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Parcours scolaire

et scolarisation
Ruptures et continuités dans le cas des Ulis en lycée professionnel.

RÉSUMÉ

Le parcours scolaire des élèves à besoins éducatifs particuliers est généralement fait de multiples
aléas liés aux orientations scolaires, aux décisions des commissions d’orientation, aux manques de
places dans certains dispositifs, à la diversité des intervenants sur le temps de classe (professeurs,
AESH, éducateurs, psychologues, …) pour justement répondre à leurs besoins. Ainsi la scolarité
s’en trouve perturbée tant dans les ruptures que cela occasionne en terme de poursuite de la sco-
larité que dans les enjeux des apprentissages, avec des perspectives temporelles incertaines. Les
dispositifs d’appui à la scolarisation dédiés à ce public s’articulent alors et se complètent de façon
à maintenir un parcours scolaire avec et malgré les situations de rupture. Dans les dispositifs Ulis
des lycées professionnels, l’enjeu est de taille puisqu’il s’agit de préparer un projet professionnel, de
former les élèves pour obtenir une certification, un diplôme en vue de s’inscrire dans le monde du
travail. Qu’en est-il alors du morcellement du parcours ? Quels sont les effets sur la scolarité et les
apprentissages ?

Patrice BOURDON MOTS CLÉS :


Maître de conférences,
Université de Nantes, CREN besoin éducatif particulier, école inclusive, ULIS, lycée
EA 2661 professionnel, parcours, ruptures et morcellements de
parcours

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Parcours scolaire et scolarisation

INTRODUCTION gramme), interroger les élèves chro-


nogènes, «  bons  » et «  conformes  »
Un certain nombre de travaux de re- (Schubauer-Leoni, 1988), qui s’ins-
cherche attestent d’une organisation crivent naturellement dans le contrat,
assez morcelée de la scolarité des tout en insérant (quand même) les
élèves à besoins éducatifs particu- autres dont les élèves en situation de
liers, qu’il s’agisse des handicap, pourtant pauvres en «  ca-
La façon dont les élèves se dispositifs Ulis, des aides pital d’adéquation (Sensevy, 1998)  »
construisaient avec et dans l’Ecole pédagogiques au sein des (Ibid.). Dans les contextes de co-en-
RASED1 , des aides médi- seignement où deux professeurs tra-
était en partie liée à la façon dont
co-psycho-pédagogiques vaillent ensemble dans une classe,
leur parcours se déroule. en CMPP2 ou d’autres dis- il est courant de voir le partage du
positifs au sein même de la groupe, l’un prenant ceux les plus en
classe avec les AESH3. Ainsi, Lansade difficultés à certains moments quand
(2015) souligne par exemple, que l’autre s’occupe du reste de la classe
« l’alternance entre classe d’inclusion (Toullec-Théry, 2017 ou Tremblay,
et Ulis, propre à chaque élève, s’or- 2015). Comme ce ne sont souvent ni
ganise entre des temps de regroupe- les mêmes élèves qui composent le
1. Réseau d’aides spécialisées ment au sein de l’Ulis et des temps groupe, ni les mêmes disciplines qui
aux élèves en difficultés. d’inclusion dans la classe correspon- sont enseignées, alors les transitions
dant à leur «  choix » professionnel. de situation et contexte d’apprentis-
2. Centre médico-psycho-pédago-
gique. L’emploi du temps est ainsi partagé sages sont nombreuses.
entre les temps d’ateliers, les sa- Nous avons montré que la façon dont
3. Accompagnant des élèves en voirs associés (cours théoriques en les élèves se construisaient avec et
situation de handicap. lien avec la pratique professionnelle), dans l’École était en partie liée à la
4. Accompagnant(e) d’élèves en
les enseignements généraux et les façon dont leur parcours se dérou-
situation de handicap. temps de regroupement au sein de lait (Bourdon, 2016 ; Bourdon & Toul-
l’ULIS. A cela viennent s’ajouter, lec-Théry, 2017). Jacques (2016) s’in-
5. Ici volontairement utilisé sur le temps scolaire, des prises en téresse aux transitions en contexte
comme souvent chez les en-
charge rééducative et/ou thérapeu- scolaire définies, dans leur compré-
seignants pour indiquer qu’un
élève « va » quelques matinées tique » (Lansade, 2015, p101). Toul- hension la plus simple, comme « une
ou heures par semaine dans une lec-Théry (2012) montre ainsi que les interaction entre un individu et un
autre classe régulière et quitte le aides apportées par les AVS4 (AESH contexte  », avec les aléas qu’elles
dispositif spécialisé. aujourd’hui) dans les classes se comportent chez les élèves les plus
6. Notamment comment il est
concrétisent souvent par la mise en en difficulté ou en situation de han-
perçu par les coordonnateur. place d’un système où l’enseignant dicap car elles ne sont généralement
trice.s Ulis pro que nous avons gère les élèves «  ordinaires  » pen- pas anticipées, comme pour la plu-
enquêtés. dant que l’AESH s’occupe plus parti- part des élèves. Elles font l’objet d’un
culièrement de l’élève en situation de certain nombre d’imprévus liés « aux
handicap, produisant ainsi une exclu- micro-situations cumulatives [qui]
sion pédago-didactique de l’intérieur. peuvent alors s’agréger pour produire
Ainsi précise-t-elle, « les professeurs de fortes irréversibilités » (Ibid.). C’est
ont une grande confiance dans les ainsi le cas pour bon nombre d’orien-
AVS et de ce fait leur délèguent une tations en Ulis ou de propositions
grande part des responsabilités  ». de dispositif d’aides et de soutien,
Par ailleurs, Toullec-Théry & Pineau, sans oublier les multiples prises en
(2015) soulignent la façon dont le charge individuelles, les diverses ré-
temps didactique se déroule inéqui- orientations au cours de la scolarité,
tablement entre les élèves ordinaires les « inclusions5 » dans telle ou telle
et ceux présentant un handicap car classe. C’est alors une accumulation
«  dans [sa] conception de l’ensei- de diverses organisations à plus ou
gnement, P. [le professeur] est aux moins longs termes qui caractérisent
prises avec un dilemme  : il faudrait, la scolarité de ce public.
pour que le temps didactique avance Dans cet article, nous souhaitons
vite (et répondre ainsi à sa préoccu- interroger le parcours scolaire des
pation d’honorer l’ensemble du pro- élèves6, notamment dans le temps

