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Economie des matières premières

3. Où sont les raretés? Ressources ou poubelles ?


Pierre-Noël Giraud

Mines Paris-Tech et Dauphine PSL


2023

pierre-noel.giraud@mines.org Chaire FDD Dauphine et Chaire EIEA UM6P-Mines ParisTech 1


Quelles contraintes de rareté issues du capital
naturel ?
• La Démographie
• L’Eau et les matériaux de construction
• Les ressources renouvelables: sols, forets,
ressources halieutiques. Peut-on nourrir 12
milliards d’hommes ?
• Les énergies fossiles
• Les ressources minérales
• Les « poubelles »
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Démographie

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La transition démographique

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Démographie

• Stabilisation autour de 11 à 12 milliards


d’hommes à la fin du siècle
• Décroissante ensuite si taux de fertilité < 2
• Urbanisation généralisée
• L’émergence soutenable de l’Afrique est le
défi du siècle

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Démographie et ressources au XXème siècle

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Au 21ème: peut-on continuer?

• Demande
– Population: autour de 12 G avant la fin du siècle,
puis stabilisation
– 3 G rejoignent les « classes moyennes » d’ici 2030

• Une équation: ressources - demande - progrès


technique

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Rappel: Evolution séculaire du prix des commodités
Source: MGI

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L’eau: la ressource

• 110 000 km3 d’eau (soit 110 000 milliards de


tonnes) tombent en pluie chaque année sur les
continents émergés (soit près de 14 000 m3/ha).
• 70 000 proviennent de l’évapotranspiration des
sols et de la biomasse qu’ils portent.
• 40 000 seulement proviennent de nuages formés
au-dessus des mers et des océans où ils
retournent ainsi :
– 28 000 ruissellent en surface et 12 000 s’infiltrent
dans le sol et alimentent les nappes phréatiques.

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L’eau : les usages

• 80 % de l’eau captée est utilisée dans l’agriculture pour l’irrigation,


avec des rendements très contrastés: grands canaux /goutte à
goutte.
• L’eau industrielle ( 10%) et domestique ( 10%) est recyclable.
• Sur les cotes, le dessalage de l’eau de mer avec de l’électricité
décarbonée est une option pour de nombreux pays

• Conclusions:
• L’eau pose plutôt des problèmes, souvent graves, de pénurie
locale
• Tensions locales très fortes : grands fleuves, conflits d’usage

• Abandonner l’autosuffisance alimentaire, mais dépendance ?

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Les matériaux de construction

• Importance en volume : 1/3 de la


consommation matérielle d’un américain
moyen et 2/3 de celle d’un chinois
• Mêmes problématiques que l’eau:
– Ressources abondantes
– Mais voyage peu ( 200 km pour le ciment)
– Des tensions locales sur certains matériaux
– Une exploitation souvent non soutenable des
carrières

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Les ressources renouvelables: sols, forêts,
ressources halieutiques
Nourrir correctement 12 milliards d’hommes ?

• Selon la FAO: c’est possible, avec évolution du bol


alimentaire moyen ( malnutrition /obésité)
• A condition de doubler la production alimentaire
mondiale
– Terres encore disponibles
– Irrigation
– Augmentation des rendements moyens sous condition
d’une « révolution doublement verte »
• Nécessité de « l’agriculture de conservation ».
• Attention aux pollutions : engrais, herbicides, pesticides, OGM
• Une grande inconnue: effets des changements
climatiques ?
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Terres disponibles
Figure 1.6 pour
World land availability la culture
with potential pluviale
for rainfed crops (million ha)
In use rainfed In use irrigated Spare usable
Forest/protected/built-up Total
3500 3180

3000 2738

2500 1299
992
2000

1500 1315
1064
524
1000 1522
349 135
500
61
381 682 47 32
0 177 43
Prime land Good land Marginal land Not suitable
By suitability class for rainfed production

Source: Chapter 4, Table 4.6 (from the GAEZ).


