Vous êtes sur la page 1sur 148

Suite de Fibonacci & nombre d’or

1. La suite de Fibonacci.
2. Le nombre d’or, rectangles et spirales.
3. Formule de Moivre et applications.
4. Interprétations combinatoires.
5. Propriétés arithmétiques.
6. Propriétés algébriques.
7. Série génératrice.
8. Suites associées.
9. Polynômes ou q-nombres de Fibonacci.
10. Propriétés optimales.
ϕ] des entiers du nombre d’or.
11. L’anneau Z[ϕ
12. Numération fibonaccienne de Zeckendorf.
13. Suite de Fibonacci universelle.
14. Suite de Fibonacci aléatoire.
15. Le nombre d’or en géométrie.
16. Le nombre d’or en analyse.
17. Le nombre d’or en analyse p-adique.
18. Nombres de Fibonacci et nombre d’or dans la nature.
… Poèmes fibonacciens et autres friandises …
A Jean-Marc Lapierre, dit Billy
Pierre-Jean Hormière
__________
« Puiser une eau nouvelle dans les puits anciens… »
Frédéric II de Hohenstaufen
Introduction
0 , 1 , 1 , 2 , 3 , 5 , 8 , 13 , 21 , 34 , 55 , 89 , 144 , 233 , 377 , 610 , 987 , …
Cette suite d’entiers naturels, appelée « suite de Fibonacci », est l’une des plus célèbres suites
d’entiers naturels. Elle porte le nom du mathématicien italien Leonardo Bonacci, dit Bigollo, dit
Fibonacci (ca 1175 - 1250), qui l’a introduite en 1202 dans son Liber Abaci, mais elle avait été
considérée bien plus tôt, par le mathématicien indien Pingala (environ 200 av J.-C.). Elle a pour
premiers termes 0 et 1, ensuite chacun de ses termes est la somme des deux précédents. Comme
l’observe très justement Edouard Lucas, qui l’a longuement étudiée, la suite de Fibonacci est le
premier exemple connu de suite récurrente : ses termes ne sont pas définis par une formule, mais par
un processus, un algorithme. C’est pourquoi elle a joué un rôle fondateur dans l’histoire des
mathématiques. Elle est répertoriée sous le numéro A000045 dans l’Encyclopedia On line of Integer
Sequences (en abrégé OEIS), encyclopédie des suites d’entiers mise en ligne en 1995 par le
mathématicien Neil Sloane.
Une autre suite d’entiers :
2 , 1 , 3 , 4 , 7 , 11 , 18 , 29 , 47 , 76 , 123 , 199 , 322 , 521 , 843 , …

1
dite « suite de Lucas », possède la même propriété : chaque terme est la somme des deux
précédents, mais, à la différence de la suite de Fibonacci, elle a pour premiers termes 2 et 1. Elle est
répertoriée sous le numéro A000032 dans l’OEIS.

Ces deux suites sont liées au nombre d’or ϕ = 1+ 5 et à son conjugué ϕ = ϕ’ = 1− 5 ,


2 2
2
qui sont les deux solutions, l’une positive, l’autre négative, de l’équation x − x − 1 = 0.
ϕ et ϕ’ vérifient les relations : ϕ + ϕ’ = 1 , ϕ.ϕ’ = − 1 , ϕ − ϕ’ = 5.
ϕ et ϕ sont les raisons des deux suites géométriques (λ ) possédant elles aussi la propriété de
n

n+2 n+1 n
Fibonacci : λ =λ +λ .
ème
Au début du 17 siècle, Johann Kepler et Albert Girard ont affirmé que les quotients de deux
nombres de Fibonacci consécutifs tendent vers le nombre d’or ϕ (en anglais : golden ratio).
Ces suites et ces nombres ont été maintes fois étudiés depuis le 13ème siècle. On les rencontre en
effet dans de nombreux problèmes arithmétiques, combinatoires, géométriques, et même dans la
nature, Johan Kepler ayant remarqué dès 1611 leur intervention en phyllotaxie (mode de croissance
de certains végétaux). Dans ce chapitre, nous allons étudier quelques-uns de ces problèmes. Par
extension, les mathématiciens ont donné le nom de Fibonacci à des objets liés à la suite éponyme :
des suites de polynômes, de matrices, de mots, ainsi que des figures géométriques, rectangles et
spirales... Sujet rebattu, mais d’une grande richesse : c’est à une promenade mathématique à travers
l’algèbre, l’analyse et la géométrie que le lecteur est convié.
Chaque paragraphe a sa cohérence interne (cela entraîne quelques redites), mais certains sont plus
difficiles, abstraits ou savants que d’autres. Puisse chacun y trouver son compte. Chacun ? Voire…
Cette étude s’adresse à des lecteurs candides, naïfs adeptes des mathématiques dites « pures ».
Qu’ils ne s’attendent pas à trouver ici des considérations sur « comment trader avec les niveaux de
Fibonacci », « retracement de Fibonacci en trading », etc. Je suppose que, lorsqu’ils ont appris qu’il
y avait un « nombre d’or », les spéculateurs de tout poil ont pris le mot au pied de la lettre et se sont
dit : « Y’a du pognon à s’faire ! ». Le « golden boy » compte sur le « golden ratio » pour se faire des
« golden balls ». Comme a dit un grand ponte toulousain bardé de certitudes et de décorations, après
s’être targué de ne maîtriser que la règle de trois : « L’économie est une science exacte ! ». Exacte au
service de qui et de quoi, that is the question, mais laissons-là ces polichinelles et revenons aux
héros de cette saga : Pythagore, Euclide, Pingala, Fibonacci, Dürer, Kepler, Girard (un parpaillot !),
Cassini, de Moivre (itou !), Dirichlet, Lamé, Dzierzon (un prêtre polonais excommunié !), Lucas,
Wythoff, Beatty, Zeckendorf (un militaire belge !), Wall, Julia Robinson (juste ciel, une femme !),
Jones, sans oublier les incontournables Lewis Carroll et Ramanujan…

2
Fils de Guglielmo Bonacci, marchand et notaire de la république maritime de Pise, Leonardo est
né vers 1175, au moment de l’érection de la fameuse tour1. C’est au retour de ses voyages à Bougie,
en Afrique du Nord, et tout autour de la Méditerranée, qu’il publie, en 1202, son premier livre, un
Traité de calcul, ou Liber abaci, dans lequel il introduit en Occident les chiffres indo-arabes, les
jugeant plus pratiques que les chiffres romains. Ce livre commence par ce récit :
« Nommé scribe public et établi par sa patrie à la direction de la douane de Bougie pour défendre
les intérêts des marchands pisans qui y affluaient, mon père, ayant compris l’usage et la commodité
que j’en tirerais plus tard, me fit venir, encore enfant, auprès de lui, et pendant quelques jours me
fit demeurer là à apprendre l’abaque. Lorsque, par un enseignement admirable, je fus introduit
dans l’art [du calcul] par les neuf chiffres indiens…
Les neuf chiffres indiens sont les suivants :
987654321
C’est pourquoi, avec ces neuf chiffres, et avec ce signe 0, qui s’appelle zephirum en arabe, on
écrit tous les nombres qu’on veut. »
Un mathématicien capable d’inscrire son travail dans l’espace et le temps ne peut être qu’un grand
esprit ! Ah, que j’aurais aimé assister à l’entrevue de Fibonacci et de Frédéric II, à Pise, en juillet
1226 ! 2
Merci à mon ami Jean-Pierre Jouvinroux pour sa patiente relecture.

1. La suite de Fibonacci.

1.1. Définition.
Théorème et définition : Il existe une unique suite (Fn)n∈N d’entiers naturels satisfaisant aux
conditions : F0 = 0 , F1 = 1 , ∀n ∈ N Fn+2 = Fn+1 + Fn .
On la nomme suite de Fibonacci. Les entiers figurant dans cette suite sont appelés nombres de
Fibonacci 3.
Cette suite est croissante, et même strictement croissante pour n ≥ 2.
Il en résulte que Fn ≥ n – 1 pour n ≥ 2. Mais cette minoration est grossière, car l’écart entre deux
nombres de Fibonacci consécutifs tend lui aussi vers l’infini, en vertu de Fn+1 − Fn = Fn−1. Nous
reviendrons sur ce sujet au § 3.
Introduisons dès maintenant une suite voisine de la suite de Fibonacci, la suite de Lucas.
Théorème et définition : Il existe une unique suite (Ln)n∈N d’entiers naturels satisfaisant aux
conditions : L0 = 2 , L1 = 1 , ∀n ∈ N Ln+2 = Ln+1 + Ln .
On la nomme suite de Lucas.

1.2. Programmation.
La suite (Fn) est préprogrammée par Maple, dans le package « combinat », mais on peut la
programmer « à la main », soit par une récurrence simple, soit par un appel récursif, mais il faut
alors faire appel à l’option « remember » pour éviter de recalculer plusieurs fois le même nombre.
> with(combinat);
> fibonacci(6);

1 La construction de la tour débuta le 9 août 1173. En 1178, les trois premiers étages sont construits, mais la
construction est interrompue car la tour penche déjà. La construction des étages supérieurs, au dessin corrigé,
s’échelonnera entre 1272 et 1372.
2 Cette rencontre est évoquée par Ernst Kantorowicz, bien sûr, mais anssi par l’excellent Pierre Boulle, qui en
fait un récit vivant et vibrant dans son petit livre L’étrange croisade de l’empereur Frédéric II.
3 Terminologie due à Edouard Lucas (1842-1891).

3
8
> [seq(fibonacci(n),n=0..25)];
[ 0, 1, 1, 2, 3, 5, 8, 13, 21, 34, 55, 89, 144 , 233, 377, 610 , 987 , 1597 , 2584 , 4181 , 6765 ,
10946 , 17711 , 28657 , 46368 , 75025 ]
> fibo:=proc(n)
> local k,L,a,b,c;a:=0;b:=1;
> if n=0 then L:=[a];elif n=1 then L:=[a,b];
> else L:=[a,b];for k from 2 to n do
c:=a+b;a:=b;b:=c;L:=[op(L),c];od;fi;print(L);end;
> fibo(20);
[ 0, 1, 1, 2, 3, 5, 8, 13, 21, 34, 55, 89, 144 , 233 , 377 , 610 , 987, 1597 , 2584 , 4181 , 6765 ]
> f:=proc(n)
> option remember;
> if n=0 then 0 elif n=1 then 1
> else f(n-2)+f(n-1);fi;end;
> f(6);
8
> [seq(f(n),n=0..25)];
[ 0, 1, 1, 2, 3, 5, 8, 13, 21, 34, 55, 89, 144 , 233, 377, 610 , 987 , 1597 , 2584 , 4181 , 6765 ,
10946 , 17711 , 28657 , 46368 , 75025 ]
Nous verrons dans la suite d’autres algorithmes de programmation, sans chercher à épuiser le sujet.
Remarque : Si l’on oublie de faire appel à l’option « remember » dans l’appel récursif, combien de
calculs doit-on faire ? Notons Cn le nombre d’opérations nécessaires pour calculer Fn.
On a C0 = C1 = 0 car F0 et F1 sont donnés ; puis Cn+2 = Cn+1 + Cn + 1 (une addition).
Du coup Cn+2 + 1 = Cn+1 + 1 + Cn + 1, et, par récurrence, Cn = Fn+1 – 1.
Le temps de calcul de Fn est supérieur à Fn ! Et pour cause, on calcule deux fois Fn−2, etc. Mieux
vaut alors programmer une simple récurrence en n additions.

1.3. Prolongement à Z.
Si on l’applique aux entiers négatifs, la formule Fn+2 = Fn+1 + Fn, qui s’écrit aussi Fn = Fn+2 − Fn+1
permet de calculer rétroactivement de proche en proche les Fn pour n < 0 :
… , − 55 , 34 , − 21 , 13 , − 8 , 5 , − 3 , 2 , − 1 , 1 , 0 , 1 , 1 , 2 , 3 , 5 , 8 , 13 , 21 , 34 , 55 , …

Théorème et définition : Il existe une unique suite (Fn)n∈Z d’entiers relatifs satisfaisant aux
conditions : F0 = 0 , F1 = 1 , ∀n ∈ Z Fn+2 = Fn+1 + Fn .
n+1
On la nomme Z-suite de Fibonacci. Elle vérifie ∀n ∈ Z F−n = (−1) .Fn .
Preuve : Le prolongement à Z se montre par récurrence descendante.
F−1 = F1 − F0 = 1, et, si l’on connaît Fn+2 et Fn+1 , on connaît Fn = Fn+2 − Fn+1 .
n+1
Démontrons que ∀n ∈ N F−n = (−1) .Fn par récurrence double.
C’est vrai pour n = 0 et 1. Si c’est vrai aux rangs n et n + 1, alors
n+1 n+2 n+3 n+3
F−(n+2) = F−n − F−n−1 = (−1) .Fn − (−1) .Fn+1 = (−1) .( Fn + Fn+1 ) = (−1) .Fn+2 .

Théorème et définition : Il existe une unique suite (Ln)n∈Z d’entiers relatifs satisfaisant aux
conditions : L0 = 2 , L1 = 1 , ∀n ∈ Z Ln+2 = Ln+1 + Ln .
n
On la nomme Z-suite de Lucas. Elle vérifie ∀n ∈ Z L−n = (−1) .Ln .

1.4. Interprétation matricielle.

4
Matriciellement, la suite de Fibonacci vérifie
[ FF1 ] = [ 10 ] et [ FFn+2 ] = 1 1 [ Fn+1 ] .
0 n+1 1 0 Fn

Notons A =   ∈ M2(Z), matrice inversible, d’inverse A = 


11 −1 0 1.
1 0 1 −1
Proposition 1 : ∀n ∈ Z [ FFnn+1 ] = 1 1 n [ F1 ]= 1 1 n [ 1 ] .
1 0 F0 1 0 0
Preuve : par récurrence sur n.

Corollaire 1 : ∀n ∈ Z 1 1 n = Fn+1 Fn  .
1 0  Fn Fn−1
n
Preuve : La proposition précédente fournit la première colonne de A .
0 ] = A .A .[ 1 ] = A −1 Fn
.[ 1
n n n−1
La deuxième colonne est A .[ 1 0 0]=[ ].
Fn−1
Corollaire 2 : formules de J.-D. Cassini (1680 )
2 n 2 2 n
∀n ∈ Z Fn+1.Fn−1 – Fn = (−1) ∀n ∈ Z Fn+1 − Fn+1.Fn – Fn = (−1)
Preuve : La deuxième formule se déduit aussitôt de la première.
Une récurrence est possible, mais mieux vaut passer au déterminant dans le corollaire précédent.

Corollaire 3 : Deux termes consécurifs de la suite de rationnels (


Fn+1 ) sont contigus.
Fn
Rappelons que deux rationnels r = a/b et s = c/d sont dits contigus si ad – bc = ±1.

Fn + 5Fn +4(−1)n
2

5Fn +4(−1)n ∈ N.
2
Corollaire 4 : ∀n ∈ N Fn+1 = et
2
2 2 n
Preuve : Reprenons la formule de Cassini ∀n ∈ N Fn+1 − Fn+1.Fn – Fn − (−1) = 0.
Il suffit de résoudre cette équation du second degré d’inconnue Fn+1.
5Fn +4(−1)n = 2 Fn+1 – Fn est bien un naturel.
2
De plus

Remarque : cette formule a pour seul intérêt de donner une relation de récurrence à un terme de (Fn),
relation non linéaire, compliquée et peu commode.
Proposition 2 : ∀(m, n) ∈ Z×Z Fm+n = Fm+1.Fn + Fm.Fn−1.
Preuve : On peut fixer m et faire une récurrence sur n, mais le plus simple est d’écrire que
m+n m n
A = A .A .
Fm+n+1 Fm+ n  = Fm+1 Fm  Fn+1 Fn 
 Fm+ n Fm+ n−1  Fm Fm−1  Fn Fn−1
Il suffit alors d’identifier le terme situé sur la 1ère ligne 2ème colonne.
Remarque : voici une autre démonstration de la proposition 2.
Exercice 1 : On se place dans Q[X].
n 2
1) Démontrer que, pour tout n X ≡ Fn X + Fn−1 ( mod X – X – 1 )
2) On note T l’opérateur de décalage, qui à la suite x = (xn) associe la suite T(x) = (xn+1).
2
Quelle est l’image par T – T – I de la suite de Fibonacci ?
En déduire ∀(m, n) ∈ Z×Z Fm+n = Fm+1.Fn + Fm.Fn−1.

5
+∞
∑a .X
2
3) Soit P(X) = k
k ∈ Q[X]. Quel est le reste de la division de P(X) par X – X – 1 ?
k =0
2
En déduire une cns de divisibilité de P(X) par X – X – 1.
4) En déduire ∀n ∈ Z Fn+10 = 11.Fn+5 + Fn.
n n
Exercice 2 : Démontrer que pour tout n ≥ 0, F2n = ∑C .F
k =0
k
n k et F2n+1 = ∑C .F
k =0
k
n k +1 .

Exercice 3 : Soit An,p = (Fi+j−2)1≤i≤n,1≤j≤p. ∈ MR(n, p). Quel est le rang de An,p ? Trouver son
image, son noyau.
Exercice 4 : Calculer les déterminants tridiagonaux d’ordre n suivants :
1 −1 0 ... 0 2 −1 0 ... 0
1 1 −1 ... ... −1 1 −1 ... ...
0 1 1 .... 0 , 0 1 1 .... 0 .
... ... ... ... −1 ... ... ... ... −1
0 ... 0 1 1 0 ... 0 1 1
Exercice 5 : Calculer les déterminants des matrices ( Fi+j−2 )1≤i,j≤n et ( F|i – j| )1≤i,j≤n .

Solution : Le premier est nul sauf pour n = 2. Notons Dn le deuxième.


Si l’on fait Ln → Ln − Ln−1 − Ln−2 , la n-ème ligne devient (0, 0, …, 0, 0, −2).
Si l’on développe selon la dernière ligne, on voit que Dn = −2.Dn−1 pour n ≥ 2.
n−1 n
Comme D1 = −1, il vient par récurrence Dn = (−1) 2 pour n ≥ 1.

Exercice 6 : On considère la matrice d’ordre n A = ( 1 ) .


Fi+ j −1 1≤i,j≤n
−1
Démontrer qu’elle est inversible et que A ∈ Mn(Z) ( cf. OEIS, suite A062381 ).
n n
∑∑x .F
n
Exercice 7 : On considère la forme quadratique q(x) = i .x j sur R .
i + j −2
i =1 j =1

Rang, signature, décompostion en carrés ? Natures des hyperquadriques q(x) = 0, q(x) = c.

1.5. Interprétation géométrique de la formule de Cassini.


2 2 n
Arrêtons-nous un instant sur la formule de Cassini : ∀n ∈ N Fn+1 − Fn+1.Fn – Fn = (−1)
Elle signifie que les couples (x, y) = (Fn+1, Fn) satisfont l’équation diophantienne de Fermat :
2 2 n
x − x.y – y = (−1) .
Nous reviendrons sur cette équation au § 11.
Géométriquement, la formule signifie que les points Mn = (Fn+1, Fn) se trouvent alternativement sur
2 2 2 2
l’une ou l’autre des coniques de centre O, x − x.y – y = 1 et x − x.y – y = − 1 .
Ces coniques sont des hyperboles, car elles ont pour équations
( x − ϕ.y )( x − ϕ’.y ) = 1 et ( x − ϕ.y )( x − ϕ’.y ) = – 1,
et mêmes asymptotes y = x / ϕ et y = x / ϕ’.
Les points Mn s’éloignent à l’infini sur une ou l’autre branche de ces deux hyperboles, de telle sorte
que la droite OMn tende vers l’asymptote y = x / ϕ. On voit donc géométriquement que la suite
(Fn+1 / Fn) tend en spirale vers le nombre d’or ϕ, pente de cette asymptote.
> with(combinat):with(plots):
> phi:=(1+sqrt(5))/2:phi1:=(1-sqrt(5))/2:

6
> a:=plot([x/phi,x/phi1],x=-3..10,y=-5..5,color=black):
h1:=implicitplot(x^2-x*y-y^2=1,x=-3..10,y=-5..10,color=green,
thickness=2,numpoints=2000):
h2:=implicitplot(x^2-x*y-y^2=-1,x=-3..10,y=-5..10,color=blue,
thickness=2,numpoints=2000):
r:=n->display({plot([x,fibonacci(n),x=0..fibonacci(n+1)]),
plot([fibonacci(n+1),y,y=0..fibonacci(n)])}):
R:=display([seq(r(n),n=1..5)]):
display({a,h1,h2,R},axes=normal);

Théorème : La suite (
Fn+1 ) tend vers le nombre d’or ϕ, les deux suites ( F2n+1 ) et ( F2n ) étant
Fn F2n F2n−1
adjacentes.
Nous allons donner deux preuves de cet important résultat ; nous en verrons d’autres par la suite.

Première preuve : Notons qn =


Fn+1 . Il découle de la formule de Cassini que q 2 − q − 1 = (−1)n .
n n
Fn Fn2
Donc qn − qn − 1 → 0. On en déduit ( qn − 1 ) → 5 . Comme qn ≥ 1 , qn − 1 → 5 . cqfd.
2 2
2 4 2 2
(−1)
, il vient qn = 1+ 5+4ε n , qui tend vers 1+ 5 en spirale.
n
Plus précisément, si l’on note εn =
Fn2 2 2
Les suites (q2n) et (q2n+1) sont adjacentes.

2 (−1)n 2
Variante : Soustrayons qn − qn − 1 = et ϕ − ϕ − 1 = 0.
Fn2

(−1)n
Il vient : qn − ϕ = , donc | qn − ϕ | = 2 1 ≤ 1 .
Fn2.(qn +ϕ −1) Fn .(qn +ϕ −1) Fn2
Deuxième preuve, sans recours à la formule de Cassini :
Notons que q1 = 1 , qn+1 = 1 + 1 = f(qn), où f(x) = 1 + 1 . Suite récurrente classique !
qn x
Comme f(]0, ϕ[) = ]ϕ, +∞[ et f(]ϕ, +∞[) = ]1, ϕ[, on a ∀m ≥ 0 1 ≤ q2m+1 < ϕ < q2m .

7
Comme ( f o f )(x) – x = − x²− x+1 , ( f o f )(x) – x est du signe de ϕ − x sur R+.
x+1
Donc on a 1 ≤ q2m+1 < q2m+3 < ϕ < q2m+2 < q2m .
La suite (q2m+1), croissante majorée par ϕ, tend vers un réel α, point fixe > 0 de f o f : c’est ϕ.
La suite (q2m), décroissante minorée par ϕ, tend vers un réel β, point fixe > 0 de f o f : c’est ϕ.
Ainsi les deux suites (q2m+1) et (q2m) sont adjacentes de limite ϕ.

Plus élémentairement encore, soustrayons qn+1 = 1 + 1 et ϕ = 1 + 1 .


qn ϕ
ϕ −qn qn −ϕ qn −ϕ
Il vient qn+1 − ϕ = 1 − 1 = . Cela implique | qn+1 − ϕ | = ≤ .
qn ϕ ϕ.qn ϕ.qn ϕ
q1 −ϕ
D’où | qn − ϕ | ≤ . De plus qn+1 − ϕ et qn − ϕ sont de signes opposés.
ϕ n−1
f(x)−ϕ ϕ' x−ϕ laissée au lecteur.
Enfin, voici une quatrième approche, basée sur l’identité : =
f(x)−ϕ' ϕ x−ϕ'
qn −ϕ ϕ' n−1 1−ϕ = ( ϕ' )n .
Du coup, par récurrence =( ) .
qn −ϕ' ϕ 1−ϕ' ϕ
Comme (
ϕ' )n → 0 en changeant de signe, (q ) tend ver ϕ en zig-zag.
ϕ n

> with(plots):
> f:=x->1+1/x;p:=plot(f(x),x=0..4,0..4,thickness=2,color=red):
q:=plot([1,x],x=0..4,color=black):v:=plot([1,y,y=0..2],color=blue):
> a:=1:b:=0:L:=[]:for n from 0 to 6 do
L:=[op(L),[a,f(a)],[f(a),f(a)]];a:=f(a):od:
G:=listplot(L,color=blue):display({p,q,v,G},axes=normal);

Comme | f’(x) | ≤ 4 sur [q3, +∞[ , f est contractante sur cette demi-droite et la convergence est
9
géométrique.

8
Si j’en crois E. Lucas 4, c’est Albert Girard qui a le premier trouvé la limite du quotient Fn+1 / Fn ,
dans la dernière annotation des livres V et VI de l’Arithmétique de Diophante 5. Selon d’autres
sources, ce résultat aurait été trouvé plus tôt, par Johannes Kepler, en mai 1608. Kepler ou Girard
ont-ils vraiment démontré ce résultat ? En analyse, les démonstrations rigoureuses sont venues
longtemps après les énoncés.
Remarque : Considérons plus généralement les suites récurrentes homographiques
z0 ∈ C , zn+1 = 1 + 1 .
zn
Pour éviter les problèmes de définition, mieux vaut compléter le plan C par un point à l’infini ∞ et
poser z0 ∈ C, zn+1 = f(zn), où f(z) = 1 + 1 pour z ≠ 0 , f(0) = ∞ et f(∞) = 1.
z
h devient alors une bijection du plan complété C ∪ {∞} dans lui-même.
L’orbite de 0 sous l’action de f et de ses itérées est
F
… , − Fn = F−n , …, − 2 , − 1 , −1 , 0 , ∞ , 1 , 2 , 3 , 5 , 8 , …, n+1 , …
Fn+1 F−n−1 3 2 2 3 5 Fn
En utilisant la correspondance matrices-homographies (voir chapitre sur les nombres complexes),
F F  F z + Fn .
zn =   .z0 = n+1 n .z0 = n+1 0
11 n
1 0  Fn Fn−1 Fn z0 + Fn−1
n
Il est facile de voir que si n ≠ 0 l’homographie f n’a pas d’autres points fixes que ϕ et ϕ’.
Si z0 ≠ ϕ’ , la suite (zn) tend vers ϕ quand n → +∞ ; si z0 = ϕ’ , elle est constante.
Ainsi ϕ est un point fixe attractif, ϕ’ un point fixe répulsif.
Lorsque n → −∞, c’est le contraire qui se passe.
f(z)−ϕ ϕ' z −ϕ zn −ϕ ϕ' n z −ϕ .
Cela découle aussi de = , qui implique par récurrence =( ) . 0
f(z)−ϕ' ϕ z −ϕ' zn −ϕ' ϕ z0 −ϕ'
La session Maple ci-dessous montre bien ce phénomène en visualisant la suite (zk) pour –n ≤ k ≤ n.
> with(plots):
> F:=(x,y)->((x^2+y^2+x)/(x^2+y^2),-y/(x^2+y^2));
G:=(x,y)->((x-1)/(x^2+y^2-2*x+1),-y/(x^2+y^2-2*x+1));
> Iter:=proc(a,b,n)
> local L,k,P,Q;
> L:=[[a,b]];P:=(a,b);Q:=(a,b);
> for k from 1 to n do P:=F(P);Q:=G(Q);L:=[[Q],op(L),[P]];od;end;
> Pol:=(a,b,n)->listplot(Iter(a,b,n),color=COLOR(RGB, rand()/10^12,
rand()/10^12, rand()/10^12),thickness=2);
> display({Pol(1,1,5),Pol(2,1,5),Pol(2,-1,5),Pol(0,1,5),Pol(0,-1,5)});

4 Théorie des nombres, p. 3 et 4.


Albert GIRARD (Saint-Mihiel, 1595 – Leyde, 1632) est né dans le duché de Lorraine. Membre de l’église
réformée, il s’exile aux Pays-Bas, s’inscrit à l’Université de Leyde à 22 ans, où il étudie les mathématiques.
Excellent musicien, il joue du luth de manière professionnelle. Ingénieur militaire dans l’armée du prince
d’Orange Frédéric-Henri de Nassau, il étudie les fortifications, et traduit plusieurs ouvrages sur ce sujet, du
français en flamand, et vice-versa. À sa mort, on rendra hommage davantage à l’ingénieur qu’au mathématicien.
Pourtant, Girard a aussi fait d’importants travaux en algèbre, trigonométrie et arithmétique. En 1626 il a publié
un traité de trigonométrie où sont utilisées pour la première fois les abréviations sin, cos, tan. Il y donne aussi
une belle formule sur l’aire des triangles sphériques. En algèbre, il a traduit les œuvres de Stevin en 1625. Il fut
aussi le premier à donner la définition récurrente de la suite de Fibonacci : Fn+2 = Fn+1 + Fn. Il a trouvé les
relations coefficients-racines d’un polynôme, et fut l’un des premiers à pressentir le théorème fondamental de
l’algèbre : C est algébriquement clos.
5 L’Athénienne montra sa gêne à Diophante…

9
Et, puisqu’on en est là, notons que les images sphériques de ϕ et ϕ’ sur la sphère de Riemann Σ sont
diamétralement opposées. La distance cordale de ϕ et ϕ’ est donc 2 :
2.ϕ −ϕ'
k(ϕ, ϕ’) = = 2.
(1+ϕ ²)(1+ϕ'² )
Quant à la médiatrice de (ϕ, ϕ’) pour la distance k, c’est le cercle d’Apollonios
2.z−ϕ 2.z−ϕ' 1+ϕ²
= ou | z – ϕ | = | z – ϕ’ | ou | z – ϕ | = ϕ | z – ϕ’ |
(1+ z ²)(1+ϕ ² ) (1+ z ²)(1+ϕ'² ) 1+ϕ'²

1.6. Le paradoxe de Lewis Carroll.6


Avant de poursuivre notre propos, faisons une petite parenthèse récréative. Examiner attentivement
les deux figures ci-dessous. De ces découpages faut-il déduire que 64 = 65 ?
De deux choses l’une : soit nous sommes en présence d’un avatar du redoutable paradoxe de
Banach-Tarski, soit nous sommes en présence d’une british et ingénieuse entourloupe…

6 Lewis Carroll ou Sam Loyd (1841-1911) selon les sources.

10
Le lecteur s’apercevra sans peine que ce paradoxe repose sur une interprétation légèrement erronée
2 n
de la formule de Cassini Fn+1.Fn−1 – Fn = (−1) . Perfide Albion !

1.7. Etude de la matrice A.

Nous avons vu que la suite (Fn) est liée aux puissances de la matrice A =   .
11
1 0
Etudions cette matrice avec les méthodes du cours d’algébre linéaire.
2
Cette matrice A a pour polynôme caractéristique det(A – X.I ) = X – X – 1 = ( X – ϕ )( X − ϕ’ ).
Elle a deux valeurs propres réelles distinctes, donc elle est diagonalisable dans M2(R).
Les vecteurs propres associés à ϕ et ϕ’ sont (ϕ, 1) et (ϕ’, 1) resp.
Ils sont orthogonaux ; cela n’est pas suprenant, car A est symétrique réelle.

Si P = 
ϕ ϕ' , P−1.A.P = ϕ 0  . Par conséquent, P−1.An.P = ϕ n 0  et An = P. ϕ n 0  .P−1.
1 1  0 ϕ'  0 ϕ'n   0 ϕ'n 
ϕ n −ϕ'n
De cela on déduit au passage la formule de Moivre Fn = , sur laquelle nous reviendrons.
5
Si l’on se place dans le repère propre uOv, le système dynamique discret linéaire Xn+1 = A.Xn
devient Un+1 = 
ϕ 0  .U , i.e. u = ϕn.u , v = ϕ’n.v .
0 ϕ'
n n 0 n 0
n
Notons au passage que un.vn = (−1) u0.v0 , autrement dit on saute alternativement de l’hyperbole
u.v = u0.v0 à l’hyperbole u.v = − u0.v0.
n
L’axe v = 0 est appelé « variété instable », car lorsque v0 = 0, un = ϕ .u0 , vn = 0. Le point Un
s’éloigne à l’infini.
n
L’axe u = 0 est appelé « variété stable », car lorsque u0 = 0, un = 0, vn = ϕ’ .v0 . Le point Un tend en
colimaçon vers (0, 0).
Si U0 n’est sur aucun des axes, Un s’éloigne à l’infini, et tend vers l’asymptote v = 0.
Remarque : La matrice A est dilatante dans une direction propre, contractante dans une autre. On dit
que c’est une matrice « hyperbolique ».
> with(plots);
> phi:=(1+sqrt(5))/2:phi1:=(1-sqrt(5))/2:
> r:=(u,v)->listplot([seq([phi^k*u,phi1^k*v],k=-3..4)],color=maroon);
h:=k->plot(k/u,u=-3..3,v=-3..3,thickness=2):
> display({r(1/2,0),r(1/2,1/2),h(1/4),r(1/2,-1/2),h(-1/4),r(-1/2,-1/2),r(-
1/2,1/2)});

11
Itérations dans le repère propre de la matrice A

1.8. Une loi de groupe sur les couples (Fn, Fn+1).

L’exercice suivant établit que les couples (Fn, Fn+1), où n décrit Z, forment un groupe monogène
engendré par le couple (F0, F1) pour une certaine loi.

Exercice 8 : En considérant l’application (a, b) → a.I + b.A = 


a+b b , démontrer que R2, muni de
 b a
la loi (a, b) * (c, d) = (ac + bd, ad + bc + bd), est un monoïde commutatif, et que la forme
2 2 2
quadratique : q : (a, b) → a + ab – b est un morphisme de monoïde de (R , *) dans (R, ×).
Quelles sont les puissances de (F0, F1) pour la loi * ?
En déduire que (Fp−1, Fp) * (Fq−1, Fq) = (Fp+q−1, Fp+q).
2
Démontrer que les éléments inversibles du monoïde (R , *) sont les couples (a, b) tels que q(a, b) ≠
0. Quelles sont les puissances positives et négatives de (F0, F1) pour la loi * ?
2
Remarque : On aurait aussi pu considérer l’application (a, b) → a + b.ϕ de Z dans Z[ϕ]. Tout ceci
s’éclairera lors de l’étude de l’anneau Z[ϕ] et de son groupe des unités (i.e. des inversibles) au § 11.

1.9. Formules sommatoires.


(1) ∀n ≥ 0 F0 + F1 + … + Fn = Fn+2 – 1
(2) ∀n ≥ 1 F1 + F3 + … + F2n−1 = F2n
(3) ∀n ≥ 1 F2 + F4 + … + F2n = F2n+1 − 1
(4) ∀n ≥ 1 F1 – F2 + F3 – F4 + … + F2n−1 – F2n = 1 – F2n−1
(5) ∀n ≥ 1 F1 – F2 + F3 – F4 + … + F2n−1 – F2n + F2n+1 = 1 + F2n
n−1 n−1
(6) ∀n ≥ 1 F1 – F2 + F3 – F4 + … + (−1) .Fn = 1 + (−1) .Fn−1
n x−Fn+1xn+1− Fn xn+2
(7) ∀n ≥ 1 ∀x ∈ C − { ϕ, ϕ’} ∑F x
k =0
k
k =
1− x− x²
2 2 2
(8) ∀n ≥ 1 F1 + F2 + … + Fn = Fn.Fn+1

12
Preuve : Evitons les récurrences et privilégions les preuves par télescopage :
F1 + F2 + … + Fn = ( F3 – F2 ) + ( F4 – F3 ) + … + ( Fn+2 – Fn+1 ) = Fn+2 – F2 = Fn+2 – 1.
F1 + F3 + … + F2n−1 = ( F2 – F0 ) + ( F4 – F2 ) + … + ( F2n – F2n−2 ) = F2n – F0 = F2n
(3) se déduit de (1) et (2). (4) et (5) se déduisent de (2) et (3). (6) unifie (4) et (5).
(7) découle de :
n n n n n n+1 n+2
∑Fk .xk ) = ∑Fk .xk − ∑Fk .xk +1 − ∑Fk .xk +2 = ∑Fk .xk − ∑Fk −1.xk − ∑Fk −2.xk
2
( 1 – x – x ).(
k =0 k =0 k =0 k =0 k =0 k =1 k =2
n
∑(F −F
2 n+1 n+2
= F0 + F1.x – F0.x + k − Fk −2).xk – ( Fn + Fn−1 ) x
k −1 – Fn.x
k =2
n+1 n+2
= x – Fn+1.x – Fn.x .
Notons que (1) et (6) découlent de (7) en faisant x = 1, puis x = − 1.
2 2 2 2
(8) se montre par récurrence : F1 = F1.F2 et, si F1 + F2 + … + Fn = Fn.Fn+1
2 2 2 2
alors F1 + … + Fn + Fn+1 = Fn.Fn+1 + Fn+1 = Fn+1.( Fn + Fn+1 ) = Fn+1.Fn+2 .
mais on peut aussi l’établir par télescopage :
2 2 2
F1 + F2 + … + Fn = F1 ( F2 – F0 ) + F2 ( F3 – F1 ) … + Fn ( Fn+1 − Fn−1 ) = Fn.Fn+1 − F1.F0

2 2 2
Preuve visuelle de la formule F1 + F2 + … + Fn = Fn.Fn+1

Cette preuve consiste à empiler des carrés Cn de côté Fn selon principe E-N (Est-Nord)de façon que
C1 = [0, 1]×[0, 1] R1 = [0, 1]×[0, 1]
C2 = [1, 2]×[0, 1] R2 = R1 ∪ C2 = [0, 2]×[0, 1]
C3 = [0, 2]×[1, 3] R3 = R2 ∪ C3 = [0, 2]×[0, 3]
C4 = [2, 5]×[0, 3] R4 = R3 ∪ C4 = [0, 5]×[0, 3]
C2k = [F2k−1, F2k+1]×[0, F2k] R2k = R2k−1 ∪ C2k = [0, F2k+1]×[0, F2k]
C2k+1 = [0, F2k+1]×[F2k, F2k+2] R2k+1 = R2k ∪ C2k+1 = [0, F2k+1]×[0, F2k+2].
L’aire du rectangle Rn est Fn+1×Fn. Elle est la somme des aires de C1, C2 , …, Cn .
La même figure montre géométriquement que Fn+1 et Fn sont premiers entre eux.
Exercice 9 : Démontrer que la somme de dix termes consécutifs de la suite de Fibonacci est égale à
11 fois le septième terme. Généraliser.
Solution : Il s’agit de vérifier que pour tout n ∈ N Fn+1 + Fn+2 + … + Fn+10 = 11.Fn+7.
Cela peut se vérifier de mille et mille façons.
Exercice 10 : Calculer les sommes :

13
F0 + F3 + … + F3n , F1 + F4 + … + F3n+1 , F2 + F5 + … + F3n+2 .

On trouvera resp.
F3n+2 −1 , F3n+3 et F3n+4 −1 .
2 2 2

1.10. Lien avec la suite diatomique.


La suite de Fibonacci est liée à bien d’autres suites, notamment celle-ci :
Définition : On nomme suite diatomique de Stern-Brocot7 la suite d’entiers définie par
s0 = 0 , s1 = 1 , s2n = sn , s2n+1 = sn + sn+1.
Cette suite, repertoriée A002487 dans l’OEIS, a pour premières valeurs
0,1,1,2,1,3,2,3,1,4,3,5,2,5,3,4,1,…

Théorème : L’application n → sn est une bijection de N sur Q+.


sn+1
Proposition : La suite de Fibonacci est une suite extraite de la suite de diatomique.
2n −(−1)n
Plus précisément Fn = sh(n), où h(n) = . C’est la suite des pics de (sn).
3
Tout cela est démontré dans mon étude sur la suite de Stern-Brocot et l’arbre de Calkin-Wilf.

2. Le nombre d’or, rectangles et spirales.


Les chiffres dansent quand le nombre dort
( Homogène, 3,1416 avant J.-C. )
Jacques Prévert
2.1. La divine proportion.
Vers 365 av J.-C., l’astronome, géomtère, médecin et philosophe Eudoxe de Cnide (ca 408 – 355),
disciple du pythagoricien Archytas et du médecin Philistion de Sicile, et précurseur d’Archimède,
posa et résolut le problème suivant :
« Construire sur un segment AB le point C tel que AB = AC ».
AC CB
2
Cette relation s’écrit aussi AB.BC = AC : le carré
de côté AC doit avoir même aire que le rectangle de
longueur AB et de largeur BC.
La construction qu’il proposa est la suivante :
construire le milieu I du segment AB, Sur la
perpendiculaire en A au segment [AB], construire
un point M tel que AM = AI, puis un point N tel
que MN = MB (voir figure). Le point C cherché est
tel que AC = AN.
Exercice 1 : Vérifier ce résulat.

7Moritz Abraham Stern (Francfort, 1807 – Zurich, 1894), mathématicien à Göttingen, et Louis Achille
Brocot (1817 – Boissy-Saint-Léger, 1878), horloger philomathe franc-comtois.

14
2.2. Le nombre d’or est irrationnel…

Le nombre d’or ϕ = 1+ 5 et son conjugué ϕ = ϕ’ = 1− 5 , dénommés en hommage à l’architecte


2 2
2
grec Phidias, sont les deux solutions, l’une positive, l’autre négative, de l’équation x − x − 1 = 0.
Elles vérifient les relations : ϕ + ϕ’ = 1 , ϕ.ϕ’ = − 1 , ϕ − ϕ’ = 5.
L’irrationalité de ϕ et ϕ’ peut se démontrer arithmétiquement ainsi :
2 2 2
Supposons x − x − 1 = 0 avec x = a , b ∈ N*, a ∈ Z, a ∧ b = 1. Alors a − ab − b = 0.
b
2 2 2
De a = ( a + b ) b , on déduit b | a ; comme b ∧ a = 1, b = 1.
2 2 2
De b = ( a − b ) a , on déduit a | b ; comme a ∧ b = 1, a = ±1.
Donc x = ±1, ce qui est impossible.

Autre approche. Reprenons la majoration précédemment trouvée | qn − ϕ | = |


Fn+1 − ϕ | ≤ 1 .
Fn Fn2
Si l’on avait ϕ = a , où a, b ∈ N*, alors | b.Fn+1 – a.Fn | ≤ b .
b Fn
La suite d’entiers naturels | b.Fn+1 – a.Fn | tendrait vers 0, donc elle serait nulle à partir d’un certain

rang, ce qui signifie que (


Fn+1 ) serait stationnaire. Or ce n’est pas le cas !
Fn
Mais on peut aussi démontrer cette irrationalité au moyen d’un algorithme présenté par Euclide et
remontant sans doute à une époque intermédiaire entre Pythagore et Platon : l’anthyphérèse.
Définition : Les nombres réels a et b > 0 sont dit commensurables si a/b ∈ Q, incommensurables
si a/b ∉ Q.
Considérons deux nombres réels a et b > 0.
Soit G = Z[a, b] = { x = ma + nb ; m ∈ Z, n ∈ Z } le sous-groupe additif de R engendré par a et b.
Posons a0 = max(a, b) , b0 = min(a, b) , c 0 = a0 – b0 .
a1 = max(b0, c0) , b1 = min(b0, c0) , c1 = a1 – b1 .
a2 = max(b1, c1) , b2 = min(b1, c1) , c2 = a2 – b2 .
Théorème d’Euclide : On a l’alternative suivante :
i) L’algorithme s’arrête au bout d’un nombre fini d’itérations si et seulement si a et b sont
commensurables. Le groupe additif G est alors monogène, et engendré par α.
ii) L’algorithme se poursuit indéfiniment si et seulement si a et b sont incommensurables. La suite
(ak) tend alors en décroissant vers 0, et le groupe G est dense dans R.

