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Mots clés : livret EPS - parcours de formation - liaison primaire-secondaire - traces du vécu
continuité des apprentissages et de l’enseignement.
Hugo SALVADOR, Professeur d’EPS, Collège La vallée (REP), Epinay-sous-Sénart (91) - hugosalvador@live.fr
—> Permet aux élèves de visualiser à quoi sert l’APSA (nécessite une présentation du carnet de l’APSA en début de séquence pour que les élèves
sachent ce sur quoi ils vont travailler)
Depuis la réforme de l’enseignement secondaire continuité pédagogique et éducative entre l’école (APSAD) variées. Cette diversité est complexe,
(collège en 2015, lycée en 2019), la notion de et le collège » (Décret, 24 juillet 2013). Mais, plurielle et difficile à prendre en compte.
« parcours de formation de l’élève » revêt une dans la réalité du terrain, force est de constater Elle constitue une problématique professionnelle
place centrale 1. L’EPS est alors, au même titre que l’opérationnalisation de ces liaisons demeure importante du métier d’enseignant d’EPS.
que toutes les disciplines, contributive et consti- difficile. Le rapport produit par l’IGEN-IGAENR L’objet de cet article est de proposer une opéra-
tutive du socle commun de compétences, de sur la continuité pédagogique entre l’école et tionnalisation de l’outil « livret EPS » pour expli-
connaissances et de culture de 2015. Penser et le collège le souligne : « la problématique de la citer le parcours de formation de l’élève en EPS 2.
structurer l’Ecole Française à travers un socle continuité pédagogique entre l’école et le collège Plus précisément, il s’agit de présenter ses diffé-
commun « implique une acquisition progressive est diversement appropriée selon les territoires. rentes fonctions, usages, utilisateurs et enjeux
et continue des connaissances et des compé- […]. Les difficultés relèvent de plusieurs afin d’identifier sa plus-value. D’une part, du
tences par l’élève » (BOEN, 23 avril 2015). facteurs : facteurs organisationnels et struc- point de vue des enseignants (professeurs des
Dans les faits, il perdure parfois un cloisonne- turels, […] à la coexistence de deux cultures écoles et d’EPS, équipe disciplinaire), pour qu’ils
ment entre ce qui se vit et s’apprend entre l’école professionnelles et à une représentation encore proposent une discipline cohérente et de qualité.
primaire et le collège, et entre le collège et le partielle de la notion de cycle ». Il devient donc L’outil vise alors à « mieux connaitre » les élèves
lycée (Figure 1). urgent pour les élèves et pour la discipline de dont ils ont la responsabilité pour leur permettre
panser ces lésions pour « plus concrètement, de développer des compétences ciblées. D’autre
La première charnière se situe entre la fin de
envisager une véritable liaison primaire et part, pour l’élève (écolier, collégien, lycéen,
l’école primaire – dans laquelle l’EPS est conçue
secondaire en EPS et proposer une EPS de qualité étudiant), dans la construction de son parcours
et dispensée par un professeur des écoles polyva-
aux élèves » (Dietsch, Durali, Le Meur, Rolan et de formation EPS singulier, ambitieux qui s’enri-
lent – et le passage en classe de 6ème au collège
Choffin, 2020). chit au fil de l’eau d’expériences culturelles,
au sein duquel l’élève rencontre successivement
plusieurs professeurs d’EPS « spécialistes ». La seconde charnière se situe à la fin du collège. émotionnelles, corporelles et sociales vécues
C’est pourquoi, des échanges inter-degrés, Les professeurs d’EPS accueillent au lycée, des (Sève et Terré, 2016). L’outil vise alors à baliser
du co-enseignement, des immersions, parfois publics qui ont vécu des expériences corporelles et à accompagner l’élève tout au long de sa
des échanges de services et des « conseils diverses, construit des compétences parfois « vie EPS ».
écoles-collège » sont réalisés. Ces derniers se différentes et pratiqué des activités physiques
déroulent deux fois par an afin « d’améliorer la sportives, artistiques et de développement
1) Cette notion l’était déjà dans le référentiel des compétences professionnelles des métiers du professorat et de l’éducation invitant les équipes à « accompagner les élèves
dans leur parcours de formation » en « contribuant notamment à la réflexion sur la coordination des enseignements et des actions éducatives » (BOEN, 25 juillet 2013).
