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Cours de Sociologie

Chapitre 4 : Famille et transformations sociales

Semestre 2
Pr. LAGRARI Mohamed
Comme l'a écrit É. Durkheim, « Tout le monde, en
principe, appartient à une famille et en fonde une »

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I- La famille et ses fonctions
1- Définitions et vocabulaire
Définir ce que l'on nomme « famille » conduit à distinguer :
− Un sens large dans lequel la famille est un groupe social de taille variable regroupant
l'ensemble d'une parenté, c'est-à-dire toutes les personnes liées par des relations de filiation
(entre ascendants et descendants notamment) et/ou d'alliance (entre conjoints) : on y trouve
des liens consanguins (entre tous ceux qui ont un ancêtre commun comme des frères, des
sœurs), et des liens collatéraux (unissant des personnes ayant un ancêtre commun, mais dont
ils ne sont pas les descendants directs).
− Un sens plus restreint qui retient comme famille tout groupe (deux personnes au moins) ayant
des liens de parenté (de filiation ou d'alliance) et résidant ensemble.
− Les membres d’une famille domestique doivent nécessairement résider dans le même
logement, avoir entre eux des liens de sang, d’adoption ou de mariage. Ils peuvent former un ou
plusieurs noyaux familiaux, plus éventuellement une ou plusieurs personnes isolées, qu’on
appellera noyaux individuels.

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1- Définitions et vocabulaire

Le sens du mot famille varie selon les coutumes et les conventions propres à chaque société. Les
relations de filiation et d'alliance n'obéissent absolument pas aux mêmes règles partout dans le
monde.
La filiation (règles précisant les liens entre enfants et ascendants, les modes de transmission de la
parenté, du nom, etc.) prend des formes très diverses. Elle est dite patrilinéaire lorsqu'elle relie
les enfants à leur père, elle est matrilinéaire lorsqu'elle passe par la mère ; la filiation est
indifférenciée lorsque la filiation d'un enfant se situe indifféremment par rapport à ses deux
parents
Les règles d'alliance, et notamment de mariage, sont aussi très variables d'une société à l'autre. Si
certains pays ne reconnaissent que la monogamie, dans laquelle une personne ne peut avoir
simultanément qu'un(e) conjoint(e), d'autres pratiquent la polygamie qui autorise plusieurs
mariages simultanés. Dans cette dernière pratique, on distingue la polyandrie qui autorise une
femme à avoir plusieurs époux, et la polygynie qui donne le droit à un homme d’avoir plusieurs
épouses.

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2- Les fonctions essentielles de la famille
Une fonction de procréation: elle permet à l'espèce humaine de se reproduire en organisant
la filiation;
Une fonction de socialisation : La famille représente la première institution permettant à
l’enfant d’acquérir et intérioriser les normes, les valeurs et les rôles qui régissent la vie sociale
et construisent ainsi son identité psychologique et sociale
Une fonction de solidarités intergénérationnelles et de cohésion sociale : L'allongement de la
durée de vie tend à intensifier les liens sociaux entre parents et enfants, mais aussi entre
grands-parents et petits-enfants. A cause des occupations professionnelles, les enfants sont de
plus en plus pris en charge par les grands-parents au Maroc. De plus, au moment où l’Etat
peine à résorber les inégalités sociales et l'exclusion, la famille peut être un espace d'entraide
permettant à ses membres d’éviter une exclusion sociale.

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2- Les fonctions essentielles de la famille
Une fonction de gestion et de transmission d'un patrimoine: Cela concerne le patrimoine
économique (transmission de biens et d'argent, le capital social (relations, participation à des
réseaux...) et culturel (habitudes, goûts, savoir-être...). L’intégration initiale des jeunes dans la
société se fait généralement grâce aux ressources transmises par leurs parents. Dans cette
optique, P. Bourdieu souligne que la famille contribue considérablement aux mécanismes de
reproduction sociale.
Une fonction économique: La production domestique ou familiale a fortement reculé avec la
modernisation et l’industrialisation de la société. Désormais, l'activité économique essentielle de
la famille est surtout la consommation.
La façon dont la famille joue ces différents rôles dépend à la fois de sa forme, de l'organisation
sociale et du poids d'autres institutions en l’occurrence l'école, la religion ou l'État.

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II- Les transformations sociales de la famille
1- La nucléarisation de la famille
Le concept traduit un mouvement de passage de la grande famille , famille étendue ou
souche, dans laquelle plusieurs générations (enfants, parents et grands-parents) vivent
ensemble au modèle de la famille nucléaire composée d’un couple et de ses enfants.
La famille nucléaire constitue bien la structure la plus importante parmi les ménages
marocains. La famille complexe ou étendue représente 37,3% en 1995.

62,00%
60,30%
60,00%
58,00%
56,00%
1982 1995
54,00%
52,00% 51,10%

50,00%
48,00%
46,00%
Proportion de la famille nucléaire au Maroc
Source : ENF (Enquête Nationale sur la Famille) 96