Appliquons ce théorème au couple (a0, a1) = (Fn+1, Fn) (n > 1).


a0 = Fn+1 , a1 = Fn , a2 = Fn+1 − Fn = Fn−1 , a3 = Fn − Fn−1 = Fn−2 , … , ak = Fn−k+1 , …,
an = F1 = 1, an+1 = F0 = 0. L’algorithme s’achève et α = 1. Donc Fn+1 / Fn ∈ Q (ce n’est pas une
surprise !) et Z[Fn+1 , Fn] = Z, donc Fn+1 et Fn sont premiers entre eux.
Appliquons ce théorème au couple (a0, a1) = (ϕ, 1).
a0 = ϕ, a1 = 1, a2 = ϕ − 1 = 1 , a3 = 1 − 1 = 12 , a4 = 1 − 12 = 13 , …, ak = 1k −1 , …
ϕ ϕ ϕ ϕ ϕ ϕ ϕ
L’algorithme se poursuit indéfiniment, donc ϕ est irrationnel.

2.3. … mais constructible à la règle et au compas.

Construire à la régle et au compas 5 = 1²+2² , ϕ, ϕ’ et toutes leurs puissances est bien facile.

15
Construction à la règle et au compas de ϕ et 1/ϕ
ϕ

Construction à la règle et au compas de ϕ et ϕ’

2.4. Courbes cerclées.


Dans le plan euclidien, nous appellerons « courbe cerclée » une courbe plane formée d’une réunion
finie ou infinie d’arcs de cercle et de segments, d’un seul tenant (i.e. connexe par arcs).
Exemples : Un triangle, un polygone, sont des courbes cerclées.
L’image d’une courbe cerclée par une similitude est une courbe cerclée.
L’image d’une courbe cerclée C par une inversion de pôle A ∉ C est une courbe cerclée.

Exemples de courbes cerclées


Le dessin de gauche est dédié aux touristes qui ont besoin de kérosène détaxé pour s’envoyer en
l’air8. A droite, une roue de Reuleaux ; dans mon chapitre sur les Roues on trouvera d’autres
exemples de roues cerclées. Le chapitre sur la Rectification montre que toute courbe régulière peut
être approchée localement (et sans doute globalement) par une courbe cerclée.

8 Réflexion de l’un d’eux, à son retour de Birnanie, en pleine pandémie, en février 2020 : « La Birmanie, c’est
beau. On a bien mangé ! ». Cette réflexion hautement métaphysique aurait pu faire un excellent sujet de philo
pour le bac 2020. Car il faut le savoir : le Touriste aime le Beau, le Bon et le Bien. Il aime le Beau ? Il préfère
les pagodes birmanes aux cohortes de rohingas misérables. Il aime le Bon ? Il préfère le tournedos Rossini cuit
à point au pangolin mal cuit. Le Bien ? Il ne doute pas que son argent financera les démocrates birmans… à
condition qu’il n’y ait pas de manifs pendant son séjour, car les manifs ça fait désordre ! Tristes tropiques !

16
2.5. Spirale de Fibonacci.
Nous allons décrire un pavage du plan, en forme de spirale, obtenu en juxtaposant des carrés de
côtés Fn, et une spirale obtenue en mettant bout à bout des quarts de cercles inscrits dans ces carrés.
On part du carré C1 = [0, 1]×[1, 2] de côté F1 = 1, et l’on construit d’abord une « spirale de carrés »
selon le principe S-E-N-O (Sud-Est-Nord-Ouest). On construit successivement :
♣ le carré C2 = [0, 1]×[0, 1] de côté F2 = 1 au Sud de C1.
et le quart de cercle de centre (1, 1) de rayon F2 = 1 inscrit dans ce carré.
♦le carré C3 = [1, 3]×[0, 2] de côté F3 = 2 à l’Est de R2 = C1 ∪ C2 = [0, 1]×[0, 2]
et le quart de cercle de centre (1, 2) de rayon F3 = 1 inscrit dans ce carré.
♥ le carré C4 = [0, 3]×[ 2, 5] de côté F4 = 3 au Nord de R3 = R2 ∪ C3 = [0, 3]×[0, 2]
et le quart de cercle de centre (0, 2) de rayon F4 = 3 inscrit dans ce carré.
♠ le carré C5 = [−5, 0]×[0, 5] de côté F5 = 5 à l’Ouest de R4 = R3 ∪ C4 = [0, 3]×[0, 5]
et le quart de cercle de centre (0, 0) de rayon F5 = 5 inscrit dans ce carré.
♣ le carré C6 = [−5, 3]×[−8, 0] de côté F6 = 8 au Sud de R5 = R4 ∪ C5 = [−5, 3]×[0, 5]
et le quart de cercle de centre (3, 0) de rayon F6 = 8 inscrit dans ce carré.
♦le carré C7 = [3, 16]×[−8, 5] de côté F7 = 13 à l’Est de R6 = R5 ∪ C6 = [–5, 3]×[−8, 5]
et le quart de cercle de centre (3, 5) de rayon F7 = 13 inscrit dans ce carré.
♥ le carré C8 = [–5, 16]×[5, 26] de côté F8 = 21 au Nord de R7 = R6 ∪ C7 = [–5, 16]×[−8, 5]
et le quart de cercle de centre (–5 , 5) de rayon F8 = 21 inscrit dans ce carré.
♠ le carré C9 = [−39, –5]×[−8, 26] de côté F9 = 34 à l’Ouest de R8 = R7 ∪ C8 = [–5, 16]×[−8, 26]
et le quart de cercle de centre (–5, –8) de rayon F9 = 34 inscrit dans ce carré.

17
2.6. Spirales d’or.
Rapportons le plan euclidien à des axes orthonormés Oxy, et introduisons le « rectangle d’or » de
longueur ϕ et de largeur 1, de sommets ABCD, où A(1/ϕ,0), B(1/ϕ, 1), C(−1, 1) et D(−1, 0).
Si F(0, 1/ϕ), les rectangles ABCD et BFOA sont semblables.
Les droites (AC) et (OB) se coupent à angle droit en un point Ω appelé « œil de Dieu » (que les
monothéistes ne crient pas au sacrilège, il s’agit du Dieu des mathématiques, Apollon pytha-
goricien).
Considérons la similitude S de centre Ω, de rapport ϕ et d’angle π/2.
−1
Je dis que T = S envoie le rectangle ABCD sur le rectangle OABF, et le segment [AC] sur le
segment [OB].

Si l’on veut obtenir présenter plus commodément les choses, mieux vaut changer de repère, prendre
pour origine l’œil de Dieu O = Ω et placer le rectangle d’or R0 en biais.
La similitude S = Sim(O, ϕ, π/2) est alors donnée :

en complexes par : Z = S(z) = iϕ.z , et en cartésiennes par : [ YX ] = 0 −ϕ  [ x ].


ϕ 0  y
−1
Notons T = S = Sim(O, 1/ϕ, −π/2) la similitude inverse, qui est 1/ϕ-contractante.
k
Notons A0(1, 0), Ak = S (A0), k ∈ Z, la suite de ses itérés par S.
Les points Ak se situent à l’intersection des axes xOy et de la spirale logarithmique d’équation
2lnϕ
polaire r = emθ , où m = , qui est globalement invariante par S.
π
Le rectangle R0 a pour sommets :
A−1(0, ϕ’ = −1/ϕ) , A0(1, 0) , A1(0, ϕ) , B0(−1, 1) .
où B0 est l’orthoprojection de A−1 sur la droite (A1A2). Il a pour aire 2ϕ − 1. .
k
Pour tout k ∈ Z, notons Rk = (Ak−1, Ak, Ak+1, Bk) le rectangle image de par S .
Les points Bk se situent tous sur la spirale logarithmique d’équation polaire r = C emθ ,
2lnϕ
où m = et C = 2 ϕ −3/ 2 , qui est aussi globalement invariante par S.
π
Le rectangle C0 a pour sommets :
2
A−2(−1/ϕ , 0) , B−1(1/ϕ, 1/ϕ) , A1(0, ϕ) , B0(−1, 1) .
Il a pour aire 3 − ϕ.
Lorsque k tend vers +∞, la suite de rectangles (R−k) et la suite de carrés (C−k) tendent vers {O} pour
+∞ +∞
la distance de Hausdorff. De plus, ∑ Aire(C
k =0
−k ) = ( 3 − ϕ ). ∑ 12k = … = 2ϕ − 1 = Aire(R0).
k =0 ϕ
+∞
Exercice : Justifier ce calcul et établir que UC
k =0
−k = R0 – {O}.

Quant à la spirale d’or, elle est la réunion des quarts de cercles Γk de centres Ak, limités par
Bk+1Bk+2. A noter que le point asymptote O est à distance finie de A0, en ce sens que
+∞
UΓ −k a une longueur totale finie égale à π ( ϕ + 1 ) 3−ϕ .
k =0
2
Voici une feuille de calculs Maple montrant ces figures :
> with(plots):phi:=(1+sqrt(5))/2;
> a:=k->I^k*phi^k;b:=k->a(k)*(-1+I);
xa:=k->Re(a(k));ya:=k->Im(a(k));

18
xb:=k->Re(b(k));yb:=Im(b(k));A:=k->[xa(k),ya(k)];B:=k->[xb(k),yb(k)];
> z:=(k,t)->a(k)+exp(I*t)*(b(k+1)-a(k));
x:=(k,t)->Re(z(k,t));y:=(k,t)->Im(z(k,t));
> p:=k->plot([x(k,t),y(k,t),t=0..Pi/2],color=gold,thickness=2):
q:=k->listplot([A(k-2),B(k)],color=blue):
>LA:=listplot([seq(A(k),k=-4..8)],color=black,thickness=2):
> display({LA,seq(p(k),k=-4..5),seq(q(k),k=-4..5)});

> with(plots):phi:=(1+sqrt(5))/2;m:=2*ln(phi)/Pi;
> a:=k->I^k*phi^k;b:=k->a(k)*(-1+I);
xa:=k->Re(a(k));ya:=k->Im(a(k));xb:=k->Re(b(k));yb:=Im(b(k));
A:=k->[xa(k),ya(k)];B:=k->[xb(k),yb(k)];
> z:=(k,t)->a(k)+exp(I*t)*(b(k+1)-a(k));
x:=(k,t)->Re(z(k,t));y:=(k,t)->Im(z(k,t));
> p:=k->plot([x(k,t),y(k,t),t=0..Pi/2],color=gold,thickness=2):
> sp1:=polarplot(exp(m*t),t=-4..4*Pi,color=blue):
sp2:=polarplot(sqrt(2)*phi^(-3/2)*exp(m*t),t=-4..4*Pi,color=green):
> LA:=listplot([seq(A(k),k=-4..8)],color=red):
LB:=listplot([seq(B(k),k=-4..7)],color=violet):
> display({sp1,sp2,LA,LB,seq(p(k),k=-4..5)});

19
Le pape des escargots
« Un, deux, c’est la proportion du Temple de Salomon...
− Le Temple de Salomon ?
− Oui, tu sauras tout ça en temps voulu, compagnon. Il ne faut pas mettre terme avant
prémisses ! Mais remarque bien que le rectangle de proportion « deux, un » a une diagonale égale à
la racine carrée de cinq ! Et si l’on majore cette diagonale d’une largeur de rectangle et que l’on
divise par deux, on a quoi, je te le demande ?
− On a... on a... ânnonait Gilbert ahuri.
− On a 1,618 ! et 1,618, qu’est-ce que c’est, compagnon ?
− C’est... c’est...
− C’est le Nombre d’or, c’est la limite de la série de Fibonacci...
− Le Nombre d’or ? demandait Gilbert, sans se méfier.
− Tais-toi, malheureux ! ne prononce pas cela à haute voix ! Parle bas ! Ces connaissances ne
doivent pas être répandues dans la Masse ! Compagnon, l’Elite, l’Elite seule doit savoir... Écoute
et regarde. »
La Gazette prenait sa crosse et écrivait, sur le sol, des chiffres :
1,618
= ( 1 + 1,618 ) = ( 1,618 × 1,618) = 2,618. »
0,618
Henri Vincenot

20
3. Formule de Moivre et applications.

3.1. Premiers résultats sur la croissance de la suite (Fn).


Les exercices suivants permettent de préciser la vitesse de croissance de la suite (Fn) :
2
Exercice 1 : Résoudre les équations Fn = n , Fn = n .
2
Solution : Une récurrence facile montre que Fn > n pour n ≥ 6 et Fn > n pour n ≥ 13.
Dès lors il n’y a qu’un nombre fini de tests. On trouve :
2
Fn = n ⇔ n ∈ {0, 1, 5} Fn = n ⇔ n ∈ {0, 1, 12}

Exercice 2 : Trouver la limite de la suite ( Fn ) .


n
2
Solution : On vient de noter que Fn > n pour n ≥ 13.
F −F +...+ F1 −F0 et conclure par Cesaro.
Ou bien noter que Fn = n n−1
n n
Exercice 3 : Trouver les progressions arithmétiques à 3 et à 4 termes dans la suite (Fn)n∈N
n–2 n–1
Exercice 4 : 1) Démontrer que ∀n ≥ 1 ( 3 ) ≤ Fn ≤ 2 .
2
2) Plus généralement, soient ρ et ρ’ deux réels tels que 0 < ρ < ϕ < ρ’ (où ϕ est le nombre d’or).
n n
Démontrer que ∃λ, µ > 0 ∀n ≥ 1 λ.ρ ≤ Fn ≤ µ.ρ’ .
n
3) Démontrer, toujours élémentairement, que les suites (Fn) et (ϕ ) sont semblables.
Preuve : 1) se montre par récurrence sur n.
–1 0
Pour n = 1, elle s’écrit : ( 3 ) = 2 ≤ F1 = 1 ≤ 2 = 1.
2 3
0 1
Pour n = 2, elle s’écrit : ( 3 ) = 1 ≤ F2 = 1 ≤ 2 = 2.
2
n–2 n–1 n–1 n
Supposons-la vraie aux rangs n et n + 1, i.e. ( 3 ) ≤ Fn ≤ 2 et ( 3 ) ≤ Fn+1 ≤ 2 .
2 2
n–2 n–1 n–1 n
Additionnons ! Il vient : ( 3 ) + ( 3 ) ≤ Fn+2 ≤ 2 + 2 .
2 2
n–2 n–1 n–2 n–2 5 n–2 9 n
Or ( 3 ) + ( 3 ) = ( 3 ) ( 1 + 3 ) = ( 3 ) >(3) =(3)
2 2 2 2 2 2 2 4 2
n–1 n n–1 n–1 n–1 n+1
Et 2 +2 =2 (1+2)=2 .3 < 2 .4 = 2 .
2) Soient ρ et ρ’ deux réels tels que 0 < ρ < ϕ < ρ’ .
2 2
Supposons trouvés deux réels λ, µ > 0 tels que λ.ρ ≤ F1 = 1 ≤ µ.ρ’ et λ.ρ ≤ F2 = 1 ≤ µ.ρ’ ,
n n
et démontrons que ∀n ≥ 1 λ.ρ ≤ Fn ≤ µ.ρ’ .
La relation est vraie pour n = 1 et 2. Supposons-la vraie aux rangs n et n + 1.
n n
Alors par addition : λ.ρ ( 1 + ρ ) ≤ Fn+2 ≤ µ.ρ’ (1 + ρ’ ).
2 2
On conclut via ρ < 1 + ρ et 1 + ρ’ < ρ’ .
Reste à trouver λ et µ… Il suffit de choisir λ = min( 1 , 1 ) et µ = max( 1 , 1 ).
ρ ρ² ρ' ρ'²
2 2
3) Supposons trouvés deux réels λ, µ > 0 tels que λ.ϕ ≤ F1 = 1 ≤ µ.ϕ et λ.ϕ ≤ F2 = 1 ≤ µ.ϕ .
n n
Une récurrence facile montre que ∀n ≥ 1 λ.ϕ ≤ Fn ≤ µ.ϕ . D’où la conclusion.
Exercice 5 : Montrer que les nombres de Fibonacci forment un ensemble de densité nulle, en ce sens
que : lim N→+∞ 1 card { n ; Fn ≤ N } = 0.
N

21
3.2. Formule de Moivre.
Cette formule exprime les suites de Fibonacci et de Lucas comme combinaisons linéaires des suites
n n
(ϕ ) et (ϕ’ ). Le mieux pour démontrer ce résultat est de faire appel au cours d’algèbre linéaire.

Théorème 1 : Les suites réelles (xn)n∈Z vérifiant ∀n ∈ Z xn+2 = xn+1 + xn forment un sous-espace
Z
vectoriel S de F(Z, R) = R , de dimension 2, autrement dit un plan vectoriel.
Cet espace est stable par l’opérateur de décalage : si x = (xn) est élément de S, T(x) = (xn+1) aussi.

Pour que x = (xn) et y = (yn) forment une base de ce plan, il faut et il suffit que
x0 y0 ≠ 0.
x1 y1
Preuve : La première assertion est facile. Les deux autres découlent de ce que Φ : x → (x0, x1) est
une bijection linéaire de S sur R×R.
n n
Corollaire 1 : Les suites (Fn) et (Ln), resp. (ϕ ) et (ϕ’ ), resp. (Fn) et (Fn+1) forment une base de S.
Si x = (xn) est élément de S,

∀n ∈ Z xn = Fn−1.x0 + Fn.x1 = (x1 −


x0 ).F + x0 .L = x1 −x0ϕ' .ϕn + x0.ϕ −x1 .ϕ’n.
2 n 2 n ϕ −ϕ' ϕ −ϕ'
Z
Remarque : Considérons l’opérateur de décalage T : (xn)n∈Z → (xn+1)n∈Z dans F(Z, R) = R .
2
Pour qu’une suite (xn) soit élément de S, il faut et il suffit qu’elle appartienne à Ker( T – T – I ).
Le petit théorème des noyaux affirme alors que :
2
S = Ker( T – T – I ) = Ker( T – ϕ.I ) ⊕ Ker( T – ϕ’.I ).
n
Or Ker( T – ϕ.I ) est la droite vectorielle engendrée par la suite (ϕ ), Ker( T – ϕ’.I ) la droite
n
engendrée par la suite (ϕ’ ). On retrouve une partie des résultats précédents.
n n
Corollaire 2 : ∀n ∈ Z ϕ = Fn−1 + ϕ.Fn , ϕ’ = Fn+1 − ϕ.Fn = ϕ’.Fn + Fn−1.
n n
Preuve : cela découle du corollaire 1 appliqué aux suites (ϕ ) et (ϕ’ ).

Corollaire 3 : ∀(m, n) ∈ Z×Z Fm+n = Fm+1.Fn + Fm.Fn−1.

Preuve : Fixons m et considérons la suite de terme général xn = Fm+n .


Elle est élément de S. La formule ∀n ∈ Z xn = Fn−1.x0 + Fn.x1 conclut.
r
Corollaire 4 : ∀(p, q, r) ∈ Z×Z Fp Fq+r − (−1) Fp−r.Fq = Fp+q.Fr .
p
Elle s’écrit aussi : ∀(p, q, r) ∈ Z×Z Fp Fq+r + (−1) Fr−p.Fq = Fp+q.Fr .
p
Preuve : Fixons p et q, et considérons la suite de terme général xr = Fp Fq+r + (−1) Fr−p.Fq
Elle est élément de S. La formule ∀r ∈ Z xr = Fr−1.x0 + Fr.x1 conclut, car :
p
x0 = Fp Fq + (−1) F−p.Fq = 0
p
x1 = Fp Fq+1 + (−1) F1−p.Fq = Fp Fq+1 + Fp−1.Fq = Fp+q en vertu du corollaire 2.
A noter que le corollaire 3 généralise le corollaire 2 (faire r = 1) et en découle.
Corollaire 5 : Formule de Catalan 9.
2 p–q 2
∀(p, q) ∈ Z×Z Fp − Fp−q.Fp+q = (−1) Fq .
Preuve : Faire r = p – q dans le corollaire 3.

9 Eugène Catalan (Bruges, 1814 - Liège, 1894), un de mes mathématiciens préférés. Les polytechniciens de
gauche sont des oiseaux rares, et ceux qui restent à gauche des oiseaux très rares...

22
4
Corollaire 6 : ∀n ∈ Z Fn+2.Fn+1.Fn−1.Fn−2 = Fn – 1.
Preuve : il découle de la formule de Catalan que :
2 n–1 2 2 n–1
Fn+1.Fn−1 = Fn − (−1) F1 = Fn − (−1) .
2 n–2 2 2 n–2
Fn+2.Fn−2 = Fn − (−1) F2 = Fn − (−1) .
Il suffit de multiplier ces deux identités.
Exercice 6 : Démontrer les identités :
∀n ∈ Z Ln = Fn−1 + Fn+1 ∀n ∈ Z Ln = Fn−3 + Fn+3.
Théorème 2 : formule de Moivre (1718).
ϕ n −ϕ'n ϕ n −ϕ'n n n
∀n ∈ Z Fn = = , Ln = ϕ + ϕ’ .
ϕ −ϕ' 5
Preuve : Cela découle du corollaire 1 du théorème 1.
Certains auteurs attribuent cette formule à Simson (1753), d’autres à Euler (1765), voire (et c’est le
cas le plus fréquent) à Binet (1843), mais cette dernière attribution est peu crédible, Lagrange ayant
publié un traité sur les suites récurrentes en 177510.
ϕn ϕn n n
Corollaire 1 : Fn = + o(1) ∼ et Ln = ϕ + o(1) ∼ ϕ quand n → +∞.
5 5
ϕ'n ϕ'n n n
Fn = − + o(1) ∼ − et Ln = ϕ’ + o(1) ∼ ϕ’ quand n → −∞.
5 5
ϕ n −ϕ'n ϕ n −ϕ'n ϕn n 2n
Preuve : Fn = = = ( 1 – (−1) .ϕ’ ) , etc.
ϕ −ϕ' 5 5

Corollaire 2 : Les suites (


Fn+1 ) et ( Ln+1 ) tendent vers le nombre d’or ϕ quand n → +∞.
Fn Ln
Elles tendent vers ϕ’ quand n → −∞.
La convergence de la première suite est rapide, car :
| Fn+1 − ϕ | = n1 ∼ 25n | Fn+1 − ϕ | ≤ 1 2 .
et
Fn ϕ .Fn ϕ Fn Fn
F ϕ'n n
Cela découle du corollaire 2 du théorème 1 : | n+1 − ϕ | = | | = n1 et Fn ≤ ϕ.Fn ≤ ϕ .
Fn Fn ϕ .Fn
Corollaire 3 : La suite ( Ln ) tend vers 5 quand n → +∞, vers − 5 quand n → −∞.
Fn
ϕn
Corollaire 4 : Pour tout n ≥ 0, Fn est l’entier le plus proche de .
5
ϕn ϕ'n (−ϕ')n
Preuve : | Fn − |=| |= ≤ 1 < 1 .
5 5 5 5 2
ϕn
A noter que Fn est alternativement plus grand et plus petit que selon que n est impair ou pair.
5
> Digits:=100;phi:=fsolve(x^2-x-1=0,x,x = 0..2);

10 En sociologie des sciences, la loi d'éponymie de Stigler, énoncée le statisticien Stephen Stigler en 1980,
affirme, dans sa forme la plus abrupte, qu’« Une découverte scientifique ne porte jamais le nom de son
auteur. ». Cette loi est très souvent vérifiée en mathématiques ; peu de théorèmes portent le nom de leur auteur.
Elle est aussi vraie en histoire : le vainqueur d’une bataille n’est pas toujours celui que l’on retient.

23
Digits := 100
φ := 1.618033988749894848204586834365638117720309179805762862135448622 \
705260462818902449707207204189391137
> [seq(round(phi^n/sqrt(5)),n=0..25)];
[ 0, 1, 1, 2, 3, 5, 8, 13, 21, 34, 55, 89, 144 , 233, 377, 610 , 987 , 1597 , 2584 , 4181 , 6765 ,
10946 , 17711 , 28657 , 46368 , 75025 ]

Exercice 7 : A tout entier N > 2 on associe l’entier n = G(N) tel que Fn ≤ N < Fn+1 .
Montrer que G(N) = lnN + O(1).
lnϕ
Exercice 8 : Démontrer que pour tout n > 0, 1 ϕ n−1/ n ≤ Fn ≤ 1 ϕ n+1/ n .
5 5
+∞
∑C
n 2k +1
Exercice 9 : Démontrer que (∀n) 2 .Fn = 2 n .5k ( somme à support fini ).
k =0

Proposition 3 : ∀n ∈ Z Fn+1 = 1 ( Fn + Ln ) et Ln+1 = 1 ( 5.Fn + Ln )


2 2
Preuve : Les suites (Fn+1) et (Ln+1) sont éléments de S, donc combinaisons linéaires de (Fn) et (Ln).
Il suffit de leur appliquer le corollaire 1 du théorème 1.
Notons que Fn et Ln ont même parité. En divisant par 2 on reste dans Z.
Matriciellement, les suites de Fibonacci et Lucas vérifient :

[ FL0 ] = [ 02 ] et [ FLn+1 ] = 1 1 1 [ Fn ] .
0 n+1 2 5 1 Ln
ce qui fournit un nouveau mode de calcul récurrent des deux suites. Retrouvons au passage :
Corollaire : La suite ( Ln ) tend vers 5 quand n → +∞, vers − 5 quand n → −∞.
Fn

Preuve : Notons Ln = rn. Il découle de la prop 3 que rn+1 = n+1 = 5Fn + Ln = rn +5


L
Fn Fn+1 Fn + Ln rn +1
Et nous voilà ramenés à une brave suite récurrente classique...
2 n
Proposition 4 : ∀n ∈ Z F2n = Fn.Ln et L2n = Ln − 2 (−1) .
2 n
F2n+1 = 1 ( F2n + L2n ) = 1 ( Fn.Ln + Ln − 2 (−1) )
2 2
2 n
et L2n+1 = 1 ( 5.F2n + L2n ) = 1 ( 5 Fn.Ln + Ln − 2 (−1) )
2 2
Preuve : Les deux premières formules découlent du théorème 2, les deux suivantes du théorème 3.
2 2 n+1
Proposition 5 : Pour tout n ∈ N 5.Fn − Ln = 4 (−1) .
2 2
Preuve : Par récurrence sur n. Pour n = 0, 5.F0 − L0 = − 4. Si la propriété est vraie au rang n,
5.Fn+1 − Ln+1 = [ Fn+1 Ln+1] 
2 2 5 0  [ Fn+1 ]
0 −1 Ln+1
= [ Fn Ln] 1   
1 5 5 0  1 1 1 [ Fn ] .= [ Fn Ln] 
−5 0 [ Fn ]
2 1 1 0 −1 2 5 1 Ln  0 1 Ln
2 2 n+2
= − ( 5.Fn+1 − Ln+1 ) = 4 (−1) .
Remarque : Cela reste vrai pour n ∈ Z. Ainsi les couples (Ln, Fn) se trouvent alternativement sur
2 2 2 2
l’une ou l’autre des hyperboles x − 5 y = 4 et x − 5 y = − 4. Nous retrouverons cela au § 11.
Dans le même ordre d’idées, mentionnons ce résultat que nous aurions pu signaler plus tôt :

24
2 2 2 2
Proposition 6 : ∀n ∈ Z F2n−1 = Fn−1 + Fn , F2n = Fn+1 − Fn−1 .
2 n 2
Formule qu’on peut résumer en : ∀n ∈ Z Fn = F[n/2]+1 − (−1) .F[(n−1)/2] .
2 2
Preuve : F2n−1 = Fn−1 + Fn découle de Fm+n = Fm+1.Fn + Fm.Fn−1.
F2n = F2n+1 − F2n−1 et appliquer la formule précédente. .
Les Fn sont alternativement des sommes et des différences de deux carrés. On en déduit que F2n est
congru à 0, 1 ou 3 modulo 4. Quant aux sommes de deux carrés…
3 4 5
Exercice 10 : Calculer et simplifier Fn , Fn et Fn à l’aide de la formule de Moivre.

3.3. Algorithme de récurrence binaire.


Les formules de la prop 4, jointes à F0 = 0, L0 = 2, fournissent un calcul par récurrence binaire des
suites (Fn) et (Ln). Grâce à cet algorithme, on peut calculer Fn et Ln sans calculer tous les
prédécents, avec un algorithme de compexité O(ln n).
FL:=proc(n) option remember;local m;if n = 0 then [0,2];
elif type(n,odd)=true then
[1/2*(FL(n-1)[1]+FL(n-1)[2]),1/2*(5*FL(n-1)[1]+FL(n-1)[2])]
else m:=iquo(n,2);[FL(m)[1]*FL(m)[2],FL(m)[2]^2 - 2*(-1)^m];fi;end;
FL(19);FL(39);FL(100);FL(200);
[ 4181 , 9349 ]
[ 63245986 , 141422324 ]
[ 354224848179261915075 , 792070839848372253127 ]
[ 280571172992510140037611932413038677189525 ,
627376215338105766356982006981782561278127 ]
Au fond, ce n’est pas surprenant, car l’algorithme d’exponentiation binaire d’Al Kashi de calcul de
n
x dans un monoïde est de complexité O(ln n).
Or calculer Fn revient à calculer A ou B , où A =   et B = 1   .
n n 11 11
1 0 2 5 1
Voici cet algorithme :
Exercice 11 : Soit E un monoïde multiplicatif, de neutre e.
1) Montrer que la fonction Φ : (x , n) ∈ E×N → xn ∈ E est caractérisée par les formules :
2 2
Φ(x , 0) = e ; Φ(x , 2m) = Φ(x , m) ; Φ(x , 2m + 1) = x.Φ(x , m) .
2) On considère l’algorithme suivant (en langage Maple) :
alkashi : = proc(x, n)
local m, y, z ;
m:=n;y:=1;z:=x;
while m ≠ 0 do if type(m , odd) then y : = y.z fi ;
m : = iquo(m , 2) ; z : = z.z ; od ;
print(y) ; end ;
Que calcule cet algorithme ? Combien d’opérations nécessite-t-il ?
Remarque : comment Maple calcule les nombres de Fibonacci ? Pour le savoir, il suffit de taper :
with(combinat) ;
interface(verboseproc=2) ; eval(fibonacci) ;

25
3.4. Longueur des nombres de Fibonacci.
Théorème : Pour tout k ≥ 1, le nombre de nombres de Fibonacci ayant k chiffres en base 10 est égal
à 4 ou 5.
Autrement dit, si F = { 0, 1, 1, 2, 3, 5, 8, 13, 21, 34, 55, 89, 144, … }
k−1 k
card (F ∩ [10 , 10 [ ) = 4 ou 5.
De fait, F ∩ [1, 10 [ = { 1, 2, 3, 5, 8 }
F ∩ [10, 100 [ = { 13, 21, 34, 55, 89 }
F ∩ [100, 1000 [ = { 144, 233, 377, 610, 987 }
F ∩ [1000, 10000 [ = { 1597, 2584, 4181, 6765 }

Preuve. Partons de : ∀n ≥ 2 Fn−1 ≤ Fn ≤ 2 Fn−1.


On en déduit successivement : 3 F ≤F =F +F ≤3F .
2 n n+1 n n−1 n−1

5 F ≤F =F +F ≤5F .
2 n n+2 n+1 n n−1

8 F ≤F =F +F ≤8F .
2 n n+3 n+2 n+1 n−1

13 F ≤ F = F + F ≤ 13 F .
2 n n+4 n+3 n+2 n−1

21 Fn ≤ Fn+5 = Fn+4 + Fn+3 ≤ 21 Fn−1.


2
k−1 k
Pour k = 1 et 2, nous avons vu que card (F ∩ [10 , 10 [ ) = 5.
k−1 k
Supposons que card (F ∩ [10 , 10 [ ) = 4 ou 5, et notons Fn−1 le plus grand nombre de Fibonacci
k k
de cette tranche. On a donc Fn−1 ≤ 10 − 1 < 10 ≤ Fn .
k k+1
Du coup, Fn+3 ≤ 8 Fn−1 ≤ 8 ( 10 − 1 ) < 10 − 1.
k k+1
Par conséquent { Fn , Fn+1 , Fn+2 , Fn+3 } ⊂ [10 , 10 [
k k+1
De plus, Fn+5 ≥ 21 Fn ≥ 21 10 > 10 .
2 2
k k+1
Par conséquent Fn+5 ∉ [10 , 10 [
L’incertitude porte uniquement sur Fn+4. CQFD
Fk +3
Remarque : les inégalités ci-dessus se généralisent en .Fn ≤ Fn+k ≤ Fk+3.Fn−1.
2
Cela découle aisément de Fn+k = Fk+1.Fn + Fk.Fn−1.

> with(combinat):with(plots):
> alias(f=fibonacci):p:=n->length(f(n)):
> listplot([seq([n,p(n)],n=0..100)],thickness=2,color=violet,axes=NORMAL);

Nombres de chiffres des 100 premiers nombres de Fibonacci

26
3.5. Fonction de Fibonacci.
La suite de Fibonacci peut être prolongée à R de bien des façons, mais a-t-elle un prolongement
« naturel » ? Examinons la formule de Moivre :
ϕ n −ϕ'n ϕ n −ϕ'n ϕ n −(−1)nϕ −n
∀n ∈ Z Fn = = = .
ϕ −ϕ' 5 5
n
La fonction n → (−1) se prolonge à R ou C naturellement si l’on observe que :
n inπ
(−1) = e = cos(nπ) + i.sin(nπ) = cos(nπ).
x ixπ
Du coup, on peut définir une fonction (−1) = e , et introduire deux fonctions :
ϕ x −(−1)xϕ −x ϕ x −cos(πx).ϕ −x sin(πx).ϕ −x
F(x) = ≡ −i .
5 5 5
ϕ −cos(πx).ϕ −x
x
Re F(x) = .
5
Ces deux fonctions, l’une à valeurs complexes, l’autre à valeurs réelles, prolongent toutes deux la
suite (Fn), c’est-à-dire la fonction n → Fn,

Elles sont de classe C et vérifient ∀x ∈ R F(x + 2) = F(x + 1) + F(x).
On peut les considérer à bon droit comme des prolongements naturels, et les nommer « fonctions de
Fibonacci ». Et l’on pourrait également prolonger la suite de Lucas, et généraliser à ces fonctions
pas mal d’identités déjà trouvées. J’ignore si cela a beaucoup d’intérêt.
Visualisons-les avec Maple :
> with(plots):phi:=(1+sqrt(5))/2:F:=x->(phi^x-phi^(-x)*cos(Pi*x))/sqrt(5);
( −x )
φx − φ cos( π x )
F := x →
5
> L:=[];for n from 0 to 15 do L:=[op(L),simplify(F(n))]:od;print(L);
[ 0, 1, 1, 2, 3, 5, 8, 13, 21, 34, 55, 89, 144, 233, 377 , 610 ]
> plot(F(x),x=-7..7,thickness=2,color=blue);

> G:=x->-sin(Pi*x)*phi^(-x)/sqrt(5);
( −x )
sin( π x ) φ
G := x → −
5
> plot([F(x),G(x),x=-5..5],thickness=2,color=maroon,axes=normal);

27
4. Interprétations combinatoires de la suite de Fibonacci.
4.1. Les fameux lapins de Fibonacci.
Dans son Liber abaci, Fibonacci pose et résout un problème anodin sur la reproduction des lapins.
Pouvait-il penser que cet exercice assurerait sa célébrité ? Car, derrière ces mathématiques
récréatives, on peut voir l’un des premiers modèles de dynamique des populations animales.
« Quot paria coniculorum in uno anno ex uno pario germinentur », demande-t-il, autrement dit :
« Combien de couples de lapins proviennent d’un même couple en une année ? »
Mettons cette idée en forme. Une population de lapins est observée aux instants 1, 2, 3, 4, … qui
correspondent à des mois. On suppose qu’elle obéit aux lois suivantes :
a) A l’instant 1, il y a une paire de lapereaux.
b) Les lapins nés à l’instant n ne commencent à procréer qu’à l’instant n + 2. Ils procréent des
couples de lapereaux.
c) Tous les lapins sont immortels.

Les lapins de Fibonacci


Théorème de Fibonacci : Le nombre de couples de lapins à l’instant n est Fn. En particulier, au
bout d’un an, il y a F12 = 144 couples de lapins.
En effet, aux instants 1 et 2, F1 = F2 = 1, puisque le premier couple ne peut procréer qu’au 2ème mois.
F3 = 2, car le couple s’est reproduit à l’instant 1. Pour tout n, Fn+2 = Fn+1 + Fn , car aux couples
vivants au (n + 1)-ème mois il faut adjoindre ceux qui ont été conçus à l’instant n.
La formule de Moivre montre que ce modèle de population animale suit une croissance
exponentielle.

28
Au fond, il s’agit d’un système dynamique avec retard y(n+1) – y(n) = y(n–1), analogue à
l’équation différentielle avec retard y’(t) = y(t – 1).
Un autre modèle de reproduction des lapins est fourni par la suite dite de Jacobsthal. Sachant qu’un
couple de lapins donne naissance à deux nouveaux couples chaque mois et que chaque couple
commence à engendrer à partir du deuxième mois suivant sa naissance, on demande le nombre total
de couples au n-ième mois.
Exercice 1 : Suite de Jacobstahl.
Il s’agit de la suite récurrente J0 = 0 , J1 = 1 , Jn+2 = Jn+1 + 2Jn.
1) Calculer les premières valeurs de cette suite. La reconnaître dans l’OEIS.
+∞
2) Démontrer qu’elle a pour fonction génératrice ∑J
n =0
n Xn = X
1− X −2X²
2n −(−1)n n n (−1)
k n
, que Jn+1 = 2 − Jn et que Jn+1 = 2 ∑ k = (−1) ∑(−1)k 2k .
n n
3) En déduire que Jn =
3 k =0 2 k =0

×n avec des tuiles 1×


4) Démontrer que Jn+1 est le nombre de façons de paver un rectangle 3× ×1 et 2×
×2.
Exercice 2 : vaches de Pandit Naryana (1340-1400).
Après les lapins, les vaches ! Il s’agit de la suite récurrente a0 = a1 = a2 = 1 , an+3 = an+2 + an.
1) Calculer les premières valeurs de cette suite. La reconnaître dans l’OEIS.
+∞
2) Démontrer qu’elle a pour fonction génératrice ∑a X
n =0
n
n = 1
1− X − X 3
.

3) Montrer que an = ∑C
0≤k ≤ n / 3
k
n− 2k . Calcul et équivalent de an ?

×n avec des trominos droits


4) Démontrer que an est le nombre de façons de paver un rectangle 3×
×1).
(rectangles 3×

4.2. La reproduction des hyménoptères.

Te voilà hors de l’alvéole,


Petite abeille de ma chair,
Je suis la ruche sans parole
Dont l’essaim est parti dans l’air.
Cécile Sauvage, L’Âme en bourgeon
Si les hypothèses du modèle de reproduction animale proposé par Fibonacci peuvent paraître
arbitraires, la reproduction des hyménoptères met en jeu de manière plus naturelle les nombres de
Fibonacci.
Les hyménoptères sont un ordre d’insectes, de la sous-classe des ptérygotes, de la section des
néoptères et du super-ordre des endoptérygotes. Des représentants communs de cet ordre sont les
abeilles, les guèpes, les fourmis et les frelons, présents sur tous les continents sauf l’Antarctique.
Le mode de reproduction des abeilles, et plus généralement des hyménoptères, a été découvert vers
1835 par un apiculteur et naturaliste de Silésie, le prêtre polonais Jan Dzierzon (1811-1906). Ce
dernier a publié ses découvertes en 1845, elles ont été confirmées expérimentalement plus tard. Jan
Dzierzon a découvert que les abeilles se reproduisent par parthénogénèse arrhénotoque facul-
tative11 : un mâle (ou faux bourdon) est issu d’un œuf non fécondé, une femelle d’un œuf fécondé −

11 La parthénogenèse arrhénotoque donne une descendance uniquement composée de mâles. Cependant, il y a


formation d’une femelle si l’œuf est fécondé ; c’est donc une parthénogenèse facultative et l’espèce possède des
individus des deux sexes ; on la rencontre chez les insectes. La parthénogenèse thélytoque donne une
descendance uniquement composée de femelles ; c’est la plus fréquemment rencontrée dans la nature, elle est
obligatoire et constante. Les femelles sont diploïdes. Il peut même y avoir absence totale de mâles dans
l’espèce, comme chez les Cnemidophorus ou lézards à queue en fouet, seul cas connu chez les vertébrés.

29
la parthénogénèse arrhénotoque n’engendre que des individus mâles −. Les femelles ont ainsi le
privilège, presque unique dans la nature, de pouvoir à volonté donner naissance à des mâles ou à des
femelles. Le lien avec les nombres de Fibonacci est le suivant. Un mâle n’a qu’un seul géniteur, une
femelle, une femelle a deux géniteurs, un mâle et une femelle. Du coup, un mâle a deux « grands-
parents », un mâle et une femelle, une femelle a trois « grands-parents », deux femelles et un mâle.
Un mâle a donc trois aïeux, une femelle en a cinq, etc. Mettons cela en forme :

Théorème de Dzierzon : Un hyménoptère mâle a Fn+1 ancêtres à la n-ème génération, Fn−1 mâles et
Fn femelles. Un hyménoptère femelle a Fn+2 ancêtres à la n-ème génération, Fn mâles et Fn+1
femelles.
Preuve par récurrence sur n ≥ 1. C’est vrai pour n = 1.
Si le résulat est vrai au rang n, alors
a) Un hyménoptère mâle a, à la (n + 1)-ème génération :
Fn mâles (les pères des Fn femelles)
Fn−1 + Fn = Fn+1 femelles (les mères des Fn−1 mâles et des Fn femelles).
En tout, Fn + Fn+1 = Fn+2 ancêtres.
b) Un hyménoptère femelle a, à la (n + 1)-ème génération :
Fn+1 mâles (les pères des Fn+1 femelles)
Fn + Fn+1 = Fn+2 femelles (les mères des Fn mâles et des Fn+1 femelles).
En tout, Fn+1 + Fn+2 = Fn+3 ancêtres. Cqfd.
Remarque : Nous approfondirons ce sujet lors de l’étude des mots de Fibonacci (§ 13). Nous
établirons alors un lien avec le dénombrement proposé au § 4.7.

4.3. Lien avec les diagonales du triangle de Pascal.


Les nombres de Fibonacci sont des sommes de coefficients binômiaux.

Théorème 3 : Pour n ≥ 1, Fn = 1 + Cn1−2 + Cn2−3 + Cn3−4 + … = ∑C


p + q = n−1
q
p
= ∑C k
n −1−k = ∑C
k∈Z
k
n −1− k .
0≤ k ≤ n −1
2

Dans cette troisième expression, la convention de nullité des coefficients binomiaux implique que la
somme est à support fini.
Preuve : Par récurrence sur n.
Pour n = 1, ∑C
p + q =0
q
p = 1 = F1 . Pour n = 2, ∑C
p + q =1
q
p
= 1 = F2 .

Cependant, s’il y a apparition de mâles de manière cyclique à une période de l’année, la parthénogénèse devient
deutérotoque ; il y a alors production de mâles et de femelles ; c’est le cas chez les crustacés, les amphibiens ou
encore les rotifères.

30
Si l’on admet que Fn = ∑C
p + q = n−1
q
p
et Fn+1 = ∑C
p + q =n
q
p
, alors

Fn+2 = Fn+1 + Fn = ∑C k
k
n −k + ∑C k
k
n −1− k = ∑Ck
k
n −k + ∑C
k
k −1
n−k = ∑(C k
k
n −k +Cnk−−k1) = ∑C
k
k
n +1− k .

Preuve combinatoire, utilisant la prop 3.

4.4. Comment vider un tonneau …


Théorème 4 : Pour tout n ≥ 0, Fn+1 est le nombre de façons de vider un tonneau de n litres avec un
pot de 1 litre et un pot de 2 litres, ou de parcourir n mètres en faisant des bonds de 1 mètre ou de 2
mètres. Il revient au même de dire que c’est le nombre de façons de paver un rectangle 1×n avec des
dominos 1×1 ou 1×2.

