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La pédagogie de soutien

Mohammed MORCHID*
Prologue
Tout au long de ma modeste carrière d’enseignant, je me demandais
constamment pourquoi, chaque année, une poignée de mes élèves avait des
déficits et des retards dans l’apprentissage malgré les efforts énormes que je
déployais et qui malheureusement s’en allaient toujours à vau-l’eau. Certes, les
conditions de travail étaient miséreuses et dégradantes et le sont encore pire
aujourd’hui, mais ça n’empêche pas pour autant de débroussailler la situation et
de s’appliquer pour au moins sauver les meubles et minimiser les dégâts, en
attendant « la grande révolution » dans le secteur de l’enseignement.
Dans la pédagogie à contenus, les connaissances et les savoirs acquis
demeurent théoriques et sont difficilement voire impossiblement applicables ou
transférables dans le vécu quotidien, à l’ opposé de la pédagogie active ou de
l’intégration. Ce nonobstant, « la révision », pièce maîtresse de cette pédagogie
traditionnelle à contenus, a bel et bien été pour longtemps le fleuron de notre
enseignement. Et en dépit de ses limites pédagogiques, personne ne se plaignait
et les résultats étaient dans l’ensemble plus que satisfaisants.
De nos jours, le monde s’est métamorphosé et de nouvelles pédagogies ont vu
le jour de même que des procédés et concepts qui marchent de pair avec le
progrès. Et dans le seul but de moderniser notre éducation archaïque, dans le
cadre de la réforme évidemment, nous en avons incorporé et intégré quelques-
uns dans notre système pédagogique: l’arrêt-bilan, l’évaluation, la consolidation,
l’enrichissement, le soutien, la mesure et tutti quanti. Et ça fait belle lurette que
ces termes nouveaux et charmeurs ont conquis notre enseignement pour
essayer de colmater la brèche fort ouverte et qui ne cesse de s’élargir au fil des
temps. Vainement. Le problème n’a pas bougé d’un iota. Pire encore, notre
enseignement prend de l’eau de tout part et le niveau d’apprentissage de nos
enfants est en chute vertigineuse et ne cesse de régresser crûment de jour en
jour.
Qui est-ce qui est la pierre d’achoppement ? Toute notre politique
d’enseignement et qui ne peut être dissociée de la politique générale du pays
économique, sociale et culturelle ? Les pédagogies importées et imposées à la
va-vite, sans études approfondies, ni analyses effectives et concours réels des
acteurs principaux ? Les membres du corps enseignant qui mésestiment les
justes valeurs de ces pédagogies, méconnaissent leurs applications ou n’ont pas
le sens pédagogique ?
Je suis sûr et certain que mes confrères et consœurs, en fins connaisseurs,
peuvent dénombrer, sans se lasser, toutes les entraves et les empêchements

*
Secrétaire général du bureau local de l’organisation démocratique de
l’enseignement. Mdiq – Fnidek. (odt).
innombrables qui retiennent l’impulsion de notre enseignement en otage.
D’ailleurs, ce n’est plus un secret pour personne, la politique dans le secteur de
l’enseignement, entre autres, est hasardeuse et fondée seulement sur des a
priori et de faux-fuyants. Du seul fait que j’aborderai uniquement, dans ce qui
suit, l’approche pédagogique.
Les expériences et les recherches ont montré de façon claire et nette que la
quasi-totalité des apprenants « retardataires » dans l’apprentissage ont un QI
plus élevé que la moyenne et que leurs échecs scolaires sont dus soit à la
défectuosité de tout le système éducatif, soit à des erreurs pédagogiques ou à
des problèmes sociaux et troubles sentimentaux. La preuve est que parmi ces
élèves, ceux qui après avoir reçu une pédagogie adéquate et une éducation
saine, ont repris de plus belle leur scolarité.
En fait, tout ceci suscite de grosses vérités pédagogiques :
 L’apprenant peut avoir un niveau d’apprentissage plus ou moins bon.
 Les différenciations en classe ne sont pas dues au hasard mais elles
sont le corollaire d’une certaine opération d’enseignement-apprentissage qui
laisse des empreintes très visibles sur l’élève et son itinéraire :
Avoir des difficultés dans une ou plusieurs disciplines.
Faire de faux- pas (échecs momentanés).
Avoir du retard dans l’apprentissage.
Redoubler la classe.
Arrêter les études.
La pédagogie de soutien qui, désormais est d’actualité et qui est censée être le
remède magique à notre crise pédagogique, est-elle vraiment la solution sine
qua non ?
Pour bien déceler la vérité, une étude approfondie et analyse objective sont plus
que jamais nécessaires.

