Vous êtes sur la page 1sur 17

INTRODUCTION

Un entretien de Florence Robine, directrice générale de l'enseignement scolaire (Dgesco), annexé à la


publication numérique du référentiel de compétences des métiers du professorat et de l’éducation publié
au BO du 25/07/2013 met en avant les qualités du professeur de demain. Elle le décrit comme un
praticien réflexif, bienveillant envers ses élèves, acteur de la communauté éducative et sensible à la
culture numérique.

Après un parcours universitaire bac+3 STAPS mention éducation et motricité à la FSSEP de Lille 2,
l’obtention de mon CAPEPS en 2003, mon premier poste de professeur titulaire m’a envoyé dans
l’académie de Créteil et plus précisément au collège Hippolyte Rémy de Coulommiers. Le public y était
particulièrement hétérogène dans la mesure où les milieux sociaux étaient très diversifiés, composé
d’élèves issus du centre-ville plutôt bourgeois et des logements HLM situés à la périphérie de la ville.
Cette première expérience m’amena principalement à développer mes compétences pédagogiques afin
de prendre en compte la diversité des élèves notamment liée à leurs profils motivationnels ou encore
sociaux. La bienveillance développée sur ce premier poste m’a d’ailleurs permis de m’adapter de
manière plus efficace à des diversités d’ordre différent lors de mes postes suivants. En effet, mon
second poste au collège Léo Lagrange de Lillers (62) m’a confronté à un public homogène socialement,
issu de classes sociales défavorisées mais dont la diversité était liée au profil cognitif des élèves. J’avais
sous ma responsabilité des classes de SEGPA, ainsi que des élèves d’UPI en inclusion lors des cours
d’EPS. Cette capacité s’enrichit sur mon dernier poste au collège Pierre Mendès France d’Arques (62)
obtenu en 2012. Il s’agit en effet d’un poste à profil dont la mission repose sur la coordination de la
section sportive gymnastique Haut Niveau. Un nouveau profil d’élève non rencontré jusqu’alors s’est
dessiné : celui de jeune sportif de haut niveau.

Par ailleurs, les particularités des missions liées à ce poste m’ont amené à développer d’autres
compétences et plus particulièrement celles liées à l’accompagnement des élèves dans leur parcours
de formation. Effectivement, la quantité de pratique hebdomadaire conséquente pour des élèves
pratiquant une activité gymnique de haut-niveau nécessite une certaine vigilance afin de faire en sorte
que leurs parcours de formation sportive et scolaire puissent se combiner sans impact physique,
scolaire, ou psychologique négatif sur leur développement personnel.
C’est aussi au travers de cette mission de coordonnateur de section sportive de haut niveau, celle de
coordonnateur de discipline (EPS), ainsi que de membre du dispositif de liaison CM2-6ème que j’ai pu
développer mes compétences d’acteur de la communauté éducative et plus particulièrement celle liée
à la coopération avec les parents, les partenaires de l’école (le club, le médecin sportif, le
kinésithérapeute, l’infirmière scolaire, etc.…) et bien sûr les membres de la communauté éducative
(infirmière scolaire, collègue d’EPS, collègues des autres disciplines, enseignants du primaire.

Mes statuts de formateur disciplinaire EPS, professeur relais en TICE et EPI lors de la réforme du
collège de 2015, maître de stage en licence, master 1 et master 2 m’ont amené à approfondir cette
compétence de collaboration et de transmission de compétences. Grâce aux missions liées à ces
statuts particuliers, combinées à la préparation et l’obtention de l’agrégation interne d’EPS en 2015 ainsi
qu’à ma participation à des groupes de réflexion et d’innovation, j’ai pu formaliser ma pratique
1
d’enseignant et envisager une utilisation pédagogique du numérique (au sein du GRUPNEPS ), j’ai pu
développer mes capacités à mener une pratique réflexive au service des apprentissages moteurs,
sociaux et méthodologiques de tous les élèves et progresser didactiquement dans la maîtrise des
savoirs disciplinaires, socles et leur articulation lors des situations d’apprentissage.

C’est d’ailleurs cette bascule professionnelle au regard du socle qui m’a significativement fait réfléchir
sur mes compétences à mettre en œuvre des situations d’apprentissage visant l’acquisition de savoirs
disciplinaires et transversaux (connaissances, compétences, valeurs et attitudes) nécessaires pour
réussir sa scolarité, sa vie d'individu et de futur citoyen.

Je tenterai de montrer dans ce dossier dans quelle mesure mes débuts en tant que formateur ont
impacté les modalités de formation proposées lors de stages et plus particulièrement la relation entre
théorie et activité des stagiaires. Toutefois, il semblerait qu’une hybridation de ces modalités couplées
à une évaluation des activités des stagiaires pourraient optimiser la conception de mes actions de
2
formation afin d’atteindre l’objectif d’une « cohérence interactive » des savoirs soclés et disciplinaires
et ainsi passer d’une relation d’occultation ou de juxtaposition du socle commun aux savoirs

1
Groupe de Réflexion sur les Usages Pédagogiques du Numérique en Education Physique et Sportive
2
Mascret N., Rey O., Travert M. (2012). EPS et socle commun : trois scénarios pour une rencontre. In :
Cahiers pédagogiques n°26
disciplinaires à une relation d’intégration effective, gage de développement de compétences liées au
socle chez tous nos élèves.

Dans un premier temps, je m’attarderai sur mes débuts dans la formation continue qui ont
essentiellement impacté mes modalités de formation et plus particulièrement les statuts et rôles de la
théorie et des activités menées par les stagiaires.

Dans un second temps, j’aborderai la place et le rôle de l’évaluation des activités des stagiaires sur les
modalités de formation en questionnant notamment l’utilisation du numérique au sein des formations.

Enfin, dans un dernier temps, j’analyserai comment la diversité de mes expériences en tant que
formateur m’ont permis d’enrichir mon expérience de formateur.

Expérience professionnelle significative


Une bascule dans la didactisation du socle commun
Durant les quelques années qui ont suivi son instauration dans la loi d'orientation et de programme pour
l'avenir de l'école, en date du 23 avril 2005, le socle commun existait dans mes pratiques
professionnelles de façon plus ou moins formelle. En effet, celles-ci s'appuyaient bien souvent sur le
socle sans l'enseigner réellement conduisant à une validation parfois hasardeuse des compétences s'y
référant. En EPS, plus particulièrement, les intentions éducatives régulièrement formulées dans mes
bulletins scolaires découlaient généralement des APSA que j’enseignais. (Ex : les sports collectifs
socialiseraient). Les quelques stages de formation continue que j’avais suivis depuis mon retour dans
l’académie de Lille m’avaient permis de progresser en questionnant mes compétences professionnelles
et plus spécifiquement celle de la construction de situations favorisant l’apprentissage et la socialisation
des élèves. Toutefois, si les formes de pratique proposées par les formateurs me convenaient et
m’amenaient à en réaliser des ajustements, la démarche de conception de formes de pratique
personnelles adaptées aux besoins éducatifs et moteurs spécifiques des élèves dont j’avais la charge
était encore difficile.