U {x = (x1, …, xk) ∈ {1, 2}


k
Fn+1 = card ; x1 + … xk = n }.
k ≥1

Preuve : Notons An l’ensemble de droite. Il est réunion des


k
A(n, k) = { x = (x1, …, xk) ∈ {1, 2} ; x1 + … + xk = n }.
Si x est élément de A(n, k), on a k ≤ n ≤ 2k. Par conséquent, A(n, k) = ∅ pour k > n, et le cardinal
cherché est fini. Notons an le cardinal de An.
Si n = 1, A1 = { (1) } et a1 = 1. Si n = 2, A1 = { (1, 1), (2) } et a2 = 2.
Pour vider un tonneau de n + 2 litres, on peut
− soit commencer par un pot de 1 litre : il reste n + 1 litres à vider.
− soit commencer par un pot de 2 litres : il reste n litres à vider.
Par conséquent an+2 = an+1 + an. On conclut que an = Fn+1 par récurrence.
Autre preuve, plus analytique :
k
A(n, k) = { x = (x1, …, xk) ∈ {1, 2} ; x1 + … xk = n } est en bijection avec
k
A’(n, k) = { y = (y1, …, yk) ∈ {0, 1} ; y1 + … + yk = n − k }, qui a Ckn−k éléments.
+∞
Par conséquent, an = ∑cardA(n,k) = ∑cardA(n,k) = ∑C
k =1 n / 2≤k ≤n n / 2≤k ≤n
n −k
k = Fn+1 en vertu de la prop 2.

Remarque : on peut retrouver la formule Fm+n = Fm+1.Fn + Fm.Fn−1 à l’aide de cette interprétation
combinatoire. Il y a deux façons de parcourir m+n–1 mètres en faisant des bonds de 1 ou 2 mètres :
• Soit on parcourt m mètres, puis n – 1 metres : Fm+1.Fn possibilités.
• Soit on parcourt m – 1 mètres, puis on fait un bond de 2 mètres, puis on parcourt n – 2 mètres :
Fm.Fn−1 possibilités.

31
4.5. Pavages d’un rectangle par des dominos.
Théorème 5 : Fn+1 est le nombre de façons de paver un rectangle 2×n avec des dominos 2×1.

Preuve : Notons An le nombre cherché.


On a A1 = 1, A2 = 2 (deux dominos horizontaux, ou deux dominos verticaux),
et pour n ≥ 3, An = An−1 + An−2 .
En effet, au bout du rectangle, dont la longueur est placée en position horizontale :
• soit on pose un domino vertical, et alors il reste à paver un rectangle 2×(n−1),
• soit on pose deux dominos horizontaux, et alors il reste à paver un rectangle 2×(n−2).
Une récurrence facile permet de conclure que An = Fn+1.

« Fibonacci tilings »
On peut aussi montrer qu’il y a autant de façons de paver un rectangle 2×n avec des dominos 2×1.
que de façons de paver un rectangle 1×n avec des dominos 1×1 ou 1×2.
Pavons un rectangle 1×n avec des dominos 1×1 ou 1×2. Complétons les dominos 1×1 par des
dominos verticaux 2×1, et plaçons sous chaque domino 1×2 un autre domino 1×2. On obtient un
pavage du rectangle 2×n avec des dominos 2×1, et cette correspondance est bijective.

4.6. Somme d’entiers impairs.


Tout entier n ≥ 1 peut s’écrire comme somme d’entiers impairs, ne serait-ce que n = 1 + … + 1.
Il y a 1 façon d’écrire 1 et 2 comme somme d’entiers impairs : 1 = 1, 2 = 1 + 1.
Il y a 2 façons d’écrire 3 comme somme d’entiers impairs : 3 = 1 + 1 + 1 = 3.
Il y a 3 façons d’écrire 4 comme somme d’entiers impairs : 4 = 1 + 1 + 1 + 1 = 1 + 3 = 3 + 1.
Il y a 5 façons d’écrire 5 comme somme d’entiers impairs :
5 = 1 + 1 + 1 +1 + 1 = 1 + 1 + 3 = 1 + 3 + 1 = 3 + 1 + 1 = 5.
Il y a 8 façons d’écrire 6 comme somme d’entiers impairs :
6 = 1+1+1+1+1+1 = 1+1+1+3 = 1+1+3+1 = 1+3+1+1 = 3+1+1+1
= 3+3=1+5 = 5+1.
Théorème 6 : Fn est le nombre de façons d’écrire n comme somme d’entiers impairs
Preuve : Nous avons montré en 1.8. que la suite (Fn) satisfait aux relations :
∀n ≥ 1 F2n = F1 + F3 + … + F2n−1 et F2n+1 = F2 + F4 + … + F2n + 1
Ces relations, jointes à F1 = 1, caractérisent la suite (Fn)n≥1.
Or, si l’on note Gn le nombre de façons d’écrire n comme somme d’entiers impairs, la suite (Gn)n≥1.
possède les mêmes propriétés. En effet,
G2n = G1 + G3 + … + G2n−1 selon que l’on écrit 2n = (2n – 1) + … ou (2n – 3) + … ou 1 + …
G2n+1 = G2 + G4 + … + G2n + 1 selon que l’on écrit 2n+1 = 2 + … ou 4 + … ou 1 + … ou (2n + 1).

32
Autre solution : Il s’agit de montrer que

U {y = (y1, …, yk) ∈ N
k
Fn = card ; (2y1 + 1) + … + (2yk + 1) = n }.
k ≥1

k
Notons B(n, k) = { y = (y1, …, yk) ∈ N ; (2y1 + 1) + … + (2yk + 1) = n }
k
= { y = (y1, …, yk) ∈ N ; y1 + … + yk = n−k }.
2
n− k
Or, « on sait que » card B(n, k) = Cn+2k −1 . d’où :
2
n−k
card UB(n,k) = ∑cardB(n,k) = ∑C
k ≥1 k ≥1 k ≥1
2
n+ k −1
2
= ∑C
p
p
n − p −1 = Fn.

4.7. Nombres de mots sans 11.


Fn+2 est le nombre de mots de longueur n composés de 0 et de 1, et n’ayant pas deux 1 consécutifs.
Ainsi, F6 = 8, car il y a 8 tels mots :
0000 , 0001 , 0010 , 0100 , 1000 , 0101 , 1010 , 1001.
Théorème 7 : Pour n ≥ 1, Fn+2 est le nombre de mots de longueur n composés de 0 et de 1, et
n’ayant pas deux 1 consécutifs.
n
Fn+2 = card { m = (m1, …, mn) ∈ {0, 1} ; ∀i (mi, mi+1) ≠ (1, 1) }.
n
Preuve : Notons Mn = { m = (m1, …, mn) ∈ {0, 1} ; ∀i (mi, mi+1) ≠ (1, 1) }.
M1 = { (0), (1) } a 2 = F3 éléments. M2 = { (0, 0), (0, 1), (1, 0) } a 3 = F4 éléments.
Soit m = (m1, …, mn+2) ∈ Mn+2 . De deux choses l’une :
− soit mn+2 = 0. Alors m = (m1, …, mn+1, 0) = (m’, 0), où m’ = (m1, …, mn+1) décrit Mn+1.
− soit mn+2 = 1. Alors m = (m1, …, mn, 0, 1) = (m’’, 0, 1), où m’’ = (m1, …, mn) décrit Mn.
Donc card Mn+2 = card Mn+1 + card Mn. On conclut par récurrence.

Corollaire 1 : Pour n ≥ 1, Fn+2 est le nombre de mots de longueur n composés de 0 et de 1, et


n’ayant pas deux 0 consécutifs.
Preuve : il suffit d’échanger les lettres 0 et 1.
Corollaire 2 : Fn est le nombre de mots de longueur n composés de 0 et de 1, commençant par 1 et
n’ayant pas deux 1 consécutifs :
n
Fn = card { m = (1, m2, …, mn) ∈ {0, 1} ; ∀i (mi, mi+1) ≠ (1, 1) }.
Preuve : On peut déduire ce résultat du précédent, car un tel mot s’écrit
n−2
m = (1, 0, m3, …, mn) , où (m3, …, mn) ∈ {0, 1} et ∀i (mi, mi+1) ≠ (1, 1).
Définition : Nous dirons qu’un entier naturel est fibbinaire si son développement binaire ne
contient pas deux 1 adjacents (ou consécutifs).
La suite des nombres fibbinaires est répertoriée A003714 dans l’OEIS. Voici ses premiers termes :
0 , 1 , 2 , 4 , 5 , 8 , 9 , 10 , 16 , 17 , 18 , 20 , 21 , 32 , 33 ,
n−1 n
Proposition 8 : Pour tout n ≥ 1, il y a Fn nombres fibbinaires dans la tranche [2 , 2 [.
Parmi eux, Fn−1 sont pairs, Fn−2 sont impairs.
Preuve : La première application découle de ce que l’application

33
n n−1 n−2 n−1 n
(1, m2, …, mn) ∈ {0, 1} → 2 + m2, 2 + … + mn ∈ [2 ,2 [
est bijective. La deuxième découle de ce que, si n est fibbinaire, 2n est fibbinaire et pair, et si n est
fibbinaire et pair, 2n + 1 est fibbinaire impair.
Corollaire : La densité de l’ensemble des nombres fibbinaires est nulle.
n−1 n
Preuve : La proportion de nombres fibbinaires dans la tranche [2 , 2 [ est Fnn−1 .
2
Elle tend vers 0. On conclut par sommation et encadrement.
Remarque : Ces résultats seront utilisés plus tard pour démontrer une partie du théorème de
Zeckendorf, et réinterpréter la reproduction des hyménoptères (§ 12 et 13). Les nombres fibbinaires
se rencontrent naturellement quand on superpose l’arbre de Sosa inversé et l’arbre de Sosa-
Dzierzon ; celui-ci est en quelque sorte inclus dans celui-là, et les nombres fibbinaires sont les
numéros des ancêtres de Sosa inversé qui seraient aussi des ancêtres de Sosa-Dzierzon. Autrement
dit, les nombres fibbinaires répondent à cette angoissante question :
Que deviendrait mon arbre généalogique si subitement je devenais une abeille ?
Cherchons maintement le nombre de mots de longueur n composés de 0 et de 1, et n’ayant pas deux
1 consécutifs, ni trois 0 consécutifs. Notons An ce nombre. Les premières valeurs sont :
A1 = 2 , A2 = 3 , A3 = 4 , A4 = 5 , A5 = 7 , A6 = 9 , …
Pour trouver une formule de récurrence, il faut creuser la question.
Notons xn, resp. yn, zn, le nombre de tels mots finissant par 10, resp. 01, 00.
• Un mot finissant par 10 donne un mot finissant par 100 ou 101.
• Un mot finissant par 01 donne un mot finissant par 010.
• Un mot finissant par 00 donne un mot finissant par 001.
Donc xn+1 = yn , yn+1 = xn + zn , zn+1 = xn. et An = xn + yn + zn .
Un calcul finit par donner An+3 = An+1 + An. Joint à A0 = A1 = 2 , A2 = 3 , on peut calculer (An).
Cette suite est répertoriée dans l’OEIS, et appelée suite de Padovan (décalée).
Voici ce qu’en dit Maple :
> p:=x^3-x-1;Digits:=4;S:=solve(p=0);fsolve(p=0);evalf(S);
plot(p,x=-2.5..2.5,thickness=2);
p := x 3 − x − 1
1.325
1.325 , -.6624 + .5625 I, -.6624 − .5625 I

> rsolve({a(n)=a(n-2)+a(n-3),a(0)=2,a(1)=2,a(2)=3},a);
n
  ( z − _R ) ( 2 + 2 z + z2 )   1  
  lim −   

  z → _R −1 + z2 + z3   _R  

 
∑ −

 _R



_R = RootOf ( −1 + _Z 2 + _Z 3 )
> rsolve({a(n)=a(n-2)+a(n-3),a(0)=2,a(1)=2,a(2)=3},a,'genfunc'(z));
R:=(2+2*z+z^2)/(1-z^2-z^3);series(R,z=0,13);

34
2 + 2 z + z2

−1 + z2 + z 3
2 + 2 z + 3 z2 + 4 z3 + 5 z4 + 7 z 5 + 9 z 6 + 12 z7 + 16 z8 + 21 z9 + 28 z10 + 37 z 11 + 49 z12 +
O( z13 )
> A:=rsolve({a(n)=a(n-2)+a(n-3),a(0)=2,a(1)=2,a(2)=3},a,'makeproc');
> print([seq(A(n),n=0..17)]);
[ 2, 2, 3, 4, 5, 7, 9, 12, 16, 21, 28, 37, 49, 65, 86, 114 , 151 , 200 ]
> galois(p);
"3T2", { "S(3)" }, "-", 6, { "(1 3)", "(2 3)" }
3
Le polynôme P = x – x – 1 a une racine réelle α ≈ 1,3247 et deux racines complexes conjuguées β
et β de module < 1 en vertu de αβ β = 1. Du coup An = λα + µβ + ν β
n n n n
= λα + o(1).
2
Tous calculs faits, λ = 2α + 3α + 2. Et An+1 / An → α.
La suite de Padovan se rencontre aussi dans les enroulements en spirales de triangles équilatéraux.

4.8. Ensembles sans répétitions.


Théorème 9 : Pour n ≥ 1, Fn+2 est le nombre de parties de {1, 2, …, n} ne contenant pas deux
entiers consécutifs.
Preuve : Notons Cn le nombre de parties de {1, 2, …, n} sans répétitions.
On a C1 = 2 = F3 : ∅ et {1}. Et C2 = 3 = F4 : ∅, {1}, {2}.
Soit A une partie sans répétition de {1, …, n+2}.
• Si elle contient n+2, elle ne contient pas n+1 donc elle est de la forme B ∪ {n+2}, où B est une
partie sans répétition de {1, …, n}.
• Si elle ne contient pas n+2, elle est une partie sans répétition de {1, …, n+1}.
Donc Cn+2 = Cn + Cn+1 . On conclut aussitôt.
Autre preuve : Associons à toute partie A de {1, 2, …, n} sa fonction indicatrice m = (m1, …, mn) ∈
n
{0, 1} . C’est un n-uplet de {0, 1} ne contenant pas deux 1 consécutifs, et la correspondance A →
m est bijective.

4.9. Dénombrement de permutations.


Pour tout n ≥ 1, on note Sn le groupe symétrique (ou groupe des permutations) de { 1, 2, ..., n }.
Théorème 9 : Le nombre de permutations σ ∈ Sn telles que ∀i | σ(i) − i | ≤ 1 vaut Fn+1.
Preuve : Notons An ce nombre. On a A1 = 1 et A2 = 2. Je dis que An+2 = An+1 + An .
En effet, soit σ ∈ Sn+2 telle que ∀i | σ(i) − i | ≤ 1.
• Si σ(n+2) = n+2, alors σ induit une permutation σ’ ∈ Sn+1 telle que ∀i | σ’(i) − i | ≤ 1.
• Si σ(n+2) = n+1 et σ(n+1) = n+2, σ induit une permutation σ’ ∈ Sn telle que ∀i | σ’(i) − i | ≤ 1.
• Si σ(n+2) = n+1 et σ(n+1) = n, alors nécessairement σ(n) = n−1, σ(n−1) = n−2, et de proche en
proche σ(3) = 2, σ(2) = 1, σ(1) = 2, ce qui est impossible.
Par conséquent, An+2 = An+1 + An . Une récurrence conclut aussitôt.
On peut retrouver ce résultat au moyen des propriétés du déterminant, ou du permanent.
1 −1 0 ... 0
1 1 −1 ... ...
En effet, il est facile d’établir que le déterminant d’ordre n Dn = 0 1 1 .... 0 est égal à Fn+1.
... ... ... ... −1
0 ... 0 1 1

35
Or si l’on applique la formule det A = ∑ε(σ).aσ ...aσ(n),n à cette matrice, on trouve justement An.
(1),1
σ ∈Sn

1 1 0 ... 0
1 1 1 ... ...
Mais il est clair aussi que An = per 0 1 1 .... 0 . Il reste à utiliser les résultats de l’exercice suivant.
... ... ... ... 1
0 ... 0 1 1

Exercice 3 : Si A = (aij) ∈ Mn(R), on appelle permanent de A : per A = ∑aσ ...aσ(n),n


(1),1
σ ∈Sn
( c’est la même formule que le déterminant, mais sans les signatures ε(σ) ). On appelle permanent de
n vecteurs x1, ..., xn de Rn, le permanent de la matrice dont les colonnes sont x1, ..., xn.
1) Montrer que (x1, ..., xn) → per(x1, ..., xn) est une forme n-linéaire symétrique sur Rn.
2) Montrer que per A = per tA .
3) Enoncer et démontrer un théorème de développement du permanent selon la j-ème colonne,
resp. la i-ème ligne d’une matrice.
4) Enoncer et démontrer une propriété du permanent d’une matrice trigonale par blocs.
5) Pour σ ∈ Sn, on note M(σ) = (δi,σ(j)) la matrice de la permutation associée à σ.
Vérifier que si B = M(σ).A.M(τ), alors per A = per B.
6) Combien y a-t-il de permutations σ ∈ Sn telles que ∀i | σ(i) − i | = 1,
resp. telles que ∀i | σ(i) − i | = 2 ?
7) Calculer avec Maple le nombre de permutations σ ∈ Sn vérifiant ∀i | σ(i) − i | ≤ 2, pour n ≤ 10,
resp. telles que ∀i | σ(i) − i | = 0 ou 2, pour n ≤ 10. Fabriquer un problème sur le sujet.

4.10. Jeu du solitaire.


Exercice 4 :
1) Des trous sont creusés en les 37 points (x, y) ∈ Z×Z, tels que |x| + |y| ≤ 4 et max(|x|, |y|) ≤ 3.
Soient T l’ensemble de ces points, et T0 l’ensemble T−{(0, 0)}. Représenter ces ensembles.
Des billes sont placées en chacun des 36 trous de T0. Une bille placée en (x, y), si elle est voisine
de la bille de droite (x+1, y), et si le trou (x+2, y) est vide, peut sauter par-dessus sa voisine (x+1, y)
et venir se placer en (x+2, y) ; la bille placée en (x+1, y) est alors escamotée. Et la même règle
s’applique vers la gauche, vers le haut et vers le bas.

2) On note A = 1 1  la matrice carrée d’ordre 2 à coefficients dans Z/2Z.


1 0 
2 3
Vérifier que A + A + I = 0 et en déduire que A = I.
3) A toute partie finie F de T on associe ∆(F) = ∑A
(x, y)∈F
x+ y
.

a) Montrer que la somme ∆(F) reste constante au cours du jeu.


b) Montrer que ∆(T0) est la matrice nulle.
c) Déduire de ce qui précède qu’il est impossible de terminer la partie avec une seule bille, ni
avec deux billes voisines.

Solution : La solution proposée passe par les puissances de la matrice 1 1  , c’est-à-dire par les
1 0
nombres de Fibonacci, mais cela ne se voit pas car on raisonne modulo 2.

36
2) A = 1 1  1 1  = 0 1 , donc A + A + I = 0 , puis A − I = ( A – I )( A + A + I ) = 0.
2 2 3 2

1 0  1 0  1 1
3) a) ♣ Si une bille placée en (a, b) saute par-dessus la bille voisine placée en (a+1, b), la somme

a+b a+1+b
∆(F) = Ax + y = A + A + S , où S est la somme de tous les autres termes, devient :
(x, y)∈F
a+2+b a+b a+1+b a+2+b 2
∆(F’) = A + S . Or A +A =A , car I + A = A .
♦ Si une bille placée en (a, b) saute par-dessus la bille voisine placée en (a−1, b), la somme
∑A x+ y a+b a−1+b
∆(F) = =A +A + S , où S est la somme de tous les autres termes, devient :
(x, y)∈F
a−2+b a+b a−1+b a−2+b −1 −2
∆(F’) = A + S . Or A +A =A , car I + A = A .
♥ Si une bille placée en (a, b) saute par-dessus la bille voisine placée en (a, b+1), la somme

a+b a+b+1
∆(F) = Ax + y = A + A + S , où S est la somme de tous les autres termes, devient :
(x, y)∈F
a+b+2 a+b a+b+1 a+b+2 2
∆(F’) = A + S . Or A +A =A , car I + A = A .
♠ Si une bille placée en (a, b) saute par-dessus la bille voisine placée en (a, b−1), la somme
∑A x+ y a+b a+b−1
∆(F) = =A +A + S , où S est la somme de tous les autres termes, devient :
(x, y)∈F
a+b−2 a+b a−1+b a−2+b −1 −2
∆(F’) = A + S . Or A +A =A , car I + A = A .
Ainsi, la somme ∆(F) reste constante au cours du jeu : c’est un invariant matriciel.
b) Or ∆(T0) est la matrice nulle, car on peut partitionner T0 en réunion de triplets consécutifs
horizontaux ou verticaux, par exemple comme l’indique la figure.
Au cours du jeu, cette somme reste constante. On ne pourra jamais obtenir une seule bille, où qu’elle
2
se place, car I, A et A sont non nulles.
Remarques : 1) Il n’en est pas de même si l’on enlève à T les quatre trous (±2 , ±2).
2) Une variante consisterait à donner un invariant numérique, en se plaçant dans le corps quotient
2 2
F4 = F2[X]/(X + X + 1) = { 0, 1, a, b }, a et b étant les racines de X + X + 1, c’est-à-dire les
nombres d’or sur F2, et en considérant : δ(F) = a x+ y . ∑
(x, y)∈F

4.11. Un jeu de morpions.

Exercice 5 : 1) N pions distincts (xi, yi)1≤i≤N sont disposés dans Z×−N.


Un pion, placé en (x, y), s’il est voisin du pion de droite (x+1, y), et si (x+2, y) n’est pas occupée
par un pion, peut sauter par-dessus son voisin (x+1, y) et venir se placer en (x+2, y) ; le pion (x+1,
y) est alors escamoté. Et la même règle s’applique vers la gauche, vers le haut et vers le bas.

37
Montrer que, quoi qu’il arrive, un pion ne peut jamais dépasser l’ordonnée 5.
Montrer qu’on peut atteindre l’ordonnée 5.
2
[ Indication : Soit ϕ le nombre d’or, solution > 0 de l’équation ϕ − ϕ − 1 = 0 ; appelons « énergie »
d’une partie finie C de Z×−N le réel E(C) = ∑ϕ
(x, y)∈C
− x +y
; majorer E(C) et étudier comment elle varie

au cours du jeu. ]
2) N pions distincts (xi, yi)1≤i≤N sont disposés sur Z×Z. Si on leur applique la règle ci-dessus, que
dire de la configuration finale ?

Solution : [ Exercice communiqué par Raphaël Cerf ; cf. aussi RMS octobre 2012, R 510 p. 78-86 ]

4.12. Fibofactorielles et coefficients fibonômiaux.


Certains fibofanatiques ont inventé (est-ce bien raisonnable ?) des factorielles et des coefficients
binomiaux fibonacciens. Présentons ces curiosa.
Pour tout n ≥ 1, on définit la fibofactorielle de n par ffib(n) = F1.F2 …. Fn .
La suite (ffib(n)) est répertoriée A003266 dans l’OEIS. Elle a pour première valeurs :
1 , 1 , 2 , 6 , 30 , 240 , 3120 , 65520 , 2227680 , …
ϕ n(n+1)/2 +∞
Proposition (« fiboStirling ») : ffib(n) ∼ P( −12 ), où P(x) = ∏(1−x ) . k
5n/ 2 ϕ k =1
Preuve : Il suffit de noter qu’en vertu de la formule de Moivre
ϕ n(n+1)/2 n (−1)k
ffib(n) =
5n/ 2 ∏(1−
k =1 ϕ 2k
).

Pour 1 ≤ k ≤ n−1, on définit les coefficients fibonomiaux :


ffib(n) Fn ...Fn−k +1 . On convient que [ n ] = [ n ] = 1.
Fibonomial(n, k) = [ kn ] = =
ffib(k).ffib(n−k) Fk ...F1 0 n
Eux aussi sont répertoriés dans l’OEIS, qui sait tout, sous le numéro A010048.
Ils forment un triangle de Fibopascal :
1
1 1
1 1 1
1 2 2 1
1 3 6 3 1
1 5 15 15 5 1
1 8 40 60 40 8 1
On constate qu’on obtient des entiers : le produit de k nombres de Fibonacci consécutifs est divisible
par le produit des k premiers. Cela découle par récurrence de la proposition laissée au lecteur :

Proposition : [ kn ] = Fk+1 [ nk−1 ] + Fn−k−1 [ kn−−11 ].

38
5. Propriétés arithmétiques de la suite de Fibonacci.

Dans ce paragraphe, nous revenons à la suite de Fibonacci originelle.

5.1. Propriétés de divisibilité.

La formule : ∀(m, n) ∈ Z×Z Fm+n = Fm+1.Fn + Fm.Fn−1 a une importante conséquence :


Fm+n appartient au sous-groupe (qui est aussi l’idéal) de Z engendré par Fm et Fn .
∀(m, n) ∈ Z×Z Fm+n ∈ Z[Fm , Fn].
n+1
De plus, la relation F−n = (−1) .Fn implique Z[F−n] = Z[Fn] .

Proposition 1 : Pour tout n, Fn et Fn+1 sont premiers entre eux.


Preuves :
ème
1 preuve : Par récurrence sur n. F0 = 0 et F1 = 1 sont premiers entre deux.
Si Fn et Fn+1 sont premiers entre eux, il en est de même de Fn+1 et Fn+2 car si d divise Fn+1 et Fn+2 il
divise Fn+1 et Fn = Fn+2 − Fn+1 .
2ème preuve : l’algorithme d’Euclide de calcul du pgcd de Fn+1 et Fn donne comme restes Fn−1 , …,
F2 = 1, puis 0. Les quotients sont tous égaux à 1. Le dernier reste non nul est 1.
2 n
3ème preuve : la formule de Cassini Fn+1.Fn−1 – Fn = (−1) implique aussitôt le résultat.
4ème preuve : 1 = F1 ∈ Z[Fn+1 , F−n] = Z[Fn+1 , Fn]. cqfd.

Proposition 2 : Pour tout n ∈ Z et tout q ∈ Z, Fn divise Fnq .

Preuve : par récurrence sur q. C’est vrai pour q = 0 ( car Fn divise 0 ).


Supposons la propriété vraie au rang q. Fn(q±1) ∈ Z[Fnq, F±n] = Z[Fnq, Fn] = Z[Fn]. Cqfd.
Application à la factorisation des nombres de Fibonacci.
La proposition précédente facilite la factorisation des nombres de Fibonacci.
On sait que F25 divise F50 qui divise F100.
> with(combinat);alias(F=fibonacci);
> F(25);A:=ifactor(F(25));
75025
A := ( 5 )2 ( 3001 )
> F(50);iquo(F(50),F(25));B:=ifactor(B);
12586269025
167761
B := ( 11 ) ( 101 ) ( 151 )
> F(100);iquo(F(100),F(50));C:=ifactor(C);
354224848179261915075
28143753123
C := ( 3 ) ( 41 ) ( 401 ) ( 570601 )
> A*B*C;
( 3 ) ( 5 )2 ( 11 ) ( 41 ) ( 101 ) ( 151 ) ( 401 ) ( 570601 ) ( 3001 )
Corollaire : Pour tout n > 0 et ≠ 4, Fn est premier ⇒ n est premier.
Preuve : Supposons n composé. Alors n s’écrit n = a.b, avec a ≥ 2 et b ≥ 2.
Si n est ≠ 4, l’un des entiers a ou b est > 2, par exemple a.
En vertu de la prop 2, Fa divise Fn. Si Fn est premier, Fa = Fn, donc a = n : impossible !

39
L’implication est fausse pour n = 4, car F4 = 3 est premier et 4 n’est pas premier.
La réciproque est fausse : 2 est premier, mais F2 = 1 n’est pas premier ;
19 est premier, mais F19 = 4181 = 37×113 est composé12 ;
31 est premier, mais F31 = 1346269 = 557×2417 est composé, etc.
> with(combinat);with(numtheory);
> for k from 1 to 20 do
p:=ithprime(k):x:=fibonacci(p):print([p,x,ifactor(x)]);od;
[ 2, 1, 1 ]
[ 3, 2, ( 2 ) ]
[ 5, 5, ( 5 ) ]
[ 7, 13, ( 13 ) ]
[ 11, 89, ( 89 ) ]
[ 13, 233 , ( 233 ) ]
[ 17, 1597 , ( 1597 ) ]
[ 19, 4181 , ( 37 ) ( 113 ) ]
[ 23, 28657 , ( 28657 ) ]
[ 29, 514229 , ( 514229 ) ]
[ 31, 1346269 , ( 557 ) ( 2417 ) ]
[ 37, 24157817 , ( 73 ) ( 149 ) ( 2221 ) ]
[ 41, 165580141 , ( 59369 ) ( 2789 ) ]
[ 43, 433494437 , ( 433494437 ) ]
[ 47, 2971215073 , ( 2971215073 ) ]
[ 53, 53316291173 , ( 953 ) ( 55945741 ) ]
[ 59, 956722026041 , ( 353 ) ( 2710260697 ) ]
[ 61, 2504730781961 , ( 555003497 ) ( 4513 ) ]
[ 67, 44945570212853 , ( 269 ) ( 1429913 ) ( 116849 ) ]
[ 71, 308061521170129 , ( 46165371073 ) ( 6673 ) ]
Remarque : On ignore s’il existe une infinité de nombres de Fibonacci premiers. En octobre 2015, le
plus grand nombre de Fibonacci premier connu était F81839. Dans son livre Les nombres
remarquables (p. 128) François Le Lionnais signale un résultat dû à R. L. Graham (1964).
La suite un+2 = un+1 + un , avec : u0 = 1 786 772 701 928 802 632 268 715 130 455 793
u1 = 1 059 683 225 053 915 111 058 165 141 686 995
a tous ses termes composés, bien que u0 et u1 soient premiers entre eux. Vérifions-le pour n ≤ 10 :
> a:=1786772701928802632268715130455793;
b:=1059683225053915111058165141686995;
a := 1786772701928802632268715130455793
b := 1059683225053915111058165141686995
> igcd(a,b);
1
> ifactor(a);ifactor(b);
( 14177095479037851751198481 ) ( 49993 ) ( 2521 )
( 3 ) ( 5 ) ( 75754002239 ) ( 150031897 ) ( 73919059 ) ( 84089 )

12 Ainsi, 19 est le plus petit nombre premier > 2 tel que le nombre de Fibonacci correspondant soit composé.
C’est aussi le numéro d’un virus aimablement transmis par une espèce animale pour limiter la prolifération des
arrogants bipèdes, et diligemment véhiculé par ces consommateurs compulsifs de kérosène détaxé que l’on
nomme « touristes ». Soyons bien certains que les compagnies aériennes seront copieusement renflouées avec
l’argent des pauvres qui ne prennent pas l’avion, afin que les riches et les bobos puissent ramener encore plus
vite le prochain virus.

40
> graham:=proc(n) option remember;
> if n=0 then a ; elif n=1 then b; else graham(n-1)+graham(n-2);fi;end;
> for n from 2 to 10 do ifactor(graham(n));od;
( 2 ) 2 ( 11 ) ( 23 ) ( 67 ) ( 73 ) ( 283 ) ( 113998984585609451 ) ( 17825383 )
( 7 ) ( 13 ) ( 61 ) ( 227 ) ( 12876418991 ) ( 4233607849 ) ( 21163 ) ( 2687 )
( 17 ) 2 ( 33904474141 ) ( 5150867419 ) ( 41537921 ) ( 3221 )
( 2 ) ( 3 )2 ( 1697 ) ( 31039511 ) ( 2934461 ) ( 457673 ) ( 463921 ) ( 18043 )
( 5 ) 2 ( 29 ) ( 317 ) ( 373 ) ( 489457583 ) ( 1304919481 ) ( 317999951 )
( 47 ) ( 109 ) ( 523 ) ( 442912854660961197749 ) ( 23653699 )
( 2 ) 2 ( 6270399938236336041192944923 ) ( 1813337 )
( 3 ) ( 43 ) ( 1433 ) ( 228738675287941607 ) ( 1739465318917 )
( 13 ) ( 19 ) ( 41 ) ( 8705173297466445935203 ) ( 5179 ) ( 260713 )
Théorème de Lucas (1876) : Le pgcd de deux nombres de Fibonacci est un nombre de Fibonacci.
Plus précisément : pgcd(Fa , Fb ) = Fpgcd(a, b) .
Preuve : Notons d = pgcd(a, b).
Il découle de la prop. 2 que Fd divise Fa et Fb. Par conséquent Fd divise pgcd(Fa, Fb).
En vertu de l’identité dite de Bézout, ∃(p, q) ∈ Z×Z d = ap + bq.
Du coup Fd ∈ Z[Fap , Fbq] ⊂ Z[Fa , Fb].
Fd s’écrit Fd = A.Fa + B.Fb, donc est multiple de pgcd(Fa , Fb). CQFD !

Corollaire 1 : Si a ≠ 2, a | b ⇔ Fa | Fb .

Corollaire 2 : ppcm(Fa , Fb) | Fppcm(a,b). Et pgcd(a, b) = 1 ⇒ Fa.Fb | Fab .

Corollaire 3 : On peut extraire de la suite (Fn) une suite dont les termes sont deux à deux étrangers.

Il suffit de considérer une suite extraite de la forme (Fn(k)), où (n(k)) est une suite d’entiers premiers
entre eux deux à deux, par exemple la suite (pk) des nombres premiers.

Remarque : La suite de Lucas n’a pas d’aussi belles propriétés. Pour tout n, Ln et Ln+1 sont premiers
entre eux, mais 3 divise 6, alors que L3 = 4 ne divise pas L6 = 18. Donc pgcd(F3, F6) ≠ Fpgcd(3, 6) .
Exercice : Nombres de Fibonacci et sommes de carrés.
Démontrer que, pour tout n, F2n+1 est somme de deux carrés.
En déduire que ses diviseurs premiers sont égaux à 2 ou congrus à 1 ( mod 4 ).
2 2
Solution : La formule Fm+n = Fm+1.Fn + Fm.Fn−1 implique F2n+1 = (Fn+1) + (Fn) .
Si p est impair et divise une somme de deux carrés premers entre eux, p ≡ 1 ( mod 4 ).
Cela découle des propriétés des entiers de Gauss.

5.2. Congruences modulo 5, 25, etc.


Cinq yeux aux cinq regards vous êtes mes 5 couilles
Ce chiffre fatidique a charmé ma cervelle
Et les têtes coupées dont les yeux sont hagards
Ont plus fait pour mon cœur que l’amour des pucelles
Robert Desnos, Portraits automatiques

En raison de leur lien avec le nombre d’or, les nombres Fn et Ln ont partie liée avec le nombre 5, car
la formule de Moivre implique aussitôt, après développement binomial :
Proposition 1 : Pour tout n ,

41
k −1
∑Cnk.5 2 = 2 ( Cn1 + Cn3 5 + Cn5 5 + …).
n 2
2 Fn = 2
kimpair
k
∑Cnk.52 = 2 ( 1 + Cn2 5 + Cn4 5 + Cn6 5 + …).
n 2 3
2 Ln = 2
kpair

n n
Corollaire 1 : Pour tout n , Fn ≡ 2n.3 ( mod 5 ) et Ln ≡ 2.3 ( mod 5 )
(Fn) est 20-périodique, et (Ln) 4-périodique modulo 5. De plus Fn ≡ 0 ( mod 5 ) ⇔ 5 | n.
Preuve : raisonnons modulo 5. Il découle de la prop précédente que :
n n n n
2 Fn ≡ 2n ( mod 5 ), donc Fn ≡ 2n3 ( mod 5 ) et 2 Ln ≡ 2 ( mod 5 ), donc Ln ≡ 2.3 ( mod 5 ).
On conclut aussitôt.
3 2 n
Corollaire 2 : Pour tout n , Fn ≡ 2n ( 5 n + 10 n + 10 n + 1 ) 13 ( mod 25 )
2 n
Ln ≡ ( 5n – 5n + 2 ) 13 ( mod 25 )
(Fn) est 100-périodique, et (Ln) 20 périodique modulo 25. De plus Fn ≡ 0 ( mod 25 ) ⇔ 25 | n.
Preuve : raisonnons mod 25.
n n(n−1)(n−2) n n(n−1)
2 Fn = 2 ( n + 5 ) ( mod 25 ) et 2 Ln = 2 ( 1 + 5 ) ( mod 25 )
6 2
Or l’inverse de 2 est 13 et l’inverse de 6 est –4. On termine le calcul sans peine.
3 2 n
De plus 25 | Fn ⇔ 25 | 2n ( 5 n + 10 n + 10 n + 1 ) 13 ⇔ 25 | n,
3 2
car 25 est premier avec 2, 13 et 5 n + 10 n + 10 n + 1.
n 5 4 3 2
Corollaire 3 : Pour tout n , Fn ≡ 2.63 ( 120.n + 50.n + 55.n + 60.n + 91.n ) ( mod 125 )
n 4 3 2
Ln ≡ 2.63 ( 100.n + 25.n + 40.n + 85.n + 1 ) ( mod 125 )
(Fn) est 500-périodique, et (Ln) 100 périodique modulo 125. De plus Fn ≡ 0 ( mod 125 ) ⇔ 125 | n.
Preuve : raisonnons mod 125. Comme ½ = 63 mod 125, il vient :
n n(n−1)(n−2)
n n(n−1)(n−2)(n−3)(n−4)
Fn ≡ 2.63 ( n + Cn3.5 + Cn5.5² ) = 2.63 ( n + 5 + 25 )
6 5.24
n n(n−1)(n−2) n(n−1)(n−2)(n−3)(n−4)
= 2.63 ( n + 5 +5 )
6 24
n 5 4 3 2
= 2.63 ( 120.n + 50.n + 55.n + 60.n + 91.n ) mod 125.
n n(n−1) n n(n−1)(n−2)(n−3)
Ln ≡ 2.63 ( 1 + Cn2.5 + Cn4.5² ) = 2.63 ( 1 + 5 + 25 )
2 24
n 4 3 2
= 2.63 ( 100.n + 25.n + 40.n + 85.n + 1 ) mod 125.
100
On a ϕ(125) = 100 et 63 ≡ 1 (mod 125) en vertu du théorème d’Euler.
De plus on constate que 63 est exactement d’ordre 100 dans le groupe (Z/125Z)*.
n 5 4 3 2
De plus 125 | Fn ⇔ 125 | 2.63 ( 120.n + 50.n + 55.n + 60.n + 91.n ) ⇔ 125 | n ,
4 3 2
car 125 est premier avec 2, 63 et 120.n + 50.n + 55.n + 60.n + 91.

Théorème 2 : Si p est un nombre premier ≠ 5, p divise Fp−1 ou Fp+1.


k −1
∑C .5
p 2
Preuve : reprenons la formule 2 Fp = 2 k
p
2 = 2 ( C1p + C 3p 5 + C 5p 5 + …).
kimpair
p −1
p
Comme p divise les C pk pour 1 < k < p, 2 Fp ≡ 2. 5 2 ( mod p ).
p −1
p
Comme 2 ≡ 2 ( mod p ) ( petit théorème de Femat ), Fp ≡ 5 2 ( mod p ).

42
2 p
La formule de Cassini Fp+1.Fp−1 – Fp = (−1) et le petit théorème de Fermat donnent
2 p p
Fp+1.Fp−1 = Fp + (−1) ≡ 5 p −1 + (−1) ≡ 0 ( mod p ).
Remarque : c’est faux pour p = 5, qui ne divise ni F4 = 3, ni F6 = 8.

Exercice : Soit ϕ = 1+ 5 le nombre d’or. [x] désigne la partie entière du réel x.


2
n n
Etudier la suite [ϕ ]. Etudier les trois derniers chiffres du développement décimal de [ϕ ].

Solution : Notons ϕ’ = 1− 5 ≈ − 0,618… le conjugué de ϕ.


2
n n
On sait que la suite de Lucas, Ln = ϕ + ϕ’ vérifie : L0 = 2 , L1 = 1 , Ln+2 = Ln+1 + Ln .
Cette suite est à valeurs entières.
2n 2n 0
Pour n > 0, 0 < ϕ’ < 1, donc [ϕ ] = L2n − 1 ; c’est encore vrai pour n = 0, car [ϕ ] = 1 = L0 − 1 .
2n+1 2n+1
Pour n ≥ 0, −1 < ϕ’ < 0, donc [ϕ ] = L2n+1 .
2n 2n+1
Conclusion : pour tout n, [ϕ ] = L2n − 1 , [ϕ ] = L2n+1 .
En clair :
n 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15
Ln 2 1 3 4 7 11 18 29 47 76 123 199 322 521 843 1364
n 1 1 2 4 6 11 17 29 46 76 122 199 321 521 842 1364
[ϕ ]
n 1+(−1)n
On peut unifier les résultats précédents en écrivant [ϕ ] = Ln − .
2
n
On en déduit que la suite wn = [ϕ ] est telle que (wn+2 − wn+1 − wn) est 2-périodique.
Au final, wn+4 − wn+3 − 2.wn+2 + wn+1 + wn = 0 , w0 = 1 , w1 = 1 , w2 = 2 , w3 = 4.
Il reste ensuite à étudier cette suite modulo 1000, ou plutôt modulo 8 et modulo 125, avec les
techniques de l’exercice précédent. Mais on peut aussi faire appel à Maple.
> w:=proc(n) option remember;
> if n=0 then 1; elif n=1 then 1; elif n=2 then 2; elif n=3 then 4;
> else w(n-1)+2*w(n-2)-w(n-3)-w(n-4);fi;end;
> L:=[]:for n from 0 to 30 do L:=[op(L),w(n)]:od:print(L);
[ 1, 1, 2, 4, 6, 11, 17, 29, 46, 76, 122, 199, 321, 521, 842, 1364, 2206, 3571, 5777, 9349,
15126, 24476, 39602, 64079, 103681, 167761, 271442, 439204, 710646, 1149851,
1860497]
> a:=proc(n) option remember;
> if n=0 then 1; elif n=1 then 1; elif n=2 then 2; elif n=3 then 4;
> else a(n-1)+2*a(n-2)-a(n-3)-a(n-4) mod 8;fi;end;
> A:=[]:for n from 0 to 30 do A:=[op(A),a(n)]:od:print(A);
[ 1, 1, 2, 4, 6, 3, 1, 5, 6, 4, 2, 7, 1, 1, 2, 4, 6, 3, 1, 5, 6, 4, 2, 7, 1, 1, 2, 4, 6, 3, 1 ]
> b:=proc(n) option remember;
> if n=0 then 1; elif n=1 then 1; elif n=2 then 2; elif n=3 then 4;
> else b(n-1)+2*b(n-2)-b(n-3)-b(n-4) mod 125;fi;end;
> B:=[]:for n from 0 to 103 do B:=[op(B),b(n)]:od:print(B);
[ 1, 1, 2, 4, 6, 11, 17, 29, 46, 76, 122, 74, 71, 21, 92, 114, 81, 71, 27, 99, 1, 101, 102, 79, 56,
11, 67, 79, 21, 101, 122, 99, 96, 71, 42, 114, 31, 21, 52, 74, 1, 76, 77, 29, 106, 11, 117, 4,
121, 1, 122, 124, 121, 121, 117, 114, 106, 96, 77, 49, 1, 51, 52, 104, 31, 11, 42, 54, 96,
26, 122, 24, 21, 46, 67, 114, 56, 46, 102, 24, 1, 26, 27, 54, 81, 11, 92, 104, 71, 51, 122,
49, 46, 96, 17, 114, 6, 121, 2, 124, 1, 1, 2, 4 ]

43
> ilcm(12,100);
300
Maple montre que la suite (wn) est 12-périodique modulo 8, et 100 périodique modulo 125.
Par conséquent, elle est 300-périodique.