La définition des concepts


 La pédagogie de soutien :
1) Le concept linguistique :
Soutenir : maintenir debout- empêcher quelqu’un de tomber- empêcher de
défaillir en rendant des forces-aider- fortifier- assister- encourager …
2) Le concept pédagogique :
C’est un moyen et une technique pédagogique à appliquer en classe ou hors
classe (activités générales de l’école) et qui consiste à évaluer les progrès
réalisés par les apprenants, diagnostiquer les lacunes enregistrées aussi bien au
niveau de l’apprentissage qu’au niveau de l’acte d’enseignement lui-même et les
combler en prenant en compte, bien sûr, les différenciations des élèves.
.« Au sens strict et en toute vigueur, ça signifie que toute difficulté quelle qu’elle
soit, est immédiatement traitée plutôt que de laisser les apprenants poursuivre
leur cheminement au risque de les voir accumuler des déficits
importants « (L’évaluation des apprentissages. Ministère de l’éducation
nationale.1997).
« La pédagogie de soutien vise par les contenus qu’elle véhicule à développer et
à aiguiser les compétences des apprenants »(Toumi).
 Le faux-pas scolaire (l’échec momentané) :
C’est une situation passagère qui a un lien étroit avec les connaissances.
L’apprenant a des difficultés dans une ou plusieurs matières. Néanmoins, il peut
dans un délai précis durant l’année scolaire, s’en sortir si la pédagogie de
correction et de soutien est efficace.
 Le retard scolaire :
De point de vue pédagogique, c’est une situation critique, très difficile de s’en
sortir indemne. C’est une accumulation de moult « faux- pas » successifs non
corrigés. Dans ce cas précis, l’élève redouble la classe et peut, à moyen ou à
long terme, arrêter ses études.
1) Les traits caractéristiques :
- L’absence de participation.
- La difficulté d’articuler et de s’exprimer.
- L’incapacité ou le refus de compréhension.
- Le désintéressement.
- L’incapacité de ou le refus d’apprendre ou de se rappeler.
- Le manque d’observation.
2) Les conséquences :
 Le côté personnel :
- Le désespoir.
- L’inconduite.
- Le vide sentimental et affectif.
- L’agressivité.
- Le sentiment d’infériorité.
 Le côté pédagogique :
- Mauvaise relation élève-élève.
- Mauvaise relation élève-enseignant.
- L’absence d’entraide, de respect mutuel et de dialogue.
- L’absence de l’esprit-groupe.
- La semeur du désordre et de la pagaille en classe.
- L’abaissement du niveau d’apprentissage.
 Le côté social et matériel :
- La difficulté d’intégration dans la société.
- La dilapidation de l’énergie matérielle et humaine.
- L’absence d’investissement des capacités, des compétences et habiletés
dans la production nationale.
- La dérive sociale.
Les formes de soutien pédagogique
 Le soutien intégré :
C’est le soutien instantané qui se pratique en classe au cours des leçons et des
exercices ou pendant les moments de correction. Son objectif est de déceler les
lacunes et de les combler illico presto sans tarder.
 Le soutien périodique (l’arrêt bilan) :
C’est l’occasion de faire le bilan du travail réalisé au cours d’une période donnée.
Il a pour objectif d’évaluer les acquis, corriger les déficits et soutenir ou
consolider et enrichir.
 Le soutien préventif :
Il s’effectue hors classe. C’est un ensemble d’activités que les apprenants
accomplissent sous forme de devoirs afin d’anticiper les déficits au cours des
leçons à venir. Ces activités qui couvrent des insuffisances « prévisionnelles »,
sont adaptées aux différentes catégories du groupe-classe.
« Il se réalise au moyen d’un questionnement se rapportant à un apprentissage
donné mais survenant avant que celui-ci n’ait lieu »(Toumi).
 Le soutien institutionnel :
Il s’effectue dans le cadre des activités générales de l’école et demande
l’intervention effective d’une équipe pédagogique : encadreurs, directeur et
enseignants (comité d’éveil) qui fixe les objectifs, définit les procédés les mieux
adéquats et établit un programme de traitement efficace.
 Le soutien complémentaire :
Il s’effectue pendant le temps libre des apprenants. Il a pour but de fournir une
assistance complète fondée sur des données concrètes par le biais de moyens
didactiques spécifiques : la télévision scolaire (émissions pédagogiques), les
technologies de l’information et de la communication (programme Génie).
Dans ce même cadre, les parents peuvent aussi jouer un rôle éminent, celui de
pouvoir accommoder et lier solidement l’école à son entourage à travers
l’intégration des enfants dans des activités sociales, culturelles, sportives
(informatique, théâtre, sport, associations…).