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1- La nucléarisation de la famille
Les facteurs déterminants de la nucléarisation de la famille:
- Distanciation résidentielle par rapport à la grande famille imposée par les contraintes
professionnelles ( travail du mari ou de l’épouse loin de la résidence des parents);
- Éclosion de l’exogamie (le choix du partenaire hors le cercle familial);
- L’urbanisation et le passage de la grande maison à la petite (ou à l’appartement) pouvant
comprendre un nombre limité d’habitants ;
- Évolution des valeurs et normes sociales individualiste ( l’autonomie résidentielle permet de
profiter de l’intimité et d’éviter les conflits familiaux notamment entre la bru et la belle-mère);
L’individualisme : Conception selon laquelle l’individu est premier par rapport au groupe ou à la
société globale. Il s’agit d’un modèle de représentation de la vie sociale, faisant de l’individu lui-
même la valeur centrale d’une société.
NB: Au Maroc la famille se nucléarise de plus en plus, néanmoins, elle fonctionne encore en tant
que famille étendue. Les valeurs de solidarité et de soutien mutuel sont toujours présentes entre les
membres de la famille. Le pays est loin de converger vers le modèle de la famille occidentale
individualiste .
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2- Changement de la relation parents / enfants
a. L’enfant de plus en plus « un Roi »:
Dans les sociétés traditionnelles, l’enfant a une valeur économique et utilitaire, la
contribution de celui-ci à la survie et au bien-être de sa famille est fortement exigée. Cette
contribution prend la forme, soit d’une offre de travail gratuite auprès de parents, soit d’une
garantie de sécurité sociale à l’âge de la vieillesse.
Au Maroc cette vision persiste encore et surtout dans le milieu rural où l’enfant est encore
appréhendé comme une ressource potentielle d’amélioration des conditions de vie des parents.
Dans le milieu urbain, la diminution de la contribution productive des enfants et l’élévation de
leur coût, notamment en termes d’éducation et de soins , entraînent une augmentation sans
précédente de leur valeur psychologique (l’enfant roi).
Ainsi, les rapports intergénérationnels entre parents et enfants sont de moins en moins basés
sur la contribution économique future des enfants, mais plutôt sur leur valeur émotionnelle.

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2- Changement de la relations parents / enfants
b- La remise en question de l’autorité parentale:
Les adolescents émergent en tant que groupe défiant l’autorité parentale et tentant
d’imposer de nouveaux modes de comportement. De nos jours, certains jeunes et adolescents
écoutent l’avis de leurs amis beaucoup plus que celui de leurs parents. Ce processus semble
creuser davantage l’écart intergénérationnel au sein de la famille marocaine.
Les jeunes aspirent à un modèle de famille qui privilégie l’entente et le dialogue entre parents
et enfants. Ils rejettent l’obéissance aveugle à l’autorité parentale.
L’accroissement du niveau d’instruction des jeunes par rapport à leurs parents accélère le
fait que les normes et les idées d’une génération perdent de leur validité pour la génération
suivante, chose qui amplifie la distance psychologique entre parents et enfants.

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3- Le mariage une institution en mutation
Bien que le mariage soit encore largement considéré comme une valeur religieuse et sociale
de référence, l’âge moyen au mariage a énormément reculé entre 1960 et 2010.

NOMBRE DE MARIAGES AU MAROC L’âge moyen au mariage au Maroc


35 32,1
30,3
416 000 30 26,4
24,9
25
313356 20

15

194480 10

0
Hommes Femmes Hommes Femmes
Urbain Rural

1970 2010 2020 1960 1994 2014

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3- Le mariage une institution en mutation
Le mariage devient de moins en moins universel. En 2010, le célibat à 50 ans atteint 6,7%
parmi les femmes (contre 0,9% en 1994) et 5,8% parmi les hommes (contre 2,9% en 1994).
Cette évolution s’est accompagnée du recul du divorce. Si dans les années 1960, le tiers des
premiers mariages (31%) se terminaient par un divorce, le taux de divortialité dépasse à peine
10% en 2010.
Il est à noter que la proportion des femmes dont le premier mariage a été rompu par divorce
est la plus élevée pendant la période critique des cinq premières années de la vie conjugale
(supérieure à 30%). Elle baisse progressivement avec la durée pour atteindre des niveaux
inférieurs à 3% au delà de 20 ans de mariage.

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4- Transformation de la relation ente les sexes
Grâce à l’éducation des femmes et à leur insertion professionnelle, le mariage est de moins en moins
considéré comme un aboutissement social pour les femmes.
Exemple : Etude réalisée sur un échantillon de 400 femmes des zones rurales de la province du
Haouz a mentionné que les mères souhaitent surtout que la fille sorte du cadre domestique, fasse
des études, et trouve un travail comme institutrice (27,1 % des enquêtées), fonctionnaire (15,3 %),
médecin (13 %), professeur (4,6 %). (cité par EL HARRAS, 2006).
De même, au regard de l’accroissement du coût de la vie, les jeunes sont de plus en plus à la
recherche des femmes instruites et professionnellement insérées pour les aider à supporter les
charges de la vie et mieux accompagner les enfants dans leurs études. Ainsi, la fille qui a le plus de
chance de contracter un bon mariage est celle qui se présente le plus dans la sphère publique,
poursuit des études, exerce un travail.
Le travail féminin salarié contribue au changement des perceptions mentales qui réduit la femme à
la seule sphère domestique. A partir de là, on pourrait s’attendre à ce que le travail domestique et la
prise des décisions au sein de la famille soient de plus en plus partagés entre les époux.

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Bibliographie
El Harras, M. (2006). Les mutations de la famille au Maroc. 50 ans de développement
humain au Maroc.
Haut Commissariat au Plan, (HCP), (2005). Famille au Maroc: les réseaux de la solidarité
familiale-Chapitre 4. Famille et mobilité spatiale.
Beitone, A., Alpe, Y., Dollo, C., Lambert, J. R., & Parayre, S. (2010). Lexique de sociologie.
Lectures, Les rééditions.
Haut Commissariat au Plan,(HCP), (2005) Démographie Marocaine: tendances passées
et perspectives d’avenir. Centre d’études et de recherches démographiques.
Etienne, J., Bloess, F., & Noreck, J. P. (2004). Dictionnaire de sociologie. Hatier.

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