5.3. Congruences et périodicités.


Proposition 1 : Pour tout entier N, chacune des suites (Fn) et (Ln) est périodique pure modulo N. La
période fondamentale de (Ln) divise celle de (Fn).
Preuve : Considérons l’application F : (x, y) → (y, x + y) de Z/NZ×Z/NZ dans lui-même
Comme l’ensemble Z/NZ×Z/NZ est fini, les itérés de (0, 1) ou de (2, 1) par F forment une suite
périodique à partir d’un certain rang, dans Z/NZ×Z/NZ.
Mais on a mieux : l’application F est une permutation de l’ensemble Z/NZ×Z/NZ. Par conséquent,
les itérés de (0, 1) ou de (2, 1) par F forment une suite périodique pure dans Z/NZ×Z/NZ.
De plus pour tout n, Ln = 2.Fn+1 – Fn . Donc si (Fn) est p-périodique, (Ln) également.
Corollaire : Dans le système décimal, ou tout autre système de numération, la suite des chiffres des
unités des nombres de Fibonacci est périodique, de même la suite des deux derniers chiffres, celle
des trois derniers chiffres, etc.
n
Preuve : Si b est la base du système de numération, il suffit de raisonner modulo b .
Exercice 1 : Calculer en base 2 les premiers termes de la suite de Fibonacci. En déduire ses périodes
modulo 2, modulo 4 et modulo 8.
> with(combinat):alias(F=fibonacci):
> for n from 0 to 14 do convert(F(n),binary);od;
0
1
1
10
11
101
1000
1101
10101
100010
110111
1011001
10010000
11101001
101111001
Par conséquent la période modulo 2 est 3, modulo 4 est 6, modulo 8 est 12.
Exercice 2 : 1) Ecrire un programme affichant, pour tout N, la période modulo N de la suite (Fn).
2) Déterminer la progression arithmétique de raison minimale dont aucun terme n’est un nombre
de Fibonacci.
3) Déterminer une progression arithmétique de la forme ak + b, a ∧ b = 1, k ∈ N, dont aucun terme
n’est un nombre de Fibonacci.
Solution : [W. Sierpinski, exercices 3-66 et 3-67]
Le programme ci-dessous affiche, pour tout N, le triplet [N, T, L], où T est la période modulo N, et
L la liste des restes des Fn modulo N.

44
> with(combinat):alias(F=fibonacci);
> restesmod:=proc(N)
> local k,T,L;L:={};T:=1;while irem(F(T),N)<>0 or irem(F(T+1),N)<>1 do
T:=T+1; od;
> for k from 0 to T do L:={op(L),irem(F(k),N)}; od;[N,T,L]; end;
> for N from 2 to 20 do restesmod(N);od;
[ 2 , 3 , { 0, 1 } ]
[ 3 , 8 , { 0, 1, 2 } ]
[ 4 , 6 , { 0, 1, 2, 3 } ]
[ 5, 20, { 0, 1, 2, 3, 4 } ]
[ 6, 24, { 0, 1, 2, 3, 4, 5 } ]
[ 7, 16, { 0, 1, 2, 3, 4, 5, 6 } ]
[ 8, 12, { 0, 1, 2, 3, 5, 7 } ]
[ 9, 24, { 0, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8 } ]
[ 10, 60, { 0, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9 } ]
[ 11, 10, { 0, 1, 2, 3, 5, 8, 10 } ]
[ 12, 24, { 0, 1, 2, 3, 4, 5, 7, 8, 9, 10, 11 } ]
[ 13, 28, { 0, 1, 2, 3, 5, 8, 10, 11, 12 } ]
[ 14, 48, { 0, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13 } ]
[ 15, 40, { 0, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14 } ]
[ 16, 24, { 0, 1, 2, 3, 5, 7, 8, 9, 11, 13, 15 } ]
[ 17, 36, { 0, 1, 2, 3, 4, 5, 8, 9, 12, 13, 14, 15, 16 } ]
[ 18, 24, { 0, 1, 2, 3, 5, 8, 10, 13, 15, 16, 17 } ]
[ 19, 18, { 0, 1, 2, 3, 5, 8, 11, 13, 15, 16, 17, 18 } ]
[ 20, 60, { 0, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19 } ]
On constate que les deux progressions arithmétiques de raison minimale ne contenant aucun nombre
de Fibonacci sont 8k + 4 et 8k + 6
Si l’on impose la condition a ∧ b = 1, on trouve 11k + 4, 11k + 6, 11k + 7 et 11k + 9.
Proposition 2 : Pour tout entier N, G0(N) = { n ∈ Z ; N | Fn } est un sous-groupe additif de Z, dont
l’ordre divise la période de la suite (Fn) modulo N.

Preuve : N | F0 = 0. De plus, N | Fm et N | Fn impliquent N | Fm+n car Fm+n ∈ Z[Fm , Fn] ⊂ Z[N].


n+1
Enfin, la relation F−n = (−1) .Fn implique Z[F−n] = Z[Fn] .
La deuxième assertion découle de ce que, si TN est la période de (Fn) modulo N,
TN.Z = { n ∈ Z ; Fn ≡ 0 (mod N) et Fn+1 ≡ 1 (mod N) }
est un sous-groupe de G0(N) = { n ∈ Z ; N | Fn } = { n ∈ Z ; Fn ≡ 0 (mod N) } .

Notations : pour tout entier N > 0, nous noterons T(N) la période fondamentale de la suite (Fn)
modulo N, T0(N) le plus petit entier > 0 tel que N | Fn , et τ(N) = T(N)/T0(N).
La suite (T0(N)) est référencée A001177, et la suite (T(N)) A001175 par l’OEIS, qui répertorie
également plusieurs de ses sous-suites. Si j’en crois Jean-Marc Lapierre et l’OEIS, l’étude complète
de ces suites est encore un problème ouvert, donnant lieu à des conjectures, car on ne connaît pas
de formule simple et générale donnant T0(N) et T(N). Nous allons ici commencer cette étude.
2
Proposition 3 : T0(N) | T(N) ≤ N . Pour tout nombre premier p, T0(p) ≤ p + 1.
2
La première assertion découle de card(Z/NZ×Z/NZ) = N ; la seconde, du théorème 2 du § 5.2.
Pour calculer T0(N) et T(N), il y a deux méthodes :

45
1) La méthode directe, élémentaire et facilement programmable, consiste à attendre la première
occurrence de 0, ou du couple de restes (0, 1).
T0(N) = min { k > 0 , Fk ≡ 0 (mod N) } et T(N) = min { k > 0 , Fk ≡ 0 et Fk+1 ≡ 1 (mod N) }
On peut recourir aux algorithmes de Floyd ou de Brent, qu’on trouvera dans Michel Demazure,
Cours d’algèbre, (Cassini), p. 31 à 33. Voici quelques tableaux de valeurs :
N 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19
T0 (N) 1 3 4 6 5 12 8 6 12 15 10 12 7 24 20 12 9 12 18
T (N) 1 3 8 6 20 24 16 12 24 60 10 24 28 48 40 24 36 24 18

N 10 100 1000 10000 100000


T0(N) 15 150 750 7500 75000
T(N) 60 300 1500 15000 150000

N 2 4 8 16 32 64 128 256 512


T0(N) 3 6 6 12 24 48 96 192 384
T(N) 3 6 12 24 48 96 192 384 768
Ces résultats suggèrent quelques conjectures…
2) Une méthode plus profonde, Lorsque N = p est premier, on se place dans le corps Z/pZ, et on
peut calculer la suite de Fibonacci dans Z/pZ au moyen de la méthode de l’équation caractéristique.
Il resterait à étudier le cas où N est un nombre primaire, avant de passer au cas général.

Proposition 4 : Si M et N sont deux entiers > 0,


T0(M ∨ N) = T0(M) ∨ T0(N) et T(M ∨ N) = T(M) ∨ T(N).
Preuve :
n | T0(M ∨ N) ⇔ M ∨ N | Fn ⇔ M | Fn et N | Fn ⇔ T0(M) | n et T0(N) | n ⇔ T0(M) ∨ T0(N) | n.
n | T(M ∨ N) ⇔ M ∨ N | Fn et M ∨ N | Fn+1 – 1 ⇔ M | Fn et N | Fn et M | Fn+1 – 1 et N | Fn+1 – 1
⇔ T(M) | n et T(N) | n ⇔ T(M) ∨ T(N) | n.
Corollaire : Si M et N sont deux entiers > 0, M | N ⇒ T0(M) | T0(N) et T(M) | T(N).

Remarque : les fonctions T0 et T ne sont pas multiplicatives ; on le voit en prenant M = 3, N = 4..

Nous allons maintenant indiquer calculer T(p) et T0(p) pour quelques nombres premiers, à l’aide de
méthodes abstraites. Commençons par p = 2 et p = 5.
Proposition 5 : Les suites (Fn) et (Ln) sont égales modulo 2, et 3-périodiques. Fn et Ln sont pairs ssi
n est multiple de 3. En clair, T(2) = T0(2) = 3, τ(2) = 1.
Preuve : Raisonner modulo 2 est bien facile, aussi la méthode suivante est un peu pédante.
2
L’équation caractéristique r – r – 1 = 0 est sans racines dans Z/2Z, mais elle a deux racines
2
distinctes, a et b, dans le corps de scindage F4 = Z/2Z[X]/(X – X – 1) = { 0, 1, a, b },
de caractéristique 2, et à 4 éléments, de ce polynôme.
n n 2
On a, pour tout n : Fn = a + b . Rappelons qu’ici b = a . et a est d’ordre 3
Cette suite est 3-périodique en vertu du petit théorème de Fermat relatif à F4 .
n n n
De plus, Fn = a + b = 0 ⇔ a = 1 ⇔ 3 | n.

Proposition 6 : La suite (Fn) est 20-périodique modulo 5, la suite (Ln) est 4-périodique modulo 5. Fn
est divisible par 5 ssi n est multiple de 5. En clair, T(5) = 20, T0(5) = 5, τ(5) = 4.

46
Preuve : Nous avons déjà établi cela au § 5.2. Retrouvons-le autrement.
2
Dans Z/5Z, l’équation caractéristique r – r – 1 = 0 a 3 comme racine double.
n n n n
Du coup Fn = (an + b).3 et Ln = (cn + d).3 . Après calculs, Fn ≡ 2n.3 et Ln ≡ 2.3 (mod 5).
4
Comme 3 = 1, la suite (Fn) est 20-périodique, et la suite (Ln ) est 4-périodique modulo 5.
n
Plus précisément, Fn ≡ 0 (mod 5) ⇔ 5 | 2n.3 ⇔ 5 | n, donc T0(5) = 5.
n n+1
Et Fn ≡ 0 (mod 5) et Fn+1 ≡ 1 (mod 5) ⇔ 5 | 2n.3 et 5 | 2(n+ 1)3 −1
n+1 n+1 n
⇔ 5 | n et 5 | 2(n+ 1)3 − 1 ⇔ 5 | n et 5 | 2.3 − 1 ⇔ 5 | n et 5 | 3 − 1 ⇔ 5 | n et 4 | n.

Corollaire : La suite (Fn) est 60-périodique mod 10. Fn est divisible par 10 ssi n est multiple de 15.
En clair, T(10) = 60, T0(10) = 15, τ(10) = 4.
Preuve : Il suffit d’appliquer la prop 1 aux prop 2 et 3.
Venons-en aux nombres premiers p ≠ 2 et 5, et rappelons le résultat suivant :
Proposition 7 : Soi p un nombre premier ≠ 2 et 5.
i) 5 est un carré dans Z/pZ si et seulement si p ≡ 1 ou 9 (mod 10)
ii) 5 n’est pas un carré dans Z/pZ si et seulement si p ≡ 3 ou 7 (mod 10)
Preuve : Ces équivalences découlent aisément de la loi de réciprocité quadratique, mais il y a sans
doute une preuve plus simple. No matter…
Cas où 5 est un carré dans Z/pZ, i.e. p ≡ 1 ou 9 (mod 10)

Ecrivons 5 = δ . L’équation caractéritique x – x – 1 = 0 a deux racines ω = 1+δ et ϖ = 1−δ


2 2
2 2
ω n −ϖ n n n
dans Z/pZ, et l’on a Fn = et Ln = ω + ϖ .
ω −ϖ
n n n 2 n
Fn ≡ 0 (mod p) ⇔ p | Fn ⇔ Fn = 0 ⇔ ω = ϖ ⇔ (ω/ϖ) = 1 ⇔ (−ω ) = 1
n n n+1 n+1
Fn ≡ 0 (mod p) et Fn ≡ 1 (mod p) ⇔ Fn = 0 et Fn+1 = 1 ⇔ ω = ϖ et ω −ϖ =ω−ϖ
n n n n
⇔ ω = ϖ et ω = 1 ⇔ ω = 1.
2
Théorème 8 : Si p ≡ 1 ou 9 (mod 10), T0(p) est l’ordre de −ω , T(p) est l’ordre de ω dans (Z/pZ)*.
Du coup T0(p) | T(p) | p – 1.

Corollaire 1 : Les suites (Fn) et (Ln) sont 10-périodiques modulo 11. Fn est divisible par 11 ssi n est
multiple de 10. En clair, T(11) = T0(11) = 10, τ(11) = 1.
2 2 n n n n
Preuve : Dans Z/11Z, on a 5 = 4 = 7 , et Fn ≡ 3.( 8 – 4 ) et Ln ≡ 8 + 4 (mod 11).
En vertu du petit théorème de Fermat, (Fn) et (Ln) sont 10-périodiques modulo 11.
n n n n n
Plus précisément 11 | Fn ⇔ 11 | 3.( 8 – 4 ) = 3.4 ( 2 – 1 ) ⇔ 11 | 2 – 1 ⇔ 10 | n,
car l’ordre de 2 dans (Z/11Z)* est 10. Donc T0(11) = 10. On en déduit que T(11) = 10.

Corollaire 2 : Les suites (Fn) et (Ln) sont 18-périodiques modulo 19. Fn est divisible par 19 ssi n est
multiple de 18. En clair, T(19) = T0(19) = 18, τ(19) = 1.
2 2
Preuve : Dans Z/19Z, on a 5 = 9 = 10 , ω = 15, ϖ = 5,
n n n n
Fn ≡ 2 ( 15 – 5 ) et Ln ≡ 15 + 5 (mod 19).
En vertu du petit théorème de Fermat, (Fn) et (Ln) sont 18-périodiques modulo 19.
2
T0(19) est l’ordre de − ω = 3 qui vaut 18. Donc T0(19) = 18. On en déduit que T(19) = 10.

47
Cas où 5 n’est pas un carré dans Z/pZ, i.e. p ≡ 3 ou 7 (mod 10)

L’équation caractéritique x – x – 1 = 0 a encore deux racines ω = 1+ 5 et ϖ = 1− 5


2
2 2
2
dans l’extension quadratique Z/pZ[ 5 ], qui est un corps de caractéristique p, à p éléments, le
2
corps de scindage du polynôme X – X – 1 sur Z/pZ.
ω n −ϖ n n n
Et l’on a derechef Fn = et Ln = ω + ϖ .
ω −ϖ
n n n 2 n
Fn ≡ 0 (mod p) ⇔ p | Fn ⇔ Fn = 0 ⇔ ω = ϖ ⇔ (ω/ϖ) = 1 ⇔ (−ω ) = 1
n n n+1 n+1
Fn ≡ 0 (mod p) et Fn ≡ 1 (mod p) ⇔ Fn = 0 et Fn+1 = 1 ⇔ ω = ϖ et ω −ϖ =ω−ϖ
n n n n
⇔ ω = ϖ et ω = 1 ⇔ ω = 1
2
Théorème 9 : Si p ≡ 3 ou 7 (mod 10), T0(p) est l’ordre de −ω , T(p) est l’ordre de ω dans
2
Z/pZ[ 5 ]*. Du coup, T0(p) | T(p) | p – 1. Et T0(p) ≤ p + 1 en vertu du 5.2..

Corollaire 1 : Les suites (Fn) et (Ln) sont 8-périodiques modulo 3. Fn est divisible par 3 ssi n est
multiple de 4. En clair, T(3) = 8, T0(3) = 4, τ(3) = 2.
Preuve : 5 = 2 n’est pas un carré dans Z/3Z. Dans le corps de scindage à 9 éléments
K = F9 = Z/3Z[X]/(X – X – 1) = Z/3Z[ 5 ] , ω = 1+ 5 = 2( 1 + 5 ) et ϖ = 1− 5 = 2( 1 − 5 )
2
2 2
ω n −ϖ n n n
On a Fn = et Ln = ω + ϖ .
ω −ϖ
8
Comme K* a 8 éléments, ω = 1 et (Fn) et (Ln) sont 8-périodiques modulo 3.
2 4 8
Plus précisément ω = ω + 1, ω = −1, ω = 1, donc ω est bien d’ordre 8 : T(3) = 8.
2
Comme −ω est d’ordre 4, T0(3) = 4.

Corollaire 2 : La suite (Fn) est 24-périodique mod 6. Fn est divisible par 6 ssi n est multiple de 12.
En clair, T(6) = 24, T0(6) = 12, τ(6) = 2.

Corollaire 3 : Les suites (Fn) et (Ln) sont 16-périodiques modulo 7. Fn est divisible par 7 ssi n est
multiple de 8. En clair, T(7) = 16, T0(7) = 8, τ(7) = 2.

Preuve : ∆ = 5 n’est pas un carré dans Z/7Z. Dans le sur-corps à 49 éléments K= F49 = Z/7Z[ 5 ].
ω n −ϖ n
ω = 1+ 5 = 4(1 + 5 ) , ϖ = 1− 5 = 4( 1 − 5 ) , Fn =
n n
et Ln = ω + ϖ ..
2 2 ω −ϖ
48 16
Comme K* a 48 éléments, ω = 1, et on constate même que ω = 1.
2 4 8 16
En effet ω = ω + 1 , ω = 3ω + 2 , ω = 6 = − 1 , donc ω = 1
2
Ainsi (Fn) et (Ln) sont 16-périodiques modulo 7. De plus −ω est d’ordre 8, donc T0(7) = 8.

Corollaire 4 : La suite (Fn) est 48-périodique mod 14. Fn est divisible par 14 ssi n est multiple de
24. En clair, T(14) = 48, T0(14) = 24, τ(14) = 2.
Il doit être possible de programmer cette discussion avec Maple et de calculer les T(p) et T0(p), puis
les T(N) et T0(N) lorsque N est quadratfrei.

48
5.3. Compléments et conjectures.
Sur ma chair vient ta nuit concave, Anaxagore ;
Et l’éternel me chante, approche ou souvenir,
Un poème d’hier, un poème à venir :
« Tes disciples ardus le savaient, Pythagore... »
Jose Luis Borges, La nuit cyclique
Jean-Marc Lapierre est allé bien plus loin, concernant les valeurs prises par les fonctions T et T0 sur
les nombres primaires. Il a abordé les conjectures de Wall-Sun-Sun, mais je m’arrête là.
k k−1
Proposition : Pour tout k ≥ 1, T(2 ) = 3×2 .
Ce résultat est établi dans la note de Jean-Marc Lapierre.
k 2 k
Proposition : Pour tout k ≥ 1, T(5 ) = 2 ×5 .
Ce résultat est vrai pour les premières valeurs, mais j’ignore s’il est vrai ou si c’est une conjecture.
k k−1 k
Corollaire : T(10) = 60, T(100) = 300, et, pour tout k ≥ 3, T(10 ) = 2 ×3×5 .
Cela découle des deux résultats précédents. Ce résultat aurait été démontré par le mathématicien
israélien Dov (Moshe) Jarden13.
Théorème de Donald D. Wall (1960) : Si p est un nombre premier, on a l’alternative :
2 2
soit T(p ) = T(p) , soit T(p ) = p.T(p).
2 2
De plus, s’il existe un Fn tel que p divise Fn et p ne divise pas Fn, alors T(p ) = p.T(p).
2
Conjecture 1 : Si p est un nombre premier, il existe un Fn tel que p divise Fn et p ne divise pas Fn,
Cette conjecture se vérifie facilement pour les petites valeurs de p :
Si p = 2, F3 = 2 est divisible par 2, non par 4.
Si p = 3, F4 = 3 est divisible par 3, non par 9.
Si p = 5, F5 = 5 est divisible par 5, non par 25.
Si p = 7, F8 = 21 est divisible par 7, non par 49.
Si p = 11, F10 = 55 est divisible par 11, non par 121.
Si p = 13, F7 = 13 est divisible par 13, non par 169.

Conjecture 2 : Si p est un nombre premier, le premier nombre de Fibonacci Fn > 0 tel que p divise
2
Fn est tel que p ne divise pas Fn,
Si la conjecture 2 est vraie, alors la conjecture 1 l’est aussi, et, dans le théorème de Wall, on a
2
toujours T(p ) = p.T(p).

5.4. Suite de Fibonacci et triplets pythagoriciens.


Dans son livre sur Pythagore, Pierre Brémaud signale que la suite de Fibonacci fournit une suite
infinie de triplets pythagoriciens, c’est-à-dire de triplets (a, b, c) d’entiers > 0 tels que
2 2 2
a +b =c .
En effet, si l’on considère quatre nombres de Fibonacci consécutifs Fm, Fm+1, Fm+2, Fm+3,
2 2
le triplet (am , bm , cm) = ( Fm × Fm+3 , 2 × Fm+1 × Fm+2 , (Fm+1) + (Fm+2) )

13 Dov Jarden (Motele, Russie, 1911 – Jérusalem, 1986), linguiste ayant écrit plusieurs articles de théorie des
nombres, notamment sur les suites récurrentes. Son fils Moshe Jarden, né à Tel Aviv en 1942, est un algébriste
de renom.

49
est pythagoricien pour m ≥ 1.
2 2
Cela découle de ce que am = Fm × Fm+3 = ( Fm+2 − Fm+1 ) × ( Fm+2 + Fm+1 ) = (Fm+2) − (Fm+1) .
2 2 2
On en déduit aussitôt que am + bm = cm .
Les triplets obtenus ne sont pas tous primitifs. Plus précisément, le pgcd de am , bm , cm vaut 1 ou 2.
2 2 2 2
En effet, si p premier divisait am , bm , cm, c’est-à-dire (Fm+2) − (Fm+1) , (Fm+2) + (Fm+1) et
2 2
2×Fm+1×Fm+2 , il diviserait 2(Fm+2) , 2(Fm+1) et 2Fm+1Fm+2 ; si p était impair, il diviserait Fm+2
et Fm+1 ; or ces nombres sont premiers entre eux.
Un examen de parité montre que pgcd(am , bm , cm) = 2 si 3 divise m, 1 sinon ; autrement dit, dans la
liste obtenue, deux triplets sur trois sont primitifs.
am  0 −1/2 1 1/ 2 
Si l’on note Fibo(m) = bm  , alors : Fibo(0) = 2 et Fibo(m+1) =  1 1 1  Fibo(m).
cm  2  1/2 1 3/ 2
3 1 4 4
On en déduit que : Fibo(1) = 4 et Fibo(m+3) = 4 7 8 Fibo(m).
5 4 8 9
Cette matrice joue un rôle important dans l’étude générale des triplets pythagoriciens. Je renvoie à
mon chapitre sur le sujet.

6. Propriétés algébriques des suites de Fibonacci.


« Alain ne comprenait rien à l’algèbre. Moi non plus. Mais
pour l’aider, et que ses devoirs de vacances ne nous
séparassent pas longtemps, je repris mes anciens cours. »
Pierre Herbart, L’Âge d’or

Soient (M, ∗) un monoïde, a et b deux éléments de M. On nomme suite de Fibonacci générale toute
suite (un)n∈N d’éléments de E vérifiant : u0 = a , u1 = b , ∀n ∈ N un+2 = un+1 ∗ un .
Soient (G, ∗) un groupe, a et b deux éléments de G. On nomme suite de Fibonacci générale toute
suite (un)n∈Z d’éléments de E vérifiant : u0 = a , u1 = b , ∀n ∈ Z un+2 = un+1 ∗ un .

Remarque : si l’on remplace la loi un+2 = un+1 ∗ un par la loi un+2 = un ∗ un+1 , il suffit de se
placer dans le monoïde (ou le groupe) opposé.
Exemples :
1) Dans (N, +), la suite décalée (Fn−1) = ( 1, 0, 1, 1, 2, 3, 5, 8, 13, 21, … )
ainsi que toutes les suites tronquées : (Fn+7) = ( 8, 13, 21, 34, 55, … ), etc.
2) Dans (N, +), la suite de Lucas (Ln) = ( 2, 1, 3, 4, 7, 11, 18, 29, 47, 76, … ).
3) Dans (Z, +), toutes les suites tronquées de (Fn), telles que
(Fn−8) = ( − 21 , 13 , − 8 , 5 , − 3 , 2 , − 1 , 1 , 0 , 1 , 1 , 2 , 3 , 5 , 8 , 13 , 21 , 34, … )
4) Dans (Z××Z, +), les suites (Fn, Fn+1) et (Ln, Ln+1) sont des suites de Fibonacci, qui vérifient :
(Fn+2, Fn+3) = (Fn, Fn+1) + (Fn+1, Fn+2) , (F0, F1) = (0, 1) , (F1, F2) = (1, 2)
(Ln+2, Ln+3) = (Ln, Ln+1) + (Ln+1, Ln+2) , (L0, L1) = (2, 1) , (L1, L2) = (1, 3)
n n
5) Dans (R, +) ou (Q[ 5 ], +), les suites (ϕ ) et (ϕ’ ), où ϕ est le nombre d’or et ϕ’ son conjugué.
2
Plus généralement, dans un anneau A, si x est un élément tel que x = x + 1, x est inversible et la
n
suite (x )n∈Z est une suite de Fibonacci.

50
En particulier, dans l’anneau M2(Q), la matrice A =   vérifie A = A + I, donc (A ) n∈Z est une
11 2 n
1 0
suite de Fibonacci.
6) Dans le monoïde additif (P(R), +), la suite de segments [Fn, Fn+1] est une suite de Fibonacci, en
ce sens que [Fn, Fn+1] + [Fn+1, Fn+2] = [(Fn+2, Fn+3]. A noter que [F0, F1] = [0, 1], [F1, F2] = {1}.
2 2 3 3 5 5 8
7) Dans (N, ×), la suite ( 2 , 3 , 2.3 , 2.3 , 2 .3 , 2 .3 , 2 .3 , … ).
Elle est donnée par un = 2Fn−1 3Fn .
8) Dans (Z/2Z, +), la suite (0, 1, 1, 0, 1, 1, …) et plus généralement (a, b, a + b, a, b, a + b, … ).
On constate que ce sont des suites 3-périodiques.
Ce résultat subsiste dans tout groupe vérifiant ∀x x + x = 0 .
9) Dans (Z/3Z, +), la suite (0, 1, 1, 2, 0, 2, 2, 1, 0, 1, 1, 2, 0, … ) est 8-périodique et 4-
antipériodique. Plus généralement (a, b, a + b, a + 2b, 2a, 2b, 2a + 2b, 2a + b, 0, a, b, a + b, …) est
8-périodique, et 4-antipériodique.
Ce résultat subsiste dans tout groupe additif vérifiant ∀x x + x + x = 0 .
10) Soit M = Mo({0, 1}) le monoïde des mots à deux lettres 0, 1, muni de la concaténation. Partant
des mots 1 et 0, on obtient une suite de Fibonacci de mots :
m0 = 1 , m1 = 0 , m2 = 01 , m3 = 010 , m4 = 01001 , m5 = 01001010 , etc.
Nous étudierons plus tard sur cette importante suite de mots.
Dans la suite, un monoïde ou un groupe additif seront toujours supposés commutatifs.

Proposition 1 : i) Soient (M, +) un monoïde additif, (un)n∈N une suite de Fibonacci générale.
On a : ∀n ∈ N un = Fn−1.a + Fn.b .
ii) Soient (G, +) un groupe additif. (un)n∈Z une suite de Fibonacci générale.
On a : ∀n ∈ Z un = Fn−1.a + Fn.b .
Preuve : 1) se montre par récurrence double.
Si n = 0, u0 = a = F−1.a + F0.b . Rappelons que F−1 = 1. Si n = 1, u1 = b = F0.a + F1.b .
Si un = Fn−1.a + Fn.b et un+1 = Fn.a + Fn+1.b , alors
un+2 = un+1 + un = ( Fn + Fn−1 ).a + ( Fn+1 + Fn ).b = Fn+1.a + Fn+2.b . cqfd
2) En vertu de 1), on a déjà ∀n ∈ N un = Fn−1.a + Fn.b .
Si un = Fn−1.a + Fn.b et un+1 = Fn.a + Fn+1.b , alors
un−1 = un+1 − un = ( Fn − Fn−1 ).a + ( Fn+1 − Fn ).b = Fn−2.a + Fn−1.b . cqfd
Remarques : Ce résultat subsiste dans des monoïdes ou des groupes non commutatifs, pourvu que a
et b commutent.
11 n F F 
Exemple : Dans M2(Q), si A =   , on retrouve A = Fn−1.I + Fn.A = n+1 n
1 0  Fn Fn−1

Notons Fibo(N, M) l’ensemble des suites de Fibonacci générales (un)n∈N à éléments dans M,
Fibo(Z, M) l’ensemble des suites de Fibonacci générales (un)n∈Z à éléments dans M,
Corollaire 1 : Les suites de Fibonacci générales à éléments dans N forment un sous-monoïde additif
de F(N, N). C’est le monoïde engendré par les suites (Fn−1) et (Fn).
Corollaire 2 : Les suites de Fibonacci générales à éléments dans Z forment un sous-groupe additif
de F(N, Z). C’est le sous-groupe engendré par les suites (Fn−1) et (Fn).

51
Corollaire 3 : Les suites de Fibonacci générales à éléments dans un corps K forment un sous-espace
vectoriel de F(N, K) de dimension 2. C’est le plan engendré par les suites (Fn−1) et (Fn).
Pour que deux suites u = (un)n∈N et v = (vn)n∈N forment une base de Fibo(N, K), il faut et il suffit

que
u0 v0 ≠ 0.
u1 v1
Exemples :
1) Les suites (Fn) et (Ln) forment une base de Fibo(N, K), pour tout corps de caractéristique ≠ 2.
En revanche, dans un corps de caractéristique 2 elles sont identiques.
n n
2) Les suites (ϕ ) et (ϕ’ ) forment une base de Fibo(N, R) et de Fibo(N, Q[ 5 ]).
Lorsque K = R, nous avons déjà abordé ces sujets au § 3.
Proposition 2 : Soit (M, +) un monoïde additif, (an) une suite d’éléments de M, (un) une suite
vérifiant ∀n ∈ N un+2 = un+1 + un + an .
Alors ∀n ≥ 2 un = Fn−1.u0 + Fn.u1 + Fn−1.a0 + Fn−2.a1 + … + F1.an−2 + F0.an−1.
Preuve : par récurrence sur n.
NB : Lorsque M = C ou K, corps commutatif, on peut aussi montrer cela par série génératrice.
Corollaire : Si ∀n ∈ N un+2 = un+1 + un + a ,
Alors ∀n ≥ 2 un = Fn−1.u0 + Fn.u1 + ( Fn+1 – 1 ).a.

7. Série génératrice de la suite de Fibonacci.

7.1. Séries formelles.


Proposition 1 : Dans l’anneau Q[[X]] des séries formelles on a
+∞ +∞
2− X
∑Fn .X n =
n =0
X
1− X − X²
et ∑ L .X
n =0
n
n =
1− X − X²
+∞ +∞
∑Fn .X n = X + ∑(F
2
Preuve : ( 1 – X – X ). n+ 2 −Fn+1− Fn ).X n+ 2 = X.
n =0 n =0
+∞ +∞
∑ L .X ∑(L
2
( 1 – X – X ). n
n = 2–X+ n+2 − Ln+1−Ln).X n+2 = 2 – X.
n =0 n =0

n
∑ F .X
2 k n+1 n+2
Remarque : ( 1 – X – X ).( k ) = X – Fn+1.X – Fn.X .
k =0

Cette formule permet de retrouver plusieurs résultats antérieurs :


ϕ n −ϕ'n ϕ n −ϕ'n n n
Corollaire 1 : ∀n ∈ N Fn = = , Ln = ϕ + ϕ’ .
ϕ −ϕ' 5
Preuve : par décomposition en éléments simples :
+∞ +∞
∑ F .X
n =0
n
n = X = X
1− X − X² (1−ϕX)(1−ϕ' X)
= 1 ( 1
5 1−ϕX

1−ϕ
1 )= 1
'X 5
∑(ϕ −ϕ' ).X
n =0
n n n

+∞ +∞
2− X = 1 + 1 =
∑ L .X
n =0
n
n =
1− X − X² 1−ϕX 1−ϕ' X ∑(ϕ +ϕ' ).X
n =0
n n n

et il reste à identifier.
Corollaire 2 : ∀n ≥ 0 F0 + F1 + … + Fn = Fn+2 – 1 .

52
Preuve : Passons par les séries génératrices,
+∞
∑(F +...+F ).X
n =0
0 n
n = 1 X
1− X 1− X − X²
.

+∞ +∞ +∞ +∞ +∞ +∞ +∞
∑(Fn+2−1).X n =
n =0

n =0
Fn+2.X n − ∑ X n = 1 ∑Fn+ 2.X n+ 2 − ∑ X n = 1 ( ∑Fn .X n − X ) − ∑ X n
n =0 X² n=0 n =0 X² n=0 n =0

= 1 ( X −X)− 1 .
X² 1− X − X² 1− X
Il suffit de vérifier que les deux seconds membres sont égaux.
n−1 n−1
Corollaire 3 : ∀n ≥ 1 F1 – F2 + F3 – F4 + … + (−1) .Fn = 1 + (−1) .Fn−1
Preuve :
+∞ +∞ +∞
∑(F −F
n =0
n n −1 +...+(−1)n F0 ).X n = ( ∑(−1)n.X n )( ∑Fn .X n ) =
n =0 n =0
1 X
1+ X 1− X − X²
.

+∞
−X .
Changeant X en – X, il vient : ∑(F −F +...+(−1) F ).X
n =0
0 1
n
n
n = 1
1− X 1+ X − X²
+∞
Donc ∑(F −F +...+(−1)
n =1
1 2
n −1Fn ).X n = 1 X
1− X 1+ X − X²
.

+∞ +∞ +∞
∑(1+(−1)
n =0
n −1 Fn−1).X n = 1 +
1− X ∑(−1)
n =0
n −1 Fn−1.X n =
1− X ∑
1 + X (−1)n−1Fn−1.X n−1
n =0
+∞
= 1 + X (− 1 +
1− X X ∑(−1)
1 −1−
1− X
n =1
X² .
n −1 Fn −1.X n −1 ) =
1+ X − X²
Il reste à vérifier que 1 X = 1 −1− X² , ce qui est facile.
1− X 1+ X − X² 1− X 1+ X − X²
Proposition 2 : ∀n ≥ 1 Fn = ∑C
p + q = n−1
q
p
= ∑C k
n −1−k = ∑C
k∈Z
k
n −1− k .
0≤ k ≤ n −1
2
+∞ +∞ +∞ m
Preuve : ∑Fn .X n =
n =0
X = X
1− X − X² 1−(X + X²)
= X ∑(X + X²)m = X ∑∑Cmk.X m+ k
m=0 m=0 k =0
+∞ +∞ +∞
=X ∑(∑Cnk−k).X n =
n =0 k
∑(∑Cnk−k).X n+1 =
n =0 k
∑(∑C
n =1 k
k
n −1−k ).X n .

La théorie des séries formelles permet de rendre ce calcul rigoureux. Voir mon chapitre sur le sujet.
Dans le paragraphe suivant, nous utiliserons la méthode des séries génératrices.

7.2. Séries entières.


+∞ +∞
Proposition 3 : Les séries entières ∑Fn .zn et
n =0
∑ L .z
n =0
n
n ont pour rayon de convergence

R = 1/ϕ = |ϕ’| = ϕ − 1, et .
+∞ +∞
2− z .
∀z ∈ C , |z| < 1/ϕ ∑ F .z
n =0
n
n = z
1− z − z²
et ∑ L .z
n =0
n
n =
1− z − z²
+∞ +∞ +∞ +∞
Corollaire : ∑ Fn = 2 ,
n =0 2
n ∑
n =0
Ln = 6 ,
2n ∑
n =0
Fn = 10 ,
10n 89 ∑10L
n =0
n
n
= 190 .
89
+∞ +∞
Proposition 4 : Les séries entières ∑ Fn! .z
n =0
n n et ∑ Ln!.z
n =0
n n ont pour rayon de convergence +∞ et :
ϕ'z ϕz
Fn .z n = e −e
+∞ +∞
∀z ∈ C ∑
n =0 n! 5
et ∑ Ln!.z
n =0
n n = eϕz + eϕ'z .

53
ϕ ϕ'
Fn = e −e ,
+∞ +∞
Corollaire : ∑
n =0 n! 5
∑ Ln!
n =0
n
= eϕ + eϕ' .

+∞ +∞ n
Exercice : Si B(z) = ∑ Fn! .z
n =0
n n , montrer que B(z).exp(z) = ∑ Fn! .z
n =0
2n n , en déduire F2n = ∑C .F
k =0
k
n k .

Proposition 5 : expressions intégrales de Fn.


Je ne leur trouve pas belle allure et les laisse au lecteur.

7.3. Séries divergentes.


Ce paragraphe fait référence à mon chapitre sur les séries divergentes.
+∞ +∞ +∞ +∞ +∞ +∞
Formellement, ∑F
n =0
n+ 2 = ∑F n =0
n +1 + ∑F
n =0
n , ce qui s’écrit : ∑F
n =0
n −1= ∑Fn =0
n + ∑F
n =0
n ,
+∞ +∞ +∞ +∞ +∞ +∞
De même, ∑Ln+2 =
n =0
∑Ln+1 +
n =0
∑Ln , ce qui s’écrit :
n =0
∑Ln − 3 =
n =0
∑Ln − 2 +
n =0
∑L
n =0
n .
+∞ +∞ +∞ +∞ +∞ +∞
∑(−1)nFn+2 =
n =0
∑(−1)nFn+1 +
n =0
∑(−1)nFn s’écrit
n =0
∑(−1)nFn + 1 = − ∑(−1)nFn +
n =0 n =0
∑(−1) F
n =0
n
n = 0,

et idem pour les nombres de Lucas. Certes, ces quatre séries divergent, mais :
Proposition 6 : S’il existe un procédé sommatoire (G, S) qui les rende convergentes, alors :
+∞ +∞ +∞ +∞
∑Fn =
n =0
∑Ln = − 1 (G) ;
n =0
∑(−1)nFn = − 1 (G) ;
n =0
∑(−1) L
n =0
n
n = 3 (G).

C’est aussi ce que l’on trouve en faisant z = 1 et z = −1 dans les identités


+∞ +∞
2− z .
∀z ∈ C , |z| < 1/ϕ ∑Fn .zn =
n =0
z
1− z − z²
et ∑ L .z
n =0
n
n =
1− z − z²
On objectera que, ni 1, ni −1, ne vérifient la condition |z| < 1/ϕ. Qu’à cela ne tienne, on a :
Proposition 7 : Au sens du prolongement analytique :
+∞ +∞ +∞ +∞ +∞
−2 (PA)
∑Fn =
n =0
∑Ln = − 1 (PA) ,
n =0
∑(−1)nFn = − 1 (PA) ,
n =0
∑(−1)nLn = 3 (PA) ,
n =0
∑2 F
n =0
n
n =
5
Remarque : en revanche, ces séries ne sont pas sommables au sens de Borel.

7.4. Retour aux suites récurrentes.

Exercice : Soit (Fn) la suite de Fibonacci définie par F−1 = 1, F0 = 0, Fn+2 = Fn+1 + Fn.
N N
1) On considère l’application u : a = (an) ∈ R → b = (bn) ∈ R définie par :
b0 = − a0 , b1 = − a0 – a1 et ∀k ≥ 2 bk = ak−2 – ak−1 – ak .
Démontrer que u est un isomorphisme. Expliciter la bijection réciproque.
(N)
2) Démontrer que u laisse stable le sous-espace R des suites nulles à partir d’un certain rang,
mais que l’endomorphisme induit, noté v, n’est pas un isomorphisme.
+∞ +∞
Plus précisément, démontrer que b = (bn) ∈ Im v ⇔ ∑Fk bk = 0 et
k =0
∑F k =0
b = 0.
k −1 k

Solution :
N
1) L’application u est linéaire, et bijective, car si b = (bn) ∈ R , il existe une unique suite a = (an)
N
∈ R vérifiant : b0 = − a0 , b1 = − a0 – a1 et ∀k ≥ 2 bk = ak−2 – ak−1 – ak .
C’est la suite récurrente linéaire affine définie par :

54
a0 = − b0 , a1 = b0 – b1 et ∀k ≥ 2 ak = ak−2 – ak−1 – bk .
Un calcul récurrent permet de deviner que
n+1
an = − F1.bn + F2.bn−1 − F3.bn−2 + ... + (−1) .Fn+1.b0
formule que l’on peut ensuite vérifier par report.
2) Si les ak sont nuls à partir d’un certain rang, il en est de même des bk.
L’endomorphisme induit v est injectif, comme restriction d’un endomorphisme injectif.
+∞ +∞
∑Fk bk , ∑F
(N) 2
Considérons l’application w : b = (bn) ∈ R →( b )∈R .
k −1 k
k =0 k =0
v w
(N) (N) 2
Démontrons que Im v = Ker w, autrement dit que R → R → R est une suite exacte.
+∞
∑F b
(N)
Notons que les formes linéaires f : b = (bn) ∈ R → k k = b1 + b2 + 2b3 + 3b4 + 5b5 + …
k =0
+∞
∑F
(N)
et g : b = (bn) ∈ R → b = b0 + b2 + b3 + 2b4 + 3b5 + …
k −1 k
k =0
(N)
sont libres de sorte que Ker w est un sous-espace de codimension 2 de R .
(N)
Soit (en) la base canonique de R . On constate que v(en) = sn, où sn = − en − en+1 + en+2 .
f(sn) = − Fn − Fn+1 + Fn+2 = 0 et g(sn) = − Fn−1 − Fn + Fn+1 = 0.
Par linéarité, Im v ⊂ Ker w.
+∞ +∞
∑F b ∑F
(N)
Réciproquement, soit b = (bn) ∈ R telle que k k = k −1 k b = 0.
k =0 k =0

Supposons les bk nuls à partir du rang n + 1, autrement dit .


b1 + b2 + 2b3 + 3b4 + 5b5 + … + Fn.bn = 0
b0 + b2 + b3 + 2b4 + 3b5 + … + Fn−1.bn = 0
n+1
Le vecteur (b0 , b1 , … , bn) appartient à un sous-espace de R de codimension 2, donc de
dimension n – 1. Ce sous-espace contient les vecteurs
(−1, −1, 1, 0 … , 0) (0, −1, −1, 1, 0 … , 0) (0, 0, −1, −1, 1, 0 … , 0) … (0, …, 0 −1, −1, 1)
qui forment une famille libre de n – 1 vecteurs.
Par égalité des dimensions, (b0 , b1 , … , bn) est combinaison linéaire des vecteurs
(−1, −1, 1, 0 … , 0) (0, −1, −1, 1, 0 … , 0) (0, 0, −1, −1, 1, 0 … , 0) … (0, …, 0 −1, −1, 1)
(N)
donc la suite b = (bk) ∈ R est combinaison linéaire des suites s0, …, sn−1.
Remarque : cet exercice est une pure et simple imposture, car j’ai soigneusement effacé son origine
exacte. Il s’éclaire si on a recours aux séries formelles en 1), aux polynômes en 2).
N
En effet, R n’est autre que l’espace des séries formelles R[[X]].
+∞ +∞ +∞
∑ak X k → ∑bk X k = ( X – X – 1 ) ∑a X
2 k
Alors u: k
k =0 k =0 k =0
2
est l’opéraeur de multiplication par X – X – 1, qui est une série formelle inversible. Son inverse
met en jeu la suite de Fibonacci. En effet on démontre (voir chapitre sur Séries formelles) que :
+∞ +∞
1
1− X − X²
= ∑F
k =0
k +1 X k . On en déduit aussitôt que 1
X²−X −1
= ∑(−1)
k =0
k +1 Fk +1 X k
(N)
Par ailleurs, R n’est autre que le sous-espace des polynômes R[X].
+∞ +∞ +∞
∑a X ∑b X ∑a X
2
Alors v : P = k
k →Q= k
k =(X –X–1) k
k
k =0 k =0 k =0
2
est l’opérateur de multiplication par X – X – 1,
2
Im v n’est autre que l’idéal des polynômes multiples de X – X – 1.