Les bases de soutien pédagogique


La pédagogie différenciée, le psychosocial et l’affectif sont tellement négligés
pendant le soutien que ce dernier virevolte en une « révision » traditionnelle
comme si l’apprentissage ne se limite qu’aux connaissances et aux savoirs alors
qu’il s’étend à d’autres champs aussi indispensables et pertinents.
1) Le côté cognitif :
- Faire forger et affiner les compétences de raisonnement : construction de
concepts, méthodologie, procédure, compréhension, reconnaissance,
découverte, interprétation, analyse, jugement …
2) Le côté psychosocial et affectif :
- Faire développer les compétences communicatives, langagières et
comportementales : expression, écoute, conversation, participation,
responsabilité, formulation des hypothèses, explication des attitudes,
argumentation, défense des opinions et idées …
- Encourager le travail en groupe : solidarité, cohabitation, entraide, acceptation
de l’autre, coopération, citoyenneté …
3) Le côté perceptif-actif :
- Soutenir les compétences de perfectionnisme, de finesse, de technicité, de
créativité :
 Avoir la faculté de percevoir par les sens et l’esprit.
 Accès à une meilleure maîtrise de soi, une meilleure perception du
temps et de
l’espace pour pouvoir prendre les décisions pertinentes (qualité et quantité) au
moment opportun et vaincre tout ce qui peut étouffer le processus mental et
physique.
.
4) Les différenciations individuelles :
Les études ont montré que chaque apprenant a sa personnalité et son caractère
spécifiques, son style d’apprentissage et de travail, ses dispositions, ses
connaissances particulières ainsi qu’une éducation liée étroitement à son
environnement social, culturel et économique.
« Il n’y a pas de raison de penser que les enfants arriveront tous à l’école avec
les mêmes ressources, le même niveau de développement, les mêmes
attitudes ». (Aldous Huxley).
« Tous les enfants n’affrontent pas les mêmes situations, qu’elles soient
banales ou extraordinaires, avec les mêmes moyens intellectuels et
culturels, au sens le plus général de ces termes. Il suffit d’ignorer ou
simplement de sous-estimer les différences, de construire la pédagogie et
le cursus sur une fiction d’homogénéité pour que ces différences se
transforment en réussite pour les uns, en échec pour les autres ».
(Perrenoud).
« La stratégie pédagogique est basée sur trois paramètres : les spécifités
de l’élève, l’adaptation de l’enseignement selon ses besoins et le degré de
rentabilité ». (Bloom).