2) Plusieurs productions académiques (Bordeaux, Nantes, Nancy-Metz) ont déjà proposé des outils visant à suivre les progrès des élèves en EPS.
Notre propos tend à exposer complémentairement une démarche personnelle opérationnalisée aux finalités et usages différents, centrée sur une problématique
professionnelle encore prégnante. Pour plus d’exhaustivité, nous conseillons au lecteur de se référer aux sites EPS des académies mentionnées.
Au cœur de l’outil
et construit en termes de compétences et d’ex-
Le « livret EPS » : périences corporelles ;
Faire en sorte que l’outil
de quoi parle-t-on ? • L’accueil des nouveaux élèves du niveau 6ème soit opérationnel et adapté
L’outil a été initialement imaginé par un ensei-
et 2nde est marqué par un mélange d’incon-
nues et d’énigmes auxquelles il est difficile
à l’élève auquel il est destiné
gnant pour des classes de deux niveaux (5ème et de répondre : qu’ont-ils véritablement appris Au départ, ce livret a été instauré uniquement
4ème) d’un collège péri-urbain. Progressivement, et acquis ? Quelles APSAD ont-ils pratiqué ? à l’échelle d’une année scolaire pour pouvoir
l’équipe disciplinaire s’en est emparé pour le Quelles compétences motrices, sociales et récupérer les informations de l’élève utiles à
généraliser. La démarche est née de constats méthodologiques ont-ils acquis et stabilisé ? son enseignant d’EPS pour l’année suivante.
partagés en EPS : Quelles expériences et ressentis les élèves en Puis, progressivement, les quatre années ont été
• Les élèves ne gardent que peu de traces ont-ils gardé ? balisées pour lui permettre de rendre compte de
pérennes (apprentissages, connaissances, Ainsi, le « livret EPS » a pour origine une son parcours et de son vécu. Les photos ci-des-
ressentis, etc.) de leurs pratiques et des problématique professionnelle que connaissent sous (Photos 1 et 2) illustrent la première page
émotions éprouvées ; beaucoup d’enseignants désireux de proposer du livret d’un élève de 4ème et l’exemple d’une
• Bien que la programmation d’APSAD soit des contenus d’enseignement adaptés, ciblés et page d’une séquence de l’APSAD tennis de table
commune, les enseignants ne savent pas ambitieux en identifiant les besoins initiaux des vécue dans l’année :
précisément ce que les élèves ont vécu, appris élèves.
Photo 1 - Page de garde du livret EPS d’une classe de 4ème Photo 2 - Tableau synthétisant l’APSAD TT pratiquée
4 Notre métier
Il nous semble important de ne pas se détacher Photo 3 - Exemple de proposition de livret EPS en cycle 2-3
de l’idée selon laquelle l’outil doit avant tout dans l’APSAD course d’endurance
s’adresser à l’élève.
Pour nos élèves de 4ème, nous avons retenu les
informations suivantes :
1. Présenter le but de l’activité pratiquée : il
s’agit de comprendre, en tant que pratiquant,
ce que je dois faire et rechercher à chaque fois
dans la pratique de l’APSAD. Cette section sert
aussi à l’équipe enseignante pour s’accorder
sur ce que vivent les élèves (expériences en
EPS) et rendre cohérent ce qui s’enseigne ;
2. Présenter l’intérêt de pratiquer cette acti-
vité : il s’agit de comprendre ce que pratiquer
cette activité m’a apporté d’un point de vue
moteur, méthodologique et social : tenter d’es-
quisser les divers intérêts éducatifs portés par
l’APSAD ;
3. Présenter ce que l’élève y a appris : il s’agit
de revenir explicitement sur les principaux
apprentissages visés et/ou stabilisés durant
la séquence. Autant que faire se peut, cette
section doit être rédigée de sorte que, même
longtemps après, l’élève se souvienne de ce
qu’il a appris ;
4. Présenter les compétences travaillées dans
la séquence sur le cycle : il s’agit, à l’aide
d’un schéma, de retracer la principale compé-
tence motrice que l’élève a acquise au fil de la
séquence selon les AFC / AFL visés. Dans notre
exemple en tennis de table, trois compétences Avec un public plus jeune, les professeurs cette nécessité, c’est placer l’élève au cœur de sa
motrices ont été ciblées sur les quatre années des écoles que nous côtoyons nous indiquent propre scolarité. Dans notre proposition, d’années
collège, que l’élève va construire tout au long élaborer un livret plus imagé, moins dense, où en années, de cycles en cycles, l’élève chemine
des cycles 3 et 4 ; l’élève exprime davantage son vécu 3. Il demeure avec son livret.