55
+∞
∑b X k 2
Comment reconnaître que le polynôme Q = k est divisible par X – X – 1 ?
k =0
2
Il est divisible par X – X – 1 ssi son reste euclidien est nul.
+∞ +∞
Or ce reste est : ∑Fk −1bk + ( ∑Fk bk )X. Je laisse cela en exercice au lecteur.
k =0 k =0
2
Comme on voit, le polynôme X – X – 1 ne joue en réalité qu’un rôle mineur, on pourrait fabriquer
autant d’exercices que l’on veut de cette façon.

8. Suites associées à la suite de Fibonacci.


« Allons ! Encore un dernier petit calcul et on s’en va ! »
Dans ce paragraphe, nous étudions diverses suites associées à la suite de Fibonacci. La plupart sont
référencées dans l’Encyclopédie OEIS.
8.1. Sous-suites périodiques.
Notons E l’espace vectoriel des suites à éléments complexes, T l’opérateur de décalage et F le plan
2
vectoriel Ker( T – T – I ) engendré par la suite de Fibonacci et une quelconque de ses associées.
Commençons par étudier les suites (F2n) et (F2n+1).
(F2n) = (0, 1, 3, 8, 21, 55, 144, …) et (F2n+1) = (1, 2, 5, 13, 34, 88, …)
sont référencées sous les numéros resp. A001906 et A001519 dans l’Encyclopedie OEIS.
On peut les étudier par diverses méthodes.
2
1ère méthode : la suite (Fn) apppartient au noyau de T – T – I, mais aussi de tous les P(T), où P est
2
un polynôme multiple de X – X – 1, qui est son polynôme minimal ponctuel.
2
Notant par abus T = TF l’endomorphisme induit par T dans F, on a T = T – I dans F,
2 2 2 4 2
donc T = ( T – I ) , i.e. T – 3T + I = 0.
Ainsi la suite de Fibonacci vérifie Fn+4 − 3.Fn+2 + Fn = 0
Et en particulier F2n+4 − 3.F2n+2 + F2n = 0 et F2n+5 − 3.F2n+3 + F2n+1 = 0
ϕ 2n −ϕ'2n ϕ 2n+1−ϕ'2n+1 2n
2ème méthode : F2n = et F2n+1 = sont combinaisons linéaires des suites (ϕ ),
5 5
2n
(ϕ’ ), donc appartiennent au noyau de :
2 2 2
( T − ϕ )( T − ϕ’ ) = ( T – 1 − ϕ )( T – 1 − ϕ’ ) = T – 3T + 1.
3ème méthode : par séries génératrices
+∞
∑ F .X
n =0
n
n = X
1− X − X²
implique, en séparant les parties paires et impaires

+∞ +∞ X −X 3
∑ F .X
n =0
2n
2n = X²
1−2X²− X 4
et ∑F
n =0
2n+1 .X 2n+1 =
1−2X²− X 4
.

+∞ +∞
1− X
Donc ∑ F .X
n =0
2n
n = X
1−2X − X 2
et ∑F n =0
2n+1 .X n =
1−2X − X 2
.

Proposition 1 : Les suites (F2n) et (F2n+1) sont récurrentes linéaires et obéissent resp. aux formules :
w0 = 0 , w1 = 1 , ∀n ∈ Z wn+2 – 3.wn+1 + wn = 0.
w0 = 1 , w1 = 2 , ∀n ∈ Z wn+2 – 3.wn+1 + wn = 0.

Etudions plus généralement les suites (Fqn+r)n , où 0 ≤ r < q.


La seconde méthode est de loin la plus facile.

56
ϕ qn+r −ϕ'qn+r qn qn
Fqn+r = est combinaison linéaire des suites (ϕ ), (ϕ’ ), donc appartiennent au noyau
5
q q 2 q+1
de : ( T − ϕ )( T − ϕ’ ) = T – Lq.T + (−1) , où (Lq) est la suite de Lucas.

Proposition 2 : Les suites (Fqn+r)n , où 0 ≤ r < q, sont récurrentes linéaires d’ordre 2 et obéissent
q+1
aux formules : w0 = Fr , w1 = Fq+r , ∀n ∈ Z wn+2 – Lq.wn+1 + (−1) .wn = 0.
Remarque : on peut aussi retrouver cela à l’aide de la 1ère méthode, mais c’est un peu plus abstrait.
q q
Il s’agit de chercher un polynôme anulateur de T . Soit P un tel polynôme, Q(X) = P(X ).
q 2
On veut que P(T ) = 0 et que X – X – 1 divise P.
2
Ecrivons P(X) = ( X – X – 1 ).Q(X).

8.2. Suites obtenues comme produits.


Les suites récurrentes linéaires à coefficients constants sont exactement les combinaisons des suites
n
(P(n)λ ), où P est un polynôme et λ un complexe. Il en résulte que le produit au sens usuel de deux
suites récurrentes linéaires à coefficients constants l’est aussi. En voici quelques exemples.
2
Etudions la suite (Fn ).
2 ϕ 2n +ϕ'2n−2(−1)n
Il découle de la formule de Moivre que Fn = .
5
2 2n 2n n
La suite (Fn ) est combinaison linéaire des suites (ϕ ), (ϕ’ ) et ((−1) ), donc appartient au noyau
de P(T), où T est l’opérateur de décalage et
2 2 3 2
P = ( X − ϕ )( X − ϕ’ )( X + 1 ) = ( X – 1 − ϕ )( X – 1 − ϕ’ )( X – 1 ) = X – 2X − 2X + 1.
2
Proposition 3 : La suite (Fn ) est récurrente linéaire d’ordre 3 et obéit aux formules :
w0 = 0 , w1 = w2 = 1 , ∀n ∈ N wn+3 – 2.wn+2 – 2.wn+1 + wn = 0.

Etudions la suite (Fn.Fn+1) des aires des rectangles d’or.


Cette suite, répertoriée A001654 dans l’OEIS, a pour premières valeurs :
0 , 1 , 2 , 6 , 15 , 40 , 104 , 273 , 714 , 1870 , …
ϕ 2n+1+ϕ'2n+1−(−1)n
Il découle de la formule de Moivre que Fn.Fn+1 = .
5
2n 2n n
La suite (Fn.Fn+1) est également combinaison linéaire des suites (ϕ ), (ϕ’ ) et ((−1) ), donc
2 2 3 2
appartient au noyau de Q(T), où Q = ( X − ϕ )( X − ϕ’ )( X + 1 ) = X – 2X − 2X + 1.

Proposition 4 : La suite (Fn.Fn+1) est récurrente linéaire d’ordre 3 et obéit aux formules :
w0 = 0 , w1 = 1 , w2 = 2 , ∀n ∈ N wn+3 – 2.wn+2 – 2.wn+1 + wn = 0.

Etudions la suite (F0.F1 + … + Fn.Fn+1) des sommes cumulées des aires des rectangles d’or.
Cette suite, répertoriée A064831 dans l’OEIS, a pour premières valeurs :
0 , 1 , 3 , 9 , 24 , 64 , 168 , 441 , 1155 , …
Proposition 5 : La suite an = F0.F1 + … + Fn.Fn+1 vérifie :
a0 = 0 , a1 = 1 , a2 = 2 , a3 = 9 , an+4 = 3.an+3 – 3.an+1 + an
2 2
an = Fn+1 − 1 si n est impair, an = Fn+1 si n est pair
3
Etudions la suite (Fn ).
3 ϕ 3n −3(−ϕ)n +3(−ϕ')n −ϕ'3n
Il découle de la formule de de Moivre que Fn = .
5 5

57
3 3n 3n n n
La suite (Fn ) est combinaison linéaire des suites (ϕ ), (ϕ’ ), ((−ϕ) ), ((−ϕ’) ), donc appartient au
3 3 4 3 2
noyau de R(T), où R = ( X − ϕ )( X − ϕ )( X + ϕ )( X + ϕ’ ) = X – 3X – 6X + 3X + 1.
3
Proposition 5 : La suite (Fn ) est récurrente linéaire d’ordre 4 et obéit aux formules :
w0 = 0 , w1 = w2 = 1 , w3 = 8 , ∀n ∈ N wn+4 – 3.wn+3 – 6.wn+2 + 3.wn+1 + wn = 0.

On pourrait étudier de même les suites (Fn.Fn+1.Fn+2), etc.


4
Proposition 6 : ∀n ∈ N Fn+2.Fn+1.Fn−1.Fn−2 = (Fn) – 1.
Preuve : Nous avons déjà démontré cette identité. On peut ici noter que les deux membres sont des
suites récurrentes linéaires d’ordre 4 et vérifier l’identité pour n = 0, 1, 2 et 3.
 F0 F1 ... Fn−1 
 Fn  ∈ M (R).
Exercice : Polynôme caractéristique, diagonalisation de la matrice A =  F1 F2 ...
... ... ... ...  n
Fn−1 F2n−2 
 Fn ...
n n−1 2 n−2
Rép. : χA(X) = X – ( F2n−1 – 1 ).X − ( Fn – a ).X avec a = 0 si n est pair, 1 si n est impair.

8.4. Suites de Fibonacci perturbées.


Considérons la suite définie par u0 = a , u1 = b , un+2 = un+1 + un + c
On constate aussitôt que un+2 + c = un+1 + c + un + c.
Par conséquent, (un + c) est une suite de Fibonacci, et il découle du §6 que
un + c = ( a + b ).Fn−1 + ( b + c ).Fn , donc un = ( a + b ).Fn−1 + ( b + c ).Fn − c
n
Considérons maintenant la suite définie par u0 = 0 , u1 = 1 , un+2 = un+1 + un + (−1) .
Ses premiers termes sont :
0 , 1 , 2 , 2 , 5 , 6 , 12 , 17 , 30 , 46 , 77 , 122 , 200 , 321 , 522 , …
Elle est répertoriée dans l’OEIS sous le numéro A181716 .
Proposition 7 : Cette suite peut aussi être définie par :
u0 = 0 , u1 = 1 , u2 = 2 , un+3 = 2un+1 + un.
Elle est liée à la suite de Fibonacci par la formule :
n
∀n ∈ N un = Fn + Fn−2 + (−1) .

En particulier un = 5−1. ϕn + (−1)n + o(1).


2
+∞
X +2X²
Enfin ∑u .X
n =0
n
n =
(1+ X)(1− X − X²)
Preuve : Notons T l’opérateur de décalage.
2 n
Alors ( T – T – I )(u) = v, où v est la suite (−1) , qui appartient au noyau de T + I.
2 3
Donc ( T + I )( T – T – I )(u) = 0, autrement dit ( T – 2T – I )(u) = 0.
n
La seconde formule peut se démontrer en posant un = xn + (−1) .
On observe alors que x0 = −1 , x1 = 2 , xn+2 = xn+1 + xn .
Or la suite ( Fn + Fn−2 ) vérifie ces propriétés.
Le reste est laissé en exercice.
Autre approche, par séries génératrices :

58
+∞
∑u .X n 2 2
Notant U = n , il vient ( 1 – X – X ).U = u0 + (u1 – u0).X + (u2 – u1 – u0).X + …
n =0
+∞
= X + X – X + X − … = X + X² = X +2X² , d’où ∑u .X X +2X²
2 3 4 n = , etc.
1+ X 1+ X (1+ X)(1− X − X²)
n
n =0

1−(−1)n
Considérons la suite définie par v0 = 0 , v1 = 1 , vn+2 = vn+1 + vn + .
2
Autrement dit vn+2 = vn+1 + vn si n est pair , vn+1 + vn + 1 si n est impair.
Ses premiers termes sont :
0 , 1 , 1 , 3 , 4 , 8 , 12 , 21 , 33 , 46 , 77 , 122 , 200 , 321 , 522 , …
Elle est répertoriée dans l’OEIS sous le numéro A074331.
Proposition 8 : Cette suite peut aussi être définie par :
v0 = 0 , v1 = v2 = 1 , v3 = 2 , vn+4 = vn+3 + 2vn+2 − vn+1 − vn.
Elle est liée à la suite de Fibonacci par la formule :
1+(−1)n
∀n ∈ N vn = Fn+1 − = Fn+1 − 1 si n est pair , Fn+1 si n est impair.
2
+∞
Sa série génératrice est ∑
n =0
vn.X n = X
(1+ X)(1− X)(1− X − X²)
.

Preuve : laissée en exercice. Nous retrouverons cette suite plus tard.


Remarque : Plus généralement, on peut étudier les suites un+2 = un+1 + un + pn, où (pn) est une suite
périodique.
Considérons maintenant la suite (xn) définie par : x0 = 0 , x1 = 1 et xn+2 = xn+1 + xn + Fn.
Calculons xn, et donnons-en un équivalent.
La suite (xn) est caractérisée par x0 = 0 , x1 = 1 et xn+2 − xn+1 − xn = Fn , ou encore par
x0 = 0 , x1 = 1 , x2 − x1 − x0 = 0 , x3 − x2 − x1 = 1 ,
xn+4 − xn+3 − xn+2 − xn+3 + xn+2 + xn+1 − xn+2 + xn+1 + xn = 0.
ou encore par x0 = 0 , x1 = 1 , x2 = 1 , x3 = 3 , xn+4 − 2.xn+3 − xn+2 + 2.xn+1 + xn = 0.
Au fond, si T est l’opérateur de décalage qui à la suite (zn) associe (zn+1), on a
2 2 2 2 2
u ∈ Ker ( T − T – I ) et x ∈ Ker ( T − T – I ) = Ker (T − ϕ.I) o (T − ϕ’.I) , donc
n n
xn = ( an + b ).ϕ + ( cn + d ).ϕ’ .
Tous calculs faits :
ϕn ϕ'n
xn = ( 3n + 3 − nϕ ) − ( 3n + 3 + nϕ’ ) = 3n+3.Fn − n.Fn+1 .
5 5 5 5 5 5
Avec Maple :
> R:=rsolve({x(n+4)-2*x(n+3)-
x(n+2)+2*x(n+1)+x(n)=0,x(0)=0,x(1)=1,x(2)=1,x(3)=3},x(n));
n n

5  −2
1   − 8 + 4 5  ( n + 1 )  −2 1 
     
2  1 − 5   5 5   1 − 5 
R := − +
25 1− 5 ( 1 − 5 )2
n n
2 1   − 8 − 4 5  ( n + 1 )  −2 1 
5  −2     
25  1 + 5   5 5  1 + 5 
+  + 
1+ 5 ( 1 + 5 )2

59
Remarque : 1) On peut aussi utiliser les séries formelles A = ∑F X
n≥0
n
n et B = ∑x X
n≥0
n
n .
2 2 2 X 2
(1 − X – X ).A = X et (1 − X – X ).B = X + X .A, donc A = et B = A + X.A .
1− X − X²
Il reste à décomposer en éléments simples les fractions A et B.
2) Les deux suites précédentes se généralisent sans peine aux suites récurrentes vérifiant
P(T)(u) = v, où v est elle-même suite récurrente linéaire à coefficients constants Q(T)(v) = 0.
Car alors (P.Q)(T)(u) = 0, etc. La situation est analogue à celle des équations différentielles linéaires
P(D)(y) = f, où f est une exponentielle-polynôme.

8.5. Suite de Fibonacci du second ordre.


Etudions la suite (xn) définie par : x0 = 0 , x1 = 1 et xn+2 = xn+1 + xn + Fn .
(xn) = ( 0, 1, 1, 3, 5, 10, 18, 33, 59, 105, 185, … )
Cette suite est référencée A010049 dans l’OEIS, qui note que xn est le nombre de décompositions de
n+1 en sommes de termes ne contenant pas de 1.
Ainsi 6 s’écrit 6 = 4 + 2 = 3 + 3 = 2 + 4 = 2 + 2 + 2 ; en tout 5 décompositions.
Cette suite (xn) est caractérisée par x0 = 0 , x1 = 1 et xn+2 − xn+1 − xn = Fn , ou encore par
x0 = 0 , x1 = 1 , x2 − x1 − x0 = 0 , x3 − x2 − x1 = 1 ,
xn+4 − xn+3 − xn+2 − xn+3 + xn+2 + xn+1 − xn+2 + xn+1 + xn = 0.
ou encore par x0 = 0 , x1 = 1 , x2 = 1 , x3 = 3 , xn+4 − 2.xn+3 − xn+2 + 2.xn+1 + xn = 0.
Au fond, si T est l’opérateur de décalage qui à la suite (zn) associe (zn+1), on a
2 2 2 2
x ∈ Ker ( T − T – I ) = Ker (T − ϕ.I) o (T − ϕ’.I) , donc
n n
xn = ( an + b ).ϕ + ( cn + d ).ϕ’ .
Tous calculs faits :
ϕn ϕ'n
xn = (3n + 3 − nϕ) − (3n + 3 + nϕ’) = 3n+3.Fn − n.Fn+1 .
5 5 5 5 5 5
Avec Maple :
> R:=rsolve({x(n+4)-2*x(n+3)-
x(n+2)+2*x(n+1)+x(n)=0,x(0)=0,x(1)=1,x(2)=1,x(3)=3},x(n));
n n

5  −2
1   − 8 + 4 5  ( n + 1 )  −2 1 
     
2  1 − 5   5 5   1 − 5 
R := − +
25 1− 5 ( 1 − 5 )2
n n
2 1   − 8 − 4 5  ( n + 1 )  −2 1 
5  −2     
25  1 + 5   5 5  1 + 5 
+  + 
1+ 5 ( 1 + 5 )2

Remarque : On peut aussi utiliser les séries formelles A = ∑F X


n≥0
n
n et B = ∑x X
n≥0
n
n .
2 2 2 X
On a ( 1 − X – X ).B = X + X .A, donc B = A + X.A , avec A =
1− X − X²
Il reste à décomposer en éléments simples les fractions A et B.

8.6. Suites obtenues par convolution.


Nous allons maintenant étudier la suite obtenue par convolution avec elle-même de la suite de
Fibonacci. Elle est répertoriée A001629 sur l’OEIS.

60
Proposition 9 : La suite Sn = ∑F .F
0≤ k ≤ n
k n−k est récurrente linéaire, et peut être définie par :.

Sn+4 = 2Sn+3 + Sn+2 – 2Sn+1 – Sn , S0 = S1 = 0 , S2 = 1 , S3 = 2.

De plus, pour tout n Sn = n−1 .Fn + 2n .Fn−1 =


nFn+1−Fn +nFn−1 .
5 5 5
Preuve : La méthode des séries génératrices est ici indiquée :
+∞ +∞
∑Sn.X n = ( ∑Fn .X n ) = (
2 X 2 X²
) =
n =0 n =0 1− X − X² 1−2X − X²+2X 3+ X 4
+∞
( 1 – 2X – X + 2X + X ) ∑Sn.X n = X .
2 3 4 2
Du coup,
n =0
La relation de récurrence linéaire en découle.
Pour montrer la seconde formule, notons que
+∞ +∞ X +X 3
∑nFn .X n = X ∑nFn .X n−1 = X.D(
n =0 n =0
X
1− X − X²
)=
(1− X − X²)²
+∞ +∞ +∞ +∞ +∞
∑nFn −1.X n =
n =0
∑nFn−1.X n =
n =1
∑(n+1)Fn .X n+1 = X. ( ∑nFn .X n +
n =0 n =0
∑ F .X
n =0
n
n )

X²+ X 4 X²
= +
(1− X − X²)² 1− X − X²
Il suffit de vérifier que les séries génératrices des deux membres sont égales.
> F:=X/(1-X-X^2);
X
F :=
1 − X − X2
> DF:=simplify(X*diff(F,X));
X ( 1 + X2 )
DF := 2
( −1 + X + X 2 )
> simplify(1/5*(DF-F)+2*X/5*(DF + F));
X2
2
( −1 + X + X 2 )
Remarques : 1) Sn est le nombre des éléments de tous les sous-ensembles de {1, 2, …, n – 1} ne
contenant pas d’entiers consécutifs. Ainsi S5 = 10, car {1, 2, 3, 4} a 8 sous-ensembles convenables
∅ , {1} , {2} , {3} , {4} , {1, 3} , {1, 4} , {2, 4}, qui contiennent en tout 10 éléments.
2) La suite (nFn) est répertoriée A045925.
3) Plus généralement, la convolée de deux suites récurrentes linéaires est récurrente linéaire.

8.7. Suite de Fibonacci itérée.


La suite n → fib(fib(n)) est répertoriée A007570 dans l’OEIS. Elle a pour premières valeurs :
0 , 1 , 1 , 1 , 2 , 5 , 21 , 233 , 10946 , 5702887 , …
et elle croit très rapidement bien sûr.
Exercice : Trouver un équivalent de cette suite.
> fib:=proc(n)
> option remember;
> if n=0 then 0 elif n=1 then 1 else fib(n-1)+fib(n-2);fi;end;
> [seq(fib(fib(n)),n=0..10)];
[ 0, 1, 1, 1, 2, 5, 21, 233 , 10946 , 5702887 , 139583862445 ]

61
8.8. Transformation de Tchebychev.
+∞
Définition : On appelle transformée de Tchebychev de la série formelle A = ∑ a .X
n =0
n
n ∈ C[[X]] la

série formelle donnée par B = 1− X² .A( X ).


1+ X² 1+ X²
Les résultats suivants sont laissés en exercices :
Proposition 10 : La transformation de Tchebychev est un isomorphisme d’espace vectoriel de
C[[X]].
+∞ +∞
Proposition 11 : La transformée de Tchebychev de la série de Fibonacci ∑Fn .X n est
n =0
∑b .X
n =0
n
n , où

la suite (bn) est 10-périodique, et 5 antipériodique, donnée par :


q q+1
b5q = 0 , b5q+1 = b5q+2 = (−1) , b5q+3 = b5q+4 = (−1) .
La suite (bn) est récurrente linéaire, définie par :
b0 = 0 , b1 = b2 = 1 , b3 = −1 , bn+4 = bn+3 – bn+2 + bn+1 − bn .
Tn (α)−Tn (β) cos(nπ /5)−cos(3nπ /5)
Elle s’écrit bn = = ,
α −β 5 /2
où α=
ϕ = 1+ 5 = cos π & β=
ϕ = 1− 5 = cos 3π .
2 4 5 2 4 5
Enfin, la fonction n → b(n) = bn est multiplicative, donnée sur les nombres primaires par :
k k+1 k
b(p ) = (−1) si p = 2 , 0 si p = 5 , 1 si p ≡ 1 ou 9 ( mod 10 ) , (−1) si p ≡ 3 ou 7 ( mod 10 ) .
et elle verifie en outre la propriété de divisibilité : n | m ⇒ bn | bm .
Exercice : Calculer les premiers termes de la transformée de Tchebychev inverse de la série de
Fibonacci.
Remarque : Ces transformée de Tchebychev directe et inverse sont répertoriées A100047 et
A100095 resp. dans l’OEIS.

8.9. Suite « de Tribonacci ».


Etudions la suite (xn) définie par : x0 = 0 , x1 = 1 , x2 = 1, et xn+3 = xn+2 + xn+1 + xn .
(xn) = ( 0 , 1 , 1 , 2 , 4 , 7 , 13 , 24 , 44 , 81 , … )
Cette suite est référencée A000073 dans l’OEIS.
Exercice : Série génératice de cette suite ? Limite de la suite (xn+1/xn) ?
0 0 1
On considère la matrice A = 1 1 1 . Etudier la suite de ses puissances.
0 1 0
Exercice : A tout mot m ∈ Mo({0, 1, 2}), on associe l’entier T(m) obtenu en remplaçant 1 par 10, 0
par 12 et 2 par 1. On considère la suite m0 = 1, mn+1 = T(mn).
1) Calculer mn pour n ≤ 6. 2) Montrer que mn+3 = mn+2.mn+1.mn.
3) Etudier la suite Ln des longueurs de ces mots, et le mot limite.
[ Le Monde, Affaire de logique, n° 1169 ]
On définit aussi des suites de « Tétranacci » (A073817), « Pentanacci » (A074048), etc.

62
8.10. Suite fractale de Fibonacci.
Il s’agit de la suite 1 , 1 , 1 , 2 , 1 , 2 , 3 , 1 , 2 , 3 , 4 , 5 , 1 , 2 , 3 , 4 , 5 , 6 , 7 , 8 , …
répertoriée A194029 dans l’OEIS. C’est une suite « hésitante » (reluctant en anglais), au sens donné
à ce terme par Jean-Paul Delahaye, Des suites fractales d’entiers (Pour la science, janvier 2022).
Bof, bof,…

9. Polynômes de Fibonacci, ou q-nombres de Fibonacci.

9.1. Qu’est-ce que le q-calcul ?


En combinatoire, un q-analogue d’un nombre, d’une identité ou d’un théorème, est une généra-
lisation de ce nombre, de cette identité ou de ce théorème, impliquant un nouveau paramètre q, ou
indéterminée, qui se spécialise en le nombre, l’identité ou le théorème originels lorsque l’on fait
q = 1 ou lorsque l’on fait tendre q vers 1.
n−1 1−qn
Ainsi, le q-analogue de l’entier naturel n est le polynôme [n]q = 1 + q + … + q = .
1−q
Le q-analogue de la factorielle n! est le produit [n]q! = [1]q . [2]q … [n]q .
Et l’on peut définir des coefficients q-binomiaux, ou coefficients binomiaux de Gauss.
Ces extensions se rencontrent notamment lors du dénombrement de sous-espaces vectoriels d’un
espace vectoriel sur un corps fini (q est alors un nombre primaire).
En analyse, on peut définir une q-exponentielle, une q-fonction Gamma, une q-intégrale, ou
intégrale de Jackson, etc.

9.2. q-nombres de Fibonacci.


Voici les q-nombres de Fibonacci et de Lucas (X et q sont ici interchangeables). Lorsque q = 1, on
retrouve les nombres habituels.
Définition 1 : On nomme suite de Fibonacci polynomiale la suite de polynômes de Z[X] donnée
par F0(X) = 0 , F1(X) = 1 , Fn+2(X) = X.Fn+1(X) + Fn(X).
Fn(X) est appelé n-ème polynôme de Fibonacci, Fn(q) est appelé n-ème q-nombre de Fibonacci,
On nomme suite de Lucas polynomiale la suite de polynômes de Z[X] donnée par
L0(X) = 2 , L1(X) = X , Ln+2(X) = X.Ln+1(X) + Ln(X).
Ln(X) est appelé n-ème polynôme de Lucas, Ln(q) est appelé n-ème q-nombre de Lucas.

Proposition 1 : i) Les polynômes Fn(X) ont tous leurs coefficients dans N.


ii) Pour n ≥ 1, Fn(X) est un polynôme de degré n – 1 et unitaire.
iii) Pour n ≥ 1, Fn(X) est un polynôme pair si n est impair, impair si n est pair.
iv) Fn(0) = 0 si n est pair, 1 si n est impair.
v) Fn(1) = Fn.
vi) Pour tout n ≥ 0, Ln(X) = 2.Fn−1(X) + X.Fn(X) ( avec la convention F−1(X) = 1 ).

Proposition 2 : Variations de Fn.


Si n est impair, Fn est pair, décroit puis croit, et est à valeurs ≥ 1, Fn(0) = 1 étant son minimum.
Si n est pair > 0, Fn est impair, croissant, et nul en 0.
Fn+1(X) 1
Proposition 3 : Pour n > 0, =X+ où il y a n – 1 barres de fraction.
Fn (X) X+ 1
X+ 1
...+ 1
X

63
Proposition 4 : ∀n ∈ N [ FFn+n 1((XX)) ] =  X 1 n [ F1 (X) ] =  X 1 n [ 1 ] .
 1 0 F0 (X)  1 0 0

Corollaire 1 : ∀n ≥ 1  X 1 n = Fn+1(X) Fn (X)  .


 1 0  Fn (X) Fn−1(X)
2 n
Corollaire 2 : ∀n ≥ 1 Fn+1(X).Fn−1(X) – Fn(X) = (−1) .

Corollaire 3 : ∀m ≥ 0 ∀n ≥ 1 Fm+n(X) = Fm+1(X).Fn(X) + Fm(X).Fn−1(X) .

Exercice : Démontrer que Fn(X).et Fn+1(X) sont premiers entre eux, et que
pgcd(Fm(X), Fn(X)) = Fpgcd(m,n)(X).

Fn+1(q) q+ q²+4
Proposition 5 : Si q > 0, la suite ( ) tend vers le q-nombre d’or : ϕq = .
Fn (q) 2

Proposition 6 : Dans C[X][[T]] et C[X][ X²+4 ][[T]] on a les identités : .


+∞ +∞
∑F (X).T
n =0
n
n = T = 1 ( 1 − 1 )= 1
1− XT −T² ϕ −ϕ' 1−ϕT 1−ϕ'T ϕ −ϕ' ∑(ϕ −ϕ' ).T
n =0
n n n

+∞ +∞
2− XT = 1 + 1 =
∑Ln(X).T n =
n =0 1− XT −T² 1−ϕT 1−ϕ'T ∑(ϕ +ϕ' ).T
n =0
n n n

où ϕ = X + X²+4 et ϕ’ = X − X²+4 .
2 2

Corollaire : Fn(X) = 1 [ ( X + X²+4 )n − ( X − X²+4 )n ]


X² + 4 2 2

Ln(X) = ( X + X²+4 ) + ( X − X²+4 )


n n
2 2
Remarques : 1) Il s’agit d’une expression dans C[X][ X²+4 ].
On aurait pu retrouver cela à l’aide de la théorie des suites récurrentes linéaires.
2) Les polynômes de Fibonacci sont liés aux polynômes de Tchebychev de seconde espèce.
3) Si l’on prolonge à Z la suite (Fn(X)) à l’aide de la même formule de récurrence, on constate que
n+1
F−n(X) = (−1) Fn(X)

Les coefficients de Fn(X) sont les coefficients binomiaux situés sur la n-ème transervale du triangle
de Pascal :
Proposition 7 : Pour n ≥ 1,

∑C
n–1 n–3 n–5 n–7
Fn(X) = X + Cn1−2 X + Cn2−3 X + Cn3−4 X +…= k
n −1− k.X n−2k −1 .
0≤k ≤ n −1
2

Preuve : Cela peut se démonter par récurrence double,


+∞ +∞
ou bien en partant de ∑Fn (X).T n = T
n =0
∑(XT +T )
k =0
2 k et en identifiant.

Corollaire : Pour n ≥ 1, Fn = 1 + Cn1−2 + Cn2−3 + Cn3−4 + … = ∑C k


n −1−k = ∑C k
n −1− k .
0≤ k ≤ n −1 k
2

Il suffit de faire X = 1 dans la prop 7.


Proposition 8 : Factorisations.

64
n −1
(X²+4cos² kπ ) ∏(X²+4cos² 22nk+π1) .
n
F2n(X) = X ∏
k =1 n
et F2n+1(X) =
k =1

Corollaire : Fn = ∏ (1+4cos² knπ ) = ∏ (3+2cos 2knπ ) .


1≤k ≤ n −1 1≤k ≤ n −1
2 2

Les polynômes de Fibonacci sont préprogrammés dans Maple :


> with(combinat):for n from 0 to 10 do fibonacci(n,x);od;
0
1
x
x +1
2

x3 + 2 x
x 4 + 3 x2 + 1
x 5 + 4 x3 + 3 x
x 6 + 5 x 4 + 6 x2 + 1
x 7 + 6 x 5 + 10 x3 + 4 x
x 8 + 7 x6 + 15 x 4 + 10 x2 + 1
x 9 + 8 x7 + 21 x 5 + 20 x3 + 5 x
Exercice : On nomme polynômes de Fibonacci à deux indéterminées la suite de polynômes de
Z[X, Y] définie par F0(X, Y) = 0 , F1(X, Y) = 1 , Fn+2(X, Y) = X.Fn+1(X, Y) + Y.Fn(X, Y).
1) Programmer le calcul de ces polynômes.
2) Trouver diverses identités les concernant. Liens avec les suites de Fibonacci et Jacobstahl ?
3) Série génératrice ? Factorisation ?

10. Propriétés optimales de la suite de Fibonacci.

La suite de Fibonacci possède des propriétés optimales. Nous en mentionnons ici deux, mais il y en
a d’autres, liées à l’étude des radicaux superposés.

10.1. Le théorème de Lamé 14.


Commençons par rappeler l’algoritthme d’Euclide de calcul du pgcd de deux entiers a et b > 0:
Si b = 0, poser d = a. Sinon, considérons l’algorithme :
a = r0 , b = r1
r0 = r1.q1 + r2 0 < r2 < r1 On ne peut avoir indéfiniment ri ≠ 0 ,
r1 = r2.q2 + r3 0 < r3 < r2 sans quoi (ω(ri)) serait une suite infinie
. . . . . . . . . . . . . . . . strictement décroissante d’entiers naturels
ri−2 = ri−1.qi−1 + ri 0 < ri < ri−1 c’est impossible en vertu du principe de
. . . . . . . . . . . . . . . . descente infinie de Fermat.
rn−2 = rn−1.qn−1 + rn 0 < rn < rn−1 Il y a donc un dernier reste non nul, rn.
rn−1 = rn.qn rn+1 = 0
Montrons que d = rn est un pgcd de a et b. En effet :

14 Gabriel Lamé (Tours, 1795 – Paris, 1870) avait démontré, en 1839, le grand théorème de Fermat
pour n = 7. Il prétendra à tort l’avoir démontré en 1847, mais il a fait beaucoup d’autres choses.

65
• Si x divise a et b, x divise r2 = r0 − r1.q1 , puis r3 = r1 − r2.q2 et par récurrence descendante, il
divise tous les rk, donc d.
• Inversement, d divise rn et rn−1, donc rn−2 = rn−1.qn−1 + rn et par récurrence ascendante, il
divise tous les rk, donc b puis a.
Le nombre n d’itérations est une fonction du couple (a, b), que nous noterons L(a, b).
Nous prolongeons L à N×N en convenant que L(a, b) = 0 si a ou b = 0.
Proposition 1 : La fonction L : N×N → N satisfait aux conditions :
(I) ∀a ∈ N L(a, 0) = 0.
(II) ∀(a, b) ∈ N×N* L(a, b) = L(b, a mod b), où a mod b désigne ici le reste euclidien de a par b.
Proposition 2 : Pour n ≥ 2, L(Fn+2, Fn+1) = n.
Si a > b > 0 et si d = pgcd(a, b), alors a ≥ d.Fn+2 et b ≥ d.Fn+1.
Si a > b > 0 et L(a, b) = n, alors a ≥ Fn+2 et b ≥ Fn+1.
Théorème de Lamé (1845) : Le nombres d’itérations de l’algorithme d’Euclide nécessaires pour
calculer le pgcd de deux entiers naturels a et b vérifiant a > b > 0 est majoré par 5 fois le nombre de
chiffres décimaux du plus petit de ces deux nombres.
Je renvoie à Naudin Quitté, Algorithmique algébrique (p. 133-134) et Demazure, Cours d’algèbre
(p. 25-29).

10.2. Suite de Fibonacci et théorie de la recherche.


Je renvoie ici à l’excellent passage du petit livre de N. Vorobiev (p. 183) que m’avait signalé jadis
mon collègue statisticien Jean-Claude Deville. Ah ! l’heureux temps où les Editions de Moscou
popularisaient à bas prix les mathématiques soviétiques pour les classes populaires des pays
occidentaux, en espérant qu’elles votent communiste ! Et elles votaient communiste, alors. Le
monde était simple, en ce temps-là.

ϕ] des entiers du nombre d’or.


11. L’anneau Z[ϕ
Ces mille questions
Qui se ramifient
N’amènent, au fond,
Qu’ivresse et folie ;
Arthur Rimbaud
Nous allons maintenant étudier les propriétés arithmétiques du plus petit sous-anneau de Q
contenant le nombre d’or ϕ, noté Z[ϕ], et au passage nous résoudrons les équations diophantiennes
de Fermat (dites aussi de Pell-Fermat) :
2 2 2 2
a + ab − b = 1 (1) et x − 5y = 1 (2)
2 2 2 2
et trouverons les entiers relatifs de la forme a + ab − b ou de la forme x − 5y .
Ce problème est très voisin du problème des deux carrés 15, et l’anneau Z[ϕ] a une arithmétique
très proche de celle de l’anneau Z[i] des entiers de Gauss. Ces deux anneaux sont en effet
euclidiens, mais il y a entre eux une différence : alors que le groupe des unités de Z[i] est fini, a 4
éléments : Z[i]* = { 1, i , – 1, – i }, nous allons voir le groupe des unités de Z[ϕ] est infini.

11.1. Prolégomènes et paralipomènes.


2 2 2 y 2 y 2
L’identité ∀(x, y) ∈ R x + x.y − y = ( x + ) − 5.( ) = ( x + y.ϕ )( x + y.ϕ’ ) (3).
2 2

15 Voir mon chapitre sur les Théorèmes des deux, trois et quatre carrés.

66
montre que résoudre (1) revient à chercher les points à coordonnées entières d’une hyperbole
d’asymptotes x = ± y.ϕ.
2
Si (a, b) ∈ Z est solution de (1) avec b pair, alors (x, y) = ( a + b , b ) est solution de (2).
2 2
2 2
Si (x, y) ∈ Z est solution de (2), alors (a, b) = (x – y, 2y) ∈ Z est solution de (1).
Ainsi, la résolution de (2) est une conséquence de la résolution de (1), car les solutions de (2) sont
en bijection avec une partie de celles de (1).
2 2 2
Proposition 1 : L’ensemble E des entiers relatifs de la forme n = x − 5y , où (x, y) décrit Z , est
une partie infinie de Z, stable par multiplication, ne contenant aucun entier n ≡ 2 ( mod 4 ), ni aucun
entier n ≡ 2 ou 3 ( mod 5 ) et tel que – E = E.
Preuve : E est infini puisqu’il contient tous les carrés de Z (faire y = 0).
La stabilité par multiplication découle de l’identité de Brahmagupta :
2 2 2 2 2 2
( x − 5y ) ( u − 5y ) = ( xu + 5yv ) − 5( xv + yu ) (4)
2 2 2 2
Raisonnons modulo 4 : n = x − 5y ≡ x − y = ( x − y )( x + y ) ( mod 4 )
Ce nombre est, soit impair (si x et y n’ont pas même parité), soit divisible par 4, sinon.
2 2 2
Raisonnons modulo 5 : x − 5y ≡ 2 ou 3 ( mod 5 ) ⇒ x ≡ 2 ou 3 ( mod 5 ), ce qui est impossible, si
l’on dresse la table des carrés modulo 5..
2 2
Enfin, − E = E découle de – 1 = 2 − 5.1 ∈ E par exemple.
2 2 2
Proposition 2 : L’ensemble F des entiers relatifs de la forme n = a + ab − b , où (a, b) décrit Z. ,
est une partie infinie de Z, stable par multiplication, ne contenant aucun entier n ≡ 2 ( mod 4 ), ni
aucun entier n ≡ 2 ou 3 ( mod 5 ), et telle que − F = F.
Preuve : F est infini car il contient tous les carrés de Z et leurs opposés (faire b = 0 puis a = 0).
La stabilité de F par multiplication découle de l’identité :
2 2 2 2 2 2
( a + ab − b ) ( c + cd − d ) = x + xy − y (5)
où x = ac + bd , y = ad + bc + bd.
Cette identité peut se vérifier directement ou se déduire, avec un peu d’huile de coude, de celle de
Brahmagupta et de (3).
2 2
L’impossibilité de a + ab − b ≡ 2 ( mod 4 ) se montre par examen de tous les cas dans Z/4Z.
2 2 2 2
Ou encore : a + ab − b ≡ 2 ( mod 4 ) ⇒ a + ab − b ≡ 0 ( mod 2 )
2 2
⇒ a et b sont pairs ⇒ a + ab − b ≡ 0 ( mod 4 ) .
Enfin, 4 étant inversible modulo 5 :
2 2 2 2
a + ab − b ≡ 2 ou 3 ( mod 5 ) ⇔ 4a + 4ab − 4b ≡ 3 ou 2 ( mod 5 )
2 2 2
⇔ (2a + b) − 5b ≡ 3 ou 2 (mod 5) ⇒ (2a + b) ≡ 3 ou 2 (mod 5). Impossible !
Enfin, − F = F découle de – 1 ∈ F par exemple.
Proposition 3 : Les ensembles E et F sont égaux. Et n ∈ F ⇒ 4n ∈ E.
2 2 2
Preuve : 1) L’inclusion E ⊂ F est facile. Soit n ∈ E, n = x − 5y , où (x, y) décrit Z .
2 2 2 2
Si l’on pose b = 2y et a = x – y , alors n = ( a + b ) − 5.( b ) = a + ab − b ∈ F.
2 2
2 2 2
2) L’inclusion F ⊂ E est plus retorse. Soit n = q(a, b) = a + ab − b , où (a, b) décrit Z .
2 2
Si b est pair, pas de souci : n = ( a + b ) − 5.( b ) ∈ E.
2 2
Pour traiter les autres cas, notons que n = q(a, b) = − q(b, a + b) = q(a + b, a + 2b).
Si b est impair et a impair, − n = q(b, a + b) ∈ E, donc n ∈ E.
Si b est impair et a pair, n = q(a + b, a + 2b) ∈ E.

67
2 2 2 2
3) n = a + ab − b ⇒ 4n = ( 2a + b ) − 5b ⇒ 4n ∈ E ; mais ceci découle aussi de 4 ∈ E = F

Sans doute pourrait-on poursuivre cette étude à l’aide de subtiles et laborieuses méthodes de
descente infinie de Fermat, mais nous allons plutôt suivre les algébristes du 19ème siècle, Gauss,
Dirichlet, Kummer et Dedekind, en introduisant des anneaux de nombres naturellement liés aux
problèmes à résoudre. « Naturellement »…, du moins, depuis leurs travaux !

11.2. Les anneaux de nombres.


« Pour résoudre les problèmes, il faut les laisser se dissoudre
dans une marée montante de théories générales. »
Alexandre Grothendieck
2
Proposition 4 : Q[ 5 ] = { α = x + y 5 ; (x, y) ∈ Q } est un sous-corps de R, et une sous Q-
algèbre de dimension 2. Il admet deux automorphismes, l’identité et la conjugaison :
σ:α=x+y 5 → α =x−y 5.
Les éléments de Q[ 5 ] sont des nombres algébriques de degré 1 (s’ils appartiennent à Q) ou 2.
Si y ≠ 0, le polynôme minimal de α = x + y 5 sur Q est
( X – α )( X – α ) = X − 2xX + x – 5y .
2 2 2

Exemple : ϕ et ϕ’ = ϕ sont deux éléments de Q[ 5 ], ayant pour polynôme minimal X – X – 1.


2

Définition 1 : Si α = x + y 5 ∈ Q[ 5 ], on appelle trace de α, T(α) = α + α = 2x, norme de α,


N(α) = α. α = x – 5y .
2 2

2 2
Exemple : Si α = a + bϕ, où (a, b) ∈ Q×Q, T(α) = 2a + b , N(α) = a + ab − b .
Proposition 5 : La trace est une forme Q-linéaire, la norme est multiplicative :
2
i) ∀(α, β) ∈ Q[ 5 ] N(α.β) = N(α).N(β)
ii) ∀α ∈ Q[ 5 ] N(α) = 0 ⇔ α = 0.

