tremblait et la


chaleur de la pièce augmentait. Aliyah porta un regard effrayé sur sa
sœur.
232

Il lui semblait que ses yeux étaient devenus des oriflammes.


Dans ses pensées elle lut clairement qu’elle luttait pour ne pas
laisser éclater son don. Lui envoyer des images mentales apaisante
ne changea rien.

-Qui a institué un conseil? Qui a décidé qu'il avait le pouvoir de


légiférer en mon nom?

-Ma sœur...

-Réponds! Tonna la reine

-Moi votre majesté...

-Pouvez-vous lire dans mon esprit Aliyah?

-Je n'oserai votre majesté...

-Cela ne vous serait guère utile... De toute façon... Sachez que


vos actions ont provoqué mon courroux. De tous, j'attendais une
trahison sauf de mon propre sang!

-je...

-Taisez-vous!

Jenevah contourna sa sœur et se tint devant la porte

-Garde!
233

Tonna-t-elle de nouveau.

Précipitamment, en réponse à son appelle, les deux battants


dorée s'ouvrirent.
Jenevah se tint devant l'encadrement un instant.

-Le conseil est dissout... Je suis la reine et je prends toutes les


décisions... Quiconque contreviendra à ceci, sera jugé pour haute
trahison et brulé vif! Faites rédiger sur l'heure une missive à
l'adresse de tous les seigneurs de l'Est, ayant fait acte d'allégeance à
notre maison. Dites leurs que la reine Jenevah, convoque son banc.
Puisque que vous avez tout fait pour que cela soit, nous partons en
guerre!
Dit-elle sèchement.
Ayant dit cela, Jenevah sortit.
Aliyah sursauta lorsque les battants claquèrent...

Le phénix était enfin sorti de son nid pensa t-elle alors. Gare à
ceux qui seraient pris dans ses serres.
234

La mer était calme et le port brumeux, néanmoins, les hautes


tours d'Avalon étaient visible de loin.
-Terre en vue!
Hurla le soldat Djemerker du haut de la vigie...

-Ramenez les voiles! Ordonna le seigneur Byron l'air bougon.


Alors qu'ils entraient dans le port d'Avalon, ils furent saisit par
la quantité de navires qui avaient accostés là et par la taille de deux
d'entre eux. L'un était si imposant qu'ils ravalaient le leur au rang de
galère.

-Qu'est-ce c'est que cela?!


S'étonna la duchesse Mydoral lorsque son regard tomba sur un
navire si

Jorymm le diplomate se rapprocha d'elle et entreprit de lui


expliquer

-Celui avec la tête de dragon c'est le Léviathan! Le vaisseau du


capitaine corsaire Nagga Cikaly. C'est le bateau le plus grand qui ait
été conçue depuis le Rubrum libertas, aujourd'hui connu sous le
nom de dame rouge...

-Ces deux navires ont appartenus a la glorieuse Sayida...


Affirma le baron Byron.

-C'est exact! Je suis d'ailleurs curieux de ne pas voir le navire


du kraken, je la pensais à la capitale...
235

Dit pensivement Jorymm

-Pour une fois vous ne serez pas le premier au fait de tout! La


capitale pourrait ne point me déplaire.
S'exclama la duchesse.
Comme pour palier à ce qu'il considérait comme un déficit,
Jorymm points du doigt le second navire et dit:

-Nul ne peut tout savoir en tout temps. Cependant je puis vous


dire à qui appartient le deuxième bateau.

Mydoral plissa les yeux tant il était loin d'eux. Elle n'en
distinguait que la forme:

-Il doit s'agir du navire d'un autre capitaine corsaire, serait-ce le


fléau?

Demanda-t-elle

-Non votre grâce. C'est l'Adonis! Du capitaine corsaire


Merhvouivre. Dit le véloce.... Son navire est le plus rapide de tout
l'archipel!

Répondit Jorymm

-Si j'en crois vos dires, deux capitaines corsaires se trouvent


encore à la capitale... C'est donc que les deux autres sillonnent les
mers! Comment se fait-il qu'il y'ait encore des pirates aux quatre
coins du royaume?

-Votre grâce ignore justement que le capitane Valarion a été


envoyé comme émissaire de la couronne à l'Est, aux côtés de la
236

gardienne longtemps avant que la situation ne dégénère


complètement entre les Lancélhion et le trône. A présent que les
négociations ont échoué et que nous sommes sans nouvelles de la
gardienne et de l'ogre, le jeune roi a décidé d'envoyer le capitaine
Kal'ouh'na Tanshal récupérer sa sœur par la force et mettre un terme
à la rébellion de l'archiduchesse Jenevah. Nous venons de l'ouest et
la flotte du kraken est partie pour l'Est. Le roi enverra sans doute un
des deux capitaines corsaires restant, régler la question de
l'insécurité des voix maritimes.

La traversée leur avait pris prêt d'un mois, ils auraient pu être
plus rapide si la duchesse Mydoral ne s'était pas fait un devoir de
nettoyer leur chemin de la racaille qui s'y trouvait. Les pirates
grouillaient sur les eaux intérieures, et même si maintenant fuyaient
à l'approche des navires Djemerker, ils avaient tout d'abord failli
leur causer de sérieux ennuis au large de Vartagême, l'île aux
saphirs. Selon Jorymm, les pirates en avaient sûrement fait leur
quartier général, passant au fil de l'épée les hommes de la
Vermarme qui étaient sensées surveiller les mines.

Mydoral désira s'en charger mais le jeune diplomate la retint:

-Votre grâce, il ne vous appartient point de régler ce problème.


Cette responsabilité incombe au roi.
Lui avait-il dit.

-Y'a t-il un mal à ce que je le fasse en son nom?


S’enquit-elle. Les longues journées paisibles passées en mer
avaient aiguisé son appétit pour la guerre.

Jorymm toujours diablement stratégique lui expliqua posément


son point de vue.
237

-Votre flotte est le principal atout que vous avez à offrir à la


couronne. Si vous engagez le combat avec les pirates je ne pense
pas que cela se fera sans que vous perdiez plusieurs navires et une
centaine d'hommes. Car bien que courageux et forts, vos hommes
n'ont pas l'habitude des batailles navales.

Mydoral tiqua. Comme c'était souvent le cas, le jeune homme


svelte au teint chocolat avait raison. Cependant elle était irréductible
par nature:

-Vous avez raison! Les hommes de port bastions excellent sur


terre mais pas sur les mers. Nous nous lancerons donc
systématiquement à l'abordage de tout navire pirate que nous
croiserons! Cela constituera un excellent entraînement pour mes
soldats.

Et ainsi fut dit, et ainsi fut fait. Bien que le comte Byron lui ai
fait remarquer que cela les retarderait considérablement, la duchesse
de Hasborg, donna la chasse à chaque bateau pirate que sa flotte
croisa. Mydoral en coula personnellement une dizaine...

Jorymm correspondait régulièrement avec le conseil grâce aux


faucons messagers, dont disposait chaque grand seigneur de
l'archipel. Ainsi, il sut que le couronnement avait eu lieu alors qu'ils
se trouvaient à deux semaines de la capitale. Chose qui n'affecta pas
du tout la cadence de leur voyage.

-Bah! Ce n'était qu'une cérémonie. Ce qui importe réellement


c'est la capacité de faire triompher les intérêts de la couronne. Sans
alliés puissants, il n'y parviendra pas.
Déclara Mydoral lorsque Jorymm lui porta l'annonce que Lyor
avait été fait roi.
238

A présent, que leurs bateaux entraient enfin dans la baie


d'Avalon, Mydoral semblait pensive...
Debout sur la proue de son navire amirale, ses cheveux roux
flottants sous la brise, elle observait les tours du château d'Avalon
sur lequel flottait l'étendard de la maison royale : un lion d’or
couronné sur fond rouge. Mydoral fut instruite comme tous les
enfants de hautes naissances aux armoiries des maisons et à la
géographie du royaume. Avalon était le premier château fort entre le
port et la capitale Pandragon. C'était une immense forteresse grise
aux tours monumentales. Si l'on voulait prendre le siège du roi, il
faudrait d'abord faire tomber Ce château. Et cela n'était pas une
mince affaire au vu de la taille des remparts. Toutefois, rien
d’impressionnant pour la duchesse d’Hasborg qui se borna à
remarquer qu’ils étaient moins grand que ceux de port bastion.
Le seigneur du château d'Avalon était le vicomte Augustus.
Son précepteur de géostratégie avait expliqué à Mydoral qu'à
proximité du siège de la famille royale, ne se trouvait que de petits
seigneurs, qui dépendaient entièrement du roi pour l'entretient de
leur fief. Les hauts nobles et autres puissants seigneurs étaient
cantonnés plus loin. Tenter de fédérer des forces trop grandes, et
trop proches pouvait provoquer un éclatement de l'intérieur. Il était
donc bon que chaque grand seigneur dispose d'une zone où il
pourrait jouir d'une certaine autonomie et établir son influence. La
duchesse avait été éduquée comme le futur gouverneur de l'Ouest.
On lui avait appris que les Djemerker avaient régné, sur l'ouest
jusqu'à ce que la glorieuse Sayida Alhura conquiert l'orgueilleuse
cité. Et depuis lors, il n'y avait plus eu de roi à l'ouest de la capitale.
Mydoral s'était plu à la guerre lorsqu'elle était adolescente. Mais à
présent qu'elle devenait femme, le pouvoir exerçait sur sa personne
un attrait véritable.
En effet, elle se savait promise au second prince du royaume,
un tel mariage ferait d'elle la seconde dame la plus puissante de
toute l'archipel, juste après la reine...
239

Mais pour qui connaissait bien la duchesse d'Hasborg, la


seconde place ne saurait suffire. Il était certain que d'une manière ou
d'une autre elle trouverait le moyen d'occuper la première.

-Votre grâce, l'encre est jetée, quelles sont vos ordres?


Demanda le baron de Lore.

Mydoral toujours contemplative, observait les hommes du


vicomte d'Avalon sur le port, s'avancer en file indienne vers le
débarcadère.

-Jorymm? Que conviendrait-il de porter en pareilles


circonstances, une armure ou une robe?

Le jeune diplomate se rapprocha:

-Ni l'un ni l'autre... Nous chevaucherons directement pour


Pendragon sans faire halte au château du vicomte. Le conseil nous
attend... Et notre arrivée constituera sans doute une des principales
attractions à la cours aujourd'hui. Une tenue élégante mais adaptée
pour la monte me paraît la plus adéquate.

Cette fois ci, Byron ne se laissa pas exclure de la conversation:

-Seriez-vous devenu styliste? Depuis quand un homme-fait,


parle t-il de jupon avec tant d’aisance?

Jorymm lui répondit avec un sourire sibyllin:


240

-Apprenez, Général que la première astuce en diplomatie est de


paraître sous son meilleur jour...

Mydoral sourit à son tour:

-Byron, nous nous apprêtons à pénétrer dans un monde bien


différent du nôtre. Ici, la rudesse de votre caractère risque de vous
desservir plus qu'autre chose. Je ne veux point d'esclandre. Tenez le-
vous pour dit.

-Bien entendu vote grâce...


Acquiesça humblement le baron.

C'était en effet une image assez cocasse que cette scène. Byron
était un guerrier massif, à la mâchoire carrée et à l'air terrible. Un
authentique baron Mardes. Mydoral quant à elle, était tout ce qu'il y'
avait de plus avenante, de taille moyenne, et légèrement potelée. Le
jeu des apparences faisait que la plus dangereuse des deux
personnes était celle qui en avait le moins l'air. Cependant, Jorymm
était un individu infiniment plus complexe, bien qu'incapable de
prouesse sur le champ de bataille, il était en mesure d'empêcher une
guerre avant qu'elle n'éclate si tel était son désir...
Son retour dans un tel contexte tombait à point nommé.

Malgré les requêtes du vicomte, qui insistait pour que la


duchesse et ses hommes l'aide à donner la chasse, aux voleurs
établis dans la forêt d'Avalon, Mydoral s'en tint au programme de
Jorymm et traversa la petite agglomération qui était née aux pieds
du château d'une seule traite.
241

-Votre grâce! Ces hommes sont dangereux! J'ai ouïe dire, qu’ils
paient des paysans pour cultiver des terres... A-t-on jamais vu des
brigands verser dans de telles activités? Je pense qu'ils se préparent
pour une opération d'envergure. Hors les terres d'Avalon sont les
plus proches de la capitale, nul besoin de vous dire ce que
représente un tel péril...
Exposa le vicomte

-Je me suis déjà occupée de quelques un de vos pirates, je ne


vais pas en plus donner la chasse à de vulgaires brigands! Vous avez
la Vermarme pour cela! Je suis attendue à la capitale!
Répondit sèchement la duchesse avant de partir au triple galop
sur son shire à la robe noire.
Elle laissa la moitié de ses hommes dans le port afin de
surveiller la flotte et emporta l'autre moitié.
A ces côtés chevauchaient Jorymm et le baron Byron portant
l'étendard de la maison Djemerker.
242

Les appartements du duc de Diop étaient une pièce mal


éclairée. D'étranges récipients, glougloutaient sur ses étagères,
reposant sur des flammes de faibles intensités. On s'étonnait que le
maitre des lieux, le Seigneur Anta arrive à se retrouver dans le fatras
qui l'entourait. Et pourtant! L'air soucieux il maniât avec dextérité,
une sorte de tourne vis rustique et à l'aide d'une lunette bien trop
sophistiquée pour qu'une description précise en soit faite par nul
autre que lui. Passant une main sur son front, il inspectait les
contours de sa toute nouvelle création.
Cette activité avait toute son attention, aussi sursautant il
lorsqu'il fut brutalement interrompu par l'entrée dans ses
appartements de son assistante.

-Seigneur Anta! Dit-elle avec affolement.

Le duc repoussa ses lunettes et ayant retrouvé son calme


naturel et son habituel ton doux, il répondit:

-Oui Agar?

-Une missive d'Hurlevent vient de nous parvenir!

Le duc releva un de ses sourcils fournis mais cependant


admirablement tracé en signe de perplexité.

-Ah bon? Et que contient-elle pour te mettre dans un tel état?


243

Lui demanda-t-il.

-La reine convoque son banc!

-Quelle reine?

Agar leva les yeux aux ciels.

-Vous passez toutes vos journées dans cette pièce. Elle est dans
un tel état de désordre que je ne saurai l'appeler appartement. Il n'est
guère surprenant que vous ne soyez au courant de rien!

-Tu ne réponds pas à la question Agar...

-Jenevah de la maison Lancélhion!

-N'est-elle pas duchesse? Ou s'est-elle déjà mariée au prince


Lyor?

La jeune fille aux cheveux simplement nattés soupira.

-Non votre grâce!

-Que t'ai-je dit au sujet de ces formules de politesse?


Reprit calmement le jeune seigneur aux cheveux crépus et au
teint noir ciré.
244

-Pardon !
S'excusa la jeune femme en baissant ses grands yeux noirs.
-Elle ne l'est plus! Sa majesté Jenevah n'a pas épousé le prince
héritier de la couronne comme cela était prévu. Suite à de
malencontreux événements, elle s'est enfuie de Pendragon et a été
couronnée reine de l'Est!
Reprit Agar.
-Oh!
S'étonna le duc.

-A présent l'Est est en rébellion contre la couronne, et une


guerre imminente se profile à l'horizon. Ce doit être la raison pour
laquelle elle invite tous les seigneurs vassaux de sa maison à se
joindre à son ost.
Poursuivit l'assistante.

Le duc rit doucement:

-Nous sommes donc des rebelles à présent?

-J'en ai bien peur mon seigneur...

-Voilà qui est intéressant, il y'a enfin un peu d'action dans le


monde extérieur, approchez très chère. J'aimerai que vous essayiez
ceci...

Dit-il en désignant son invention d'un geste de la main.

Agar observa l'objet avec perplexité. C'était une de caisse


métallique trapézoïdale avec des nombres inscrits sur les touches en
245

bois. Une sorte de bandelette en dépassait par une petite fente


pratiqué sur son côté.

-Qu'est-ce? Cela ressemble à votre machine à taper des


messages.

-Apparence similaire en effet, mais fonction différente! C'est


une machine à calculer!

-Pardon?!

Le duc s'approcha de son assistante avec transport, comme si


expliquer la nature et le fonctionnement de son invention était la
chose qui le remplissait le plus de joie.

-Imagine que tu désires savoir combien de moutards à Oulal...

Agar se retourna vers le duc avec perplexité:

-Je crains que cela soit impossible mon seigneur. Le chef de


votre garde à tant de bâtards qu'il y' a longtemps que j'ai perdu le
compte...
Le duc sourit tristement en réprimandant la jeune femme:
-Agar! Que t'ai-je dit au sujet de ces qualitatifs? Nul enfant ne
devrait être nommé ainsi!

De nouveau elle s'excusa platement:

-Pardon mon seigneur!


246

-Ce n'est rien... Reprenons! Il suffit de savoir qu'il a tendance à


faire au moins deux enfants à chacune des femmes qu'il fréquente.
Et de savoir qu'il' en a attiré une centaine dans son lit au cours des
six derniers mois! Ensuite j'entre ces données dans la machine. Et....

En parlant le duc appuyait sur les touches de son invention.


Quand il eut finit, elle se mit à grésiller et la bandelette blanche
s'allongea. Le duc déchira un morceau noirci par de l'encre. Souffla
dessus pour qu'il sèche et présenta le résultat à son assistante:

-Deux cents ?!

S’exclama-t-elle ...

-Ta surprise est-elle causée par le résultat ou par la célérité à


laquelle je l’ai obtenu?

-Un peu des deux mon seigneur.


Balbutia Agar...

-Bien il me faut la parfaire encore un peu mais j'ai bon espoir


qu'elle simplifie grandement la tâche de dame Déborah pour ce qui
est des comptes semestriels.

Agar, comme toujours s'émerveillait du génie du maitre de la


maison Diop. Puis comme électrifiée, elle se souvint qu'elle se
devait de l'obliger à assumer ses responsabilités au lieu de
l'encourager à se claquemurer!
247

-Mon seigneur!

-oui Agar?

-Nous devons préparer votre voyage pour Hurlevent!

-A quoi bon?

-Comment cela à quoi bon? La maison Diop dont vous êtes le


maitre est une vassale des Lancélhion! En vertu des serments de vos
ancêtres, vous êtes tenu de répondre à l'appel de la reine.

-Vraiment? Demanda le duc avec ironie

-Certainement mon seigneur!


Déclara fermement Agar.

-Navré de te le dire mais ton argument ne tiens pas la route.


Bien que les Diop soient vassaux des Lancélhion, bien avant la
conquête totale, Nous sommes tous des sujets de la couronne. Et
cette dernière allégeance prime sur toutes les autres.

-Oh! Vous n'entendez tout de même pas soutenir les Ouestiens?

-Que m'importe Agar! Je ne me sens pas plus proche du roi de


Pendragon que de la reine d'Hurlevent. Et leurs enjeux politiques
m'indiffèrent. Je n'enverrai pas un seul de mes hommes défendre
des terres qui n'ont nul besoin de savoir qui les gouverne pour être
fertiles...

-Vous rendez-vous compte de ce que vous dites?!


248

S'insurgea Agar.

Elle était de nature timide mais s'enflammait vite lorsqu'il était


question de faire sortir le duc de sa léthargie. En outre elle portait en
elle un fort sentiment d'appartenance et de solidarité à son peuple.
Elle se planta devant Anta qui la dépassait d'une bonne tête et
vrilla ses yeux dans les siens les mains sur ses hanches curves.

-Si tous les seigneurs réagissaient comme vous... Personne


n'irait se battre!

-Le monde s'en porterait bien mieux croit moi... Ne crois-tu pas
que la guerre est une vaine sottise humaine?

-Je pense...Non! Je suis certaine que parfois, elle est nécessaire


pour défendre ce qui compte!

-Et qu'est ce qui compte Agar?

En posant cette question le duc avait réduit l'écart entre leur


deux corps.
Agar baissa les yeux et son caractère timide refit surface. Elle
n'était pas tout à fait indifférente au charme du jeune duc. Même Si
elle ne s'autorisait pas à ressentir quoi que ce soit d'autre pour lui
qu'une loyauté et un dévouement sans faille.

-Euh... Eh bien... Ce qui compte? L'honneur... La famille... La


paix ... La justice... L'amour...

-L'amour? Sais-tu ce que c'est Agar?


249

Demanda doucement le duc.


L'assistante sursauta:

-Euh... Non! Non pas du tout mon seigneur!

Anta se détourna dans un geste théâtral.

-C'est bien ce qu'il me semblait. Mais si tu veux tout savoir,


moi non plus je n'en sais rien. J'ai entendu dire que la duchesse
Jenevah et le second prince de la famille royale se sont une fois
promis amour éternel et fidélité... À mon avis, elle doit en savoir des
choses à ce sujet! Nous irons donc la questionner!

-Euh... Comment sauriez-vous une telle chose au sujet de sa


majesté? C'est absurde! Elle était promise au prince Lyor et non à
son altesse Liam!
Déclara Agar.

-Figure toi que je le tiens de mon grand ami le marquis de


Nephtali...

-Oh!

Agar doutait beaucoup moins de la véracité des faits avancés


par le duc. La famille Nephtali était une petite maison de l'Est. À
vrai dire, c'était l'une des plus petites de tout l'archipel. Et pourtant
pas la moins puissante! Ce qui expliquait son influence était que les
Nephtali excellaient dans l'art de l'espionnage aussi bien que les
Hasborg excellaient dans l'art des défaites cuisantes. L'actuel chef de
famille, était un ami d'enfance du seigneur Anta... L'un des seuls
d'ailleurs.

-Dois-je demander à messire Oulal de préparer les troupes?


250

-J'ai été clair il me semble! Aucun de mes hommes n'ira mourir


pour une cause aussi sotte que la rébellion de Jenevah! Elle a
toujours été si impulsive, je la plains... Ce doit être dû au
dihydrogène dans ses glandes sudoripares.

-Pardon mon seigneur mais j'ai bien peur de ne plus vous


suivre.
Dit Agar.

-J'ai bien dit que nous irions à Hurlevent, mais seulement toi
et moi!

Agar leva les yeux au ciel une énième fois...


251
252

-Oulal je pensais avoir été clair!

-oh vous l'avez été votre grâce.

"Votre grâce" difficile de mettre plus d'ironie dans une formule


de politesse.
Chevauchant à ses côtés sur une magnifique jument noire,
Oulal, chef de la cavalerie de Diop, la garde rapprochée du duc,
escortait son maitre et son assistante alors que ceux-ci laissaient loin
derrière eux les fortifications de la cité ancestrale.

Oulal était un homme plein de superbe. Il avait les yeux d'un


vert scintillant, et le teint basané. De longues mèches de cheveux
rouges et une barbe de la même couleur, taillée en carré autour de sa
bouche. Il avait la musculature fine mais de larges épaules et portait
un simple uniforme de cuir souple.
Il avait une telle prestance que l'on aurait pu le prendre pour le
duc de Diop.
Mais tout le charme qu'on pouvait lui trouver s'évaporait dès
qu'il y' avait une femme dans les parages. Il ne pouvait pas
s'empêcher de tenter de la séduire ou de flirter et c'était cela qui
avait fini par lasser la jeune Agar.

La jument pommelée de l'assistante du duc manqua de faire un


écart lorsque l’imposant pur-sang noir d'Oulal se rapprocha d'elle.

-Alors Agar... On se fait la belle sans me prévenir?


Dit l'homme sur un ton charmeur.
253

-Le duc a clairement dit qu'il ne voulait pas qu'un seul de ses
hommes vienne avec nous à Hurlevent! Tu es bien un de ses
hommes non?
Répondit la jeune femme
-Clairement ! Claire! Vous n'avez que ces mots à la bouche.
Moi je commençais à m'ennuyer derrière ces vielles fortifications!
Un voyage, une promesse de guerre! Et de nouveaux paysages !
Voilà ce qu'il me fallait!

-Tu oses manquer de respect aux fortifications bâties par nos


ancêtres!
S'insurgea Agar...

-Si on en croit les rapsodes, l'archiduchesse, pardon... La reine


Jenevah est la plus belle femme de l'archipel! J'ai hâte de la
rencontrer. Je n'ai jamais séduit une reine!
Affirma Oulal avec transport sans tenir compte de l'agacement
d'Agar.

Nonchalamment allongé sur le fauteuil de sa machine à


vapeur, le duc délaissa un instant sa lecture pour répondre à son
officier.

-Sache qu'il ne faut pas croire tout ce que disent les rapsodes
Oulal... Encore moins ceux qui chantent dans les bordels...

-Mon seigneur avez-vous déjà rencontré la reine?


Demanda Agar retrouvant soudain ça joie de vivre.

-Figure-toi que Nos parents y ont veillés... Vois-tu, il n'y a pas


un seul des héritiers de l'Est qui ne connaisse personnellement ses
254

voisins. Très tôt nous avons été amenés à nous familiariser.


J'imagine que cela était fait en prévision d'heures comme celles-ci.

-Est-il donc vrai qu'en guise de sueur, sa peau produirait des


perles? Cela je ne l'ai pas entendu d'un troubadour, mais plutôt d'un
marchand qui affirmait avoir été admis à la cour du roi Léo!

S'enquit de nouveau Oulal

-C'est dut à l'hydrogène dans ses glandes sudoripares. Comme


je l'expliquais un peu plutôt à Agar. C'est la raison pour laquelle,
elle peut enflammer sa peau. Quant à la raison pour laquelle elle ne
se s'auto-consume pas, je l'ignore encore, mais je suis certain
d'arriver à le découvrir.
Répondit pensivement Anta.

La vapeur produite par le mécanisme de sa voiture, refroidissait


l'air du désert d'Assiang. Les roues, conçues par le duc avec toute la
maestria qui le caractérisait, ne s'enlisaient pas et grimpaient avec
facilité les dunes sablonneuses.
Refusant de se conduire comme les précédents Diop, Anta
dédaignait les pur-sang. Selon lui, d'aussi belles bêtes n'étaient pas
faites pour être montées, ni domptées, mais admirées tout
simplement.
Cependant il n'imposait pas ses choix de vie aux autres. Ainsi
tous les habitants fortunés de son duché possédaient des élevages de
chevaux.
255

Anta était un hexa, doté d'une intelligence inouïe. Mais


paradoxalement, il ne croyait pas en l'existence des dons. Depuis
toujours, il évoluait à part, parmi ses semblables.
Il avait oublié comme le désert était apaisant. Agar avait raison,
pensa t'il. Il devrait quitter sa chambre plus souvent.

-Nous avons deux semaines jusqu'à Vaghar. Ensuite, il nous


faudra trois jours pour atteindre la plaine des souffles.

Dit le commandant Oulal Tanshal.

Lui aussi était un être d'exception. Et pas juste à cause de son


ascendance.
Bien qu'il descende d'une grande lignée qui avait produits de
formidables guerriers. Dont l'une des plus grandes que le royaume
ait connue.
256
257

Assis dans son royal cabinet, Lyor premier du nom de la


maison Pandéra, examinait avec un air soucieux, les derniers
rapports qui lui avaient été transmis par le seigneur Mhaes.
Il s’agissait de messages urgents, adressés à la couronne par les
officiers de la vermarme sensés tenir les avants postes de l’armée
terrestre sur les îles les plus éloignées de la capitale.
Selon eux, Vargagême, l’île aux saphirs, était tombée entre les
mains des flibustiers qui en avaient fait leur quartier général.
Mais ce n’était pas le plus grave… Il semblait qu’ils se soient
organisés et qu’ils aient constitués une sorte de milice navale!
Réunis sous la houlette d’un seul homme. Le dénommé Evrath le
Sanguinaire…
Lyor eut des sueurs froides en arrivant au terme de sa lecture…

Il sonna la cloche d’or posée devant lui et Gédéon Loung,


entra dans la pièce.

-Votre majesté…

Dit-il en s’inclinant.

-Gédéon… Faites tout de suite mander le capitaine Nagga


Cikaly!

-Bien votre majesté!

Répondit l’officier de la garde royal en s’exécutant.

A peine sortit-il en trombe qu’un autre officier munit d’une


missive entra dans la pièce et s’agenouilla:
258

-Votre majesté, une missive en provenance d’Avalon…

Lyor se leva faisant cliqueter ses bracelets d’argent et prit le


rouleau.

Il l’ouvrit et ayant pris connaissance du contenu ordonna:

-Réunissez les hommes de ma garde puis, prévenez le duc


d’ombreuse ainsi que le baron Vèrmar. Faites préparer la salle
d’audience et sonnez les cloches. Nous devons nous préparer à
recevoir la duchesse Mydoral Djemerker comme l’exige son rang.

Arthas, toujours à genoux acquiesça:

-Bien votre majesté!

Et il sortit.

Quelques minutes après son départ, on frappa de nouveau à la


porte du cabinet.
Lyor, de nouveau assis derrière la table de marbre, sentit les
poils de ses bras se hérisser. Son sixième sens de guerrier
l’avertissait de la proximité d’une menace.
Quelque chose d’effrayant se trouvait derrière la porte.
Les battants dorés s’ouvrirent et se fut le dragon des mers qui
fit son entrée.

Elle effectua un salut militaire et dit de sa voix monocorde:

-Votre majesté…
259

Lyor déglutit et essaya de se donner une contenance.

-Euh… repos capitaine…. J’ai à vous entretenir de choses


graves…

Lyor fixa les pupilles noirs de la femme n’exprimant rien… Et


Silla. Il allait devoir choisir ses mots avec précaution.

-Vous n’êtes plus un prince votre majesté… La crainte ne


convient point au roi.
Dit le dragon des mers. S’il n’avaitété monocorde son ton
aurait pu être moqueur
Lyor sursauta… Elle avait lu en lui comme dans un livre
ouvert. Puis, il lui sembla que l’atmosphère était moins tendue après
ce pic.

Lyor retrouvant sa contenance, s’assît sur la table derrière lui


et regarda le capitaine.
De nouveau, leurs yeux s’affrontèrent mais cette fois ci, le
prince ne céda pas.

-La première fois que j’ai entendu parler d’un marin nommé
Evrath le sanguinaire, je n’étais qu’un jouvenceau, et mon père avait
convoqué les membres de votre flotte à la capitale. Vous aviez
délégué et envoyé capitaine Valarion vous représenter. Cet homme
était avec lui… un moussaillon de la flotte du sud et gradé qui plus
est. Est-ce exact?

Nagga répondit:
260

-votre mémoire ne vous fait point défaut votre majesté.

-Bien… Alors d’où vient-il qu’à présent mes rapports nomment


cet homme, un de vos hommes, responsable de la situation
d’insécurité qui prédomine sur les eaux intérieures de mon
royaume?! Comment se fait-il qu’un homme de la flotte du sud, se
soit fait roi des pirates?

Nagga l’air inexpressive, parla au roi sans détour:


-Evrath est un déserteur. Je lui donnais la chasse lorsque j’ai
reçu l’ordre de revenir à la capitale. Afin d’assurer que vous soyez
bien placé sur le trône. À présent, cela est fait: Ai-je l’autorisation
de reprendre mes recherches?

Recherche. Le mot raisonna dans l’esprit du roi. Lyor ne se


faisait aucune illusion, le sort qui attendait Evrath le sanguinaire,
était funeste.

-Nul besoin de recherches, selon le dernier rapport de la


vermarme, les pirates auraient établi leur quartier général à l’ouest
de la capitale. L’île aux saphirs est tombée sous leur coupe. Evrath a
passé au fil de l’épée l’intégralité des hommes de la vermarme qui
assuraient la protection des mines royales.

-Merci de cette information.

Répondît sinistrement le dragon des mers


261

-Combien de temps faudra-t-il pour préparer le Léviathan?

-Cinq jours…

-Rassemblez vos hommes. Et occupez-vous de cela. Des


nobles, venus assister à mon couronnement tenteront de regagner
leurs terres sous peu. Je veux qu’ils effectuent ce trajet en toute
sécurité. Quand vous aurez traité ce problème, vous cinglerez vers
l’Est et joindrez vos forces à celles du kraken.
Je veux que la paix revienne sur l’ensemble de mon royaume et
j’entends bien utiliser toute la puissance de mes armées pour cela…

Le dragon des mers dévisagea le jeune homme, Lyor fut prit


d’une envie de se cacher sous la table de marbre, mais usa de toute
sa maitrise de lui, pour ne rien laisser transparaitre. Nagga acquiesça
de la tête et quitta le cabinet royal juste après.

De nouveau on frappa à la porte.

Demeuré seul, Lyor soupira, la couronne reposait sur un


promontoire en marbre à sa gauche. Il s’en coiffa et sonna sa cloche.
L’officier de la garde royale posté devant le cabinet ouvrit les
battants.

-Votre majesté? Nous sommes prêts à accueillir la duchesse.

Majestueux, Lyor sortit, traversa les couloirs du palais et


rejoignit la garde royale dans le corridor
Les officiers de la garde régine s’étaient postés en deux
rangées parallèles. De part et d’autres du couloir.
262

Un claquement sonore raisonna lorsque Lyor parut.


Le son de trente-six soldats en armure lui adressant un salut.

Le duc d’ombreuse s’inclina respectueusement devant le roi.

-Votre majesté… J’ai pensé que vous voudriez passer en revu


vos troupes… avant l’arrivée de la duchesse.

-Vous avez pensé juste Camil…

Lyor s’avança au milieu des deux rangées. Les effectifs de la


garde royale étaient réduits, mais ô combien superbe et valeureux!
Dans leur uniforme d’apparat d’or, les officiers semblaient êtres des
statuts d’antiques héros, sculptés de mains de maître et posés dans le
jardin.

Les officiers avaient tous revêtus leur heaume. Ce qui rendait


indiscernables sur traits. Cependant lorsque le roi passa devant une
silhouette féminine, dont les cheveux étaient tressés en deux longues
nattes dépassant de son casque et battant ses cuissardes, il reconnut
Elysson et les battements de son cœur accélèrent.
.
Par les fentes du masque en forme de tête de lion, Elysson
aperçut son roi. L’homme qui fut son amant.
263

-Abaissez le pour Levis! Levez la herse!


Ordonna le baron Vèrmar.
Dont les hommes étaient postés devant le château en carré.
Chaque carré correspondant à un régiment d’une centaine
d’hommes. Il y’en avait soixante-douze. Sept mille deux cent
soldats de l’armée de terre dans la seule capitale !
Les cavaliers venus de l’ouest passèrent entre les régiments.
D’un air satisfait Mydoral observait les soldats de la vermarme.

-Le roi fait une démonstration de sa puissance militaire!


Lança-t-elle à voix haute pour couvrir le son des galops.

Jorymm dont la monture talonnait la sienne, répondit sur la


même intonation:

-Je suis certain que cela ne vous impressionne guère!

Mydoral partie d’un grand rire, un rire frais. Elle allait aimer la
capitale.
264

Mydoral descendit de son cheval d’un bon.


Le capitaine corsaire Merhvouivre leva en sourcil en signe
d’étonnement et échangea un regard avec le baron Vèrmar. La jeune
femme marcha droit vers eux.
Elle fléchit les genoux, baissa la tête et leur adressa une
révérence des plus convenable.

-Mes seigneurs…

Jorymm qui avait pris tout son temps pour descendre de son
destrier, arriva lentement à sa suite.
Comme l’exigeait le protocole, il s’inclina et salua les deux
hommes, puis, il entreprit de faire les présentations:

-Duchesse, voici le capitaine corsaire Merhvouivre, le véloce.

Mydoral commis l’erreur que tant avait fait avant elle.


Observant avec attention l’homme en armure doré, elle ne trouva
rien en lui d’exceptionnel.

-Capitaine, J’ai l’honneur de vous présenter la duchesse


d’Hasborg, fille de l’archiduc Chamberlin Djemerker, héritière des
terres de l’ouest.

-Enchanté votre grâce. Dit simplement Merhvouivre en


baissant juste assez la tête pour qu’on aperçoive le haut de son crâne
luisant.
265

-Duchesse, Voici le baron Vermarme. Général des forces


terrestres de la couronne.
Reprit Jorymm.

Le vieil aveugle s’approcha et s’inclina respectueusement.


Mydoral ne s’y trompa point. Il se dégageait de l’homme aux yeux
noisette une impression de vitalité peu commune. C’était un
guerrier.

De son côté le baron était un homme plein de clairvoyance en


dépit ou plutôt à cause de son handicap, il avait appris à jauger les
être d’un seul contact. C’est tout naturellement qu’il offrit sa paume
de main à la duchesse.
Celle -ci la saisit fermement. Tandis que sa bouche s’étirait en
un rictus mis cruel mis charmeur.
Mydoral était capable grâce à son don de force était capable de
broyer à main nu le crâne d’un homme adulte.

-Où est mon promis? J’avais espéré qu’il viendrait


m’accueillir…
Dit-elle en observant tour à tour le baron et le capitaine.

-C’est sujet que nous aborderons sous peu. En un meilleur lieu.


Si cela vous convient. Le roi est peut-être déjà prêt à vous recevoir.
Répondit gravement Merhvouivre.
Il invita la duchesse à le suivre à l’intérieur du palais.
Elle se retourna et contempla un instant les jardins royaux,
resplendissant aux fontaines de marbres blanc et au bassin d’eau
turquoise. Le vert foncé de la pelouse taillée de prêt rappelait celui
des uniformes d’apparat de la vermarme.
266

Le baron de Lore observait les détails du palais royal en


avançant à la suite de la duchesse. Il avait été le seul membre de son
armée autorisé à y pénétrer.

Après avoir fait maints détours, à travers des corridors


resplendissants de marbre et d’œuvres d’arts, ils débouchèrent enfin
sur une porte aux immenses battants fait d’argent massif. Deux
officiers de la garde royale s’y tenaient en faction.

Les deux effectuèrent un salut à la vue du capitaine corsaire et


du baron Vèrmar.

Quand la duchesse pénétra dans la salle d’audience, les


chuchotements cessèrent.

Tous les nobles massés là, la dévisagèrent.


Mydoral loin d’en être intimidé, n’eut même pas besoin de se
composer un air. Sa mine était naturellement hautaine.

Au fond de la grande salle, sur une estrade, le trône fait


d’adamantine, scintillant comme un diamant à mille facettes, sur
lequel était assis le roi de l’archipel.

Lyor observait l’assistance avec une attention globale.


267

Tandis que, à genoux en bas de l’estrade, un noble semblait


attendre son verdict. Aux côtés du jeune homme, se trouvait le
seigneur Dionos, duc de Gauvinal.
Il plaidait la cause de son fils adoptif.

-Votre majesté mon fils saura se montrer digne si vous nous


faites l’honneur d’accéder à notre demande.
Dit-il.

Le roi dont l’attention s’était reporté sur les nouveaux arrivants,


entendit la fin de sa phrase comme un lointain écho. A mesure que
la duchesse s’approchait du trône, les nobles s’écartaient sur son
passage et le brouhaha reprenait.

Mydoral parvint aux pieds de l’estrade et sans accorder le


moindre regard à Assam et au Seigneur Dionos, posa un genou à
terre en saluant le roi.

-Votre majesté….

Lyor observa la jeune femme silencieusement. C’est alors que


le duc d’ombreuse, se rapprocha du trône et lui chuchota à l’oreille
l’identité de l’étrangère. Le roi, leva alors la main et requit le silence
de la foule de nobles.
Lorsque la salle fut parfaitement calme, il dit d’une voix grave :

-Duchesse, C’est un plaisir de vous revoir après ces longues


années…
, -Le plaisir est partagé votre majesté. Je vous adresse au nom
de l’archiduc Chamberlin de la maison Djemerker nos plus sincères
condoléances. La perte d’un roi aussi aimé de son peuple que sa
268

majesté Léo II et dans la même foulée de son épouse la reine Eliane,


a plongé tout l’Ouest dans un profond émoi.

Répondit Mydoral toujours à genoux.

-Nous vous remercions ma Dame. Daignez-vous relever.

Autorisa le monarque.

Jorymm qui a la suite de Mydoral s’était agenouillé, se relava


lui aussi. Il détailla la salle du trône d’un coup d’œil circulaire.
Il reconnut la princesse Marlène sur sa gauche et certains
membres de la garde royale, postés le long du mur à côté du trône,
dans leur uniforme dorée.
Toutefois, certains d’entre eux portaient leur casque en forme
de lion qui leur masquaient le visage. Parmi les officiers masquer, se
trouvait son amie de longue date Elysson.

On pouvait oublier bien des choses, mais pas une présence


aussi caractéristique. Quand ses yeux se posèrent sur la jeune
femme, il discerna à travers les fentes de son masque, deux iris
châtains. Couplés à la longueur des cheveux qui dépassaient du
heaume, il reconnut Sekmet. Et un sourire sibyllin naquit sur ses
lèvres.

Avançant d’un pas, Jorymm attendit que le roi le reconnaisse et


l’autorise à prendre la parole.
269

Lyor, observant le jeune diplomate qui en quelque années


n’avait pas tant changé que cela, fronça les sourcils. Sa présence ne
lui rappelait que trop de quel manière il avait acquis son grade
d’officier. Il en avait honte d’autant plus qu’à présent, tout cela lui
semblait vain.

-Messire Jorymm! Nous vous souhaitons un bon retour à la


cours… Les nouvelles de l’Ouest sont-elles bonnes?
Dit-il Néanmoins.
-Merci votre majesté. Elles le sont! La maison Djemerker vous
assure de son soutien et de sa loyauté sans faille dans le conflit à
venir.