La formalisation et la formation à une conception intégratrice du socle


Dans ce contexte, dès mon arrivée au collège Pierre Mendès France, en 2012-2013, je franchissais
une nouvelle étape en intégrant le GPEP (Groupe de production et d’expérimentation pédagogique)
dont les stages s’intitulent : « Extraire les savoirs à enseigner des programmes : extraire les savoirs à
enseigner du socle » ou encore « Analyser et formaliser sa pratique d’enseignant innovateur ».
Débutait alors une réflexion professionnelle plus approfondie liée aux contenus à enseigner concernant
le socle. Cette démarche visait à didactiser le socle comme cela existait pour les autres disciplines
scolaires afin d’en définir des contenus précis et enseignables. Je développais alors une compétence
à la construction d’un cycle dans l’APSA Tennis de table dont l’objet était l’acquisition de la compétence
« soclée » : Planifier un replacement. Il témoignait de la volonté d’articuler au sein de mes
enseignements une compétence motrice liée au replacement avec la compétence « soclée » de mise
en projet.
En mars 2013, je partageais ce travail lors d’un stage de formation de secteur en EPS puis en septembre
2013 et octobre 2015 lors d’ateliers de pratiques organisés dans le cadre du Club EPS de l’A.E.-E.P.S.
de Lille. Tout d’abord, ce premier stage de secteur m’a principalement focalisé sur l’aspect
organisationnel et structurel d’un stage à proprement parler. Il s’agissait selon moi de proposer aux
stagiaires un apport théorique, puis une expérimentation « sur le terrain », au travers d’une mise en
pratique des principes de conception de compétence disciplinaire soclée énoncés précédemment.
Néanmoins cette structuration ne me convenait pas dans le sens où la pertinence des propositions
pratiques n’était pas évidente à établir pour les stagiaires. C’est alors que j’ai opté pour une évolution
des modalités de formation sur un modèle d’allers-retours entre des activités de conception d’une tâche
d’apprentissage liée à un domaine spécifique du socle et sa mise en pratique afin de mettre en évidence
l’impact des choix conceptuels liés au socle sur les transformations motrices et éducatives des élèves.

Cette option avait aussi pour objectif de faire basculer l’activité de conception de contenus des stagiaires
afin qu’ils parviennent à enseigner mieux le socle commun au travers de leurs situations
d’apprentissage en EPS. En d’autres termes, l’objectif était de construire un milieu de formation leur
permettant de passer d’une occultation du socle qui consisterait à enseigner exclusivement les
compétences disciplinaires ou d’une juxtaposition des compétences disciplinaires et soclées
notamment par le biais quasi exclusif de l’accès aux rôles socio-participatifs (partant du principe que
par exemple, l’arbitrage rendrait citoyen, le coaching favoriserait l’entraide) vers une relation
3
d’intégration dans laquelle les compétences disciplinaires et soclées sont en « cohérence interactive » .

3
Mascret N., Rey O., Travert M. (2012), op. cit.
Finalement, ces premiers stages avaient questionné ma démarche de formation et la nature des
activités à mener avec des stagiaires en formation continue et dans le même temps développé ma
compétence de formateur à mettre en œuvre et animer. Plus précisément, mes « modalités et
4
techniques d’animation fondées sur la mise en action des apprenants » avaient évolué au fil de ces
stages en passant d’une approche chronologique à une approche basée sur des alternances théorie-
pratique. Par ailleurs, la volonté de passer par des phases de pratique de la part des stagiaires avait
sollicité ma compétence à anticiper les moyens logistiques (installations sportives, matériel sportif,
éducatif, matériel de vidéo projection) nécessaires à la réalisation efficace de mon action de formation.

Cependant cette démarche de formation s’illustrant au travers d’un cycle de tennis de table suppose
pour mes stagiaires de s’interroger sur la nature des savoirs à transmettre en EPS et des expériences
culturelles à faire vivre afin de permettre aux élèves de mieux appréhender la complexité du monde qui
5
les entoure. A ce sujet, Lasnier souligne que l’accès à cette complexité par les élèves supposent une
articulation entre différentes capacités liées à la compétence développée permettant l’accès. Chaque
capacité suppose la mobilisation d’habiletés, de connaissances, de savoirs faire, de savoir être multiples
et se caractérise par 3 propriétés : sa spécificité au regard du registre auquel elle se rapporte (en EPS,
il s’agirait des registres culturel lié aux APSA, au corporel lié aux ressources mobilisées et au socle), sa
transversalité au sein de ce registre et enfin son interdépendance avec les capacités des 2 autres
registres. Concernant les relations entre les capacités qui sous-tendent la compétence, le Boterf parle
6
« d’alchimie » . Lasnier confirme cela en 2000 en parlant d’intégration entre les capacités : « Les
éléments étudiés sont liés entre eux et liés à la compétence ; l’apprenant développe la compétence en
7
utilisant les éléments de la compétence de façon intégrée. » (voir illustration du processus d’intégration
d’une compétence, placée en annexe n°2). Cette conception intégratrice des savoirs liés au socle et à
la motricité représente une rupture réelle dans la démarche d’enseignement des enseignants d’EPS et
plus particulièrement dans la manière de concevoir et transmettre les contenus afin de développer et
stabiliser des compétences motrices et soclées.

Une évaluation des transformations qui transforme la formation…


Une réelle étape dans la prise en compte du socle au sein de nos enseignements s’opérait dans le
décret n° 2015-372 du 31-3-2015 qui soulignait que "le socle commun doit devenir une référence
8
centrale pour le travail des enseignants et des acteurs du système éducatif, en ce qu 'il définit les
finalités de la scolarité obligatoire et qu'il a pour exigence que l'École tienne sa promesse pour tous les
élèves." Cette exigence se mesure d'ailleurs au caractère certificatif du socle commun via l'obtention
du DNB à compter de la session 2017.

Dans un tel contexte, une réflexion s’engage au sein du groupe afin de modéliser notre action et
poursuivre notre processus de questionnement et de formation. A l’issue d’une année de stages de
formation de secteur, afin de concevoir des activités pertinentes au regard des difficultés rencontrées
par nos stagiaires, au sein du groupe de réflexion visant à « extraire les contenus de formation » nous
avons opté pour une formation hybride au cours de laquelle, à l’issue des stages de secteurs, les
stagiaires auraient des activités à mener en conseil d’enseignement avant de les retourner en ligne.