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What part of this reserve may come under cultivation in the future? Not much, given the
Répartition
Figure 1.7 des
Land in use at terres
present, disponibles
increase to 2050 and remaining balance in 2050

In use - marginal (incl. irrigated desert) In use prime & good


Change of "in use" to 2050 Usable balance 2050 (prime & good)
1200
485

1000

800
400

600 314
555

400 94
51 4
200 49
183 37 175
152 140
57 50 34 50 66 61 69
0
-38

-200
sub-Sahara Latin America Near East/North South Asia East Asia Developed
Africa Africa
Source: Chapter 4, Tables 4.7-4.8.
Note: the data for land presently in use refer predominantly to 1999/2001 (from the GAEZ), but supplemented
by data from FAOSTAT forpierre-noel.giraud@mines.org
2005/2007. Chaire FDD Dauphine et Chaire EIEA UM6P-Mines ParisTech 14
Nourrir correctement 12 milliards d’hommes
Conclusions
• Les ressources existent :
– Suffisament de sols, sans déforester
– Eau, en améliorant fortement les techniques d’’irrigation
– Les réserves des engrais qui ne sont pas pleinement substituables( Phosphate,
Potasse), sont très importantes ( > 100 ans )
• L’enjeu essentiel est de doubler la production mondiale avec une
agriculture « durable »
– Fertilisation raisonnée
– Articulation culture-élevage-foresterie
– Lutte naturelle contre les pestes
– Développement de la biodiversité
• Techniquement faisable
– Au prix encore de nombreux progrès ( biotechs)
– Plus couteux, voire nettement plus
– Mais le bénéfice social total devrait être très positif: bien meilleure santé
publique

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Les enjeux principaux de l’usage des sols

• Pas l’alimentation …
• Le changement climatique
– Émissions et puits de carbone des différents
usages des sols ( Moins de viande, par ex.)
– Effets du CC sur les terres et les rendements
• La biodiversité
– Via le changement climatique
– Via l’usage des sols: destruction des habitats
– Bonnes intentions à la dernière COP…

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Les énergies fossiles

• Pétroles
• Gaz naturel
• Charbon

• Trop ou pas assez de carbone fossile ?

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Courbe de cout de développement des réserves
de pétroles (rappel)
$/bl Produc on cumulée 2035 IEA Pétrole non
conven onnel
300
Pétrole
conven onnel Pétrole de
roche mère

200

XTL

100

1000 2000 3000 4000 G bl

Source: IEA World Energy Outlook 2013

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Mais la géopolitique compte…

• Existence d’un oligopole, les pays du golfe arabo persique associés à


la Russie, au pouvoir de marché croissant sur le pétrole
conventionnel :
– Rend possible des crises d’approvisionnement d’origine
politique, avec flambées temporaires des prix bien au-delà du
niveau des substituts ( XTL)
– L’oligopole a aussi intérêt à l’instabilité du prix…
– Le pétrole pris dans les sanctions économiques
• L’oligopole du pétrole conventionnel fait face à une « frange
compétitive » croissante de producteurs de pétroles non
conventionnels ( shale oil en particulier) aux réserves ultimes
encore très mal connues

Incertitudes à court terme: fortes fluctuations possibles ( Cours 3)

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US*/MBTU

0,00
2,00
4,00
6,00
8,00
10,00
12,00
14,00
16,00
1991M1
1991M7
1992M1
1992M7
1993M1
1993M7
1994M1
1994M7
1995M1
1995M7
1996M1
1996M7
1997M1
1997M7
Le gaz naturel

1998M1
1998M7
1999M1
1999M7
2000M1
2000M7
2001M1
2001M7
2002M1
2002M7
2003M1
2003M7
2004M1
2004M7
2005M1
2005M7
2006M1
2006M7
2007M1
Henry Hub USA 1991-2017
Prix courants du Gaz Naturel

2007M7
2008M1
2008M7
2009M1
2009M7
2010M1
2010M7
2011M1
2011M7
2012M1
2012M7
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2013M1
2013M7
2014M1
2014M7
2015M1
2015M7
20

2016M1
2016M7
2017M1
Les tendances lourdes des prix du gaz…
• Le fait nouveau: les gaz non conventionnels, dits de schiste ou de
roche mère
• Les Etats Unis deviennent exportateur de GNL