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effectif de l’Ecole et en comprendre et sur leurs manières d’être élève.
ainsi les transitions  : qu’est-ce qui La scolarisation des élèves porteurs
fait ruptures et continuités dans la de handicaps est inscrite dans des
scolarité des élèves à besoins édu- contextes socio-historiques évolutifs.
catifs particuliers  ? Pour prendre en Ainsi, l’« intégration scolaire », assu-
compte leurs besoins spécifiques, jettie au volontariat des enseignants
les élèves en situation de handicap des classes ordinaires, devient «  in-
sont contraints à des parcours sco- clusion scolaire  » où l’obligation de
laires atypiques, faits d’orientations, scolarisation pour tous est inscrite
de réorientations, parfois de ruptures dans la loi de 2005. Si l’on parle d’in-
scolaires, de scolarisation à temps clusion à l’école ou d’éducation inclu-
partiel, de séjours en centre de réé- sive, nous observons toutefois comme
ducation. Ainsi, comme nous l’avons plusieurs contributions de cette revue
montré (Bourdon, 2018), les élèves à l’analysent, des enseignants, des pa-
besoins éducatifs particuliers vivent rents, des éducateurs qui signalent
régulièrement des activités hors du que l’élève « va en inclusion » de telle
champ pédagogique (temps d’hospi- à telle heure.
talisation, de convalescence en centre Pourtant, selon Plaisance, «  La no-
de rééducation, de prise en charge in- tion d’école inclusive repose en pre-
dividuelle … selon les situations). Par mier lieu sur un principe éthique  :
nature, ils éprouvent de nombreuses celui du droit pour tout enfant, quel
transitions, parfois inattendues, qu’il soit, à fréquenter l’école ordi-
d’autres fois anticipées. Dans le mi- naire. Elle s’oppose à l’exclusion ou
cro contexte de la classe ou de l’éta- à la mise à l’écart de certaines caté-
blissement scolaire, les élèves sont gories d’enfants, en fonction de leurs
affectés en Ulis, inscrits caractéristiques. Elle se distingue
Dans le dispositif Ulis, la transition dans une classe de réfé- aussi de l’intégration dans le sens où
peu ou pas anticipée les confronte rence, mais parfois sco- il ne s’agit pas d’accepter à l’école, ou
larisés sur deux ou trois d’y réintégrer, des enfants considérés
à des ruptures d’activités et
classes pour répondre au départ comme nécessitant une
un défaut d’anticipation, de autant à une organisation éducation séparée, en raison de diffé-
représentation. qu’à leurs besoins particu- rences ou de particularités […]. L’édu-
liers. En effet, les élèves cation inclusive, au contraire, est une
d’Ulis pro sont, par exemple, confron- position radicale demandant que les
tés à des transitions anticipées, c’est écoles se transforment elles-mêmes
le cas des emplois du temps, des ren- en communautés scolaires où tous
dez-vous paramédicaux ou psycholo- les apprenants sont accueillis sur
giques organisés de façon hebdoma- la base d’un droit égal  » (Plaisance,
daire, mais les difficultés de repérage 2007). S’agit-il d’une procédure, au
spatio-temporel de cette population sens de la mise en œuvre d’une or-
présentant des troubles cognitifs, les ganisation dans un dispositif  ? Cette
amènent à découvrir parfois dans l’ici expression naît-elle du changement
et maintenant l’activité suivante. Qu’il momentané de professeur, ou d’es-
s’agisse d’un enseignement en classe pace classe, par exemple entre l’Ulis
régulière ou dans le dispositif Ulis, la et la classe de référence. De quoi
transition peu ou pas anticipée les parle-t-on  ? D’un processus long et
confronte à des ruptures d’activités et profond  ? D’une procédure au sein
un défaut d’anticipation, de représen- d’un dispositif ?
tation. Alors s’intéresser aux transitions en
Cette contribution se focalise donc contexte scolaire et au parcours des
sur les transitions liées à la scolari- élèves permet à mon sens de mieux
sation des adolescents à besoins édu- s’inscrire dans la scolarisation au-de-
catifs particuliers scolarisés en lycée là des processus inclusifs.
professionnel bénéficiant de l’ap-
pui d’un dispositif Ulis, vues sous le
prisme des effets sur leurs parcours