Les documents retournés nous ont permis d’objectiver les difficultés des stagiaires à opérer la rupture
dans leur compétence à concevoir et mettre en œuvre des situations d’apprentissage intégratrices vis
à vis du socle. Dans les retours réalisés par les stagiaires au travers de documents numériques transmis
aux inspecteurs à l’issue de conseils d’enseignement (voir tableau à compléter, placé en annexe n°1),
nous avons relevé une prise en compte du socle mais un manque de didactisation des savoirs qui y
sont liés et une tendance forte au cloisonnement des savoirs éducatifs et moteurs. En d’autres termes,
et pour reprendre nos réflexions précédentes, l’étape d’occultation du socle semblait franchie,
néanmoins, les stagiaires restaient sur une démarche de juxtaposition du socle et de la motricité et
notre volonté d’atteinte de l’objectif d’intégration du socle à la motricité ne semblait pas satisfaite.
Toutefois grâce à ces retours, nous pouvions optimiser notre stratégie de formation afin de poursuivre
les transformations engagées par nos stagiaires.

A cette étape de mon expérience de formateur, je pouvais mesurer la nécessité et la pertinence d’une
évaluation construite et orientée afin de cerner si les stagiaires avaient assimilé les transformations
visées lors de nos stages et ainsi optimiser leur accompagnement lors des prochaines actions de
formation. Nous avons alors conçu un recueil de données via un document à retourner en distanciel à

4
Bulletin officiel n° 30 du 23 juillet 2015, Référentiel de compétences professionnelles du formateur de
personnels enseignants et éducatifs.
5
Lasnier. (2000). Réussir la formation par compétences. Montréal, Guérin.
6
Le Boterf, (1994). De la compétence, Essai sur un attracteur étrange. Paris. Les Editions d’organisation, p. 43.
7
Lasnier. (2000). Réussir la formation par compétences. Montréal, Guérin.
8
Décret n° 2015-372 du 31-3-2015.
l’attention des équipes pédagogiques dont le questionnement et les activités à mener qui s’y attachaient
permettaient à la fois d’évaluer le niveau d’intégration du socle au sein des démarches d’enseignement
ainsi que de détecter les difficultés et obstacles à surmonter pour faire progresser nos stagiaires vers
une « cohérence interactive » des savoirs soclés et disciplinaires en EPS. Cette contribution à
l'évaluation d'un dispositif de formation : « concevoir des critères et des indicateurs ainsi que des outils
9
de recueil des données, analyser les résultats, ajuster les actions de formation en conséquence » fut
très enrichissante.

Au regard des résultats et analyses réalisées des documents retournés par les stagiaires, nous avons
donc opté pour diffuser des formes de pratique au travers de vidéos sur le site internet de l’académie
de Lille dédié à l’EPS. L’objectif étant notamment d’accompagner nos stagiaires dans leur formation
professionnelle en proposant des « exemples » de démarches d’intégration du socle à des cycles dans
différentes APSA. Il s’agissait ici de compléter notre approche « magistrale » de la conception de cycle
intégrant le socle par un exemple dans chaque compétence propre des programmes d’EPS. Je me
retrouvais au sein du groupe concernant la compétence propre n°4 concernant les activités d’opposition
10
et de coopération. Le but était de réaliser une capsule vidéo expliquant la démarche d’intégration du
socle en montrant des élèves en activité au sein de la forme de pratique présentée aux stagiaires lors
des stages de secteur. Diffusée sur le site EPS de l’académie de Lille, il semblait que cette vidéo fut
consultée par de nombreux collègues mais il apparaissait difficile de mesurer l’impact qu’elle avait pu
produire sur leurs démarches d’enseignement et si les effets escomptés étaient réels.

Vers des modalités de formation hybride…


Lors de cette étape de mon expérience particulière de formation, j’ai pu mesurer l’importance et
l’optimisation d’une action de formation. Il semblerait qu’un mode de transmission unique qu’il soit
magistral ou digital semble avoir une efficacité limitée sur le développement de compétences
professionnelles nouvelles chez les stagiaires. D’une part, une formation magistrale s’avérait avoir un
impact limité dans la mesure où la démonstration d’une démarche d’enseignement se confronte à des
limites pratiques. En effet, nombre de stagiaires posent d’eux même ces limites en utilisant des
arguments liés au type de public auquel ils enseignent ou encore aux conditions matérielles. Le fait de
proposer des ateliers de pratique où des collègues sont mis en situation semblait être une étape
intéressante puisqu’elle permettait de concrétiser les propositions réalisées dans la démarche
d’intégration du socle à l’enseignement de l’EPS. De plus, les allers retours entre activité de conception
et expérimentation pratique donnaient du corps aux réflexions menées par mes stagiaires et me
permettaient d’aborder des questions de fond liées à didactisation de contenus soclés ou encore à la
création de situations d’apprentissage s’y rapportant. Néanmoins, il semblerait que certains freins
existent encore sous formes de doutes liés à la mise en pratique au sein d’une classe avec de « vrais »
élèves. C’est pourquoi dans ma démarche d’évolution de pratique en tant que formateur, je pense que
le passage par un atelier de pratique où les stagiaires observent une classe et un enseignant formateur
en activité d’enseignement du socle en EPS pourraient être intéressant. Il serait même intéressant de
proposer cette démarche au sein de classe dont les besoins éducatifs sont différents afin de mettre en
évidence des démarches d’enseignement différentes liées au socle commun dans une même APSA en
EPS voire même encore mettre la lumière sur le développement de contenus interdisciplinaires liées au
socle dans 2 disciplines différentes.

Par ailleurs, le passage d’une action de formation magistrale à une formation digitale me semble aussi
porteuse de progrès et d’impacts sur les pratiques. En effet, d’une part, elle permettait des allers retours
entre théorie et pratique, de donner du corps, de concrétiser les apports et activités menées lors des
stages. D’autre part, cette démarche de digitalisation sous forme de formation hybride permet une
augmentation du temps de formation hors des périodes de stages de par la proposition d’activités
intermédiaires à retourner par voie électronique, mais elle permet aussi un accompagnement plus
efficace. En effet, il semblerait intéressant de programmer des moments d’échanges en distanciel ou
en présentiel s’appuyant sur l’évolution des stagiaires et sur des moments de vie d’enseignant. Par
exemple, il me semblerait que filmer sa propre pratique pour l’analyser selon des filtres liés à la
démarche d’inclusion du socle (ciblage, lisibilité, cohérence, contenus précis…) et échanger entre
collègues sur un temps de formation peut s’avérer très constructif dans la mesure où il s’agit de mener
une activité de praticien expert par l’observation et l’analyse des éléments de pratique professionnelle
pour réajuster des pratiques efficaces au regard des acquisitions visées par les textes officiels et plus
particulièrement ceux concernant le ciblage d’activités liées au socle et à la motricité menées par les
élèves, leur cohérence interactive pilotée par le socle pour formuler une compétence attendue, leur
opérationnalisation, et leur accessibilité à tous les élèves.