Ce sont resp. la trace et le déterminant de la matrice 


x 5y ∈ M (Q) canoniquement associée à α.
 y x 
2

Avant de poursuivre notre course folle, cherchons les éléments de norme ±1 dans Q[ 5 ].

Proposition 6 : Eléments de norme 1 dans Q[ 5 ].

{ (x, y) ∈ Q×Q ; x – 5y = 1 } = { ( 5t²+1 , 2t ) ; t ∈ Q } ∪ { (1, 0) }.


2 2
5t²−1 5t²−1
{ (x, y) ∈ Q×Q ; x – 5y = −1 } = { (2 5t²−5t +1 , −5t²+4t −1 ) ; t ∈ Q } ∪ { (2, 1) }.
2 2
5t²−1 5t²−1
2 2
{ (a, b) ∈ Q×Q ; a + ab – b = 1 } = { ( t ² +1 , t ² + 2t ) ; t ∈ Q } ∪ { (1, 0) }.
t²−t −1 t²−t −1
{ (a, b) ∈ Q×Q ; a + ab – b = − 1 } = { ( 1−2t , −t²−1 ) ; t ∈ Q } ∪ { (0, 1) }.
2 2
t²−t −1 t²−t −1
Preuve : Il s’agit d’obtenir des paramétrisations rationnelles des points d’une conique (en
l’occurrence des hyperboles). Les points isolés s’obtiennent en faisant t = ∞. Pour cela il suffit de
couper la conique par une droite passant par l’un de ses points. Maple fait cela très bien :
> solve({x^2-5*y^2=1,y=t*(x-1)},{x,y});
solve({x^2-5*y^2=-1,y-1=t*(x-2)},{x,y});
5 t2 + 1 t
{ y = 0 , x = 1 }, { x = ,y=2 }
−1 + 5 t 2
−1 + 5 t 2

68
5 t2 − 5 t + 1 1 + 5 t2 − 4 t
{ x = 2 , y = 1 }, { x = 2 , y = − }
−1 + 5 t 2 −1 + 5 t 2
> solve({a^2+a*b-b^2=1,b=t*(a-1)},{a,b});
solve({a^2+a*b-b^2=-1,b-1=t*a},{a,b});
t2 + 1 t (2 + t)
{ a = 1 , b = 0 }, { a = ,b= }
−1 − t + t 2
−1 − t + t 2
−1 + 2 t t2 + 1
{ b = 1, a = 0 }, { a = − ,b=− }
−1 − t + t 2 −1 − t + t 2

2
Proposition 7 : Z[ϕ] = { α = a + b.ϕ ; (a, b) ∈ Z } est un sous-anneau intègre de Q[ 5 ]. Ses
éléments sont appelés entiers du nombre d’or.
2 2
De plus Z[ 5 ] = { α = x + y 5 ; (x, y) ∈ Z } = { α = a + 2b.ϕ ; (a, b) ∈ Z }
est un sous-anneau intègre strict de Z[ϕ]. La conjugaison σ induit un automorphisme involutif de
chacun de ces anneaux, noté encore σ.
Si α = a + b.ϕ , σ(α) = a + b.ϕ’ = a + b ( 1 − ϕ ) = a + b − b.ϕ .
Si α = x + y. 5 , σ(α) = a − b 5 .
n n
Exemples : 1) Pour tout n ∈ N, ϕ est élément de Z[ϕ]. Nous avons déjà noté que ϕ = Fn−1 + Fn.ϕ.
Cette formule s’étend à n ∈ Z, car ϕ est un élément inversible de Z[ϕ], d’inverse –1 + ϕ.
n
2) Pour tout n ∈ N, exprimer 5 dans Z[ϕ].
m+n m n
Exercice : en notant que ϕ = ϕ .ϕ , quelle formule retrouve-t-on ?
Deux remarques savantes :
2
1) Les anneaux intègres Z[ϕ] et Z[ 5 ] ne sont pas isomorphes, car l’équation x – x – 1 = 0 a 2
solutions dans le premier, 0 dans le second (nous verrons dans la suite que le premier est principal,
et pas le second). Cependant, ils ont même corps des fractions, à savoir Q[ 5 ].
2) Les éléments de Z[ϕ] sont les « entiers » du corps Q[ 5 ], en ce sens que ce sont les éléments de
ce corps dont le polynôme minimal est à coefficiens dans Z.
2 2 2
Soit en effet α = x + y 5 ∈ Q[ 5 ] tel que X − 2xX + x – 5y ∈ Z[X].
2 2 2 2 2
Alors 2x ∈ Z et x – 5y ∈ Z, donc 4x – 5(2y) ∈ Z, donc 5(2y) ∈ Z,
p 2 2 2 2 2
Ecrivons y = ( p ∧ q = 1 ). On a q | 20.p . Comme p ∧ q = 1, q | 20, donc q = 1 ou 2.
q
Ainsi 2x et 2y ∈ Z. Posons alors x = a et y = b , où a et b ∈ Z. Alors a²−5b² ∈ Z.
2 2 4
− Si b est pair, a est pair. Alors α = x + y 5 ∈ Z[ 5 ] ⊂ Z[ϕ].
2 2
− Si b est impair, b ≡ 1 ( mod 4 ), donc a ≡ 1 ( mod 4 ) et a est impair.
Alors α = x + y 5 ∈ Z[ϕ]. Réciproque facile.
Ce phénomène, qui a donné bien du fil à retordre aux algébristes du 19ème siècle, est propre à tous les
corps quadratiques Q[ d ], où d ≡ 1 (mod 4). Dans ces corps, l’anneau des « entiers » n’est pas

Z[ d ], mais Z[ 1+ d ].
2
Définition 2 : Pour tout élément α = a + b.ϕ ∈ Z[ϕ], on appelle :
• norme de α l’entier relatif N(α) = α. α = a + a.b − b
2 2

• stathme de α l’entier naturel w(α) = | N(α) |.


2 2 2 2
Exemple : si α = x + y 5 ∈ Z[ 5 ], N(α) = x − 5y , w(α) = | x − 5y | ( et T(α) = 2a + b )

69
Proposition 8 : La norme N vérifie :
2
i) ∀(α, β) ∈ Z[ϕ] N(α.β) = N(α).N(β)
ii) ∀α ∈ Z[ϕ] N(α) = 0 ⇔ α = 0.
Cette proposition permet de retrouver les identités de Brahmagupta (4) et (5) du § 11.1.
Exercice : On munit l’ensemble Z×Z de l’addition usuelle et d’une multiplication définie par :
(a, b).(c, d) = (ac + bd, ad + bc + bd)
1) En utilisant la correspondance (a, b) ∈ Z×Z → a + bϕ ∈ Z[ϕ], démontrer que, pour ces deux
lois, Z×Z est un anneau commutatif et intègre, et que σ : (a, b) → (a + b, −b) est un automorphisme
involutif de cet anneau. Que vaut le produit (a, b).σ(a, b) ?
2) Démontrer que (0, 1) est un élément inversible de cet anneau, et calculer ses puissances,
positives et négatives.
Exercice : Démontrer que l’anneau Z[ϕ] est isomorphe à l’anneau des matrices de la forme
a b  , où (a, b) décrit Z×Z. Quelles sont les puissances de 0 1 ?
b a+b 1 1

11.3. Unités de Z[ϕ], théorème de Lucas.


Rappelons que si A est un anneau, on note A* le groupe multiplicatif des éléments inversibles de A,
appelés aussi, traditionnellement, « unités » de A.
Proposition 9 : ∀α ∈ Z[ϕ] α ∈ Z[ϕ]* ⇔ N(α) = ±1.
Z[ϕ]*+ = { α ∈ Z[ϕ]* ; N(α) = 1 } est un sous-groupe de Z[ϕ]*.
Z[ 5 ]* = Z[ϕ]* ∩ Z[ 5 ].
Preuve : Soit α ∈ Z[ϕ]. α est inversible dans Z[ϕ]* ss’il existe β ∈ Z[ϕ] tel que α.β = 1. Alors
N(α).N(β) = 1. N(α) est un élément inversible de Z donc N(α) = ±1.
Réciproquement, si α ∈ Z[ϕ] vérifie N(α) = ±1, alors α.σ(α) = ±1, donc α est inversible dans Z[ϕ]
et a pour inverse ± σ(α).
Z[ϕ]*+ = { α ∈ Z[ϕ]* ; N(α) = 1 } est un sous-groupe de Z[ϕ]* comme noyau du morphisme
N : Z[ϕ]* → {±1}.
L’inclusion Z[ 5 ]* ⊂ Z[ϕ]* ∩ Z[ 5 ] est immédiate. Réciproquement, si α ∈ Z[ϕ]* ∩ Z[ 5 ],
l’inverse de α dans Z[ϕ] est ± σ(α). Il appartient à Z[ 5 ]. Cqfd.
Exemple : α = 13 – 8ϕ est élément de Z[ϕ]* car N(α) = (13 – 8ϕ)(13 – 8ϕ’) = 1
L’inverse de α est 13 – 8ϕ’ = 5 + 8ϕ.
Théorème 10 : Unités de Z[ϕ ϕ].
Les éléments de Z[ϕ]* sont les éléments de la forme α = ε.ϕn où ε ∈ {+1,−1} et n ∈ Z.
Le groupe multiplicatif Z[ϕ]* est isomorphe au groupe additif Z/2Z×Z.
Preuve : Elle repose sur trois lemmes.
Lemme 1 : ∀ε ∈ {+1,−1} (∀n ∈ Z) ε.ϕn ∈ Z[ϕ]* .
Il suffit de vérifier que −1 et ϕ sont éléments de Z[ϕ]* .
Lemme 2 : Il n’existe pas d’élément α ∈ Z[ϕ]* tel que 1 < α < ϕ.
−1
Preuve : Posons α = x + y.ϕ tel que 1 < α < ϕ. Alors −1 < σ(α) = ± α < 1.
1 < x + y.ϕ < ϕ
−1 < − x − y ϕ < 1
Additionnons 0 < y 5 < ϕ + 1, d’où y = 1.

70
Reportons 1 < x + ϕ < ϕ , donc 1 − ϕ < x < 0. Impossible !
n n+1
Lemme 3 : Soit α ∈ Z[ϕ]*. ∃ε ∈ {+1,−1} (∃n ∈ Z) ϕ ≤ ε.α < ϕ .
Preuve :
n n+1
Concluons ! Soit α ∈ Z[ϕ]* et (ε, n) ∈ {+1,−1}×Z tel que ϕ ≤ ε.α < ϕ .
−n −n n
Alors 1 ≤ ε.α.ϕ < ϕ. En vertu du lemme 2, on a nécessairement ε.α.ϕ = 1, donc ε.α = ϕ . QED
n
Il est alors aisé de démontrer que l’application F : (ε, n) ∈ ({−1, +1},×)×(Z, +) → ε.ϕ ∈ Z[ϕ]*
un isomorphisme de groupes.

Corollaire : Unités de Z[ 5 ].
Les éléments de Z[ 5 ]* sont les α = ε.ϕ3n = ε.( 2 + 5 )3n où ε ∈ {+1,−1} et n ∈ Z.
Le groupe multiplicatif Z[ 5 ]* est isomorphe au groupe additif Z/2Z×Z.
Preuve : Tout revient à savoir quand ϕn est élément de Z[ 5 ].
n
Or ϕ = Fn−1 + ϕ.Fn . Il appartient à Z[ 5 ] ssi Fn est pair i.e; ssi 3 | n. Cqfd.

Théorème 11 (Lucas, 1876) :


2 2 2
a) Les solutions (a, b) ∈ Z de l’équation a + ab − b = ± 1
sont les couples ± ( Fn−1, Fn) , où n décrit Z.
ou encore les couples ± (Fn, Fn+1) et ± (Fn+1, −Fn) , où n décrit N.
2 2 2
b) Les solutions (a, b) ∈ Z de l’équation a + ab − b = + 1.
sont les couples ± ( F2n−1, F2n) , où n décrit Z.
ou encore les couples ± ( F2n−1, F2n) où n ≥ 1 et ± (F2n+1, −F2n) où n décrit N.
2 2 2
c) Les solutions (x, y) ∈ Z de l’équation x − 5.y = ± 1.

sont les couples ± ( F3n−1 +


F3n , F3n ) , où n décrit Z.
2 2
2 2 2
d) Les solutions (x, y) ∈ Z de l’équation x − 5.y = + 1.

sont les couples ± ( F6n−1 +


F6n , F6n ) , où n décrit Z.
2 2
2 2 2
Preuve : a) (a, b) ∈ Z est solution de l’équation a + ab − b = ± 1
n
ssi α = a + b.ϕ ∈ Z[ϕ]* , i.e. ssi α = ± ϕ = ± ( Fn−1 + ϕ.Fn ) où n ∈ Z.
Cela équivaut à (a, b) = ± ( Fn−1, Fn ) où n ∈ Z.
2 2 2
b) (a, b) ∈ Z est solution de l’équation a + ab − b = + 1
n n
ssi α = a + b.ϕ ∈ Z[ϕ]* et N(α) = 1, i.e. ssi α = ± ϕ = ± ( Fn−1 + ϕ.Fn ) où n ∈ Z. et N(± ϕ ) = 1.
n n n
Or N(± ϕ ) = N(ϕ) = (−1) = 1 ssi n est pair.
Cela équivaut à (a, b) = ± ( F2n−1, F2n ) où n ∈ Z.
2 2 2
c) (x, y) ∈ Z est solution de l’équation x − 5.y = ± 1.
ssi α = x + y 5 = x − y + 2y.ϕ est élément de Z[ 5 ]* = Z[ϕ]* ∩ Z[ 5 ].
ssi (x − y , 2y) = ± ( Fn−1, Fn ) où n décrit Z. Or Fn est pair ssi 3 | n. On conclut aussitôt.
d) Même argument qu’en c) avec en plus N(α) = 1, c’est-à-dire 2 | n.
2 2 2
Corollaire : a) Les solutions (x, y) ∈ Z de l’équation x − 5.y = ± 4.
sont les couples ± (Ln , Fn) où n décrit Z.

71
2 2 2
b) Les solutions (x, y) ∈ Z de l’équation x − 5.y = + 4.
sont les couples ± (L2n , F2n) où n décrit Z.
2 2 2
Preuve : a) Soit (x, y) ∈ Z tel que x − 5.y = ± 4. x et y ont alors même parité.
x+ y 5 x− y
Posons α = = + yϕ. C’est un élément de Z[ϕ] tel que N(α) = ± 1., donc c’est une
2 2
n
unité de cet anneau. En vertu de ce qui précède, α = ± ϕ = ± ( Fn−1 + ϕ.Fn ) où n ∈ Z.
x− y
Par conséquent ( , y.) = ± ( Fn−1, Fn ) et (x, y) = ± (Ln , Fn)
2
Pour b), remplacer n par 2n.

ϕ] est euclidien.
11.4. L’anneau Z[ϕ
Filles des nombres d’or,
Fortes des lois du ciel,
Sur nous tombe et s’endort
Un dieu couleur de miel.
Paul Valéry, Charmes
Théorème 12 : Soient α et β deux éléments de Z[ϕ] avec β non nul. Il existe au moins un couple
(θ, ρ) d’éléments de Z[ϕ] tels que α = β.θ + ρ avec | N(ρ) | < | N(β) |.
En d’autres termes, l’anneau Z[ϕ] est euclidien pour le stathme α ∈ Z[ϕ] → | N(α) | ∈ N.

Preuve : Le résultat à prouver s’écrit α = θ +


ρ , avec | N( ρ ) | = | N(ρ) | < 1
β β β N(β )
où l’on a prolongé la fonction N à Q[ 5 ]. Cela découle aussitôt du :

Lemme : ∀ζ ∈ Q[ 5 ] ∃κ ∈ Z[ϕ] | N(ζ − κ) | < 1.


y y
Preuve : Posons ζ = X + Y 5 et κ = x + yϕ = x + + 5 , où (X, Y) ∈ Q×Q et (x, y) ∈ Z×Z.
2 2
y 2 y 2
On a | N(ζ − κ) | ≤ ( X − x + ) +5(Y− ) .
2 2
Pour tout Y ∈ Q on peut choisir un entier y tel que | 2Y – y | ≤ ½ ,
y
puis un entier x tel que | X − x + | ≤ ½. Alors | N(ζ − κ) | ≤ 1 + 5 = 5 < 1. CQFD.
2 4 16 16
Remarque : Le couple (θ, ρ) n’est pas unique, mais cela n’a pas d’importance.
Par suite, tous les résultats du chapitre sur les Anneaux euclidiens s’appliquent à Z[ϕ]. C’est un
anneau principal, qui possède des théories du pgcd (algorithme d’Euclide, identité de Bzout), du
ppcm, et vérifie un théorème fondamental de l’arithmétique : tout élément non nul se décompose de
façon essentiellement unique comme produit de facteurs premiers. Comme le groupe multiplicatif
Z[ϕ]* a une infinité d’éléments, tout élément de Z[ϕ] a une infinité d’associés.
La recherche des éléments premiers de Z[ϕ] est facilitée par le :
Lemme 1 : Dans Z[ϕ], β | α ⇒ N(β) | N(α) dans Z.
Conséquence immédiate de la multiplicativité de N.
Lemme 2 : Soit α ∈ Z[ϕ]. Alors N(α) est premier dans Z ⇒ α est premier dans Z[ϕ].
Preuve : Si N(α) est premier, il est ≠ ±1, donc α n’est pas inversible.
De plus, β | α implique N(β) | N(α), donc N(β) = ±1 ou N(β) = ±N(α).
Dans le premier cas, β est inversible, dans le second cas, il est associé à α. Cqfd

72
Exemples d’éléments premiers dans Z[ϕ].
1) 5 = 2ϕ − 1 est premier dans Z[ϕ]. En effet N( 5 ) = −5 est premier.
2) 2 est premier dans Z[ϕ]. En effet, N(2) = 4. Si β | 2, N(β) | 4, donc N(β) = ±1, ±2 ou ±4.
Le cas N(β) = ±2 est impossible en vertu de la prop 2 du § 11.1,
3) 2 + ϕ et 2 + ϕ = 3 − ϕ sont premiers, car N(2 + ϕ) = N(2 + ϕ ) = 5 est premier.
4) 11 et 19 sont premiers dans Z, mais ne sont pas premiers dans Z[ϕ], car
2
11 = 4 – 5 = ( 4 + 5 )( 4 − 5 ), produit de diviseurs stricts de 11
et ces diviseurs stricts, 4 + 5 et 4 − 5 , sont premiers dans Z[ϕ] car de norme 11..
19 = ( 4 + 3ϕ )( 4 + 3 ϕ ) = ( 4 + 3ϕ )( 7 − 3ϕ ) produits de diviseurs stricts de 19, et premiers itou.
Ces exemples montrent qu’un nombre p, premier dans Z, n’est pas forcément premier dans Z[ϕ].
Lesquels restent premiers, lesquels ne le sont pas ? C’est l’objet du :
Théorème 13 : classification des nombres premiers de Z.
Les nombres premiers p de Z se répartissent en trois catégories :
2
(I) p = 5 se factorise dans Z[ϕ] : 5 = ( 5 ) ; on dit qu’il est ramifié.
(II) Si p est premier et tel que p ≡ 2 ou 3 ( mod 5 ), il reste premier dans Z[ϕ] ; on dit qu’il est inerte.
(III) Si p est premier tel que p ≡ 1 ou 4 ( mod 5), alors il existe π ∈ Z[ϕ] tel que p = N(π) = π. π , où
π et π sont premiers dans Z[ϕ] et non associés ; on dit que p est décomposé.
Preuve : Le cas (I) a déjà été traité.
2
(II) Si p est premier tel que p ≡ 2 ou 3 ( mod 5 ) et si β | p, alors N(β) | N(p) = p , donc
2
N(β) = ± 1 , ± p ou ± p .
Le cas N(β) ≡ ± 2 ou 3 ( mod 5 ) est impossible en vertu de la prop 2 du § 11.1.
2
Par conséquent, N(β) = ± 1 ou ± p , ce qui signifie que β est inversible ou associé à p.
(III) Soit p premier et tel que p ≡ 1 ou 4 ( mod 5 )
En vertu de la loi de réciprocité quadratique, 5 est un carré dans Fp = Z/pZ.
p −1 5−1
p . p
En effet, ( 5 )( ) = (−1) 2 2 = (−1) p −1 = 1 implique ( 5 ) = ( ), et l’on conclut aussitôt.
p 5 p 5
2 2
Cela signifie qu’il existe c ∈ Z tel que c ≡ 5 ( mod p ), i.e. p | c – 5 = ( c + 5 )( c − 5 ) .
Si p était premier dans Z[ϕ], il diviserait c + 5 ou c − 5 dans cet anneau.
Donc il existerait α = a + bϕ tel que c ± 5 = p ( a + bϕ ), i.e. c ± (2ϕ − 1) = p ( a + bϕ )
On en déduirait ± 2 = p.b, ce qui est impossible !
En conclusion, p ,n’est pas premier dans Z[ϕ]. Il s’écrit p = α.β, où α et β ne sont pas inversibles.
En passant à la norme, on voit que nécessairement N(α) = N(β) = p.
Mais alors p = α α , ce qui signifie que β = α . Et α est premier en vertu du lemme 2 ci-dessus.
Pour parachever la preuve, il reste à montrer que α et α ne sont pas associés.
Supposons α = ε. α , où α = a + bϕ et ε = ± ( Fn−1 + Fn.ϕ ) est une unité.
Alors p = α α implique α = p.ε. On en déduit p | a + b et p | b.(2a + b) dans Z.
2 2 2

− Si p divise b, il divise a, donc il divise α dans Z[ϕ], ce qui est impossible.


2 2 2 2 2
− Si p divise 2a + b, posons 2a + b = pq. Alors p divise a + b = 2a − 2apq + p q ,
2
donc p divise 2a . Donc il disive 2a, donc il divise b, puis a. Impossible ! CQFD
Théorème 14 : inventaire des éléments premiers de Z[ϕ ϕ].
Les éléments premiers de Z[ϕ] se répartissent en trois catégories, à associés près :

73
(I) 5 ;
(II) les nombres p ∈ Z premiers dans Z et tels que p ≡ 2 ou 3 ( mod 5 )
(III) les éléments π tels que N(π) = ± p, où p est un nombre premier de Z tel que p ≡ 1 ou 4 (mod 5).
Preuve : Nous savons que tous ces éléments sont premiers dans Z[ϕ]. Il reste à montrer que ce sont
les seuls. Si α est un élément premier de Z[ϕ], il divise N(α) = α α qui est un élément de Z. Cet
entier relatif se décomposé en facteurs premiers dans Z, puis dans Z[ϕ], du type mentionné dans le
théorème 9. En vertu du lemme d’Euclide, α est égal à l’un de ses facteurs premiers. CQFD.
Théorème 15 : Soit n un entier relatif non nul. Pour qu’il soit de la forme
2 2
n = a + ab – b , où (a, b) ∈ Z×Z,
il faut et il suffit que, pour tout diviseur premier p de n congru à 2 ou 3 ( mod 5 ), l’exposant de p
dans la factorisation de n soit pair.
Preuve : La condition est suffisante.
h
Supposons que n se factorise en n = 5 p12m1 … pr2mr q1n1 … qsns
où p1, …, pr ≡ ± 2 ( mod 5 ) et q1, … , qs ≡ ± 1 ( mod 5 )
Alors 5, p1 ,…, pr2 , q1, … , qs sont éléments de F.
2

On conclut par stabilité de F par multiplication (§ 11.1).


2 2
La condition est nécessaire. Si n = a + ab – b , où (a, b) ∈ Z×Z, alors
n = N(α) = α α où α = a + bϕ ∈ Z[ϕ].
On peut conclure en décomposant α en facteurs premiets dans Z[ϕ].
5 p1m1 … prmr π1n1 … π sns , où p1, …, pr ≡ ± 2 ( mod 5 ) et N(πj) = qj ≡ ± 1 ( mod 5 )
h
α=
n1 ns
Alors α = 5 p1m1 … prmr π 1 … π s , et on fait le produit.
h

Corollaire : Soit n un entier relatif non nul. Pour qu’il soit de la forme
2 2
n = x – 5y , où (x, y) ∈ Z×Z,
il faut et il suffit que, pour tout diviseur premier p de n congru à 2 ou 3 ( mod 5 ), l’exposant de p
dans la factorisation de n soit pair.
Cela découle de l’égalité des ensembles E et F observée dans le § 11.1.
2 2
Remarque : Toutefois, Maple sait résoudre l’équation diophantienne x – 5y = n, alors qu’il ne sait
2 2
pas résoudre l’équation diophantienne a + ab – b = n. On peut bien sûr le programmer.

11.5. L’anneau Z[ 5 ] n’est ni euclidien, ni principal, ni factoriel.


Z[ 5 ] est un sous-anneau de Z[ϕ]. On pourrait croire qu’il hérite de ses propriétés, qu’il est
euclidien, donc principal, donc factoriel. Il n’en est rien. Autant l’anneau Z[ϕ] est intéressant, autant
le sous-anneau Z[ 5 ] est peu intéressant. Comme le note fort justement wikipedia, cet anneau « est
trop petit pour y faire convenablement de l’arithmétique. Comprendre quels étaient les bons
ensembles de nombres à prendre en compte est un des difficultés rencontrées par les mathématiciens
du 19ème siècle », conduisant Dedekind à la notion d’entiers (d’un corps de nombres) algébriques.
Nous nous contentons ici de le constater.
Nous appelons ici élément premier ou irréductible de Z[ 5 ] tout élément non nul et non inversible
qui n’est divisible que par les inversibles et les associés.

Proposition 16 : Dans l’anneau Z[ 5 ], tout élément non nul s’écrit comme produit d’éléments
premiers.

74
Preuve : Cela se démontre par récurrence sur le stathme w(α).

Théorème 17 : L’anneau Z[ 5 ] n’est ni euclidien, ni principal, ni même factoriel.


Preuve :
Lemme 1 : Dans Z[ 5 ], β | α ⇒ N(β) | N(α).
Conséquence immédiate de la multiplicativité de N.

Lemme 2 : Soit α ∈ Z[ 5 ]. Alors N(α) est premier dans Z ⇒ α est premier dans Z[ 5 ].
Preuve : Si N(α) est premier, il est ≠ ±1, donc α n’est pas inversible.
De plus, β | α implique N(β) | N(α), donc N(β) = ±1 ou N(β) = ±N(α).
Dans le premier cas, β est inversible, dans le second cas, il est associé à α. Cqfd

Lemme 3 : 2 et 1 + 5 sont premiers dans Z[ 5 ] et non associés.


Preuve : En effet, N(2) = 4. Si β | 2, N(β) | 4, donc N(β) = ±1, ±2 ou ±4.
Le cas N(β) = ±2 est impossible en vertu de la prop 1 du § 11.1,
Même raisonnement pour 1 + 5 dont la norme vaut – 4.
Enfin, ils ne sont pas associés car 1 + 5 n’est pas multiple de 2.
Concluons !
1) L’anneau Z[ 5 ] n’est pas principal.
Considérons ℑ = { α = x + y 5 ; x ≡ y ( mod 2 ) } = { α = 2a + b + b 5 ; (a, b) ∈ Z×Z }.
Je dis que ℑ est un idéal de Z[ 5 ], c’est l’idéal engendré par 2 et 1 + 5 , mais il n’est pas
principal, car si l’on avait ℑ = (α), alors α diviserait 2 et 1 + 5 , donc α serait inversible et ℑ =
Z[ 5 ] .
2) L’anneau Z[ 5 ] ne vérifie pas l’identité de Bezout.
2 et 1 + 5 sont premiers entre eux dans Z[ 5 ]. Or il est facile de montrer qu’il n’existe pas de
couple (α, β) dans Z[ 5 ] tel que 2α + ( 1 + 5 )β = 1.
L’identité de Bezout n’est pas satisfaite Z[ 5 ]..
3) L’anneau Z[ 5 ] n’est pas factoriel.
De plus 2 divise – 4 = ( 1 + 5 )( 1 − 5 ). Si l’anneau Z[ 5 ] était factoriel, en vertu du lemme
d’Euclide, 2 diviserait 1 + 5 ou 1 − 5 . Or il ne divise ni l’un ni l’autre. .
En fait – 4 admet deux factorisations distinctes dans Z[ 5 ] :
– 4 = ( 1 + 5 )( 1 − 5 ) = – 2.2.
alors qu’il admet une factorisation unique dans Z[ϕ], à savoir : – 4 = – 2.2.
–4=(1+ 5 )( 1 − 5 ) est une décompsotion intermédiaire, car 1 + 5 = 2ϕ , 1 − 5 = 2ϕ’.

De même 4 admet deux factorisations distinctes dans Z[ 5 ] : 4 = 2.2 = ( 3 + 5 )( 3 − 5 )


mais dans Z[ϕ], 4 = ( 3 + 5 )( 3 − 5 ) est une décomposition intermédiaire, car
3+ 5 = 2(1 + ϕ), où 1 + ϕ est un inversible.
La situation est compliquée, mais les calculs dans Z[ 5 ] s’éclairent si l’on se place dans un anneau
plus grand et euclidien. Rien à voir avec l’arithmétique de Z[ −5 ] qui pose des problèmes bien
plus difficiles (cf l’excellent Que sais-je n° 571 de Jean Itard sur les Nombres premiers, chap 7).

75
11.6. Maple sait parfaitement tout cela…
Je découvre avec retard que Maple dispose d’un programme de factorisation des entiers des corps

quadratiques Q[ d ] lorsque ces anneaux sont euclidiens.


with(numtheory):with(combinat):alias(phi=(1+sqrt(5))/2):alias(F=fibonacci)
> for n from 1 to 20 do print(n,factorEQ(n,5));od;
1, 1
2, ( 2 )
3, ( 3 )
4, ( 2 ) 2
5, ( 5 ) 2
6, ( 2 ) ( 3 )
7, ( 7 )
8, ( 2 ) 3
9, ( 3 ) 2
10, ( 2 ) ( 5 ) 2
11, − ( 3 + 2 5 ) ( 3 − 2 5 )
12, ( 2 ) 2 ( 3 )
13, ( 13 )
14, ( 2 ) ( 7 )
15, ( 3 ) ( 5 ) 2
16, ( 2 ) 4
17, ( 17 )
18, ( 2 ) ( 3 ) 2
19, − ( 1 + 2 5 ) ( 1 − 2 5 )
20, ( 2 ) 2 ( 5 ) 2
> for n from 1 to 20 do factorEQ(F(n),5);od;
1
1
(2)
(3)
( 5 )2
( 2 )3
( 13 )
(3) (7)
( 2 ) ( 17 )
− ( 5 ) (3 + 2 5 ) (3 − 2 5 )
2

− (6 + 5 5 ) (6 − 5 5 )
( 2 )4 ( 3 )2
( 233 )
− ( 13 ) ( 4 + 3 5 ) ( 4 − 3 5 )
( 2 ) ( 5 )2 ( 9 + 2 5 ) ( 9 − 2 5 )
( 3 ) ( 7 ) ( 47 )
( 1597 )
− ( 2 ) ( 17 ) ( 1 + 2 5 ) ( 1 − 2 5 )
3

( 37 ) ( 113 )

76
( 3 ) ( 5 )2 ( 3 + 2 5 ) ( 3 − 2 5 ) ( 2 + 3 5 ) ( 2 − 3 5 )
> factorEQ(89619530,5);
( 2 ) ( 5 ) 2 ( 7 ) 2 ( 3 + 2 5 ) ( 3 − 2 5 ) ( 13 ) ( 1 + 16 5 ) ( 1 − 16 5 )

2 2 2 2
11.7. Groupes des formes quadratiques entières q(x, y) = x + xy – y et q’(x, y) = x – 5y .
Considérons la forme quadratique entière :

q(x, y) = x + xy – y = [x y] 
2 2 1 1/ 2 [ x ]. = [x y] .H.[ x ] .
 / 2 −1  y
1 y

et cherchons les transformations linéaires [ xy ] → 


a b  [ x ] à coefficients dans Z qui conservent
c d y

cette forme quadratique. Si l’on note X = [ xy ] , H = 


1 1/ 2 et M = a b ,
 / 2 −1 
1 c d 
2 t t t
cela revient à chercher les matrices M ∈ M2(Z) telles que ∀X ∈ Z X.H.X = X. M.H.M.X
t
ou encore telles que M.H.M = H.
Passant au déterminant, on voit aussitôt que det M = ± 1. Ces matrices sont éléments de Gl2(Z).
t +
Proposition 18 : Les matrices M ∈ M2(Z) telles que M.H.M = H forment un sous-groupe G de
+ t
Gl2(Z). G est un sous-groupe du groupe G des matrices M ∈ Gl2(Z) telles que M.H.M = ± H.

Exemple : Les matrices S = 


0 −1 et A = 0 1 sont éléments de G.
1 0  1 1
La matrice S engendre un groupe cyclique à 4 éléments, isomorphe à Z/4Z.

La matrice A engendre le groupe monogène des matrices A =


n Fn−1 Fn  , où n décrit Z.
 Fn Fn+1
t
On notera que S et A vérifient toutes deux M.H.M = − H, mais det S = 1, det A = – 1 .

Commençons par étudier le sous-groupe Γ de Gl2(Z) engendré par ces deux matrices.

Théorème 19 : Le sous-groupe Γ de Gl2(Z) engendré par les matrices S et A est formé :

• des matrices ± A = ±
Fn−1 Fn  , où n décrit Z.
n
 Fn Fn+1

• des matrices ± S.A = ± 


n 0 −1 Fn−1 Fn  = ± −Fn − Fn+1 , où n décrit Z.
 0   Fn Fn+1
1  Fn−1 Fn 
2 n n
Preuve : Γ contient − I = S , donc Γ’ = { ± A ; n ∈ Z } ∪ { ± S.A ; n ∈ Z }.
Comme Γ’ contient S et A, il suffit de montrer que c’est un sous-groupe.
Or S.A = 
−1 −1 , donc (S.A)2 = I. On en déduit successivement, en vertu de S−1 = − S, que :
 0 1 
−1 −1 −1 −1 n n −1 n −n
S.A.S.A = I , S.A.S = A , S.A.S = −A , (S.A.S ) = S.A .S = (−1) .A ,
n n −n n n+1 −n
Et au final : S.A = (−1) .A .S , S.A .S = (−1) .A .
n 2 n+1
Cela revient à dire que (∀n) ( S.A ) = (−1) .I , ce qui découle aussi de la formule de Cassini.
n −1 −n −1 −n −n
Du coup ( ± S.A ) = ± A .S = − ( ± A .S ) = − ( ± S.A ).

77
−1
Γ’ est stable par M → M . Reste à montrer la stabilité par produit ;
m n m+n m n m+n
A .A = A ; S.A .A = S.A ;
m n n m −n n m−n m+1 n−m
S.A .S.A = (−1) .S.A .A .S = (−1) .S.A .S = (−1) .A .
m n m n−m
D’où A .S.A = (−1) .S.A . Cqfd.
Corollaire 1 : Le sous-groupe de Γ formé des matrices de déterminant 1 est formé :.

• des matrices ± A
F2n−1 F2n  , où n décrit Z.
2n

 F2n F2n+1
2n
• des matrices ± S.A = ±
−F2n −F2n+1 , où n décrit Z.
F2n−1 F2n 
+
Corollaire 2 : Le sous-groupe Γ de Γ formé des matrices conservant q est formé :

• des matrices ± A
F2n−1 F2n  , où n décrit Z.
2n

 F2n F2n+1

• des matrices ± S.A


2n+1

−F2n+1 −F2n+2  , où n décrit Z.
 F2n F2n+1 
+ +
Théorème 20 : Les groupes G et Γ sont égaux ; les groupes G et Γ sont égaux.
+ +
Preuve : Il suffit de démontrer que G = Γ .
Soit M = 
a b  ∈ G+ ⇔ [ a2 + ac – c2 = 1 , b2 + bd – d2 = − 1 , 2ab + bc + ad – 2 cd = 1 ]
c d 
Notons α = a + cϕ , β = b + dϕ .
2 2 2m
a + ac – c = 1 ⇔ α = a + cϕ = ε.ϕ = ε.[ F2m−1 + F2m.ϕ ] ( ε = ±1 , m ∈ Z ).
2 2 2n+1
b + bd – d = −1 ⇔ β = b + dϕ = ε’.ϕ = ε.[ F2n + F2n+1.ϕ ] ( ε’ = ±1 , n ∈ Z ).
De la condition (*) 2ab + bc + ad – 2 cd = 1 va découler une relation supplémentaire.
Supposons ad – bc = 1.
Alors (*) s’écrit ab + ad – cd = 1, ou encore, en y réfléchissant, α. β = 1 – ϕ = ϕ .

.ε’. ϕ = ϕ , c’est-à-dire ε.ε’.ϕ .ϕ


2m 2n+1 2m 2n
Reportons ! Il vient : ε.ϕ = 1,

Ou encore ε.ε’.ϕ
2m−2n
= 1, donc ε = ε’ et m = n. En conclusion, M = ± A
2n

F2n−1 F2n  .
 F2n F2n+1

Supposons ad – bc = −1.
On pourrait faire un calcul analogue en considérant cette fois α .β, mais il est plus simple de noter
−1 −1 −1 −1
que si det M = − 1 et M conserve q, alors det(S .M.A ) = 1 et S .M.A conserve q.
−1 −1 2n 2n+1
Par conséquent S .M.A =±A et M = ± S.A . Cqfd.

Puisque nous en sommes là, intéressons-nous d’abord à la forme quadratique entière :

q(x, y) = x – 5 y = [x y] 
2 2 1 0[x].
y 0 −5

78
et cherchons les transformations linéaires [ xy ] → 
a b  [ x ] à coefficients dans Z qui conservent
c d 
y

cette forme quadratique. Si l’on note X = [ xy ] , J = 


1 0  et M = a b  ,
0 −5 c d 
2 t t t
cela revient à chercher les matrices M ∈ M2(Z) telles que ∀X ∈ Z X.J.X = X. M.J.M.X
t
ou encore telles que M.J.M = J.
Passant au déterminant, on voit aussitôt que det M = ± 1. Ces matrices sont éléments de Gl2(Z).
t +
Proposition 21 : Les matrices M ∈ M2(Z) telles que M.J.M = J forment un sous-groupe H de
+ t
Gl2(Z). H est un sous-groupe du groupe G des matrices M ∈ M2(Z) telles que M.J.M = ± J.
Cherchons ces matrices par un calcul direct :

M = 
a b  ∈ G ⇔ [ a2 – 5c2 = 1 , b2 – 5d2 = − 5 , ab – 5 cd = 0 ]
c d 
Comme il est impossible de 5 divise a, 5 disive b. Posons b = 5b’.
2 2 2 2
Alors a – 5c = 1 , d – 5b’ = 1 , ab’– cd = 0.
2 2 2m
Or a – 5c = 1 ⇔ a+c 5 =ε(2+ 5) , ε = ± 1, m ∈ Z
2 2 2n
d – 5b’ = 1 ⇔ d + b’ 5 = ε’ ( 2 + 5) , ε’ = ± 1, n ∈ Z
Et ab’– cd = 0 ⇔ ( a + c 5 )( d – b’ 5 ) ∈ Z. ⇔ m = n, après un rapide examen.
2m 6m
En conclusion a+c 5 =ε(2+ 5) =εϕ = ε ( F6m−1 + F6m.ϕ ) ε = ± 1, m ∈ Z
2m
d + b’ 5 = ε’ ( 2 + 5) = ε’ ( F6m−1 + F6m.ϕ ) ε’ = ± 1, m ∈ Z .

F + F6m 5 F6m 
Théorème 22 : H = { +ε 0   6m−1 2 2  ; ε = ±1, ε’ = ± 1, m ∈ Z } .
0 ε'  F6m 
 F6m−1+ F6m 
2 2 

 ε 0   F3m−1+ F3m 5 F3m 
Et l’on a H={ 2 2 ; ε = ±1, ε’ = ± 1, m ∈ Z } .
0 ε'  F3m F3m 
F3m−1+ 
 2 2 
Exercice : Démontrer que
 F3m 5 F3m   F6m 5 F6m 
F3m−1+ 2 2  = 2 5 m et F6m−1+ 2 2  = 9 20 m
 F3m  1 2  F6m  4 9 
 F3m−1+ F3m     F6m−1+ F6m  
2 2  2 2 
Conjectures : Au vu de ces résultats, je pense que les groupes G et H ne sont pas isomorphes. Il
serait intéressant de disposer de présentations de chacun d’eux.
Je pense que G admet pour présentations
4 2 2 2
< s, a ; s = e , (sa) = e , a.s = s .a >
4 2 2 2
ou encore < s, t ; s = e , t = e , s .t.s = t >
et je crois que H a une présentation différente, mais je laisse ces conjectures à l’examen du lecteur.

79
11.8. Le grand théorème de Fermat pour n = 5.
A Yannick Nézet-Seguin
Le 11 juillet 1825, Peter Gustav Lejeune Dirichlet 16 (1805-1859), âgé de vingt ans, fit une
conférence devant l’Académie des sciences de Paris, au cours de laquelle il s’attaqua au grand
théorème de Fermat pour n = 5. Peu après, il compléta sa preuve et Adrien Marie Legendre (1752-
1833) l’acheva. On savait le théorème vrai pour n = 4 et Euler l’avait démontré pour n = 3. Les
travaux de Dirichlet ont donné un nouvel essor à la théorie algébrique des nombres.
5 5 5
Théorème (Dirichlet-Legendre) : L’équation de Fermat x + y = z n’a pas de solution en entiers
x, y, z non nuls.
Pour cela, ils ont étudié l’anneau des entiers du corps cyclotomique Q[ e2iπ /5 ], entiers que l’on peut à
bon droit nommer « entiers de Dirichlet ». Cet anneau contient l’anneau Z[ϕ] des entiers du nombre
d’or, et est lui-aussi euclidien. On trouvera une étude du corps Q[ e2iπ /5 ] au § 14, et une preuve de ce
résultat dans D. Duverney (Théorie des nombres, § 10.6., p. 133-134).

11.9. Les nombres de Fibonacci forment un ensemble diophantien.


Le concept d’ensemble diophantien a été introduit par la mathématicienne américaine Julia Bowman
Robinson (1919-1985) en vue de résoudre le 10ème problème de Hilbert : existe-t-il un programme
d’ordinateur applicable à toute équation diophantienne et qui, au bout d’un nombre fini d’opé-
rations, conclut si l’équation est résoluble ou non ? La réponse est négative, comme l’a montré en
1970 le soviétique Youri Matijasevitch (né en 1947).
Définition 3 : Un ensemble S ⊂ N est dit diophantien s’il existe un polynôme P(y, x1, …, xn) à n+1
variables à coefficients dans Z tel que :
n
(∀a ∈ N) a ∈ S ⇔ l’équation P(a, x1, …, xn) = 0 a au moins une solution (x1, …, xn)∈N .
P(a, x1, …, xn) = 0 est appelée une définition diophantienne de S.

Proposition 1 : Soit Q(y, x1, …, xn) un polynôme à n + 1 variables à coefficients dans Z.


L’ensemble S des valeurs ≥ 0 prises par le polynôme Q lorsque y, x1, …, xn décrivent N est
diophantien.
Preuve : Soit P(a, y, x1, …, xn) = a – Q(y, x1, …, xn).
n+1
Alors a ∈ S ⇔ ∃(y, x1, …, xn) ∈ N P(a, y, x1, …, xn) = 0

Proposition 2 (H. Putnam, 1960) : Soit S un ensemble diophantien. Il existe un polynôme Q(y, x1,
…, xn) à coefficients dans Z tel que S est exactement l’ensemble des valeurs ≥ 0 prises par le
n+1
polynôme Q lorsque y, x1, …, xn décrivent N : S = Q(N ) ∩ N
Preuve : Soit P = 0 une définition diophantienne de S.
2
Considérons le polynôme Q(y, x1, …, xn) = ( y + 1 ).[ 1 − P(y, x1, …, xn) ] − 1.
Soit a ∈ N. S’il existe des entiers naturels y, x1, …, xn tels que Q(y, x1, …, xn) = a,
2
Alors ( y + 1 ).[ 1 − P(y, x1, …, xn) ] − 1 = a , donc y + 1 divise a + 1 et a + 1 ≤ y + 1.