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Parcours scolaire et scolarisation

DE L’INTÉGRATION À L’INCLUSION : durables, qui se produisent dans un


DANS QUELLE MESURE LE BESOIN espace de temps relativement court
PARTICULIER PROVOQUE-T-IL UN et qui affectent de manière détermi-
MORCELLEMENT DES PARCOURS ? nante la représentation du monde  ».
Schlossberg (2005) précise que ces
La scolarisation inclusive, même si transitions correspondent à «  tout
elle est au cœur des textes institution- événement ou manque d’un événe-
nels, serait donc un concept difficile à ment attendu qui a pour conséquence
définir, à manier, pas seulement dans de transformer les relations, les rou-
le lexique scolaire ou dans les textes tines, les croyances et les rôles. »
législatifs cadrant la scolarisation Quelles sont alors les configura-
en France, mais aussi dans les faits, tions de scolarité qui contribuent à
au quotidien des classes, dans les construire un parcours scolaire dont
pratiques enseignantes. La substitu- les étapes ne génèrent pas des effets
tion du mot «  intégration  » par «  in- fortement différenciateurs, selon les
clusion » au début des années 2000, populations scolaires, même si des
peut laisser penser qu’il s’agit d’une paliers sont balisés par du commun à
échelle de valeurs en temps de sco- tous les élèves :
larisation supplémentaire en classe - âge d’entrée à l’école maternelle, au
ordinaire. Ainsi une confusion s’opère primaire ;
entre une procédure de scolarisation, - âge du passage au collège ou au ly-
lorsque les enseignants disent à pro- cée ;
pos d’un élève « il est en inclusion de - choix d’orientations ;
9h à 12h, en CM 2 » et un processus - inscription dans une classe quel que
long et complexe de participation ci- soit le niveau de scolarisation.
toyenne et de vie en société, dont l’in- Les transitions en contexte scolaire
clusion scolaire participe. Confronter sont de plusieurs natures (Jacques,
alors la question de la scolarisation 2016), elles peuvent être anticipées,
inclusive à celle de parcours de sco- imprévues, choisies, subies, vécues
larisation semble pertinente à regar- ou non, selon les marqueurs d’ob-
der, d’un point de vue historique. Roca jectifs identifiés par les élèves et leur
(1992) et de Simon (1988) montrent famille. On peut ainsi identifier des
que, jusqu’au début des années 1980, transitions d’ordre structurel liées au
les enfants et adolescents handica- passage d’une classe à une autre, des
pés étaient le plus souvent placés paliers à un autre, d’une orientation
en institution spécialisée, leur seul à une autre. Ces transitions sont gé-
parcours se bornant généralement néralement anticipées et dans l’ordre
à y entrer et à en sortir, après une naturel de l’évolution de la scolarité
assez longue période, souvent en in- liée d’une part à l’âge, d’autre part
ternat, et une scolarité interne dans aux résultats scolaires. Il existe tou-
le meilleur des cas. Il s’agissait donc tefois, dans ce cadre, des «  transi-
d’un parcours continu, en dehors de tions d’orientation [qui] nécessitent
la scolarité régulière de tous, avec une décision de la part des élèves et
pour points de repère, l’entrée et la de leurs familles [qui] sont assujetties
sortie de l’institution  : une continui- à une injonction institutionnelle (vers
té sans transitions externes a priori. une filière, des options, un établis-
Ce parcours spécialisé plutôt linéaire sement)  » (Ibid. p 12). Il existe éga-
s’inscrivait pourtant, pour certains, lement, et c’est souvent le cas chez
aussi dans des transitions : après un les élèves en situation de handicap,
début de scolarité en milieu ordinaire, « des transitions essuyées suite à des
l’orientation dans un établissement aléas de parcours  ; soit parce qu’ils
spécialisé procédait d’un changement vont à l’encontre des parcours ordi-
plus ou moins choisi. Murray Parkes naires (les structures spécialisées
(1971) définit les transitions comme liées au handicap), soit parce qu’elles
«  des changements d’ordre majeur font suite à une décision institution-
dans l’espace de vie, qui ont des effets nelle (refus d’orienter vers tel cursus