9
Bulletin officiel n° 30 du 23 juillet 2015, Référentiel de compétences professionnelles du formateur de
personnels enseignants et éducatifs
10
http://eps.discipline.ac-lille.fr/numerique/videotheque/eps-cp/tennis-de-table
Il semblerait ici qu’une formation hybride planifiant et combinant à bon escient les activités des stagiaires
sur des dimensions théoriques liées à la didactisation du socle, sur des dimensions pratiques liées à
l’aspect pédagogique rythmée par des échanges intermédiaires avec le formateur et/ou les stagiaires
puisse avoir un impact plus conséquent et rapide sur les transformations professionnelles des
stagiaires.

Des expériences différentes mais complémentaires et enrichissantes…


La diversité de ces interventions était enrichie en 2015 par mon rôle de professeur relais concernant les
ème
EPI, la liaison CM2-6 et le numérique au sein de mon établissement. Cette expérience de formation
auprès de collègues d’autres disciplines m’a permis de les sensibiliser à la démarche d’intégration et
de didactisation du socle afin d’envisager des contenus interdisciplinaires communs et faciliter
l’évaluation de leur maîtrise par les élèves de notre établissement. L’intérêt est présent mais les moyens
insuffisants malheureusement pour aboutir à un référentiel commun de contenus soclés. J’aurais aimé
aller plus loin dans cette démarche auprès de mes collègues et pense qu’une formation interdisciplinaire
sur la didactisation du socle et son uniformisation au sein d’un établissement est un axe de
développement intéressant pour des apprentissages ambitieux liés au socle commun chez les élèves.

Enfin, plus récemment, avec un collègue, nous avons communiqué lors de la biennale de l’AEEPS
2017, à Nancy, sur la thématique : « pour que les élèves apprennent en EPS » dans le chapitre « des
contenus ciblés en lien avec le socle commun de connaissance, de compétences et de culture ». Cet
article intitulé « Un projet qui fait de l’effet ! Cibler une activité de planification chez les élèves au travers
11
du replacement en tennis de table » (voir l’article, placé en annexe n°3)me permettait une diffusion
élargie de la démarche d’intégration du socle aux apprentissages en EPS développée au sein de
l’académie de Lille en EPS. Couplée à la production de capsules vidéo, cette expérience enrichissante
d’échange professionnel a permis de développer ma compétence à « élaborer des écrits professionnels
en lien avec les différents volets de l’activité de formation et construire des ressources pédagogiques ».

Pour conclure, la diversité des actions de formation que j’ai eu l’occasion de mener m’a permis de
manière plus pertinente mais non aboutie de mettre en œuvre « les modalités pédagogiques et des
12
techniques d'animation fondées sur la mise en action des apprenants » ainsi que « l’accompagnement
13
des stagiaires dans leur formation » . C’est d’ailleurs au fil de ce parcours professionnel
d’enseignement et de formation que j’ai pu comprendre et développer des compétences
professionnelles visant à didactiser les compétences liées au socle de manière interdisciplinaire afin de
faciliter l’accès à la réussite en évitant les obstacles. En effet, cette démarche limiterait la multiplication
des contenus à transmettre aux élèves, qui se traduit bien souvent comme une multiplication des
14
problèmes qui leur sont posés et un « zapping de contenus soclés » . C’est pourquoi, nous pensons,
que c’est par des réflexions sur la nature de la réussite en EPS et ailleurs, sur les difficultés rencontrées
par les élèves, ainsi que sur les processus déployés par ceux-ci pour les surmonter que l’enseignant
15
pourra espérer « fabriquer de l’enseignable » , c’est à dire créer les conditions de l’accessibilité d’une
activité cognitive complexe en la déclinant sur les plans méthodologique et social. Par ailleurs, les
récentes difficultés personnelles et rencontrées au sein de mon établissement lors de la validation des
compétences liées au socle commun en vue de l’obtention du DNB m’engagent à orienter mes
réflexions sur les dispositifs les plus pertinents d’évaluation des compétences soclées en EPS et plus
particulièrement la conception de milieu de pratique dont la complexité croissante engagerait l’élève à
mobiliser des niveaux de compétence de plus en plus élevés et permettrait de baliser un parcours de
formation de plus en plus exigeant pour les élèves et attestant d’un niveau de « réussite systématique
16
et durable » , gage de compétence.

11 ème
Bultel, Durieux, (2017). Les dossiers AEEPS, Actes de la 2 Biennale de l’AE-EPS : Pour que tous les élèves
apprennent en EPS, quels repères et quels parcours de formation ? Un projet qui fait de l’effet, cibler une activité
de planification chez les élèves au travers du replacement en tennis de table, p.42-48.
12
Bulletin officiel n° 30 du 23 juillet 2015, Référentiel de compétences professionnelles du formateur de
personnels enseignants et éducatifs.
13
Ibid.
14
Coston A., Testevuide S., J.L. Ubaldi J.L., In : "Forme de pratique scolaire, objet d'enseignement et
d'intervention", Collection : Les cahiers du CEDRE/CEDREPS, AEEPS, 2013, Vol.13.
15
Chervel A. (1988). Histoire de l’éducation n°38. L’histoire des disciplines scolaires. Réflexions sur un domaine
de recherche. INRP. p.59-119.
16
Goirand P. (1996). Séminaire d’Orsay
Annexes
Annexe 1
Document d’évaluation
Conseil d'enseignement 1
Nous vous conseillons
ü de vous appuyer sur les vidéos et documents relatifs aux journées disciplinaires 1 et 2 disponibles sur m@gistere et sur le site EPS de l'académie
ü d’engager votre réflexion à partir des éléments de description du milieu d’évaluation ou des descriptions de comportements d'élèves significatifs de 2 degrés différents de maitrise
de cette compétence. Nous vous demandons de décrire en priorité « ce que l’élève(s) fait (font) » et moins en termes de manques (« ce qu’il ne fait pas »)

Décrire Justifier
Décrivez le milieu d'évaluation qui vous permet d'identifier la compétence soclée Formulez la compétence à mobiliser dans ce milieu
poursuivie tout au long du cycle (il s'agit ici de décrire le milieu en donnant les règles
qui le régissent)

Pourquoi avez-vous défini cette compétence ?

En quoi le socle vous a permis de mieux déterminer ce qu'il y a à apprendre dans


l'APSA ?
Décrivez 2 comportements d'élèves significatifs de 2 degrés différents d'acquisition de En quoi ce que l’élève a appris / montré peut être réinvestissable dans une autre
la compétence annoncée APSA ?

Ø Un élève qui révèle une maîtrise fragile.

En quoi ce que l’élève a appris / montré peut être réinvestissable dans une autre
discipline que l'EPS ?