• Globalisation, via le GNL, du marché du gaz

• Le pétrole qui se concentre dans les carburants pour le transport


• le gaz est en concurrence avec le charbon dans l’électricité
• le charbon a un prix gouverné par son coût de production + C02
• En conséquence:
– La logique ancienne de l’indexation gaz - pétrole disparaît
– Les marchés spot du gaz se développent, connectés par GNL
– Fluctuation des prix de marchés

• Un marché du gaz en train de devenir mondial,


compétitif, où les prix sont gouvernés par les couts de
production et de transport (gazoduc, GNL)
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Les tendances lourdes des prix du charbon…

• Réserves de 900 Gt, pour une consommation annuelle


de 7-8 G tonnes ( 112 ans de réserves)
• Ressources très importantes et réserves ultimes
inconnues ( exemple de Bornéo)

• Courbe de cout de développent des réserves très plate

• L’industrie du charbon est une industrie de travaux public


et de transport de masse, compétitive au plan mondial

• Le marché international du charbon est et restera


compétitif, avec des prix gouvernés par les couts de
production

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Énergie fossile: évolution prévisible des prix à
long terme
Gaz et charbon
• Marchés compétitifs gouvernés par les couts de
production
• Courbes de cout de développement des réserves
plates

Pétrole
• Plus instable mais plafonné par XTL
• Quelle place pour le pétrole de roche mère (light
tight oil) ?
• Géopolitique

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Energies fossiles et changement climatique

• En revanche:
– L’exercice de prospective des prix des énergies
fossiles ne permet pas de penser que
l’augmentation « spontanée » des prix de marché
des énergies fossiles permettrait d’obtenir des
émissions des CO2 compatibles avec un effet de
serre « tolérable »

– La lutte contre un effet de serre « excessif » doit


donc être prise en main par des Etats corrigeant
une « imperfection de marché » en donnant un
prix à l’émission de CO2
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Conclusions: trop ou pas assez de pétrole ?

• Maximum d’émissions de C02 selon GIEC : 1000 Gt ( 25 ans


d’émissions de l’an 2000 ), pour limiter le réchauffement à 2°

• Réserves de carbone fossile ( source World Energy Council)


– Pétrole: 225 Gtep
– Charbon: 890 Gt= 623 Gtep
– Gaz:210 000 milliards de m³= 189 Gtep

• Si tout était brulé: 4000 Gt de C02 émis

• On a déjà découvert trop de pétrole et de carbone


fossile pour ce qu’on peut se permettre d’en bruler

• Il n’y a rien à attendre d’un prétendu épuisement des


ressources d’énergie fossile pour nous aider à réduire
les émissions de CO2

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Les ressources minérales hors énergie

• Les technologies « vertes » utilisent beaucoup de


métaux dont l’approvisionnement pourrait devenir
« critique »
• A typical electric car requires six times the mineral inputs of a
conventional car, and an onshore wind plant requires nine times
more mineral resources than a gas-fired power plant». (IEA The
Role of Critical Minerals in Clean Energy Transitions).
• Voir aussi :
• The Role of Critical Minerals in Clean Energy Transitions. IEA
• GTK Research: The Currently Known Global Mineral Reserves Will
Not Be Sufficient to Supply Enough Metals to Manufacture the
Planned Non-fossil Fuel Industrial Systems https://www.gtk.fi/en/

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Les métaux critiques dans la transition
énergétique ( Source IEA)
The Role of Critical Minerals in Clean Energy Transitions Executive summary

The energy sector becomes a leading consumer of minerals as energy transitions accelerate

Share of clean energy technologies in total demand for selected minerals


100%

80%

60%

40%

20%

2010 2020 2040 2040 2010 2020 2040 2040 2010 2020 2040 2040 2010 2020 2040 2040 2010 2020 2040 2040
STEPS SDS STEPS SDS STEPS SDS STEPS SDS STEPS SDS
Lithium Cobalt Nickel Copper Rare earth elements

IEA. All rights reserved.