Le duc d’ombreuse en tant que membre du conseil et familier


de deux rois, n’avait plus besoins de requérir la permission pour
parler. Il intervint:

-il n’est plus à venir, messire. Mais bien réelle. Les hostilités
ont débuté! Nous comptons sur la diligence et la coopération des
troupes de la duchesse.

-Cela va de soit mon Seigneur!

Répondit modestement Jorymm. Devant la cours, ni le roi, ni


eux ne pouvaient en dire plus. Au risque de divulguer des
informations sensibles.

Mydoral regardait les membres de l’assistance du coin de l’œil.


Sur sa droite, se trouvaient un groupe d’hommes en robes bleu
marine ornées d’un pentacle doré cousu au fil d’or.
<< Le clergé! »
Pensa-t-elle.
270

Elle n’avait pour ses gens aucune affection particulière sans


pour autant éprouver à leur égard une quelconque aversion. À port
bastion, on ignorait les hommes qui s’affublaient d’une toge, et
prêchaient la foi des trois déesses.
Cependant, elle les trouvait bien trop agités. Tous avaient l’air
nerveux. Et ils flottaient autour d’eux une aura de conspiration.

-Seigneur Dionos… Compte tenu des services que la maison


Gauvinal a rendus au trône, nous étudierons amplement la question
avec le conseil.
Dit Lyor en quittant son siège.
L’ensemble de la garde royale se mit en branle.

-L’audience est levée! Tonna un officier de la garde royale


d’une voix de stentor.

Le roi et sa garde rapprochée, sortirent par la porte du trésor.


Une fois que la file eut disparu, les nobles se remirent bavarder tous
à la fois.

Se trouvant le plus proche de Mydoral, le duc de Gauvinal la


salua:

-Duchesse, C’est un honneur!

-Messire…
Répondit Mydoral.
Avant de tourner promptement les talons, elle estimait ne rien
avoir en commun avec les nobles massés ici. Elle ne venait pas
quémander une quelconque grâce du roi. Sa place était sur l’estrade!
271

Le duc ne chercha pas à poursuivre la conversation et aida


Assam à se relever.

Ce dernier, afin de ne point être reconnu comme le prisonnier


évadé des geôles royales pour lequel l’on avait offert cinquante
pièces d’or, avait rasé ses cheveux à raz et laissé pousser sa
barbichette. Avec son bouc et son crâne nu, il arborait le même style
que le seigneur Dionos. Assam porta un regard attentif sur Mydoral
qui s’éloignait. Un sourire fin étira ses lèvres. Elle n’avait pas prêté
attention à lui, comme la plupart des nobles aujourd’hui, qui
s’étaient exclamés, l’air outré, lorsque son père requit du roi qu’il
soit anobli.
Tous, ils ne perdaient rien pour attendre. Il deviendrait bientôt
l’un des personnages les plus puissants de l’archipel. Et quand ce
moment viendrait, ils seraient bien obligés de le reconnaître comme
l’un des leurs. Patience…

Mydoral, précédée par le capitaine Merhvouivre et le baron


Vèrmar, suivit de Jorymm, fut arrêtée dans sa progression par une
jeune femme, coiffé d’un diadème, serti de diamants.
Les enfants royaux, étaient tous venus à port bastion, il y’avait
une décennie de cela. La princesse Marlène avait certes grandi mais
pas changé au point de ne pas être reconnu par son hôte d’alors. Elle
avait toujours ce même air hautain et cette beauté froide teintée de
mélancolie.

-Mes hommages votre altesse princière.

Salua Jorymm en s’inclinant bien bas.


272

De tous les trois adolescents pouilleux qu’avait ramené le


Kraken à la cours trois ans plutôt, celui -ci avait toujours été le plus
supportable à sa vue. Pensa la princesse… Et pour cause, Jorymm
avait très vite acquis ses manières irréprochables.
Elle lui offrit sa main, et la prenant délicatement, il lui baisa le
bout des doigts.

Mydoral méprisa ce protocole inutile, mais attendit néanmoins


que la princesse parle en premier comme cela était d’usage:

-Duchesse! Comme vous avez grandi! Vous êtes une ravissante


jeune dame à présent! En tout point digne du diadème… Quel
dommage que mon frère cadet ne soit point là pour le voir, je suis
certain qu’il vous aurait trouvé, renversante…

Merhvouivre tiqua. Marlène avait le don d’aborder les sujets


explosifs.
Toutefois, il peut être préférable de la laisser poursuivre étant
donné qu’elle avait entamé. Le roi serait en difficulté quand il
faudrait annoncer à la duchesse l’absence du prince Liam. C’était lui
épargner un mauvais moment, que de déléguer cela à sa sœur.

-Le prince Liam brille en effet par son absence! Puis-je savoir
Quelle en est la cause?
S’enquit froidement Mydoral.

Marlène n’était pas une Hexa, mais elle avait hérité de sa mère
le don de cerner les êtres et leurs attentes profondes. Elle venait de
piquer la curiosité de la duchesse et à présent, elle allait pouvoir
l’attirer dans son cercle. Il était vital qu’elle s’en fasse une amie.
Après tout, Elle escomptait en faire la pièce maîtresse de son plan.
273

-Il y’a bien trop de monde autour de nous. Je donne une petite
réception privée dans mes appartements ce soir. A l’aile sud du
palais. Vous y êtes conviée. Mon frère le roi ne saurait donner de
bal pour célébrer votre arrivée. Cela serait inconcevable en temps
de guerre. Mais moi, fort heureusement, je ne suis pas reine,
personne ne m’en voudra. Venez donc, me faire l’honneur de votre
présence et je répondrai à votre question.

Dit la princesse avant de se retirer. Emportant avec elle, une


foule de nobles constituant sa propre cours.

-La Princesse Marlène est la seconde personnalité la plus


importante de la cours. Malgré ce qu’elle en dit, c’est en tous points
la reine. Tant que le roi ne sera pas marié, son influence ira
grandissante.
Déclara sobrement Jorymm.

Cette analyse tira un rictus à Mydoral.

-J’irai donc à la réception de la “reine”.


Convint-elle.
274
275

Les officiers non affectés à la garde rapprochée du roi, avaient


rejoint la tour de la garde royale, à la fin de l’audience. Assise
devant une modeste table, Elysson rêvassait.
L’interrompant brusquement, Arthas déposa une pile de
dossier sur la table devant elle et Elysson sursauta.

-Qu’Est-ce que c’est?!


Demanda-t-elle.

-Les affaires sur lesquelles le capitaine de Jiya enquêtait avant


son départ pour l’Est.

-Le capitaine de Jiya ? Tu parles de Nath?

-Oui mais il convient de l’appeler par son grade, elle n’est plus
sous-lieutenant C’est notre supérieur à présent. L’as-tu oublié
Elysson? A l’heure qu’il est, elle vogue sans doute vers la gloire et
une autre promotion aux côtés du Kraken. Je dois admettre que la
fulgurance de sa progression me fait presque envie!

Elysson observa la montagne de dossier, empilés devant elle.


Elle en ouvrit un et eu le tournis. Elle détestait lire et encore!
Elle préférait de loin Les joies de l’action à tout autre chose.

-Sais-tu de quoi traitent ces dossiers?

-Se sont pour la plupart des comptes rendus d’interrogatoire.


Au sujet du voleur évadé. Récemment. Le capitaine Nath a tenu à
interroger Tous les hommes de la Vermarme en poste ce jour-là.
276

Tu sais, nous autres de la garde on était tous occupé avec le


couronnement. C’est eux qui ont pris la relève.

-Pourquoi dans ce cas n’est-ce pas à eux que tu confies cette


affaire?

-Je n’ai ni l’influence, ni les contacts nécessaires pour cela. Il


faudrait une autorisation expresse du roi. Ou du baron Vèrmar.
Sinon, ces dossiers resteront ici et prendront la poussière. Je te les ai
confiés par ce que Nath semblait avoir à cœur de résoudre cette
enquête. Et si tu n’en veux pas tu peux toujours demander
l’autorisation du roi j’ai entend dire qu’il ne te refuse rien !

Elysson fusilla Arthas du regard.


Elle entreprit de lire plus attentivement les papyrus.

Un nom attira son attention: “Assam”


C’était le nom du voleur selon une note de Nath. Et il était
originaire de Jiya, comme elles. Elysson se remémora sa discussion
avec le kraken.

-C’est bon je m’en occupe! Dit-elle au jeune blondinet.

-Tant mieux! Je ne vois pas qui d’autres aurait accepté de le


faire.

-seulement, je ne pense pas que la réponse que cherchait Nath


se trouve dans ses dossiers.
Dit Elysson en se levant.
277

-Où vas-tu?
L’interrogea le jeune officier

-Interroger mon premier suspect. Répondit-Elle en traversant la


porte.

Elysson pensait avoir un établi un lien entre le voleur et une


personne qu’elle avait vu aujourd’hui à l’audience royale.
“Assam”, se pouvait-il que le fils adoptif du duc de Gauvinal
soit le voleur? Quelles auraient été ses motivations? Les sires du vin
comme on les appelait, possédaient une fortune immense. Que leur
aurait apporté un tel larcin?
Elysson savait qu’il lui manquait de l’expérience dans le métier
d’enquêteur. Mais elle savait où trouver une personne qui en avait.
Quittant la tour de la garde, Elle se dirigea droit vers la caserne de la
Vermarme. Le colonel Malika l’aiderait sûrement.
278

Mydoral observa avec un peu de dédain les proportions de la


salle du conseil. Son éducation Mardes la poussait à glorifier la
grandeur au sens propre comme au figuré. Et elle avait remarqué
qu’ici à la capitale tout était de taille, normale.
Cependant, ce que les architectes n’avaient pas su mettre dans
les dimensions, ils le compensaient par un prodigieux sens du détail.
Les finitions et les ornements du palais royal étaient à couper le
souffle. Cela seulement l’empêcha d’adresser au roi une remarque
sur le sujet.

Lyor prit place autour de la table hexagonale et invita les deux


hauts dignitaires à sa suite à en faire autant. Jorymm en tant que
diplomate sans titre, n’avait pas le droit de siège en sa présence. Il
resta donc sur son séant.

-Nous traversons des heures troubles duchesse.


Débuta le duc d’ombreuse les mains croisées devant sa bouche
et la voix grave.

Mydoral l’écoutait avec attention.


Mais le roi l’interrompit d’un signe de la main.

-Merci Camil, mais nous pensons que la duchesse sait


suffisamment de choses sur la situation critique du royaume.
N’oublions pas qu’elle avait Jorymm à ses côtés. Nous avons
longuement correspondu avec les Djemerker. Nous souhaiterions
savoir, s’ils se tiendront à nos côtés dans les guerres à venir?

Demanda-t-il ses yeux bleus cobalts braqués sur Mydoral.


279

Il était calé dans son siège royal, les bras posés sur les
accoudoirs. En une Pose seigneurial. Nullement intimidée, la
duchesse lui répondit:

-Mon armée et toute la puissance de la maison du titan est


vôtre, majesté. Cependant, avant de nous engager dans un conflit,
j’aimerai avoir des réponses…

-Nous vous écoutons.

- Je ne vois point le prince qui me fut promis. Son altesse Liam


Pandéra, deuxième homme du royaume. L’accord passé entre
l’archiduc mon père et feue sa majesté Léo II stipulait clairement
que nous serions tous deux mariés à notre majorité. Pas plus que je
n’ai vu la seconde princesse d’ailleurs.

-J’ignorais que mon frère était si prisé par la gente féminine.


Répondit Lyor l’air cocasse. Pour se rembrunir presque
aussitôt.

-Nous avions envoyé Latavia en mission diplomatique à l’Est


et il semble qu’elle ait été prise en otage. Par les rebelles. L’ogre et
la gardienne ont été dépêchés pour tenter de la libérer.
Mon frère enfin, à rejoint les rangs de la rebelle.
280

Mydoral ne put retenir un mouvement de surprise. Cela, même


Jorymm ne l’avait pas vu venir. Le jeune diplomate se sentait tendu
et pour cause, du vivant du roi Léo II, il n’avait jamais été admis
dans la salle du conseil.
Il ignorait que la princesse Latavia avait été capturée et que le
prince Liam avait trahi…
Néanmoins, sa profession l’obligeait à intégrer rapidement les
informations pour être capable de répondre avec célérité aux
problèmes.

Il intervint:

-Votre majesté si j’osais…

-Parlez Jorymm…
L’enjoignit Lyor.

-Eh bien, la duchesse est venue avec l’intention manifeste


d’aider la couronne.
Ayant dit cela il échangea un sourire discret avec Mydoral
avant de poursuivre:

-Quant à la capture de la princesse, il me semble que porter la


main contre un agent diplomatique même en temps de guerre est un
grave manquement à l’honneur. Mais que peut-on attendre de
parjures? Cela suffit à justifier une réaction dure du trône.
Lyor ne répondit rien au jeune diplomate et lui lança un énième
regard froid. Jorymm se fit la réflexion que le nouveau roi ne devait
guère apprécier sa présence. Quand soudain, l’évidence lui apparut,
281

les rois avaient une sainte horreur de ceux qui les avaient vus nus,
lorsque ceux-ci n’étaient pas leurs amants.
En pensant de la sorte, le jeune diplomate faisait à nouveau
montre de perspicacité. Car aux yeux de Lyor, non content d’être la
seule personne capable d’entacher son honneur, il était aussi l’ami
d’Elysson. Le monarque ne se souvenait que trop bien de leur
arrivé aux côtés du kraken. Autrefois, il avait même été jaloux de la
complicité entre eux, il trouvait que Jorymm posait sur son ancienne
amante un regard bien trop inquisiteur. Cette animosité pendante,
avait perduré, jusqu’à ce que Jorymm lui propose de l’aider à
infléchir son père en usant de son don.

Le diplomate s’était abstenu de mentionner la trahison du


prince Liam. Tenu par la déférence. Mais Mydoral n’en fit pas
autant:

-Ainsi, son altesse a trahi. Les rumeurs à son sujet le disaient


totalement dénués d’ambition politique…Et la seconde princesse
prisonnière. Pourquoi ne pas avoir déchaîné la puissance des quatre
flottes sur l’Est? Ils ne sont jamais qu’une vingtaine de hauts nobles.
Défaits, ils entraîneront la région tout entière à se soumettre de
nouveau. Votre Sœur sera restituée et votre frère verra bien vite son
erreur.
Déclara-t-elle

-Votre clairvoyance vous honore duchesse mais déployer les


quatre flottes simultanément, laisserait la capitale sans moyen de
défenses. Tout de même, Nous avons envoyé la flotte de l’Est
réprimé la rébellion.
Intervint le duc d’ombreuse.

Mydoral connaissait son histoire. C’était habituel que le trône


envoie un capitaine corsaire mater une révolte. Un peu avant sa
282

naissance c’était Nagga Cikaly et la flotte du sud qui avait déferlée


sur les Hasborg. Réduisant à néant leurs vaines tentatives
d’insurrection. Cependant quelque chose lui disait que cette fois-ci
rien n’était pareil.

-N’en déplaise à votre majesté, je doute qu’une seule flotte


puisse régler la question. Les temps changent, l’époque où à la seule
vue d’un capitaine corsaire sur le champ de bataille mettait des
armées en déroute, n’est plus. A présent, plusieurs jeune gens
rêvent de se mesurer à eux et de les supplanter… Il vous faudrait
frapper d’un seul coup tous vos ennemis et ainsi montrer votre
puissance. Les eaux intérieures grouillent de pirates… Que faisaient
donc ces flottes lors de la prise de vartagême? Que fait la vermarme
lorsque des pillards harcèlent le comté d’Avalon?

-Sous entendriez-vous que je manque de poigne?

“Je ”, au lieu de “nous.” Lyor avait pris l’analyse de la


duchesse personnellement.

-Loin de là votre majesté, mais vous manquer de pragmatisme


assurément. Du moins, vos décisions laissent à penser que vos
conseillers ne remplissent pas leur rôle.

Dit Mydoral.

Un silence de mort tomba sur la pièce.


283

La duchesse venait de remettre en question la probité du


conseil royal.

-A notre place auriez-vous laissé la capitale sans capacité de


défense? Nous aurions pu faire face à un soulèvement général ou à
une tentative d’usurpation du trône. Tout cela a été évité grâce à la
présence des capitaines à la capitale.

Dit le baron Vèrmar. Le vieil aveugle avait toujours un air


rieur. Cela était sans doute dû à son handicap. Quoi qu’à le voir se
mouvoir, on en venait à se demander si sa cécité était effective.

-Au prix de la stabilité dans le reste du royaume. Je trouve cela


chère payé. Le prince Liam ayant trahi, comment la couronne
compte t’elle tenir ses engagements vis à vis de nous?
S’enquit la duchesse.

-Il est du devoir d’un vassal d’aider son suzerain lorsque celui-
ci le sollicite. La paix que nous entendons préserver, profite
également à la maison Djemerker.
Répondit Merhvouivre. Le chauve était sans doute le seul
autour de la table à ne pas craindre de choquer la duchesse.

Loin de s’offusquer, Mydoral répondit:

-Permettez-moi d’en douter capitaine.


Nous autres Mardes grandissons dans le fracas des armes et la
guerre n’est pas une chose que nous redoutons. Bien au contraire.
Mourir l’épée à la main est pour ceux de mon peuple un honneur
immense. La seule question que nous nous posons avant de nous
lancer dans un conflit, est qu’avons-nous à y gagné?
284

La porte derrière les membres du conseil s’ouvrît


soudainement:

-La perspective d’une mort au combat pour vos hommes… La


gloire pour votre maison et peut être aussi vous préserveriez vous du
sort funeste qui attend ceux qui ne soutiendrons pas le trône dans
cette guerre.

La voix de la personne qui parlait, était atone et sans âme.


Mydoral n’avait jamais ressentie une telle présence au cours de
sa vie.
Le dragon des mers passa la porte de la salle du conseil, tira un
siège aux côtés du roi et s’assit. Tout du long, Elle ne quitta pas
Mydoral du regard. Ses yeux étaient des abîmes béants.

Lyor guetta la réaction de Mydoral, son air hébété lui tira un


sourire.
-Si vous me permettez votre Altesse…

L’ensemble du conseil porta son attention sur Jorymm.

-Vous n’êtes pas sans ignorer la nature de mon don. Je pourrai


mettre un terme à tout ceci, avec un minimum d’effusion de sang, si
j’arrivais à parler avec l’archiduchesse.
Dit-il
-Les derniers diplomates que nous avons envoyés à Hurlevent
ne nous sont point revenus messire Toledo, ils n’étaient autre que la
princesse Latavia ; la gardienne et le capitaine corsaire Valarion.
Auriez-vous donc une si haute idée de vos capacités de persuasion ?
Objecta le duc d’ombreuse.
285

-Je n’ai pas eu le privilège d’intégrer la garde royale, mais le


feu roi avait placé en moi une certaine confiance. Ma persuasion, est
infaillible sa majesté le sait.
répliqua Jorymm en fixant Lyor.

Ce dernier demeura pensif un instant, puis, se tourna vers le


corsaire chauve, il demanda :
-Capitaine Merhvouivre, pensez-vous que l’Adonis puisse
rattraper le vaisseau du Kraken?
-Cela serait possible si nous ne rencontrons aucun pirate dans
son sillage et que nous partons tout de suite. Répondit-il

-Laisseriez-vous donc finalement la capitale sans flotte pour la


défendre ? Intervint Mydoral goguenarde.

Lyor se rétracta et un certain agacement apparut sur le visage


du dragon des mers.

-Où en sont les préparatifs du Léviathan ? Demanda-t-il

-Nous serons prêt à partir dans cinq jours comme je vous l’ai
dit plutôt. Soupira Nagga.

Ce fut le baron Vèrmar qui vola au secours du roi.

-Votre majesté prendre la capitale requiert une attaque terrestre,


car entre la mer et le trône se dresse Avalon. La vermarme se tient
prêtre. Je n’ai aucun doute quant au fait que la duchesse joindra ses
navires à nos forces en cas d’attaque. Pour l’heure, seule doit
compter l’arrêt du conflit. Si le jeune Jorymm peut réellement
empêcher de faire couler le sang, il est vital que nous mettions à sa
disposition le vaisseau le plus rapide dont nous disposons.
286

-Quel est ton don ?


Demanda le dragon des mers en s’adressant directement à
Jorymm.
Le jeune homme voyait pour la première fois le capitaine de la
flotte du Sud. Il n’était pas de nature impressionnable mais c’était
quelque chose de ce tenir devant une des protégées de la glorieuse
Sayida Alhura quand on avait lu son histoire !
-L’hypnose tactile capitaine. Quiconque je touche est tenu de
faire ma volonté.
Mydoral regarda le jeune diplomate avec stupeur. Elle n’avait
jamais imaginé qu’il puisse être un Hexa. La révélation la laissait
pantoise.
-Et ce don marche-t-il sur tout le monde ? Poursuivit Nagga
-Jusqu’ici, Je n’ai échoué qu’à contraindre qu’une petite
poignée de personnes et j’ignore pourquoi capitaine.

-Il est donc parfaitement plausible que ton don ne marche pas
sur l’archiduchesse ?

-Possible en effet. Répondit Jorymm mal à l’aise.

-Votre Majesté je pense que nous avons épuisé les moyens


diplomatiques.
Conclut simplement le dragon des mers…

Lyor n’avait jamais été doué pour faire des choix. Mais envoyé
Jorymm loin de la cours était une idée qui ne lui déplaisait pas. Et
contrarier le dragon des mers, n’était même pas une option. Alors, il
trouva un compromis.
-Il est important que les rebelles mesurent les conséquences de
leurs actes. Mais la couronne souhaite également préserver son
287

peuple d’une guerre longue et couteuse matériellement ainsi qu’en


vies humaines. Jorymm, vous partirez dans quatre jours à bord du
Léviathan. Une fois que le capitaine Cikaly aura repris vartageme et
éradiquer les pirates vous rejoindrez la flotte de l’Est et sous
l’escorte de deux capitaines corsaires vous irez rencontrer Jenevah.
Quant au capitaine Merhvouivre, j’estime ne pas pouvoir me passer
de votre force dissuasive. Vous représentez un atout que je préfère
garder dans ma manche. Le kraken n’est pas femme à faire couler le
sang gratuitement. De là, à ce que vous la rejoignez, les seigneurs
qui refuseront d’abattre les bannières de la rebelles n’auront que e ce
qu’ils méritent !
288

-Arhg!
L’arbre craqua sinistrement et plia d’un côté, menaçant de
s’effondrer.
Mydoral venait de frapper le tronc noueux du pied.
Elle fulminait sans savoir comment extérioriser sa colère.

-Devrions- nous tenter de la calmer?


S’enquit Jorymm.
Assis sur la terrasse du pavillon Ouest, dévolues à la duchesse
et à sa suite éventuel, le jeune diplomate observait la duchesse aux
côtés du baron de Lore.

-Que C’est- il produit durant ce conseil?


Demanda Byron.

-Nous avons rencontré le dragon des mers…

-Ah…

Difficile de faire plus abscons comme réponse.

-Avez-vous entendu parler d’elle?

-J’ai combattu sous ses ordres…


289

Jorymm sursauta presque. Il eut du mal à croire le général des


forces Djemerker, puis, se dit qu’en y réfléchissant, cela n’était pas
impossible. Le baron de Le était âgé d’au moins quarante ans. Il
devait en avoir vingt lorsque le roi Léo II déchaîna la flotte du sud
sur les Hasborg.

-Comment c’était? Demanda t’il

-Épique… Et horrible à la fois.

-Horrible?

Un nouveau craquement raisonna plus alarmant que le premier:

-Je n’avais jamais rien vu de tel. À dire vrai, je ne crois pas


qu’il y’ait un homme en ce bas monde qui fasse le poids contre elle.

-Ah…

-La duchesse s’en remettra… Cela lui prendra juste un peu de


temps.

Dans un fracas assourdissant l’arbre, un chêne massif, sans


doute centenaire, s’effondra.

-Ainsi vous partirez dans quatre jours...


-Oui !
-Le roi ne semble pas apprécier votre compagnie…
Déduisit le baron de Lore.
290

-Au moins autant que vous baron… Protégez la duchesse et


surveillez vos arrières. La haute société est un champ de bataille.
Mais les armes que l’on y emploie sont beaucoup moins
conventionnelles.
Acheva Jorymm.
291

Partie 3 Espace

“Lorsque la glorieuse Sayida Alhura ramena à sa majesté


Adarion la soumission de la maison Djemerker régnant sur
l’Ouest jusqu’alors, il apparut très clairement que sans les incom-
292

mensurables richesses de L’Est, la couronne ne pourrait pas trou-


ver les ressources pour faire fonctionner un royaume aussi vaste
en superficie. En ployant le genou, les seigneurs de l’Ouest, deve-
naient des sujets du roi au même titre que ceux du sud, du Nord et
de la capitale. Cela impliquait d’envoyer des troupes, pour restau-
rer ce que la guerre avait entamé, de nourrir les populations affa-
mées, et d’assurer la sécurité des seigneurs dont les force s’étaient
épuisées dans le conflit. En un définitive, de maintenir la paix et
l’ordre tout en affirmant le prestige de la maison royale. L’or était
une denrée rare. La maison Pandéra, qui contrôlait le trône avait
bâti sa fortune sur les gisements de saphirs, de vartagême. Gise-
ments qui, bien que très riches, ne suffisaient pas à eux seuls à
couvrir les dépenses occasionnées par la guerre. C’est alors
qu’Adarion fit de l’Est une priorité absolue. La glorieuse Sayida
reçut l’ordre de passer le grand obélisque et d’assujettir Hur-
levent ainsi que la totalité des seigneurs De l’Est. Qu’elle y soit
parvenue, n’est un doute dans l’esprit de personne. Cette femme,
était prodigieuse, voire providentielle. Cependant, elle avait à
peine atteint la plaine des souffles que sa majesté Tierry, triste-
ment baptisé le couard, avait présenté sa reddition. Les seigneu-
ries qui étaient déjà tombés durant la bataille de lanssalbion telles
que Lancastre et Olas lui en voulurent pour cela. Mais nul ne
garda rancune au phénix plus que la maison Nephtalie, partisanne
d’une résistance farouche.

Extrait de l’encyclopédie du savoir et du pouvoir par l’ar-


chiduc Charles Lancélhion.

Après sa dispute avec Jenevah, la duchesse de Vaghar, Loïc-


Aliyah de la maison Lancelhion regagna ses appartements.
293

Un garde rapporta son carquois et son arc. Aliyah suspendit


l’arc en bois noir contre le mur et entreprit de polir la pointe de ses
flèches à l’aide d’une lime en acier.
Les tintements métalliques que produisaient les métaux en se
frottant lui tirèrent une grimace. C’était pourtant quelque chose
qu’elle avait l’habitude de faire, lorsqu’elle était stressée. Elle reprit
son geste mais dut lâcher la lime à l’essai suivant. Celle-ci tomba.
La jeune fille se prit la tête à deux mains. Le son strident
provenait de l’intérieur de son crâne. Une douleur horrible se diffusa
en elle et ses hurlements de rage contenus n’y changèrent rien.
Comme-ci un concert de vibrato se jouait dans sa moelle épinière,
l’interférence monta crescendo jusqu’à ce qu’elle n’y tienne plus.
Soudain la nuit tomba. Ses appartements, éclairés par une baie
vitrée, s’obscurcirent d’un coup.
Elle cligna des paupières, et le jour revint, avant de disparaître
de nouveau.
Elle entendit des cris de terreurs provenant de l’extérieur. Elle
pensa tout de suite que le palais était attaqué. Se ruant vers le mur,
elle prit son arc et sortit.
Un nouvel éclair de douleur la contraignit à s’appuyer contre
un mur, mais ne l’empêcha pas d’interrompre sa progression.
Complètement affolés, des gardes passèrent en courant dans le
couloir, sans paraître la remarquer. Aliyah serra les dents et
poursuivit son chemin jusqu’à la cours.

Le jour allait et venait comme lors d’une éclipse.

La duchesse leva la tête. Tout autour d’elle, n’était que cris et


affolement. Un garde tenta de lui prendre le bras et de l’entraîner à
l’intérieur du palais de force. Aliyah resta statique. Les yeux rivés
sur le ciel. Son crâne continuait de vibrer, mais elle n’avait plus
mal.
294

Au-dessus du palais d’Hurlevent, Une créature reptilienne


tournoyait voilant le soleil de ses grandes ailes noires. Aliyah posa
sa main sur son front pour se protéger les yeux, lorsque son angle de
vol changea et que le soleil reparut.
La créature titanesque, obliqua et réduit son altitude. Se
rapprochant dangereusement du palais. Puis, dans un fracas, elle se
posa! Prenant appui sur les deux plus grandes tours tout en les
fissurant.
Elle poussa un rugissement qui fit voler en éclat les vitraux et
les baies vitrées de la façade avant du palais.
Parmi les soldats, ce fut la débandade. Le garde qui tentait
d’entrainer Aliyah à l’abri, lâcha son bras et prit ses jambes à son
cou.

D’un bon, effectué les ailes déployées, le monstre se porta dans


le jardin.
Creusant dans le gazon, d’énormes cratères avec ses pattes
postérieures et détruisant fontaines et sculptures de ses immenses
ailes. D’une envergure phénoménale, il semblait pourtant
parfaitement à l’aise sur terre, et se mua avec la vélocité d’un lézard.
Sur son passage, les soldats s’écartaient, fuyant par dizaines
espérant sans doute sauver leur vie.

Aliyah, elle, ne bougea pas.


La créature s’arrêta alors qu’elle fut à porter de sa gueule.
Son long coup, s’abaissa lentement et c’est alors que glissa de
sa base un fils d’homme à la chevelure argentée.

-Fuyez duchesse!
Hurla quelqu’un de loin.

« Qu’ils sont stupides! » pensa Aliyah.


295

Aucun endroit ne serait assez loin pour un monstre pareil. Fuir


n’avait aucun sens.

Liam Pandéra avança d’un pas assuré vers la duchesse, nimbé


par la lumière du soleil, éclatant, tel un ange.

La réaction de la duchesse fut peut être tout aussi stupide que


celle des gardes.
Tendant la corde de son arc, elle encocha une flèche et la
braqua sur l’homme qui s’avançait vers elle.
C’est alors que Liam s’arrêta.

Aliyah entendit distinctement ses pensées et sut son identité.


Même si ses cheveux à la teinte atypique la lui avaient déjà révélés.
Autre chose provoqua sa surprise. Les pensées du monstre,
frappèrent son esprit comme une vague se fracasserait contre un
récif. Aliyah puisa dans toutes les ressources de son don pour ne pas
perdre la raison.
Une quantité de connaissances et de savoir millénaire hors
normes furent soudain à sa portée. Des sensations, inédites, le goût
du sang, le plaisir de côtoyer les nuages, la cendre et le feu aussi.
Des cités qu’elle n’avait jamais vu disparaissaient et étaient
remplacé par d’autres, des peuples naissaient et mourraient, comme
des fleurs fanaient au soleil.
La vanité de l’existence humaine lui apparut clairement et puis,
d’un seul coup tout lui fut retiré.
C’est alors qu’elle entendit un grondement sauvage. Plus
terrible que le premier. Cependant, il semblait gai. Un ensemble de
vocables indéchiffrables et incompréhensibles. Comme des
consonnes qui se suivaient.

Quand enfin elle reprit contact avec la réalité, le dragon prit son
essor. Avec douceur et grâce tel un oiseau.
296

Tous ceux qui l’observèrent s’élever furent subjugués.

-Je pense qu’il t’aime bien…


297

Aliyah reporta son attention sur le jeune homme qui se tenait


en face d’elle, sa main s’était abaissée, mais, elle pointa de nouveau
son arme sur lui.

-Que faites-vous ici? Liam Pandéra?

Les gardes qui n’avaient pas fui assez loin, se relevèrent


péniblement et sans doute pour se redonner un semblant de dignité,
se dépêchèrent de les encercler tous les deux:

-Écartez -vous duchesse, la créature peu revenir. Et c’est


homme est peut-être le diable en personne…Envoyé des enfers par
nos ennemis!

Aliyah, magnifique, l’arc à la main, eut un rictus de mépris:

-Vous êtes bien hardi maintenant messires! Mais je ne crains


rien ! Le second prince de la maison Pandéra n’est point un homme
d’arme et le dragon ne reviendra pas.

Liam sourit à son tour et rajouta à sa suite:

-Faites-lui donc confiance messires!

Les gardes se lancèrent entre eux des regards circonspects:

-Vous êtes bien téméraire de vous montrer ici!


L’invectiva Aliyah:
298

-Auriez-vous perdu votre don? Ne lisez-vous plus dans les


cœurs duchesse? Ai-je besoin de clamer que je suis dans votre
camp?
Rétorqua Liam.

- Notre camp vous dites? Vous auriez dû incendier chaque


temple, brûler chaque misérables prêtres ayant osés poser la main
sur ma Sœur! Pensez-vous donc que le sang de ridicules assassins
suffira à laver l’affront qui lui a été fait?

Liam observa Aliyah silencieusement, cette dernière abaissa


soudain son arc rangea sa flèche:

-Je suis désolé de ne pas avoir été là. Dit enfin le prince.

-Cela, c’est à elle qu’il faudra le dire…


Répliqua Aliyah.

- Où est-elle?

-A la seconde où le dragon a paru dans le ciel de la ville je suis


certaine qu’elle a été emmenée dans une cellule sous la pyramide.
Ce sont les endroits les plus sûrs d’Hurlevent.

-Pourquoi n’y êtes-vous pas avec elle?

Aliyah eut un nouveau rictus:


299

-Disons que je suis tombé en disgrâce.

-Vous en disgrâce? Demanda Liam incrédule et amusé.

-Votre arrivée sera mon billet pour le salut… Ma sœur aura


enfin quelqu’un d’autre sur qui abattre son courroux.
Venez!

Les soldats écoutaient la joute verbale sans comprendre tout à


fait. L’étranger était un Pandéra. N’était-ce pas précisément contre
eux que les Lancélhion se rebellaient?

Les relations entre Aliyah et Liam étaient pourtant loin d’être


conflictuelles. En vérité, durant les longues nombreuses
pérégrinations de la famille royale, Il n’y eut pas un lieu où les
enfants royaux passèrent des moments plus heureux qu’à Hurlevent.
Liam se souvenait des longues parties de poursuite dans la
plaine des souffles sous le regard de l’archiduc Charles ou encore
des baignades dans les bassins de granit. Il n’oublierait jamais le
courage dont faisait preuve les filles du phénix lors des parties de
cache-cache dans la pyramide.
Oui, tous les cinq, Marlène et Lyor y compris, ils avaient vécus
ici de magnifiques moments de joies et de bonheurs infantiles….

Aliyah bouscula un garde et se dirigea vers les écuries suivit


par le prince Liam, que les soldats dévisageaient avec humeur.
300

Les garçons d’écurie scellèrent leurs montures et ils partirent au


grand galop vers la pyramide.

Les ruelles pavées d’Hurlevent, étaient rendues chatoyantes par


les canaux, conçus un peu partout dans la cité, qui charriaient des
eaux turquoise.
L’itinéraire le plus rapide pour se rendre à la pyramide, passait
par la grande place. Aliyah fusa d’un coup, talonnant sa jument
noire.
Liam la suivait aussi vite qu’une flèche, mais bientôt les deux
cavaliers durent réduire l’allure. Ils croisèrent De plus en plus de
personnes, au fur et à mesure qu’ils se rapprochaient du centre de la
cité.
Des personnes affolées, convergentes vers le même point.
Aliyah ayant reçu une éducation militaire, n’eut aucune peine à se
frayer un passage parmi eux. Liam se glissa dans son sillon. La
duchesse savait que l’affolement devait avoir été le fait du dragon.
Mais elle ne comprenait pas pourquoi au lieu de fuir, la population
s’était regroupée comme pour un holocauste.

Ce fut Liam qui le premier en découvrit la cause. Capable de


repérer la femme qu’il aimait à des kilomètres parmi des milliers de
personnes, il pointa Jenevah du doigt et lança à la duchesse:

-Sous la pyramide disiez-vous?

Jenevah pressée de toute part par la foule, distribuait des


paniers à tous ceux qui tendaient les mains vers elle, aidée par ses
gardes. Liam sentit son cœur battre de plus en plus fort. Jusqu’à ce
301

que ce son soit la seule chose qu’il entende. Il avait oublié comme
elle était belle… Sa mémoire était traîtresse, et ne rendait pas
hommage à la jeune femme. Les chevaliers de l’ordre du phénix
disposés subtilement autour d’elle, la reine apportait pain et
réconfort.

Aliyah fit se cabrer sa jument et ainsi créa le vide autour d’elle.


Bako Olajuhwon l’aperçu à ce moment-là.

-Qu’est-ce que vous faites messire?! Avez-vous perdu l’esprit?


Dit-elle sèchement à son adresse.

-Votre grâce répondit le chevalier. La reine a insisté pour venir


rassurer son peuple une fois que le dragon s’en est allé. À vrai dire,
nous n’avons pas pu la forcer à se cacher. Elle voulait partager le
sort de son peuple.
Répondit le jeune chevalier avec de l’admiration dans le ton de
sa voix.

Aliyah darda sur lui un regard méprisant:

-Alors vous avez failli à votre devoir chevalier! Vous devez


protéger la reine en tout temps et de tout! Y compris d’elle-même.

Bako s’empourpra.

Jenevah offrit un énième panier et ressenti qu’elle était


observée. Elle se dit tout d’abord que c’était une chose normale, elle
était entourée de tant de monde. Mais la sensation était persistante.
Ce regard l’enveloppait tout entière et lui brûlait la nuque. Elle en
cherche l’origine, et son regard croisa celui de Liam.
302
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304

-C’est de la Folie!
Cracha Jacques le cruel en frappant son énorme poing ganté sur
la table ronde autour duquel était assis les membres du conseil de
l’Est précédemment dissous par la reine.

Aliyah un sourire narquois sur les lèvres l’interrogea:

-Et pourquoi donc?

-Voyons duchesse Comment voulez-vous les hommes de l’Est


se battent contre les Pandéra si nous abritons l’un d’eux en nos
murs? Et que de surcroît la duchesse l’accueille dans sa chambre à
coucher?!

Appuya le duc d’ola. Son visage bouffi et son embonpoint


visible malgré les vêtements amples qu’il aimait à porter, le
rendaient comique, même lorsqu’il affichait un air soucieux.

-Vous devez voir plus loin messire…


Dit calmement Moire.
La prêtresse de la déesse unique s’était remise de sa
déconvenue face à la gardienne et n’avait pas perdu de temps pour
recommencer à ourdir ses complots.

-Daignez éclairer notre lanterne oh oracle! Nous n’avons pas


tous le don de visions prophétiques! Rétorqua le comte de Lancastre
visiblement moqueur.
305

-Nul besoin de lire l’avenir pour faire preuve de logique! Le


prince Liam est deuxième en ligne de succession sur le trône de
Pandragon! Si Lyor venait à mourir durant ce conflit, il serait
l’héritier légitime. Le futur roi! Cela me coûte de l’admettre mais Il
aime ma Sœur. Autrement pourquoi serait-il venu nous avertir de
l’arrivée prochaine du kraken et de sa flotte? Vous pensez à
l’éconduire peut être? A le traiter en ennemi? Avez-vous vu son
dragon? Je vous souhaite bonne chance pour renvoyer une pareille
créature!

Déclara Aliyah.

-En effet le dragon… Pose un problème, euh, épineux…


Reviendra-t-il? J’ai ouïe dire de la bouche de mes hommes que cette
créature lui était assujettie. En a t’il bien le contrôle?

-Que savez-vous des dragons Seigneur Olajuwon?

Demanda Aliyah… en se retournant vers le gros homme.

-Pas grand-chose duchesse… Des légendes… Des fables… on


dit qu’ils sont terribles.

-Ils le sont en effet! Et le fait d’en avoir un dans notre camp est
un avantage non négligeable. De plus, dois- je vous rappeler que le
conseil que nous formons a été démantelé par ma Sœur? L’arrivée
du prince nous offre une occasion inespérée de poursuivre nos
plans. Laissons-les s’amouracher. Et remportons cette guerre! Je
306

vous le répète Liam aime la reine et il ne fera jamais rien qui


pourrait nuire à ses intérêts.

-Je vous le concède… les hommes peuvent s’abstenir par


passion… mais est-ce pour autant qu’il combattra pour nous? Et
comment annoncer aux seigneurs de l’Est convoqués par la reine
que nous nous sommes alliés au frère de l’ennemi.

Demanda Jacques le cruel.

-Nous n’aurons rien à annoncer. L’identité du prince devra


rester secrète. Nul ne put savoir. Du moins, pas tant que nous ne
sommes pas certain de l’adhésion de la totalité de nos bannerets.

Répondit Aliyah.

Moire, porta sur elle un regard plein de fierté. Les graines


qu’elle avait semées plusieurs années plutôt, portaient enfin leurs
fruits. Aliyah ferait tout pour œuvrer à la renaissance du phénix.
Mais ce regard se couvrit d’une ombre. Le souvenir de sa vision
dans la pyramide. Les flammes qui les brûleraient elles et ses
novices, étaient-elles celles du dragon?
307
308

Un proverbe Diop disait : « le désert, est un miroir pour les


hommes. Ils y voient le reflet de leurs pires craintes ».
Anta et ses compagnons étaient bien loin des turpitudes des
voyageurs égarés. Ils établirent leur campement dans un oasis alors
que la lune se levait.
Le duc refit lui-même les provisions d’eau de son véhicule à
vapeur. Nettoyant les immenses réservoirs et les remplissant à
nouveau d’eau à l’aide d’un tuyau relié à l’un des douze robinets de
la fontaine. Il échangeait occasionnellement avec un des bergers
venu abreuver son troupeau ou une jeune femme puisant de l’eau.