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en raison d’un niveau scolaire insuffi- agissent sur le parcours, alors que ce
sant, le manque de place) (Ibid). n’est pas le cas pour les autres élèves
On peut aussi identifier des ruptures sans handicaps avérés  ? Ces ques-
qui s’opèrent à l’intérieur même de tions ne seront pas toutes explicite-
l’Ecole lorsque les élèves à besoins ment traitées dans cet article mais
particuliers vivent des organisations il est important de les poser pour
quotidiennes variées : comprendre l’environnement et le
- arrivée en taxi avant ou après l’heure contexte dans lequel les enseignants
de la classe (et non en bus scolaire, et les élèves s’inscrivent dans l’école8.
seul.e ou accompagné.e des parents En l’occurrence, dans quelle mesure
comme d’autres) ; ces étapes fractionnent le parcours
- sorties de la classe pour des aides de scolarisation, notamment pour
pédagogiques (RASED par exemple) celles qui relèvent de la catégorie des
ou externes (orthophonie, CMP ou transitions subies puisque très sou-
CMPP7..)  ; vent, c’est la confrontation à l’école
- entrées et sorties des dispositifs régulière qui amène une prise de
Ulis pour rejoindre une classe ordi- conscience et une demande de re-
naire de l’établissement au cours de connaissance du handicap ?
7. RASED : réseau d’aides spé- la journée (ou l’inverse) ; Nous faisons alors l’hypothèse que,
cialisées aux élèves en difficultés ; - interruption de certains apprentis- plus que tout autre élève, ceux à
CMP : centre médico-psycho- sages pour changer « d’enseignant  » besoins éducatifs particuliers, no-
logique ; CMPP : centre médi-
pendant que les autres élèves pour- tamment en Ulis pro, vivent des
co-psycho-pédagogique.
suivent le travail (il arrive fréquem- transitions en contexte scolaire qui
8. Nous invitons les lecteurs à ment que les professeurs titulaires contraignent la continuité des ap-
se référer à la Nouvelle revue de de la classe ou du dispositif confient prentissages et plus généralement
l’adaptation et de la scolarisation certaines tâches d’apprentissages ou leur parcours scolaire. Dans le sil-
N° 63 – 2013/3 coordonné par
Marie Hélène Jacques, Jacques
d’enseignement aux AESH). lage de Lansade, leur scolarisation
Bouchand et Hervé Benoit Les prises en charge rééducatives ou relèverait alors plus d’une présence
(https://www.cairn.info/revue-la- de soins viennent s’insérer dans l’em- physique et sociale qu’épistémique
nouvelle-revue-de-l-adaptation-et- ploi du temps des élèves qui bénéfi- (Lansade, 2015).
de-la-scolarisation-2013-3.htm)
cient généralement déjà d’une orga- En effet, un des paradoxes de la sco-
et notamment l’article de Thierry
Grégor (2013). Impact d’un dis- nisation des cours faite de multiples larisation des élèves en situation de
positif Ulis pro sur la représenta- intervenants (professeur-coordonna- handicap, nous l’avons vu précédem-
tion de soi d’un groupe d’adoles- teur Ulis, AESH, professeur du lycée ment, serait lié à la prise en compte
cents déficients intellectuels. La – généraux et professionnels ...). Ce des besoins éducatifs particuliers.
nouvelle revue de l’adaptation et
de la scolarisation, 63(3), 59-68.
qui préside pourtant à l’organisation Elle produit en effet une variété
doi:10.3917/nras.063.0059. de ces aides externes, ne relève pas d’adaptions, des micro-situations pé-
de l’emploi du temps des élèves, mais dago-didactiques, des interventions
plutôt de celui des professionnels qui courantes de professeurs différents,
arrivent de-ci, de-là pour leur activi- voire même de différents corps de
té, quelle qu’elle soit. La continuité métier, dans un même espace d’ap-
de l’apprentissage, le lien entre les prentissage  : l’École. Anne Gombert
différentes instances d’enseigne- précise ce que sont ces adaptations.
ment (une journée d’atelier en lycée «  Élaborées spécifiquement pour un
professionnel par exemple) sont in- élève, ces adaptations conduisent
terrompus par des prises en charge bien à mettre en œuvre une individua-
ponctuelles dans la journée, dans la lisation, mais elles peuvent prendre
semaine par des professionnels diffé- un caractère plus ou moins individua-
rents, par des regroupements au sein lisant selon le degré d’éloignement
du dispositif Ulis quelquefois. des objectifs d’apprentissage de
Comment, lors des étapes qui ja- l’élève par rapport à ceux du groupe
lonnent la scolarité des élèves en si- classe. Ainsi, parvenir à ne plus oppo-
tuation de handicap, l’institution sco- ser différenciation/ individualisation/
laire façonne-t-elle les journées au adaptation, mais envisager plutôt le
lycée ? Quelles commissions d’orien- continuum qui les lie, amène à repé-
tation, quelles instances statutaires rer la complexité de la conception de

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Parcours scolaire et scolarisation