16 L’Europe ne date pas d’aujourd’hui, et j’ai toujours plaisir à rappeler que Lejeune Dirichlet, qui succéda
pendant trop peu de temps à Gauss à Göttingen, était le beau-frère du compositeur Felix Mendelssohn (1809-
1847), ayant épousé sa sœur Rebecca Mendelssohn (1811-1858), et le grand-oncle du mathématicien Kurt
Hensel (1861-1941), l’inventeur des nombres p-adiques, Fanny Mendelsshon (1805-1847) ayant épousé le
peintre et graveur Wilhelm Hensel (1794-1861). En résumé, il est conseillé de lire ce paragraphe en écoutant la
Symphonie écossaise de Mendelssohn, soit dans l’interprétation romantique de Christoph von Dohnanyi, soit
dans l’interprération magistrale de Yannick Nézet-Seguin.

80
Donc y + 1 = a + 1 et y = a. Du coup, P(y, x1, …, xn) = 0.
Réciproquement, s’il existe des entiers naturels x1, …, xn tels que P(a, x1, …, xn) = 0, alors,
2
Q(a, x1, …, xn) = ( a + 1 ).[ 1 − P(a, x1, …, xn) ] − 1 = a .
Définition : Un tel polynôme Q est appelé une représentation diophantienne de S.

Soit alors F = { Fn ; n ∈ N } = { 0, 1, 2, 3, 5, 8, 13, … } l’ensemble des nombres de Fibonacci.


Proposition 3 : L’ensemble F est diophantien, et admet pour représentation diophantienne le
2 2 2 2
polynôme de degré 9 : Q(y, x) = ( y + 1 ).[ 1 − ((x + xy – y ) − 1) ] − 1.
2 2 2
Preuve : Considérons le polynôme P(a, x) = ( a + ax – x ) − 1.
Soit a un naturel. Dire qu’il existe x ∈ N tel que P(a, x) = 0
2 2
équivaut à dire qu’il existe x ∈ N tel que a + ax – x = ± 1.
ou encore que (a, x) = (Fn−1, Fn) pour n ≥ 1 ou (a, x) = (1, 0).
ou encore que a appartient à l’ensemble F .
L’ensemble F est donc bien diophantien, et il découle de la prop 2 que Q en est une représentation
diophantienne.
2 2 2
Théorème (James–P. Jones, 1975)17 : Le polynôme de degré 5 A(x, y) = y.[ 2 − ( x + xy – y ) ]
vérifie A(N×N) ∩ N = F , et même A(Z×N) ∩ N = F.
Il est une autre représentation diophantienne de l’ensemble F.

Feuille de calculs Maple :


> Q:=(Y+1)*(1-((Y^2+Y*X-X^2)^2-1)^2)-1;
2
2
Q := ( Y + 1 ) ( 1 − ( ( Y + Y X − X ) − 1 ) ) − 1
2 2

> [degree(Q),degree(Q,X),degree(Q,Y)];
[ 9, 8, 9 ]
> expand(Q);
−1 − Y 8 + 4 Y 3 X − 2 Y 2 X 2 − 4 Y X 3 − 4 Y 7 X − 2 Y 6 X 2 + 8 Y 5 X 3 + 5 Y 4 X 4 − 8 Y 3 X 5
− 2 Y2 X6 + 4 Y X7 + 4 Y4 X − 2 Y3 X2 − 4 Y2 X3 − 4 Y8 X − 2 Y7 X2 + 8 Y6 X3 + 5 Y5 X4
− 8 Y4 X5 − 2 Y3 X6 + 4 Y2 X7 + 2 Y X4 − Y X8 + 2 Y4 + 2 X4 − X8 + 2 Y5 − Y9
> collect(Q,X);
( −Y − 1 ) X 8 + 4 ( Y + 1 ) Y X 7 − 2 ( Y + 1 ) Y 2 X 6 − 8 ( Y + 1 ) Y 3 X 5 + ( Y + 1 ) ( 5 Y 4 + 2 ) X 4
+ ( Y + 1 ) ( 4 ( Y4 − 1 ) Y + 4 Y5 ) X3 + ( Y + 1 ) ( 2 ( Y4 − 1 ) Y2 − 4 Y6 ) X2
2
− 4 ( Y + 1 ) ( Y4 − 1 ) Y3 X + ( Y + 1 ) ( 1 − ( Y4 − 1 ) ) − 1
> collect(Q,Y);
−Y 9 + ( −1 − 4 X ) Y 8 + ( −4 X − 2 X 2 ) Y 7 + ( −2 X 2 + 8 X 3 ) Y 6 + ( 8 X 3 + 5 X 4 + 2 ) Y 5
+ ( 5 X4 + 2 − 4 ( X4 − 1 ) X − 4 X5 ) Y4
+ ( −4 ( X 4 − 1 ) X − 4 X 5 + 2 ( X 4 − 1 ) X 2 − 4 X 6 ) Y 3
2
+ ( 2 ( X4 − 1 ) X2 − 4 X6 + 4 ( X4 − 1 ) X3 ) Y2 + ( 4 ( X4 − 1 ) X3 + 1 − ( X4 − 1 ) ) Y
2
− ( X4 − 1 )

17 James P. Jones est actuellement (2020) professeur émérite à l’Université de Calgary, spécialiste de : logique
mathématique, théorie de la récursion, indécidabilité, équations diophantiennes, Dixième problème de Hilbert,
et théorie des nombres.

81
> fibo:=proc(n)
> local s,a,x,y;s:={};
> for x from 0 to n do
> for y from 0 to n do
> a:=subs([X=x,Y=y],Q);if a>=0 then s:=s union {a};fi;od;od;print(s);end;
> fibo(10);fibo(50);fibo(100);fibo(150);
{ 0, 1, 2, 3, 5 }
{ 0, 1, 2, 3, 5, 8, 13, 21 }
{ 0, 1, 2, 3, 5, 8, 13, 21, 34, 55 }
{ 0, 1, 2, 3, 5, 8, 13, 21, 34, 55, 89 }
> P:=Y*(2-(X^2+X*Y-Y^2)^2);
2
P := Y ( 2 − ( X 2 + X Y − Y 2 ) )
> [degree(P),degree(P,x),degree(P,Y)];
[ 5, 0, 5 ]
> expand(P);
2 Y − Y X4 − 2 X3 Y2 + X2 Y3 + 2 X Y4 − Y5
> collect(P,X);
−Y X 4 − 2 X 3 Y 2 + X 2 Y 3 + 2 X Y 4 + Y ( 2 − Y 4 )
> collect(P,Y);
−Y 5 + 2 Y 4 X + Y 3 X 2 − 2 Y 2 X 3 + ( 2 − X 4 ) Y
> fibo2:=proc(n)
> local s,a,x,y;
> s:={};
> for x from 0 to n do
> for y from 0 to n do
> a:=subs([X=x,Y=y],P);if a>=0 then s:=s union {a};fi;od;od;print(s);end;
> fibo2(10);fibo2(50);fibo2(100);fibo2(150);
{ 0, 1, 2, 3, 5, 8 }
{ 0, 1, 2, 3, 5, 8, 13, 21, 34 }
{ 0, 1, 2, 3, 5, 8, 13, 21, 34, 55, 89 }
{ 0, 1, 2, 3, 5, 8, 13, 21, 34, 55, 89, 144 }

12. Numérotation fibonaccienne de Zeckendorf.

Nous allons aborder ici les propriétés additives 18 des nombres de Fibonacci :
0 , 1 = 1 , 2 , 3 , 5 , 8 , 13 , 21 , 34 , 55 , 89 , 144 , 233 , 377 , .. ;
Tout entier naturel est somme de nombres de Fibonacci, mais est-il somme de nombres de Fibonacci
distincts deux à deux ? Parmi ces sommes, y en a-t-il une plus intéressante que les autres ? En
creusant ces questions, le médecin militaire philomathe belge Edouard Zeckendorf est tombé en
1952 sur un très intéressant théorème.

12.1. Réprésentations additives, exemples et premiers résultats.


Définitions 1 : On dit que m ∈ N admet une représentation fibonaccienne, ou F-représentation,
+∞
si l’on peut écrire : m= ∑a .F
i =0
i i +2 , où (∀i) ai ∈ {0, 1}.

Si k = max{ i ; ai = 1 }, on note m = Fib ak ak−1 … a0 une telle représentation.

18 A certains égards, ce § est plus élémentaire que les précédents, et peut être lu indépendamment. Il renvoie
cependant aux § 4.7. On trouvera dans l’OEIS de nombreuses suites liées à la représentation de Zeckendorf :
A003714, A007895, A014417, A022342, etc.

82
On appelle représentation de Zeckendorf, ou Z-représentation de m une F-représentation telle
que : (∀i) (ai, ai+1) ≠ (1, 1), i.e. ai.ai+1 = 0.
On note m = Zeck ak ak−1 … a0 ou ak ak−1 … a0 = Zeck(m) une telle Z-représentation.
On convient que 0 a pour F-représentation 0.
Exemple 1 : 30 = 21 + 5 + 3 + 1 = Fib 1001101.
En revanche, 1001101 n’est pas une Z-représentation de 30, car 5 et 3 sont deux nombres de
Fibonacci consécutifs ; mais 1010001 en est une, car 30 = 21 + 8 + 1.
Exemple 2 : représentations fibonacciennes de 37.
Il s’agit d’exprimer 37 comme sommes de nombres à l’aîde de 1, 2, 3, 5, 8, 13, 21, 34
37 = 34 + 3 = Fib 10000100
37 = 34 + 2 + 1 = Fib 10000011
37 = 21 + 13 + 3 = Fib 1100100
37 = 21 + 13 + 2 + 1 = Fib 1100011
37 = 21 + 8 + 5 + 3 = Fib 1011100
37 = 21 + 8 + 5 + 2 + 1 = Fib 1011011
Aucune représentation ne peut commencer par 13 ou un nombre inférieur,
car 1 + 2 + 3 + 5 + 8 = 19 et 19 + 13 < 37
37 a donc 6 F-représentations, mais une seule Z-réprésentation, la première : 37 = Zeck 10000100
Exemple 3 : représentations fibonacciennes de 100.
Exprimons 100 comme sommes de nombres à l’aîde de 1, 2, 3, 5, 8, 13, 21, 34, 55, 89
100 = 89 + 8 + 3 = Fib 1000010100
100 = 89 + 8 + 2 + 1 = Fib 1000010011
100 = 89 + 5 + 3 + 2 + 1 = Fib 1000001111
100 = 55 + 34 + 8 + 3 = Fib 110010100
100 = 55 + 34 + 8 + 2 + 1 = Fib 110010011
100 = 55 + 34 + 5 + 3 + 2 + 1 = Fib 110001111
100 = 55 + 21 + 13 + 8 + 3 = Fib 101110100
100 = 55 + 21 + 13 + 8 + 2 + 1 = Fib 101110011
100 = 55 + 21 + 13 + 5 + 3 + 2 + 1 = Fib 101101111
Aucune réprésentation ne commence par 34 ou un nombre inférieur,
car 1 + 2 + 3 + 5 + 8 + 13 + 21 = 19 et 19 + 13 < 37.
100 a 9 F-représentations, mais une seule Z-réprésentation, la première : 100 = Zeck 1000010100
Proposition 1 : Tout entier naturel m admet au moins une F-réprésentation.
Preuve : Démontrons ce résultat par récurrence forte sur m.
Cela est vrai pour m = 0, 1 = F2, 2 = F3, 3 = F4.
Supposons le théorème acquis pour tout k < m, avec m ≥ 2
La suite (1 = F2, F3, F4, F5, …) étant strictement croissante, il existe un entier k ≥ 0, d’ailleurs
unique, tel que Fk+2 ≤ m < Fk+3. Alors 0 ≤ m − Fk+2 < Fk+3 − Fk+2 = Fk+1 < m.
Par hypothèse de récurrence, m’ = m − Fk+2 admet une F-représentation :

83
+∞
m’ = ∑a .F
i =0
i i +2 , où (∀i) ai ∈ {0, 1}.
k −1
Nécessairement, ai = 0 pour i ≥ k. Donc m = Fk+2 + ∑a .F
i =0
i i +2 . Cqfd.

k
Remarque : à la vérité, si m = ∑a .F
i =0
i i +2 , avec ak = 1, alors on a seulement Fk+2 ≤ m < Fk+4.

12.2. Le théorème de Zeckendorf.


[n / 2] n
Lemme 1 : σn ≡ ∑Fn−2k +2 = Fn+3 − 1 et Sn ≡
k =0
∑F
k =0
k +2 = Fn+4 − 2 .

Preuve : La première identité se montre par télescopage. Notons n = 2q + r , r = 0 ou 1.


σn ≡ Fr+2 + Fr+4 + … + Fn + Fn+2
= ( Fr+3 − Fr+1 ) + ( Fr+5 − Fr+3 ) + … + ( Fn+1 − Fn−1 ) + ( Fn+3 − Fn+1 ) = Fn+3 − Fr+1 .
Or Fr+1 = F1 ou F2 = 1.
Le deuxième somme (déjà rencontrée au § 1) aussi, car :
Sn ≡ F2 + F3 + … + Fn+1 + Fn+2 = ( F4 − F3 ) + ( F5 − F4 ) + … + ( Fn+4 − Fn+3 ) = Fn+4 − F3 .
Théorème 2 (Zeckendorf) : Tout entier m admet une unique représentation de Zeckendorf :
+∞
m= ∑a .F
i =0
i i +1 , où (∀i) ai ∈ {0, 1} et (ai, ai+1) ≠ (1, 1), i.e. ai.ai+1 = 0.

Nous allons démontrer ce résultat par analyse et par synthèse.


a) Analyse. Soit m = ak ak−1 … a0 une Z-représentation de m ( ak = 1 ).
Démontrons que Fk+2 ≤ m < Fk+3 par récurrence forte sur k.
Si k = 0, m = a0 = Zeck 1 = F2 . Si k = 1, m = a1 a0 = Zeck 10 = F3.
Supposons le théorème vrai pour pour l < k.
Soit alors m = ak ak−1 … a0 = 10 ak−2 … a0 une Z-représentation de m ( ak = 1 ).
k −1
On a Fk+2 ≤ m et m − Fk+2 = ∑a .F
i =0
i i +2 .

Si tous les ai sont nuls, alors m − Fk+2 = 0 et m = Fk+2 .


k −1 l
Sinon, soit l = max { i ; i < k et ai = 1 }. Alors ∑ai .Fi+2 =
i =0
∑a .F
i =0
i i +2 ∈ [Fl+2 , Fl+3[

par hypothèse de récurrence. Donc m − Fk+2 < Fl+3 ≤ Fk+1 et m < Fk+2 + Fk+1 = Fk+3 . CQFD.
k
Lemme 2 : Si m = ∑a .F
i =0
i i +2 = Zeck ak ak−1 … a0 ( ak = 1 ), alors Fk+2 ≤ m < Fk+3 .

b) Notons S l’ensemble des suites a = (ai) à éléments dans {0, 1}, à support fini, et ne contenant pas
deux 1 consécutifs. Ordonnons S pour l’ordre lexicographique (inverse) défini par :
a = (ai) < b = (bi) ⇔ ∃p bp = 1 , ap = 0 , ∀i > p bi = ai.
+∞
Lemme 3 : L’application F : a = (ai) ∈ S → m = ∑a .F
i =0
i i +2 ∈N

est strictement croissante, et injective.


Preuve : Supposons a = (ai) < b = (bi). Soit p tel que bp = 1 , ap = 0 et ∀i > p bi = a i.

84
p p −1
Après simplification, F(b) – F(a) = ∑bi .Fi+2 −
i =0
∑a .F
i =0
i i +2 > 0,
p −1 p
car, en vertu de la prop 1, ∑ai .Fi+2 < Fp+2 ≤
i =0
∑b .F
i =0
i i +2 .

L’injectivité de F découle de ce que l’ordre lexicographique sur S est total.


Il en résulte que chaque entier m admet au plus une Z-réprésentation.
c) Démontrons que tout entier m admet une unique Z-représentation.
ère
1 méthode. Nous allons déduire l’existence de l’unicité.
Notons Sk l’ensemble des suites a = (ai) à éléments dans {0, 1}, à support fini, ne contenant pas
deux 1 consécutifs, et telles que ak = 1 et ∀i > k ai = 0.
k
L’application induite F : a = (ai) ∈ Sk → m = ∑a .F
i =0
i i +2 ∈ [Fk+2 , Fk+3[ est une injection strictement

croissante. Or nous savons (§ 4.6, cor. 2 de la prop. 6) que card Sk = Fk+1 = Fk+3 – Fk+2.
Il en résulte que F induit une bijection de Sk sur [Fk+2, Fk+3[, donc, par recollement, F est une
bijection de S sur N.
2ème méthode : Par récurrence forte.
Pour m = 0 ou 1, pas de problème. Soient m ≥ 2, et k l’unique entier tel que Fk+2 ≤ m < Fk+3 .
0 ≤ m − Fk+2 < Fk+3 − Fk+2 = Fk+1. Par hypothèse de récurrence, on peut écrire
k −2
m − Fk+2 = ∑a .F
i =0
i i +2 , où il n’y a pas deux ai consécurifs égaux à 1.

12.3. Exemples et commentaires.


Exemples 1 : Z-représentations de 272 et 1953. 19
Ecrivons les nombres de Fibonacci consécutifs
1 2 3 5 8 13 21 34 55 89 144 233 377 610 987 1597 2584
233 ≤ 272 < 377. Donc 272 = 233 + 39.
34 ≤ 39 < 55. Donc 39 = 34 + 5.
Donc 272 = 233 + 34 + 5 = F13 + F9 + F5 = Zeck 100010001000.
1597 ≤ 1953 < 2584. Donc 1953 = 1597 + 356.
233 ≤ 356 < 377. Donc 356 = 233 + 123.
89 ≤ 123 < 144. Donc 123 = 89 + 34.
Donc 1953 = 1597 + 233 + 89 + 34 = F17 + F13 + F11 + F9 = Zeck 1000101010000000.
Exemples 2 : Z-représentations de σn et de Sn .
[n / 2]
La Z-représentation de σn ≡ ∑F
k =0
n −2k + 2 = Fn+3 − 1 est elle-même. σn = Zeck 101010…

Elle contient n+1 chiffres valant alternativement 0 et 1.


n
La Z-représentation de Sn ≡ ∑F
k =0
k +2 = Fn+4 − 2 = σn+1 − 1 = Zeck 1010... – 1 est moins simple.

Si n est impair, σn+1 se terminé par 1, donc Sn ≡ Zeck 1010... 100 ( n + 2 chiffres ) .
Si n est pair, σn+1 se terminé par 0, mais 10 – 1 = 2 – 1 = 1 = 01, donc
Sn = Zeck 1010... 101001 ( n + 2 chiffres ) .

19 Cette année-là fut un grand cru, et ce n’est pas Nikita Khrouchtchev qui me contredira.

85
Exemples 3 : Z-représentations des premiers entiers.
La suite des Z-représentations des entiers est répertoriée A014417 dans l’OEIS.
0 1 10 100 101 1000 1001 1010 10000 10001 10010 10100 10101
m Somme de Fibonacci non consécutifs Z-représentation
0 ∅ 0
1 F2 1
2 F3 10
3 F4 100
4 F4 + F2 101
5 F5 1000
6 F5 + F2 1001
7 F5 + F3 1010
8 F6 10000
9 F6 + F2 10001
10 F6 + F3 10010
11 F6 + F4 10100
12 F6 + F4 + F2 10101
13 F7 100000
14 F7 + F2 100001
15 F7 + F3 100010
16 F7 + F4 100100
17 F7 + F4 + F2 100101
18 F7 + F5 101000
19 F7 + F5 + F2 101001
20 F7 + F5 + F3 101010
21 F8 1000000
22 F8 + F2 1000001

Autre présentation des choses :


Ecrivons la suite des entiers naturels en base 10, suivis de leurs développements binaires :
0,1,2,3, 4 , 5, 6, 7, 8 , 9 , 10 , 11 , 12 , 13 , 14 , 15 , 16 , …
0, 1, 10, 11, 100, 101, 110, 111, 1000, 1001, 1010, 1011, 1100, 1101, 1110, 1111, 10000, …
Dans la première ligne, ne gardons que les nombres « fibbinaires », c’est-à-dire dont le
développement binaire ne contient pas deux 1 consécutifs :
0 1 2 4 5 8 9 10 16 17 18 20 21
0 , 1 , 10 , 100 , 101 , 1000 , 1001 , 1010 , 10000 , 10001 , 10010 , 10100 , 10101 , …
La suite de ces entiers est répertoriée A003714.
A chacun des entiers que nous venons d’écrire associons leurs développements fibonacciens :
0 = F0 , 1 = F2 , 10 = F3 , 100 = F4 , 101 = F4 + F2 , 1000 = F5 , 1001 = F5 + F2 , 1010 = F5 + F3 , etc.
dans lesquels on a supprimé F1, qui fait double emploi avec F2.
On constate que l’on obtient tous les entiers naturels, rangés dans l’ordre croissant.

86
12.5. Dégré, valuation, sexe ( fibonaccien ! ) d’un entier.
Eurêka ! (Archimède)

Définition : Si m = Zeck ak ak−1 … a0 ou ak ak−1 … a0 = Zeck(m) (ak = 1) est la Z-représentation


de m > 0, nous appellerons :
• degré de m deg(m) = max{ i ; ai = 1},
• valuation de m val(m) = min{ i ; ai = 1},
• sexe (fibonaccien) de m S(m) = a0 ∈ {0, 1}
Cette dernière dénomination n’a rien de fantaisiste ; elle s’éclairera dans la suite.
Naturellement S(m) = 1 ⇔ val(m) = 0.
Exemples :
6 = Zeck 1001 deg(6) = 3, val(6) = 0, S(6) = 1 ( eh oui, 6 est masculin ! )
19 = Zeck 101001 deg(19) = 5, val(19) = 0, S(19) = 1
20 = Zeck 101010 deg(20) = 5, val(20) = 1, S(20) = 1
Fk+2 = Zeck 100 … 0 deg(Fk+2) = val(Fk+2) = k, S(Fk+2) = 1 si k = 0, 0 sinon.
Fk+3 − 1 = Zeck 101010… deg(Fk+3 − 1) = k, val(Fk+3 − 1) = 1 si k est impair, 0 si k est pair
S(Fk+3 − 1) = 0 si k est impair, 1 si k est pair.

Proposition 1 : deg(m) = k ⇔ m ∈ [Fk+2, Fk+3[ .

Proposition 2 : Si m = Zeck ak ak−1 … a2 0 1, alors m − 1 = Zeck ak ak−1 … a2 0 0.


Si m = Zeck ak ak−1 … 0 ah = 1 0 0 0 … 0, on a
m − 1 = Zeck ak ak−1 … 0 0 ah−1 = 1 1 0 1 0 1 0… .
Proposition 3 : La fonction S est caractérisée par les conditions suivantes :
i) S(0) = 0, S(1) = 1.
ii) ∀k ∈ N ∀m ∈ [Fk+2, Fk+3[ S(m) = S(m − Fk+2).
Autrement dit ∀m ∈ N S(m) = S(m − Fk+2), où k = deg(m).

Preuve : au fond, cela revient à dire que m = Zeck ak ak−1 … a0 et m − Fk+2 = Zeck ak−1 … a0
ont même chiffre des unités, donc même sexe.
Proposition 4 : S(m − 1) = 0 si val(m) est paire, 1 si val(m) est impaire.
Cela découle de la proposition 2.

12.6. Un résultat statistique.


Cet exercice évalue la longueur moyenne et le nombre moyen de 1 dans une Z-réprésentation.
Exercice : Soient z(m) le nombre de chiffres de la Z-représentation de m, c(m) le nombre de 1
qu’elle contient, et d(m) le nombre de chiffres du développement décimal de m.
z(m)
a) Donner un équivalent simple de z(m) ; en déduire la limite de la suite ( ).
d(m)
b) Calculer ∑c(m) , et en déduire une suite semblable à ∑c(m) quand N → +∞.
m< N
m< Fn + 2

Solution : a) Equivalent de z(m), longueur de la Z-représentation de m..


z(m) = k + 1 ⇔ Fk+2 ≤ m < Fk+3. Par conséquent : z(m) = p ⇔ Fp+1 ≤ m < Fp+2.

87
ϕ p+1
On en déduit m = + o(1), donc ln m = (p + 1).ln ϕ + O(1) ∼ p.ln ϕ
5
Si d(m) est le nombre de chiffres du développement décimal de m,
ln(m)
d(m) = [ log10 m ] = log10 m + O(1) ∼ .
ln(10)
ln(m) z(m) ln(10)
Conclusion : z(m) ∼ et → .
ln(ϕ) d(m) ln(ϕ)
b) Evaluation du nombre moyen de 1 contenus dans la Z-réprésentation d’un entier.
Soit Sn = ∑c(m) , nombre de 1 figurant dans les écritures fibonacciennes de 0, 1, …, Fn+2 – 1.
m< Fn + 2

Notons Tk = [Fk+2, Fk+3[ et tk = ∑c(x) . On a Sn = t0 + t1 + … + tn−1 .


x∈Tk

Or les numérations fibonacciennes des x ∈ Tk se déduisent de celles des x ∈ [0, Fk+1[ en rajoutant
« 10 » devant. Donc tk = Fk+1 + Sk−1 pour tout k ≥ 0 ,avec la convention S−1 = S0 = 0.
On en déduit Sk+1 = Sk + Sk−1 + Fk+1 pour tout k ≥ 0 ,avec la convention S−1 = S0 = 0.
Les premières valeurs de Sn sont : 0, 1, 2, 5, 10, 20, 38, 71, 130, 235, 420, …
L’OEIS reconnaît aussitôt la suite A001629.
2 2
Notant T l’opérateur de décalage, ( T – T – I )(S) = T (F)
2 2 2 2 2 2
Donc ( T – T – I ) (S) = ( T – T – I )( T (F) ) = T ( T – T – I )(F) = 0
n n
Du coup Sn = ( an + b ).ϕ + ( cn + d ).ϕ’ .
Tous calculs faits, on trouve :

Sn = − 5+ 5 .ϕ + 1+ 5 ( n + 1 ).ϕ + −5+ 5 .ϕ’ + 1− 5 ( n + 1 ).ϕ’


n n n n
50 10 50 10
Bien entendu, on aurait pu aussi recourir aux séries génératrices.
On en déduit une suite semblable à UN = ∑c(m) quand N → +∞.
m< N

Si Fn+2 ≤ N ≤ Fn+3, alors Sn+2 ≤ UN ≤ Sn+1. Or Sn ∼ 1+ 5 n.ϕ .


n
10
n
Par conséquent, les suites (Sn) et (Sn+1) sont semblables à (n.ϕ ).
n
(UN) est semblable à (n.ϕ ).
n
Or Fn+2 ≤ N ≤ Fn+3 et la formule de Moivre impliquent que N est semblable à ϕ , et ln N à n.lnϕ .
Conclusion : La suite (UN) est semblable à N.ln N.

12.7. Théorèmes de Wythoff et Beatty.


En 1907, le mathématicien hollandais Willem Abraham Wythoff (1865-1939) a proposé et étudié un
jeu voisin du jeu de Nim. En 1926, le mathématicien canadien Samuel Beatty (1881-1970) a
généralisé le lemme de Wythoff.
On note [x] la partie entière du réel x.

Définition : Pour tout réel x > 0, on nomme suite de Beatty de x, la suite B(x) = ([nx])n∈N*
et ensemble de Beatty de x l’ensemble Ex = E(x) = { [nx] ; n ∈ N* }.
Exemples :

88
p
1) Si x est rationnel, écrivons x = ( p, q entiers > 0 premiers entre eux ).
q
Alors [(n + q)x] = [nx + p] = [nx] + p.
rp
Soit n = kq + r ( 0 ≤ r < q ) la division euclidienne de n par q. Alors [nx] = [ ] + kp.
q
rp
Notons Ar = [ ] + p.N pour 1 ≤ r ≤ q – 1, Aq = p + p.N. Alors B(x) = U Ar .
q 1≤r ≤q
2 2
2) Les suites B(ϕ) = ([nϕ])n∈N* et B(ϕ ) = ([nϕ ])n∈N* sont respectivement appelées suites de
Wythoff inférieure et supérieure, et référencées A000201 et A001950 dans l’OEIS.
B(ϕ) = ( 1, 3, 4, 6, 8, 9, 11, 12, 14, 16, 17, 19, 21, 22, 24, 25, 27, 29, 30, … )
2
B(ϕ ) = ( 2, 5, 7, 10, 13, 15, 18, 20, 23, 26, 28, 31, 34, 36, 39, 41, 44, 47, … )
2
La seconde suite se déduit de la première, car [nϕ ] = [nϕ + n] = [nϕ] + n.
La formule [x + y] = [x] + [y] + 0 ou 1, valable pour tous réels, implique aussitôt :
2 2
[(n + 1)ϕ] = [nϕ] + 1 ou 2 et [(n + 1)ϕ ] = [nϕ ] + 2 ou 3 resp.
> phi:=(1+sqrt(5))/2:
> wi:=n->evalf(floor(n*phi));ws:=n->wi(n)+n;
> WI:=[seq(wi(n),n=1..24)];WS:=[seq(ws(n),n=1..24)];
WI := [ 1., 3., 4., 6., 8., 9., 11., 12., 14., 16., 17., 19., 21., 22., 24., 25., 27., 29., 30., 32., 33.,
35., 37., 38. ]
WS := [ 2., 5., 7., 10., 13., 15., 18., 20., 23., 26., 28., 31., 34., 36., 39., 41., 44., 47., 49., 52.,
54., 57., 60., 62. ]
2
Théorème de Wythoff (1907) : Les ensembles Eϕ = { [n.ϕ] ; n ∈ N* } et Eϕ² = { [n.ϕ ] ; n ∈ N* }
forment une partition de N*.
Théorème de Beatty (1926) : Soient a et b deux réels > 1. Les deux propriétés sont équivalentes :
i) N* est réunion disjointe de Ea et Eb ;
ii) a ∉ Q , b ∉ Q et 1 + 1 = 1.
a b
2
Le théorème de Wythoff est un corollaire du théorème de Beatty : ϕ et ϕ sont deux irrationnels > 1
tels que 1 + 1 = 1.
ϕ ϕ²
Lemme 1 : Soit x un réel > 0. L’application b : n ∈ N* → [nx] ∈ N est croissante.
Elle est surjective ssi x < 1. Elle est injective ssi x ≥ 1. Elle n’est donc jamais bijective.
Preuve : L’application b est croissante comme composée des deux fonctions croissantes
n ∈ N* → nx ∈ R+ et x ∈ R+ → [x] ∈ N .
Supposons x < 1. L’application b est surjective, i.e. pour tout k ∈ N, il existe n tel que [nx] = k,
autrement dit k ≤ nx < k + 1, ou encore k ≤ n < k +1 .
x x
Il suffit de prendre pour n le plafond de k si k > 0, et n = 1 pour k = 0.
x
Supposons x ≥ 1. L’application b n’est pas surjective, car elle ne prend pas la valeur 0.
Si x ≥ 1, b est strictement croissante, car b(n+1) = [(n + 1)x] = [nx] + [x] + 0 ou 1 ≥ [nx] + 1 ou 2 ;
elle est donc injective.
Réciproquement, si b est injective, elle est strictement croissante 0 ≤ b(1) < b(2) < … < b(m) < ….

On en déduit aussitôt m – 1 ≤ b(m) ≤ mx. Donc m−1 ≤ x . Faisant tendre m vers +∞, il vient 1 ≤ x.
m

89
Lemme 2 : Pour tout réel x ≥ 1, l’ensemble de Beatty Ex a pour densité naturelle 1/x en ce sens que
f x (m) 1
la fonction fx(m) = card Ex ∩ [1, m]. vérifie limm→+∞ = .
m x
Preuve : L’application b est strictement croissante. Je dis que m − 1 ≤ fx(m) < m+1 .
x x
Soit en effet k = fx(m). C’est le plus grand entier tel que [kx] ≤ m ,
autrement dit, c’est l’entier tel que [kx] ≤ m < [(k + 1)x] .
On en déduit que kx < [kx] + 1 ≤ m + 1 et m ≤ (k + 1)x .
f x (m) m+1
Du coup, 1 − 1 ≤ < . On conclut par le lemme des gendarmes.
x m m mx
Théorème de Beatty : Soient a et b deux réels > 1. On a l’équivalence des propriétés suivantes :
i) N* est réunion disjointe de Ea et Eb ;
ii) a ∉ Q , b ∉ Q et 1 + 1 = 1.
a b
Preuve :
i) ⇒ ii) Si N* est réunion disjointe de Ea et Eb , la densité de N* est la somme des densités naturelles
de Ea et Eb (lemme facile à prouver), donc 1 + 1 = 1.
a b
p
Si l’un des deux nombres a ou b est rationnel, l’autre aussi. Ecrivons a = et b = r .
q s
Alors [qra] = qra = pr = psb = [psb], donc Ea et Eb ne seraient pas disjoints.
ii) ⇒ i) Démontrons d’abord que Ea et Eb sont disjoints.
Supposons qu’il existe k ∈ Ea ∩ Eb. Ecrivons k = [ma] = [nb]
Alors ma ≤ k < ma + 1 et nb ≤ k < nb + 1.
a et b étant irrationnels on a ma < k < ma + 1 et nb < k < nb + 1.
Donc m < k < m + 1 et n < k < n + 1
a a b b
Additionnons ces inégalités ! Il viendrait m + n < k < m + n + 1, ce qui est impossible.
Démontrons que Ea ∪ Eb = N*.
Soient k ∈ N*, m et n les entiers tels que ma ≤ k ≤ (m + 1)a et nb ≤ k ≤ (n + 1)b .
Autrement dit m = [k/a] , n = [k/b] .
Si k n’appartient pas à Ea , alors ma < k < (m + 1)a − 1, donc m < k < m + 1 − 1 ,
a a
Si k n’appartient pas à Eb , alors nb < k < (n + 1)b − 1 , donc n < k < n + 1 − 1 .
b b
Additionnons ! Il viendrait m + n < k < m + n + 1. Impossible ! CQFD.

Corollaire : Le seul réel θ > 1 tel que les ensembles Eθ et Eθ² forment une partition de N* est ϕ.

Voici un autre exemple illustrant le théorème de Beatty, a = 2 et b = 2 + 2 .


> a:=sqrt(2);bi:=n->evalf(floor(n*a));bs:=n->bi(n)+2*n;
> BI:=[seq(bi(n),n=1..26)];BS:=[seq(bs(n),n=1..24)];
BI := [ 1., 2., 4., 5., 7., 8., 9., 11., 12., 14., 15., 16., 18., 19., 21., 22., 24., 25., 26., 28., 29.,
31., 32., 33., 35., 36. ]
BS := [ 3., 6., 10., 13., 17., 20., 23., 27., 30., 34., 37., 40., 44., 47., 51., 54., 58., 61., 64.,
68., 71., 75., 78., 81. ]

90
12.8. De Wythoff à Zeckendorf.
Considérons les ensembles de Beatty :
E(ϕ) = { 1, 3, 4, 6, 8, 9, 11, 12, 14, 16, 17, 19, 21, 22, 24, 25, 27, 29, 30, … }
2
E(ϕ ) = { 2, 5, 7, 10, 13, 15, 18, 20, 23, 26, 28, 31, 34, 36, 39, 41, 44, 47, … }
Théorème : Les deux ensembles translatés :
E(ϕ) – 1 = { 0, 2, 3, 5, 7, 8, 10, 11, 13, 15, 16, 18, 20, 21, 23, 24, 26, 28, 29, … }
2
E(ϕ ) – 1 = { 1, 4, 6, 9, 12, 14, 17, 19, 22, 25, 27, 30, 33, 35, 38, 40, 43, 46, … }
forment une partition de N. Les éléments de E(ϕ) – 1 sont les entiers naturels dont la représentation
2
de Zeckendorf se termine par 0, les éléments de E(ϕ ) – 1 sont les entiers naturels dont le
représentation de Zeckendorf se termine par 1.
Preuve :
2
Nous allons exprimer la Z-répresentation de [nϕ]−1 et [nϕ ] – 1 à l’aide de celle de n.
k 2 k
Lemme 1 : Pour tout k, Fk.ϕ = Fk+1 − ϕ’ et Fk.ϕ = Fk+2 − ϕ’ .
+∞
Ecrivons n = ∑a F
i =0
i i +2 = Zeck ak ak−1 … a0 = Zeck ak ak−1 … ah 0 … 0 la Z-représentation de n > 0.

où k = deg(n) et h = val(n) sont resp. le plus grand et le plus petit indices tels que ai = 1.
+∞ +∞ +∞ +∞
∑ai (Fi+3−ϕ'i+2) = ∑ai Fi+3 − R et nϕ = ∑ai (Fi+4−ϕ'i+2) = ∑a F
2
nϕ = i i +4 − R
i =0 i =0 i =0 i =0
+∞
où R = ∑a .ϕ'
i =0
i
i +2 . Comme nϕ est irrationnel, ce reste R est non nul.
+∞
i +2 ϕ'² = 1.
De plus | R | < 1 car | R | < ∑ϕ'
i =0
=
1+ϕ'
h+2 h+2
Et enfin je dis que R est du signe de ah.ϕ’ = ϕ’ , donc R > 0 si h est pair, R < 0 si h impair.
+∞ +∞ +∞
i +2 (−ϕ')h+4
∑ai .ϕ'i+2 et | ∑ai .ϕ'i+2 | < ∑ ϕ'
h+2 h+2
En effet R = ϕ’ + = = | ϕ’| . Donc :
i =h + 2 i =h + 2 i =h + 2 1+ϕ'
+∞ +∞
∑a F ∑a F
2
Lemme 2 : [nϕ] = i i +3 et [nϕ ] = i i +4 si val(n) est impaire,
i =0 i =0
+∞ +∞
∑a F ∑a F
2
[nϕ] = i i +3 − 1 et [nϕ ] = i i +4 − 1 si val(n) est paire.
i =0 i =0

Les deux lemmes suivants découlent du lemme 2 et du § 12.2.


Lemme 3 : Si val(n) = h est impaire,
+∞
[nϕ] − 1 = ∑a F
i =0
i i +3 −1 = … ah+2 0 0 1 0 1 … 0 1 0 ( h + 3 chiffres exprimés )
+∞
∑a F
2
[nϕ ] − 1 = i i +4 − 1 = … ah+2 0 0 1 0 1 … 0 1 0 1 ( h + 4 chiffres exprimés )
i =0

Lemme 4 : Si val(n) = h est paire,


+∞
[nϕ] − 1 = ∑a F
i =0
i i +3 −2 = … ah+2 0 0 1 0 1 … 0 1 0 0 ( h + 3 chiffres exprimés )
+∞
∑a F
2
[nϕ ] − 1 = i i +4 − 2 = … ah+2 0 0 1 0 1 … 0 1 0 0 1 ( h + 4 chiffres exprimés )
i =0
2
Concluons ! Il découle des lemmes 3 et 4 que, pour tout n, S([nϕ] − 1) = 0, S([nϕ ] − 1) = 1.

91
−1 2 −1
Par conséquent, E(ϕ) – 1 ⊂ S ({0}) E(ϕ ) – 1 ⊂ S ({1})
Mais, réciproquement, si m est un entier tel que S(m) = 0, m est de la forme [nϕ] − 1.
2
Si m est un entier tel que S(m) = 1, m est de la forme [nϕ ] − 1.
On a redémontré au passage le théorème de Wythoff.

13. Suite de Fibonacci universelle.

13.1. Suite de Fibonacci dans un monoïde libre.


Soit M = Mo({a, b}) le monoïde des mots à deux lettres a, b, muni de la concaténation notée ..
Rappelons que M est l’ensemble des suites finies à éléments dans {a, b}, y compris la suite vide,
notée e. Plus généralement, soit M un monoïde libre à deux générateurs, a et b.
Partant des mots a et b, on obtient une suite de Fibonacci de mots :
m0 = a , m1 = b , m2 = ba , m3 = bab , m4 = babba , m5 = babbabab , mn+2 = mn+1 * mn.
Lorsque a = 1, b = 0, on obtient la suite :
m0 = 1 , m1 = 0 , m2 = 01 , m3 = 010 , m4 = 01001 , m5 = 01001010 , etc.
Définition 1 : Une telle suite de mots est appelée suite de Fibonacci universelle.
L’explication de cette terminologie vient de la propriété suivante :
Théorème 1 : Soient (E, ∗) un monoïde quelconque, u0 et u1 deux éléments de E, (un) la suite de
Fibonacci associée. Si f est le morphisme de monoïdes M → E tel que f(a) = u0 et f(b) = u1, alors
∀n ∈ N f(mn) = un.
Preuve : immédiate par récurrence.
Ainsi, toutes les suites de Fibonacci sont des images de la suite de Fibonacci universelle par un
morphisme de monoïde. Ce théorème a de très nombreuses applications :
Corollaire 1 : i) La longueur de mn est Fn+1.
ii) Le nombre de b dans mn est Fn. iii) Le nombre de a dans mn est Fn−1.
Preuve : Plutôt que de démontrer cela par récurrence, mieux vaut appliquer le théorème précédent :
i) Soit L le morphisme M → (N, +) tel que L(a) = L(b) = 1.
L n’est autre que l’application qui à un mot associe sa longueur.
En vertu du théorème précédent, (L(mn)) est la suite de Fibonacci (1, 1, 2, 3, …), c’est à dire (Fn+1).
ii) Soit B le morphisme M → (N, +) tel que B(a) = 0, B(b) = 1.
B n’est autre que l’application qui à un mot associe le nombre de b qu’il contient.
En vertu du théorème précédent, (B(mn)) est la suite de Fibonacci (0, 1, 1, 2, 3, …), c’est à dire (Fn).
iii) Soit A le morphisme M → (N, +) tel que A(a) = 1, A(b) = 0.
A n’est autre que l’application qui à un mot associe le nombre de b qu’il contient.
En vertu du théorème, (A(mn)) est la suite de Fibonacci (1, 0, 1, 1, 2, 3, …), c’est à dire (Fn−1).

Corollaire 2 : Soient (E, +) un monoïde commutatif, noté additivement, (un)n∈N une suite de
Fibonacci à éléments dans E. On a : ∀n ∈ N un = Fn−1.u0 + Fn.u1 .

Preuve : Il suffit d’appliquer le théorème précédent au morphisme F : M → E défini par F(a) = u0,
F(b) = u1. Au mot m il associe A(m).u0 + B(m).u1, avec les notations précédentes.
Le corollaire 1 conclut.