Ø Un élève qui réussit dans ce contexte avec une maîtrise satisfaisante

En quoi ce que l’élève a appris / montré peut être réinvestissable dans un


contexte autre que celui de l'école ?
Annexe 2
Illustration du processus d’intégration d’une compétence (Lasnier, 2000)
Annexe 3
ème
Article de Bultel et Durieux, publié dans les dossiers AEEPS, Actes de la 2 Biennale de l’AE-EPS :

Pour que tous les élèves apprennent en EPS, quels repères et quels parcours de formation ? Un
projet qui fait de l’effet, cibler une activité de planification chez les élèves au travers du replacement
en tennis de table, p.42-48

BULTEL Sébastien, Professeur agrégé d’EPS, Collège Pierre Mendès France, Arques, Académie de
Lille
DURIEUX Sylvain, Professeur agrégé d’EPS, Collège Pierre Mendès France, Arques, Académie de
Lille

Depuis quelques années, de manière générale, le socle commun existe dans les pratiques
professionnelles de façon plus ou moins formelle. En effet, celles-ci s'appuient bien souvent sur le socle
sans l'enseigner réellement conduisant à une validation parfois hasardeuse des compétences s'y
référant. En EPS, plus particulièrement, les intentions éducatives régulièrement formulées dans les
bulletins scolaires découlent généralement des APSA enseignées. (ex: les sports collectifs
socialiseraient).
Or, le décret n° 2015-372 du 31-3-2015 souligne que "le socle commun doit devenir une
référence centrale pour le travail des enseignants et des acteurs du système éducatif, en ce qu'il définit
les finalités de la scolarité obligatoire et qu'il a pour exigence que l'École tienne sa promesse pour tous
les élèves.". Cette exigence se mesure d'ailleurs au caractère certificatif du socle commun via l'obtention
du DNB depuis la session 2017.
C'est pourquoi, nous défendons l'idée d'un socle commun qui s'enseigne et permet de mieux
enseigner l'EPS. Cette idée implique un passage d'une démarche inductive dans laquelle la simple
pratique d’une APSA permettrait le développement mécanique d’une multitude de compétences du
socle commun à une démarche déductive dans laquelle une compétence du socle commun ciblée pilote
le choix d’une activité culturelle spécifique de l’APSA.
Nous tenterons de présenter les différentes étapes de notre démarche de conception d’un cycle
d’enseignement et de les illustrer dans l’activité Tennis de Table pour des élèves de cycle 4.
Dans un premier temps, nous expliciterons l’étape de notre démarche qui consiste à cibler une
compétence du socle commun la mise en projet, pertinente au regard des besoins repérés chez nos
élèves puis à la traduire en terme d’activité impliquant une mise en relation de plusieurs opérations à
mener.
Dans un second temps, nous préciserons la manière dont le socle commun pilote la démarche
de sélection d’une activité culturelle précise. Plus précisément, le choix de l’activité soclée de mise en
projet nous amène à opter de manière préférentielle pour une activité culturelle spécifique au tennis de
table, ici le replacement, permettant la sollicitation prioritaire de ressources perceptivo-décisionnelles,
l’anticipation d’une frappe future.
En nous attardant sur les règles « organisationnelles » nous mettrons en évidence la volonté
de rendre lisible les activités menées par les élèves. Les constats ainsi réalisés faciliteraient les
régulations de l’enseignant notamment en orientant ses choix liés à la complexification progressive du
milieu de pratique. A partir de là, les interventions de l’enseignant s’avéreraient plus pertinentes car
adaptées au niveau des élèves dans la ou les activités ciblées et ainsi les rendre accessible à tous.

1ère PARTIE : Le socle, au coeur de la démarche…. mais comment ?

Comme nous l’avons indiqué en introduction, il semble exister un décalage entre les attentes
institutionnelles considérant le socle comme « une référence centrale » (décret n° 2015-372 du 31-3-
2015) pour concevoir son enseignement et les pratiques professionnelles. Il devient dès lors possible
de s’interroger sur les relations qui unissent les compétences disciplinaires visées en EPS aux
compétences que nous pourrions appeler « soclées » afin de mieux définir quels seraient les savoirs
fondamentaux et indispensables pour permettre à tous les élèves d’accéder à une gestion raisonnée
de leur vie physique future. Ces relations peuvent être de différentes natures dans les relations et
pratiques professionnelles :
- une relation d’occultation qui consisterait à enseigner exclusivement les compétences disciplinaires
sans prise en compte du socle commun.
- une relation de juxtaposition des compétences disciplinaires et des compétences soclées notamment
par le biais de l’accès aux rôles socio participatifs ( par exemple, l’arbitrage rendrait citoyen, le
coaching favoriserait l’entraide….)
- une relation d’intégration dans laquelle les compétences disciplinaires et les compétences soclées
sont en interaction.
En approfondissant, il semblerait aussi que malgré une volonté de juxtaposition ou d’intégration
du socle, la démarche concernant la définition de contenus qui s’y rapportent peut, de surcroît, se
confronter à 2 obstacles :
- un obstacle de diversification: le ciblage n’est pas opéré par l’enseignant qui traite à la fois la mise
en projet, la prise de risque, la socialisation et aborde ainsi plusieurs domaines simultanément.
- un obstacle de multiplication des contenus d’enseignement liés à la ou aux compétences du socle
choisies. Pour une même compétence soclée de multiples contenus sont abordés de manière
superficielle.
On assiste alors à un zapping de contenus "soclés" sans réel approfondissement dans les acquisitions
dont est « victime l’enseignement de l’EPS » et de manière générale l’ensemble des disciplines scolaires
selon nous concernant le socle (Coston, Testevuide, Ubaldi, 2013)

C’est pourquoi la recherche d’une « cohérence interactive » (Mascret et al, 2012) entre un
domaine du socle et une compétence disciplinaire ciblés suppose de s’interroger sur la nature des
savoirs à transmettre en EPS et des expériences culturelles à faire vivre afin de permettre aux élèves
de mieux appréhender la complexité du monde qui les entourent. En nous appuyant sur les propos de
Lasnier (Lasnier, 2000), nous considérons que l’accès à cette complexité par les élèves supposent une
articulation entre 3 types de capacités permettant l’accès à 3 types de savoirs dans 3 registres différents
: culturel, corporel et soclé. En nous appuyant sur les travaux de Lasnier (fig.1), chaque capacité
suppose la mobilisation d’habiletés, de connaissances, de savoirs faire, de savoir être multiples et se
caractérise par 3 propriétés : sa spécificité au regard du registre auquel elle se rapporte (culturel,
corporel ou soclé), sa transversalité au sein de ce registre et enfin son interdépendance avec les
capacités des 2 autres registres.

Fig 1. Illustration du processus d’intégration d’une compétence (Lasnier, 2000)

Au regard de ces réflexions, Il nous apparaît alors pertinent d’adopter une démarche dont la
première étape consisterait à la sélection d’un domaine du socle pertinent au regard des
caractéristiques du public. L’analyse du comportement de nos élèves mettait en évidence une attitude
de réaction tardive au contexte de jeu quelque soit l’APSA enseignée entravant leur efficacité motrice
et/ou décisionnelle. Nous avons donc fait le choix de la capacité à planifier une action en lien avec le
domaine 2 du socle commun, les méthodes et outils pour apprendre, afin de développer chez eux la
capacité à planifier et donc anticiper.