5. Laisser l’élève exprimer ses ressentis, important au maximum d’épurer « son livret » Toutefois, pour « délaisser l’immédiateté »
inscrire sa note et ses progrès : il s’agit de (textes, sections, composantes, vocabulaire) subsiste un élément fondamental : « inscrire son
permettre à l’élève d’exprimer son ressenti. pour ne garder que des traces utiles à ses yeux et intervention dans un cadre collectif, au service
En quelque sorte, au cours de l’année et au aux futurs enseignants d’EPS. Il faut permettre de la complémentarité et de la continuité des
cours du parcours de formation, cette section à l’élève de se l’approprier et donc lui laisser la enseignements comme des actions éducatives »
revêt une forme de « suivi du ressenti de possibilité de dessiner, écrire, choisir (Photo 3). (BOEN, 25 juillet 2013). L’opérationnalisation que
l’élève » (Ménagé, 2014). Nous faisons le Ces réflexions de forme et de fond ont été discu- nous proposons de ce livret, n’est envisageable
choix avec nos élèves de 4ème, de privilégier tées collectivement entre collègues du premier et que si et seulement si les collègues partagent
une échelle d’émoticônes plutôt que de leur du second degré lors d’une rencontre profession- des intérêts (bénéfices, usages et suivi de l’outil,
demander d’écrire leurs propres ressentis car nelle destinée à « partager ses pratiques profes- conservation d’années en années, etc.) et colla-
elle constitue une identification plus acces- sionnelles EPS pour assurer une meilleure liaison borent à sa conception. Le concevoir, le mettre
sible pour leur niveau. Nous reviendrons sur ce du parcours de l’élève ». en œuvre et le réguler ne requière par un temps
point plus loin ; conséquent, mais nécessite une parfaite coordi-
6. Laisser l’élève exprimer ses remarques Garder des traces nation d’actions et de finalités. Nous proposons
personnelles : il s’agit de permettre à l’élève l’organisation temporelle suivante (Tableau 1)
de renseigner tout ce qui lui passe par la tête à
du parcours de formation qu’il conviendra d’adapter selon les contextes
l’issue de la séquence (ce qu’il a apprécié, ce en EPS de l’élève d’enseignement et les dynamiques collaboratives.
sur quoi il a progressé, ce qu’il sait maintenant
faire, ce qui l’a marqué, ce qui l’a préoccupé A travers le cadre notionnel du parcours de
etc.). Cette section peut être un moyen « d’en- formation, « ce qui est suggéré, c’est l’histoire
quêter sur les expériences vécues » (Sève, d’une discipline [l’EPS] qui délaisse les mirages
2014) par les élèves afin de les comprendre de l’immédiateté pour reconnaître la nécessité
pour, éventuellement, les prendre en compte. de la durée » (Delignières, 2016). Reconnaitre
3) Remarque : ce format de livret – plus épuré, au sein duquel l’élève renseigne lui-même ses informations – peut tout-à-fait convenir
à des collégiens selon la finalité recherchée. Nous reviendrons sur ce point ultérieurement.
Tableau 1 - Déroulé temporel des étapes et de ses objectifs pour opérationnaliser l’outil
4) Dans un premier temps, il peut être utile de restreindre l’échelle retenue (durée) du parcours de formation pour prendre en mains l’outil et l’utiliser à bon escient.