Agar et Oulal étaient assis en cercle aux côtés de jeunes


enfants appartenant à la tribu vivant dans l’oasis.
Oulal jouait un air à la guitare. La complainte de son
instrument s’élevait dans la nuit, élégiaque et magnifique.
La voix parfaitement accordée à son rythme, Agar contait une
histoire.

Le désert d’Assiang était un endroit vivant.

Un peu plus tard, emmitouflée dans une fourrure, pour se


protéger de la fraîcheur des nuits du désert, Agar se rapprocha
d’Anta. Assis sur sa machine, une lampe de sa propre confection à
la main, il consultait un papyrus.

-Que faites-vous? Demanda-t-elle en levant les yeux vers lui.

-Je consulte une carte. Viens…


L’invita-t’il.
309

La jeune femme se hissa sans difficulté sur le véhicule et s’assît


à ses côtés.
Anta lui présenta la carte.

-Nous sommes ici, et demain, nous serons sans doute sorties du


désert. Nous déboucherons sur les massifs de Lanssalbion.

-D’où tenez-vous cette carte? Je pensais que vous ne vous


intéressiez qu’à vos inventions?

-C’est un cadeau d’Orion. Il me l’a envoyé il y’a trois ans, elle


était jointe à l’invitation à son mariage.

-Trois ans déjà. Alors cela remonte à la dernière fois que vous
avez quitté Diop …

Remarqua Agar. Son regard quitta la carte et tomba se porta sur


l’oasis. Oulal était debout à présent, il tournoyait autour d’une jeune
femme en lui dédiant chaque note de sa guitare.
La jeune fille remuait langoureusement les hanches, dans une
danse sensuelle et engagée. Les enfants qui les entouraient battaient
des mains. La scène était plutôt joviale. Agar pesta:

-Pourquoi se sent-il toujours obliger de faire son intéressant?


Sa question n’était pas destinée à avoir une réponse et pourtant,
Anta lui dit:
310

-Oulal n’a pas toujours été un dévoyé tu sais? Lorsqu’il est


arrivé à Diop et que l’on me l’a emmené, je me suis longuement
entretenu avec lui…

Agar dévisagea le duc qui contemplait toujours sa carte et


s’écria:
-Vraiment? Qu’avez-vous appris? Personne ne sait grand-chose
de sa vie avant Diop!

Anta répliqua distraitement:

-Elle est pourtant passionnante. Ne te laisse pas prendre au


piège de son allure débonnaire. Ce n’est qu’un artifice destiné à
tromper les autres.
Agar observa encore le jeune homme. Certes il avait fier allure,
mais son cœur s’enfla de nouveau de colère lorsqu’il vola un baiser
à la danseuse.

-Il y arrive très bien en tout cas! À tromper les autres. Que vous
l’aillez engagé passe encore, mais que vous l’ayez fait chef de votre
garde… Cela dépasse l’entendement, il manque clairement de
sérieux et de discipline!
S’insurgea la jeune assistante.

Anta rit doucement:

-Ne va pas croire. Sache que je ne suis pas premier à lui


accorder ma confiance. Il a été nommé vice capitaine de la flotte de
311

l’Est. Charge à laquelle il a renoncé. Dis-moi, sais-tu ce qu’est un


capitaine corsaire Agar?

La jeune femme surprise au possible par cette révélation.


Répondit:

-Je crois avoir aperçu le kraken une fois. Lorsque j’étais


enfant. Mais j’ai entendu pleins d’histoires à leurs sujets. On dit
qu’ils sont immortels et que ce sont les guerriers les plus
redoutables de tous les temps.

-Mmmmh, immortels, je ne pense pas. Il vrai que plus jeune,


moi aussi j’ai eu à rencontrer le kraken. Elle avait l’apparence d’une
fille de vingt ans alors que tous les livres que j’avais lus à son sujet
lui en donnaient au moins cent. C’était une chose qui m’intriguait.
Je demandai à mon père la permission de lui adresser la parole. Et il
me l’autorisa. C’est alors que n’approchant du célèbre capitaine
Kal’ouh’na Tanshal, du haut de mes neuf ans, je lui demandai un de
ces cheveux.

-Un cheveu?!
S’exclama Agar.

-Oui, un cheveu. Si je pouvais comprendre la raison qui faisait


que les cheveux de ma mère à peine âgée de quarante années
blanchissaient tandis que ceux du kraken demeuraient d’un rouge
éclatant après plus d’un siècle, je pourrai assurément comprendre le
phénomène par lequel l’ensemble de son corps conservait sa
jeunesse.
312

-Et vous avez trouvé la réponse?

-En partie seulement. J’ai observé la mèche du kraken pendant


plusieurs années. Elle était presque indestructible. Il ne brûla qu’à
une certaine température, celle que l’on produisait dans les forges
pour faire fondre le métal. Il était donc physiquement différent. De
même, les effets du temps semblaient ralentis. Il ne commença à
perdre son éclat que lorsque j’eu quinze ans. Or un cheveu que
j’avais emprunté à ma mère avait tout à fait terni et avait même
commencé à se fragmenter.

-Qu’en avez-vous conclu?


Demanda Agar en déglutissant.

-Patience Agar…. L’enjoignit le Duc en rangeant sa carte.

La jeune fille se mordit la lèvre. Le suspens était à son comble.


La lune brillait au-dessus de leurs têtes.

Agar et lui échangèrent un regard. La curiosité de la jeune


femme était portée à son paroxysme. Qui était donc Oulal?
313

Quand il avait décidé de partir dans la direction opposé aux


massifs de Lanssalbion, sur lesquels on pouvait voire un
amoncellement de nuages orageux, Valarion espérait pouvoir quitter
l’île par un autre port que Vaghar. En l’occurrence celui de Laertes.
Cette cité était sous le contrôle de la famille Zabulon. Une des plus
anciennes et puissantes maison de l’Est. Il ne comptait pas quêter le
logis où la pitance, mais pensait tout de même pouvoir traverser la
ville avec la princesse sans être remarquée. Le chemin jusqu’à
Laertes, imposait un détour, qui rendrait leur fuite plus longue, mais
Valarion avait également l’espoir d’y retrouver son fléau! Il
n’entendait pas se séparer aussi facilement de son vaisseau amiral.

Seulement, les choses ne furent pas aussi simples. Alors qu’ils


redescendaient vers la plaine des souffles, ils s’arrêtèrent pétrifiés.
La plaine qui s’étendait sur une centaine de kilomètres était envahie
par une armée qui y avait établi son campement.

Des étendards flottaient çà et là, Valarion plissa les yeux et ses


pupilles rondes, devinrent verticales. Lui permettant d’user de sa
vue de fauve. Il n’avait pas reçu d’éducation de qualité. Alors il
ignorait la plupart des armoiries représentées. Sa surprise n’en fut
que plus grande lorsque Latavia commença à les nommer une à une
comme en transe:

-L’homme derrière les buissons, c’est le blason des Nephtalis.


La vouivre noire sur fond rouge c’est celui des Zabulon. Il s’agit des
familles les plus influentes de l’Est.
314

Sa voix profonde rappelait bien trop celle d’Hérionne pour que


Valarion se fourvoie sur l’origine de ce savoir… L’esprit de la
gardienne vivait en Latavia. Il se hasarda à lui demander ce qu’il
convenait de faire:

La jeune princesse tendit sa main frêle vers le désert:

-On ne peut pas rebrousser chemin. L’orage a accentué les


risques de glissement de terrain sur les montagnes. Et on ne peut pas
non plus avancer en direction de la plaine des souffles. On risquerait
de se faire capturer. Par contre, nous pourrions contourner les
montagnes. Nous effleurerions le désert d’Assiang, mais nous
pourrions atteindre Laertes en trois semaines.

-Nos provisions ne tiendraient pas. Trois semaines…


Remarqua l’ogre.

-Nous devrons rationner. C’est cela ou alors nous jeter dans la


gueule du loup.

Valarion regarda une dernière fois la plaine et l’agitation qui


régnait dans le camp. Au loin, la massive pyramide d’Hurlevent
écrasait de sa stature la ligne d’horizon.

-Bien!

Déclara le géant roux. Ils suivraientt le plan de la princesse.


315

Liam soupira d’aise, en contemplant la cambrure parfaite de la


jeune reine endormie à ses côtés. Cette dernière replia sa jambe qui
glissa sur le drap de soie, accentuant encore le rebondi de son fessier
nu. Liam loucha un instant. Puis, se hasarda à contempler son
visage. Nulles courbes ne pouvaient supplanter ces traits-là.
Jenevah souriait et cela révélait une jolie paire de fossettes sur
chacune de ses joues. Ses pupilles noires, brillaient comme des
diamants noirs. Sur son front, ses abondantes mèches de cheveux
collés par la sueur, décrivait des ondulations harmonieuses, tandis
que le reste décalait librement sa chute de reins.

Liam sentit tout son être vibrer d’une passion incontrôlable. Il


glissa vers la belle et l’exprima en unissant leurs lèvres
fougueusement.

Quand ses yeux avaient croisés ceux de Jenevah, au milieu de


la foule, le temps c’était arrêté. La reine eut l’impression de
suffoquer sous le soleil et la joie. Elle entendait des cris éclatants et
rebondissant autour d’elle. Complètement désemparée par
l’apparition du prince, elle demeura étourdie jusqu’à ce qu’un de ses
soldats lui désigne Aliyah dont le cheval avançait vers eux.
Le regard de la reine noircit de nouveau. Elle pensa tout
d’abord que sa sœur essayait de lui jouer un tour, en projetant une
illusion.
Mais lorsque s’approchant à son tour, le jeune prince tomba a
ses genoux, qu’elle le releva et se glissa entre ses bras, qu’elle
accepta que c’était bien la réalité.
316

La foule s’agita… Qui était cet homme à qui la reine


témoignait une affection si flagrante?

-Votre majesté, il conviendrait de se retirer… lui conseilla


Messire Bako. Quand elle consentit à lâcher le prince.

“Où étais-tu donc?” Demanda-t-elle.

Liam basculant sur le lit en baldaquin soupira.

-J’errai en cherchant des réponses…

-Si tu avais été là, les choses auraient pu ne pas dégénérer…


Dit-elle en posant la tête sur le même oreiller que lui de sorte qu’elle
déposait ses mots au creux de son oreille.

-Tu penses? J’aurai sans doute fait pire que toi. C’est le clergé
tout entier que j’aurai brûlé.

Jenevah se redressa en s’appuyant sur ses coudes et chercha le


regard du prince.

-Je ne tiens pas à ce que tu entres en guerre pour moi. J’ai


convoqué mon banc. J’ai déjà des hommes prêts à mourir pour moi.
317

-Aucun d’eux ne possède un dragon…

-Tu tournerais ses flammes contre ta famille? Liam, voyons!

-Je ne pensais pas que tu te soucierais du sort des miens. Tu as


pris Latavia en otage. Si tu avais voulu la paix tu aurais pu l’avoir.

Liam s’était exprimé plus durement qu’il ne l’aurait souhaité.


Une dispute semblait sur le point d’éclater.
Jenevah soupira à son tour et  s’éloignant de lui, elle se leva.

-C’est le conseil de L’Est qui a rédigé la missive qui fut


adressée à Lyor. Et Latavia s’est enfuie avec le capitaine Valarion et
la gardienne. Du moins on ne les a pas revus depuis la chute du mur
de jade.

Ses justifications, n’empêchèrent pas Liam de poursuivre:


-Ton sceau y était apposé.

-Il a été contrefait par Aliyah.

Liam se leva à son tour comme s’il ne supportait plus d’être


décollé d’elle, il prit la reine dans ses bras.

-Alors pourquoi ne renonces-tu pas à la guerre? Tu es


l’héritière du phénix … Tu n’as pas à te laisser utiliser de la sorte.
318

La jeune reine le repoussa avec douceur.

-Je ne le peux Liam. Réfléchis, un instant pourquoi crois-tu


que tous les seigneurs de l’Est aient été aussi prompts à abattre les
bannières de ta famille? L’Est n’a jamais souhaité se soumettre aux
Pandéra. Contrairement aux Mardes nous n’avons pas perdu la
guerre, seulement une bataille.

Liam ne put s’empêcher de défendre ses ancêtres:

-Lanssalbion est de loin la plus écrasante victoire de l’histoire


de la conquête totale. Il est apparu clairement au roi Tierry que vous
n’aviez aucune chance. Voilà pourquoi il a ployé le genou.

-Il aurait dû se battre! Quitte à tomber avec sa cité. C’est ce


que tous ses vassaux attendaient de lui… Et C’est ce qu’ils attendent
de moi. Souhaites-tu que je te lise les réponses des seigneurs Dane,
Zabulon et Nephtalis? Si je me soumettais maintenant, ils me
jetteraient à bas et couronneraient Aliyah, ou pire Florent!

Liam fronça les sourcils

-C’est donc cela que tu crains? Alors, peut-être le couard de


votre dynastie n’est pas celui qu’on croit…
319

Les mots fusèrent comme des flèches. Et trouvèrent Jenevah en


plein cœur. Une flamme s’alluma dans ses rétines.

-Ceci est la raison pour laquelle j’ai tenté de t’avertir. Tu as


beau leur avoir tourné le dos, ton cœur restera celui d’un Pandéra.
Et un Pandéra n’a pas sa place ici…

-Tu ne peux pas m’ordonner de partir! Sans moi vous n’avez


aucune chance…

-Tu nous sous estimes Liam…


Dit la jeune reine. Elle se tenait devant une fenêtre à travers
laquelle l’on voyait le soleil à son zénith. Sa peau chocolat au lait
scintillait comme si elle avait été une plage de sable fin.

-Mais tu as raison, poursuivit-elle. Ton dragon pourrait


survenir dans n’importe quelle cité et y déverser le feu et la mort.
J’ai besoin d’une telle arme dans mon camp.
Elle se retourna et lui fit face.
Le prince et la reine se jaugèrent chacun détaillant l’anatomie
de l’autre.
Jenevah brisa le silence:
-Sois mon prince consort!

Liam surprit leva un sourcil…

-Quelle fantaisie vas- tu encore inventer ? Cela ne te suffit pas


que je sois ici en ce moment prêt à me battre pour toi?
320

Demanda-t-il…

-Non Liam cela ne me suffit pas! Et cela ne devrait pas te


suffire non plus! Tu es le deuxième en ligne de succession sur le
trône. Qu’arrivera-t-il si ton frère vient à disparaître durant cette
guerre? Tu as quitté ta famille. Qui assurera la succession?
Marlène? Que les dieux nous en garde! Latavia? Alors qu’on ne
sait même pas où elle se trouve? Ou alors laisseras-tu Gaïa sombrer
dans le chaos?

Liam se détourna d’elle, exaspéré.

-Nous n’en sommes pas encore là! S’exclama t’il réticent à


imaginer la mort de son frère.

-Et pourtant nous sommes en guerre, et nous ne pouvons pas


prévoir qui en sortira vivant. Toi, moi, Lyor… On ignore ce qu’il
adviendra de nous…
Murmura Jenevah en se rapprochant de lui.

-Je ne laisserai rien de mal t’arriver… je te protégerai au péril


de ma vie!
Déclara le prince fiévreusement.

-Alors épouses moi! Dit-la


Jeune femme en forçant son amant à la regarder. -Tu pourras
me défendre légitimement et personne ne remettra plus en doute ton
321

droit de cité ici. Si Lyor vient à disparaître nous réclamerons le trône


qui te revient de droit et ferons de nos deux royaumes, deux états
fédérés.

Jenevah guettait la réponse du prince, en plongeant dans son


regard. Ses sourcils fins décrivaient un arc soucieux.

Liam soupira de nouveau:

- Comment comptes-tu l’annoncer à tes bannerets?

Jenevah dans un large sourire découvrit ses dents nacrés. Elle


embrassa langoureusement le jeune prince avant de consentir à lui
donner une réponse:

-Si j’y ai pensé Aliyah aussi… Exactement comme elle pense


que ton arrivé me distraira de mes responsabilités. A l’heure qu’il
est, elle tente sans doute de reprendre la main sur la gouvernance de
mon royaume.

-Vous vous livrez une lutte intestine?

-Non! Les seigneurs de l’Est ne me respectent juste pas encore


assez… Ils pensent à tort qu’Aliyah est un meilleur chef de guerre.
Pourrais-Tu me confectionner à nouveau une robe comme celle que
tu m’as offerte à pandragon?

Liam répondit perplexe:


322

-Oui… Certainement.

-Bien alors met toi au travail, et laisse-moi le reste. Je me


charge de tout.
Acheva calmement la reine.
323

La mer était calme. Et il n’y avait pas un seul nuage dans le


ciel. La dame rouge avançait sur les eaux, des immenses voiles
pourpres gonflées par le vent d’Est.
La quiétude fut brisée par la détonation d’un canon.

-Je crois qu’ils nous ont repérés!


Cria un moussaillon de l’équipage du kraken.

Le capitaine Kal’ouh’na Tanshal debout sur la proue aux côtés


de Mag Er hl son fidèle bras droit et de Nath sa protégée, observait
le navire pirate à plusieurs miles d’eux effectuer une courbe et
modifier sa trajectoire.

- Ils s’enfuient! Le coup de canon était sans doute destiné à


donner l’alarme à d’autres flibustiers dans les environs.
Analysa Mag.
Le marin blond, affichait un air sérieux qui ne lui était pas
commun.

-C’est à croire qu’ils se sont donnés le mot ! Je trouvais déjà ça


bizarre qu’il y ait de moins en moins de vaisseaux pirates une fois le
grand obélisque passé. Mais maintenant je suis certain qu’il y’a une
vraie machination!
Compléta Nath.
324

-Il est vrai que c’est tout à fait illogique. Normalement, les
rebelles ne disposent pas de flotte pour défendre leurs eaux
intérieures. Les hors la loi auraient dû y foisonner. D’autant plus
que c’est la zone où il y’a le plus d’échanges commerciaux dans tout
l’archipel.
Poursuivit Mag portant une main à sa barbichette blonde.

-Cela signifie qu’ils ne cherchent pas à s’enrichir. Ils


poursuivent d’autres buts.

Acheva sinistrement le Kraken.

-Il faut les rattraper!

S’exclama Nath.

-Hélas! Ça ne va pas être possible…


Répondit Mag

-Pourquoi ça?

-La dame rouge est un navire très ancien. Il est certes d’une
taille titanesque et d’une robustesse à toutes épreuves. Mais il est
lent. Beaucoup trop pour rattraper une galère pirate qui a cette
avance. De plus l’équipage semble résolu à nous fuir. Nous ne
325

parviendrons pas à l’aborder. Et si nous tombons sur lui, c’est qu’il


a réussi à se faufiler entre les autres navires de la flotte.

-Je ne suis pas d’accord!

-Ah bon?!

La jeune fille tira son épée runique du fourreau. Elle lui adressa
un grand sourire.

-Vous venez avec moi?

Le kraken observa ses deux compagnons disparaître dans un


flash de lumière blanche. Un sourire sibyllin flottait sur ses lèvres.
326

Baba, un gros bonhomme noir aux lèvres roses, perché sur la


vigie du bateau pirate, hurla dès qu’il aperçut les voiles de la dame
rouge au loin.
Le capitaine Maori -Jambe de bois, un grand roux aux yeux
bleus, ordonna à ses hommes de mettre le cap à bâbord toute.
Le gouvernail tourna comme une roue et ils mirent plusieurs
miles de distance entre eux et le gros navire.
Le batteur accéléra la cadence et les rameurs arc boutés
actionnaient leurs muscles pour faire avancer le bateau plus
rapidement.

-Ramez!
Beuglait Maori.
Il contempla avec satisfaction l’écart qui se creusait entre le
vaisseau du kraken et le leur.

Il était hors la loi depuis une vingtaine d’années, et même dans


ce monde très vicieux, il y’avait des règles à suivre si l’on voulait
perdurer. L’une d’elles était la fuite quand on croisait le navire
amiral d’un capitaine corsaire.
Bien sûr, sans les précieuses informations de vartagême, ses
hommes et lui, n’auraient pas pu reconnaître les voiles de la dame
rouge, ni même être que courant que la flotte de l’Est mouillerait
dans les eaux du soleil levant.
Il réfléchissait à quel itinéraire emprunter à présent, lorsqu’il
fut aveuglé par un flash lumineux.

Quand il rouvrit lentement les yeux, il découvrit deux


nouveaux passagers à bord de son navire. Une fille aux cheveux
cours, portant un uniforme rouge et or, tenant une épée scintillante à
la main. Et un grand blond derrière elle.
327

-Qu’est-ce que […]!

Avant qu’il ait achevé de jurer, Nath bougea. Elle frappa de sa


lame le pirate le plus proche et lui ouvrit les entrailles d’un coup
d’épée. Le malheureux mourut sans comprendre ce qui lui arrivait.
Il y’eut un deuxième avant que le cadavre du premier ne s’effondre
sur le pont.

-Par les enfers!


Jura Jambe de bois en tirant son cimeterre.
Les marins abandonnèrent leur poste pour défendre leur navire.

Mag jusque-là immobile, grandit a vu d’œil. Il avait déjà le


triple de sa taille initial, lorsqu’il saisit le mât du bateau à bras le
corps et l’arracha d’un seul coup.
Nath effectua un bond de plusieurs mètres et le vice capitaine
Erhl fit tournoyer le poteau de bois balayant les pirates massés
autour d’eux.

Ceux qui n’étaient pas passés par-dessus bord se jetèrent d’eux


même à la mer.

Maori observa son bateau prendre l’eau.


L’air complètement déboussolé.

-Vous, vous venez avec nous.


Dit Nath en posant une main sur son épaule, avant de
disparaître dans un flash de lumière.
328

Quand il ouvrit à nouveau les yeux, il se trouvait sur la dame


rouge. Et de loin il observa son navire couler. Le spectacle était
encore plus pathétique avec ce référentiel.
Maori serra les poings et fit appel à son don, mais avant même
qu’il est pu se manifester, une gangue rouge l’entoura.

-N’y songe même pas…

Il leva la tête et sa pugnacité laissa place à l’effarement.


La jeune femme en face de lui, dont les cheveux d’un rouge
éclatant contrastaient avec son teint bronzé et ses yeux vert
émeraude, une cicatrice sur la joue droite, était connue de tous ceux
qui arpentaient les mers… Le kraken.

-J’ai quelques questions… Tu vas y répondre si tu ne veux pas


finir au fond des eaux.

Dit-elle avec un sourire cruel.

Maori comprenait vite. Il n’y avait qu’une seule option qui


s’offrait à lui. Sans la moindre hésitation, il se mordit la langue avec
une telle force quelle se trancha.

Mag et Nath observèrent le pirate s’ébrouer sous la douleur…


recrachant sang et bout de chaire.
Le sourire de kal’ouh’na s’effaçât:
-J’ignore ce que tu crains plus que moi. Mais c’était une grave
erreur.
329

Sans autre forme de procès, la gangue rouge contrôlée par le


kraken, recouvrit complètement le flibustier, malgré ses
grognements de protestation. Puis, elle se compressa, écrasant le
muet comme une orange. Broyant os et chair.

Mag se rapprocha de son capitaine:

-Qu’en pensez-vous?

-Ils y’a quelque chose qui se trame. Et les pirates qui


foisonnent y sont mêlés de très près…

-Voulez -vous que nous donnions la chasse à d’autres navires?


Avec le pouvoir de Nath nous pourrions…

-Non!
Trancha le capitaine Tanshal. -Nous poursuivons vers
Lancastre. Si le problème n’a toujours pas été réglé à notre retour de
mission, alors seulement, nous agirons.
330

Le palais de glace comptait plusieurs petits salons destinés à


recevoir les invités venus présenter leurs hommages aux hôtes de
marques de la couronne qui y résidaient temporairement.
La pièce de givre était immanquablement la moins accueillante
de toutes. Les sièges de fer forgés, étaient de parfait isolants, ainsi,
ils étaient devenus de véritables fauteuils de glace, sur lequel il était
bien inconfortable de rester assis.
Elysson et le colonel Malika ne s’y trompèrent pas. C’était à
dessein que le duc les avait reçus en ce lieu plutôt qu’en un autre.
Le vent s’engouffrait par les larges ouvertures ovales
pratiquées dans les murs de pierres. Un lustre de Crystal rappelant
des stalactites était suspendu au centre du plafond circulaire.
Aucune chandelle, et pas la moindre cheminée, où source de
chaleur. Elysson songea avec regret à son manteau. Elle fut prise
d’une envie d’écourter l’entrevue au plus vite. C’était sans doute le
but recherché par leur hôte.
Le Seigneur Dionos, n’était pas sans ignorer que les membres
du corps militaire, n’avaient pas le droit de boire durant leurs heures
de service. Cependant, cela ne l’empêcha pas de faire venir un de
ces domestiques auquel il donna l’ordre de ramener une bouteille de
Gauvinal et trois coupes. Ni le colonel ni la jeune fille ne touchèrent
à la leur.

-Parlez sans crainte, vous dis-je. Si c’est la présence de


Germain qui vous gêne, sachez qu’il m’a plu de le rendre sourd. J’ai
moi aussi une sainte horreur de l’indiscrétion.

Dit le duc d’un air supérieur.

Elysson tiqua: « Il m’a plu de le rendre sourd. »


331

-Voulez-vous dire, que son handicap a été causé par vous?


Demanda-t-elle lentement.

-Oui jeune fille…

« Jeune fille et non officière ».

-C’est un sujet du roi! Dit-elle.

-Mais je demeure son seigneur. Il m’a juré sa vie. J’imagine


que vous n’êtes pas venus ici, inspecter les façons dont je traite mes
serviteurs… Je vous prie d’en venir au fait colonel.

Dit paresseusement le duc de Gauvinal.

Elysson n’était pas du genre à lâcher le morceau:

-Faites-vous percer les tympans à tous les hommes qui sont à


votre service?

Malika ne put retenir un sourire de fierté.

Le seigneur Dionos soupira.


332

Il fit signe d’approcher au valet en question et ce dernier


s’exécuta. Il lança un regard presque apeuré aux deux officières
assises en face du duc.

Dionos tendit la main et le valet y déposa la sienne. Le contact


dura en tout et pour tout une minute. Mais la tension dans la pièce
grimpa en flèche. Pour brusquement redescendre la minute d’après.

-Retirez-vous à présent.
Ordonna le duc

-Merci Mon Seigneur !


Balbutia le jeune homme, qui fila hors du salon de givre.

Elysson fit une analyse rapide. D’un simple touché, le duc


pouvait altérer les sens d’une personne. C’était le genre de dons qui
posaient un sérieux problème en combat rapproché. Fort
heureusement, elle n’avait rien à craindre, puisqu’elle pouvait
mettre ses adversaires hors d’état de nuire sans les toucher.

-Êtes -vous satisfaites jeune fille?

S’enquit le duc…

-Le sous-lieutenant Elysson est un membre de la garde royale.


Rappela Malika, une lueur malicieuse dans le regard.
333

-Soit ! Soit ! Je commence cependant à perdre patience


colonel… Quel est donc l’objet de votre visite?
Déclara le duc après une lampée de vin.

Malika répondit calmement:


-Monsieur le Duc, quels sont vos liens avec le dénommé
Assam?
334

La symphonie suave jouée par l’orchestre se diffusait dans


toute l’aile du château jouxtant les appartements de la princesse
Marlène. Le parfum qui flottait dans l’air était doux. Les têtes de
lards, petits amuse-gueules que les serviteurs proposaient sur des
plateaux d’or, étaient succulentes. Le Gauvinal coulait à flots. La
réception de la princesse Marlène était une réussite sur le plan
formel.
Mydoral ayant une mère très portée sur les mondanités, ne
pouvait qu’apprécier à leurs justes valeurs la qualité des prestations
des serviteurs royaux. La princesse était une femme de goût.
Toutefois, rien ne semblait prédisposer la duchesse d’Hasborg et la
première fille de la maison Pandéra à s’entendre.

Mydoral revêtu d’une robe bleu marine, la couleur de sa


maison, contrastant avec Le Roux éclatant de ses mèches, mais se
mariant à la perfection avec le bleu azur de ses pupilles.

Des femmes discutaient par petits groupes, tandis que quelques


hommes tentaient de leur conter fleurettes. Tout à fait indifférente à
ce manège, Mydoral chercha la princesse du regard.
Elle le remarqua au centre de la pièce, magnifiquement
apprêtée. Elle avait la toilette d’une reine et discutait avec une
femme brune plus âgée qui ne lui cédait pas en élégance. La
duchesse se rapprocha, et adressa une révérence à la princesse
comme le requérait l’étiquette.

-Oh Duchesse! Soyez la bienvenue! S’exclama Marlène


souriante.
335

La femme à ses côtés détailla Mydoral du regard et ses yeux


légèrement ridées aux coins, lui dédièrent un regard gai. Marlène fit
les présentations:

-Comtesse, voici Mydoral Djemerker. Hôte de la couronne et


duchesse de Hasborg.

La noble vêtue d’une robe blanche immaculée, se tourna alors


complètement de sorte à lui faire face. Mydoral lui trouva une
certaine ressemblance avec sa mère l’archiduchesse Vivianne.

-Oh! Le seigneur Chamberlin est un grand ami de mon mari,


comment se porte-t-il? Et Viviane? Il y’a plusieurs années que je
n’ai pas reçu un seul billet de sa part!
S’exclama chaleureusement la comtesse.

-Vous connaissez mes parents?


Demanda Mydoral surprise.

La comtesse lui sourit tendrement, et il sembla que la pièce


s’illumina.

-Votre mère et moi-même avons toutes deux été éduquées à la


cours du roi Léo I. Nous y avons rencontré nos époux respectifs. Et
quand elle partit pour l’Ouest, je voguais vers le Nord. Mais nous
avons longuement correspondu. Durant ma grossesse, ses lettres
m’ont permis de ne pas me sentir trop seule. Et lorsque j’ai donné
naissance à mon troisième enfant, la vicomtesse de Kalt, des années
plus tard, elle fit le voyage jusqu’au comté de stroem. J’avais espéré
que le couronnement serait l’occasion idoine pour nous revoir mais
je constate qu’en lieu et place d’elle se tient sa ravissante jeune fille.
336

Mydoral rougit sous le compliment, elle qui n’était pourtant pas


de nature sensible.

-Vous êtes la comtesse de stroëm, le soleil du nord. Ma mère


m’a souvent parlé de vous.
Dit-elle. Les paroles de la comtesse lui avaient permis de faire
le rapprochement.

-Oh! De soleil il n’y a plus, l’on m’a nommée ainsi en raison de


mes cheveux. Mais comme vous pouvez le voir, le temps les a
rendus aussi blanc que la neige de mon comté.
S’exclama la comtesse rieuse.

Le trait d’autodérision, tira un sourire à Mydoral, achevant de


la détendre. Cela
N’échappa pas à la princesse. Elle décida de profiter de ce que
le soleil du nord avait fait fondre le cœur de l’implacable duchesse,
pour l’apprivoiser à son tour.

-Le bleu vous va à ravir duchesse…


Comment a-t-elle.

Le sourire de la duchesse s’effaça. Elle était imperméable aux


compliments, lorsqu’ils se rapportaient à son apparence physique.

-Le rouge m’ira sans doute aussi bien qu’à vous répondit-elle
-Si tant est que votre frère daigne revenir de sa folie….
Ajouta-t-elle le regard froid.

La princesse eut un rictus


337

-Oh! Mais de quoi s’agit-il?

S’enquit la comtesse.

-Rien qui mérite votre attention comtesse!


Répondit hâtivement Marlène.

Nullement offusquée, la maîtresse de stroëm, sourit de


nouveau:

-Dans ce cas je ne ferai pas preuve d’indiscrétion plus


longtemps…
Dit-elle. Remarquant un noble de sa connaissance non loin, elle
alla vers lui et entama une nouvelle conversation.

Mydoral la suivit du regard. Elle se fit la réflexion que la


comtesse n’avait pas reçu son surnom de soleil du nord pour rien.
C’était une femme dont il se dégageait une chaleureuse
bienveillance.

-Je suis d’accord avec vous…


Lui dit doucement la princesse.

Mydoral la dévisagea avec étonnement.

-Le rouge vous irait à ravir. De même que l’or de la


couronne… poursuivit Marlène.
338

Mydoral fut rassérénée. L’espace d’un instant, elle avait cru


que la princesse était parvenue à deviner ses pensées:

-J’ai peur de ne pas vous suivre votre altesse … répondit-elle.

Marlène prit la main de la duchesse.

-Marchons un peu voulez-vous?

Mydoral se laissa entraîner. Les deux jeunes femmes


traversèrent la pièce sous les chuchotements incessants des nobles.

-Liam a toujours été un garçon à part.


Commença Marlène.

-Les rumeurs à son sujet on atteint port bastion. Je suis au


courant qu’il n’a nul goût pour les mondanités, encore moins pour
les armes et la politique. On le décrit comme un ascète sans don
autre que la peinture.
Répondit la duchesse.

Marlène rit doucement:

-Oh! Il ne faut pas croire tout ce qu’on raconte. Les rumeurs et


ceux qui les ont lancés sont bien loin de la vérité.

-Vraiment?

-Mon plus jeune frère a certes une passion peu commune pour
la peinture, mais il est loin de n’avoir aucun goût pour les femmes.
J’imagine que vous êtes au courant de sa trahison…
339

-Le roi l’a mentionné en effet.

-Quelle en est la cause selon vous?

Mydoral demeura silencieuse, observant la princesse d’un air


empreint de curiosité.

-Il est épris de la rebelle. Il est évident que cette dernière le


manipule pour parvenir à ses fins.
Dit froidement Marlène.

Mydoral, surprise par cette révélation ne pipa mot. La princesse


poursuivit:

-Liam est le deuxième en ligne de succession directe pour le


trône. Si Lyor venait à mourir. Il serait immédiatement fait roi. Cela,
nos ennemis ne peuvent l’ignorer. J’en suis certaine, C’est la raison
pour laquelle, Jenevah a donné suite à sa cours et l’a encouragé à
tourner le dos à sa famille. Elle souhaite devenir reine et pas juste
d’une partie de l’archipel!

-Tout cela me semble bien compliqué. Si devenir reine était


son objectif, elle n’aurait eu qu’à épouser le roi!

De nouveau Marlène rit:

-Vous ne comprenez pas. Car vous ne connaissez pas mon


frère. C’est un être pacifique vivant seulement pour ses passions. Il
ignore tout de l’ambition. Lyor par contre, en dépit de son
impulsivité, possède un fort caractère et est un guerrier! Jamais il ne
se laissera mener par une femme! Fut-elle la plus belle de tout le
royaume.
340

-Vous sous entendez qu’aux côtés de Liam, Jenevah est assurée


d’exercer elle-même le pouvoir…

-Je ne le sous entends pas très chère. J’en suis certaine. À sa


place, j’en serai arrivée à la même conclusion. Mieux vaut Liam
que Lyor. Jenevah est loin d’avoir la force de caractère nécessaire
pour dominer le roi… Ma seule erreur a été de l’avoir sous-estimée.
Son plan a ainsi pu se dérouler sans anicroches ou presque. Nous
voici au matin d’une guerre au cours de laquelle elle fera tout pour
ôter la vie à sa majesté mon frère!

-Si ce que vous dite est vrai, il faudrait doubler la protection


autour du roi… et Prier pour que ce dernier survive au conflit. Ou
alors nous serions obligés de nous agenouiller devant elle.

-Je ne suis pas femme à confier mon avenir aux déesses. Pas
plus que vous duchesse…

Dit Marlène en fixant Mydoral droit dans les yeux.

-Que préconisez-vous?
S’enquit cette dernière.

-Il faut lui couper l’herbe sous le pied!

-Mais encore?
341

-Il faut nous assurer que le roi ait un autre héritier que Liam.
De sorte que même s’il advienne que Lyor périsse, la couronne ne
puisse échoir à mon second frère.

-Pour que cela soit, il faudrait que le roi désigne un autre


héritier et l’associe au trône. Ou alors qu’il se marie et ait un fils de
son sang.

-J’y ai longuement réfléchi voyez-vous ? Désigner un successeur


qui ne serait pas de sang royal, ou qui n’aurait pas le sexe adéquat,
fragiliserait d’avantage le royaume. La rebelle pourrait alors se
servir du droit de mon frère pour contester sa légitimité. Il se
trouverait sans doute des seigneurs pour lui donner gain de cause et
d’autres pour hésiter. Il faut dire qu’un mariage entre Pandéra et
Lancélhion assurerait au royaume une ère de prospérité à nulle autre
pareille c’est ce qu’avait mon feu père à l’esprit lorsqu’il a fiancé
Lyor et Jenevah.

-Votre raisonnement vous écarte votre sœur et vous, comme


potentielles successeurs. De même que toute personne que pourrait
désigner le roi. Il ne reste que l’éventualité d’un mariage.

-Vous êtes intelligente duchesse. Ma sœur Latavia est retenue


captive. J’ignore si je la reverrai. Mais même si elle nous était
rendue saine et sauve, elle n’est qu’une enfant et qui plus est de sexe
féminin comme moi. J’ai déjà été écarté de la succession pour cette
raison et personne n’y a retrouvé à redire. Le roi ne peut donc
désigner aucune d’entre nous. L’une comme l’autre, nous ne
réunirions pas assez de partisans pour faire face à la rebelle. Mais,
342

un fils, dans les veines duquel coulerait le sang des Pandéra mêlé à
celui d’une grande et noble maison du royaume(…)

-Y parviendrait sans peine! Conclu Mydoral qui commençait à


voir où la princesse voulait En venir.

-A l’heure actuelle, les familles les plus puissantes qui se sont


clairement déclarées pour le trône sont les stroëm au nord, les
Djemerker à l’ouest et les Gladstone au sud. Les Gladstone sont
hors course, étant donné qu’ils n’ont aucune fille en âge d’être
mariée dans la branche principale de leur famille. La comtesse a fait
le déplacement exprès, mais nous devons convenir que la
vicomtesse de Kalt sa fille, est peut-être un peu trop particulière
pour que nous puissions sérieusement envisager d’en faire une reine.

-Particulière?

-N’avez-vous donc jamais entendu parler du capitaine Sulyvan


de la vermarme. Celle qui gela tous les habitants d’un village?

-Non… Et elle n’a écopé d’aucune sanction?

-A l’époque elle faisait partie de la garde royale et était en lice


pour une nomination. Mon père a fait preuve de clémence et elle a
été dégradée.

-Je vois. Si je suis votre raisonnement, il ne reste que moi…


Mais hélas je suis déjà promise au second prince…
343

-De simples accords. Ce qu’un roi a fait, un autre peut le


défaire. Consentiriez-vous à épouser Lyor?

Mydoral sourit. Mais il semblait que ses yeux brillaient d’un


éclat sombre:

-Le roi n’est plus un enfant que l’on marie contre sa volonté. Ni
moi d’ailleurs. Et même si la couronne est une dote intéressante.
Que votre frère me pose lui-même la question… Et vous aurez ma
réponse.

Dit-elle.
344

La comtesse Carmen de Kalt arriva dans le dos du haut noble.


Il avait les cheveux gris taillés à raz et un maintien irréprochable. Il
se retourna juste au moment où la comtesse allait tenter de
l’effleurer.
Cette dernière quelque peu surprise par ce geste soudain
s’arrêta dans son mouvement et lui dédia un sourire radieux. Le
sourire était la réaction la plus naturelle de la comtesse. Un sourire
chaleureux qui illuminait son visage ridé et qui disait-on, avait fait
fondre le cœur de glace du Seigneur Stroem.

-Bonsoir Messire. Salua-t-elle le duc

Un éclair de joie passa dans les pupilles grises de Camil.

-Carmen! Comment allez-vous?

-Oh! Je me porte comme un charme et vous donc messire?

-Il en est de même ma dame.


Répondit Camil en prenant délicatement le poignet de la
comtesse. Il déposa un chaste baiser sur le dos de sa main avant de
se redresser.

-Je vous sens pourtant quelque peu préoccupé Camil…

-Comment ne pas l’être. La situation politique n’est pas très


reluisante.
345

-Vous êtes toujours égal à vous-même. Obnubilé par votre


devoir en tout lieu.

-C’est là un trait de ma personnalité que je crains de ne pouvoir


me départir.

La comtesse rit doucement.

-J’espère que vous faites néanmoins quelques efforts avec votre


jeune promise. Vous savez comme les jeunes femmes ont horreurs
qu’on les bassines avec les enjeux géostratégiques.

-Oh! J’ai de la chance figurez-vous. La princesse Marlène est


en fait très différente de ces pairs. Elle montre un intérêt tout
particulier pour la chose politique. J’éprouve même quelque peine à
lui dissimuler les sujets que j’estime être trop sensible…

La comtesse rit derechef.


Elle avait un rire cristallin étrangement jeune.

-Fort bien.

Un servant passa à proximité des deux nobles, et se proposa de


remplir la coupe presque vide de la duchesse. Cette dernière
dédaigna poliment. Puis, fixant le duc droit dans les yeux, elle se
décida à aborder le sujet qui la taraudait:

-Au fait, messire, qu’en est-il de ma requête? Je dois bientôt


repartir pour le Nord. Mon époux doit s’ennuyer de main absence
prolongé. J’ai reçu un courrier des lequel il félicitait sa majesté pour
son accession au trône et lui redisait la fidélité de la maison Stroem.
Je l’ai transmise au cabinet du roi. À la fin de celui-ci il lui
346

demandait de bien vouloir mettre à ma disposition un détachement


de ses flottes pour que je puisse effectuer un voyage de retour sûr. Je
pense que ma fille lui manque voyez-vous… J’avais espéré pouvoir
l’emmener avec moi. Cela va sans dire que son père ignore tout de a
disgrâce. Et j’aimerai que cela reste ainsi. Le roi va t’il oui ou non la
réintégrer dans ses fonctions?