l’adaptation des enseignements en compagnement spécifique au-delà de


contexte de classe ordinaire (Gom- quelques mots pour dire où les autres
bert et al., 2017). Même si Gombert élèves sont arrivés.
considère les adaptations comme un
continuum, il y a pourtant un risque
de rupture selon le sens perçu de QU’EN EST-IL DU PARCOURS SCO-
celles-ci par les élèves. LAIRE ET DES TRANSITIONS CHEZ
Mérini et Thomazet (2014) ont mon- LES ÉLÈVES D’ULIS PRO ?
tré que ces élèves naviguent entre
de multiples dispositifs d’aides ou de De façon à mieux développer cette
soutien pour répondre à ce qui est réflexion, j’ai souhaité m’appuyer sur
identifié comme des besoins éduca- un dispositif appelé Unités Localisées
tifs particuliers. Une grande prudence pour l’Inclusion Scolaire de lycée
est de mise pour éviter l’inconfort du professionnel (Ulis pro). Ces disposi-
morcellement et plus de co-organi- tifs (et non classes) ont été créés en
sations, collaborations entre les pro- 20019 sous une première appellation
fessionnels. Ainsi précisent-ils «  la d’UPI (Unité pédagogique d’intégra-
mise en place des projets ou des par- tion) puis régulièrement modifiés
cours, si l’on se contente de changer dans la législation pour être conçus
les termes, peut conduire à penser le aujourd’hui comme un pivot de la
travail collectif comme juxtapositif ou scolarisation en milieu ordinaire en
mieux comme articulé, la où, en fait, vue d’une formation professionnelle.
il devrait être réticulé. Travailler en- Il existe des Ulis Ecole (1er degré),
semble c’est de notre point de vue, des Ulis collège et des Ulis lycée (2nd
coagir et codécider dans un espace degré). Les élèves, qui sont généra-
professionnel ancré dans des ré- lement affectés en Ulis pro, bénéfi-
seaux. Pour ne donner qu’un exemple, cient d’une année dite de « sas » ou
nous pouvons partir de la situation, de détermination (au moins jusqu’en
on ne peut plus courante, d’un jeune 2019), essentiellement sous forme
qui, en plus de l’école, a besoin d’or- d’un espace classe plus ou moins fer-
thophonie, d’aide psychologique, mé, comme souvent dans la scolarité
d’accompagnement éducatif. Ces be- primaire, avec quelques incursions
soins multiples, médicaux, éducatifs en classes ordinaires (notamment en
et scolaires nécessitent à la fois plus atelier). Cette année doit permettre à
d’École que les autres enfants, mais l’issue de choisir une section de CAP
aussi plus de soins, plus d’accom- dans laquelle l’élève va s’inscrire et
pagnement. Traditionnellement, les se former vers une diplomation. Les
rencontres pluridisciplinaires sont deux années suivantes s’effectuent
l’occasion pour chaque professionnel dans une classe ordinaire (section
d’opérer les renoncements face à des de CAP selon le choix de l’élève gé-
journées qui ne sont pas extensibles. néralement) avec quelques incur-
Au final, ces jeunes qui ont besoin de sions hebdomadaires, soit en petits
plus... ont moins, du fait de la jux- groupes, soit en collectif avec le coor-
taposition des activités des différents donnateur du dispositif Ulis, dans un
professionnels.  ». Ainsi les élèves local attribué à cet effet.
accompagnés par un dispositif Ulis J’ai donc réalisé une enquête pour
sont régulièrement confrontés à des laquelle l’ensemble des coordonna-
entrées/sorties de classe soit pour teurs d’Ulis pro publiques et privées
9. 1995 pour les UPI collèges rejoindre le dispositif, soit pour une de l’académie de Nantes ont été solli-
étendue aux lycées en 2001 ; les séance avec un psychologue ou un cités à travers un questionnaire com-
Ulis quant à elles ont été instau-
rééducateur pour retrouver la classe portant majoritairement des ques-
rées en 2010 succédant ainsi aux
UPI. à l’issue. Le temps pédagogique s’est tions fermées, concluant toutefois
alors poursuivi en leur absence, les sur une question ouverte en fin d’en-
enseignants laissant pour la plupart quête. Les résultats ci-après repré-
du temps le soin aux élèves de s’y ins- sentent 13 retours de questionnaire
crire à nouveau à leur retour sans ac- sur 35 coordonnateurs contactés, soit

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37  %. Le nombre d’élèves accompa- cours professionnel et l’orientation
gnés dans les dispositifs de l’enquête future en section CAP avec le choix
est de 56 élèves en année de déter- d’une filière, l’enquête montre que les
mination et 132 élèves en CAP, soit coordonnateur.trice.s, interagissent
188 élèves au total auxquels les coor- avec de nombreux partenaires. En
donnateur.trice.s font référence pour plus des intervenants extérieurs
répondre. (SESSAD10 ..), ce sont entre 4 et 36
professeurs différents avec lesquels
Des transitions multiples liées à la ils travaillent (moyenne d’environ 12
spécificité de l’accompagnement professeurs/coordonnateur.trice). Le
(contexte) des élèves à BEP nombre de sections (filières CAP) va-
Une première analyse des résultats rie de 2 à 6 classes différentes. Ces
porte sur la répartition des élèves élèves découvrent donc, plusieurs
dans leurs différents espaces d’ap- fois dans l’année, des nouveaux lieux,
prentissage - les classes ordinaires et disciplines et personnes, au gré des
les sections de CAP lors de la scolari- stages en entreprise, des immersions
sation en classe ordinaire. Ainsi les 56 en atelier de façon à construire une
élèves d’année de détermination indi- orientation, avec l’aide de leur famille
rectement concernés dans l’enquête et du coordonnateur.trice Ulis.
sont répartis sur 24 sections (métiers Dans ce questionnaire, 132 élèves
10. « Service d’éducation et de différents) de CAP pour 34 classes. Ils (70,2 % des dispositifs concernés par
soins spécialisés à domicile » ; ont en moyenne 4 à 5 séances d’une l’enquête) sont scolarisés en section
celui-ci étant entendu comme les
heure ½ hebdomadaire de scolarité CAP, dans une classe définie. Il s’agit
lieux de vie ou d’activités des bé-
néficiaires. en classe « ordinaire » de CAP, prin- donc de leur classe, au même titre
cipalement en atelier, pour environ 17 que tous les lycéens. Parmi ces 132
heures au sein du dispositif Ulis. Un élèves, 27,2 % se retrouvent toutefois
peu plus de la moitié d’entre eux, 30 1 fois par semaine pour une séance
exactement, bénéficie d’un accompa- variant de 45 minutes à une matinée
gnement par un.e AESH (53,6  %) et sur le dispositif Ulis (c’est-à-dire hors
12 (21,4 %) de l’accompagnement du de leur groupe classe habituel de
coordonnateur(trice) lors des temps CAP) ; 45 % 2 fois par semaine, 9 % 3
de scolarisation en classe «  ordi- fois par semaine et 18,2 % 4 fois par
naire  » de CAP. Les AESH ne sont semaine. Il peut s’agir de temps de
pas toujours affecté.e.s auprès d’un régulation ou d’apprentissages pour
seul élève mais interviennent de fa- renforcer et revoir certains points du
çon collective pour plusieurs d’entre programme.
eux. Si l’année de détermination a
pour objectif la construction du par-