Selon Lasnier (Lasnier, 2000) « l’apprentissage d’une compétence se fait dans l’action, par des
tâches et des activités ». Au sens d’opération, nous entendons une « action concrète faite selon une
méthode, par la combinaison d'un ensemble de moyens et pour obtenir un résultat précis » (Larousse,
2017). Ces moyens utilisés par l’élève pour être efficace dans l’action seraient l’ensemble des habiletés,
connaissances, ressources dont il dispose ou à développer pour agir, autrement dit mener une
opération avec efficacité. Plus concrètement, la capacité à planifier une action reposerait, selon nous,
sur la mise en relation de 4 opérations : une opération d’analyse de la situation, une opération de
scénarisation qui consiste à fixer et ordonner les étapes du plan d’action, une opération de
probabilisation dont le but est d’estimer l’occurence du scénario précédemment établi, et enfin une
opération de régulation qui amène à prévoir des alternatives et de choisir de les mettre en oeuvre ou
non (fig. 2).

fig. 2 Capacité soclée à Planifier une action décomposée en opérations

Par ailleurs, Il nous est apparu indispensable de circonscrire les opérations que les élèves
auront à mener pour développer la capacité soclée à planifier une action afin éviter l’écueil d’une
multiplication des contenus à enseigner que nous avons décrit précédemment. Une quantité de 3 à 4
opérations par capacité nous semble raisonnable dans la mesure où elle permet un ciblage des
contenus à enseigner tout en offrant la possibilité d’aborder la complexité de la capacité à développer.
Au regard des propos de Lasnier, ces opérations ont un « certain niveau d’intégration entre elles mais
ne sont pas nécessairement toutes sollicitées lors de la réalisation d’une tâche » (Lasnier, 2000). A titre
d’exemple, il serait possible d’imaginer un élève en train de mener conjointement des opérations
d’analyse de situation et de scénarisation (avant l’action) sans pour autant envisager des régulations
(après l’action).
Cette capacité extraite du socle va alors piloter les choix de l’enseignant. D’une part, d’un point
de vue pédagogique, le fait de développer une capacité de planification dans laquelle les élèves seront
amenés à analyser et réguler régulièrement leurs actions impliquera des choix réglementaires leur
permettant d’adopter une démarche d’expérimentation de solutions, tout en leur donnant les outils et
méthodes pour en constater l’efficacité de manière autonome.
D’autre part, d’un point de vue didactique, la capacité à planifier une action pilotera les choix
relatifs aux contenus culturels à transmettre ainsi que les systèmes de ressources corporelles à solliciter
principalement.
ème
2 partie : Un socle qui pilote les choix de contenus disciplinaires

Concernant les relations entre les capacités qui sous-tendent la compétence, le Boterf parle
« d’alchimie » (Le Boterf, 1994). Lasnier confirme cela en 2000 en parlant d’intégration entre les
capacités : « Les éléments étudiés sont liés entre eux et liés à la compétence ; l’apprenant développe
la compétence en utilisant les éléments de la compétence de façon intégrée. » (Lasnier, 2000).

A partir de là, il nous semble cohérent que la capacité soclée ciblée précédemment devienne
la focale dans le choix de la capacité culturelle à développer en lien avec l’APSA enseignée. Plus
concrètement, au regard de la capacité soclée à développer de planification de l’action, notre choix
dans l’APSA Tennis de table s’est porté sur le replacement. Tout d’abord, une relation d’intégration
nous paraît réelle entre la planification d’action et le replacement. En effet, concernant le serveur, le
replacement est le lien entre sa première frappe (le service) et sa seconde frappe suite au retour de
l’adversaire. En effet, un élève capable de se replacer efficacement s’appuie sur des habiletés en
interaction avec une capacité suffisante à planifier une circulation de balle probable c’est-à-dire une
trajectoire de service ainsi qu’une zone probable de retour du receveur afin d’être placé au bon endroit
avec un peu d’avance sur la balle afin d’être dans des conditions maximales pour continuer l’échange.
Par ailleurs, le choix de capacité à se replacer nous apparaît opportun dans le sens où elle respecte le
principe de transversalité au sein des sports dits « de raquette » et laisse ainsi le temps et la possibilité
à l’enseignant de la développer sur une échelle de temps dépassant le cycle d’enseignement. A cet
égard, Stanislas Dehaene, professeur en neurosciences souligne l’importance de la répétition dans la
consolidation des apprentissages. (S. Dehaene, 2013)
Ainsi, nous avons vu par ces exemples que la capacité soclée de planification pilote le choix didactique
de la capacité culturelle de replacement. En d’autres termes, la capacité soclée est intégrée à la
capacité culturelle du replacement en ce qu’elle influence et oriente les réponses motrices des élèves
mais n’a en soi rien de moteur.

Enfin, dans un dernier temps, nous optons pour une capacité corporelle s’appuyant sur un
registre de ressources facilitant le développement de la compétence visée et par définition spécifique
et interdépendante aux capacités soclée et culturelle précédemment définies. Nous entendons par
capacité corporelle la capacité à mobiliser de manière efficiente un système de ressources en particulier
afin de résoudre les problèmes posés. En nous référant au programme du CAPEPS de 2017 rédigé par
le ministère de l’éducation nationale (Programme 2017 du CAPEPS Externe, 2016 ) qui catégorise les
ressources en 5 domaines : physiologique, motrice, neuro-informationnelle, psychologique et
psychosociologique et en respectant des principes d’interdépendance et de spécificité, nous avons
sélectionné de manière prioritaire bien que non exclusive de cibler une capacité d’ordre neuro
informationnelle : Anticiper une frappe future. En effet, nous pensons que la capacité à planifier un
replacement repose sur la capacité à mettre en relation des opérations d’ordre neuro-informationnelle
liées à l’analyse du contexte de jeu (fig. 3) :
- identifier un temps disponible c’est à dire estimer si la trajectoire de retour laisse un temps suffisant
pour la mise en place du replacement planifié.
- identifier le placement de l’adversaire
- identifier les postures provoquées chez l’adversaire par le service que nous avons catégorisées de
la manière suivante : une posture de compression, une posture d’étirement.
- choisir un type de frappe à produire (de continuité ou de rupture)

fig. 3 Capacité corporelle à Anticiper une frappe future décomposée en opérations

Plus précisément ces opérations permettent d’estimer si les conditions de jeu sont maximales
pour appliquer ou non le plan d’action précédemment établi. A titre d’exemple, lorsqu’un joueur identifie
des conditions maximales (un joueur excentré en étirement, une trajectoire de retour haute et lente), il
peut donc décider d’appliquer son plan d’action préalablement défini. Inversement, lorsque la trajectoire
de retour est tendue et excentrée (voire provoque chez le serveur une posture d’étirement), il peut
décider de ne pas appliquer le plan de jeu préalablement établi et produire une trajectoire de
conservation.