Notes: Demand from other sectors was assessed using historical consumption, relevant activity drivers and the derived material intensity. Neodymium demand is
used as indicative for rare earth elements. STEPS = Stated Policies Scenario, an indication of where the energy system is heading based on a sector-by-sector
analysis of today’s policies and policy announcements; SDS = Sustainable Development Scenario, indicating what would be required in a trajectory consistent with
meeting the Paris Agreement goals.

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Les ressources minérales hors énergie

• Rappel
– Les réserves ultimes ( cout inférieur à un substitut abondant) sont
inconnues…
– … en raison de la logique économique de la recherche minière : 30
ans de réserves est un optimum économique pour une entreprise
• Inquiétudes sur:
– cuivre,
– cobalt,
– coltan (tantale pour condensateurs sur mobiles),
– lithium,
– terres rares : Le néodyme, le praséodyme, le dysprosium et le terbium
sont les quatre ÉTR fondamentaux pour les aimants permanents.
• Elles sont justifiées par la forte augmentation prévisible de
leur consommation au cours de la transition énergétique

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Les ressources minérales hors énergie, suite

• Compte tenu des courbes de cout de développement


des réserves de ces minerais, la vive croissance de la
demande devrait provoquer une hausse durable des
prix

• En raison de possibles goulots au niveau de la


production, en particulier les retards apportés aux
nouvelles mines par les oppositions et les exigences
environnementale, il pourrait y avoir aussi de fortes
envolées temporaires des prix ( voir cours 3)

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Métaux critiques : autres défis
Cf. Guillaume Pitron. « La guerre des métaux rares »

• Inquiétudes légitimes concernant :


• l’impact environnemental des mines et de la
métallurgie de ces métaux, particulièrement les
mines dites « artisanales »
• Exemple du Coltan au Congo:

• La dépendance actuelle à l’égard de certains


producteurs quasi monopolistes ( Terres rares en
Chine)

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Réponses aux défis

• L’impact environnemental des grandes mines


industrielles est maitrisable avec les techniques
actuelles, au prix d’une augmentation des couts
• Il est possible de contrôler assez largement le
secteur informel
• L’augmentation de la demande et des prix
augmentera la diversité géographique de la
production ( ex: terres rares en Europe et aux
Etats Unis)
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Récapitulation à ce stade

• L’humanité va plafonner à 12 milliards d’hommes


au XXIIème siècle
• Ils seront riches de cent ans de progrès technique
supplémentaire alors qu’il n’y a jamais eu plus de
chercheurs sur la planète. Un progrès technique
inimaginable, au sens propre
• Franchir ce siècle ne pose aucun problème de
rareté des ressources naturelles, si nous
préservons la capacité productive des
écosystèmes vivants
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Mais…

• Nous détruisons de nombreux écosystèmes


vivants en les surexploitant

• Nous avons un très sérieux problème de


poubelles, c’est à dire de dépassement
destructeur des seuils de rejets admissibles
par les écosystèmes et les cycles physico-
chimiques naturels

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Rappel sur le capital naturel renouvelable

• Ses écosystèmes fournissent des flux de:


– Matières: agriculture, élevage, pêcheries, sylviculture
– Energie: solaire sous toutes ses formes
– Services:
• Régulation climatique et du cycle des eaux
• Traitement et recyclage des déchets humains
• Existence de taux de prélèvements et de taux de
rejets maximum soutenables et d’effets de seuil
avec dynamiques non linéaires

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Les atteintes “ locales ” aux écosytèmes

• Surexploitation des terres et des forêts:


destruction des sols et désertification
• Surexploitation et destruction des ressources
halieutiques
• Perturbation du cycle local des eaux
• Extension des zones bâties sur des zones à
riche biodiversité
• Pollutions locales des sols, de l’air et des eaux
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L’effondrement des prises de morues au large de
terre neuve: un effet de seuil

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Quelle est cette frontière ?
Et que s’est – il passé ?