FIGURE N°1
Régularité des présences élèves dans le dispositif lors
d’une inscription en classe CAP

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Parcours scolaire et scolarisation

On voit donc que majoritairement dans l’établissement scolaire (c’est


les élèves bénéficient d’un ou deux ainsi souvent le cas des SESSAD),
accompagnements dans le dispo- soit à l’extérieur par un professionnel
sitif chaque semaine. Par ailleurs, libéral ou dans une structure médi-
43,18  % des élèves sont accompa- co-éducative (Ce sont ainsi des suivis
gnés au moins une fois/sem par le de SESSAD, suivi éducatif, psychothé-
coordonnateur.trice d’Ulis en classe rapeutes, psychologues, ergothéra-
ordinaire et 78 % par un.e AESH. peutes, kinésithérapeutes,...).
C’est pour les 13 coordonnateur. Selon les coordonnateur.trice.s, l’en-
trice.s enquêtés que le morcellement quête révèle que 27,6  % des élèves
d’activité et la régulation des diffé- bénéficient du suivi d’un SESSAD,
rents partenaires sont plus consé- en dehors du temps scolaire et hors
quents. Ils sont, si l’on cumule les établissement. 15,4  % de ces suivis
13 professionnels en lien avec 256 se font au lycée pendant le temps
professeurs, principalement en en- scolaire ce qui entraine donc régu-
seignement général (pour 167)  ; ils lièrement l’interruption d’un ensei-
gèrent donc des relations multiples gnement. 11,7  % bénéficient d’un
avec en moyenne 20 collègues, dans accompagnement par un profession-
3 sections différentes (cela peut aller nel libéral. Au total 54,8 % des élèves
jusqu’à 6) et 5 classes de CAP (pou- bénéficient d’un suivi externe, en
vant aller jusqu’à 7). complément de l’enseignement pour
Les suivis et accompagnements une fréquence moyenne des prises
« hors enseignement » sont de nature en charge de une à deux fois par se-
diverse et s’exercent dans différents maine.
lieux. Ils peuvent se dérouler soit

FIGURE N°2
Suivi éducatif et soin

Enfin, pour comprendre les éven- parents. 7,8  % d’entre eux utilisent
tuels effets de rupture entre pairs liés plusieurs moyens de transport dans
aux modes de transport, l’hypothèse la semaine. Ces résultats attestent
que ces élèves venaient majoritaire- que très majoritairement ces élèves,
ment au lycée en taxi, ce qui pouvait accompagnés par un dispositif Ulis,
les éloigner de relations régulières utilisent les mêmes transports que
entre lycéens, ne s’avère pas effec- leurs pairs lycéens. Cette tendance
tive. En effet, dans notre l’échantil- favoriserait ainsi une certaine vie in-
lon, seulement 12,5  % d’entre eux clusive, au moins à ce niveau, même
utilisent un taxi  ; 71,4  % prennent si cela correspond à un réel besoin
le bus ou un transport en commun pour certains peu autonomes, du
classique, comme tous les lycéens transport par taxi sanitaire.
et 16,1  % sont accompagnés par les Concernant le contexte de scolarisa-

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tion, une modélisation de l’environ- des milieux fonctionnels et locaux (au
nement scolaire et social des élèves sens de wallon) qu’ils côtoient
d’Ulis pro montre l’éventail important

FIGURE N°3
Elève avec appui dispositif ULIS

Nous pouvons le comparer à celui et d’espace des élèves « ordinaires ».


plus réduit en termes d’intervenants

FIGURE N°4
Elève sans appui dispositif ULIS

Nous constatons donc que, plus que prentissages, d’aides ou de soins.


les autres élèves, ceux bénéficiant Certaines de ces pratiques sont
d’une orientation et d’un suivi en Ulis communes à tous les lycéens, ce qui
sont soumis à de nombreuses transi- semble spécifique ici, c’est le nombre
tions, renforcées par un large éventail plus conséquent de micro-situations
d’intervenants. Ils empruntent égale- cumulatives, comme nous l’indi-
ment de multiples moyens de trans- quions préalablement. C’est-à-dire
ports même si pour ces lycéens, la que ces élèves ne peuvent anticiper,
tendance est à l’usage d’un transport d’une année à l’autre, leur emploi du
scolaire collectif classique. Ils fré- temps potentiel.
quentent aussi différents lieux d’ap-