L’objectif ici serait de passer d’un élève qui analyse globalement une situation et décide
tardivement de réagir à un élève qui fixe son attention sur les éléments pertinents du contexte de jeu
afin d’anticiper les conditions de jeu. (Ripoll, 1983).

ème
3 partie : une réflexion sur les réussites en EPS : vers des savoirs lisibles, accessibles et progressifs
pour un parcours de formation conciliant exigence et bienveillance.

Les réflexions précédemment menées nous ont permis d’illustrer une démarche de pilotage,
par le socle commun, du choix des savoirs à transmettre. Nous avons vu que le ciblage précis permettait
de faciliter l’accès à la réussite en évitant les obstacles liés à la multiplication des contenus à transmettre
aux élèves, qui se traduit bien souvent comme une multiplication des problèmes qui leur sont posés.
C’est pourquoi, nous pensons, que c’est par des réflexions sur la nature de la réussite en EPS, sur les
difficultés rencontrées par les élèves, ainsi que sur les processus déployés par ceux-ci pour les
surmonter que l’enseignant pourra espérer « fabriquer de l’enseignable » (Chervel, 1988), c’est à dire
créer les conditions de l’accessibilité d’une activité cognitive complexe en la déclinant sous des formes
simples, que ce soit sur les plans moteur ou méthodologique.

Selon nous, l’accessibilité de tous les élèves à la réussite en EPS repose sur trois principes qui
guideront les choix pédagogiques, notamment sur les aspects organisationnels et réglementaires : la
lisibilité de la réussite et de l’échec comme signal d’alarme permettant d’orienter les régulations,
l’accessibilité de l’activité cognitive complexe de planification, menée sous des formes motrices
simplifiées et la progressivité des obstacles posés aux élèves, supposant la notion d’étapes dans le
parcours de formation. Nous tenterons d’illustrer ces trois principes au sein de notre forme de pratique.

Tout d’abord, cette réflexion sur l’accès à la réussite suppose de s’interroger sur la lisibilité
des difficultés rencontrées par les élèves. En effet, du point de vue de l’enseignant, les démarches
mises en oeuvre afin de rendre la réussite et les échecs visibles peut être un moyen d’orienter le
processus de régulation, soit en identifiant les élèves en ayant le plus besoin, soit en facilitant la
démarche d’analyse des difficultés rencontrées. Pour les élèves, cette démarche peut être un moyen
de constater le niveau de pertinence des actions planifiées et/ou réalisées et ainsi envisager plus
rapidement d’éventuelles régulations.
Ces réflexions ont conduit à des mises en oeuvre diverses dans notre forme de pratique. Nous
avons tout d’abord pris le parti de rendre visible l’évolution du score ainsi que les modalités déployées
par les élèves pour tenter de marquer le point. Concrètement, nous avons utilisé des jetons de poker
placés par un arbitre sur la table, au niveau du filet. Le code couleur utilisé, ainsi que la disposition des
jetons de part et d’autre du filet renseigne ainsi les élèves et l’enseignant sur l’évolution du score : un
jeton vert lorsque le point est remporté en plus de trois frappes, un jeton vert surmonté d’un jeton d’une
autre couleur lorsque le point est remporté en moins de trois frappes, service compris en réalisant le
plan de jeu préétabli, un jeton rouge à côté d’un jeton vert lorsque le point est remporté en moins de 3
frappes, service compris, sans réaliser le plan de jeu préétabli, un jeton vert de l’autre côté du filet
lorsque le serveur perd le point. Cette lecture du score en direct est par ailleurs retranscrite sur une
fiche de match (fig. 5) afin de permettre à l’enseignant de consulter le déroulement des matchs
précédents et aux élèves de disposer d’une connaissance immédiate de leur résultat (Schmidt, 2008).

fig. 5 Extrait de feuille de match et Symboles pour compléter la fiche de match

D’autre part, nous avons fait le choix de fournir aux élèves une fiche plastifiée leur permettant de
matérialiser leur plan de jeu en y faisant apparaitre quelques éléments : position du serveur, position
imposée au receveur, type et trajectoire de service utilisés, replacement envisagé.
Cette fiche, épinglée au niveau du filet, sans que l’adversaire ne puisse la voir est un support qui nous
parait intéressant à plus d’un titre. Elle permet tout d’abord de rendre visible l’activité de planification de
l’élève lors des temps morts imposés durant les rencontres. D’autre part, elle permet de structurer et
faciliter cette activité de planification en orientant la réflexion sur les éléments les plus pertinents. (Ripoll,
1983)
Enfin, il nous semble que la combinaison de ces différentes mises en oeuvre pédagogiques
permet à l’enseignant de proposer des régulations plus fines aux élèves en difficulté. En effet, la
connaissance du résultat ainsi que des modalités déployées par les élèves pour y parvenir doit
permettre de mieux identifier les élèves en difficulté mais aussi d’établir un diagnostic de leurs difficultés
ainsi que des stratégies de remédiations qu’il est possible d’envisager (Astolfi, 1997).

Il nous semble aussi important que tout savoir enseigné soit accessible quelque soit le niveau
sensori-moteur des élèves. Au sujet de la règle, Durand indique que « les règles s’entrechevauchent,
s’entrecroisent, sont négociées, revisitées, amendées en situation par le prof et les élèves » (Gal
Petitfaux, Durand, 01). Cette démarche nous amènerait à concevoir la règle comme un processus et
non comme un état (Méard et Bertone, 2004). Ainsi la règle officielle pourrait être négociée avec les
élèves afin que chacun puisse développer le même savoir, avec toutefois des habiletés motrices
différentes. Nous avons par exemple, ici envisager d’une part de ne pas imposer dans notre forme de
pratique un lancer réglementaire, ou bien même d’instaurer un placement du receveur. De même nous
pourrions envisager en début de cycle de laisser certains élèves servir à la main ou même sans le
double rebond « officiel » en tennis de table. Cette démarche visant à adapter les traits de surface d’une
situation pourraient garantir que tous les élèves soient confrontés à une classe de problèmes de même
nature sans que leur niveau sensori-moteur soit une entrave aux apprentissages. Nous estimons par
ailleurs qu’il faut éviter l’écueil d’occulter le développement d’habiletés motrices sur le temps scolaire.
En effet, d’une part il est possible, dans le temps scolaire au regard des courbes d’apprentissages des
habiletés motrices (Delignières, Teulier, Nourrit, 2009) à condition de répéter suffisamment de
développer une palette d’habiletés motrices et d’autre part, au niveau motivationnel, le progrès est le
réel moteur des apprentissages (Galand, Bourgeois, 2006). Pour cela, nous mettons en place tout au
long du cycle, une progression d’exercices d’échauffement afin de permettre à chaque élève de
développer son habileté motrice au service. L’aménagement des règles et/ou le développement de ces
habiletés « scolaires » permettraient à l’élève de mener les opérations de scénarisation et de régulation
liées à la capacité de planification de l’action. Plus concrètement, nous parions qu’en milieu de cycle
chaque élève serait capable de maîtriser un service rapide à plat dans des directions différentes ainsi
que le service à effet coupé. Ainsi, il aurait la possibilité de planifier 2 stratégies de jeu basées sur 2
types de services différents. De plus, il pourrait réguler ses plans de jeu de manière plus variée et
pertinente grâce à la maîtrise de ces habiletés.