Le rapport évaluation-soutien
«C’est assurer la progression de chaque apprenant dans un processus
enseignement-apprentissage, avec l’intention de modifier la situation
d’apprentissage ou le rythme de cette progression pour apporter s’il ya lieu
des améliorations ou des correctifs appropriés » (l’évaluation des
apprentissages. Ministère de l’éducation nationale.1997).
Il est inutile de préciser qu’on ne peut corriger et soutenir ou consolider et
enrichir sans évaluer le travail de l’élève. En effet, c’est en enregistrant les
observations, les réussites ou les échecs des actes d’apprentissage et
d’enseignement dans un cahier ouvert à cet effet ou en bas des pages du
cahier-journal (même si ce dernier ne permet que des observations d’ordre
général) que l’on peut prendre les dispositions de travail de cette activité.
Une fois les éléments analysés et étudiés, on est à même d’élaborer les
stratégies spécifiques à la correction et au soutien ou à la consolidation et à
l’enrichissement des acquis.
A la lumière des observations et des résultats enregistrés, on peut
facilement élaborer la préparation.
1) Hypothèse1 : résultats positifs :
Dans ce cas, on est amené à penser à la consolidation et l’enrichissement
des acquis.
2) Hypothèse 2 : résultats moyens :
Penser d’emblée à des stratégies pédagogiques appropriées. On peut, à
cet effet, « scinder » la classe en groupes de travail :
-Groupe de bons.
-Groupe de moyens.
-Groupe de faibles.
Il va de soi qu’il faut aussi entrevoir des stratégies adaptées à chaque
catégorie.

3) Hypothèse 3 : résultats négatifs :


Dans ce cas, tout le groupe-classe n’a rien assimilé. L’évaluation a montré
que les finalités n’ont pas été assignées. Dans cette perspective, il ya lieu
de reprendre tout l’enseignement :
-Contenus à revoir.
- Méthodes et procédés à repenser.
-Attitude et comportement de l’enseignant à remédier.
-Préparer autrement la leçon mentalement et matériellement.

Définition des outils didactiques


Assignation des objectifs   Grille
d’évaluation
Conditions d’application

Conceptualisation
Consolidation des acquis
Correction et soutien

(Le soutien pédagogique : Khalid Elmir et Driss


Elkassimi)

Epilogue
Préparer cette activité n’est pas chose aisée. A fortiori, elle requiert
disponibilité et organisation rigoureuse du travail. Elle ne peut aboutir que
s’il on se prépare tout au long de l’enseignement à sa réussite. En outre,
penser toujours à préparer des fiches individuelles d’ordre psychologique et
social des élèves « retardataires » dans l’apprentissage pour rendre la
tâche moins difficile.
Il va de soi que d’après ce qui précède, il parait manifeste que le savoir-faire et
l’ingéniosité de l’enseignant sont mis à contribution pendant l’élaboration et la
réalisation de cette activité. Son rendement pédagogique peut être ipso facto
efficace, aboutissant et objectif quand ils sont bien réussis.
Et en fin de compte, je me permets de finir par une belle citation d’Antoine Prost :
« L’illusion consiste à croire que les professeurs sont responsables
complètement du succès ou de l’échec de leurs élèves ». A méditer.
Bibliographie
Le Robert. Dictionnaire de la langue française. Edition 1998.
Philippe Perrenoud. La pédagogie à l’école des différences. 1996.
Abdellatif Al farabi et Mohammed Aït Moha. La pédagogie d’évaluation et de
soutien.
Khalid El mir. Les sciences de l’éducation : la pédagogie de soutien.
Philippe Perrenoud. Avancer vers l’observation formative et une pédagogie
différenciée. 1991
L’évaluation des apprentissages. Ministère de l’éducation nationale. 1997
Formation des enseignants : la 6ème année de l’enseignement fondamental.
MEN. 1990
Khalid El Mir et Driss El Kassimi. Le soutien pédagogique.
Gather Thurler et Philippe Perrenoud. Savoir évaluer pour mieux enseigner.
1988.
Toumi. La pédagogie des compétences.
El Fajrani El Houssine. L’arrêt-bilan.
Note ministérielle (n° 138 du 20/10/1997) : autour du soutien
pédagogique.

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