Le duc reprit son air sérieux avant de répondre:

-La question de la réintégration du capitaine Sulyvan au sein de


la garde Régine a été débattue avec le conseil. C’était assez délicat,
nommer un officier et lui accorder une permission en temps de
guerre n’est pas chose aisée. Et les autres éléments pourraient
l’interpréter comme un relâchement… Cela nous voulons à tout prix
l’éviter dans un premier temps. Ensuite, il s’est avéré que l’histoire
du village de glace est malheureusement encore trop présente dans
l’esprit des sujets du roi, pour accorder ex nihilo, une faveur à votre
fille.

Carmen de stroem afficha pour la première fois de la soirée un


sourire contrit.

-Dois -je comprendre que le roi a refusé d’accéder à ma


requête? Je me suis pourtant donné tant de mal. D’abord pour
cacher tout ceci à mon époux. Il tenait à faire le voyage pour assister
au couronnement. J’ai dû lui promettre que je reviendrai avec notre
fille afin qu’il consente à me laisser venir le représenter.

-Dans mon souvenir le seigneur Frigus n’était pas un homme


que l’on pouvait infléchir facilement. Vous avez du déployer des
347

trésors de charme. Le soleil du nord est un surnom qui vous va à


ravir!
Vos efforts n’auront pas été vains cependant. Vous pouvez
pour cela remercier le vicomte d’Avalon.

-Ce nobliau a t’il voix au conseil à présent?

-Oh! Loin de là comtesse! Il se trouve harcelé de toute part, par


une bande de brigands ayant décidé de lui voler ses terres. Il a fait la
requête au roi d’un détachement de l’armée pour remédier au
problème. Mais nous avons mobilisé l’ensemble des forces de la
capitale afin de faire une forte impression à la duchesse Djemerker.
Votre fille, a été désignée pour régler le problème: seule.
Si elle y parvient, le roi fera preuve de clémence. Il abrogera la
décision de feu sa majesté Léo II et la vicomtesse de Kalt sera
réintégrée au sein de sa garde.

-Voilà qui est formidable! Sulyvan ne devrait éprouver aucune


peine à défaire quelques brigands! De mes trois enfants, elle est la
plus farouche et bien qu’étant la cadette, le seigneur mon époux
souhaite en faire son héritière. « Elle a de la glace dans le sang
comme les anciens rois du nord! » se plaît il a répéter.

-J’en suis moi-même convaincu comtesse!

Répondit Camil avec un sourire réconfortant.

-Sitôt qu’elle aura mené à bien sa mission vous pourrez repartir


pour le nord! Afin de ne point donner l’impression de la favoriser,
348

elle sera affectée à la flotte du sud dont un détachement vous


mènera jusqu’à Kalt.

Carmen de Stroem réalisa soudainement.

-Mais Camil! Le dragon des mers lèvera l’encre d’ici deux


jours!

-Hélas comtesse. C’est tout ce que nous avons pu obtenir du


conseil. Le capitaine Sulyvan a deux jours pour régler le problème.
Sinon, vous devrez regagner le nord sans elle. Mais n’ayez crainte
elle est déjà en route pour Avalon… Je crois en ses capacités! Cette
mission est amplement à sa portée!

Le cœur de mère de la comtesse se serra.

-Que les déesses vous entendent! Murmura-t-elle…


349
350

-C’est absurde!
Vociféra le prêtre en envoyant valdinguer la coupe de vin
devant lui. Celle-ci rebondit sur le mur de marbre avec un tintement
métallique. Boire dans des coupes en or était un luxe, que seuls les
membres les plus éminents du clergé pouvaient s’accorder. De
même que renverser une coupe de Gauvinal…

-Il faut pourtant le croire, votre sainteté. Nous sommes sans


nouvelles du frère Boris depuis bientôt un mois. La dernière fois, il
indiquait avoir passé Vaghar sans encombre…

-La fine fleur de mes assassins aurait été décimée? Sans même
un survivant!?

-La rebelle dispose sans doute de moyen dont nous ignorons


l’existence. J’ai entendu dire qui Les Nephtalis excellent dans l’art
de l’espionnage.
Répondit le vieux prêtre ptoleamaüs.
Chenu, chauve, la dentition rare, il était un vestige d’une autre
époque et ressemblait d’avantage à un sorcier d’épouvante qu’à un
moine. Et ce, en dépit de sa toge bleue toute neuve, sertie de
pierreries.

Sa sainteté le grand prêtre Mazarin, avait la main tremblante. Il


prit une nouvelle coupe sur l’étagère derrière lui et se resservit du
vin.

-Nous devons trouver un moyen d’exercer notre vengeance.


351

Dit-il avec véhémence, en avalant la liqueur d’un trait.


Ses tremblements refluèrent.
-Autrefois, les sicarius ont su abattre un roi! Qu’en est-il
aujourd’hui? Votre ordre a perdu son efficacité! Enchaîna-t-il.

Le vieux Ptoleamaüs répondit d’un air pernicieux:


-C’est une chose de frapper un roi au sein de sa capitale, quand
il se pense invulnérable. Il en est une autre d’atteindre une ennemie
sur ses gardes, à des milliers de kilomètres. Mais votre sainteté a
sans doute raison, les hommes ne sont plus fait du même bois…

Mazarin prit la pique pour ce qu’elle était.


Mais décida de ne pas relever. Il avait trop besoin de
ptoleamaüs pour assoir son pouvoir sur le clergé. Ce dernier
dirigeait la milice depuis deux générations et savait tous les noirs
secrets de la religion des trois déesses.
Le grand prêtre passa sa main dans sa barbe luisante. Il avait
été guéri par la gardienne, mais parfois, il avait l’impression que le
feu rongeait encore ses tissus et une douleur lancinante le saisissait
de l’intérieur. C’était dans ces moments que sa haine était la plus
forte.

-Bien…Nous Frapperons l’ennemie dans notre capitale!


Déclara-t-il
Ptoleamaüs eut un sourire torve et édenté.
-Dois-je comprendre que votre sainteté donne son aval pour
l’exécution de la traîtresse?
352

-Oui! Éliminez cette femme et envoyez sa tête dans un coffret à


sa nièce!

Cracha le représentant des divinités avant de se servir de


nouveau du vin.
353

Le duc de Gauvinal observait les deux officières quitter la cour


du palais de glace depuis une fenêtre du salon de givre.
Préoccupé par leur échange, il fit mander un homme de sa
garde dès que les eux femmes eurent passé la herse.

-Paulo! Où est mon fils?


Demanda-t-il à l’homme en uniforme mauve à genou devant
lui.

-A Avalon votre grâce! Il surveille les champs …

-Prenez une dizaine, non! Une vingtaine d’hommes. Allez me


le quérir… il ne doit plus quitter le château jusqu’à ce que le roi
accède à notre requête. Les choses prennent une fâcheuse
tournure…

Paulo était un homme d’une loyauté sans faille. Fin limier du


duc de Gauvinal et guerrier accompli, il vivait pour servir son
maître.

-Puis-je proposer de régler le problème en éliminant les deux


femmes? Si ce qu’elles ont découvert peu nuire à vos intérêts, il est
dangereux de les laisser aller…
354

-Non! Surtout pas! Si nous en sommes là c’est par ce que vous


avez eu la bêtise de tuer un soldat du roi en libérant mon fils. Je vais
de ce pas au palais. Je ferai pression sur le roi pour qu’il rende sa
décision au plus vite… Les officières ont besoin d’encore un peu de
temps pour arriver à démêler le vrai du faux. Même si je ne doute
pas qu’elles y parviennent. J’aurais fait anoblir Assam et placer en
sécurité avant.

Répondit Dionos.

-Bien votre grâce!

Paula sortie et d’un sifflement, rassembla ses hommes… Il leur


communiqua le plan et scellant chacun leur monture, ils partirent
vers Avalon au grand galop.
355

Partie:4
Temps
356

Les silhouettes des montagnes se découpaient à l’horizon, écrasant


le désert de leur majesté. Le soleil parvenu son point culminant
dardait ses rayons éclatant. Latavia avait la gorge sèche et la bouche
pâteuse. Valarion ne montrait aucun signe extérieur de fatigue et il
surveillait de temps à autre la petite princesse. Il avait remarqué
qu’elle n’était pas connecté en permanence aux ressources
d’Herionne. La plupart du temps , elle était juste une gamine d’à
peine quatorze ans.

-Vous devriez boire encore un peu. La température augmente


au fur et à mesure que nous progressons dans le désert. Votre
corps[…]

L’ogre se tut.
Latavia avait braqué sur lui ses pupilles bleues. La force
millénaire de la gardienne y brillaient.

-Nous devons rationner nos réserves. Au moins jusqu’à être


sortie du désert….
Dit -elle

Même si sa voix n’était pas aussi grave que celle d’Herionne, le


ton n’admettait aucune réplique. Valarion se rassura en pensant
qu’ils n’auraient pas besoin de traverser le désert tout entier. Mais
tout juste , une petite portion.

Leur monture fort heureusement, étaient reposés et


suffisamment nourries. Les sabots puissant du shire noire creusaient
le sol sablonneux, tandis que sa robe noire brillait comme un
diamant noire, sans doute à cause de la sueur qui perlait sur son cuir.
357

Valarion guetta de nouveau la princesse du coin de l’œil. Ses


yeux avaient perdus leur gravité. Et elle regardait l’horizon
fixement, comme absente de son propre corps. Il paierait chère pour
savoir ce qui se passait en ce moment dans sa tête.
Soudain, il perçut une lueur s’allumer dans les iris de la jeune
fille. Il regarda dans la même direction qu’elle et tomba sur trois
formes qui se rapprochaient. La plus imposante des trois était
rectangulaire et semblait glisser sur la sable. Les deux autres étaient
vraisemblablement des cavaliers. Ils avançaient à une vitesse
moyenne et d’ici une dizaine de minutes ils se trouveraient à cinq
mètre d’eux ou peut-être moins.
La netteté de leur silhouettes convainquit l’ogre qu’il ne
s’agissait pas de mirages. Tenter de les contourner serait trop long et
probablement vain pensa t’il. S’il y’avait eu des poursuivants sur
leurs traces en ce moment, ils viendraient de derrière et pas d’en
face. De plus, à mesure qu’ils se rapprochaient, il apparut clairement
au géant roux n’étaient que trois. Deux hommes et une femme.
Valarion plissa des yeux pour essayer de mieux distinguer la
forme rectangulaire, une cariole peut être. Même si un tel moyen de
locomotion dans le désert était tout à fait incongrue. En usant de sa
vision de fauve, il se rendit compte qu’il n’avait jamais rien vue de
telle. « La cariole » n’était tirée par aucun cheval et ses roues
semblaient différentes du commun. Parfaitement adaptées au type
de sol, elles étaient larges; sombres et crénelées. Elles étaient dotées
d’une sorte de cheminée au dessus de la carlingue d’où s’échappait
une brume blanchâtre.
L’ogre distinguait un homme allongé dessus à l’abri des
rayons du soleil. Il ne discerna pas les trait du cavalier à ses côtés,
car son visage était enturbanné dans un tissus aussi noir que sa
combinaison de cuire sombre. Comment pouvait-on porter du cuir
sous une telle chaleur?
La jeune femme au contraire, la peau couleur café, et le visage
avenant, arborait des cheveux soyeux d’un noir scintillant nattés.
Une chemise et un pantalon amples vanille, protégeaient ses
membres et sa pudeur.
358

L’ogre raccourcit les reines de son cheval, l’obligeant à ralentir.


Il n’avait pas envie d’échanger avec les voyageurs et espérait que
c’était réciproque. Avec un peu de chance ils passeraient leur
chemin. Ils n’avaient aucune raison de s’arrêter.
Ses espoirs volèrent en éclat.
La coutume dans le désert était de marquer une halte et de
prendre le thé quand on le pouvait, chaque fois que l’on rencontrait
des voyageurs. Oulal la connaissait, étant une personne très
sociable, il mettait un point d’honneur à la respecter. Dès que le
géant et la fillette furent à portée de voix, il s’écria:

-Bien le bonjour Messire! Vous accepteriez bien de partager


une tasse de thé?!

-Humpf!
Le géant aurait volontier décliné l’offre, mais durant une
fraction de seconde, il consulta la princesse du regard. L’esprit
d’Hérionne vivait en elle, alors elle aurait le même comportement
que lors de leur voyage vers hurlevent. Elle n’avouerait
probablement jamais qu’elle tombait de fatigue ou mourrait de soif.
C’était à lui de la ménager. Et puis, quel danger représentait trois
étrangers? Deux d’entre eux n’étaient même pas armés. Seul celui
qui avait le visage recouvert portait une fine épée à sa hanche droite.
Valarion jugea qu’il devait être gaucher. Plus pratique de
dégainer son épée de la main du côté opposée. Si tant était que
l’épée était son arme de prédilection. L’ogre avait trop d’expérience
au combat pour ne pas considérer les trois glaives suspendus
horizontalement sur la hanche gauche de l’étranger.

-Avec joie et gaieté messire! Répondit néanmoins le capitaine


corsaire faisant preuve d’une hypocrisie rare chez lui.

Le sourire d’Oulal fut masqué par son turban.


359

De prêt, Valarion eut le temps d’observer un peu mieux, la


« monture » du freluquet aux cheveux crépus.
On aurait dit une carriole, mais pas tout à fait, car aucune
cariole n’était pas faite de fer. Cela se serait révélé trop lourd pour
des chevaux. L’engin semblait tirer sa force motrice du néant, car il
se déplaçait sans rien pour le tracter ou le propulser. Pas de voile ni
d’attelage. Il produisait enfin un tapage de tous les diables,
particulièrement désagréable, pour l’ouïe fine de l’ogre. Était ce le
fruit d’un don?

Tandis qu’ils s’asseyaient en cercle, sur des nattes étendues par


la jeune fille aux nattes, Valarion continua à détailler la machine.

-C’est une Locomotive!


Anta capta la curiosité mêlée de méfiance dans le regard que le
géant roux posait sur sa voiture et entreprit de lui expliquer son
fonctionnement. Il adorait démystifier sa « science ».
Cependant, il tardait à approfondir la conversation. Il porta sa
tasse de thé à sa bouche et souffla sur la surface avant d’en avaler
une lampée.

Agar portait sur la fillette un regard plein de tendresse. Et


comme ci elle tenait l’ogre responsable de son air famélique,
fronçait les sourcils chaque fois que leur yeux se croisaient.

Oulal fut comme à son habitude le plus prolixe:

-Si vous voulez traverser ce désert, je vous conseil de retirer


votre armure et de renoncer à votre épée.
Fit-il. Avant d’avaler une gorgée de thé.
360

Valarion qui avait envoyé tout le contenu de sa tasse au fond de


son estomac sans se soucier de la chaleur le toisa du regard.
Abandonner Mangecoeur? Jamais!
Toutefois, l’étranger avait raison, l’armure ne ferait que
l’encombrer. Il la retirerait sitôt qu’ils auraient repris leur route.
Quelque chose dans les yeux vert de l’homme au turban, le
troublait.
L’ogre était lui même très observateur. Il remarqua que les iris
de cet homme, changeaient de taille en permanence.
Un détail presque indécelable, au cours d’une rencontre banale.
Il l’attribua au vent et à la poussière.

-Où vous rendez -vous?


La question était naturelle entre arpenteurs du désert.
Pourtant, Elle accentua la méfiance de l’ogre. Il mentit:

-Diop!

Il n’avait jamais mis les pieds à diop de sa vie. Il n’était même


pas sûr du chemin qu’il fallait prendre pour traverser le désert. Mais
il ne tenait pas à donner des informations avec des inconnus. Cela
pourrait se révéler préjudiciable par la suite.
Le regard du freluquet se durcit

-Vraiment? Je suis bien placé pour vous dire que telles que sont
vos réserves, vous ne parviendrez pas à diop. Il vous faudrait deux
semaines à bonne allure pour traverser ce désert. Un shire fusse t’il
le plus puissant au monde n’est pas conçu pour survivre à cet
environnement. Si vous voulez mon avis, Laertes est une destination
plus probable pour des fuyards.
361

Dit calmement Anta.

-Oulal?Qu’en penses-tu?

L’homme au vêtement de cuir se redressa.

-Cela ne vous en déplaise mon seigneur, je vous trouve bien


magnanime , d’agir de la sorte avec des menteurs…

Percé à jour, Valarion le fusilla du regard. Et n’importe quel


homme aurait vacillé sous les pupilles rétrécies du fauve pleines de
sauvagerie, mais Oulal Tanshal n’était plus tout à fait un homme
comme les autres. Il souriait sous son turban…

Ses yeux verts scintillèrent…

Valarion n’était pas un homme que l’on pouvait insulter sans


crainte de représailles toutefois, il n’était pas une brute et savait
conserver son calme.Cependant, Sans réfléchir de long en large, il
se leva et dans le même geste, dégaina Mangecoeur d’une main en
lui faisant décrire un moulinet. Tandis que des poils roux lui
recouvraient le corps.

-Vous autres Marde n’avez vraisemblablement aucune


manières …

Railla Oulal.
Il n’était pas en garde.
362

Sa phrase rebondit sur Valarion comme l’aurait fait un caillou


sur son armure.
Agar jeta un regard à l’adolescente et la trouva prostrée. Elle
voulut intervenir
-Oulal! Tu ne vas pas te bat[…]

Le duc posa une main sur son épaule et remua lentement la tête
en signe de négation.

-Cet homme m’a déshonoré. Je lui ai offert mon thé et il a


menti en me regardant droit dans les yeux… Selon la loi du désert,
Il doit en répondre. Tout le reste n’est que vaine réthorique.

Agar fut forcé d’admettre que le mensonge était trop gros…


Soit ils étaient fous pour espérer atteindre Diop avec si peu de
préparation, soit les étrangers dissimulaient leur intention. Mais elle
trouvait stupide de devoir payer de sa vie un simple mensonge. La
loi dans le désert était implacable. Bien plus dure que partout
ailleurs. Voyager avec le duc le lui avait fait oublier…
Le fracas d’une épée amortie par le sable et soulevant des
nuages de poussières, la tira de ses pensées.

Oula avait bondit, les bras en croix et les deux pieds joints,
parfaitement perpendiculaire à leur axes. Il eut la tête en bas à un
moment de sa pirouette et son turban se détacha. Révélant ses
cheveux d’un rouge éclatant lorsqu’il retomba souplement sur ses
jambes.
L’ogre écarquilla les yeux de surprise en découvrant le visage
de son adversaire.
Pour qui avait vu le capitaine de la flotte de l’Est, la
ressemblance était frappante.
363

Mangecoeur s’était enfoncée dans le sol sablonneux, elle se


retira avec des trombes de sables lorsque Valarion la fit décrire une
courbe mortelle destinée à fendre son adversaire en deux. Ce
dernier, dans un angle improbable, inclina le buste en arrière, et la
lame passa juste au dessus de son nez. Il tendit les bras en arrière et
comme un acrobate, fit un pont rapide, suivit d’un salto arrière.
Un sourire étirait ses traits…

Agar le contemplait esquiver les assauts du géant roux, tous


plus rapides et sauvages les uns que les autres, avec aisance et
souplesse. Il virevoltait autour de lui sans lui porter le moindre coup.
Se bornant à esquiver.

Valarion déduisit que son adversaire cherchait à l’essouffler. Il


ramena sa lame devant son torse et se força à respirer plus
calmement. Toute tension l’avait déserté.

Oulal comprit qu’il n’avait pas à faire à n’importe qui. Il


dégaina, et d’un bon, se porta à la hauteur de l’ogre. Il frappa de
son épée. Valarion para avec Mangecoeur.
Le choc d’un cure-dent et d’une enclume. Cependant, L’ogre
recula de plusieurs pas… L’onde de choc provoquée par le contre,
souleva un nouveau nuage de poussière.

Mal assuré, l’ogre resserra sa prise sur son arme. La rage enfla
sa poitrine. Il fonça droit sur Oulal, espérant sans doute le
surprendre, il lança sa lame en avant. Le jeune Tanshal esquiva en
décalant son torse sur le côté. La gigantesque lame frappa l’air, Le
pommeau de l’épée d’Oulal percuta le poignet recouvert de
fourrure. Malgré lui, le géant ouvrit la main et lâcha son arme. Mais
contre toute attente, se servant de son élan, il asséna un coup de
364

poing d’une rare violence qu’Oulal ne put parer. Il fut projeté en


arrière et atterrit lourdement sur le dos.

Agar sentit les battements de son cœur s’accélérer.


L’ogre réalisa que la température et la typologie du sol le
désavantageait. Manier une arme aussi lourde que Mangecoeur,
requérait de solides appuis. Sous sa forme de fauve, son corps était
recouvert de
Poils. Ajouté à la chaleur ambiante, il s’essoufflait deux fois
plus vite.
Il devait en finir…
Il ne chercha pas à reprendre son épée… Ses griffes rétractiles,
émergèrent, sa manière de se mouvoir changea. Il bondit, s’élevant
dans les airs comme s’il n’avait pas pesé plusieurs centaines de kilos
et tenta d’écraser son adversaire en atterrissant.

Oulal se jeta sur le côté. Encore sonné par le direct. Il se


redressa lentement.

-Bien, voyons voir ce que tu vaux au corps à corps. Provoqua


t’il

Valarion pivota sur ses appuis et frappa du bras. Oulal esquiva


souplement le cueillit au menton avec son coude. Des vertèbres
d’humains aurait sans doute cédés. L’ogre eut juste la tête qui partie
en arrière. Ce fut assez pour que l’homme lui assène deux coup de
pieds formidables au niveau de ses cottes flottantes. L’armure céda,
valarion expira brutalement.
Contre toute logique, le rapport de force physique pure ne
semblait pas jouer en sa faveur.
365

Latavia durant tout ce temps s’était tenue immobile comme


prostrée.
Ce qui devait être un combat au corps à corps vira à la
correction. Valarion porta des coups sauvages, et multiples, sans
qu’aucun d’eux n’arrive à atteindre Oulal.
A contrario, l’homme aux cheveux rouge, frappait avec
précision et puissance. L’ogre tenta de lui sectionner la jugulaire, il
para en bloquant son avant bras d’une main et lui décocha un
formidable coup de pieds en plein sternum. Le style était simple
mais flamboyant.
Valarion, cependant était d’une force colossale et d’une
endurance à toute épreuve. Il aurait pu continuer à encaisser les
atémis, encore longtemps .
Mais son adversaire décida d’abréger le duel. Oulal usa de son
don et comme si elles étaient aimantées à ses paumes, deux des
trois lames courtes qu’il portait à son côté, se calèrent dans ses
mains.

Dès lors, il sembla que Valarion fut perdu. Avec la vitesse d’un
feu follet, oulal lui ouvrit une large entaille au bras droit qui s’étira
jusqu’au coude.
La plaie se referma presque instantanément, mais l’ogre en reçu
de nouvelles.
Un des deux poignard, décrivit une trajectoire improbable
avant de l’atteindre à la cuisse. Sans qu’Oulal cherche à le
reprendre, il regagna sa main libre.
Trop rapide. Trop précis.
Une fois de plus, l’expérience de Valarion lui révéla que l’issue
ne serait pas en sa faveur.
Toutefois sa fierté de guerrier marde lui interdisait de fuir.
Oulal trancha un tendon, le bras gauche du géant s’immobilisa
à son tour rendu inerte. Valarion ne s’avoua pas vaincu pour autant,
il lui restait ses jambes et ses crocs.
366

La troisième lame d’Oulal sauta du fourreau et comme doué de


volonté, se planta dans sa botte. Clouant son énorme pied au sol.

Valarion ouvrit la bouche pour rugir de douleur, son cri


mourut dans sa gorge, Oulal lui enfonça un second glaive dans la
bouche en perforant ses joues.

Le coup suivant fut porté à la fosse poplité avec le poignard qui


était censé clouer le pied de l’ogre au sol. Valarion voulut résister.
Bon sang! Il était un capitaine corsaire… Refusant de l’écouter,
son genoux dont le soutien avait été sectionné, plia.
Oulal se tenait derrière lui, comme s’il avait toujours été là.
Maintenant sa tête au niveau de sa ceinture, Il la tira en arrière.

-Un mot pour la fin? Demanda-t’il

La voix affolée d’Agar fendit l’espace.

-Oulal! La fille!

Les électrométéores sont des phénomènes naturels liés à


l’apparition de décharges électriques dans le ciel. Pour que cela se
produise, l’air doit être un minimum humide et saturé de charges
négatives. Tout cela, Anta le savait sur le bout des doigts. Il ne
croyait pas en l’existence des dons. Pour lui, chaque phénomène
paranormal avait une explication scientifique et pouvait être décodé
en usant de logique.
Face au déchaînement de haute énergie, provoqué par Latavia,
ses convictions s’effritèrent. Les éclaires zébraient le ciel, la foudre
s’abattait dans le désert, Imprévisible, tantôt proche tantôt lointaine,
multiple et unique.
367

Puis, catastrophe absolue, ce fut une tempête de sable qui se


leva.

Oulal oublia d’achever son adversaire et se rua sur ses


camarades tant qu’il pouvait encore les voir. Outre le manque de
visibilité et la violence des vents, ce qui rendait particulièrement
mortelles les tempêtes du désert était les masses de sables qu’elles
pouvaient charrier d’un point à un autre. Ils allaient finir enterré
sous des tonnes de sable, s’ils ne réagissaient pas.
Comme deux phares dans la nuit. Les yeux de la petite Latavia
scintillait d’un jaune vif, au travers des souffles du désert. Oulal ne
fut pas long et établir le lien entre son état de transe et les caprices
des éléments. La visibilité était quasiment nulle.
Son instinct lui ordonna de se jeter sur le côté et il l’écouta.
Bien lui en eut prit! L’ogre profitant du chaos, se glissa dans
son angle mort et tenta de lui porter un coup mortelle avec
Mangecoeur.

-Toi tant que je ne t’aurai pas tué tu continueras de te relever…


Je me trompe?
Murmura t’il.

Malgré ses fanfaronnades, il devait admettre qu’il était en


mauvaise posture. L’autre possédait des sens plus aiguisés. Il n’avait
pas besoin de le voir pour continuer à l’assaillir. La sauvagerie de
ses assauts, rendaient de plus en plus hypothétique la probabilité
d’une victoire d’Oulal.
Le cours du combat avait changé.
368

“L’espace est à la fois l’étendu qui ne fait pas obstacle au


mouvement et le milieu idéal où sont localisés les perceptions. Le
comprends -Tu Oulal?”

Pourquoi Les mots de sa grand mère lui revenait en mémoire à


ce moment?
Il y’avait longtemps qu’il n’avait pas penser à elle. Longtemps
aussi qu’il ne s’était pas retrouvé dans une situation mettant sa vie
en jeu.

Malgré lui, il pensa à la clé de vie que kal’ouh’na avait refusé


de lui céder.

L’ogre rugit, grâce à cela il sut de quel côté il allait attaqué.


Non! Ce n’était pas un rugissement mais le fracas d’un éclair!
Le pouvoir de la petite se déchaînait de plus belle. Valarion,
surgissant dans son dos,tenta de le saisir à bras le corps. Oulal
bondit en avant et effectua un roulé boulé. Lorsqu’il se remit sur ses
appuis, le fauve s’était de nouveau volatilisé. Le vent mugissait. Les
éclairs produisaient des grondements terribles en se fracassant
contre la terre. Tout n’était que brouillard de poussière et fracas.
Oulal n’avait aucun moyen de savoir si Agar et le duc était
encore en vie. Il avait perdu tout repère.
Seul au milieu de la tempête, un poignard dans chaque main, il
attendait en garde.

Rien ne se produisit. Pendant un moment qui sembla une


éternité, Oulal resta pourtant concentré, se refusant à relâcher un
temps soit peu son attention.
Les éclairs cessèrent de gronder en premier. Puis, le vent
s’arrêta lui aussi de souffler. La poussière retomba peu à peu,
369

révélant le soleil au zénith, et un univers sablonneux. Oulal tourna


la tête de part et d’autre, sans parvenir à détecter autre chose qu’une
énorme monticule de sable. Il lui sembla qu’elle n’était pas là avant
la tempête.

Il courut vers elle! Dans sa course, il lâcha ses glaives qui


regagnèrent leur fourreau et entreprit une fois devant elle, de
déblayer la locomotive. Après plusieurs minutes, ses doigts se
heurtèrent à un matériau dure. Il continua jusqu’à exhumer l’avant
du véhicule.

Un toussotement attira son attention. Oulal creusa de plus


belle! C’est alors qu’émergent du sable, le duc d’Anta sauta de
l’appareil et atterrit lourdement sur le sol. Il recracha sable et salive,
pendant un long moment, puis, tentant tant bien que mal de se
redresser, il se retourna et entreprit d’aider Oulal à déblayer le reste
de sa machine. Après plusieurs minutes, il sentit quelque chose de
chaud et sut que c’était un corps.
Agar fut extraite inconsciente du sable.

Oulal lui fit un massage cardiaque et elle se réveilla


brusquement en toussant.
Les yeux embués de larmes.

Ce ne fut qu’à ce moment que le guerrier soupira.

Les Inconnus avaient pris la poudre d’escampette!


Rageusement Oulal se laissa tomber sur le dos.

[saut de page]
370

Valarion talonna son cheval de plus belle, le shire éprouvait de


la difficulté à accélérer sur le sable. Le jeune homme avait eu raison
lorsqu’il avait affirmé que ce n’était pas une monture adaptée pour
ce type d’environnement. Il était trop lourd. Avec le poids de l’ogre
en plus sur le dos, galoper lui demandait deux fois plus d’effort.
A contrario, la jument alezane de la princesse avait moins de
peine à évoluer. Et le distançait aisément.
C’était à lui de la protéger et pourtant c’était elle qui lui avait
permis de prendre la décision qui s’imposait.

Alors qu’il était décidé de profiter du manque de visibilité de


son adversaire pour lui porter un coup fatale, il avait discerné grâce
à ses sens un infime mouvement de la poussière à côté de lui.
Baissant les yeux, il tomba sur Latavia.

-Fuyons! Lui dit -elle


Elle prit sa grande main poilu et l’entraîna à sa suite.

L’ogre avait déjà raté deux assauts. À dire vrai, il n’était pas
certain de réussir à vaincre cet homme, même avec son avantage. Il
se laissa entraîner jusqu’à la sortie du nuage de sable.
De là, ils n’eurent aucune peine à retrouver leur chevaux qui
s’étaient enfuis affolés. Valarion avait toujours eu un don avec les
bête.
Une douleur lancinante lui striait l’épaule. Il s’était contenté
d’arrêter l’hémorragie par l’hypertrophie de ses muscles. Une
technique qu’il était peut être le seul à pouvoir mettre en pratique. Il
n’en arrivait là, que lorsque sa capacité de régénération était mis à
mal.
Cet homme…
Qui était-ce ?
371

Il ignorait qu’il y’avait de par le monde de simple gens,


possédant une tel adresse au combat. Il avait eu l’impression de se
retrouver face au kraken. La ressemblance y était-elle pour quelque
chose?
Oulal avait eu sur lui une si forte impression qu’il en arriva à se
demander si la région comptait d’autres hommes de sa trempe.
Les blessures que ses lames lui avaient infligés guériraient vite,
mais sa fierté se guerrier, mettrait du temps à cicatriser de ce qu’il
considérait comme une défaite cuisante.

Laertes selon ses connaissances, se trouvait encore à deux jours


au moins à cheval. Mais, ils avaient dû bifurquer de leur itinéraire
initial. Leur seul chance d’y parvenir était de tomber sur un oasis….
Ou alors qu’il pleuve au moins pour qu’ils puissent reconstituer
leur réserves d’eau. Les chevaux avaient tout renversé dans leur
fuite.

Valarion souffla rageusement.


Il avait entendu la jeune fille au teint café crier le nom de
l’homme au moment où la princesse était intervenue: “Oulal”

Il se reverrait! Et il tirerait sa revanche. C’était une promesse!

[saut de page]

À Avalon, Les champs verdoyant s’étendaient à perte de vue.


On y cultivait le blé, l’avoine, la seigle, le maïs et l’orge.
Certains paysans désireux d’arrondir leur mensualités, avaient
accepté de semer de l’odette au milieu de leur plantation. Contre des
pots de vins que leur versaient les Dènnes .
372

Après la débande de la forêt, il avait été particulièrement


difficile de trouver des hommes de confiance pour reconstituer la
guilde. Mais avec l’humain tout était possible, pour peu que l’on y
mette le prix. Le nouveaux membres de la guilde payaient bien plus
de mine que les anciens. Ils avaient pour ainsi dire la gueule de
l’emploie! Des colosses patibulaires; des jongleurs de poignards au
regard vicieux, des coupe jarret, cumulant les casquettes de pique
pocket et d’escroc. Ainsi que toute sorte d’oiseaux de mauvais
augures. Cette nouvelle clique était plus sanguinaire aussi. Les
paysans possédant les meilleurs terres qui avaient refusés de pactiser
avec les Dènnes, s’étaient fait assassiner, tout simplement. Les
terres étaient alors réquisitionnées par la guilde et employés au
besoin de l’organisation.
En l’espace d’un mois, Avalon était devenue le fleuron du
crime organisé.
Au sommet de la pègre, caracolait celui qu’on nommait
« Snorky ».
En vérité Jym détestait qu’on l’appelle comme ça. Des
survivants du carnage de la forêt, lui avaient attribué ce quolibet, par
ce que « Jym s’est fait dans ses chausses lorsque le monstre a
émergé du buisson! Du coup, en tentant de s’enfuir, il produisait de
drôles de sons du genre snork snork! »

Jym avait passé son cimeterre dans le gosier de l’ivrogne qui


avait conté l’histoire le premier, mais le mal était fait… Il aurait
fallu tuer toute la guilde, et les paysans qui déjà, le connaissaient
sous ce nom.
Cependant, Sous les conseils d’Assam, il laissa faire.

« S’ils pensent que tu es Snorky, ils ne pensent pas que tu es


Jym. Laisse ce bon vieux Snorky te servir de couverture. »

Et voilà comment il avait hérité d’un nom de code.


373

Un sacré filou cet Assam. Il avait tenu toute ses promesses. Il


ne reculait devant rien pour arriver à ses fins. Et personne ne le
soupçonnait de tremper dans une activité criminel.
Le bandit contemplait leur mine d’or, du haut de la colline
qu’ils avaient fixés comme lieu de rendez-vous.
Assam était un peu en retard pour le point de la semaine.
Durant cette brève entrevue, Jym recevait les instructions et lui
rendait compte de l’état des champs.

Assam consulta la petite montre en bronze qu’il s’était offert


avec sa paie. Il touchait plus que tous les membres de l’organisation.
Mais ce n’était rien comparés aux bénéfices qu’ils tireraient une fois
que les armées se jetteraient l’une contre l’autre sur les champs de
bataille!
Pour l’instant, l’odette était prisée par un petit groupe de noble
de la cours , qui la payait au prix fort. Ils parvenaient à conserver le
coût de la production très bas, alors leur gains allaient croissants.

L’odette ne demandait pas vraiment d’entretien et était plutôt


une excellente voisine pour les autres plantes. Elle possédait une
odeur répulsive pour la plupart des insectes qui s’attaquaient aux
feuilles. Et la taille maximale d’une tige n’atteignait pas même pas
un demi mètre.
Ce n’était pas une plante très compétitive lorsqu’il s’agissait de
réaliser sa synthèse chlorophyllienne. Elle se contentait des rayons
de soleil qu’elle pouvait avoir et des nutriment que ses racines
trouvaient dans le sol fertile d’Avalon. Elle n’avait pas de saison
particulière et pouvait être cueillie sitôt que les plantes arrivaient à
maturité.
Par contre, la température était un facteur très important.
L’odette ne survivait pas au grand froid de l’hiver. C’était donc une
chose impossible de la cultiver dans le Nord.
374

Une fois cueille, les feuilles rondes et mauve étaient séchées.


Jusqu’à ce qu’elles perdent leur couleur originelle et devienne
marron. Les Dènnes les hachaient ensuite. Dans la forme, Il n’y
avait pour ainsi dire aucune différence avec le tabac sur le point
d’être consommé.
Même si l’odette produisait une odeur plus douce que sa
cousine et donnait une sensation de toute puissance incroyable.
En revanche la dépendance était forte, et il était fréquent qu’à
force d’en consommer l’on sombre peu à peu dans la mégalomanie,
puis la léthargie.

« Mauvais pour le morale des troupes. »

Jugea Pyrrhus Pandera, le roi guerrier. Avant de l’interdire tout


simplement par décret royal. Quiconque était prit en possession
d’Odette avec l’intention manifeste d’en consommer était puni de
mort.
Pyrrhus n’était pas réputé pour sa clémence. L’édit ajoutait que
si le coupable était un membre du corps militaire, la mort devait être
infamante.

La loi n’avait pas changée trois siècles plus tard. Mais les rois
avaient fini par oublier. Le peuple aussi. Comment Assam s’en était
-il souvenu? Jym l’ignorait.
C’était tout de même cocasse que la maison de son père adoptif
ait pour couleur le mauve. Comme ci les Gauvinals étaient
prédestinés à cultiver la plante aux feuilles violette.

Tout à ses pensées, c’est à peine s’il remarqua que l’air qu’il
expirait était de plus en plus blanche.
375

L’homme qui a un rêve n’a pas besoin de manteaux disait on.


L’espoir tient chaud.

Pas si chaud que ça finalement. Jym enfila ses mains dans les
poches après les avoir frotter. Le soleil déclinait certes, mais il
faisait soudainement bien trop froid.

Et Assam qui n’arrivait toujours pas.

La neige…
Plus jeune, Jym adorait quand sa mère lui racontait les
histoires du Nord. C’était toujours des contes ou de vaillants héros
qui arrivaient à tromper de grand géants très riches qui méprisaient
les hommes. En grandissant, Jym oublia les contes de sa mère en
comprenant que la pauvre femme puisait son inspiration intarissable
des mauvais traitement que les nobles, ces géants, infligeaient au
petit peuple. Sauf qu’il n’y aurait pas de héros pour jouer d’habiles
tour à ces foutus sang bleu!
Les voleurs dans la vraie vie n’étaient pas des héros….

Jym se rappela de sa mère, en contemplant avec fascination un


flocon porté par le vent. Il demeura contemplatif un long moment,
avant de réaliser l’incongruité de la situation…
Comment se pouvait il qu’il neige ici? Au centre du royaume?!
Ses pensées fusèrent et il pensa à l’effet néfaste que ce caprice
de la météo pouvait avoir sur les affaires.

-Merde! Jura t’il.

Il fallait réagir vite. Pour sauver les plants qui pouvaient l’être.
Il siffla deux fois en introduisant son index et son pouce dans sa
376

bouche. Produisant un son strident censé appeler ses hommes postés


plus bas.

Il attendit que le sifflement sois répétés et que les Dènnes


montent rapidement quêter ses instructions. Personne ne vint.
C’est alors qu’il remarqua le silence. Une négativité sonore,
presque extraordinaire. Pas un seul chant d’oiseau, pas un seul
bruissement d’herbe. Pas un seul souffle de vent.
Soudain, il fut brisé par une voix coupante comme le verre et
aussi froide que la glace.
-Snorky je présume…

[saut de page]

Le capitaine Sulyvan de stroem quitta la capitale au petit matin.


Elle préférait largement sortir quand il faisait encore frais, même si
le froid l’accompagnait partout. Tristement célèbre auprès de tous
ses camarades de la vermarme, elle fut particulièrement satisfaite de
devoir accomplir sa mission seule. Laver son honneur ne lui
importait pas tant que cela. Sulyvan vivait pour le frisson. Celui que
l’on éprouvait lorsqu’on croisait le fer avec un adversaire digne de
ce nom, quand on tenait un ennemi à sa merci ou que l’on prenait
une vie.
Difficile de rester stable lorsqu’on a grandit sur du verglas,
avait écrit le commandant Abner à son sujet.
Elle était d’une nature changeante et versatile.
Ses colères s’apparentaient à de l’hystérie ses joies à de
l’euphorie. Bien que fille cadette du seigneur Frigus III gouverneur
du Nord, aucun homme sain d’esprit n’aurait envisagé sérieusement
de lui faire la cour.
377

Pourtant, elle était belle. Elle tenait de sa mère, la comtesse


Carmen un sourire charmeur. Brune comme son père, elle portait de
très longues mèches de cheveux qui lui battaient les mollets. Son
teint laiteux; ses yeux bleu cobalt; sa bouche rose; son visage ovale,
et ses traits fins en faisait une des femmes les plus agréables à
regarder du royaume. Mais hélas, rare étaient ceux qui osaient.
Plus nombreux étaient les gens qui la voyait comme un
monstre sanguinaire, assoiffé de sang.
Dans le Nord, elle était crainte et respectée. Partout ailleurs, on
chuchotait après son passage. Et on priait pour qu’elle n’entende
pas. Les années passées au service du roi Léo II eurent un impact
positif sur son caractère.
Elle se prit d’une affection presque maternelle pour tous ses
subalternes. Veillant à les écarter du danger et à préserver leur vie.
Ce fut lors d’une mission de traque que les choses dégénèrent.
Le village de glace. Une bien sombre histoire.
Malgré les aveux et le repentir, qu’elle avait montré devant le
roi le jour où il avait rendu sa sentence, d’aucuns affirmaient l’avoir
entendu dire qu’elle ne regrettait pas d’avoir gelé tous les habitants
d’un village. Soit prêt de cinq cents personnes, femmes et enfants
compris.