30/01/202
pierre-noel.giraud@ensmp.fr/ Un. Dauphine/Chaire Finance et Développement Durable 37
3
La tragédie des « biens communs » ( commons)

• La surexploitation d’une ressource relève


souvent d’un phénomène que l’on qualifie
depuis Hardling de « tragédie des
communs ».
• Elle peut se produire quand la ressource est
en accès libre ou réservée à une communauté
de taille croissante
• Beaucoup des problèmes de surproduction et
de sur pollution sont de ce type

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Maitriser les « tragédies des communs »

• Nous verrons au Cours 4 comment analyser et


traiter cette tragédie
• Mais il faut déjà souligner que :
– C’est possible, car cela concerne généralement un
petit nombre d’acteurs, plus facile à coordonner et
à contrôler que la multitude des émetteurs de GES
– Cela se fait: baleines, thon rouge, etc.

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Conclusions sur la sur-exploitation des écosystèmes
vivants: sols, forets, mangroves, ressources
halieutiques

• Réversible si l’on ne va pas jusqu’à la


désertification des sols
• Cycle de reconstitution de la ressource à
échelle humaine ( n x 10 ans )
• Tragédie des communs maitrisable
• Ressource « réparable »

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Sur comment réparer la Terre : un livre culte ….

« L’homme qui plantait des arbres »


Jean Giono, Gallimard
1996 pour l’édition de poche

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Les pollutions locales

• Pollutions urbaines de l’air ( particules, NOx,


ozone, etc.)
• Pollutions locales des eaux
• Même problématique que la surexploitation
des écosytèmes
– Réversible, temps de reconstitution en nx10 ans
– L’effet des politiques est immédiat
– Possible: le fog de Londres, les Agences de bassin
en France

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Ressources ou poubelles ?

• En conclusion
• Les ressources dites épuisables sont en fait à l’échelle
humaine, « inépuisables »
• Les dégradations des écosystèmes naturels sont
maitrisables à cout social limité, car elles posent des
problèmes de coordination relativement simples

• En revanche nous avons d’énormes problèmes de


déchets: GES, plastiques, produits toxiques, dont la
réduction et la suppression est une question beaucoup
plus complexe
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Les enjeux globaux des émissions de déchets

• Changement climatique
– Inconvénients
• Niveau des mers
• Désertification
• Évènements extremes
– Dynamique non linéaire et non reversible

• Pollutions des oceans

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Une consequence irreversible :
L’effondrement de la biodiversité
• Déja très engagée par les pollutions et les
destructions locales d’écosystèmes, sols, zones
humides et forêts

• Très aggravée par l’effet de serre et la pollution


des océans: ils sont bien trop rapides, les espèces
n’auront pas le temps de migrer (sauf homo
sapiens)

• Disparition des mammifères dans deux siécles?

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Conclusion générale sur la « rareté » du capital
naturel

• Nous n’avons pas de problème de ressources en


amont du système productif

• Nous détruisons localement des ressources


renouvelables en les surexploitant et en les polluant,
ce qui engendre des trappes de pauvreté (cours N°4)
et une accélération de la réduction de la biodiversité

• Nous avons de très sérieux problèmes de poubelles


globales en aval: effet de serre, océans, destruction
des sols

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La « transition » à un monde sans émissions de GES
Quelques remarques

– Du bon usage des Analyses de Cycle de Vie (ACV)


– De « l’équation de Kaya » à : il n’«y a qu’à»
– Croissance ou décroissance ?
– Quelle mesure de l’effort à consentir pour
parvenir à un monde sans émissions de GES ?
– Remarques sur les instruments

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Du bon usage des ACV (Analyses de Cycle de
Vie)
• Exemple de mauvaise question: le « rendement énergétique » global du
photovoltaïque ou sa consommation de cuivre.
• L’homme ne fait jamais que transformer une forme d’énergie en une autre
L’entropie est croissante, les rendements dans les conversions d’énergie (charbon-
> électricité par exemple) sont toujours < à 1 (Carnot)
• Ainsi le « rendement en énergie » d’une centrale au charbon est de l’ordre de 30%
( la quantité d’énergie électrique produite n’est, en valeur calorifique, que 30% de
l’énergie contenue dans le charbon).
• Ce qui compte, ce n’est pas le « contenu en énergie », car il est économiquement
optimisé, étant directement inclus dans les couts des intrants de la fabrication de
la forme d’énergie considérée.
• Ce n’est pas non plus la consommation de réserves minérales: cuivre, lithium,
etc…, également économiquement optimisée, comme on l’a vu.
• Le résultat intéressant des AVC, c’est le contenu en CO2 ( qui lui, est gratuit et donc
pas du tout économiquement optimisé) des filières entières, par exemple du
photovoltaïque au véhicule électrique, ainsi que le contenu de ces filières en
autres polluants gratuits.
• Les AVC servent à mesurer les « externalités », ce qui est hors marché