Cette ambition concernant le développement d’habiletés motrices selon un principe de


progressivité trouve un écho dans les domaines culturel, soclé, et corporel. En effet, comment le
souligne Perrenoud, tout enseignement doit « être stratégique » (Perrenoud, 1999) et gérer la
progression des apprentissages est selon lui une des « dix nouvelles compétences pour enseigner ».
En ce qui nous concerne la démarche didactique adoptée nous permet de créer des « situations
globales » (Lasnier, 00) confrontant l’élève à une classe de problèmes l’amenant à solliciter de manière
interactive plusieurs opérations de capacités différentes. Afin de gérer la progression des situations lors
du cycle et fluidifier ainsi le parcours de formation de l’élève dans le développement des compétences,
l’enseignant est amené à doser le niveau de complexité afin de « confronter l’élève à des résistances
et ainsi activer des processus d’adaptation » (Paillard, 90) s’appuyant sur les capacités actuelles de
l’élève. Cette démarche s’opère à l’échelle du cycle de tennis de table. En effet, nous envisageons de
proposer des « situations intégratrices » (Lasnier,00) en jouant sur le nombre et la nature des mises en
relations entre les différentes opérations ciblées. Plus concrètement, nous pourrions envisager en début
de cycle une situation où des scénarii de jeu types simples seraient « bloqués » afin de ne pas confronter
l’élève à l’opération de scénarisation et le focaliser sur la dimension de régulation en introduisant la
règle d’un temps mort fixe et/ou libre lors de chaque manche. L’enseignant piloterait donc la
progressivité des situations en bloquant et en ouvrant certaines opérations au regard des difficultés de
chaque groupe de niveau. Les possibilités deviennent multiples voire infinies en termes de combinaison
d’opérations et permettraient une adaptabilité intéressante à exploiter pour permettre à chaque élève
de développer les compétences visées. Par ailleurs, il nous semble aussi opportun de relativiser ces
progrès notamment au regard de la dimension d’itération (Lasnier, 00) qui induit que l’apprenant est
soumis plusieurs fois à un même type de tâches intégratrices en lien avec la compétence et à un même
contenu disciplinaire. De plus, au regard des propos de P Goirand (Goirand,1996), « la compétence
dépasse la réussite de l’action, elle suppose réussite systématique, durable ». De ce fait, il pourrait
s’avérer intéressant d’envisager un parcours de formation de capacités « soclée », corporelle et
culturelle qui s’échelonnerait à l’échelle du cycle 3 ou du cycle 4 (soit sur 3 années de scolarité).

CONCLUSION

Notre réflexion a consisté à préciser quelle pouvait être la contribution spécifique de l’EPS à
l’acquisition du socle commun, notamment en définissant quelques savoirs qui nous paraissaient
indispensables à transmettre aux élèves dans le cadre de la gestion de leur vie physique actuelle et
future.
Nous avons tenté de montrer que la question des savoirs en EPS ne pouvait se limiter à un
éventail de contenus techniques spécifiques à des APSA au risque de se cantonner à une définition
restreinte des contenus culturels à transmettre en EPS, occultant les dimensions corporelles et
éducatives.
De plus, les référents théoriques utilisés sur la notion de compétence nous ont permis de
distinguer trois types de capacités (soclée, culturelle et corporelle) interdépendantes que les élèves
seront amenés à développer afin d’accéder à la compétence visée. L’articulation et l’intégration de ces
trois types de capacité au sein d’une même compétence étant par ailleurs une condition nécessaire afin
de permettre à tous les élèves de mener une activité cognitive complexe précise (dans notre exemple,
la planification d’un replacement au regard d’un contexte de jeu en tennis de table).
Toutefois, la question didactique du choix des savoirs fondamentaux à cibler et à transmettre
aux élèves se heurte bien souvent à la réalité de l’hétérogénéité des élèves, des différences de rythme
d’apprentissage ainsi que des inégalités d’accès à la réussite (C.Vigneron, 2006). C’est la raison pour
laquelle il nous paraît indispensable d’associer la question du choix des contenus à transmettre à la
question de leur accessibilité dans le temps scolaire. Ainsi, nous avons tenté d’illustrer nos propos au
travers d’une forme de pratique et de situations conçues en s’appuyant sur le tryptique : lisibilité,
progressivité et accessibilité.
Bibliographie
1
Groupe de Réflexion sur les Usages Pédagogiques du Numérique en Education Physique et Sportive
2
Mascret N., Rey O., Travert M. (2012). EPS et socle commun : trois scénarios pour une rencontre. In :
Cahiers pédagogiques n°26
3
Mascret N., Rey O., Travert M. (2012), op. cit.
4
Bulletin officiel n° 30 du 23 juillet 2015, Référentiel de compétences professionnelles du formateur de
personnels enseignants et éducatifs.
5
Lasnier. (2000). Réussir la formation par compétences. Montréal, Guérin.
6
Le Boterf, (1994). De la compétence, Essai sur un attracteur étrange. Paris. Les Editions d’organisation, p. 43.
7
Lasnier. (2000). Réussir la formation par compétences. Montréal, Guérin.
8
Décret n° 2015-372 du 31-3-2015.
9
Bulletin officiel n° 30 du 23 juillet 2015, Référentiel de compétences professionnelles du formateur de
personnels enseignants et éducatifs
10
http://eps.discipline.ac-lille.fr/numerique/videotheque/eps-cp/tennis-de-table
11 ème
Bultel, Durieux, (2017). Les dossiers AEEPS, Actes de la 2 Biennale de l’AE-EPS : Pour que tous les élèves
apprennent en EPS, quels repères et quels parcours de formation ? Un projet qui fait de l’effet, cibler une activité
de planification chez les élèves au travers du replacement en tennis de table, p.42-48.
12
Bulletin officiel n° 30 du 23 juillet 2015, Référentiel de compétences professionnelles du formateur de
personnels enseignants et éducatifs.
13
Ibid.
14
Coston A., Testevuide S., J.L. Ubaldi J.L., In : "Forme de pratique scolaire, objet d'enseignement et
d'intervention", Collection : Les cahiers du CEDRE/CEDREPS, AEEPS, 2013, Vol.13.
15
Chervel A. (1988). Histoire de l’éducation n°38. L’histoire des disciplines scolaires. Réflexions sur un domaine
de recherche. INRP. p.59-119.
16
Goirand P. (1996). Séminaire d’Orsay

Vous aimerez peut-être aussi