« Si c’était à refaire, je le ferai assurément. » avait -elle déclaré


quand le baron Vermar lui demanda les motifs de son action.

Dégradée et affectée à la vermarme. Une humiliation dont peu


se remettaient.
Sulyvan le vivait comme une nouvelle expérience.
Contrairement à sa mère, elle en semblait pas pressé de réintégrer la
garde Régine. Au moins, grâce à la vermarme, elle avait pu voir du
pays et guerroyer aux quatre coins du royaume.
378

Sur le dos de son cheval à la robe immaculée, elle traversa les


bourgs entre pandragon et Avalon d’un seul trait. Son enquête
débuta dans les tavernes.
Elle avait ôté l’uniforme de la vermarme et s’était attablé avec
un groupe d’hommes à l’air louche qui arborait fièrement un
tatouage en forme de feuilles rondes.
Elle alla même jusqu’à sassoir sur les jambes du plus grand de
la bande. Un gros gaillard qui parlait fort et n’hésitait pas à lui
tripoter les hanches à chaque fois que leur regard se croisait.

Se jouer des gens était aussi un de ces passe temps favoris. Ce


quel aimait le plus c’était s’amuser avec ses victimes avant de les
tuer.

Elle apprit ainsi que les Dènnes était l’organisation qui avait la
main mise sur Avalon. Lorsqu’elle demanda comment intégrer la
bande, le géant lui chuchota que le seul moyen pour une fille aussi
mignonne qu’elle était de devenir sa catin attirée. Sulyvan répondit
qu’elle n’était pas contre. Il la jeta sur son épaule et sans autre forme
de procès l’emmena vers les écuries.
S’il avait eu la décence de prendre une chambre, il aurait pu
avoir un peu de plaisir avant de mourir.
Sulyvan se contenta d’user de son don pour refroidir ses
ardeurs. Au sens propre comme au figuré. Et abandonna son
cadavre sur la bouse des chevaux.

Elle croisa ses compagnons la sortie de la taverne. Ivre et


bruyant.
-Ou est Frey?

-Il s’est endormi comme un ours.


Répondit-elle avec un sourire torve.
379

-Tu as du lui donner du fil à retordre! Je t’aime bien toi! Eh les


gars! Et si on l’emmenait à Snorky!
Dit celui qui semblait être le meneur.
-Laisse tomber Franck! Il risquerait de faire dans ses chausses
en la voyant toute nue!

Répondit l’un des compagnons. Tout le groupe partit d’un fou


rire.
Sulyvan attendit qu’ils se calme avant de demander à nouveau:

-Il est si peu viril que ça? Ce Snorky?

Les hommes se concertèrent du regard avant de rire de plus


belle.

-Tu sais quoi ma mignonne? Tu es bien trop drôle pour qu’on


te laisse derrière nous! Tu vas nous accompagner au repère!
Trancha le dénommé Franck.

-Voyons Franck tu sais bien qu’on a pas le droit de ramener des


gens qui ne sont pas de la guilde au repère!
Protesta faiblement un jeune homme fluet aux cheveux roux.
Le leader se gratta le crâne un moment.
Sulyvan n’allait pas le laisser prendre une décision:

-Tu es plutôt mignon toi! Avec tes cheveux roux. On dirait le


batard d’un seigneur marde… t’aurais pas du sang bleu?

Le pique-pocket rougie comme une tomate,


380

-Maintenant que tu le dis, il se pourrait bien que(…)

-Ferme la Djous! T’as autant de sang bleu que de cervelle!


C’est à dire pas du tout! Cette fille vient avec nous et malheur à
celui qui souffle un mot à Snorky!
Déclara Franck.
Sulyvan sourit.

Djous criait fort, et il pleurait aussi. Franck c’était fait dans ses
chausses et ce fut finalement lui qui lui dit où et quand elle
trouverait Snorky.
Elle avait tué les autres rapidement. Mais lui, elle lui avait gelé
les membres un à un.
À un certain point, ils se détachaient et se séparait du reste du
corps. La douleur était le double de celle ressentie lors d’une
amputation classique.
Lorsqu’elle le menaça d’en faire autant avec son membre viril,
Franck lui révéla même le nombre de gardes qu’il y’aurait en poste
sur la colline d’or.

-la colline d’or?

-Ouais! C’est Snorky enfin Jym qui l’a baptisé comme ça. Par
ce que dessus il a une vue imprenable sur les ch(…) aaah qu’est ce
que tu fais? Je t’ai tout dit! Je te le jure pitié! Pitiééé!

Ses supplications n’empêchèrent pas Sulyvan de le castrer et de


le laissa là. Fou de douleur, elle n’eut meme pas la clémence de
l’achever.
381

[saut de page]

Il neigeait sur la colline d’or. Les herbes naguère verdoyantes,


furent recouverte d’une fine pellicule immaculée.

-Snorky je présume…

Jym recula d’un pas. Qui était cette femme? Où était ses gars?

Jym était méfiant de nature. Il voulu tirer son cimeterre mais


celui ci resta bloqué dans son fourreau.

-C’est chose courante dans le nord. Les lames restent bloqués


au fourreau quand elles sont gelées.

Jym trembla. Quelque chose dans la voix de cette femme, lui


disait qu’il devait fuir. Fuir tout de suite! Il n’était pas de ceux qui
relâchaient leur vigilance devant un Jolie minois. Sa rencontre avec
Nath lui avait au moins appris cela.

-Qui êtes vous? Que voulez vous?

-Oh! Snorky… Tu es bien le seul à m’avoir poser ces


questions.
Dit la jeune femme lentement.

Elle bougea.
Jym pu la suivre des yeux mais son corps ne pouvait pas réagir
aussi rapidement.
Juste devant lui, Sulyvan lui caressa le menton du bout de
l’ongle.
382

-Voyons Snorky… Ne me dis pas que tu vas te faire dessus…


Murmura t’elle.

Jym sentit ses jambes flageoler. Il eut de la peine à respirer. Il


tomba à genoux.

-Que m’as -tu fais?!


Pesta t’il en portant les mains à son cou.

-Quand l’air est trop froide, elle devient irrespirable. Tes


poumons sont entrain de geler. Mais ne t’en fais pas tu ne vas pas
mourir. Tu dois d’abord comparaître devant le roi.

-Le … Roi?

Jym ferma les yeux et sombra dans l’inconscience.

[Saut de page]

Le crâne nu et une cape mauve lui entourant les épaules, Assam


arriva sur la colline d’or avec plusieurs heure de retard… Cette
Mydoral Djemerker, il n’avait jamais vu de femme plus attirante au
cours de toute son existence!
383

Il fut prit d’une envie irrépressible de la faire sienne! Mais il ne


se faisait aucune illusion. Elle ne lui avait même pas accordé un
regard. Il lui fallait un titre et de l’or. Une fois qu’il serait l’héritier
du duc de Gauvinal, il pourrait lui faire sa cour.

Pour étancher momentanément son désir, il avait séduit une des


filles de la suite de la comtesse de stroem. Et l’avait entraîné dans
une des résidences privés acquises grace aux gains générés par
l’odette.

Ce retard, lui avait sauvé la vie.


Il trouva les corps de ses hommes dispersés ça et là sur la
colline.
Qui avait fait cela? Dans quel but?
Une vengeance? Un concurrent?
Furent autant de questions qui se bousculaient dans son esprit.

Qui que ce soit, il pouvait revenir. Il fallait qu’il rejoigne le


repère et s’organise.

Quelque chose cependant le marqua profondément. Il y’avait


des traces de neige sur la colline…

Le repère des Dènnes aussi avait changé. Même emplacement,


nouveau locaux. Passer de l’abri qu’offrait les frondaison à une
forteresse en rondin c’était une sacré amélioration. Des hommes
creusaient des douves autour du camp, d’autres debout sur les guets
élevé par dessus la barrière de longs rondins coniques.
Assam passait pour être un ami intime de Snorky. Il n’avait pas
cherché à reprendre sa position dominante au sein de la guilde.
Savoir qu’elle existait par son bon vouloir, lui suffisait amplement.
Ou alors était ce le contact avec la cours et le vrai pouvoir qui
l’avait désintéressé du poste de chef d’une bande de voleurs. Il se
384

voyait déjà Duc, et quiconque croisait son regard y aurait vu la


malice et l’ambition cohabiter dans ses pupilles sombres.

Les brigands l’accueillirent avec méfiance. Assam trouva cela


curieux. Aucun des nouveaux qui devisaient dans l’enceinte de la
forteresse ne daigna répondre à ses questions. Cela l’amusa plus
qu’autre chose. Il décida d’entrer dans le bâtiment principal.
Il traversa un corridor court et déboucha dans la pièce centrale
de l’édifice. Elle ressemblait plus à l’intérieur d’une taverne qu’à
autre chose. Il y régnait une agitation incroyable. Tous les hommes
réunis là, vociféraient, piaillaient à tue-tête comme des oisillons.
Debout sur l’estrade au fond de la salle, des membres anciens de la
guilde tentaient de requérir le calme. Le plus large d’épaule était un
blond aux mèches longues et à la barbe hirsute. Son regard croisa
celui d’Assam.
Il chuchota quelque chose à l’oreille de l’homme à ses côtés,
avant de descendre et de venir à sa rencontre.

Assam observa que les hommes se poussaient sur son passage


et l’un de ceux qui ne fut pas assez prompt à s’écarter fut saisi d’une
poigne de fer par le collet et jeté négligemment sur le côté.
Rodrigue était d’une force impressionnante.
Parvenu devant lui, il baissa humblement la tête pour le saluer.
Assam plus petit d’une tête eut un sourire en coin.

-Mon Seigneur votre arrivée tombe à point nommé. Dit-il

Le rôle pivot joué par Assam dans la refonte de la guilde était


bien connu des anciens Dènnes.

-Que se passe -t-il? Pourquoi cette agitation? Et où est Jym?


Demanda Assam.
385

Rodrigue soutint son regard un court instant avant de lui


répondre:

-Je pense qu’il a été capturé ou tué…

-Par qui?

-Nous l’ignorons mon seigneur. Il n’est pas le seul membre de


la guilde à déplorer . Frey a été retrouvé mort dans les écuries d’une
taverne. Le petit Djouss aussi a cassé sa pipe. De tout le groupe des
collecteurs, seul Franck a survécu. Et il est dans un piteuse état. Il
semble complètement délirer…

-Je veux lui parler.

-Bien mon Seigneur…

Mon Seigneur, Assam se dit qu’il pourrait s’habituer à être


appelé ainsi.
Il sortirent du bâtiment et se dirigèrent vers l’arrière du camp.
Là, se trouvait l’équivalent d’une infirmerie et non loin, des fausses
d’aisances.
Les complaintes du blessé, accueillirent les deux homme sur le
seuil de l’infirmerie.
386

Construite en bois comme le reste du campement, l’infirmerie


était une petite pièce rectangulaire où l’on avait aménagé des
couches destinées à accueillir les blessés.
Il était allongé sur un lit en bambou recouvert de mousse.
Franck ou plutôt ce qu’il restait de Franck hurlait comme un fou.
-Pitié!! Je t’ai tout dit pitié!

Assam l’observa attentivement. Ni bras ni jambes. Les plaies


ne saignaient pas. Elles étaient gelées et c’est ce qui rendait la
douleur vives. Normalement, Franck aurait dû s’évanouir… Mais
son cerveau avait préféré la déraison à l’inconscience, comme
mécanismes de défense.

-C’était un gars solide. Mais il n’en reste pas grand chose.

-Si il se calme et qu’il dit quelque chose prévenez moi tout de


suite!

-Bien mon Seigneur!

-Rodrigue? Tu prendras la tête de l’organisation tant que nous


n’avons pas de nouvelles de Jym. Tu penses pouvoir y arriver?

-Oui mon Seigneur!

-Parfait.
387

Assam prit congé. Rodrigue demanda qu’on lui amène son


cheval.
Ce fut l’occasion pour Assam de constater l’autorité qu’il
possédait sur les autres membres de la guilde.
Il remonta en selle et sortit du camp au petit trop.

Avançant sur la piste sinueuse qui traversait la forêt, il se


repassait les informations en sa possession.

Le son de sabots martelant Le sol qui se rapprochaient le tira de


ses pensées. Il raccourcit les reines. Son cheval piaffa nerveusement.
Quelqu’un en voulait à la guilde et cette itinéraire menait droit au
campement. Assam se tendit.

Les cavaliers apparurent à travers les frondaisons.


ils arboraient les couleur mauve de sa maison. Et quand ils
furent à dix mètres environs, il reconnut Paulo à leur tête.

[saut de page]

Les cieux se couvrirent et les nuages voilèrent le soleil. Le vent


se mit à souffler violemment, soulevant les cheveux d’Elysson. Elle
avançait dans les ruelles grises de pandragon aux côtés de Malika.
Les gens qu’elles croisaient se dépêchaient de chercher un abri
avant qu’il ne se mette à pleuvoir. Trop absorbées par leur
conversation les deux femmes ne le remarquèrent pas.

-Pensez-vous que le Duc ait un lien avec l’évasion du voleur?


Demanda la jeune femme.
388

Malika affichait un air soucieux

-Si je dois me rapporter à ses réponses, je pense qu’il a quelque


chose à cacher. Tu es bien certaine que durant l’audience de ce
matin il a requis du roi que cet Assam,, soit anobli?

Répondit-elle

-Certaine! Il souhaite en faire son héritier!

-Alors il n’y a pas de doute! Il cherche à la protéger. Voilà


pourquoi il a tenu à ce que nous le tenions au courant de l’avancée
de notre enquête. Il souhaite se préparer au cas où nous
inculperions son fils!

-Mais pour quelles raisons l’héritier d’une maison aussi riche


que les Gauvinal chercherait à voler le roi?

-je me pose la même question. C’est le gros point noir. Sitôt


que nous l’aurons éclairci, nous aurons résolu cette affaire…
Pour l’heure, nous allons requérir du roi qu’il interrompe les
consultations à son sujet. S’il est anobli avant que nous l’ayons
appréhendé, nous ne pourrons plus rien contre lui.

Elysson comprenait. Les hauts nobles bénéficiaient d’une


immunité qui leur permettait d’échapper à la justice dans la plupart
des affaires criminels.
Elles continuèrent leur chemin en silence.
Elysson se plongea dans ses pensées. Mais ce qui la
préoccupait n’était pas l’affaire en cours.
389

Elle n’arrivait pas à se sortir de la tête l’image de la duchesse


d’Hasborg à genoux devant le trône. Son instinct lui disait que son
arrivée à la cours allait bouleverser bien des choses…

-Malika? Que savez vous au sujet de la maison Djemerker?


Demanda t’elle
Le vent mugissait de plus belle.
Le colonel fouilla dans sa mémoire et rassembla les
informations qu’elle possédait afin de donner la réponse la plus
complète possible.

-Ils sont les seigneurs les plus influents de l’Ouest. Ils furent
rois avant la conquête totale. Mais une royauté fréquemment
contestée par les autres seigneurs mardes. Ils ont ainsi passé leur
temps à guerroyer et se faisant ils se sont endurcis. On aurait pu
penser que ce serait les plus farouche résistants lors de la conquête,
mais port bastion est tombée sans combat. Aujourd’hui, le seigneur
Chamberlin Djemerker est le maitre incontesté des terres qu’il
administre pour le compte de la couronne. Quant à sa fille la
duchesse, je ne sais pas grand chose à son sujet. Cependant il se dit
que c’est un chef de guerre remarquable…

Elysson savait déjà tout cela ce qu’elle voulait c’était des


informations plus précises, pour se faire une idée de la personnalité
de Mydoral.
Seulement elle ne savait comment orienter sa question.

-Mais ce n’est pas ce qui t’intéresse n’est ce pas?


Malika lui sourit affectueusement guettant sa réaction…
Elysson baissa les yeux penaude. Les deux femmes avaient
tissé une relation de respect mutuel et d’amitié forte en dépit de leur
différence d’âge.
390

-Eh bien… c’est que…

Elysson cherchait ses mots. Elles se trouvaient au milieu d’une


rue déserte. A mesure que l’on s’approchait de la caserne de la
vermarme, les habitation se raréfiaient.
L’entraînement que la jeune femme avait reçu, sous la houlette
du capitane corsaire Mervhouivre et du kraken, avait développé son
sens de la perception au delà de la normal. Elle était capable de
stopper un projectile tourner vers elle sans même le voir.
Soudain, sans qu’elle ait conscience d’avoir été prise pour
cible, une flèche venue de nulle part se brisa net devant elle.
Malika était un colonel émérite et une vielle combattante. Sa
vivacité était surprenante pour son âge. Mais elle ne bénéficiait pas
de l’incroyable capacité d’Elysson.
Le second projectile se ficha dans son épaule entre les jointures
de son uniforme, lui arrachant un cri de douleur et de surprise.

Elles ne réalisèrent pas tout de suite ce qu’il se passait. Ce ne


fut que lorsqu’un nouveau carreau se brisa dans son dos qu’Elysson
comprit. Quelqu’un tentait de les tirer comme des lapins! Elle
plongea sur Malika pour la protéger d’un énième trait.
Les deux femmes s’affalèrent sur le sol pavé. Les flèche
continuèrent de siffler au dessus de leur tête.
Elysson fronça les sourcils en signe de rage et
d’incompréhension. Qui osait donc attaquer des officiers en plein
milieu de la capitale?
Les tireurs étaient indétectables. C’est alors qu’elle, décida de
rendre leurs tirs inopérants.
L’un des aspects de son don, lui permettait de contrôler les
corps et la gravité dans un certain rayon de proximité.
Elle se redressa lentement.
391

Une cible facile pensèrent sans doute les personnes


embusquées.
Une volée de flèches partit. Leur angle permit à la jeune femme
de déterminer que ceux qui les attaquaient étaient sans doute postés
en hauteur. Probablement sur les toits des rares bâtiments aux
alentours. Elysson ignorait si ils étaient habité ou non. Cette
précieuse information l’empêcha de détruire purement et
simplement les immeubles.
Les projectiles se brisèrent comme des brindilles avant de
l’atteindre.
Malika se redressa à son tour.

Elysson était d’un tempérament chaud. Elle ne tolèrerait pas


d’être attaquée et de surcroît, par des lâches qui se cachaient. Son
don se manifesta de nouveau et sous le regard étonné de Malika, ses
pieds quittèrent le sol.
Elysson s’éleva doucement à une dizaine de mètre au dessus
d’elle. De sorte qu’elle avait une vue imprenable sur les environs.
Elle guetta sur les toits et détecta les assayants. Sans réfléchir
davantage elle se laissa tomber sur le toit le plus proche.

L’homme allongé contre les tuiles grises, une arbalète à la


main se redressa rapidement. Il était Vêtu d’une toge serrée à la
hanche par une ceinture en cuir et un glaive pendait à son côté. Par
dessus sa robe il avait passé un surcot en métal doré, frappé de
l’effigie d’une des trois déesses. Il était coiffé d’un heaume qui sans
lui voiler le visage, protégeait son front et son nez.

Elysson n’avait jamais entendu parler de la milice des trois


déesses. C’était la première fois qu’elle se trouvait en présence d’un
sicarius. Elle demanda les traits déformés par la colère:

-Qui es tu? Et pourquoi nous attaques tu?


392

Pour toute réponse, l’autre tira son glaive et se jeta en avant.

Elysson fit un geste négligeant de la main. L’homme fut balayé


comme un fétu de paille! Il s’envola et alla se fracasser sur une
façade à l’autre bout de la rue.
Elysson décolla et atterrit sur un second toit, en face du second
sicarius. Ce dernier, l’attendait de pieds ferme. Décidée à obtenir
des informations, Elysson opta pour ne pas trop l’abîmer.
Conscient que son arbalète ne servait à rien, le sicarius tira son
glaive et se rapprocha de la jeune femme.
Il tenta une feinte audacieuse, qui lui aurait sans doute permit
d’éliminer un adversaire moyen au corps à corps en seul coup.
Faire semblant de frapper du glaive pour le cueillir au niveau
des vertèbres cervicales du plat de la main.

Elysson s’était entraînée aux côtés de non pas un, mais de deux
capitaines corsaires. En plus d’une longue formation sous la
direction du duc d’ombreuse, armurier royal!
Elle n’était plus ce qu’on pouvait appeler une adversaire
moyenne. En fait, son niveau était très proche de celui d’un vice
capitaine de la marine.

Elle para la main du sicarius, qui étonné mais pas étourdi, tenta
de revenir à sa première option. Frapper avec son glaive en plein
cœur. Une velléité stupide. Son coup était de toute manière trop lent.
La jeune fille ne tenta même pas d’esquiver sa lame. Elle le
cogna au visage avec une telle violence, que son poing défonça sa
boîte crânienne.
Ce fut seulement à ce moment qu’elle réalisa comme elle avait
gagné en force.
393

Depuis son admission au sein de la garde royale, elle n’avait


fait que s’entraîner.
Elle contempla fixement sa main gantée tachée de sang,
repliant ses phalanges.
Le sicarius à ses pieds ne respirait plus.
Un cri attira son attention. Elysson regarda en bas, dans la
ruelle.
Une dizaine d’hommes portant le même uniforme que ses deux
précédents adversaires, étaient aux prises avec Malika.
Le râle de douleur qu’elle avait entendue plus tôt, provenait de
la gorge de l’un d’eux.
Elysson eut un sourire dure.
Malika était redoutable.

Elle sauta du haut de l’immeuble et atterrit au centre du


combat, écrasant un des assaillants sous ses bottes.

-Gardez en un! Il faut qu’on l’interroge.

Dit -elle à l’adresse du colonel.

Malika avait un style très différent de celui du sien.


Elle utilisait la force de ses adversaire contre eux.
Un sicarius probablement doté d’un don, tenta de la saisir avec
un troisième bras qui lui avait poussé sur la hanche. Elle le laissa
faire. Ce dernier pensant la tenir, serra son poignard et frappa de
toute ses forces. La lame se ficha dans la poitrine d’un de ses frères,
qui mourut hébété.

Malika se trouvait à la place que ce dernier venait d’occuper


avant qu’elle n’échange leur position.
394

Un adversaire l’attaqua sur sa gauche, elle se décala en arrière


et poussa son coude de sorte que son glaive alla se ficher dans l’œil
d’un autre… Il recula précipitamment en hurlant de douleur,
percutant un de ses compagnons. Malika en profita pour tirer le
glaive attaché à la ceinture du sicarius borgne, et l’éventra…

Une goutte de pluie tomba du ciel et mourut contre le sol dallé,


suivie par des milliers d’autres.

[saut de page]

Nous ne pouvons rien faire… Le poison a déjà atteint les tissus.


À la limite nous pourrions la plonger dans un coma transitoire. Elle
nous quittera sans douleur.

Le docteur Albus était le médecin attitré de la couronne. Son


âge et son expérience faisait de lui le meilleur spécialiste de la
capitale. Il avait sauvé d’innombrables vies au cours de sa carrière
grâce à son don qui lui permettait de détecter instantanément
l’origine du mal qui rongeait un corps. Mais même lui, avait ses
limites. Des limites qui débouchaient sur la mort.

[saut de page]

Sous la pluie torrentielle, l’affrontement se poursuivait.


Elysson était une lionne massacrant tout ceux qui passaient à
portée de ses crocs et Malika, un épervier habile qui saisissait sa
proie au moment où elle s’y attendait le moins.
Les sicarius se faisaient décimer. Mais ne rompaient pas. Ils ne
manquaient pas de courage. . Il fallait au moins leur reconnaître ça
395

Quand enfin le dernier tomba à genoux devant Elysson, elle lui


dit brutalement :

-Qui vous envoie? Parle!

-Soyez maudite! Le glaive D’Agénor s’abattra sur vous!

Cracha t’il

-Je ne suis pas très croyante et vous Malika?

La réponse de Malika tarda à venir:

-Ce sont des Sicarius … une branche de la milice au service du


grand prêtre…
Dit elle entre deux hoquets.
Puis elle toussa anormalement. Recrachant du sang.
Elysson se retourna et se pétrifia:

-Malika?!

Elle chercha la cause de son état. Le colonel n’était blessé nul


part. En dehors d’une égratignure à l’épaule, causée par la deuxième
flèche!
Elysson réalisa soudain…

L’esthrella était un poison rapide. Composé de neuro toxines, il


attaquait directement les cellules du cerveau. La victime était
paralysée en moins de trente minutes. Puis il s’attaquait aux tissus et
396

provoquait une hémorragie interne. La mort survenait après une


heure. On ne lui connaissait pas d’antidote.

Elysson tenta de soutenir Malika alors que celle ci s’effondrait,


crachant de plus en plus de sang.
Ses pupilles virèrent au rouge et elle braqua un regard haineux
sur le dernier sicarius vivant.

-Qu’avez vous fait?!

-C’est le sort de ceux qui osent défier les déesses… Toi aussi,
bientôt tu(…) Arrrhg!
Cracha l’homme avec véhémence.
Il mourut écrasé comme un insecte, par une fumée noire
émanant du corps de la jeune officière.
Elysson refusa de rester impuissante tandis que son ami se
mourrait.
Elle s’envola sous l’orage , l’emportant avec elle.

[saut de page]

L’hôpital militaire était un bâtiment moderne, construit à


l’image de la résidence des pundles.
Des trombes d’eau de pluie s’abattaient sur le toit conique,
recouvert de tuiles rouges sur lequel flottait l’étendard des médecins
royaux à côté de celui de la couronne. La façade avait été repeinte
récemment et arborait une fraîche couleur crème.
397

A l’intérieur, les larges couloirs aux murs immaculés, étaient


illuminés par des sphères lumineuses fixées au dessus de chaque
portes.

Debout au centre d’un couloir, Elysson trempée, complètement


hystérique, avait tout à fait perdu la maîtrise d’elle même. Elle
hurlait sur le médecin.

-Non! C’est impossible! Tentez quelque chose! Faites votre


travail! Sauvez-là!

Ce n’était que la seconde fois de son existence où elle


expérimentait la douleur de perdre un être chère. Elle sombrait dans
le déni.

Le docteur Albus s’en rendit compte:

-Il est habituel qu’un officier meurt d’une blessure au combat


sous lieutenant… Mais l’Esthrella est un poison rare! Que C’est il
passé?

Demanda t’il.

[saut de page]

Bercée par les oscillations de la dame rouge, voguant sur les


eaux calme de l’Est, Nath dormait d’un sommeil profond.

Elle fit un rêve d’une surprenante douceur. Ramené seize ans


en arrière par son subconscient, elle se revit gamine, réclamer une
histoire à sa mère avant de s’endormir.
398

La femme porta une chandelle au chevet de sa fillette. Et s’assît


prêt du lit. Elle avait de grand yeux de biches mais tous s’accordait à
dire que sa fille était le portrait craché de son père. Elle prit une
profonde inspiration et commença. Nath jubila d’excitation. Sa mère
était une conteuse hors paire. Historienne de profession, elle
parcourait le monde aux côtés de son mari caravanier, et étudiait de
prêt l’histoire des vielles civilisations.

-Ce que les Nîmes ancien appelaient l’Ankh, et que les


premiers historiens nommèrent la clé de vie, était la manifestation
sensible de l’essence immortel d’un être. Les anciens pensaient que
tous les vivants, qu’ils soient hexa ou sans dons, possédaient une
forme transcendantale, qui a leur mort, leur permettait d’échapper
aux lois communes de la nature.
Cet aspect était un principe purement neutre bien au delà des
notions humaines de bien et de mal.
Il arrivait cependant, qu’un être parvienne à manifester l’ankh
au courant de son existence terrestre. Lorsque cela se produisait,
l’apparition d’une telle personne. Était célébré comme la naissance
d’un nouveau dieu. Et un culte lui était dédié. Resha Sayida Alhura
fut l’une des dernières divinités du peuple Nîmes. Son Ankh
beignait et protégeait son peuple. Jusqu’au jour où elle décida de
partir à la découverte du vaste monde. Le village de Jiya périclita et
de Carrefour de la civilisation il devint un vestige oublié des
hommes.
Quittant Carma, Sayida parcourue les océans, se lia d’amitiés
avec des compagnons extraordinaires et unifia ce que les hommes
appelèrent plus tard l’archipel des nimurdes. Ceux qui la connurent,
et qui partageaient son quotidien sur son île natale, attendirent son
retour en vain. Ils moururent de vieillesse.
Lorsqu’enfin, lassée par le vice des hommes et la guerre,
Sayida revint chez elle, le paradis verdoyant qu’elle avait quitté des
siècles plutôt n’était plus habité que par des inconnus.
Elle y bâtit néanmoins sa case avec l’aide d’un compagnon.
399

L’on raconte que l’homme était un roi déchu honnis par son
peuple, qui avait tout abandonné pour suivre Sayida. L’on raconte
aussi que sensible à ce sacrifice La femme mythique l’aima.
Cependant L’Ankh n’était pas un pouvoir auquel le roi de ce
temps entendait renoncer. Refusant de passer sa vie pourchassée,
Sayida scinda sa clé de vie en quatre part égale et en confia trois à
de jeunes gens qui devinrent les célèbres capitaines corsaire. Elle y
inséra une loi à laquelle ils devraient se tenir, pour continuer à
bénéficier de sa puissance. Elle conserva la plus grande part de son
pouvoir en elle et la transmit au fils qui naquit de son amour avec le
roi déchu.
Tierry, le roi qui n’en était plus un, appris à son fils l’art de
soigner avec les plantes. Un savoir que sa compagne admirait, bien
qu’elle puisse guérir n’importe quel mal d’un simple contact. Elle
eut un fils. Et quand elle transmit la dernière part de son don, celle
qui avait traversé les âges, vu l’apogée et le déclin de tant de
civilisations, commença à vieillir. Les villageois de Jiya
l’appellèrent « vielle guérisseuse »: “Sekmet”.

Nath s’agita dans son sommeil, La voix de sa mère s’effaça,


remplacée par un son horrible. Le rêve se changea en cauchemar.
Elle s’éveilla brusquement… un cri déchira son esprit. Quiconque
l’avait entendu une fois dans sa vie ne pouvait oublier le son strident
et inhumain que produisit Sekmet quand elle massacra les pirates
de Soron…

Nath oublia son rêve et pria intérieurement pour que le


pressentiment qui lui serrait la poitrine soit simplement dû au fait
que son amie lui manque.
400

Demain, ils attaqueraient Lancastre. Elle devait se reposer pour


être prête à la bataille. Elle tira la couverture sur sa tête et s’efforça
de se rendormir.

[Saut de page]
Elysson serra les points. Elle bouscula le médecin et entra dans
la chambre d’hôpital. Malika, agonisait sur un lit le frond en sueur.
La jeune femme sentit les larmes lui monter aux yeux.

-Jenevah? Vous êtes venu? …

Murmura le colonel entre deux quintes de toux. Sa voix était à


peine audible. Elysson se rapprocha du lit et lui prit la main.

-Non…Malika c’est moi Elysson…

La mourante toussa de plus belle crachant sang et salive. Un


postillon ensanglanté atteignit la joue de la jeune officière.

-Elysson? Qui êtes vous? Où est ma nièce?

Le médécin arriva dans leur dos.

-Le délire est un des effets du poison… Elle est robuste pour
une femme de son âge… La plupart des victimes trépassent au bout
d’une heure… Hélas ça ne rend pas son agonie moins
douloureuse… Il n’y a pas un seul apothicaire à pendragon qui
possède l’antidote à l’Esthrella.
401

Elysson serra la main du colonel.

-Taisez-vous! Ordonna t’elle.

Ses fumerolles noires surgirent à nouveau, appelant à la mort,


leur soif de sang devaient être étanchés…

Le docteur Albus malgré lui, recula d’un pas.

-Je les tuerais! Je les tuerais tous!


Répéta Elysson les dents serrées.

Malika fut secouée par un frisson intense, elle se cramponna au


bras d’Elysson de toutes ses forces.

-Je ne veux pas mourir…


Dit elle en sanglotant…

-Vous n’allez pas mourir Mali(…)

Elysson ne put achever sa phrase. Les muscles du colonel se


raidirent. Sa tête bascula sur l’oreiller et ses yeux se révulsèrent. Son
cœur s’arrêta.
Pour la première fois, sa protégée sentit l’extinction d’un don.
Ce fut comme si une partie d’elle mourrait. Une violente douleur lui
traversa la poitrine . Elle baissa la tête et colla son front contre la
main de la défunte.

Perdant pieds avec la réalité Elysson, entendit une voix venir de


subconscient:
« Efface tout. Anéanti ce monde qui t’inflige la douleur. Rase
ses fondations »
402

Elle n’avait pas pleuré quand on lui avait enlevé son père. Elle
était resté muette des jours durant.
Cette fois-ci, elle pleura à chaude larmes… Son dos était prit de
tremblements irrépressibles.

Le monde était souffrance.


Tout sombrait dans le noir.

[saut de page]

Le chauve regardait la pluie tomber derrière les fenêtre de ses


appartements, au sommet de la tour de la garde royale.
Magnifiquement éclairée par un lustre suspendu au plafond, la vaste
pièce était tapissée de rouge et le mobilier luxueux ajoutait à son
raffinement.
Il n’aimait pas les averses.
Sayida non plus n’aimait pas cela. Et Il avait toujours calqué
ses goûts sur les siens.
Il sourit en y repensant.
Lentement, il remonta le cours de sa mémoire.
L’adolescent maladroit et volubile qu’il était, n’avait rien
trouvé de mieux pour animer sa fantaisie, que de s’éprendre de son
mentor.
Son premier chagrin d’amour remontait à si loin…
Cela datait du jour où Sayida leur avait annoncé qu’elle ne
rentrerait pas à la capitale avec eux.
Elle partirait de son côté avec le roi vaincu. Nagga s’y était
violemment opposée.
403

“Que deviendrions- nous sans vous? Qui nous montrera le


chemin?”

Bien que capitaine corsaire d’une flotte à part entière qu’elle


avait hérité de Sayida, celle que l’on surnommait déjà le dragon des
mers à cause de son don, demeurait la plus attaché à leur mentor.

“ Vous deviendrez ce que vous aurez choisi d’être et rien moins


que cela. Il n’y a pas de bon, ni de mauvais chemin Nagga… Il n’y a
que ton chemin. Tu n’as qu’une vie aussi longue soit -elle à toi de
trouver comment la remplir.”

Sayida s’adressait à Nagga mais regarda tour à tour kal et lui


même. Mervhouivre ne s’y trompa point. Le message était valable
pour eux.

Lorsqu’il fit la rencontre d’Adonis ce qui lui avait semblé être


une éternité plus tard,
Il trouva en cette amitié, quelque chose qui remplit de nouveau
son existence.
L’arrière petit fils de Sayida parlait comme elle.

“Ton bonheur ne peut dépendre des autres mon ami… Tu dois


le trouver en toi.”

Mais il était aussi le descendant du couard… Et il ne fut pas


assez courageux pour renoncer à un amour impossible.

A moins que se ne fusse kal et lui qui furent trop lâches pour le
soutenir…

Mervhouivre n’en était pas tout à fait sûre.


404

Kal, sans doute par solidarité féminine, prit le parti de Nagga.


Alors enceinte de plusieurs mois, lorsqu’elle apprit la trahison
d’Adonis. Tout en refusant de porter la main sur Adonis.
Nagga lui donna la chasse seule.

Merhvouivre était persuadé que l’histoire se finirait mal.


Adonis était plus puissant, mais il manquait d’expérience. Nagga au
contraire, était déjà la guerrière la plus redoutable de l’archipel et
était animée par la rage d’une femme déçue.
La reine Jeassica en donnant suite aux avances d’Adonis avait
plongé le royaume dans la tourmente. Ce fut la plus grande Chasse à
l’homme de l’histoire de l’archipel, depuis que le roi Adarion avait
offert une part de son royaume à celui où celle qui lui ramènerait
Sayida et Tierry!

Mais les hommes de ce temps là n’étaient pas des fous. Nul ne


se serait risquer à poursuivre Sayida. Adonis à l’inverse, après l’édit
de Léo Ier le condamnant à mort “pour avoir enlever la bonne reine
Jeassica”, fut pourchassé de toute part.

Merhvouivre ignorait où il s’était caché.


Un éclair zébra le ciel, illuminant la pièce une brève seconde.
Ramené au contact de sa réalité par une sensation inédite, le
capitaine chauve se redressa vivement…
Les clés de vie hérités de sayida étaient liées entre elles,
comme des particules issues d’un seul atome tentant sans cesse de
s’unir à nouveau.
Cela faisait des décennies qu’il n’avait pas senti celle d’Adonis.
Était -ce possible? Il se refusa à y croire!
Pourtant, ses sens et le pouvoir qui palpitait en lui, ne pouvaient
le tromper. L’Ankh d’Adonis venait de réapparaître.
405

La tour de la garde royale était haute de prêt de quarante mètres

Totalement, transporté, Merhvouivre bondit par la fenêtre. Il


atterrit souplement, et dans le même mouvement, commença à
courir…

[saut de page]
Le docteur Albus n’était pas insensible au drame qui se
déroulait sous ses yeux. Sa profession l’avait simplement mis trop
de fois face à la mort et au deuil pour qu’il laisse ses émotions
prendre le pas sur son devoir.

-Que doit-on faire de la dépouille?


Demanda t’il.

Lentement, comme ci son corps était possédé, Elysson se


redressa.

Les fumées noirâtres qui enveloppaient son corps se


densifièrent. Ses pupilles rouge écarlates, brillèrent d’un éclat cruel.
Albus se débattit du mieux qu’il put. Mais même le plus âpre
des guerriers n’aurait pu lutter contre ce pouvoir contre nature. Et il
n’était pas un guerrier.
par les émanations l’entourèrent et le broyèrent avec un bruit de
sucions répugnantes.
Ses cris étouffés attirèrent des membres du personnel soignant.
L’horreur de la scène les pétrifia.
Elysson ne sembla pas avoir conscience de leur présence. Ses
fumerolles s’attaquèrent au corps encore chaud du colonel. Le
cadavre se mit à s’agiter. Les fumerolles s’introduisirent dans son
nez et sa bouche.
406

Puis,sous l’effet d’une force inconnue, la dépouille s’éleva


quelques centimètres au dessus de la couche trempée.

Elysson habitée tout entière par son don, parla d’une voix
profonde, en une langue dont le sens échappait aux infirmiers,
terrorisés.
-Levez-Vous Malika…

Les orbites du cadavre se remplirent d’une aura noire et


comme un patin, son corps obéit.
Malika posa pieds à terre. Mais ce n’était plus tout à fait
Malika. Le sang coagulé au coin de sa bouche les ténèbres qui
l’environnaient et sa gestuelle désarticulée, clamaient son statut de
morte- vivante.

[Saut de page]

Nagga cikaly, contrôlait d’un œil avisé le chargement de son


vaisseau Amiral. Ses hommes travaillaient sous l’orage, et il ne
serait même pas venu à l’idée de l’un d’eux d’interrompre
momentanément sa tâche pour s’abriter. A l’exception de son bras
droit.
Le vice capitaine phillipe, claquait des dents, comme la plupart
des hommes de l’équipage.
Imperturbable, Le dragon des mers ne semblait pas outre
mesure affectée par le froid.
Il pesta intérieurement.
C’est alors qu’il se mit à l’épié pour s’offrir un moment de
relâchement au moindre signe de distraction de sa part.
407

La dévisageant, Il percut une lueur naître dans le regard de sa


grande tante. Il lâcha une caisse et se frotta les yeux.
Nagga cikaly avait un air extatique, comme frappée par la
foudre, elle souriait.
Si tant est qu’un air aussi terrifiant pouvait être qualifié de
sourire.

L’Ankh d’Adonis… Ce lâche… Un éclair zébra le ciel.

Le dragon des mers tourna le dos à son équipage, et comme ci


plus rien n’existait autour d’elle, le dragon des mers marcha vers la
ville d’un pas lent… Son sourire cruel n’avait pas quitté son
visage…

[saut de page]

A l’arrière de la grande cathédrale, dans les appartement


réservés aux chef de la foi, Ptolémaüs leva son verre avec réticence
à la suite du grand prêtre Mazarin.
La chambre du grand prêtre avait été réaménagée. On avait fait
enlever les vieux meubles qu’on remplaça par des couffins luxueux
et des lits d’orgies.

-Voyons Ptolemaüs! Votre don vous a t’il déjà trompé?


408

-Je dois avouer qu’en soixante dix années cela n’est jamais
arrivé, votre sainteté.
Siffla le vieil épouvantail.

-Bien alors nous sommes assuré que la femme est morte…

-Oh pour sûre! Elle l’est votre sainteté. Cela nous a cependant
coûté la vie de vingt frères. Aucun survivant. J’ai vu le dernier
mourir.

Mazarin bu une gorgée de vin et fit claquer sa langue en signe


de satisfaction.

-J’en boirai assurément sur mon lit de mort! Plaisanta-t-il


-Votre don marche t’il sur n’importe qui? Par exemple sur moi?
. Je m’interroge, Ptolemaüs, m’espionnez- vous? Poursuivit
Mazarin.

Ptolémaüs voulut répondre par l’affirmative.

“Bien sûr que je te vois abuser de jouvencelles, te repaitre de


viandes et vins capiteux tout le long du jour”!