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L’équation de Kaya

C02 émis Contenu en CO2 Intensité Croissance Population


de l’énergie énergétique
du PIB
• CO2 = CO2/TEP x TEP/PIB x PIB/POP x POP

• Les variables ne sont pas indépendantes


• « L’équation de Kaya » ne dit rien des causalités
et donc des moyens d’action
• Ce n’est qu’une triviale « identité comptable »,
comme « l’équation quantitative de la monnaie »
• Mv = p.PIB
• Si, par exemple, M , alors: p , ou PIB , ou v ????
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Que peut-on lui faire dire, si l’on veut
diminuer fortement les émissions de CO2 ?
CO2 = CO2/TEP x TEP/PIB x PIB/POP x POP
• « Ca va être très-très compliqué et il faut
s’attendre au pire », car:
– Il est très difficile (cher) d’agir sur CO2/TEP
– Le ratio TEP/PIB est quasiment une « contrainte de
la nature » (pas de croissance sans énergie)
– Reste donc :
• La décroissance économique: PIB/POP
• La décroissance démographique : POP
• Effondrement ou décroissance accélérée
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Mais aussi :

• CO2 = CO2/TEP x TEP/PIB x PIB/POP x POP


• « Il n’y a qu’à »:
– Faire le maximum pour réduire TEP/PIB (économies d’énergie),
avec un prix du CO2 conforme à ce qui permettrait d’atteindre
l’objectif de neutralité en 2050, mais sans aller au delà de
l’optimum économique …
– Réduire quasiment à zéro CO2/TEP : passer aux énergies non
carbonées et « piéger » le CO2 résiduel, par des mesures
réglementaires fermes car les instruments économiques n’y
suffiront pas
– Faire un vaste plan pour la RD qui manque encore (batteries,
hydrogène, nucléaire 4G, etc)
• Mais alors, il faut se demander quels seraient les effets sur
PIB/POP: quel serait le « cout » de la transition ?

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Le cout de la transition (en termes de PIB)

• Pas de contrainte de capacité d’investissement


– La transition « coutera » 1,25% du PIB pendant trente ans selon l’ONU
– l’épargne actuelle est de 25% du PIB en UE
– On a a priori aucun problème de financement des investissements de transition
énergétique
– Cf: P. Artus: « Ce qui pose problème dans la transition énergétique, c’est la
compétitivité-coût » Le Monde 07/02/21
• Une bonne question pour mesurer l’ampleur des transformations
nécessaires:
• Quelle fraction du PIB faut-il « déplacer » en trente ans pour assurer
la transition?
– Aujourd’hui produire les énergies ( à 80% fossiles) « consomme » 6% du PIB mondial (
variable selon les prix du pétrole)
– Le cout de l’énergie sans CO2 est entre 2 et 3 fois supérieur, prenons 2,5
– La part du PIB énergie dans le PIB doit donc passer de 6% à 15% ( x 2,5)
• La transition, c’est en 30 ans ( 2020-2050), reconvertir 6% du PIB des
énergies carbonées vers les énergies sans CO2 et « déplacer » 9 % du
PIB du « hors énergie » vers les énergies sans CO2.
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La transition: croissance ou décroissance ?
PIB et PIB hors énergie 2020-2050
Croissance du PIB:1,5%/an
Part de l'énergie dans le PIB passant de 6 à15%
180
160 156
140 croissance du PIB : 1,5 %/an
120 133
100 100
croissance du PIB hors énergie: 1,16 %/an
80
94
60
40
20
-

pib pib hors énergie

Avec une croissance du PIB de 1,5%/an, il n’y a même pas « décroissance »


du PIB hors énergie: + 1,16%/an pour faire passer la part de l’énergie de 6 à
15% du PIB