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Parcours scolaire et scolarisation

QUE DISENT LES COORDONNA- scolaires variés qu’ils côtoient (dis-


TEUR.TRICE.S D’ULIS DE LYCÉE positif Ulis vs classe ordinaire de
PROFESSIONNEL DES POINTS CRI- CAP). C’est ce que certains auteurs
TIQUES DE RUPTURE ET DE CONTI- nomment «  marqueurs d’objectifs  »
NUITÉ DANS LE PARCOURS DES qui s’inscrivent dans des cadres so-
ÉLÈVES ? ciaux marqués par des normes, des
contraintes, des règles ou des usages
«  Le groupe change sans arrêt au (Jacques, 2016, p.17). En effet, les
rythme des inclusions et des stages » élèves de lycée professionnel ac-
(coordonnateur Ulis). compagnés par le dispositif Ulis ont
Cet extrait de témoignage sur la parfois, souligne une coordonnatrice,
question ouverte atteste d’une spéci- des «  difficultés à se situer – élève
ficité du dispositif qui fait problème. Ulis ou élève CAP. Ce qui amène à se
En effet, les élèves accompagnés confronter à leur statut d’élève han-
par un dispositif Ulis aussi bien lors dicapé. Ils cherchent à s’affranchir du
de l’année de détermination que par support et de l’étiquette Ulis ». Bessin,
la suite, participent à des stages en Bidart et Grossetti (in Jacques, 2016,
entreprise. Ils sont également sou- p.17) précisent que « pour le passage
mis à un emploi du temps qui oscille d’un statut à un autre, quelle que soit
entre les différentes interventions la force de l’épreuve individuellement
dans l’espace-temps Ulis, classe or- ressentie, les expériences et leurs in-
dinaire ou atelier, donc avec de mul- terprétations sont socialement struc-
tiples changements de professeurs, turées ». Les élèves peuvent rencon-
alors qu’ils avaient généralement trer des difficultés à se situer dans
connu une certaine stabilité avec un leurs relations sociales aux pairs et
seul professeur-coordonnateur en leurs façons d’être élèves. Même si
11. Même si ce fonctionnement Ulis collège11. Le passage du collège les questions posées aux coordonna-
tend à se réduire, beaucoup d’Ulis au lycée est de ce fait généralement teur.trice.s ne permettent pas expli-
collège fonctionnent encore avec
un système de type « classe Ulis »
un marqueur de transitions fortes citement d’accéder aux rapports aux
et des « inclusions » régulières en (choisies, anticipées ou subies selon savoirs des élèves, en référence à nos
classe ordinaire ce qui n’est plus les résultats de l’orientation). Il est précédents travaux (Bourdon, 2005),
le cas au lycée après l’année de néanmoins aussi repéré comme un nous pouvons toutefois dire que c’est
détermination. facteur de continuité pour les élèves potentiellement leur rapport aux sa-
d’Ulis  : le passage au lycée s’inscrit voirs et à l’Ecole qui inscrit les élèves
en effet dans une « continuité rassu- dans un paradoxe identitaire pour
rante avec l’Ulis collège, mais avec investir leur statut d’élève. Ainsi, ce
l’idée d’une filiérisation sous-jacente que certains auteurs nomment des
(certains parlent de l’ULIS pro de sec- «  transitions par évènements  » pro-
teur) alors que le lycée professionnel duit tout son effet en Ulis pro dans la
devrait être choisi selon un projet mesure où les micro-situations liées
d’orientation en voie professionnelle. aux contextes de classe, de stage, de
La continuité rassurante en est aussi temps institutionnalisé en dispositif
la limite avec une difficulté à se proje- Ulis produisent des évènements aux-
ter vers un autre établissement, choix quels ils doivent s’ajuster, mais dont
par défaut d’un CAP de l’établisse- certains perturbent. Une coordina-
ment, rupture des liens avec le lycée trice indique que «  les changements
pro et angoisse d’aller vers un lycée d’emploi du temps [sont] fréquents en
plus grand, la grande ville », précise lycée professionnel, liés aux périodes
une coordonnatrice. de stage et aux larges périodes de
cours libérés pour les enseignants qui
Le statut d’élève (lycéen versus han- réorganisent leur emploi du temps ou
dicapé)  : un enjeu de construction si absence d’un enseignant du pro-
identitaire dans le parcours scolaire fessionnel (= 4 ou 5 heures de TP li-
Une autre question concerne l’identité bérées) ; changements qui perturbent
qu’elle soit celle de l’élève par rapport l’organisation déjà fragile de certains
à son statut ou celle des contextes jeunes (changements d’horaires, de