Il ne supportait pas cet homme grandiloquent! Ce simulacre de


croyant, impie!
Lui, il avait su tourner le dos à ses privilèges et à ses terres.
Duc de Nephtali par la naissance, il aurait pu convoiter une place de
choix à la cours. Mais son aversion pour la maison Lancélhion,
409

hérité de ses aïeux, qui furent défaits à Lanssalbion, le poussèrent


vers un chemin plus ténébreux. En comparaison Mazarin n’était
qu’un paon!
Cependant, c’était lui que ses frères choisirent pour porter le
diadème des déesses. L’âge jouait en sa défaveur. Ptolémaüs
accepta de servir comme le pieux devote qu’il était.

-Non votre sainteté!


Siffla t’il.

-Voila qui est fort aimable à vous! Je n’aime pas être espionné

-Comme bien des gens votre sainteté.

-Oui probablement.

La conversation aurait pu s’arrêter là.


Mais un hurlement de douleur retentit devant la porte. Suivit
d’un cri de terreur et du son d’une lame qui tranchait la chaire.

Mazarin jeta un regard plein de crainte au père Ptolemaüs. Des


fumerolles noires s’insinuèrent entre les interstices de la porte de ses
appartements.

-Quest ce que cela?! Hurla t’il


410

Soudain, la porte explosa!


Au milieu de l’encadrement, le cadavre de Malika, animé par
une force macabre apparu.

Elle posa un pieds dans la pièce, traînant une lame


ensanglantée, sur le marbre froid recouvrant le sol. Une dague était
planté dans son cou et un sang noir en dégoulinait. La vision était
cauchemardesque. Vraisemblablement, invraisemblable.

-Quelle genre de démon êtes-vous?


Siffla Ptolemaüs transit de peur.

C’est à ce moment qu’Elysson entra dans la salle.


Méconnaissable. Ses mèches de cheveux flottaient derrière elle
librement. Sous ses yeux rougis, des marques noires parallèles à ses
paupières étaient apparus. Le plus impressionnant était sans doute
l’aura noir qui tournoyait autour d’elle.

-Achève ton œuvre Malika! Envoies les rejoindre le reste de


leur ordre!
Ordonna t’elle à la morte-vivante

L’horreur bougea. Mazarin voulut s’enfuir mais se prit la pieds


dans sa toge. Et tenta de s’agripper à Ptolemaüs pour freiner sa
chute. Hélas, le vieillard n’était pas solide et les deux s’affalèrent.
Leur mort semblait être la seule issue envisageable.

Mais les déesses n’en avaient sûrement pas fini avec eux!
Agénor leur envoya un héros!
411

Il entra derrière la fille à l’aura noire. Il était trempé du sommet


de son crâne chauve, au bout de ses bottes.

Le capitaine corsaire Mervhouivre en pénétrant dans la


cathédrale, s’attendait à tout sauf au spectacle qu’il avait sous les
yeux!
Elysson, dégoulinante de sang, et Malika… Ou plutôt, ce qu’il
restait de Malika: Une banshee. Un être contre nature animé par un
Ankh orienté négativement…
Sayida le leur avait enseigné, leur précisant que cela ne devait
pas être!

Il serra les poings…


Merhvouivre n’avait pas eu de don à la naissance.
L’énergie qui l’entoura était celle héritée de son mentor.
Trop pure et trop puissante pour que Elysson ne la remarque
pas.
Trop antinomique pour qu’instinctivement, le cadavre de
Malika ne se jette pas sur le capitaine.

L’affaire fut promptement réglée: d’un seul coup porté au sol,


Mervhouivre provoqua un jaillissement d’énergie pure qui s’étendit
en ligne droite jusqu’au monstre.
La banshee ne put esquiver et fut anéantie.

Elysson dans un mouvement animal inclina la tête de surprise.


Mervhouivre bondit et disparut de son champ de vision.
Il avait déjà vu cela. Elysson n’était pas Elle même.
Exactement comme Nagga trois siècle plutôt, elle avait laissé
L’Ankh la dominer et se mêler à ses émotions négatives.
Heureusement, il savait comment l’arrêter sans lui faire de mal.
412

Mazarin se voila les yeux à cause de la lumière vive. Ptolémaüs


fut projeté en arrière par l’onde de choc.

Un nuage de poussière blanche issu du marbre pulvérisé


flottait.
Lorsqu’il retomba,
Le capitaine corsaire tenait sa protégée dans ses bras,
inconsciente.

[saut de page]

Nagga prit son temps pour arriver sur les lieux.


Mais aussi soudainement qu’il était apparu, L’Ankh d’Adonis
s’estompa.
C’était une chose curieuse cette manie qu’il avait d’apparaître
et de disparaître.
La pluie avait cessé et un soleil couchant timide pointait sous
des nuages légers.

Nagga trouva la cathédrale encerclée par une dizaines


d’officiers de la garde royale.

-Rapport…
Dit-Elle sèchement au premier devant lequel elle s’arrêta.

-Il semblerait qu’un officier de la garde royale ait attaqué le


grand prêtre et assassiné plusieurs membres de l’ordre… Le
413

capitaine Merhvouivre a procédé à son arrestation. Le roi se trouve à


l’intérieur. Il s’entretient avec sa sainteté qui semble durement
éprouvée(…)

Lui dit fébrilement le jeune homme en faction.


-Épargne moi les états d’âmes de cet avorton! Où est allé
Mervhouivre?

-Sur l’Adonis! Il a convaincu sa majesté que c’était le meilleur


endroit pour emprisonner l’officière, jusqu’à son procès! Dois-je
vous annoncer au roi mon capitaine?

Nagga tourna les talons…

Le dragon des mers traversa la ville qui s’animait à mesure que


le soir tombait.
Elle se fit sceller un cheval et repartit pour Avalon.
Elle parvint au port alors que la lune se levait. Elle n’avait pas
galoper à bride abattu. Il n’y avait aucune hate dans ses intentions.
Elle s’assura d’abord que le Léviathan était bel et bien prêt à partir
avant de s’enquérir auprès de ses hommes de l’Adonis et de son
capitaine.

-Il n’a pas levé l’encre. Et si le capitaine Mervhouivre s’y


trouve. il ne nous l’a pas fait savoir.

Nagga acquiesça et se rendit au lieu où le navire avait amarré.


414

Alors qu’elle était en chemin, une vague de souvenirs


douloureux lui revinrent.
La douleur de l’enfantement; sa tristesse lorsqu’elle avait
appris que l’enfant née prématurément n’avait pas survécu. Sa haine
pour Adonis. Lui qui l’avait séduite et abandonné. Le feu qui brûlait
dans sa poitrine lorsqu’elle se l’imaginait dans les bras de la reine
Jeassica.
Elle avait vu cela! L’avait senti, mais avait choisi de faire
confiance. Trahissant son instinct, se tournant à elle même le dos.
Plus jamais…Cela n’arriverait.
La plaie que la déception avait ouverte dans son cœur, saignait
encore abondamment. Comme une boîte renfermant un poison
qu’elle n’avait qu’à ouvrir, la fureur , se répandit en elle .
Elle parvint devant l’Adonis sans s’en rendre compte.

Une silhouette chauve familière sortie de la pénombre, alors


qu’elle se rapprochait du bateau.

-Elle est inconsciente Nagga… et si tu veux lui faire le moindre


mal tu devras me passer sur le corps.
Lança gravement Mervhouivre.

Nagga ne put se retenir. Elle n’avait pas rit depuis une éternité.
Elle éclata et le son saccadé qui s’échappait de ses lèvres
ressemblaient plus à un rugissement qu’a un rire.
Le rire du dragon.

Mervhouivre se souvint de la dernière fois où il l’avait entendu.


Nagga avait massacré dix Bellator à elle toute seule.
415

-Ce n’est pas tant que je ne le veuille pas. Mais si je m’attaque


à toi je perdrais mon Ankh. Cela t’arrangerait bien n’est ce pas
Mervhouivre?

-Je perdrai le mien aussi… Et nous nous battrions à armes


égales.

-Crois tu vraiment ce que tu dis Merh? Sans L’Ankh nous ne


serions que deux squelettes voués à partir en poussière. Il n’y aurait
pas d’affrontement. Telle est la loi de Sayida…

Mervhouivre serra les poings. Ce ridicule coup de bluff n’allait


pas fonctionner. Il opta pour le dialogue:

-Elle n’a pas à payer pour les erreur d’Adonis on ne sait même
pas quel lien ils ont!
Déclara t’il

-Peux-tu être à ce point aveugle que tu n’aies pas vu sa


révulsante ressemblance avec son père?
416

Mervhouivre sentit une goutte de sueur perler sur son front.

-Que prévois-Tu de faire?

-Comme tu es touchant Merh… Tu t’inquiète sincèrement pour


elle… Pourtant tu n’as pas défendu son père avec autant d’ardeur…
Aurais-tu des regrets?

Railla Nagga.

Merhvouivre vrilla ses yeux dans ceux de sa condisciple. Il


était prêt à mourir et à l’emporter avec elle si cela était la seul
manière de l’arrêter.

Nagga perçut clairement cette résolution.


Il était encore trop tôt… Pensa -t’elle.
Elle trouverait le moyen de s’affranchir de la loi de Sayida. Et à
ce moment, elle étancherait sa soif de les tuer, kal d’abord. Merh
mourrait en dernier.
Elle lui lança un ultime regard.
Promesse de mort.

Avant de s’en aller….

Saut de page]
417

Elysson ouvrit les yeux lentement. Elle se trouvait dans une


pièce jaune lui rappelant son appartement. Toutefois la couche sur
laquelle elle était allongée, n’était pas la sienne. Bien plus dure et
moins large.
Une douleur atroce lui striait l’arrière du crâne.
Elle pensa qu’elle était blessée et par réflexe, y passa la main.

-J’ai du t’assommer plus fort que d’habitude pour que tu te


calmes.

Lui dit une voix familière.


Elle sursauta et découvrit le capitaine Merhvouivre assis à son
chevet.

-Que s’est -il passé?

-Tu ne t’en souviens pas?

Elysson fronça les sourcils et fit un violent effort de mémoire.


Tout lui revint d’un seul coup. Le combat contre les sicarius, la mort
de Malika, la traque des prêtres. Et l’intervention du capitaine….
Incrédule, elle trembla de tout son être.

-J’ai de nouveau perdu le contrôle…


Murmura t’elle
418

-De nouveau? Ce n’était pas la première fois que ton Ankh se


manifestait?

Elysson se recroquevilla sur elle même…

-Je suis là pour t’aider Elysson. Mais tu dois accepter de me


parler…
L’encouragea le chauve doucement.

-Elysson… ce que tu as fait est grave… et va en l’encontre de


toutes les lois de la nature. Poursuivit-il avec douceur.

-J’ai tué ces prêtres mais ils l’ont mérité mille fois!
Rugit la jeune fille…

Mervhouivre lui lança un regard glacial:

-Je ne te parle pas des prêtres. Mais de la banshee.

-La ban(…) Excusez moi mais pourriez -vous le redire?


419

-Tu as altérer l’essence transcendantale de Malika et tu l’as


empêché de quitter le monde physique. Tu l’as condamné à un sort
pire que la mort. Tu lui a prit sa liberté. Tu en as fait un pantin. Tu
as joué avec les règles fondamentales de l’existence. Et briser
l’équilibre naturel entre la vie et la mort.

-Je… Je… J’ai fait ça? Balbutia La jeune fille.

Le regard de Mervhouivre s’adoucit.

-Tu n’es pas la première dans l’histoire à qui cela arrive. Et j’ai
beau te réprimander je sais que ce n’était pas volontaire. Il faut
néanmoins que tu saches qu’orientée négativement une clé de vie,
peu sceller le sort d’un millier d’êtres…. Tu dois apprendre à
contrôler ton pouvoir. Je te montrerai dès que nous aurons compris
comment fonctionne ta loi. Je veux pouvoir t’être utile. Je suis
coupable moi aussi, de même que kal. Nous aurions dû sentir que tu
étais pareille que nous.

Elysson ne comprenait pas du tout le charabia du capitaine. La


loi? La clé de vie? Orientée négativement? Elle se contenta de
répéter la fin de la phrase du capitaine.

-Pareille que vous?

-Oui Elysson. Je t’expliquerai tout. Dis moi d’abord quelle est


la dernière chose dont tu te rappelles.

-Je vous ai vu frapper le sol. Je … je voulais vous tuer…


420

Dit elle hésitante. Ses souvenirs revenaient par flash. Comme


ceux d’une autre vie.

-C’est normal. Ma clé de vie est une énergie neutre… Tu l’as


sentie… c’était contre tout ce que représente un Ankh négatif. Tu as
tenté d’en nier l’existence de la seule manière possible pour toi, en
l’annihilant.

-Je suis désolé capitaine. Mais je ne comprends pas d’avantage.


Qu’est ce que qu’une clé de vie? Et qu’est ce qu’un Ankh?

-Il s’agit d’une seule et même chose Elysson… J’aimerai


cependant te poser une question avant d’approfondir cette
conversation.

-Comment s’appelait ton père?

La jeune fille sentit son cœur se serrer à l’évocation du vieux


docteur.

-Adonis …

-Je vois… C’est comme l’avait dit Nagga…Nous avons


vraisemblablement été aveugles! Je suis heureux de te connaître
Sekmet. J’ai connu ton père et si tu veux tout savoir, ce navire, était
le sien…

Saut de page]
421

- cinquante prêtres! En un après midi!


C’est la totalité des pieux hommes que cette fille a tué votre
majesté! C’est presque autant que la rebelle lors du procès noir et
vous avez déchaîné sur elle la puissance de la force de l’Est. Nous
demandons la peine de mort infamante!

Déclara le grand prêtre Mazarin…


Ptolémaüs acquiesça gravement en oscillant du chef de haut en
bas.

La salle d’audience était pleine à craquer.


Mydoral se tenait parmi les hauts nobles. Comme beaucoup,
elle avait attendu avec impatience le procès par contumace, de
l’officiere Elysson. Particulièrement, par ce qu’elle savait que Lyor
et elle avaient été amants. Elle tenait à voir si la raison d’Etat
l’emporterait sur les sentiments du roi. Cela déterminerait
grandement la suite des événements pour eux.

Lyor manquait de poigne. Mais c’était la conséquence de son


éducation princière. Elle pouvait encore le redresser. Pour peu qu’il
ne s’engage pas aujourd’hui sur la voix de la couardise. Alors elle
lui refuserait sa main et repartirait sur le champs à port bastion quoi
qu’en dise ses parents.

-La rebelle n’a pas été déclarée hors la loi par ce qu’elle a tué
des prêtres! Mais par ce qu’elle s’est rebellée contre la couronne! Le
sous lieutenant Elysson à toujours fidèlement servie son roi.
Comme l’ont attestés les témoignages de ces camarades
précédemment. Elle était profondément attachée au colonel
422

Malika… C’est le grand prêtre ici présent qui devrait être puni pour
avoir commandité l’assassinat d’une officière du roi.
Défendit durement le capitaine Mervhouivre…
Il avait été le seul haut noble à prendre ouvertement la défense
du sous lieutenant.

En de pareil occasion, la bassesse propres aux hommes, leur


permettaient d’inventer par pure oisiveté toutes sortes de rumeurs
qui même sans fondement avéré, impacteraient sur le cours de la
justice. Il se chuchotait dans les corridors du palais et les réceptions
de hauts nobles qu’Elysson se donnait au capitaine Merhvouivre,
dans un temple abandonné à l’écart de la ville.
Ces rumeurs salaces parvinrent aux oreilles du roi.
Lyor avait bien des défauts mais il n’était pas idiot. Il savait
reconnaître la patte de sa sœur aînée. Marlène était en effet à
l’origine de cette campagne de diffamation.
Il avait toujours des sentiments pour Elysson, mais ils étaient
contradictoires. Profondément. Pouvait-il aimer quelqu’un qu’il ne
connaissait pas? Il n’avait jamais pensé Elysson capable de tuer de
sang froid. cinquante personnes! Pourquoi y’avait -il autant de
prêtre d’ailleurs?
Lyor réfléchit et trouva la réponse. Le clergé était un moyen
facile d’accéder au confort et au prestige. Pour les membres de la
petite noblesse, c’était une ascension rapide tout en haut de l’échelle
social. Un marquis de naissance qui croisait un duc pouvait se
passer de révérence, car il représentait les déesses.
Les prêtres devaient être au service de tous. Mais en réalité
c’était probablement la classe sociale qui profitait le plus du peuple.
Nobles comme paysans leur versaient la dîme.
Cependant, il ne pouvait pas se permettre de laisser Elysson
s’en tirer sans châtiment. Il ne fallait pas oublier le meurtre du
docteur Albus. Pour lequel sa veuve et ses collègues demandaient
justice!
423

Cette situation le chagrinait beaucoup. Mais l’ensemble de la


cours l’observait. La moindre erreur de sa part aurait encore été
interprétée comme un manque de poigne.

Ce fut le héraut royale qui après les consultation d’usage rendit


le verdict du roi.

-L’officiere Elysson sera désormais interdite de comparaître à


la cours. Elle est à compter de ce jour destituée de ses fonctions au
sein de la garde royale et sera affectée aux mines de
Djarengolkoden, où elle servira en qualité de manœuvre pour une
durée de dix ans! Elle est donc tenue de quitter la capitale avec
l’ensemble de la flotte du Sud dès demain! Le capitaine corsaire
Nagga Cikaly en aura la garde jusqu’à sa remise aux autorités
compétentes.

-Votre majesté! Les mines sont une peine infamante indigne


d’un officier ayant servi pour vous!
Tenta d’objecter le capitaine Merhvouivre.

Lyor se leva du trône sans lui accorder un regard.


-La séance est levée!
Tonna le héraut.

[saut de page]

-C’est tout ce que j’ai pu obtenir. La veuve du docteur Albus et


le grand prêtre ont requis du roi la peine capitale.
Dit doucement Merhvouivre.
424

Elysson ne réagit pas. Elle avait déjà du mal à assimiler toutes


les révélations qu’il venait de lui faire. Elle était restée deux jours
inconsciente à bord de l’Adonis. Le capitaine l’avait déposée dans
sa propre cabine et avait veillée sur elle, ne la quittant que pour aller
plaider à son procès par contumace. Elle était désormais une
condamnée aux mines de sel. Avant la mort, c’était la peine la plus
dure dont on pouvait écoper pour avoir commis un crime.
Habituellement, les officiers de la garde royale étaient à l’abri d’une
telle sanction, mais Elysson n’était pas une noble.
Du moins, personne ne savait qu’elle en était une. Merhvouivre
lui avait appris que sa mère n’était nul autre que la reine Jeassica. La
grand mère du roi.

Si elle avait avalé le moindre aliment, elle aurait régurgité à la


seule pensée que Lyor et telle partageaient le même sang. De part sa
mère, elle était la sœur de son père. Sa tante…
Et c’était loin d’être le plus grave.
Nagga cikaly, le capitaine qui devait la conduire aux mines,
vouait à son père une haine féroce. Dont elle risquait de faire les
frais.

Les questions de bousculaient dans son esprit. Toutes plus


gênantes les unes que les autres. Si seulement Nath avait été là…

Elle ne regrettait pas d’avoir tenter se venger Malika. Elle


enrageait simplement à l’idée que les commanditaires de son
assassinat respirent encore…

Et L’Ankh! Un pouvoir colossale qu’elle aurait hérité de la


glorieuse Sayida Alhura. Son arrière arrière grand mère, s’il fallait
en croire le capitaine. Cependant, elle n’en maîtrisait pas l’usage. Et
elle ignorait tout de la fameuse loi nécessaire à son appréhension…
425

Perdue dans ses pensées, elle entendit la suite de la phrase du


capitaine Merhvouivre comme un lointain écho. Mais celui ci la
frappa. La ramenant directement à la réalité.

-J’ai décidé que tu n’irais pas aux mines Elysson. Nous


mettrons les voiles demain à l’aube
Dit -il d’une voix profonde.

Elysson le dévisagea, interloquée…

-Vous ne pouvez-pas! Le royaume est en guerre… Si vous


abandonnez votre poste maintenant vous serez considérez comme
un traître de la pire espèce!
S’insurgea t’elle.

Merhvouivre lui dédia un regard doux avant de se détourner et


d’observer les vagues à travers le hublot de sa cabine.

-. J’ai déjà renoncé à ma charge de corsaire. Si je peux me


racheter pour ne pas avoir pris le parti de mon ami il y’a quarante
ans, c’est le moment où jamais de saisir cette chance. Et puis, après
toutes ces journées passées à t’entraîner, je te considère un peu
comme ma fille à présent…. Le sais -tu Sekmet? Nous avons tous
un rôle à jouer dans la société. Ce rôle est le produit des attentes
d’autrui et de notre position sociale. Être raisonnable c’est ce
conformer à ce rôle. Se borner à le jouer du mieux qu’on le peu. J’ai
vécu deux siècles. J’ai joué mon rôle. À présent. Je veux suivre ma
voix. Tracer mon chemin…
Dit -il lentement.
Aucune hésitation dans sa voix.
426

Elysson ne su quoi répondre…


Pourtant elle sentit de nouveau des larmes lui monter au yeux.
Quand était-elle devenue une madeleine?

-Merci…

Le mot lui échappa entre deux sanglots.

Merhvouivre ne dit plus rien. Mais ses yeux parlaient pour lui:

« C’est toi que je remercie. D’être venu redonner un sens à


mon existence.  »

[saut de page ]

La salle du trône d’Hurlevent avait été construite du temps des


rois de l’Est. Elle était suffisamment grande pour accueillir tous les
bannerets du phénix.
Construite en granit bleue, les artistes fondateurs avaient su
mettre en valeur la couleur de la pierre volcanique.
Assise sur un trône d’or, au sommet de plusieurs marches,
Jenevah contemplait les hommes et les femmes massés dans la salle.
Elle était revêtu d’un vêtement qui tenait à la fois de la robe et
de l’armure. Coiffée de la couronne d’or des rois antiques de L’Est.
Bien sûr, il s’agissait d’une nouvelle, l’ancienne fut fondue lors de
la reddition du couard.
427

Parmi les Seigneurs ayant répondu à son appel, il y’en avait


qu’elle connaissait depuis sa tendre enfance. C’était ce que le peuple
avait appelé au début de la rébellion: le second souffle de l’Est. De
jeune hauts nobles ayant succédés à leur parents à la tête
d’anciennes et puissantes maisons. Comme ci l’Est c’était tenu prêt
pour le moment où la région se soulèverait de nouveau .
Mais si l’assistance avait de la vigueur et de la beauté à
profusion, elle manquait d’expérience. Et dans un combat pour la
survie cela faisait toute la différence.
Consciente de ce fait, jenevha avait donc laissé libre de leur
mouvements les seigneurs d’Ola de Lancastre et l’oracle.
Et ce malgré la transgression dont ils s’étaient tous rendus
coupable en tenant conseil avec sa sœur.

Jenevah guetta Aliyah du coin de l’œil, assise sur un siège


d’argent en dessous de la première rangée de marches, elle affichait
un sourire discret et un air emprunt de supériorité.
Oh! Comme il devait être facile pour elle de savoir quoi dire en
ce moment, elle savait ce que chacun de ces hommes et femmes
avaient au fond du cœur. Le pourquoi de leur ralliement et la
quintessence de leur attente.
Aliyah percevant les pensées de sa sœur malgré elle,( il lui était
difficile de ne pas entendre lorsqu’on pensait à elle), lui dédia un
doux sourire:

-Mon don est a ton service ma soeur…


La rassura t’elle.

La poitrine de jenevah se souleva lentement et quand elle


expira, Aliyah, en tant que voix du phénix, requit de tous le silence.
428

Les regards qui ne l’étaient pas déjà, se braquèrent sur le trône.

Jenevha savait que les actes valait mille fois mieux que les
mots. Elle commença son allocution par un geste fort. Chacun des
seigneurs ici présent ainsi que leur suites, avaient entendu au sujet
d’elle l’histoire de la fille qui ne maîtrisait pas son don. Celle qui
était un risque pour son entourage.
L’atmosphère de la pièce se réchauffa. Au point de devenir
suffocante. Autour de la reine, on eut l’impression que l’air
tremblait. Dans une explosion soudaine de lumières successives,
jaune et bleu, les flammes recouvrirent le corps de Jenevah.

Aliyah se couvrit les yeux. Devenu super nova, sa sœur aînée


irradiait énergie, chaleur et lumière.
L’être de feu qu’était devenu la reine s’adressa à son banc…

-Cette flamme Messire, est libératrice! C’est celle qui réduira


en cendre le joug des Pandera. Chacun de vous ici présent, est un
combustible nécessaire. Offrez-vous… Et ensemble nous
rayonnerons!

La foule rugit. Simple et efficace pensa Moire. La vielle femme


se tenait elle aussi en dessous des marches, mais prêt du trône en
raison de sa fonction.
Même le seigneur Lancastre cet homme si rustre ne put
s’empêcher de sourire.

Le duc d’Ola scandait avec les autres, ce qui deviendrait le crie


de ralliement des forces rebelles.
« Boutons le Feu aux ennemis du phénix! »
429

[Saut de page]

Les soldats de Lancastre avaient appris à leur dépends à


craindre les capitaines corsaires. Lorsque le Kraken fit savoir qu’elle
cernait la ville, le viel intendant du seigneur Jacques le cruel, entama
les pourparlers.
Kal’ouh’na ne se faisait aucune illusion. Il espérait gagner du
temps pour recevoir d’éventuels renforts. En tout cas les lettres
(qu’il confiait à des pigeons voyageurs, un à un abattu, en plein vol
par les hommes du capitaine )allaient toutes dans ce sens.

Quand au bout de trois jours, il se rendit enfin compte que


personne ne viendrait, il céda aux exigences de Kal’ouh’na Tanshal,
vida les coffres, les greniers, abattit la bannière du phénix et hissa le
lion d’or.

Kal’ouh’na demanda à tous les hommes d’armes présents de


jurer sur leur vie qu’ils ne se rebelleraient plus contre le roi.

« On m’a dit que les Seigneurs de l’Est avaient du mal à se


souvenir de ce qui les a poussé à ployer Le genoux. A présent tous
autant que vous êtes, vous savez. Gardez -vous donc de briser ce
nouveau serment. Je ne serai point miséricordieuse la seconde fois
que je fondrai sur vos terres. »

Une prise éclaire. Au grand soulagement de Nath. Le sang


aurait même put ne pas couler du tout, si le vieil intendant avait su
tenir sa langue:
430

« Toute ma vie je vous ai considérée comme une héroïne. Mais


vous avez tourner le dos à votre patrie! Honte à vous fille de
Laertes! »

Les yeux du kraken brillèrent de colère.


Sa gangue rouge enveloppa le vieillard.

« Je ne suis point une femme que l’on peu insulter sans en subir
les conséquences. »
Lui dit elle avant de l’envoyer rejoindre Robert le Hardi.

La nouvelle de la chute de Lancastre se répandit comme une


traînée de poudre sur les îles de l’Est.
Le peuple sut alors que la guerre débuté…

[Saut de page ]

Le duc d’ombreuse, était un homme que peu de gens pouvaient


se targuer de comprendre. Il parlait peu et écoutait beaucoup. Tout
entier dévoué au service du trône, il n’éprouvait aucun goût
particulier pour les événements mondains dont raffolaient les autres
hauts nobles.

Ses centres d’intérêts étaient tout autres.


Très jeune, il fut initié par son père, à l’art ancestral de
façonner des armes.

Depuis son arrivée à la cours du roi Léo II, il s’était éloigné des
forges, pour se concentrer sur sa tâche d’officier de la garde royale.
431

S’illustrant de biens des manières dans l’accomplissement de ses


devoirs, il finit par acquérir le grade de colonel.
Puis, quand le capitaine merhvouivre en fit la demande, il fut
élevé à sa place, au rang de commandant de la garde royale.
En tout, cela faisait plus de vingt ans qu’il n’avait pas forger
d’arme. Et pourtant, le savoir ancestral de sa famille, continuait de
hanter ses nuits et de parasiter ses moments de solitude.
Il lui suffisait de voir une épée, pour évaluer avec précision
dans quelles conditions elle avait été forgée, la qualité du minerai
employé et la valeur de celui qui la maniait.

Pénétrant dans la forge royale, vide à cette heure de la nuit,


Camil, simplement revêtu du tablier de cuir traditionnel des ombres
et d’un pantalon de coton ample, chauffa les fours.
Presque amoureusement, Il déposa dans l’imposante marmite
les morceaux de minerais brut qu’il avait lui même soigneusement
sélectionné.
Il usa de son don pour générer un courant d’air de sorte que
quelques minutes suffirent à faire fondre le métal.

Camil, s’arc bouta, et poussant de toute la force de ses muscles


le levier devant lui, renversa la marmite de sorte que le liquide en
fusion se répandit dans le moule. Cependant, il ne fallait pas le
verser d’un coup, de peur qu’il ne déborde. Cet exercice demandait
habituellement la force physique de trois ou quatre apprentis. Mais
les ombres forgeaient seuls, au cœur de la nuit.

Un sourire révélant une joie enfantine sur ses lèvres, le duc


munit d’un imposant marteau, frappait.
Il marmonnait l’air d’une chanson rituelle. Dont la magie
imprégnait la lame dont il préparait la naissance.
Une lame plus incroyable encore que Mangecoeur! La plus
grande lame jusqu’alors jamais conçu par un ombre.
432

Il allait de soit que n’importe qui ne pourrait pas la manier. Il


faudrait une force au moins égale à celle de l’ogre pour parvenir à la
soulever. Se battre avec, relèverait du miracle. Mais c’était
précisément là son but.

Quand il eut fini de marteler le fer, il mouilla la lame, et tout le


long du processus il dit des paroles secrètes, conférants aux
minéraux des propriétés que seuls savaient réveiller les ombres:
« en parlant au métal. »

Le chant des oiseaux, lui apprit que le jour allait bientôt se


lever. Satisfait, il contempla son ouvrage. Une lame runique.
D’apparence fine sur un pommeau de titane recouvert de cuir tendre
et sertie en son sommet du deniers saphir bleu extraits de
Vartagême, avant sa prise par les pirates. Il s’était donné un objectif.
Supplanter par l’art des ombres, la faculté du prince Liam à
créer des armes fantastiques.
Pour cela, il étudia dès que l’occasion se présentait, chacune de
ses créations. Mexarès: la lame rouge conçue pour le kraken; Ally:
l’épée runique du capitaine Nath et Ballerion: la masse d’arme du
roi.

Des bruits de pas précipités, retentirent à l’extérieur de la forge,


alors que l’aube paraissait tout à fait.

Le souffle court, Le roi en personne pénétra dans la forge.


Camil examina les traits de son visage et en conclu que le jeune
homme blond, n’avait pas dormi de la nuit. Cependant ses pupilles
affichaient une curieuse vitalité. D’un naturel patient, il attendit que
le monarque partage l’objet de sa joie et de son inquiétude, avec le
serviteur qu’il était.
433

-Bien le bonjour Monsieur le duc!


Salua le roi.

-Votre majesté…

Répondit camil en s’inclina

-Sommes nous seuls?

-Les ombres forgent toujours en solitaire votre majesté…

-Et pourquoi cela?

-La tradition votre majesté. Je ne puis vous en révéler plus au


risque de trahir mes ancêtres.

-Vous êtes donc plus loyal à vos ancêtre qu’à votre roi?!

-Si vous me l’ordonniez votre majesté je vous répondrai. Mais


je me donnerai la mort ensuite. Seul le sang pourrait laver mon
honneur.

Voyant dans son regard gris que le duc était le plus sérieux
possible, Lyor céda de mauvaise grâce.

-Comment avance notre ouvrage?


Demanda t’il
434

-Elle est presque achevée votre majesté. Il y’a une dernière


chose que j’aimerai vérifier.

-Presque? Nous comptons faire notre demande aujourd’hui!


Dès le matin, au moment où la duchesse prendra le thé avec ma
soeur et nous… La fois dernière nous avions commis l’erreur de
demander la main d’Elysson le soir venu. C’était un fort mauvais
calcul, voyez-vous, son humeur avait sans doute été affectée par le
déroulement de sa journée. Un homme n’a aucun contrôle sur
l’humeur d’une femme fut -il roi! J’entends me rattraper cette fois -
ci.

Camïl val Ombreuse, écouta distraitement la tirade du


monarque. Tant sa nouvelle création le fascinait. Il venait de
percevoir une vibration émanant de la lame qui lui confirmait que
son message était parvenu à destination. L’épée avait contacté son
maître.

-Cette lame n’est elle pas un peu fluette? Nous avions parlé
d’une nouvelle Mangecoeur!
Remarqua le jeune roi.

Camïl sourit:

-Votre majesté souhaite t’elle la soupeser?

Lyor étendit le bras et se saisit de la lame brillante. Refermant


sa paume sur le pommeau, il tenta de la soulever. En vain.
435

Surprit, il lança un regard étonné au duc qui souriait de plus


belle. Lyor prit l’arme à deux mains et sollicitant chaque fibre de ses
muscles, essaya une nouvelle fois de brandir l’épée. Il parvint à
peine à la brandir, pour la laisser tomber aussitôt!

-Elle est bien trop lourde! S’exclama -t’il haletant.

En tombant la lame produit le son d’une dizaine de barre de fer


heurtant le sol.

Camïl le regardait amusé:

-Puis je me permettre de vous donner un conseil votre majesté?

Lyor avec étonnement, encouragea le duc à parler:

-Faites donc!

-Mydoral n’est pas une femme comme la autres. Pas plus que
ne l’était Le sous lieutenant Elysson. Cela, le premier venu pourrait
l’attester. La séduire, vous demandera d’aller chercher des
ressources au plus profond de vous même.

-Nous n’avons point le temps de faire une cours assidu à la


duchesse. Quel sorte de roi penserait à ses amours alors que son
royaume sombre dans le chaos! Avez-vous appris la nouvelle au
sujet de messire Merhvouivre?
436

-Messire?
Demanda le duc incrédule

-Suite au jugement, il a renoncé a sa charge de corsaire! En de


pareilles circonstances cela s'apparente à de la haute trahison!
Souffla le roi.

-Votre majesté, vous n'envisageriez tout de même pas de


déclarer un capitaine corsaire hors la loi? S'inquiéta le duc.

-Non! Je ne suis pas dépourvu de bon sens! Nous n'avons pas


les moyens de faire d'un homme comme lui notre ennemie, mais
nous pouvons nous passer de ses services! Fort heureusement, nous
avons reçu une bonne nouvelle de l'Est. le Kraken a reprit
Lancastre… La couronne peut encore compter sur deux capitaines
émérites! Le dragon des mers lève l'encre en ce moment même!
Nous sommes certain qu'elle ramènera la paix sur les mers du
royaumes!

Camïl était pensif… Qu’est ce qui avait bien pu pousser un


homme de la trempe du capitaine Merhvouivre à abandonner le
royaume en des heures aussi sombres?
Le roi avait beau dire, il n’était pas le genre de personne dont
on pouvait se passer aussi facilement.

Le bruit d’une altercation devant l’entrée de la forge attira son


attention. Quelqu’un essayait visiblement de passer malgré la
présence de la garde du roi.
437

-Qu’est-ce donc? S’enquit Lyor avec empressement. Il ne tenait


pas à ce que son projet fut découvert.

-Votre majesté… Me feriez-vous la faveur de demeurer


silencieux et d’acquiescer quand je vous ferai signe?

Demanda le duc d’ombreuse, une lueur de malice dans le


regard.

Lyor avait confiance en son premier conseiller. Camil épaula


son père avant lui, et fut son précepteur lorsque jeune prince, il
rêvait d’intégrer la garde du roi Léo II…

-Nous le ferons mais que se passe -t’il?

Sans autre réponse qu’un regard de gratitude, Camil sortit de la


forge…

[Saut de page]

Mydoral se coucha fort satisfaite… Lyor, pour la première fois


ne s’était pas trop montré en dessous de ses attentes.
En fait il avait même plutôt bien réagi au stress de ces derniers
jours.
Le problème d’Avalon avait été réglé et faisant d’une pierre
deux coups, le jeune roi en profita pour satisfaire les attentes de la
comtesse Carmen de stroëm.
Sa fille la vicomtesse de Kalt avait été réintégrée au sein de la
garde Régine.
Elle prendrait la mer à l’aube a bord du léviathan.
438

Mydoral éprouvait une certaine affection pour le soleil du nord.


La voir ainsi contenter, l’avait indirectement satisfaite.
La princesse continuait de déployer des trésors d’attentions à
son égard, veillant à lui présenter chaque personnages important de
la cours.
Cependant, au de la des mondanités et de la politique, ce fut la
guerre qui la réjouit le plus…
Le kraken avait prit Lancastre en une journée. Bien que la
perspective d’une victoire semblable à celle de Sayida Alhura sur
port Bastion, lui faisait grincer des dents, car cela signifierait que ses
propres troupes ne prendraient pas part au combat, cela rehausserait
le prestige de la maison royale et partant, de ses plus proches alliés.

Elle dormit donc d’un sommeil léger jusqu’au milieu de la nuit.

A l’heure la plus noire du soir, elle fit un rêve. Elle se vit au


milieu d’une prairie sur laquelle le soleil oranger de l’Ouest de
couchait. Armée pour un duel, elle serrait dans sa main une lame
runique.
Dès qu’elle prit conscience de l’épée, cette dernière d’abord
fine, changea de forme.
Son plat s’élargie, et son pomme s’épaissit. Mydoral fit appel à
son don de force pour manier l’épée.

A l’autre bout de la plaine, apparut un homme, roux, les


cheveux longs, noués en katogan, il portait une armure de bronze
conçu par un ombre et une épée aussi colossale que la sienne.
Mydoral reconnut la lame: Mangecoeur.
Elle croisa le regard du capitaine Valarion.
Elle pria pour ne surtout pas se réveiller et tomba en garde.
439

Les deux Mardes se jetèrent l’un sur l’autre avec une violence
inouïe. L’épée de mydoral chantait en fouettant l’air.
La duchesse, guidée par la lame, voyait les failles dans La
Défense de son adversaire et tournoyait autour de lui produisant des
cercles bleu en guise d’images rémanentes. Elle l’atteignit au bras ,
la lame trancha son armure comme du beurre et lui laissa une
profonde estafilade.
L’ogre rugit agacé. Saisissant son épée à deux mains, il l’abattit
de toutes ses forces.
Mydoral para confiante.
Comme s’il venait de heurter une montagne, l’ogre recula et la
lame de la légendaire Mangecoeur vola en éclat.

L’un des énormes fragments de métal blessa mydoral à la joue


mais, elle ne releva pas. Tournoyant une nouvelle fois, elle enfonça
son arme jusqu’à la garde dans la bedaine de l’ogre.
Valarion tomba à genoux.

Mydoral put enfin assouvir son fantasme.


Le regardant de haut, elle retira sa lame en repoussant le vaincu
du pied. Avant qu’il ne s’affale sur le dos, elle lui trancha la tête
d’un revers bleu métallique.

Le chef de l’ogre roula a ses pieds.

Pleine d’extase, la duchesse ouvrit les yeux.


Une certitude pulsa dans sa poitrine:
« Il lui fallait cette arme! »

Elle repoussa ses couvertures et comme en transe sortir de ses


appartements.
440

Elle traversa l’aile Ouest du château, déserte. Tout était si


silencieux qu’elle entendait son cœur battre la chamade.

Mydoral se mit a courir. Sa robe de chambre, la gênait dans ses


foulées. Elle tira sur la partie qui emprisonnait ses genoux et elle se
déchira comme du papier.
Les jambes libres, elle put atteindre sa vitesse de pointe.

Lorsque l’officier la vit débouler devant devant la forge royale,


il sursauta tout d’abord.
Puis, se rappelant à son devoir, il pointa sa pique en travers de
son chemin, imiter par Arthas.
Les deux officiers de la garde royale obligèrent Mydoral à
s’arrêter.

-Laissez-moi passer!
Dit-elle sèchement.
Rien ni personne ne l’empêcherait de s’emparer de son épée.

Arthas loucha, sur les jambes de la jeune femme. Et répondit


hésitant:

-Sa majesté est en ce moment dans la forge! Elle a


expressément requis de ne pas être dérangée.

Mydoral se renfrogna. Roi ou pas, elle passerait!


441

Elle modifia imperceptiblement ses appuis et se prépara à


assommer les deux gardes lorsque le duc d’ombreuse émergea de la
forge!

-Laissez passer la duchesse messieurs!

Arthas et Loung se retournèrent surpris. Ils ignoraient que le


duc se trouvait dans la forge et sa tenue ainsi que son visage noircie
par les émanations de la fusion, ne laissaient planer aucun doute sur
ce qu’il y faisait.
Tous deux se souvinrent que le Général Camil était aussi un
ombre… C’est à dire un maître forgeron par la naissance.

Mydoral croisa le regard du duc. Tandis que la deux officiers


lui cédèrent le passage, elle pénétra à sa suite dans la forge.

Elle fut d’abord surprise d’y trouver le roi, et ce ne fut qu’à cet
instant qu’elle pensa à l’indécence de sa tenue.
Puis, son regard tomba sur l’épée au sol.
Son cœur se remit à battre la chamade.

S’abaissant doucement, elle étendit le bras et serra le


pommeau.
Lyor voulut parler, l’avertir du poids de la lame mais le duc lui
fit signe de se taire d’un seul regard.

A peine eut elle touché l’épée que les runes s’animèrent, d’une
lumière aussi bleu que le saphir au sommet de sa garde.
Le bleu de port bastion…
Mydoral d’une seule main, brandit la lame!
442

Sous le regard abasourdi du roi, l’épée changea de forme,


comme dans le songe de la duchesse devint aussi colossale que La
mythique Mangecoeur.