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Déplacer 9 % du PIB en 30 ans: est ce facile ?
Source: Insee pour la France, calcul PNG
% du PIB 1980 2010 Variation du % Facteur /ou x
Agriculture (10/80)
Agriculture Industrie 4 1,8 -2,2 / 2,22
Industrie 23,7
Agriculture+ 13,4 -10,3 / 1,77
Agriculture industrie 27,7 15,2 -12,5 / 1,82
+ industrie
Santé 6,7 9,2 +2,5 x 1,37
Services Financiers, 11,4 16,8 +5,4 X 1,47
assurances,
immobiliers
La transition énergétique
2020 2050
Energie 6 15 +9 x 2,5

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Autre exemple: l’Etat social en Europe:

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Commentaire du schéma précédent

• Entre 1910 et 1940 la croissance des fonctions


sociales de l’Etat déplace 15 % du PIB en
Europe: elles passent de 2 à 17% du PIB

• Entre 1980 et 2010 , éducation, santé et


autres transferts sociaux déplacent encore
près de 10 % du PIB

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Croissance verte ou décroissance ?

• Il faut protéger les écosystèmes vivants de la


surexploitation
• Il faut faire décroitre les rejets toxiques,
rapidement et jusqu’à les annuler
• Les effets sur la croissance du PIB, ce n’est pas
le sujet
• Le sujet c’est de maitriser les inégalités
induites

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A quoi faut il passer plus de temps ?

• Mieux vaudrait raisonner en termes de temps collectif


passé à différentes activités :
– Il nous faudra augmenter le temps consacré à produire de
l’énergie, de la nourriture, des services de santé
– Stabiliser celui consacré à l’éducation et la formation
– Diminuer le temps consacré à la production et la
consommation de biens-services, qui devront de plus être
profondément transformés: simples et robustes, durables,
réparables, recyclables
• La semaine de deux jours de travail ( 3 heures par jour,
comme l’homme « primitif ») n’est pas encore pour
demain

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Remarques sur les instruments

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La théorie classique de l’optimum de pollution

Couts marginaux

Couts
marginaux de
la pollution
et de la
dépollution

Taxe T
Optimum de pollution

Norme Q Degré de pollution

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Conditions de validité

• Il faut que les couts des pollutions soient mesurables,


continus, sans effets de seuil ni même brusque
accélération et bien connus
• Donner un coût à une perte de vie humaine pose de
gros problèmes
• Il faut que tous les acteurs soient capables d’effectuer
un calcul cout / avantage
• Les taxes provoquent des effets redistributifs
• Les normes peuvent être décentralisées par des
marchés de permis à émettre à condition que tous les
participants sont soumis à une contrainte quantitative
(ce n’est pas le cas au plan international)

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En réalité

• Les dommages connaissent des effets de seuils et des


dynamiques non linéaires
• Les émissions de déchets doivent être considérées
comme des « poisons »
• On interdit un poison, on le laisse pas en vente après
en avoir augmenté son prix
• L’instrument à privilégier est la norme, établie à dire
d’expert ( GIEC)
• Les taxes servent à corriger les effets redistributifs ( Ex:
voitures électriques d’entrée de gamme
subventionnées par une taxe sur les grosses voitures
thermiques )

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Conclusions
• La transition n’est certes pas facile: il s’agit d’un
changement structurel d’une ampleur inconnue au second
XXème siècle(1980-2020), mais en partie déjà rencontrée
au premier (1918-1980)
• Mais ce n’est pas hors d’atteinte.
• Il est évidemment urgent de s’y mettre sérieusement
• Le principal obstacle est politique, car les redistributions
induites posent des problèmes d’équité, internationale et
au sein des nations
• Au plan technique, il faut cependant encore progresser
rapidement vers un système : électricité sans CO2 +
hydrogène
• Enfin, il est désormais, hélas, tout aussi important de se
préparer aux conséquences du changement climatique que
d’agir pour les atténuer
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