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salles, pas le matériel adapté…). Ces espaces scolaires favorisent ou non
changements d’heures peuvent être les transitions. Au regard des emplois
pris sur un temps de soutien ULIS qui du temps, notamment lors de l’année
s’annule parfois sans préavis ». Pour- de détermination, l’espace réservé au
tant, un autre coordonnateur indique dispositif Ulis (souvent appelée l’Ulis,
que «  la plupart des élèves ont bien la classe Ulis ou la salle Ulis) appa-
compris que les PFMP12 faisaient par- raît comme un espace important pour
tie de la formation, et du processus faire face aux ruptures. « Quand des
pour accéder aux compétences du élèves ont des changements d’EDT
CAP. Pour les élèves qui ne peuvent [emploi du temps] de dernière mi-
accéder aux compétences du CAP, nute (prof absent, déplacement de
et pour qui cela a été annoncé, ils cours…), ils viennent systématique-
prennent les stages comme des ex- ment dans la salle Ulis soit pour se
périences professionnelles, pour dé- détendre ou me solliciter pour des
couvrir d’autres métiers  ». La ques- devoirs. La salle Ulis, pour la plu-
tion du sens que chacun attribue au part est un lieu ressource  » indique
fait d’apprendre, d’aller à l’école, aux un coordonnateur. « Assez excentrée,
indices d’activités (stages, immersion elle permet d’être à l’abri des re-
en classe ordinaire, en atelier, re- gards d’autres jeunes (début d’année
tour sur le dispositif Ulis) permet de surtout) et au calme et offre un sas
construire un parcours scolaire dans que les élèves apprécient  », indique
la continuité car «  pour beaucoup une coordonnatrice. Nous mesurons
d’élèves qui entrent en CAP après une ici combien ce lieu est une interface,
ou 2 années d’Ulis, l’adaptation se fait telle que nous avons pu la définir sur
12. Période de formation en mi-
vite grâce aux inclusions réalisées un autre dispositif au lycée des Bour-
lieu professionnel (stages). auparavant » précise une autre coor- donnières à Nantes13 (Bourdon, Toul-
dinatrice. « Sur les temps de retoursà lec-Théry, 2016), qui est à la jonction
13. Il s’agit du Centre Scolaire l’Ulis, les élèves ne font pas obliga- entre un accès potentiel à une conti-
Adapté (CSA) qui est un véritable
toirement les activités réalisées dans nuité ou au contraire à des ruptures
dispositif ressources et de coordi-
nation au profit de la scolarisation la classe de CAP. Ils viennent se res- parce que des transitions sont dif-
des élèves à besoins éducatifs sourcer, se reposer à l’Ulis », souligne ficiles. Par exemple, cette coordon-
particuliers. une autre. natrice indique que d’un côté, «  le
passage Ulis/enseignements reste
Le dispositif Ulis considéré comme toutefois très intéressant pour ques-
un espace, lieu de ressources tionner l’élève sur sa compréhension
Il s’avère que l’identification d’une des travaux faits en CAP et surtout
salle spécifique réservée au dispo- sur sa non-compréhension, ce qu’il
sitif Ulis est empreint à des ajus- n’en a pas compris. Cela aide à faire
tements personnels (qu’ils soient progresser le jeune » mais elle ajoute
physiques, symboliques, effectifs, que d’un autre côté, «  il est difficile
vécus ou imaginés) qu’il semble in- de mener des projets « importants »
téressant d’examiner. L’expression (sur la durée notamment) au sein du
«  il va en inclusion  » qui fait l’objet dispositif Ulis SAS quand plusieurs
de discussions dans ce numéro de la élèves « partent régulièrement en in-
revue Ressources, en est une carac- clusion ». En effet, lorsque ces élèves
téristique. En effet, il y a ce lieu qui «  reviennent  », ils ont l’impression
est réservé aux élèves en situation d’avoir perdu le fil, ou au contraire
de handicap pour lequel un ensei- que les autres ont piétiné pendant
gnant, souvent spécialisé, est affecté qu’eux ont avancé sur des notions ».
et dont il porte la responsabilité de la C’est alors ce passage, cette transi-
coordination. Les élèves y sont sco- tion «  dans et hors  » qui est à pen-
larisés massivement lors de la pre- ser particulièrement pour éviter les
mière année au lycée et y retournent ruptures et favoriser la continuité du
ponctuellement, nous l’avons vu. Il parcours scolaire.
est intéressant d’analyser en quoi les
va-et-vient entre l’Ulis et les autres

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Parcours scolaire et scolarisation

CONCLUSION et peu anticipés tant de leur scolari-


té que des prises en charge psycho
Nous avons montré combien les par- rééducationnelles. Fort de ces si-
cours scolaires des élèves tuations et contextes, il est alors pri-
Il est primordial de penser les en situation de handicap mordial de penser les transitions en
sont soumis à de multiples contexte scolaire aussi bien du côté
transitions en contexte scolaire
aléas, des changements, de la continuité pédago-didactique,
aussi bien du côté de la continuité
des contextes morcelés. que de celui de l’accompagnement
pédago-didactique, que de celui de Ces élèves bénéficient par de multiples intervenants. C’est
l’accompagnement par de multiples plus que d’autres d’une très probablement à ce prix que ces
intervenants. prise en compte de leurs élèves pourront bénéficier d’une sco-
besoins éducatifs particu- larité qui s’appuie sur un parcours
liers, mais ceci a aussi pour effet de construit, anticipé et non subi
produire des ajustements multiples

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