Mydoral fasciné la fit décrire un moulinet lentement…

-Fantastique murmura t’elle…

-Une lame de légende! Commandée pour une reine, par un roi!


Dit le duc d’ombreuse dans son dos.

La duchesse quitta un instant sa précieuse arme des yeux pour


les poser sur Lyor.

-C’est vous qui en avez ordonné la conception? Pourquoi?

Demanda -t’elle , complètement sous le charme de la lame


runique…
Depuis qu’elle était arrivée à la cours, Lyor avait longuement
observée la duchesse.
Elle n’avait eu pour lui que regards plein de morgue ou de
dédain. L’émotion la moins négative étant la moquerie….
Il fut surpris de déceler en cet instant dans ces yeux de
l’admiration…
Pris de cours, il consulta le duc du regard hésitant…Ce dernier
oscilla très lentement du chef.

-Euh…. Oui… Duchesse… J’ai ordonné à mon bon Camil de


forger cette épée pour vous.
443

-Oh! S’exclama t’elle.


Mydoral n’avait jamais accepté de don d’un homme autre que
son père, le titan de la maison Djemerker.

-Sa majesté espère par ce modeste présent, vous donner une


preuve de son affection sincère… Il espère que vous daignerez
accepter son invitation ce matin…
Dit Camil

Mydoral souriait comme une enfant. En vérité, elle était très


belle. Lyor n’en fut que plus perplexe. Il interrogea le duc du
regard…

-Quelle invitation?
Demanda la duchesse.

Lyor bégaya:

-…Euh… oui… mon invitation… à…prendre […]

Camil leva les yeux au ciel et lui enjoignit de se taire d’un


regard.

-Sa majesté souhaite que vous l’accompagniez passer ses


troupes en revu ce matin! Il est du devoir d’un roi de s’assurer en
temps de guerre que son armée se tient prête!

Une lueur naquit dans le regard de la fille du titan. Un intérêt


inédit pour la personne du roi, la poussa à accepter.
444

-Ce serait avec joie votre majesté. Cependant, je vais devoir


changer de tenue vous en convenez. M’accorderiez-vous un
moment?

Ce ne fut que quand elle évoqua sa tenue que Lyor remarqua


ses jambes, découvertes. Le rouge lui monta aux joues…

-Bien sûr Ma dame! Faites…

Répondit -il.

Mydoral adressa une révérence et sans lâcher sa lame, sortit de


la forge.

-Ayez plus d’aplomb tout à l’heure je vous en conjure votre


majesté! Ou alors tout nos efforts auront été vain. Je vais sur Le
champs ordonner que vos hommes se tiennent prêt pour un
contrôle….
Dit Camil avant de s’incliner et de disposer à son tour.

Demeuré seul, Lyor se passa une main dans sa crinière d’or…


Il avait une sorte curieuse de rendez-vous galant avec Mydoral
Djemerker!
445

Partie 5 Trajectoire
446

Un rapace tournoya sous l’astre solaire couchant, mais la


chaleur ne décroissait pas. Du sable à perte de vue et aucun oasis en
perspective. Valarion avait eu bien des ennemis au cours de sa vie.
Mais le désert d’Assiang fut le seul contre lequel il renonça à lutter.
Couché sur le dos, exsangue, il attendait la mort prochaine. Ses
jambes ne le portaient plus, Ses bras ne le tractaient plus.La langue
sèche, la gorge irritée, il attendait la mort immobile.
Et à présent, c’était sa tête qui lui jouait des tours. Il s’imagina
qu’il était allongé dans une prairie du duché d’Hasborg. L’herbe
verdoyante remplaça le sable et le vent sec du désert, devint une
douce brise.
447

Puis, la vision s’estompa. Il crut entendre un cri au loin…


Tournant la tête, il aperçut des formes se rapprocher.
Des camels… Les montures du désert. Ils étaient une dizaine
et avançaient en files indiennes.

Valarion se convainquit que son imagination lui jouait un


nouveau tour. Stupide Agonie! Ne pouvait -elle pas s’abréger? En
un instant, il revit le sourire de sa mère, la vie auprès des fauves, la
gloire éphémère en tant que général des troupes Hasborg. La défaite
face au dragon des mers; les mines de sel; la liberté… Le jour où
jurant sa vie au service du capitaine de la flotte du Sud, il s’engagea
à sa suite.
« Le moment venu., ta force me sera utile. Alors vis Valarion
D’Hasborg. » Lui avait -elle ordonné.

-Il y’a un homme étalé là bas!

-Il n’est pas mort! Apportez une gourde vite!

Valarion entendit ces voix comme des murmures lointain. Des


hallucinations auditives…
Puis, curieusement réelles, les sensations d’un goulot humide
sur ses lèvres gercées , d’une main douce qui soulevait sa tête et de
l’eau qui mouillait sa langue le tirèrent peu a peu de sa léthargie.
Il entrouvrit ses paupières et ne vit d’abord rien d’autre que des
ombres.
Ouvrant tout à fait les yeux, il reconnut le visage de la petite
princesse, ses grands yeux bleus emplis d’inquiétude.

-Princesse…
448

Souffla-t’il.

Elle avait réussi! Elle venait de leur sauver la vie une fois de
plus…
Après leur fuite face à Oulal, ils s’étaient vite trouvés à bout de
ressources. Après trois journées passées à parcourir sans but le
désert, la jument alezane de la princesse, succomba.
Valarion réfléchit. Il était certain que le shire bien que plus
résistant ne tiendrait pas plus d’une journée au plus. Et moins de
trois heures, avec son poids sur la croupe.
Envoyer la petite princesse en éclaireur, avec leur dernier
cheval restant, semblait la seule option. De toute manière, sans
chevaux, ils ne tiendraient pas plus d’une journée eux non plus. La
petite pourrait au moins avoir la chance de tomber sur l’oasis…
Valarion en était certain, si les étrangers qu’ils avaient affrontés
précédemment étaient si alertes et frais, après avoir traversé le
désert, cela voulait dire que non loin, dans la direction d’où ils
étaient venus, se trouvait un point d’eau. Et qui disait point d’eau au
milieu du désert disait vie.

Les caravaniers l’aidèrent à se remettre sur son séant. L’ogre


s’était débarrassé du haut son armure, il ne lui restait sur le torse
qu’un démembré en coton, révélant les énormes muscles de ses
bras.
Assit, Il tendit la main vers le désert en direction du point où il
avait abandonné Mangecoeur.

-Pourrions-nous retourner là-bas bas? J’y ai oublié mon épée.

-Non homme! Nous ne ferons pas de détour fusse t’il pour une
épée en or.
449

Répondit le Maître caravanier lorsqu’il lui adressa sa requête.-


Nous avons croisé la petite, et consenti à faire un détour car on ne
laisse pas mourir un homme dans le désert. Vous pouvez faire la
route avec nous jusqu’à Laertes. C’est là-bas que nous allons et c’est
à l’opposé du point que tu indiques.

Valarion fit la moue. Mangecoeur était unique au monde. La


laisser ainsi plantée dans le désert, le chagrinait profondément.
L’arme était une vielle compagne. Elle avait été forgée par le duc
Clovis d’ombreuse le père du seigneur Camil. C’était la dernière
arme qu’il avait faite de ses mains avant de rejoindre ses ancêtres.
L’ogre était persuadé que plus jamais il n’aurait d’armes de cette
qualité.
Après avoir pris un peu de répit,
La caravane repartie.
Valarion marchait à côté du camel sur lequel était monté
Latavia.
Il était trop lourd pour monter un des ruminants à bosses, au
cuir clair.

Il échangea un regard de connivence avec la princesse. Latavia


avait fait preuve d’une force incroyable depuis qu’ils s’étaient enfuis
d’Hurlevent…
Hérionne vivait en elle. Si il en avait douté, c’était à présent
une certitude inébranlable.

Les cheveux d’or de la jeune fille avaient commencé à


repousser à une vitesse ahurissante. Et lui encadraient le visage.
Malgré ses joues creuses, elle restait mignonne. Et ses pupilles
brillaient comme des cristaux.
Valarion murmura:
« Merci votre Altesse…Je vous dois la vie… cette vie que j’ai
juré au dragon des mers. »
450

[saut de page]

« Le duché d’Ola que l’on nomme aussi le grenier du


royaume, est là porte commercial de l’Est, en effet le canal d’ola
creusé par les premiers ducs de la région, permettent un passage
direct vers vaghar, Laertes, Diop et Hurlevent.

Extrait de l’encyclopédie du savoir et du pouvoir.

-Cette guerre est très en dessous de tout ce à quoi je


m’attendais…
Dit Nath avec une moue dépitée.

Accoudée sur une des rambarde en bois rouge de la dame


rouge, elle contemplait la mer turquoise et les mouettes voler haut.
Mag Erhl, à ses côtés, la reprit avec fermeté:

-Ce n’est pas par ce que nous avons pris Lancastre sans lutter,
que nous devons-nous relâcher! Le pire est à venir….

Comme pour lui donner raison, un marin cria du haut de la


vigie:

-Canal d’Ola en vue!

Nath tourna vivement la tête et aperçut au loin, deux langues de


terre immenses, séparées par la mer qui s’insinuait entre elles. Un
barrage était établi à l’entrée du canal: les portiques de Sylla.
451

Deux gigantesques battants faits de bois et de fer, conçus grâce


à un ingénieux système par les ancêtres des Olas actuels afin de
réguler le passage des navires sur le canal. C’était la première fois
qu’elle s’aventurait aussi loin à l’Est du royaume.

La jeune fille se crispa. Elle discernait des hommes armées de


longues piques sur les deux rives aux côtés de canons braqués dans
leur direction. Il lui sembla très clairement qu’ici, passer sans
combat était une folle lubie.

Une dizaine de vaisseaux de la flotte de l’Est, ouvrants la voix


à la Dame rouge, essuyèrent les premiers tir de canons.
Le son des déflagrations déchirait l’espace horrible à entendre,
les boulets trouvaient leurs cibles, les embrasants, horrible à
regarder.

La guerre avait bel et bien débutée!

Nath abandonnant sa rambarde, traversa le pont aussi vite que


le lui permettait son don, elle cherchait à rejoindre le capitaine
Kal’ouh’na sur la proue, afin de savoir quel était son plan pour la
bataille.

Mag étendit une main sur son passage, lui barrant la route. Le
vice capitaine blond faisait partie de ceux qui avaient put
s’accoutumer à la vitesse de ses déplacements. Nath l’interrogea du
regard…

-Nous devons nous rapprocher d’avantage…


Répondit-il d’une voix neutre à la question tacite.
452

Nath jeta un regard par dessus bord et vit un autre de leur


vaisseau s’embraser. Son sang ne fit qu’un tour.

-Nous n’allons pas laisser les autres se faire canarder sans rien
faire tout de même!
S’insurgea-t’elle.

-C’est le plan Nath…

En signe de désaccord, la jeune fille remua vigoureusement la


tête. La dame rouge se trouvait à cent mètres des portiques.

-Jusqu’où faudra t’il se rapprocher?


Demanda t’elle.

-Cinquante mètre de plus, afin que le capitaine puisse agir.

-Nous avons des canons nous aussi, pourquoi ne pas les


utiliser?

-Au risque de rendre le canal non navigable? Non, il faut laisser


le capitaine s’occuper de cela…

Nath entendit une énième déflagration… Fermant les yeux, elle


se contraignit à expirer pour retrouver son calme. L’euphorie de la
bataille, lui avait ôté toute sa réserve.
453

-J’ai un plan… il devrait nous permettre de limiter nos pertes


jusqu’à ce que le capitaine puisse agir.

Elle tendit sa main au vice capitaine, l’air perplexe, ce dernier


la saisit.

Les guerriers D’olas, de grands hommes au teint café et aux


cheveux crépus, avaient le regard soucieux sous leur sourcils
fournis. chacun serrait sa pique, comme ci la force mise dans ce
geste pouvait lui permettre d’évacuer le stress de la bataille
imminente.
Tous vêtus d’un casque en fer d’une cuirasse en cuir et armés
de long javelot, ils guettaient la moindre réaction des envahisseurs.
Le baron Oladipo caracolait devant les troupes massées sur la
rive gauche tandis que sur la rive droite, c’était messire Pépin l’aîné
de ses vingt cinq fils, un grand gaillard de trente ans, au front large,
l’œil aussi noir que la peau, que ses hommes avaient surnommés
“deux pommes”.
Car chacun de ses poings pouvait envoyer le plus robuste des
fantassins, dans les pommes.
Le Baron Oladipo était responsable de la défense de la cité en
l’absence du duc Olajuwon et de son fils, tous deux partis pour
Hurlevent. La nouvelle de la prise de Lancastre sans combat était
parvenu jusqu’à Ola. On s’était moqué des hommes de Jacques le
cruel. Puis on avait juré en avalant force pichets de bière, de
repousser le Kraken quoi qu’il en coûte.

Ce fut donc avec un sourire, en coin que Messire Pépin « deux


pommes », observa les premiers navires de la flottes de l’Est
s’enflammer. Le canal était sans doute la passe la plus difficile à
prendre du royaume. Correctement répartie, une centaine d’hommes
pouvaient repousser un flotte de mille navire. Et aujourd’hui, les
Olas étaient des centaines de milliers. En plus des soldats de métier,
454

le baron Oladipo fit armer les paysans, les commerçants, ainsi que
tous les hommes et femmes désireux de se battre.

Une énième déflagration retentit. Le bateau pris pour cible


s’enflamma comme s’il était recouvert de poix. Un murmure
approbateur monta de plusieurs gorges. Soudain, les Olas postés en
rangs serrés sur la rive droite, furent éblouis par un flash lumineux
au dessus de leur tête.

Le sourire de Messire Pépin s’effaça.


Un géant apparu dans les airs et s’écrasa sur les hommes
hébétés dans un fracas de tous les diables.
Mag Erhl, colossale, semblait aussi grand qu’un des
portiques… D’un mouvement de la main, il balaya une vingtaine de
fantassins.
Les hommes du duchés, eurent pour premier réflexe d’effectuer
un brusque mouvement de recul, mais la situation n’était guère plus
entraînante derrière eux. Nath, dans un déchaînement de vitesse
pure, pourfendait cuirasses, casques et boucliers, comme s’ils
avaient été fait de beurre et non d’acier.
Pépin, pressé entre ses hommes, aboyait des ordres, couverts
par les hurlements des soldats et le fracas des pas du géant.
Il ne savait plus où donner de la tête.
Tandis que sur l’autre rive, le baron Oladipo enrageait de ne
pas avoir une monture capable de galoper sur les eaux.

En dépit de son âge, cet homme sans doute sexagénaire, doté


d’une malice et d’une pondération, suffisante pour flouer la
gardienne, n’était pas un couard. Il rêvait d’en découdre avec les
ennemis de sa patrie. Son cheval, piaffait lui aussi d’impatience.
Comme ci un de ses homme avaient perçu les sentiments qui
agitaient le cœur de son maître, il lança son javelot dans les airs
455

avec hargne. Toucher un homme à une telle distance semblait


invraisemblable, mais Mag avait la taille d’une tour.
La pique le trouva en plein épaule. Elle s’y ficha comme un
cure dent. Seule, elle n’aurait sans doute causée aucun dommage au
vice capitaine, mais elle fut suivit d’une centaine d’autres.
Il n’eut d’autres choix que de retrouver sa taille normale.
Les Olas hurlèrent, convaincu que ceci était un signe de leur
victoire prochaine.
Mag souriait, un genou à terre, le corps hérissé de
javelots.Cette jeune Nath ne manquait pas d’air…
Alors que dix guerriers l’encerclaient pour tenter de l’achever,
un flash les aveugla de nouveau. Quand ils retrouvèrent la vue,
l’homme avait disparu.

Pépin deux pommes, galvanisé par la fuite de ses adversaires,


voulu haranguer ses troupes, mais le cri d’un fantassin le poussa à
lever la tête vers les portiques.

Pour repousser le géant, les Olas avaient dû interrompre les tirs


de canons. Cela avait permis au vaisseaux amiral ennemi de se
rapprocher…
Dès lors que la dame rouge fut à cinquante mètre des portiques
de Scylla et le kraken put agir.
Sa gangue rouge l’entoura avant d’enfler démesurément,
prenant la forme de deux tentacules titanesques. Les deux
« appendices » rouges et translucides, s’abattirent sur les portes du
canal avec violence, ils s’enroulèrent autour des imposantes
barrières si puissamment, qu’elles semblèrent les broyer et d’un
brusque mouvement, les arrachèrent de leur mur de soutènement
respectifs.

Complètement médusés, les Olas lâchèrent leurs piques…


456

[Saut de page]
L’Adonis était très différent des vaisseaux amiraux sur
lesquelles Elysson avait eu le privilège d’effectuer une traversée.
Tout d’abord Il était bien plus petit.
Merhvouivre lui expliqua que c’était sans doute par ce qu’il ne
datait pas de la même époque.
Au temps de la glorieuse Sayida Alhura plus les navires étaient
grands, mieux c’était. Tandis que trois siècles plus tard, son père
avait sans doute préféré miser sur la vitesse et la résistance. Le bois
jaune qui constituait la coque du bateau lui donnait l’air d’un navire
doré. Plusieurs voiles tendues par des câbles d’aciers fins,
permettaient au bateau de capter le moindre souffle de vent.
Il était également doté de sortes de guêtres, protégeant des
ailerons repliés.
Ces dernières offraient à l’Adonis une motricité inégalée sur
les eaux. Le pont du vaisseau était long mais très peu large. Au
contraire des cabines qui furent clairement aménagées pour assurer
un confort optimal aux passagers.
L’Adonis comptait quinze cabines, contre le double pour le
léviathan et le triple pour la dame rouge. L’équipage devait donc
être réduit. Par chance, il ne demandait pas beaucoup d’effort pour
ce qui était de la navigation. Un gouvernail rond toute somme
classique, permettait de virer à bâbord ou à tribord. Un levier de
bois permettait de déployer les ailerons en cas de besoins. Un seul
homme pouvait s’en charger. Les dix autres qui constituaient
l’équipage de l’Adonis étaient d’anciens officiers de la garde royale,
qui ayant émis le souhait de parcourir les mers aux côtés de
merhvouivre, en avait été jugés dignes.

Elysson, debout sous une voile blanche gonflée par le vent, les
cheveux flottants, frisés par l’air marin, était en proie à des
457

sentiments extrêmement mélancoliques. Elle était venu à pendragon


pour ne pas être séparé de Nath. Mais elle avait finit par tisser des
liens. Lyor; Arthas; Loung; Tchezar; Malika; Sulyvan; elle ne les
reverrait peut être plus jamais. Bannie, c’est en paria qu’elle quittait
la capitale. Elle n’avait pas imaginé un tel dénouement en
s’engageant à la suite du Kraken.
Perdue dans le chaos de ses pensées, elle n’entendît pas le
capitaine s’approcher.

Il se tint silencieusement à ses côtés, se contentant de lui jeter


de petits regards en coin. Contre toute attente, ce fut Sekmet qui
brisa la première le silence.

-Pourquoi avoir accepté de m’aider à fuir?

L’homme sourit.

Le vent souffla de plus belle…

-Je vous ai suivi de prêt Nath et toi par ce que vous me


fasciniez. C’est le cas aujourd’hui encore. J’ai parié que tu étais
promise à un grand avenir… J’entends bien avoir raison!

Sekmet lui dédia un regard empli de douceur.

Au petit matin, Le capitaine merhvouivre leva l’encre.


Elysson n’en espérait pas tant de sa part.
458

Les actes parlaient mieux que les mots…

Lentement, ils s’éloigneront de Pendragon.

[Saut de page]

-Sauf votre respect capitaine, ils s’enfuient… Ne sommes nous


pas sensé essayer de les rattraper?
Dit Phillipe cikaly avec ironie.

Le dragon des mers, debout sur la proue du léviathan, encore


amarré, essuyant des rafales de vent, observait avec attention
l’Adonis s’éloigner du port. Tenter de le rattraper était vain. C’était
la leçon qu’elle tirait de trois siècles de course poursuite.
Si sekmet était un tiers la fille de son père et la descendante de
Sayida, elle trouverait un moyen de retourner tout ceci à son
avantage.
Merhvouivre et Kal’ouh’na fidèles à eux même, n’useraient de
violence qu’en dernier recours. Mais un affrontement avec un seul
d’entre eux, tant qu’elle n’avait pas trouvé le moyen de briser la loi
se solderait pas la mort.
Patience…
S’admonesta t’elle alors que son sang bouillonnait dans ses
veines….
459

-Cape sur Vartagême! Ce que fait Merhvouivre n’est pas notre


affaire…

-Sauf votre respect mon capitaine, le lieutenant-colonel


sulyvan, fille de la comtesse Carmen de Stroem, fait savoir que
toutes les affaires de sa mère ainsi que sa suite ne sont pas encore à
bord!
Ironisa de nouveau phillipe.

Le dragon des mers, se retourna lentement vers son bras


droit…
Elle l’aurait volontiers fait taire. Mais, lui aussi il avait un rôle.
Il lui rappelait que malgré la haine qui palpitait en elle, elle
avait un jour aimé. Tant qu’il respirerait, elle ne sombrerait pas
totalement dans les ténèbres.

-Mon bâtiment ressemble t’il à un bateau de croisière Vice


capitaine?
S’enquit-Elle sèchement.
L’énergie qui émanait d’elle était d’une densité incroyable.
Phillipe recula…

-Non mon capitaine!


Aucune trace d’ironie.
Elle avait laissé place à une crainte morbide.

-Bien, faites lever l’ancre, et mettez le cap sur Vartagême.


Le champs magnétique qui entourait le dragon se dissipa.

-Tout de suite mon capitaine!


460

Le léviathan, vogua lentement dans le sillage de l’Adonis,


avant d’obliquer vers le Sud. En direction de l’île aux saphirs:
Vartagême.

[Saut de page]

Peindre était la partie de son art que Liam préférait. C’est à ce


moment que pouvait réellement s’exprimer sa créativité!
Debout en face d’un chevalet, dans les appartements luxueux
de la reine Jenevah, vêtu d’une chemise ample à la mode
d’hurlevent et d’un pantalon en coton, il semblait totalement
absorbé par sa nouvelle création.
Après qu’il lui ait dessiné un vêtement lui permettant de
maîtriser ses flammes. La rebelle avait requis de lui une œuvre plus
fantastique encore: une nouvelle muraille de jade, plus haute et plus
large que la première. Elle voulait qu’en la créant, le prince, lui
confère des propriétés magiques, afin qu’elle soit capable de tenir en
respect un assaut de la gardienne, dans l’éventualité où elle
reviendrait.
La tâche se révélait ardue, mais plus le défi était grand et plus
Liam se dépassait et sentait son don s’épanouir, il rajouta une rune
sur la fortification de son tableau. C’est de cette manière, en y
inscrivant des lettres, que le prince parvenait à imprégner ses
créations de magie.

Soudain, on frappa deux coups à sa porte.

-Mon Seigneur, la reine me fait vous dire qu’il est l’heure…


Dit un valet à travers la porte d’or.
461

Liam soupira. Déposant son pinceau, il se s’essuya les mains et


le visage à l’aide d’un chiffon, et revêtit sa veste de cuir orange.
Jenevah avait tenu à lui offrir un vêtement elle aussi. Liam l’aurait
préféré sombre, mais l’orange et le Bordeaux étaient les couleurs du
phénix.
Habillé de la sorte, Jenevah pensait qu’il serait plus supportable
aux seigneurs de l’Est. Le prince n’était pas du même avis.
Mais quand la nouvelle de la prise de Lancastre tomba, il dut se
plier aux exigences de la reine.
« Les seigneurs commencent à récriminer contre moi. Il faut
que je leur montre que je n’entend pas me laisser faire! »

Liam espérait juste que cette démonstration de force aurait sur


eux, l’effet escompté….

[Saut de page]

Anta leva la tête vers le ciel bleu azur. Le soleil de plomb au


dessus de leur tête rayonnait de mille feux. Bien qu’assis à l’ombre,
il en ressentait les effets. A moins que ce ne fusse le bourdonnement
incessant produits par ceux avec qui il était attablé.
Il baissa les yeux, et trouva Oulal du regard. Il se tenait en
faction à côté d’un pilonne de granit, suffisamment proche pour
pouvoir intervenir en cas d’esclandre mais assez loin pour ne pas
saisir la teneur de leur échanges.
Tenir un conseil de guerre par cette chaleur, n’était pas la
meilleure idée qu’ait eu la reine Jenevah. Et le fait qu’ils soient
attablés autour d’une dizaines de cruches contenant largement de
quoi étancher leur soif , n’y changeait rien.
462

Tour à tour, les seigneurs de l’Est s’exclamaient avec colère.


En tête de ce concerto, La duchesse de Laertes, descendante de la
famille Zabulon, les rivaux éternels des Tanshal qui avaient fait
main basse sur la ville. Shego était belle, de cela on ne trouverait
sans doute rien à redire… Seulement, il aurait fallu être un géant
pour la trouver à son goût, comme tous les zabulon, elle culminait à
deux mètre, en guise de boucles d’oreilles, c’était deux énormes
canines de tigre des plaines qui lui pendaient à chaque lobe. Elle
portait une impressionnante touffe de cheveux noirs
particulièrement frisés. Ses yeux sombres lançaient des éclairs.
Jenevah avait la grâce qui inspirait le dévouement, Shego avait le
charisme qui imposait la crainte.
L’antinomie entre les deux femmes était inhérente à leur
idiosyncrasie.
Était -il utile que les parents de Shego en l’éduquant aient pris
le soin de cultiver en elle la haine du phénix en même temps que
celle du kraken?
la géante à la peau basanée crachait son venin à l’adresse de
Jenevha.

-Ola est seulement à quelques lieux de mes terres! Je devrai


être entrain d’en assurer moi même la défense. Il en va de même
pour chacun d’entre nous! Au lieu de cela nous sommes ici à nous
perdre en vaines conjectures. Je vous le dit, l’heure n’est plus aux
débats. C’est la guerre et elle ne se remporte pas avec des mots!

Jenevha, assise sur une chaise mimant son trône, vêtue de sa


robe -Armure d’un Bordeaux étincelant , l’écoutait d’un air détaché.

Ce fut Florent duc d’Achaye qui donna la réplique à la


comtesse, avec autant de véhémence qu’elle:
463

-Je suis tout à fait d’accord avec vous Shego! Laertes est le fief
du kraken… Nul doute que le reprendre à votre famille figure parmi
ses objectifs! Et on ne peut prendre Laertes sans d’abord avoir fait
tomber Achaye.

Aliyah, dont le regard brillait de fureur, s’empressa de


repousser en bloc leur arguments:

-Cessez donc de vous comportez comme des enfants


capricieux! Vous l’avez dit nous sommes en guerre! Pensez-vous
que la présence du duc d’ola ou du seigneur Jacques, aurait changé
quelque chose à l’issue de la bataille? Loin de là! Ils auraient tous
deux été faits captifs ou auraient été contraints de s’agenouiller de
nouveau devant la puissance des Pandera.

-Que préconisez vous alors?


Demanda calmement un noble dont les yeux bridés rappelaient
ceux d’Aliyah et de la reine. Les Nephtali avait par delà les âges été
cousins des Lancelhion unis par les liens du mariage. Raison pour
laquelle la trahison du couard leur avait été particulièrement difficile
à digérer.

-Nous avons un plan Seigneur Orion! Et si vous vous teniez un


temps soit peu tranquille, nous pourrions vous le présenter…
Répondit fermement Aliyah…

-Faites donc.
Déclara le comte de Lancastre. Encapé dans un large tissu de
velour carmin, il se était lui aussi assis paresseusement, l’air de
quelqu’un qui n’avait plus rien à perdre.
464

Anta échangea un regard éloquent avec la reine, puis se racla la


gorge. Il savait mieux que personne les antagonismes et les affinités
entre les seigneurs autour de cette table. La chose était paradoxale
quand on savait qu’il n’avait pas quitté son laboratoire depuis déjà
trois années.
Mais il suffisait de savoir que rancoeur entre Orion marquis de
Nephtali et Jenevah remontait à leur plus tendre jeunesse. Shego
quant à elle avait hérité de ses ancêtres, un profond ressentiment
pour le kraken et il avait fait de l’héritier de la maison Tanshal son
bras armée. La seule raison pour laquelle ces deux là avaient
répondu à l’appel, c’était leur haine encore plus grande pour les
Pandera.
De même l’amitié qui liait le marquis de Nephtali et lui même,
était vielle de plus d’une décennie. Enfin Florent duc d’Achaye, qui
dévorait Aliyah du regard, n’était même pas censé être là. Elle
l’avait éconduit à son douzième anniversaire.
Le silence se fit dans le jardin fleuri du palais où se tenait le
conseil.

Le duc de diop parla d’une voix parfaitement modulée:

-Il est vain de tenter d’affronter le kraken en mer… Sa flotte est


préparée et son pouvoir est grand.Nous autres seigneurs de l’Est
nous avons trop compté sur les Pandera pour assurer la sécurité de
nos eaux. En revanche, nos forces terrestre sont fraîches et
valeureuses.
Il faudrait les réunir et repousser le kraken en un seul point.
N’en déplaise à votre grâce, Achaye est au sud d’Hurlevent et
Laertes encore plus loin, au sud-est. Le capitaine Kal’ouh’na, n’a
sans doute pas l’intention de les conquérir. Elle tentera de souffler
d’un coup sur le feu de la rébellion en s’attaquant à son cœur:
Hurlevent…
465

Pour prendre la cité, il faudra obligatoirement passer par la


porte d’entrée de l’île… Vaghar. C’est donc là que nous devrions
établir notre point de ralliement.

Shego rabroua le duc…


-Si nous adoptions ce plan. Nous miserions tout sur une seule et
unique bataille. N’est ce pas exactement ce que nos ancêtres on fait
à Lanssalbion?! Votre plan manque d’originalité paradoxal pour un
orignal.

Jenevha parla enfin, un éclat de rire dans la voix:

-Nous possédons des atouts, que nos ancêtres n’avaient pas…

-Lesquels?
Demanda vivement le Seigneur Olajuhwon. L’homme gras,
vêtue de tissues amples en soit vanille, affichait toujours un air
soucieux sous son chéchia.

Comme pour répondre à sa question, un vent venu d’Ouest


souffla avec force.
C’était à dessin que la reine avait choisi le jardin de tulipes
pour tenir son conseil…
Il était le plus grand du palais.

Le soleil qui nimbait la cour disparut soudain. Un grondement


terrible, emplit l’espace.

Tous ensemble, les seigneurs levèrent la tête.


466

Shego se cramponna aux accoudoirs de son siège. Le duc d’Ola


tomba à la renverse. Florent d’Achaye et Kalil de Dan, tirèrent leur
rapière…
Anta déglutit, bien que préparé à ce qu’il devait voir, il dut
admettre que la créature le glaçait d’effroie.
Seules Aliyah et La reine, restèrent de marbre.

Dans un fracas, assourdissant, Pygmalion se posa dans la jardin


et cracha un geyser de flammes vers le ciel….

-Nous repousserons la flotte de l’Est à Vhagar mes seigneurs!


Je m’en porte garant…

La voix du prince Liam retentit par dessus le cataclysme


provoqué par le dragon…

[saut de page]

Après le conseil, les seigneurs du second souffle regagnèrent


leur appartements respectifs. Oulal emboîta le pas au duc de diop.
Il traversèrent les couloirs de baies vitrées, en toute hâte, non
sans que le jeune Tanshal et Shego n’échangent un regard haineux.

le palais d’hurlevent était immense et nimbé de soleil, grâce


aux vitres qui constituaient plus de la moitié de sa structure.
Les Seigneurs étaient et leur suite étaient tous logés
confortablement. Il en allait de l’honneur du phénix. Afin d’éviter
que de vielles rancœurs ne se ravivent, les plus susceptibles de se
jeter à la gorge les uns des autres, reçurent des ailes éloignées l’une
de l’autre.
467

Aliyah s’en était chargée personnellement.

Le duc de diop poussa la lourde porte en argent devant lui et


entra dans l’espace du palais qui lui était dévolu. C’était une vaste
pièce au sol marbré et bien éclairé, doté d’un mobilier luxueux et
d’un lustre suspendu au plafonds en voûte, très haut Anta n’était pas
vraiment un amateur de spiritueux. C’est la raison pour laquelle
Agar qui attendait assise sur le lit en baldaquin fut stupéfaite de le
voir se servir une rasade d’eau de vie et l’ingurgiter rapidement.
Il émit un claquement sonore avec sa langue avant de soupirer
lourdement…

-Tout va bien Mon Seigneur?


Demanda la jeune fille

-Que t’ai je dit avec ces formules de révérence Agar? Enfin…


Je vais bien ne t’en fait guère. Ce voyage est simplement entrain de
mettre mes convictions les plus fermes à l’épreuve….

Le Duc se servit une deuxième rasade quand Oulal pénétra à


son tour dans ses appartements…

Agar l’observa. Depuis leur arrivée à la cours du phénix , il


s’était départi de son air débonnaire. Non à y bien réfléchir, ce
n’était pas depuis leur arrivée. Mais depuis qu’ils avaient appris que
le kraken cinglait vers Hurlevent. Prenant une à une toutes les cités
qui avaient la ridicule prétention de lui opposer une résistance.

-Oulal… Qu’est-ce qui t’a retenu ?

Interrogea le duc
468

L’homme eut un sourire dur, toujours vêtu de son uniforme de


cuir souple, il caressa le pommeau d’un de ses poignards:

-Shego digère mal que je sois en charge de l’organisation des


troupes à Vaghar…
Elle doit penser que plus j’aurai de pouvoir, plus je serai tenter
de reprendre Laertes…
Nous avons eu une petite discussion.
Répondit-il
Agar lança au duc un regard effaré

-J’ose croire que tu n’as pas répondu à ses provocations!?


S’exclama Anta…

-Je n’ai qu’un seul désir. Et la reine Jenevah m’offre l’occasion


de le satisfaire…
Murmura t’il

-Est ce donc ci dérisoire pour vous? Croiser le fer avec le


Kraken?
Intervint Agar

-Loin de là…M’autorisez vous à me retirer? Il y’a quelques


détails que je dois voir avec les commandant respectifs de chaque
seigneurs…
469

-Faites! À partir d’aujourd’hui vous n’êtes plus seulement le


commandant des forces de diop. Vous êtes le bec du phénix…
Tachez de vous montrer digne de cet honneur.
Répondit Anta.

Déjà, Oulal avait tourné les talons…

[Saut de page]

Les cristaux lumineux des lustres scintillant,suspendus au


centre des voûtes, se reflétaient sur le sol marbré.
La fête des dons était une célébration annuelle populaire à
l’Ouest de l’archipel. A l’origine, cette festivité Nîme, permettait à
l’ancien peuple de rendre hommage aux esprits de la nature.
Adoptée par le roi Archéus, elle fut intégrée au calendrier royale et
célébrée au fil des siècles.

Aujourd’hui, dans la salle d’apparat, le bal qui se donnait avait


donc un triple objet. En plus de la fête annuel des dons, le roi Lyor
fêtait la reprise par sa flotte de Lancastre et Ola. La noblesse
accueillait également un nouveau membre en la personne d’Assam,
désormais héritier du duché de gauvinal, par décision royale.
Le gauvinal coulait à flot et les rires des convives tous
splendidement apprêtés, raisonnaient fort au milieu de la musique
de l’orchestre royale.

La princesse Marlène, dans une robe de satin rouge,


resplendissait comme une rose au milieu d’un bouquet de fleurs
diverses. Rares étaient en effet les suivantes, et les nobles dames qui
pouvaient rivaliser avec elle en terme de coquetterie. Entourée de
470

rires cristallins de murmures et de hoquets charmants, elle se


détourna soudain, pour aller vers l’élu du jour.
Assam, desormais comte d’Aloès, un petit harpan de terre que
lui cédait son père adoptif pour y fixer ses droits, jusqu’à sa mort.
Fièrement debout au centre de la salle, revêtu des couleurs de sa
maison de pied en cap, arborait un air déjà seigneuriale. Son bouc
avait encore poussé à contrario de ses cheveux qu’il avait décidé de
ne plus porter du tout. Il arborait un crâne aussi lisse que celui du
capitaine Mervhouivre.

Mais cela était loin d’être laid, en fait, l’homme avait du


charme! Jugea la princesse. Elle devait reconnaître de bonne grâce
qu’à défauts d’avoir de nobles origines, il avait hérité d’une belle
étoile. Pour preuve, ce qu’il vivait était digne d’un conte pour
enfant. Un roturier, élever à la dignité de comte et promis à devenir
duc! Soit un petit roi sur ses terres. Il n’aurait plus à plier l’échine
face à quiconque, il serait l’égal des princes.

Elle avança vers lui d’un pas aérien, suivit par une dizaines de
dames aux robes chatoyantes, tenant des éventails, qui des coupes
dorées.

Assam avisa la princesse alors qu’elle se rapprochait. Il


s’inclina et la salua bien bas:

-Votre altesse…

Marlène savoura la marque de déférence, et pour montrer que


l’élu avait sa faveur, elle lui tandis sa main gantée, qu’il baisa du
bout des lèvres avant de se redresser.

-Monsieur le comte! La fête est-elle à votre goût?


471

-Oui votre Altesse. Répondit-il sobrement.

Assam balaya les femmes qui entouraient la princesse d’un


regard. Puis, il analysa rapidement la princesse. Elles avaient toutes
sans exception, les pupilles aussi dilatés qu’un chat dans le noir.
Elles riaient sans aucune raison apparentes, et chacune d’elles se
donnait de grand airs.
Il déduisit qu’elles avaient toutes prises de l’odette.
Un sourire naquit à la commissure de ses lèvres.
Il avait appris à reconnaître à l’œil, ses clients. Bien sûr, aucun
d’eux ne supputaient que c’était lui la tête du réseau. Jym, le pauvre
Jym. Assam aurait voulu lui éviter une fin aussi sordide.
Capturé par le vicomtesse de Kalt, et ramener dans les geôles
de la capitale, il avait été démasqué comme le voleur de couronne.
En l’absence de Nath, aucun lien n’avait pu être établi entre lui et
l’organisation criminel des Dènnes.
La couronne avait déclaré la guerre à la guilde. Pour tout
membre capturé vivant ou mort, l’on offrait une récompense de trois
cent pièce d’or.
Assam ne se sentait pas plus inquiéter que ça. Ses hommes
bénéficiaient de la protection de la noblesse qui raffolait de leur
produit.
Le roi avait beau s’époumoner, les malles d’or du Seigneur
Dionos se remplissaient, tant qu’il ne pourrait bientôt plus en
emmagasiner sur son bateau. Car oui, l’heure était venu pour le viel
homme de prendre congé de la cours er de retourner à ses vignes.
Assam n’ayant plus rien à craindre resterait à Pendragon, ajouter la
touche finale à leur plan. Le jeune homme devait raffermir sa
position, en épousant une dame de haute naissance.

Marlène trop rodée au jeux de pouvoirs, savait que c’était


précisément dans ce but, que le jeune homme était demeuré, dans la
capitale alors que son père se préparait à lever l’ancre et séjournait
472

en Avalon. La fête des dons était une opportunité idoine pour


observer les jeunes dames de la cours et faire son choix. À présent
qu’il était comte et héritier du duc, c’était certain, elles seraient
nombreuses à accueillir favorablement sa cours.
Marlène, sans doute enhardie par l’odette et les coupes de vins,
décida de questionner directement le concerné:

-Monsieur le comte, à présent que vous êtes légalement un


Gauvinal, avez-vous songé à la pérennité de votre lignée? Si vous
veniez à mourrir, le bon Seigneur Dionos se retrouverait bien
embarrassé. Il vous faut un héritier au plus vite….

Dit -elle d’une voix chantante.


Un murmure d’approbation soutint sa déclaration.

Assam la considéra, en effet, elle était aussi perspicace qu’on le


disait.

-Je partage votre opinion…

Marlène décrivit un demi cercle sur elle même présentant d’un


geste du bras les convives qui les entouraient.

-Faites moi l’honneur d’une confidence, laquelle de ces


ravissantes jeunes dames a sut retenir votre attention? Je m’engage
personnellement à soutenir votre cours…

Dit la princesse à voix haute. La plupart des jeune femmes


présentes, même celles qui se trouvaient à l’autre bout de la
473

salle,mais pas assez éloigné pour ne pas avoir entendu, arrangèrent


qui une barrette; qui une écharpe de soie; se recoiffaient d’un geste
discret.
Marlène c’était tournée sur sa droite, là où se trouvait le plus
grand nombre de jeunes jouvencelles accompagnée de leur chaperon
et de jeune femmes non encore promises, toutes plus accortes les
unes que les autres.
Aussi, fut -elle surprise de voir le comte poser un regard
perçant sur une fille à sa gauche.

Elle se tourna de nouveau, suivant le regard d’Assam.


Elle tomba sur la jeune femme qu’il dévorait du regard et ne
put retenir un hoquet de surprise:

-Oh! Messire, vous n’y pensez pas!


Dit -elle en riant, doucement, une main sur ses lèvres.

Mydoral Djemerker, splendide dans une robe de satin bleue,


ses mèches rousses bouclées retombant sur sa poitrine, le cou cerné
d’un magnifique collier, aux pierres précieuses aussi grosses que des
œufs de caille, tirées du trésor royale et offert par le roi discutait
avec le duc d’ombreuse.