Par exemple, pour des enseignants d’EPS en collège, uniquement le proposer sur un niveau, puis sur les quatre années, puis prendre contact avec les professeurs
des écoles du bassin pour le déployer dans le bassin.
6 Notre métier
Figure 2 - Modélisation schématique du niveau d’expression de son ressenti nation pour stabiliser certains apprentissages.
Pour l’enseignant, l’enjeu est alors de permettre
à l’élève de s’approprier « ses évaluations » en
lui donnant l’opportunité d’écrire et de lire ses
progrès pour progressivement devenir un prati-
quant plus expert. C’est dans cette perspective
qu’il est possible de penser le livret. Il s’agirait de
demander à l’élève d’une part de s’autoévaluer en
fin de séquence à l’aide d’outils dotés de critères
et d’indicateurs précis (par exemple, avec nos
élèves de 4ème en tennis de table, sur deux critères
de réussite quantitatifs appréciant la maitrise
du jeu placé : le nombre de points gagnés dans
les deux zones latérales et le nombre de balles
non touchées par l’adversaire). Et d’autre part,
de lui demander de renseigner les éléments
saillants appris dans la séquence (les savoirs
clés développés, identifiés comme « fondamen-
taux »). Ceci offrirait la possibilité à l’enseignant
de réguler son intervention. Ainsi, l’auto-éva-
luation de l’élève servirait d’autorégulation pour
l’enseignant.
5) Nous faisons le choix dans ce paragraphe de présenter uniquement l’exemple d’une « majeure motrice en EPS ».
Cibler une majeure méthodologique ou sociale à l’échelle d’une classe ou de l’EPLE (voire de plusieurs disciplines) est également envisageable via l’outil.
6) Définir une majeure s’envisage en prenant prioritairement en compte les caractéristiques des élèves et les ressources locales.
Selon nous, elle peut être de nature différente : propre à l’EPS, à une ou plusieurs APSAD, aux projets EPLE et EPS de l’établissement, au socle commun.
Conclusion
L’EPS est la seule discipline qui s’enseigne de Cette ambitieuse proposition se veut complémen- crucial tout comme son appropriation. Mais,
la Maternelle à l’Université, dans toutes les taire de celles déjà esquissées par d’autres collè- l’outil facilite finalement le travail de l’équipe
filières, pour toutes et pour tous, chacune et gues. Pour en identifier les meilleurs effets, nous d’années en années, de cycles en cycles en
chacun. Si structurellement l’école, le collège, les soulignons l’idée que cet outil doit être contex- lui permettant de connaitre précisément les
lycées / MFR / CFA sont des lieux différents, il n’en tualisé, doit être construit de manière collabora- acquis des élèves et leurs besoins spécifiques.
demeure pas moins que l’EPS vécue par l’élève tive et doit répondre à une problématique profes- En choisissant les modalités du livret qui corres-
doit être cohérente, adaptée et de qualité. Les sionnelle de terrain (caractéristiques des élèves, pondent à son contexte d’enseignement et à ses
expériences vécues, les compétences à acquérir intérêts et volonté de l’équipe pour collaborer, élèves, nous croyons à sa plus-value pour la
et les objets d’étude rencontrés ont besoin de projets d’établissement/EPS/AS, organisation discipline et pour les élèves. Il permet, in fine,
s’agréger au fil de l’eau pour accompagner le locale de l’EPS, etc.). C’est à l’équipe enseignante d’expliciter le parcours de formation en EPS en
plein épanouissement de l’élève dans une logique d’en définir les modalités pour l’opérationnaliser prenant en compte le passé des élèves pour
de parcours équilibré. (fonction, usage, forme et temporalité de l’outil). mieux concevoir leur avenir.
C’est le dessein que vise le livret EPS. Il aspire Les éléments exposés ne prétendent pas être
d’une part, à mieux informer l’enseignant sur prescriptifs, ils ont pour seule vocation d’être
le passé EPS de l’élève afin de proposer des illustratifs.
contenus d’enseignement ciblés et adaptés à son Nous souhaitons rassurer les collègues sur
niveau et d’autre part, à permettre à l’élève de le « coût professionnel » de cette expérience.
garder les traces de son vécu. Certes, l’aspect collectif de sa conception est
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