-Et pourquoi donc? Elle n’est point promise…

Marlène ne put retenir un nouveau rire. Il n’était pas seulement


charmant, mais aussi divertissant ce nouveau comte.
Personne à la cours n’ignorait que Mydoral était courtisée par
le roi.
Il était folie de poser le regard sur la favorite d’un roi…
Assam était soit fou, soit il n’était pas sérieux.
Pourtant, Marlène ne put longtemps ignorer la passion qui
brûlait dans le regard que le comte dédiait à la duchesse…
474

Cette flamme là, était celle d’un désir fou…

[saut de page]

Lyor ne prenait pas part à la fête qui se tenait dans la salle


d’apparat. Loin du bruit et de l’ambiance festive, c’est en solitaire
qu’il se repassait les dernière événements.
Debout sur un rempart, la couronne reposant sur ses cheveux
blonds, un épais manteau de fourrure pour le protéger du froids de la
nuit et son énorme marteau de combat: « Ballérion » tenu d’une
main ferme. Le roi avait le cœur aussi froid que l’énorme pierre
mauve de son arme.
Étranger à la célébration des prises d’Ola et de Lancastre.
Etranger à la fête des dons. Il aurait aimé que le sien, de don, lui ait
permit de remonter le temps plus de cinq petites minutes. Dans un
combat, cela faisait toute la différence, mais dans la vie, les pires
situations étaient toujours le résultat d’un enchaînement de
circonstances qu’on avait pas imaginés longtemps avant, mener à
l’instant fatidique.
Perdu dans le fil de ses pensées, il n’entendit pas le Baron
verhmar se glisser à ses côtés. Quand bien même il aurait été
concentré, Comment entendre ce qui ne faisait aucun bruit?

-Votre majesté manque à sa cours…


Dit modestement le viel aveugle…

Lyor dans un geste vif et dénué d’hésitation planta son marteau


au dessus du nez de l’homme qui l’avait surpris. La tête du vieux
Mhaes était plus petite que la pierre mauve et sans doute bien moins
dense. Un choc entre les deux, aurait assurément causé la mort du
475

général des forces terrestres, mais ce dernier n’avait pas cherché à


esquiver. Comme s’il savait que le roi ne le toucherait pas et que
même s’il le touchait il n’avait rien à craindre. Il y’avait toujours
cette confondante impression de vitalité qui tranchant avec son âge
et son apparence malingre, émanait de lui.

Lyor abaissa son arme

-La cours ne manque pas à son roi…

Répondit il dans un soupir.

Le viel homme sourit, ses yeux pourtant sans vies, brillaient


comme de douces lanternes.
-Voila une chose bien commune chez les rois…

-J’oubliais que vous en avez servie plusieurs…


Ironisa Lyor
-Votre père et vous cela fait bien deux si je ne m’abuse…

-Jai tendance à de moins en moins me considérer comme un roi


digne de ce nom. Mon père était-il habité des mêmes tourments?

-Je ne puis le savoir si je ne sais ce qui vous tourmente votre


majesté…

-Jai toujours pensé que vous étiez d’une clairvoyance à toute


épreuve, que vous lisiez au dedans des êtres et ce en dépit de votre
handicap. Je suis un peu déçu.
476

Mhaes ne releva pas. Il savait que le jeune roi était de mauvais


poil, que ces piques n’étaient qu’une tentatives de cacher son
désarroi, il savait aussi qu’il lui suffisait d’attendre silencieusement
que tout cela s’effrite pour que naisse en lui, le désir de se confier.
C’est ce qui fut.

Lyor soupira de nouveau, s’appuyant sur sa masse d’arme de


tout son poids, comme ci se tenir debout était devenu pour lui un
effort trop grand à fournir:

-Ai-je pris la bonne décision en la bannissant? Était-ce qu’il


fallait faire?

Mhaes observa le jeune homme et en dépit de sa couronne de


son arme impressionnante et de sa fourrure, il ne vit qu’un enfant:
était ce par ce qu’il était lui même déjà ci vieux?

-Les vents qui soufflent dans votre âmes ne s’arrêtent pas avec
l’âge, l’expérience nous apprends simplement à mieux les exploiter
pour aller de l’avant. Comme un nautonier. À la question de savoir
si vous avez pris la bonne décision, je ne saurai vous répondre par
un jugement de valeur. Mais plutôt avec pragmatisme. Que serait-il
arrivé si vous n’aviez pas pris de décision?

-Ils auraient tous vu la vérité…

-Qui est?
477

-Que je la préfère à toute forme de justice… suis je donc pareil


que mon frère!? Notre mère n’a t’elle mis au monde que des
couards sans l’âme de gouverner?

-Liam n’aurait jamais sacrifier jenevah aux exigences du


pouvoir et cela ne fait pas de lui un couard pas plus que votre
décision ne fait de vous un lâche. Vous avez simplement choisi
deux chemin opposés, s’y tenir déterminera votre valeur…

-Pensez-vous que merhvouivre et elle…?

Lyor n’osa achever… Commenr expliquer la défection d’un


capitaine corsaire sensé être l’un des hommes les plus loyaux de
tout le royaume, si ce n’était pour la passion que suscite une
idylle…

-Attention votre majesté, vous vous aventurez sur le chemin


tortueux de l’amant jaloux. Celui là est glissant et très souvent,
salissant pour l’âme. Les raisons qui poussent les hommes à agir
sont différentes pour tout un chacun… Pour ce qui est de
Merhvouivre, il est un disciple sayida.

-Un disciple de la glorieuse sayida? Je ne comprends pas en


quoi cela explique le fait qu’il ait abandonné le royaume en plein
milieu d’une guerre civile et ce soit enfui avec une condamnée…
478

-L’esprit de Sayida était un vent de liberté… Nul homme, Nul


roi et Nul loi, ne pouvaient espérer la contraindre. Elle faisait
toujours ce qui lui semblait juste.
Comprenez-vous? Merhvouivre a fait ce qu’il lui semblait
juste.

-Ou est là justice pour la famille du docteur et pour les prêtres


des trois déesses?

-Je n’ai pas parlé de justice au sens universel, simplement


d’une notion subjective de justice. On pourrait parler du sentiment
de justice, celui qu’éprouve chaque être.

-Quel est votre sentiment à vous?

-Lorsque l’on sème le vent on récolte la tempête. Par deux fois


le clergé sema par deux fois il récolta. Hélas, souvent, les tempêtes
emporte avec elles des victimes innocentes…

Les mots du viel aveugle raisonnèrent dans l’esprit du roi…


Qu’avait-il semé lui?
479

[saut de page]

Nath fut prise à la gorge par une remontée acide. La pestilence


de l’air, causée par la chair en putréfaction couplée à la vue des
corps la rendait nauséeuse.
Elle maniait sa pagaie d’une main tremblante, écartant les corps
des fantassins Olas, qui flottaient au dessus des eaux du canal, si
nombreux et entassés, qu’ils ralentissaient la traversée du canal.
Elle jeta un regard à Mag sur une berge, extirpant les corps de
l’eau pour les rendre aux survivants éplorés. Ces hommes et ces
femmes n’avaient pas voulu rendre les armes, voilà pourquoi leur
corps servaient à présent de nourriture aux poissons.
Nath soupçonnait le kraken de les avoir tous les deux désignés
pour cette tache en représailles à leur incursion dans les lignes
ennemies.
Elle avait bien fait. Il fallait qu’elle réalise, Nath avait déjà eu à
ôter la vie à plusieurs reprises, mais ceci, c’était sans commune
mesure avec tout ce qu’elle avait connu.
C’était donc cela la guerre?

Prenant sur elle-même, se refusant de fuir la besogne, elle


continua à pousser les corps vers la berge, tout en menant sa barque.

Quand vint l’heure de la relève, elle partit retrouver le vice


capitaine blond. Ce dernier cassait la croûte comme ci tout ce qu’il
avait vu avant le coucher du soleil n’était rien de plus qu’un lointain
souvenir. Nath ne put s’empêcher de lui faire part de son
indignation:

-Comment pouvez -vous manger avec autant de désinvolture!?

Mag, torse nu, assis les pieds dans l’eau, releva la tête vers la
jeune femme l’air perplexe. Nath eut toutes les peines du monde à
480

ne pas laisser son regard dériver sur ses muscles et ses bras massifs
recouvert de bandages noirs.

-Je crois que je vais avoir besoin de plus de force pour


récupérer de mes blessures. Et toi aussi tu devrais t’alimenter si tu
ne veux pas finir comme eux. Répondit-il en désignant du menton
les piles de cadavres.

Nath demeura silencieuse un instant. Elle aimait et haïssait à la


fois cette attitude stoïque que possédait certains hauts gradés face
aux vicissitudes de ce monde.

-J’ignorais que cela ressemblait à ça… La guerre…

-Je sais… Et elle le sait aussi, c’est pour cela qu’elle t’a désigné
pour faire ceci…

-Et vous?

-Pour t’avoir suivis…

-Ah… désolé…

-Ne t’excuse pas. J’ai choisi de venir car moi aussi je voulais
nous épargner plus de pertes. Tu remarqueras d’ailleurs que le
capitaine ne nous a pas félicité mais elle ne nous a pas réprimandé
non plus. Elle comprends…
481

Dit le blond

-Si Elle comprend comme vous l’affirmez, pourquoi la corvée?

-D’abord par ce que cela doit être fait. Ensuite, je pense qu’elle
tenait à ce que moi réalisions que ces hommes n’avaient rien fait
d’autres que ce trouver dans le mauvais camps. Il n’aurait pas dû
être aussi facile pour nous de leur ôter la vie.

-Je vois…Que vas ton faire à présent?

-Jai ordre de me présenter à huit heure au château du duc, Le


capitaine y rencontrera un informateur. En tant que second de la
flotte je dois être présent. Tu pourrais m'accompagner si tu le
souhaites, les bassins qui entourent le palais d'ola exhale un des
parfums les plus doux qui soit. De quoi atténuer un peu ce que tu as
vu aujourd'hui…

Nath était d'un naturel aventureux. Elle accepta donc la


proposition avec un hochement de la tête.
Lorsque la lune se leva des heures plus tard, ils quittèrent la
plage.
Les deux marins traversèrent la ville dune seule traite. Il ne
croisèrent pas grand monde, comme une cité fantôme, les artères
d’Ola étaient désertes. Les civils s’étaient barricadés dans leur
habitations.

Nath constata le manque de représentation dans l’architecture


de la ville. Aucune fioriture. Mais cette monotonie vola en éclat une
fois parvenu devant le palais de marbre rose. Plusieurs coupoles
482

surmontant des tours reliées entre elles par des rempart cubiques.
Pas de jardins, mais de larges bassins rectangulaires au dessus
desquelles flottaient des milliers de pétales de fleurs, aussi roses que
le marbre du château.

Des hommes de la flotte de l’Est avait prit la place des gardes


Olas et les accueillirent à la herse…

Mag avait dit vrai. L’odeur des lieux était agréable pensa Nath.
Elle suivit le vice capitaine dont le long manteau rouge en cuir,
semblable à celui que portait parfois le kraken battait ses cuisses.
Elle se demanda comment Mag pouvait se diriger aussi
facilement dans l’immense dédale d’escaliers et de portes qui
s’ouvraient devant eux. Le château était conçu comme un labyrinthe
ascendant.
N’y tenant plus elle demanda:

-Vous avez deja séjourné dans ce château ?

Mag accueillit sa question avec perplexité comme à son


habitude:

-Non! Pourquoi?

-Alors c’est bien ce que je pensais nous sommes perdu! Pas une
fois je ne vous ai entendu demander à nos hommes où nous
pourrions trouver le capitaine…

Mag inclina la tête et passa une main dans ses cheveux:


-Tu veux dire que tu ne la sens pas?
483

-La sentir?

A contrario, du vice capitaine qui portait toujours un


impeccable dégradé au niveau des tempes, contrastant avec sa touffe
blonde au dessus du crâne, Nath elle, affichait une coupe assez
négligée, ses cheveux habituellement taillés cours commençaient à
repousser.

-On doit faire quelque chose pour tes cheveux je pense. Quand
on sera rentré au bateau je m’en chargerai.

Sans un mot de plus, et sa hésitation, Mag poussa la premiere


porte à sa gauche alors que le corridor dans lequel ils se tenaient en
comptait une dizaine et était en plus mal éclairé.
Nath le suivit, renfrognée. Qu’avait-il voulu dire par “sentir” ?
Non, elle n’était pas gror et ne trouvait pas normal de suivre les
gens grâce à leur odeur… Or Mag réagissait comme si c’était la
chose la plus commune.

La pièce dans laquelle ils firent leur entrée semblait coupée du


reste du château. Comme si elle avait pénétré dans une autre
dimension, Nath fut subjuguée.
Des tapisserie de laine aux motifs en losanges bleus sur fond
gris le sol et les murs. Des narguilés reposaient sur le sol, au
milieux de couffins multicolores, sur lesquels étaient allongés des
femmes indolentes au visage voilées. Un harem…
Probablement celui du Duc.
Selon la loi du roi Vandred Ier, les mariages n’étaient réputés
valables que s’ils étaient scellés entre deux personnes de sexe
opposées, consentis par eux même; leur parents ou tuteurs, à
condition que les intéressés aient atteint l’âge de la majorité. Ce qui
484

faisait de toutes ces femmes des épouses illégitimes, et de leur


éventuel progéniture des bâtards. Nath ignorait si ses propres
parents étaient mariés. La notion de légitimité n’avait pas cours sur
son île d’origine. C’était l’inconvénient d’un royaume aussi vaste,
avec une telle mosaïques démographiques, et un telle diversité
culturelle difficile de faire appliquer partout la même loi.

Nath suivit Mag à travers le harem jusqu’à un petit groupe de


femmes assisses en cercle.

-Tu peux aller t’asseoir avec elles. Moi je n’en ai pas le droit,
elle se sentent déjà offusqué de ma présence. Les hommes ne
pénètrent pas en ces lieux habituellement.

Nath jeta un regard circulaire et s’aperçut qu’en effet, derrière


leur voiles, les femmes fusillait le grand blond du regard.
Kal’ouh’na dégageait une prestance que l’on ne pouvait
confondre à aucune autre, Etait ce cela dont parlait Mag quand il
avait employé le terme la sentir?

Nath se rapprocha du cercle et sans qu’elle eut besoin de


signaler sa présence, Le kraken leva les yeux vers elles et lui indiqua
une place où elle pouvait s’installer.
Une fois assise, les jambes en losange, la jeune femme détailla
tour à tour les femmes qui l’entouraient.
D’abord en face de kal’ouh’na, au centre du cercle formé par
une dizaines de visages voilés, une jeune femme assise tenait sur ses
pieds une fillette qui devait avoir à peine huit ans. L’enfant, drapée
dans une longue toge bleue marine comme sa mère, ne portait pas
de voile.
La ressemblance saisissante entre cette enfant et kal’ouh’na fit
frissonner Nath.
485

Les même cheveux d’un rouge flamboyant, les même yeux vert
émeraude. N’eut été la rondeur de ses traits infantiles, on aurait dit
le même visage.

La fillette parlait comme ci elle hoquetait:

-Ils ont des troupes, beaucoup de soldats… Certains sont très


forts. Père penses être le plus fort de tous… Il a très hâte de se battre
avec vous… ils ont un dragon aussi, un grand qui crache du feu.
C’est un prince qui le commande. Le frère du roi, cela amuse père…
ils vont se réunir à Vaghar et tenter de vous repousser sur terre.

Nath reporta son regard sur kal’ouh’na, elle même avait


frissonné au mot dragon… Les paroles de l’enfant ne pouvaient
signifier qu’une chose: Liam avait rejoint jenevah.
Mais par quelle sorte de magie une enfant de huit ans, était- elle
une informatrice fiable? Et d’où venait cette ressemblance avec le
capitaine?
Un sourire dure étirait les lèvres de kal’ouh’na Tanshal.

-Oui, il me connaît bien… Laertes ne m’intéresse pas. Tenter


de passer par vaghar en force c’est sûrement ce qui me ressemble le
plus… Je te remercie Talula.

Kal’ouh’na n’en dit pas plus et se leva.

C’est alors que Nath reporta son attention sur les femmes qui
l’entouraient. Couvertes de la tête au pieds, le seul aspect visible de
leur physique était leurs yeux. Elles portaient sur le capitaine un
regard plein de vénération. Nath comprit. Le kraken représentait
tout ce qu’elles n’étaient pas. Valeureuse; courageuse; forte et par
dessus tout libre.
486

Kal’ouh’na posa la main sur la tête de la petite fille en lui


dédiant un regard plein de tendresse:

-Vous vous en allez arrière grand-mère?


Demanda innocemment la petite.

Nath eut un hoquet de surprise et les femmes eurent des regards


tristes, comme des plantes plongées dans l’obscurité qui pour la
première fois, gouttaient à l’éclat du soleil et étaient contraintes de
lui dire au revoir.

-Oui Talula… Quand la guerre sera fini, je reviendrai avec un


cadeau pour toi…

La fillette posa sur le kraken un regard philosophe.


-C’est ce que père désire, cette chose que vous voulez me
transmettre. Pourquoi ne pas la lui donner à lui?

La femme qui la portait et qui apparaissait à présent clairement


aux yeux de Nath être sa mère, lui lança un regard réprobateur.
Tandis que celui de kal’ouh’na s’attendrit d’avantage. La petite fille
suscitait les sentiments les plus contradictoires:

Kal’ouh’na sourit tristement.


-Par ce qu’il doit en être ainsi Talula, tu es connecté à tous ceux
de ton sang, sans qu’ils puissent y faire quoi que ce soit. c’est un
extraordinaire don de la nature. Tu sais leur sentiments et leurs
secrets. En te le donnant à toi, c’est tous les Tanshal que je
487

protège… C’est une chose dans laquelle je n’ai pas toujours bien
réussi…

-Je vois… vous êtes honnête….

-Bien sûr que je le suis! Je suis ton arrière grand mère quand
même! Allez! Embrasse moi!

La scène qui s’en suivit fit fondre le cœur de Nath. En temps


que femme, elle ne s’était jamais posé la question de savoir si elle
voulait des enfants… Kal’ouh’na semblait ne pas en avoir. Pas plus
que Nagga cikaly et le capitaine Sulyvan.
Nath pouffa en imaginant « le soldat de l’hiver » pouponner un
nourrisson.

Mais la question resta en suspend. Aujourd’hui, elle découvrait


que le kraken avait eu des descendants et étaient arrière grand mère!
Combien de personnes de part le royaume étaient ils au courant? En
tout cas pas Elysson.
Ah! Cela en ferait des choses à lui raconter!

Nath fut tirée de ses pensées par le capitaine, qui s’étant retirée
du cercle, marchait vers Mag d’un pas aérien.
Elle les entendit échanger une phrase.
Puis, usa de son don pour les rattraper.
488

La dame rouge traversa le canal le soir même, suivit par le reste


de la flotte de l’Est. Par ordre de Kal’ouh’na, tous les vaisseaux
décrivaient un long détour, qui contournerait Vaghar et lui préférait
le port de Laertes.
Peu des hommes du kraken comprirent en réalité son objectif.
Nath, malgré son peu d’expérience à son service savait. Elle
avait assisté à la rencontre dans le harem, et elle avait vu les corps
sur le canal de prêt…

Le capitaine Tanshal prendrait ses ennemis à revers, réduisant


ainsi l’opposition qu’elle rencontrerait et donc le nombre de
victimes de guerre.

[saut de page].

L’Adonis glissait sur les eaux avec la légèreté et la grâce d’un


cygne.
A son bord, Elysson et Merhvouivre s’affrontaient avec la
violence d’un ouragan.
Ils s’entraînaient ainsi depuis plusieurs semaines, Elysson avait
d’abord craint que se déchaînement de puissance vienne à bout de la
résistance du navire. Mais Merhvouivre l’avait rassurée:

-Le bois dans lequel a été conçu l’Adonis est fait pour amortir
les chocs.
Pour illustrer son propos, il frappa le pont du pieds, une
secousse se propagea sur tout le navire, le faisant tanguer, mais le
bois qui se trouvait sous le chauve de rompit pas.

Elysson, émerveillée, demanda :


489

-Quel est le nom de ce bois?

Le regard de Merhvouivre brilla d’un éclat sagace:

⁃ Il est extrait du tronc d’un arbre qui pousse


uniquement sur Koraïe: « L’yngrid plie mais ne rompt pas ».

Elysson ne se rappelait pas à avoir entendu un jour parler de cet


arbre. Selon Merhvouivre, les coques des navires des corsaires
étaient faites à base d’Yngrid. C’était le meilleur des bois… Le plus
rare aussi…

Le chauve et la jeune femme continuaient de s’entraîner,


chaque matin et chaque soir, permettant à Elysson de perfectionner
son art du combat rapproché. Ses mouvements étaient à présents
aussi fluides que si elle avait été entrain de d’executer un balais.
Merhvouivre évitait de la pousser à solliciter l’Ankh. Le risque
de briser de manière inconsciente la loi, était trop grand. Et même si
pour Elysson cela ne se solderait pas par la mort, elle serait spolié de
son héritage. Désireux d’éviter cela a tout prix, le disciple de
Sayida, décida de mettre le cap sur le seul endroit où, ils pourraient
obtenir des réponses, au sujet de l’Ankh de sayida et des lois: La
citadelle de la gardienne.

Tout ce qu’Elysson savait de ce lieu, c’était qu’il était


mythique, particulièrement difficile d’accès, et gorgée de magie.
Elle l’avait appris aux côtés de Nath durant les cours de
l’archiduchesse Jenevah, trois années plutôt. Mais elle avait
confiance en son mentor.
Elle se laissa conduire, ne rechigna jamais à un exercice qu’il
lui confiait ou à un duel d’entraînement. De son côté, Merhvouivre
490

c’était bien rendu compte qu’en matière de combat rapproché, il


n’avait plus rien à lui apprendre, n’eut été son Ankh à lui, si
parfaitement maîtrisé, que son pouvoir se diluait dans sa plus infime
respiration, Elysson pourrait avoir le dessus sur lui…

Mais, il continuait à la pousser, car il sentait une jappe de


tristesse et de mélancolie sur ses épaules. Quelque chose qu’il ne
pouvait combattre autrement qu’en lui proposant d’agir.
Et puis, un soir, sous le ciel étoilé, alors que le vaisseau flottait
lentement comme à la dérive, ce qu’il espérait arriva. Elysson
s’ouvrît à lui sur la cause de son mal être.

-Je ne pensais pas qu’il me bannirait… Je comprends qu’il n’ait


pas eu le choix, mais je… j’espérais que par égard pour ce que nous
avions vécu, il trouverait un moyen de me protéger. Je ne pensais
pas qu’il nourrissait à mon égard une rancune si tenace, qu’elle le
conduise à me livrer en pâture aux courroux des assassins de
Malika.

En prononçant sa dernière phrase, Elysson avait serré les


dents. Un filet de fumée noire s’échappa du coin de sa bouche.

Cela permit à Merhvouivre de confirmer ce qu’il pensait déjà.


La colère était le déclencheur. La loi devait être liée à une émotion
ou à un état mental…

-Lyor a agit en roi… On ne peut le lui reprocher. La justice


parfaite n’existe pas… Mais une chose est certaine, s’il avait laissé
ses sentiments personnels interférer, il n’aurait pas rendu justice.
N’oublies pas le médecin…
491

-Alors vous aussi, vous me le reprochez…

-Tu as tué un innocent Elysson… Tu dois porter son visage et


son nom en permanence dans ta mémoire et ne pas l’oublier. Tu lui
dois au moins cela. Le docteur Albus avait une famille, il avait
sauvé d’innombrables vies. Aux yeux de ceux là,
tu passeras toujours pour le pire des monstres.

Elysson sentit un étau de tristesse enserrer son cœur:

-Et aux vôtres?

Merhvouivre posa sa main sur le haut de son crâne dans un


geste d’affection paternel:

-Comment pourraient-ils tous comprendre ce que représente un


Ankh? Toi, Nagga, Kal et moi, nous sommes habités. Nos réalités
font abstraction des règles de ce monde. Les Nîmes anciens
l’avaient compris, c’est pourquoi ils voyaient en Sayida un être
divin…

Elysson eut un sourire dure:

-Je ne pense pas avoir quoi que ce soit de divin…

Le chauve accentua la pression de sa main sur ses cheveux:


492

-Assurément pas maintenant. Mais un jour viendra où ce


monde découvrira ce dont tu es capable, et ce jour là, tu te couvriras
de gloire…

Elysson frissonna.

-Qui y’a t’il? S’enquit Merhvouivre, perplexe.

-Mon père, il disait souvent la même chose…

-Adonis…
Dit doucement le chauve.

Le vent souffla, comme si l’esprit du vieux docteur, avait


répondu présent à l’invocation de son ami.

-Je ne devrai pas ressentir ce que je ressens pour Lyor. Il est


mon neveu…

Elysson avait murmuré honteusement.

-Tu ne pouvais pas savoir… Et puis tu n’es pas là seule à avoir


fait des choix discutables en amour.
La réconforta Merhvouivre.

Elysson releva la tête vers lui, les yeux pleins de curiosité:


493

-Dites m’en plus.

-Autrefois, je me trouvais fou amoureux de Sayida…

Au moment où il prononça cette phrase, une paix inouïe,


envahit le pont où ils se trouvaient et les étoiles dans le ciel noir
semblèrent briller de mille feux.

-Elle était votre aînée de plusieurs siècles… Et votre mentor.


Constata Elysson

-Oui …

Répondit le chauve, avec un petit rire, comme s’il se moquait


de lui même.

-A l’époque où je n’étais qu’un jeune écuyer à la botte du


seigneur Oswald d’ombreuse, le grand père de camil. J’avais déjà
un goût fort prononcé pour la gente féminine. Je passais mes
journées à essayer de les courtiser. J’échouais sans cesse, mais je
recommençais. Il va sans dire que c’était une gageure d’espérer
qu’une fille bien née s’intéresse à moi, je n’avais rien à offrir. Mais
j’espérais que tout comme moi je les aimais pour ce qu’elles étaient,
elles m’aiment en retour pour ma personne et rien de plus…
Poursuivit -il.

-J’imagine que cela a changé quand Sayida vous a prit sous son
aile?

Demanda la jeune femme


494

-Oui… Mais je n’avais dès lors plus d’yeux que pour elle… Et
depuis je n’ai pas aimé une autre femme…

-Voila qui est bien triste… Sayida ne vous a jamais aimé en


retour m’avez vous dit…

-Oui et non… Elle m’aimait, cela j’en suis certain, mais pas du
même amour que celui qui la liait au roi Tierry.

Un silence s’étira langoureusement entre eux. Puis, Elysson


demanda:

-Pourquoi allons-nous à Koraïe? Est ce pour requérir l’asile?

-Seule la gardienne peut se prononcer sur la demande d’asile


d’un condamné par la couronne. Hors nous savons qu’Hérionne
n’est pas à Koraïe. Ça aurait été stupide de ma part de compter la
dessus tu ne crois pas?
Répondit le chauve avec un regard entendu

-J’ai choisi Koraïe comme destination par ce que c’est le lieu


où nous sommes le plus successible d’apprendre quelque chose
concernant ton Ankh. Ton père et ta mère ont longtemps profité de
l’asile. Eyjil les aimaient beaucoup…
495

-Eyjil?

-La précédente réincarnation de la gardienne. C’est ainsi


qu’elle s’appelait. As-Tu entendu parlé des « Bellator »?

Les yeux d’Elysson s’illuminèrent…

-Jenevah nous en avait parlé une fois, il y’a trois ans. Des
guerrières dédiées à la protection de la gardienne et de la cité de
Koraïe. On dit que c’est la force armée la plus redoutable de
l’archipel. Mais comme elles ne prennent pas part aux conflits du
royaume, personne n’a pu le vérifier. Beaucoup passent leur vie sans
jamais en croiser une. Elles sont choisi à la naissance par la
gardienne cela suppose qu’elles sont exceptionnelles…

-Oh! Je vois que tu sais déjà plein de choses.

-Nath et moi nous rêvions de devenir des bellator. Cela a duré


une semaine. Le temps pour nous de comprendre que ce n’était pas
le genre d’ordre qu’on pouvait intégrer par le mérite…

-Tu ignores donc l’essentiel…

-Comment cela?
496

-C’est Adonis qui a créer l’ordre des Bellator, et elles avaient


pour mission de protéger ta mère partout où elle se rendait. Il a
choisi des femmes redoutables par ce que seule une femme peut voir
certaines choses. Il les a voulu doué de dons exceptionnels par ce
qu’il craignait que ta mère soit poursuivit par l’ire de Nagga. Quand
tes parents ont quitté Koraïe, l’ordre a été reprise par Eyjil elle
même. Elle a choisit de nouveau membres quand les anciens sont
morts. Je doute qu’elle ait eu à cœur de créer un critère de sélection
basé sur les clivages, mais la rumeur a fait de ces choix ce que tu en
as entendu.

Elysson avait écouté religieusement une question lui brûlait les


lèvres:

-Ma mère… elle était reine… De quelle famille venait -elle?

-Sa majesté Jeassica, était la fille de D’Alvaro de Gargan,


seigneur de Glastone.

-Les Gargans, se sont les gouverneur du sud…

-Oui, Les gauvinals sont d’ailleurs un de leurs vassaux. Le


seigneur Juan de Gargan est ton cousin… Son père et la reine
jeassica, étaient frères.

-L’archiduc Juan n’était pas présent au couronnement…


497

-La brouille entre le trône et les gargan dure depuis que la reine
jeassica est partie avec ton père… Le roi Léo 1er en a voulu a son
père de ne pas lui avoir prêté main forte pour récupérer son épouse.
Alvaro a même hébergé tes parents durant leur fuite. Il faut dire que,
Jeassica était sa dernière fille, elle avait à peine treize ans lorsqu’elle
fut mariée au roi et tous s’accordent à dire qu’elle était déjà à cette
époque la jouvencelle la plus accorte du royaume. Le vieux Léo en
est tombé fou amoureux et on éconduit pas un roi. Il l’a donc
épousé. Elle lui a donné un fils à ses seize ans, Léo II. Mais ta mère
était malheureuse à la cour. Très malheureuse.
Elle répétait sans cesse que le soleil de ses terres lui manquait
et qu’elle étouffait sous la grisaille de pendragon. Pour ne rien
arrangé le roi son mari, avait l’apparence d’un quinquagénaire gras,
peu de temps à lui accorder et peu d’humour. A l’inverse de ton père
qui malgré son âge conservait grâce a l’ankh l’éternelle jeunesse. Ils
se sont connu et tout de suite, ils se sont aimés.
Malheureusement, ton père avait déjà comme la reine, promis
amour et fidélité à une autre.

-Et cette autre était le dragon des mers…

-Oui… Nagga était enceinte quand elle a appris la nouvelle.


Cela à déclencher l’Accouchement L’enfant n’a pas survécu. Elle a
juré de le faire payer à ton père et à la reine. Ton père savait de quoi
elle était capable c’est pourquoi il a demandé l’asile à Koraïe. Mais
ta mère tenait accoucher sur l’île où était née la glorieuse Sayida…
Ton père m’a céder son navire afin que je serve de leurre. C’est là le
seul service que j’ai pu lui rendre. Et ils ont embarqué à bord d’un
vaisseau de commerce pour Carma. Ils y ont vécu cachés, de
nombreuses années. Son mari est mort et son fils Léo II monta sur le
trône. Quand elle est tombée enceinte de toi, Adonis m’a écrit. Au
risque que Nagga intercepte la missive. Ta mère souhaitait que tu
naisse a gargan, sous le soleil. Adonis voulait que je les aide a
effectuer le voyage. Je n’ai pas répondu à sa demande. Alors, ils ont
498

prit la mer. Elle n’y a pas survécu…. Et j’ai pensée que toi non
plus…

Merhvouivre prononça ses dernière phrases la voix lourde de


remord.

Elysson connaissait déjà cette partie de l’histoire. Merhvouivre


la lui avait raconté quand elle avait repris connaissance après le
massacre des prêtres. Aussi n’était elle plus aussi ébranlée.

-le capitaine Cikaly veux me tuer maintenant qu’elle sait qui je


suis n’est ce pas?

Le chauve réfléchit un instant:

-Difficile à dire… Mais une chose est sure si tu parviens à


maîtriser le pouvoir que t’as légué ton père, tu n’auras plus rien à
craindre d’elle…

Les jours qui suivirent, furent calme et brumeux. Elysson


repensa souvent à l’histoire de sa naissance. Elle souhaitait dire à
Merhvouivre qu’il n’avait rien à se reprocher. Il ne pouvait pas
prendre le risque d’affronter Nagga à cause de la loi de sayida.
Un matin, Elle sortie de sa cabine et monta sur le pont, le
chauve se trouvait sur la proue. Elle marcha d’un pas résolu vers lui.
La brume se dissipa peu à peu.
Elysson éblouit par le soleil leva la tête.
Elle fut subjuguée.
499

Une ile se dressait loin au dessus d’eux. suspendue entre la


mer et les cieux. Cette immensité flottante, scintillait tant qu’elle
semblait irréelle. Des chutes d’eaux, en dégringolaient et se jetaient
dans la mer, aux quatre points cardinaux, provocant de gigantesques
remous.
L’Adonis avait trois mâts, sur lesquels étaient tendues des
voiles immaculées. Au-dessus de la première, se trouvait une vigie.
Le marin qui y était posté hurla:

-Koraïe en vue!!!

[saut de page]

Un brouillard épais entourait l’île aux saphirs. Le vent était


tombé et le léviathan avançait lentement sur les eaux grises
houleuses. A l’avant de son bâtiment, le dragon des mers donna
l’ordre de jeter l’ancre.
-Tirez un coup de canon. Pour avertir les autres navires. Que
personne n’aille plus loin.
Ordonna t’elle aux membres de son équipage.
Ces derniers s’exécutèrent avec la célérité conférée par
l’habitude. Quelques minutes seulement après, une déflagration
fendit l’espace. Les autres bateaux venant à leur suite ramenèrent les
voiles et attendirent les ordres.

-Phillipe? Prenez le commandement. Que personne ne face


quoi que ce soit avant mon retour.
Dit la femme avant de sauter par dessus bord.
Une colonne aqueuse s’éleva plusieurs mètres au dessus du
niveau de la mer comme un mini typhon et la réceptionna.
500

Les hommes restés sur le navire observèrent leur capitaine


disparaître dans le brouillard, subjugués par sa maîtrise de l’eau.

A travers le brouillard, Nagga ne discerna d’abord rien. Puis,


les premiers récifs apparurent et elle vit la plage.
Le typhon perdit en puissance au fur et à mesure qu’elle s’en
rapprochait et lentement, elle posa le pieds sur rivage.

Vartagême était une Île au Sud Ouest de la capitale. Le climat


y était humide et le ciel couvert plus de la moitié de l’année. La
famille royale l’avait conquise un millier d’années plutôt, pour ses
ressources minières importantes et y avaient fait installer l’un des
premiers avant poste de la vermarme. La population originelle de
cette île était des Nîmes. Comme ceux de Carma. On y trouvait
aujourd’hui encore de petits groupes d’habitants, vivants de la
chasse et de la cueillette comme leurs ancêtres. En contre parti de
l’exploitation de leur ressources, le peuple de Vartagême avait
requis de la couronne qui son mode de vie ne soit pas bouleversé.

Les hommes d’Evrath avaient sans doute peu à faire de ce


genre de considération. La plus grande partie de l’île était encore
sauvage.
Avançant au milieu des frondaisons de la forêt verte et
luxuriante, Nagga dut dégainer son épée pour se tailler un chemin au
travers des lianes.
Ses sens extraordinairement développés l’avertirent qu’elle
était observée. Sans crainte aucune, le capitaine corsaire poursuivit
sa progression jusqu’au centre de la jungle.
Un bruissement sur sa gauche attira son attention. Un énorme
jaguar à la robe fauve tachetée de noir, apparut derrière un tronc
d’arbre, se pourléchant les babines. Nagga échangea un regard
carnassier avec le fauve. Ses yeux jaunes scintillèrent.
501

La bête, bondit et en quelques mouvement simple se porta à sa


rencontre.
Nagga, rangea sa lame et suivit l’animal des yeux.
Lentement, elle disparut derrière un fourré.
Le dragon des mers s’engagea à sa suite.
Elle parvint à une petite clairière, le grondement d’une cascade
lui indiqua qu’elle avait atteint son but.
Le capitaine écarta les buissons, et tomba sur une rivière qui
dévalait une impressionnante paroi rocheuse pour se déverser dans
un petit lagon.
Le bruit de la cascade couvrait les éclats de voix d’hommes et
de femmes, nues s’adonnant à des jeux sensuels dans le bassin.
A travers la vapeur d’eau dégagée par les remous et l’écume
blanche, Nagga reconnut Evrath.
Il tenait contre son torse musclé, une jeune femme au teint café
comme lui. Sa bouche gourmande, allait chercher les lèvres
pulpeuse de sa partenaire. La femme portait autour des hanches un
collier de saphir bleus scintillant. Nagga devina en observant les
tatouages tribaux qui lui couvrait le dos qu’il devait s’agir d’une
Nîmes . Elle tenait Evrath captif de son regard, et ses doigts fins
glissaient dans son abondante barbe noire.
Il y’avait en tout une dizaine d’hommes et le double de
femmes.
Un paradis de luxure…
Les uns s’aspergeaient d’eau en riant à gorges déployés et les
autres, suivant l’exemple de leur chef gouttaient aux plaisirs de la
chaire.
Le jaguar se jucha sur une roche humide d’un bond. Il s’assit
sur son arrière train et observa Nagga. Puis, il poussa un
rugissement.
502

Les hommes se turent et soudain, se rendirent compte de la


présence du capitaine corsaire. Tous perdirent leur sourire. Et ceux
qui tenaient des femmes dans leur bras s’en écartèrent, Evrath le
premier.

Nagga lui lança un regard froid.

-Vous semblez prendre du bon temps messieurs…


Déclara t’elle d’une voix si forte qu’elle domina le fracas de la
cascade.

Lentement, Evrad avança jusqu’à la berge et posant les pieds


nue sur la vase, sortit de l’eau. Il n’était pas complètement dénudé,
et une culotte défraîchie cachait sa virilité.

Les perles dans ses locks noirs, cliquetèrent quand il


s’agenouilla.

-C’est un honneur de vous revoir mon capitaine. Nous avons


senti votre arrivée prochaine grâce aux esprits de la forêt…

Evrad était bel homme, le dragon détailla sa musculature


épaisse et déduisit qu’il avait encore du gagner en force. Un
réceptacle adéquat pour l’Ankh si il s’avéraient qu’il n’avait pas
trouver ce qu’elle cherchait…

-Épargne moi les formules de politesses. As-tu trouvé ce dont


j’ai besoin?
503

Evrath se releva lentement, il étendit la main vers le lagon et


répondit avec un sourire mystérieux:

-Oui mon capitaine. Approche!


Ordonna t’il.
La jeune femme aux tatouages, sortie de l’eau. Et prit la main
tendue par Evrath pour ne pas glisser sur la glaise. Au contraire du
pirate, elle était totalement nue.
Nagga l’observa attentivement.

La femme dont les longues mèches de cheveux cachaient les


auréoles, avait un charmant visage rond et malgré son teint café, ses
yeux étaient aussi bleus que les pierres autour de ses hanches.
Elle se mit à genoux devant le dragon des mers.
Nagga retira un gant de sa main et lui prit le menton. Inspectant
des pupilles avec plus d’attention

-C’est bien une Nehanda… Où l’as tu trouvée?


Demanda le dragon des mers à Evrath.

-Une petite île non loin de koraïe.

Nagga observa encore la jeune femme un instant:

-Comment t’appelles -Tu? Lui demanda t’elle.

-Nyamhika… répondit -elle

A son accent, Nagga devina qu’elle ne devait sans doute pas


parler le Nime moderne .
504

Lorsque l’on communiquait dans la vielle langue on pouvait


aisément décoder la nouvelle, mais l’inverse n’était pas possible.
Consciente de ce fait Nagga lui demanda en nime ancien:

-Te traite-il bien?

La jeune femme lança un regard furtif à Evrath.

-Oui… mais il manque d’endurance.


Répondit -elle.

Nagga lui adressa ce qui devait être un sourire et la releva…

-Qu’en est -il des hommes de la vermarme?

-Ils nourrissent les requins capitaine!


Répondit Evrath tout sourire.
Nagga acquiesça satisfaite :

-Ce soir, nous procéderons au rituel… Veille à ce que les


préparatifs soient parfaits…

-Bien mon capitaine! Et pour mes homme?

Demanda Evrath…

Pour lui, cet instant était le moment de vérité.


505

-Combien sont-ils à t’avoir accompagné…


Demanda Nagga qui déjà lui avait tourné le dos.

-Douze mon capitaine!

-Prenez une carte une choisissez douze châteaux…Pas un de


plus. Lorsque j’aurai brisé la loi, nous informerons le reste de la
flotte et nous partirons à l’assaut de Pendragon. Une fois Le trône
entre mes mains, vous prendrez ce qui vous revient.

Elle s’en alla de nouveau à travers les frondaisons, le fauve


sauta de son rocher et la suivit.

Evrath se retourna et cria à l’adresse de ses hommes:

-Avez-vous entendu messieurs?! Ce soir est le premier jour du


reste de votre vie!

Une clameur des hommes monta dans la jungle …


506

Achevé d’imprimer en janvier 2013 par LEN S.A.S. – 92150 Suresnes


Dépôt légal : janvier 2013
Imprimé en France

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