92
Corollaire 3 : mn+1 se déduit de mn par l’opérateur de codage Φ, dit codage de Fibonacci, qui
change a en b et b en ba (1 en 0, 0 en 01).
Preuve : Ici encore, plutôt que de démontrer cela par récurrence, appliquons le théorème précédent.
Considérons le morphisme Φ : M → M défini par Φ(a) = b , Φ(b) = ba ( Φ(1) = 0 , Φ(0) = 01 )
Ce morphisme vérifie Φ(m0) = m1 et Φ(m1) = m2.
Par suite, à la suite de Fibonacci universelle (mn), il associe la suite de Fibonacci décalée (m1, m2,
m3, … ). Par conséquent Φ(mn) = mn+1.
Autres propriétés des mots de Fibonacci mn :
• Pour tout n > 0, mn commence par 0 et, pour n > 1, par 01.
• Pour tout n, m2n finit par 01, m2n+1 finit par 10.
• Pour tout n, mn ne contient pas deux 1 consécutifs, ni trois 0 consécutifs.
Les deux premières assertions sont faciles.
La troisième se montre par récurrence : elle est vraie pour n = 0, 1 et 2.
Si elle est vraie aux rang n et n + 1 ( n > 1 ), alors :
mn+2 = mn+1.mn ne contient pas deux 1 consécutifs, car mn+1 et mn n’en contiennent pas et mn
commence par 0.
mn+2 = mn+1.mn ne contient pas trois 0 consécutifs, car mn+1 et mn n’en contiennent pas et il est
impossible que mn+1 finisse par 00 et mn commence par 0, ni que mn+1 finisse par 0 et mn
commence par 00.
• Pour tout n ≥ 2, le mot mn contient Fn+1 – 1 couples de lettres consécutives, dont :
1+(−1)n 1−(−1)n
Fn−1 couples 01 , Fn−1 − couples 10 , Fn−2 − couples 00 , 0 couples 11.
2 2
Ainsi, le mot m7 = 0 1 0 0 1 0 1 0 0 1 0 0 1 0 1 0 0 1 0 1 0
contient F8 = 21 lettres, F8 – 1 couples de lettres consécutives, 8 = F6 couples couples 01,
1+(−1)7 1−(−1)7
8 = F6 − couples 10 , 4 = F5 − couples 00 , 0 couples 11.
2 2
En effet, notons N01(n) le nombre de couples 01 figurant dans mn, etc., il vient :
N01(n +2) = N01(n + 1) + N01(n)
N10(n + 2) = N10(n + 1) + N10(n) + 0 si n est pair , + 1 si n est impair
N00(n + 2) = N00(n + 1) + N00(n) + 1 si n est pair , + 0 si n est impair.
Les conditions initiales et le § 5.4. permettent de conclure.
• Pour tout n ≥ 2, si on enlève les deux dernières lettres de mn, qui sont alternativement [1, 0] et
[0, 1], on obtient un mot palindrome.
• Les mots mn+2 = mn+1.mn et mn.mn+1 ne diffèrent que par leurs deux dernières lettres, qui sont
simplement échangées.
Considérons le mot suivant Mn = 0.m0. ….mn de longueur 1 + F1 + … + Fn+1 = Fn+3.
Son image par Φ est Φ(Mn) = 0.1.m1. ….mn+1 = 0.m0. ….mn+1 = Mn+1, de longueur Fn+4.

Proposition : Pour tout n ≥ 0, Mn = mn+2.

Preuve : Par récurrence sur n. M0 = 01 = m2. Si Mn = mn+2, Mn+1 = Mn.mn+1 = mn+2.mn+1 = mn+3.

Considérons la suite m’0 = 1 , m’1 = 0 , m’2 = 10 , m’n+2 = m’n.m’n+1 .


et σ l’opérateur de symétrisation, qui lit les lettres de droite à gauche.

93
Proposition : Pour tout n ≥ 0, m’n = σ(mn).

Preuve : Par récurrence sur n. m’0 = 1 = σ(m0), m’1 = 1 = σ(m1).


Si m’n = σ(mn) et m’n+1 = σ(mn+1), alors :
m’n+2 = m’n.m’n+1 = σ(mn).σ(mn+1) = σ(mn+1.mn) = σ(mn+2).

13.2. Quelques programmes Maple.


Voici deux procédures Maple :
> fibo:=proc(n)
> option remember;
> if n = 0 then 1
> elif n = 1 then 0
> else cat(fibo(n-1),fibo(n-2));fi;end;
> for n from 0 to 10 do mf(n);od;
1
0
01
010
01001
01001010
0100101001001
010010100100101001010
0100101001001010010100100101001001
0100101001001010010100100101001001010010100100101001010
01001010010010100101001001010010010100101001001010010100100101001001 \
010010100100101001001
> MF:=proc(n)
> option remember;
> if n=0 then [1]
> elif n=1 then [0]
> else [op(MF(n-1)),op(MF(n-2))]:
> fi:end;
> for k from 0 to 8 do MF(k);od;
[1]
[0]
[ 0, 1 ]
[ 0, 1, 0 ]
[ 0, 1, 0, 0, 1 ]
[ 0, 1, 0, 0, 1, 0, 1, 0 ]
[ 0, 1, 0, 0, 1, 0, 1, 0, 0, 1, 0, 0, 1 ]
[ 0, 1, 0, 0, 1, 0, 1, 0, 0, 1, 0, 0, 1, 0, 1, 0, 0, 1, 0, 1, 0 ]
[ 0, 1, 0, 0, 1, 0, 1, 0, 0, 1, 0, 0, 1, 0, 1, 0, 0, 1, 0, 1, 0, 0, 1, 0, 0, 1, 0, 1, 0, 0, 1, 0, 0, 1 ]

13.3. Le mot infini de Fibonacci.


Pour n > 1, chaque mot mn+1 commence par le précédent mn, on sent que la suite (mn) « tend » vers
une suite limite infinie, en un sens à préciser. Le cadre des espaces métriques permet de donner un
sens précis à cette notion de convergence.
2
Soit E = {0, 1}N l’ensemble des suites u = (un) à éléments dans {0, 1}. Pour tout couple (u, v) ∈ E ,
notons k(u, v) = min{ n ; un ≠ vn } si u ≠ v et k(u, v) = + ∞ sinon, et d(u, v) = 2−k(u,v).

94
Théorème 2 : (E, d) est un espace ultramétrique (c’est-à-dire vérifiant (D1), (D2) et d(u, w) ≤
max(d(u, v), d(v, w)), complet, et même compact.

On peut plonger M dans E, en identifiant un mot m = (x0, …, xn−1) ∈ M à l’ensemble A(m) des
suites u = (un) à éléments dans {0, 1} qui commencent par m.
Alors la distance du mot m à E est d(m, E) = d(A(m), E) = 2−n. C’est aussi la distance de Hausdorff
de A(m) à E.
Soit Φ : E → E l’application qui, à une suite u = (un), associe la suite obtenue en remplaçant 1 par 0
et 0 par 01. Ainsi u = ( 1, 0, 0, 1, 1, 0, 1, ...) devient Φ(u) = ( 0, 0, 1, 0, 1, 0, 0, 0, 1, 0, ... ).
Théorème 3 : L’opérateur Φ est injectif. Son image est l’ensemble des suites v = (vn) à éléments
dans {0, 1} telles que v0 = 0 et ne contenant pas deux 1 consécutifs.
2 d(u,v)
Φ est ½-contractant : ∀(u, v) ∈ E d(Φ(u), Φ(v)) ≤ .
2
Preuve : Commençons par le plus important, la fin. Si u = v, la majoration va de soi.
Sinon, soit k = k(u, v), supposons pour fixer les idées uk = 0, vk = 1.
u = (u0, …, uk−1, 0, … ) Φ(u) = (Φ(u0), …, Φ(uk−1), 0, 1, …)
v = (u0, …, uk−1, 1, … ) Φ(v) = (Φ(u0), …, Φ(uk−1), 0, …)
Par conséquent, les Φ(ui), i < k, étant des mots de longueurs 1 ou 2, k(Φ(u), Φ(v)) ≥ k + 1. cqfd.
Pour montrer l’injectivité, examiner les 4 cas possibles :
u = (u0, … uk−1, 0, 0, … ) v = (u0, …, uk−1, 1, 0, … )
u = (u0, … uk−1, 0, 0, … ) v = (u0, …, uk−1, 1, 0, …)
u = (u0, … uk−1, 0, 1, … ) v = (u0, …, uk−1, 1, 0, …)
u = (u0, … uk−1, 0, 1, … ) v = (u0, …, uk−1, 1, 1, …)
L’image de Φ, moins importante, est laissée au lecteur en exercice.
Il suffit d’appliquer le théorème de point fixe de Picard-Banach pour obtenir le :
Théorème 4 : Il existe une unique suite a à éléments dans {0, 1} telle que a = Φ(a). On l’appelle
mot infini de Fibonacci.

a = (an)n∈N = ( 0, 1, 0, 0, 1, 0, 1, 0, 0, 1, 0, 0, 1, 0, 1, 0, 0, 1, … )

Peu importe la suite initiale b. Les itérées de b par Φ commencent par 0, 01, 010, 01001, etc.
Le suite a est bien la limite de la suite de mots (mn), après le susdit20 plongement de M dans E. Car
la suite (A(mn)) est une suite décroissante de compacts de E, dont la limite au sens de Hausdorff est
son intersection ; et cette intersection est le singleton ({a}).
Le mot infini de Fibonacci est répertorié A003849 dans l’OEIS de Neil Sloane. C’est l’une des
suites emblématiques de la théorie de la complexité.
Il découle aussitôt de ce qui précéde que pour tout n ≥ 1, mn = ( a0, a1, …, aF ).
n +1 −1

La relation mn+2 = mn+1 * mn s’écrit


( a0, a1, …, aF ) = ( a0, a1, …, aF ,a0, a1, …, aF ).
n +3 −1 n + 2 −1 n +1 −1

La suite (an) vérifie a0 = 0, a1 = 1 et ∀k ∈ [0, Fn+1[ aF = ak .


n +2 + k

20 J’ai bien écrit « susdit », Yannick ! Tu as l’esprit mal tourné !

95
Ou encore : ∀k ∈ N ∀m ∈ [Fk+2, Fk+3[ am = am− F .
k +2

Nous retrouvons-là une propriété déjà rencontrée… On en déduit :


Théorème 5 : Pour tout n, an = S(n). ( an ) est la suite des sexes des entiers naturels, c’est-à-dire la
suite des chiffres des unités de leurs représentations de Zeckendorf.
Théorème 6 : La suite a = (an) est la concaténée des mots (0, m0, m1, m2, … , mn, … ).
Preuve : Il suffit de vérifier que cette suite est un point fixe de l’opérateur Φ.
Or Φ(0, m0, m1, m2, … , mn, …) = (0, 1, m1, m2, m3, … , mn+1, …)
= (0, m0, m1, m2, m3, … , mn+1, …).
Par unicité du point fixe, a = (0, m0, m1, … , mn, … ) CQFD
Cela découle aussi de la formule déjà notée (0, m0, m1, m2, … , mn) = mn+2.
Théorème 7 : Le nombre des mots de longueur n extraits du mot de Fibonacci est n + 1.
Nous ne démontrerons pas ce résultat, mais le vérifierons pour les premières valeurs.
Il y a 2 mots de longueur 1 : 0 et 1.
Il y a 3 mots de longueur 2 : 01, 10 et 00.
Il y a 4 mots de longueur 3 : 010, 100, 001 et 101
(on sait que les mots 111, 110, 011, et 000 ne sont pas possibles).
Il y a au plus 5 mots de longueur 4 : 0100, 1001, 0010, 0101 et 1010.
Car 010 donne 0100 ou 0101, 011 donne forcément 0110, 001 donne 0010 et 101 donne 101,
En vertu du fait qu’il n’y a pas deux 1 consécutifs, ni trois 0 consécutifs.
Il reste à vérifier que ces 5 mots figurent dans un mn assez grand.
NB : Les mots de longueur n extraits du mot de Fibonacci n’ont pas deux 1 consécutifs, ni trois 0
consécutifs. Nous avons dénombré ces mots au § 4.7. Il y en a plus de n + 1. Apparemment ils ne
figurent pas tous dans le mot de Fibonacci.

13.4. Retour sur la reproduction des hyménoptères.

« Une famille, c’est un papa et une maman ! »


La Manif pour tous

Avant d’aborder les hyménoptères, commençons par définir la « numérotation de Sosa inversée »
21, féministe en quelque sorte, de nos ancêtres directs :
1) Le numéro 1 est attribué à l’individu racine, que nous supposerons de sexe masculin.
2) Le numéro 2 est attribué à sa mère, le numéro 3 à son père. Plus généralement, si un individu a
le numéro n, sa mère a le numéro 2n, son père le numéro 2n + 1.
Si l’on note 1 le sexe masculin, 0 le sexe féminin, les sexes des ancêtres directs d’un homme, rangés
dans la numérotation de Sosa inversée, sont donc :
1 0 1 0 1 0 1 0 0 1 0 1 0 1 0 1 0 0 1 0 1 0 1 0 1 0 1 etc.

21 La numérotation de Sosa attribue en fait le numéro 2 au père, le numéro 3 à la mère. Plus généralement, si
un individu a le numéro n, son père le numéro 2n, sa mère le numéro 2n + 1. Nous l’avons ici inversée, ce qui
revient à effectuer sur l’arbre généalogique une symétrie d’axe vertical, pour la clarté de l’exposé.

96
Ainsi, le Sosa’(2) est la mère, le Sosa’(6) la grand-mère paternelle, etc.

Arbre généalogique de Sosa inversé


Cherchons à comprendre qui est le Sosa’(26). En binaire, 26 = 11010. Le Sosa’(26) est la mère du
père de la mère de mon père. Il suffit de lire l’écriture binaire de 26 de droite à gauche.
Notons au passage que les ancêtres féminins sont les ancêtres ayant un numéro pair. Le pair est
féminin, l’impair est masculin : la symbolique est respectée.
En somme, cet arbre généalogique de Sosa inversé fournit une illustration pédagogique vivante et
naturelles du développement binaire d’un entier naturel.
« Un bon croquis vaut mieux qu’un long discours »
Napoléon Bonaparte 22
Venons-en maintenant aux abeilles. Nous avons évoqué au § 4.2. la parthénogénèse arrhénotoque
des abeilles découverte en 1835 par Jan Dzierzon. Nous allons définir ce que j’appellerai la
« numérotation de Sosa-Dzierzon » des ancêtres d’une abeille-mâle ou faux bourdon. Rangeons ces
ancêtres directs en énumérant les femelles avant les mâles.
1 a pour ancêtres :
1 0 01 0 1 0 0 1 0 0 1 0 1 0 0 1 0 1 0 0100101001001 etc.
Ils sont numérotés
1 2 34 5 67 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 … … … 33 etc.
Un mâle a une mère, trois grands-parents, cinq aïeux, huit bisaïeux, etc. mais surtout, on reconnaît la
suite de Fibonacci universelle ! Et pour cause, puisque 1 provient de 0 et 0 de 01.
Théorème 8 : La suite mn est la liste des sexes des ancêtres de la n-ème génération d’un hymé-
noptère mâle. La suite mn+1 est la liste des sexes des ancêtres de la n-ème génération d’un hymé-
noptère femelle.
Du coup, nous retrouvons la propriété démontrée au § 4.2.
Corollaire : Un hyménoptère mâle a Fn+1 ancêtres à la n-ème génération, Fn−1 mâles et Fn femelles.
Un hyménoptère femelle a Fn+2 ancêtres à la n-ème génération, Fn mâles et Fn+1 femelles.

22 Lequel Napoléon a ajouté aussitôt : « Le problème avec les citations trouvées sur internet, c’est qu’il est très
difficile de savoir si elles sont authentiques ou pas. »

97
Arbre généalogique de Sosa-Dzierzon d’une abeille mâle
Examinons bien attentivement cet arbre généalogique. Considérons par exemple l’ancêtre numéro
27, le Sosa-Dzierson(27) de l’abeille-mâle. Il est de sexe masculin, il est le père de la mère de la
mère du père de la mère de la mère de l’abeille-mâle. Si on lit les sexes des ascendants en partant du
bas, on trouve 1001001. C’est précisément la représentation de Zeckendorf du nombre 27.
De plus, la partition mystérieuse du § 12.
E(ϕ) – 1 = { 0, 2, 3, 5, 7, 8, 10, 11, 13, 15, 16, 18, 20, 21, 23, 24, 26, 28, 29, … }
2
E(ϕ ) – 1 = { 1, 4, 6, 9, 12, 14, 17, 19, 22, 25, 27, 30, 33, 35, 38, 40, 43, 46, … }
s’éclaire d’un coup.
E(ϕ) – 1 = { 0, 2, 3, 5, 7, 8, 10, 11, 13, 15, 16, 18, 20, 21, 23, 24, 26, 28, 29, … }
est l’ensemble des numéros des ancêtres femelles,
2
E(ϕ ) – 1 = { 1, 4, 6, 9, 12, 14, 17, 19, 22, 25, 27, 30, 33, 35, 38, 40, 43, 46, … }
est l’ensemble des numéros des ancêtres mâles !
Quant au mot de Fibonacci:
a = (an)n∈N = ( 0, 1, 0, 0, 1, 0, 1, 0, 0, 1, 0, 0, 1, 0, 1, 0, 0, 1, … )
on le voit de deux façons sur cet arbre :
• il est la limite de la suite de mots mn donnant les sexes des ancêtres de la n-ème génération.
• mais il est aussi, en rajoutant 0 devant, la suite des sexes des ancêtres de Sosa-Dzierzon.
Cet arbre généalogique de Sosa-Dzierzon fait un lien extrêmment éclairant entre la numérotation de
Zeckendorf et les ancêtres d’une abeille.

Le terme d’indice n du mot de Fibonacci serait le sexe de mon n-


n-ème ancêtre si
subitement je devenais
devenais une abeille ! Idée sésuisante, par ces temps de confinement…

98
Tout cela demande à être justifié.
Je laisse cela au lecteur, et préfère placer sous ses yeux du lecteur ce pur chef d’œuvre.

Georges de La Tour, Le nouveau né (1645)

99
13.5. Une interprétation géométrique du mot de Fibonacci.
Le mot de Fibonacci a une interprétation géométrique simple et surprenante.
+ +
Dans le quart de plan R ×R , traçons les demi-droites horizontales hn : y = n et verticales vn : x =
n, où n décrit N, ainsi que la demi-droite D : y = ϕ.x, x ≥ 0.
Comme ϕ est irrationnel, D ne rencontre N×N qu’au point O = (0, 0),
Elle coupe donc alternativement les droites hn et vn. Lorsqu’un point mobile se déplace sur D en
partant de O, on note 0 lorsqu’il rencontre une droite horizontale, 1 lorsqu’il rencontre une droite
verticale. Le mot obtenu est le mot de Fibonacci 0 1 0 0 1 0 1 0 0 1 0 0 1 0 …
> with(plots):
> phi:=(1+sqrt(5))/2;
> v:=n->plot([n,y,y=0..16]):h:=n->plot([x,n,x=0..10]):
d:=plot(phi*x,x=0..10,thickness=2,color=blue):
> display({seq(v(n),n=0..10),seq(h(n),n=0..16),d});

Démontrons ce que nous voyons.


Notons (Mn)n≥1 la suite des points où la demi-droite D rencontre le quadrillage, à partir de O.
Le point où D coupe l’horizontale hp est Hp = (p/ϕ, p)
Le point où D coupe la verticale vq est Vq = (q, qϕ)

100
Théorème 9 : Pour tout n ≥ 1, Hn = M[nϕ] et Vn = M[nϕ²] .
Preuve : Considérons la suite strictement croissante de réels :
1 < ϕ < 2 < 3 < 2ϕ < 4 < 3ϕ < 5 < 6 < 4ϕ < 7 < 8 < 5ϕ < 9 < 6ϕ < 10 < …
1 2 3 4 5
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16
et les points d’ordonnées correspondantes sur la demi-droite D.
2
Les nombres orange sont les éléments de E(ϕ), les nombres bleus les éléments de E(ϕ ).
La deuxième ligne donne quelques abscisses correspondantes. Il suffit ensuite de lire :
M1 = H1, M2 = V1, M3 = H2, M4 = H3, M5 = V2, M6 = H4,
M7 = V3, M8 = H5, M9 = H6, etc.
Corollaire : La suite (h, v, h, h, v, h, v, h, h, …) donnant
l’appartenance des points Mn à une horizontale ou une
verticale, coïncide avec le mot de Fibonacci.
Théorème 10 : Le n-ème élément du mot de Fibonacci est
donné par l’expression analytique :
an = [(n + 2) ρ] − [(n + 1) ρ]
= 2 + [(n + 1) ϕ] − [(n + 2) ϕ]
où ρ = 2 – ϕ et [ . ] désigne la fonction partie entière.
Preuve : Vérifions que les deux expressions de an sont
identiques.
[(n + 1) ρ] = [(n + 1) (2 – ϕ) ] = 2(n + 1) + [ − (n + 1) ϕ ]
[(n + 2) ρ] = [(n + 2) (2 – ϕ) ] = 2(n + 2) + [ − (n + 2) ϕ ]
Donc
[(n + 2) ρ] − [(n + 1) ρ] = 2 + [−(n + 2) ϕ] − [−(n + 1) ϕ]
Or, si x ∉ Z [ – x ] = 1 – [x] .
Comme est irrationnel, (n + 2) ϕ et (n + 1) ϕ ∉ Z. Donc
2 + [−(n+2) ϕ] − [−(n+1) ϕ] = 2 + 1 – [(n+2) ϕ] − 1 + [(n+1) ϕ] = 2 + [ (n+1) ϕ] − [ (n+2) ϕ] .
Quant à l’affirmation principale, elle découle du théorème 9 et de la figure.
> phi:=(1+sqrt(5))/2:r:=2-phi:
> a:=n->floor((n+2)*r)-floor((n+1)*r);
a := n → floor( ( n + 2 ) r ) − floor( ( n + 1 ) r )
> L:=[seq(a(n),n=0..55)];
L := [ 0, 1, 0, 0, 1, 0, 1, 0, 0, 1, 0, 0, 1, 0, 1, 0, 0, 1, 0, 1, 0, 0, 1, 0, 0, 1, 0, 1, 0, 0, 1, 0, 0, 1,
0 , 1 , 0 , 0 , 1 , 0 , 1 , 0 , 0 , 1 , 0 , 0 , 1 , 0 , 1 , 0 , 0 , 1, 0, 1, 0, 0 ]

101
14. Suite de Fibonacci aléatoire.

On nomme ainsi la suite donnée par X1 = 1 , X2 = 1 , Xn+2 = ± Xn+1 ± Xn ,


où les deux ± 1 sont tirés à pile ou face et indépendaamment.

Autrement dit : [ XX1 ] = [ 11] et [ XX n+1 ] =  0 1  [ Xn ] .


2 n +12 ±1 ±1 X n+1
Si l’on note An = 
0 1  ∈ M (Z) cette matrice aléatoire,
±1 ±1
2

[ XX n+1 ] = An An−1 … A1 [ XX1 ] = Mn [ XX1 ]


n+ 2 2 2

La matrice Mn décrit une promenade aléatoire dans le sous-groupe de Gl2(Z) engendré par :

A =   , B =
01 0 1  , C =  0 1 et D =  0 1  .
1 1 1 −1 −1 1 −1 −1
Tous ces sujets me dépassent, et je renvoie le lecteur aux travaux de Hillel Fürstenberg (qui a reçu le
prix Abel en 2020), Harry Kesten, Divakar Viswanath, Benoît Rittaud, etc.
Je me contenterai de noter que :
1) Les 4 matrices 
0 1  ont mêmes normes subordonnées aux normes ||x|| et ||x|| , à savoir 2, et

±1 ±1 1

même norme de Frobenius 3.


n n
Par suite ||| Mn |||1 ≤ 2 et ||| Mn |||∞ ≤ 2 . Et c’est sans doute pour cela que ces grands matheux
considèrent la racine n-ième de cette norme.
2) Pour tout n, | Xn | ≤ Fn.
3) Xn a même parité que Fn : impair, impair, pair, impair, impair, pair, etc..
En 1999, D. Viswanath a démontré que le taux de croissance des suites de Fibonacci aléatoires est
C = 1,1319882487943…
Les premières décimales de la constante de Viswanath sont répertoriées A078416 dans l’OEIS.
La procédure Maple suivante calcule aléatoirement Xn+2 = | Xn+1 ± Xn | ,
> with(plots):die:=rand(0..1);
> Viswanath:=proc(n)
> local k,p,S,a,b,c,L;a:=1;b:=1;
> S:=[seq(die(k),k=1..n)];print(S);L:=[a,b];
> for p from 1 to n do if S[p]=0 then c:=abs(a+b);else c:=abs(a-b);fi;
> L:=[op(L),c];a:=b;b:=c;od;
> print(L);listplot(L,color=gold,thickness=2);end;
> Viswanath(20);
[ 0, 1, 0, 1, 1, 1, 1, 0, 0, 0, 1, 0, 0, 0, 1, 1, 1, 0, 0, 0 ]
[ 1, 1, 2, 1, 3, 2, 1, 1, 0, 1, 1, 2, 1, 3, 4, 7, 3, 4, 1, 5, 6, 11 ]

102
> Viswanath(100);
[ 1 , 1 , 0 , 0 , 1 , 0 , 0 , 0 , 0 , 0 , 1 , 1 , 0 , 1 , 0 , 1 , 0 , 1 , 1, 1, 1, 0, 1, 1, 0, 1 , 0 , 0 , 1 , 0 , 0 , 0 , 1 , 1 , 1 , 1 ,
1 , 1 , 0 , 1 , 0 , 0 , 1 , 0 , 0 , 1 , 1 , 0 , 1 , 0 , 1 , 1, 1, 1, 1, 0, 0, 0 , 0 , 1 , 0 , 0 , 1 , 0 , 0 , 1 , 1 , 1 , 0 , 0 , 1 ,
0 , 1 , 0 , 1 , 1 , 0 , 0 , 1 , 1 , 0 , 1 , 1 , 1 , 1 , 1 , 0, 0, 0, 0, 1, 0, 0 , 1 , 0 , 1 , 1 , 1 , 1 , 1 ]
[ 1, 1, 0, 1, 1, 2, 1, 3, 4, 7, 11, 18, 7, 11, 18, 7, 25, 18, 43, 25, 18, 7, 11, 18, 7, 11, 18, 7, 25,
32, 7, 39, 46, 85, 39, 46, 7, 39, 32, 7, 39, 32, 71, 103 , 32, 135, 167, 32, 135 , 167 , 32,
199 , 167 , 32, 135, 103, 32, 135 , 167 , 302, 469, 167 , 636 , 803 , 167, 970, 1137 , 167 ,
970 , 803 , 1773 , 2576 , 803 , 3379 , 2576 , 5955 , 3379 , 2576 , 5955 , 8531 , 2576 , 5955 ,
8531 , 2576 , 5955 , 3379 , 2576 , 803 , 3379 , 4182 , 7561 , 11743 , 4182 , 15925 , 20107 ,
4182 , 24289 , 20107 , 4182 , 15925 , 11743 , 4182 ]

103
15. Le nombre d’or en géométrie.

Elle donne envie de vivre …


La beauté est un mystère en pleine lumière. Il y a beaucoup de mystères autour de nous. Les uns,
comme l’origine et la mort, sont sombres, opaques, effrayants. Les autres sont légers et gais. On
dirait presque transparents. La beauté est un mystère qui danse et chante dans le temps et au-delà
du temps. Depuis toujours et à jamais.
Elle est incompréhensible. On a essayé de l’expliquer. Le plus souvent en vain. A coups de
chiffres et de mécanismes. Le nombre d’or. La symétrie et la dissymétrie. Des influences. Un code.
Une culture. Des rapports, des contrastes, des souvenirs, des surprises. Le hasard, comme
toujours, et la nécessité. Pourquoi un temple est-il beau ? Pourquoi une musique est-elle belle ?
Pourquoi un être est-il beau ? Pourquoi un livre est-il beau ? (…)
La beauté est un secret que tout le monde a connu. Elle est très loin d’être recherchée et admirée
sans réserve. Les gens sérieux en parlent avec dédain et légèreté. Tout un pan de l’art moderne se
moque bien de la beauté et se vanterait plutôt, pour une raison ou pour une autre, de l’ignorer ou
de la mépriser. Les fous, les grands naïfs, les amants, les poètes attardés, les mathématiciens
surtout la cultivent et la vénèrent. Elle est l’espérance même. Elle donne envie de vivre.
Jean d’Ormesson, De la beauté
Un jour je m’en irai sans en avoir tout dit

Le nombre d’or se rencontre dans plusieurs problèmes géométriques liés au pentagone et au


décagone réguliers. Ces résultats étaient connus des géométres grecs  les Grecs aimaient la
beauté !  Nous proposons ici sur ce sujet deux exercices et un problème plus ambitieux.

15.1. Constructions élémentaires.

Exercice 1 : construction élémentaire

Soit P un pentagone convexe régulier dont les sommets sont notés ABCDE dans le sens trigo-
nométrique. « Régulier » signifie, rappelons-le, que les côtés sont égaux AB = BC = CD = DE = EA,
et que les angles intérieurs ABC, BCD, CDE, DEA, EAD, sont égaux.
1) Que valent les angles intérieurs ?
2) Démontrer que l’isobarycentre O des points ABCDE est situé sur la médiatrice commune de
[EB] et de [CD], et que celle-ci passe par A.
3) Démontrer que le pentagone P est inscriptible dans un cercle de centre O.
4) En déduire l’existence d’un tel pentagone, et son unicité à similitude près.
5) Des résultats précédents, déduire la relation : 1 + 2 cos 2π + 2 cos 4π = 0 .
5 5
Montrer que cos 2π et cos 4π sont solutions d’une équation du second degré que l’on formera.
5 5
En déduire les valeurs de cos 2π et cos 4π , puis celles de cos π .
5 5 5
Démontrer que AC = ϕ , où ϕ est le nombre d’or.
AB
6) Soit AA’BB’CC’DD’EE’ un décagone convexe régulier de centre O, ADGJCFIB le décagone
étoilé. Démontrer que AB' = ϕ et que AO = ϕ.
AO AA'

Solution

1) La somme des angles intérieurs d’un polygone convexe de n côtés est (n – 2)π.

104
Par conséquent, la somme des angles intérieurs d’un pentagone convexe est 3π.
Chacun des angles intérieurs d’un pentagone régulier vaut donc 3π .
5
2) Les triangles ABC et AED sont isocèles en B et E resp., et égaux. Par conséquent, AC = AD.
On l’appelle diagonale du pentagone.
Les triangles BAE et CAD sont isocèles en A, et la bissectrice intérieure de l’angle BAE est
également celle de CAD. Donc les médiatrices de [BE] et [CD] coïncident et passent par A.
Soit O l’isobarycentre du pentagone :
O = Bar( (A, 1), (B, 1), (C, 1), (D, 1), (E, 1) )
= Bar( (A, 1), (I, 2), (J, 2) ),
où I est le milieu de [BE] et J celui de [CD]
Comme A, I et J sont alignés, le point O appartient à la médiatrice commune de [BE] et [CD].
3) En particulier, OB = OE. Par permutation, OA = OB = OC = OD = OE,
Le pentagone P est inscriptible dans un cercle de centre O.
Chacun des triangles AOB, BOC, COD, DOE, EOA est isocèle en O, d’angle au sommet 2π .
5
4) Pour construire un pentagone régulier, il suffit donc de se donner un point O, de tracer un cercle
de centre O, de fixer un point A sur ce cercle, et de considérer les points B, C, D et E déduits par
rotations de centre O et d’angles 2π , 4π , 6π et 8π .
5 5 5 5
5) Si l’on projette la relation OA + OB + OC + OD + OE = 0 sur l’axe OA, on trouve sans
peine : 1 + 2 cos 2π + 2 cos 4π = 0 .
5 5
En vertu de la relation cos 4π = 2 cos 2π − 1, il vient 4 cos 2π + 2 cos 2π − 1 = 0.
2 2
5 5 5 5
Ainsi c = cos 2π est solution de l’équation du second degré :
2
4 c + 2 c − 1 = 0.
5
Comme cos 8π = cos 2π (pourquoi ?), on a aussi : 1 + 2 cos 4π + 2 cos 8π = 0 .
5 5 5 5
Par conséquent, c’ = cos 4π est l’autre solution de l’équation
2
4 x + 2 x − 1 = 0.
5
On en déduit { c, c’} = { −1+ 5 , −1− 5 }.
4 4
Comme c’ < 0 < c, on conclut que cos 2π = −1+ 5 , cos 4π = −1− 5 .
5 4 5 4
On en conclut que AC = ϕ .
AB
6) Nous avons noté AA’BB’, etc. les sommets du décagone régulier afin de conserver les notations
précédentes.
AB' = 2.sin 3π = 2 cos 2π = 2 cos π = ϕ
AO 10 10 5
AO = 1 = 1 = 1 = 1 = ϕ. Cqfd.
AA' 2.sin π 2.cos 4π 2.cos 2π −ϕ'
10 10 5

Exercice 2 : deux constructions du pentagone régulier

Dans cet exercice nous proposons deux constructions à la règle et au compas du pentagone régulier
ABCDE à partir du segment AB.
Première construction.
En voici les étapes :

105
1) Choisir un demi-plan limité par la droite (AB) et y rester.
2) Compléter le segment AB en un carré AA’B’B.
3) Soit I le milieu de [AB]. Le cercle (I, IA’ = IB’) recoupe la droite (AB) en F et G resp.
4) Les cercles (A, AB) et (B, BF) se recoupent en E.
5) Les cercles (B, BA) et (A, AG) se coupent en C.
6) Les cercles (A,AG) et (B, BF) se coupent en D.
Je dis que ABCDE est un pentagone convexe régulier de côté AB.

Deuxième construction, attribuée à Albrecht Dürer (1471-1528).


1) Des points A et B pris comme centres, on trace deux cercles de rayon AB. Ils se coupent en F.
2) De F comme centre, on construit le cercle passant par A et B. Il recoupe les cercles précédents en
G et H, et la médiatrice de [AB] en K
3) Les droites (GK) et (HK) recoupent les deux cercles initiaux en C et E respectivement.
4) Je dis que EABC sont les quatre sommets du pentagone cherché. Le cinquième sommet D s’en
déduit aisément en intersectant convenablement les cercles (E, EA) et (C, CB).
Le pentagone ABCDE a tous ses côtés égaux. Mais est-il régulier ?

106
Solution

Première construction.
Tous les points considérés sont situés dans un même demi-plan délimité par la droite (AB).
IF = IG = IA’ = IB’ = 5 AB.
2
Par conséquent, BF = BI + IF = ( 1 + 5 )AB = ϕ.AB.
2 2
Le point E vérifie AE = AB et BE = ϕ.AB = BF (diagonale du pentagone régulier), par conséquent E
est bien l’intersection des cercles (A, AB) et (B, BF).
De même, C est l’intersection des cercles (B,BA) et (A, AG).
Enfin, AD = BD = ϕ.AB, comme diagonales du pentagone régulier.
Par conséquent, D est l’intersection des cercles (A, AG) et (B, BF).
Conclusion : la construction proposée est juste. .
Deuxième construction.
La construction est élégante, mais nous allons démontrer que la réponse est négative.
Pour cela, nous allons passer par les nombres complexes, et noter a, b, c, d, etc., les affixes des
points A, B, C, D, etc.
Nous allons prendre B = O comme origine et poser AB = 1, à homothétie près.
De sorte que le cercle (B, BA) est le cercle unité d’équation z. z = 1.
Ainsi a = – 1 , f = – 1 – i 3 = j , k = i + f = i + j , g = – 1 + f = – 1 + j .
2 2 2
2 2

107
Nous allons calculer l’affixe c du point C, en intersectant la droite (GK) et le cercle unité (B, BA).
Dans le chapitre « Géométrie plane et nombres complexes », nous avons établi que la droite GK a
z g k z −1+ j² i+ j²
pour équation z g k = 0, soit z −1+ j −i+ j .= 0.
111 1 1 1
Après développement et simplifications, on trouve : 2z – 2 i z + ( 1 – i )( 3 – 3 ) = 0.
Il faut couper cette droite avec le cercle unité z. z = 1, il vient :
2
2 z + ( 1 – i )( 3 – 3)z–2i=0 (*).
5
Aucune des solutions de cette équation ne vérifie z = 1.
Il est en effet facile de démontrer que les polynômes
2 5 4 3 2
A = 2X + ( 1 – i )( 3 – 3 ) X – 2 i et B = X – 1 ( ou X + X + X + X + 1 )
sont premiers entre eux. Facile… du moins avec Maple !
> A:=2*X^2+(1-I)*(3-sqrt(3))*X-2*I;B:=X^4+X^3+X^2+X+1;
gcdex(A,B,X,'U','V');U,V;
A := 2 X 2 + ( 1 − I ) ( 3 − 3 ) X − 2 I
B := X 4 + X 3 + X 2 + X + 1
1
1 ( −10 − 7 I + 4 I 3 + 6 3 ) X 3 1 ( −11 − 15 I + 9 I 3 + 7 3 ) X 2
− −
2 −26 + 15 3 4 −26 + 15 3
1 ( 9 3 − 15 − 11 I + 7 I 3 ) X 1 −7 − 10 I + 6 I 3 + 4 3
− − ,
4 −26 + 15 3 2 −26 + 15 3
( −10 − 7 I + 4 I 3 + 6 3 ) X 36 − 7 I + 4 I 3 − 21 3

−26 + 15 3 −26 + 15 3
Cela suffit à conclure, mais nous allons faire mieux !
Posant z = exp(iθ), et prenant la partie réelle de (*), il vient :
cos(2θ) + 3− 3 ( cos θ − sin θ ) = 0
2
Posons α = θ − π , il vient : sin(2α) = 3− 3 cos α , d’où sin α = 3− 3 .
4 2 2 2
Ainsi, le point C a pour affixe c = exp(iθ), où θ = Arcsin 3− 3 + π .
2 2 4
Maple démontre que θ ≠ 2π , mais que l’écart est faible :
5
> A:=evalf(arcsin((3-sqrt(3))/(2*sqrt(2)))+Pi/4);
A := 1.250247059
> B:=evalf(2*Pi/5);
B := 1.256637062
> evalf((B-A)*180/Pi);
.3661202029
Voici une solution plus élémentaire, sans passer par les complexes.
Notons L = (GC) ∩ (AB) et considérons le triangle LBC.
BC = CL = LB .
On connaît la relation
sin L sin B sinC
Or BC = 1 , L = π , LB = 1 + 1− 3 . D’où sin C = LB.sin L = ( 3 − 3 ) 2 = 3 2 − 6 .
4 2 2 2 2 2 2
B = 3π − Arcsin 3 2 − 6 ≈ 108,3661201° , convertie en degrés, au lieu de 108 ° exactement.
4 2

108
Exercice 3 : mandorles romanes et gothiques

Soient ABCD un carré de centre O, G, F, H, E, les milieux des côtés [AB], [BC],[CD] et [DA], M et
N les milieux de [OG] et [OH].
1) Construction de la mandorle romane.
Le cercle de centre M et de rayon ME recoupe le segment [OH] en L, le cercle de centre N et de
rayon NE recoupe [OG] en K. Tracer la réunion des arcs ELF et EKF.
Que vaut le rapport EF/KL ?
2) Construction de la mandorle gothique.
Le cercle de diamètre OG recoupe les droite (EM) en P et (FM) en Z, P et Z étant les points d’inter-
section les plus éloignés de E et F resp.
Le cercle de centre E et de rayon EP recoupe la droite (GH) en Q et R.
Le cercle de centre F et de rayon FZ recoupe la droite (GH) en Q et R.
Tracer la réunion des arcs QPR et QZR. Soient U et T leurs intersection avec la droite (EF).
Que vaut le rapport QR/TU ?

Solution
Etoile de la mer voici la lourde nappe
Et la profonde houle et l’océan des blés
Et la mouvante écume et nos greniers comblés,
Voici votre regard sur cettte immense chape
Charles Péguy, Présentation de la Beauce à Notre Dame de Chartres

Cet exercice est tiré du livre de R. Vincent sur le Nombre d’or. J’ignore où il a puisé ces
3/2
renseignements. On trouve aisément EF/KL = ϕ et QR/TU = ϕ .

Une mandorle (de l’italien mandorla, amande) est une figure géométrique en forme d’ovale ou
d’amande, limitée par deux arcs de cercle, dans laquelle s’inscrivent des personnages sacrés, le plus
souvent le Christ en gloire, mais aussi la Vierge ou les saints. On la trouve sur un sarcophage
mérovingien et dans de nombreuses églises romanes et gothiques : Saint-Michel de Saint-Genis en
Roussillon, Mauriac, Sainte-Trophime d’Arles, Saint-Sernin à Toulouse, sur les chapiteaux de
l’abbaye de Cluny II, construite de 948 à 981, et sur le tympan royal de la cathédrale de Chartres. La
symbolique de la mandorle est riche.

109
Christ en gloire dans sa mandorle, tympan royal de la cathédrale de Chartres

Exercice 4 : Empilement de cinq disques

On place cinq disques de rayon 1 de façon que leurs centres soient les sommets d’un pentagone
régulier de centre O et qu’ils soient tangents.
Quel est le rayon du plus petit disque de centre O les contenant ?

Soit r le rayon du cercle de centre O passant par les centres des disques. On a r.sin π = 1.
5
Si R est le rayon du disque cherché, circonscrit aux cinq disques, R = r + 1

Du coup, R=1+ 1 = 1 + 2(1+ 5 ) ≈ 2,701.


sin(π /5) 5
NB : on peut démontrer (Graham, 1968) que c’est l’empilement optimal de cinq disques unités.

110
Exercice 5 : les deux normes d’or

Démontrer que Ndo(x, y, z) = max ( | ϕx + y |, | ϕx − y | , | ϕy + z |, | ϕy − z | , | ϕz + x |, | ϕz − x | )


et Nico(x, y,z) = max( | x + y + z | , | −x + y + z | , | x − y + z | , | x + y – z | ,
| ϕx − ϕ’y | , | ϕx + ϕ’y | , | ϕy − ϕ’z | , | ϕy + ϕ’z | , | ϕz − ϕ’x | , | ϕz + ϕ’x | )
3
sont deux normes sur R .
2 2
Représenter les sphères Ndo(x, y, z) = ϕ b et Nico(x, y, z) = ϕ a /2 .

Exercice 6 : icosaèdre, dodécaèdre

L’icosaèdre a 12 sommets, 30 arêtes et 20 faces formées de triangles équilatéraux.


Si a est la longueur de son arête,
5(3+ 5) 3 5
Le volume est V = .a = (1+ϕ).a3 , l’aire est A = 5 3.a2
12 6
Le rayon de la sphère circonscrite est R = a 2+ϕ = a ϕ 5
2 2
Le rayon de la sphère inscrite est r = a 3.(1+ϕ) .
6
Les 12 points de coordonnées (±ϕ, ±1, 0) , (±1, 0, ±ϕ) , (0, ±ϕ, ±1) sont les sommets d’un icosaèdre
centré en O et dont l’arête est de longueur 2.
Le dodécaèdre a 20 sommets, 30 arêtes et 12 faces formées de pentagones réguliers.
Si a est la longueur de son arête,
Le volume est V = 15+7 5 .a3 , l’aire est A = 3 25+10 5 .a2
4
Le rayon de la sphère circonscrite est R = 3.1+ 5 .a = 3 .ϕa
4 2
Les 20 points de coordonnées (0, ± 1 , ±ϕ) , (± 1 , ±ϕ, 0) , (±ϕ, 0, ± 1 ) , (±1, ±1, ±1)
ϕ ϕ ϕ
sont les sommets d’un dodécaèdre centré en O et d’arête a = 2 .
ϕ
> with(plots);with(geom3d);
polyhedraplot([0,0,0],polytype=icosahedron,style=PATCH,scaling=CONSTRAINED
,orientation=[71,66]);

> phi:=(1+sqrt(5))/2;icosahedron(IC,point(O,0,0,0),5*sqrt(phi)*1/5^(3/4));

111
form(IC);center(IC);map(simplify,faces(IC));
IC
icosahedron3d
O
> map(simplify,[InRadius(IC),MidRadius(IC),radius(IC)]);
 1 3 ( 5 + 1 )2, 1 5 + 1, 1 2 + 2 5 5 ( 1/4 ) 
 
 12 2 2 2 
> schlafli(IC);
[ 3, 5 ]
> simplify(sides(IC));vertices(IC);
2
  0, 1 5 + 1, 1 ,  0, 1 5 + 1, -1 ,  0, − 1 5 − 1, 1 ,  0, − 1 5 − 1, -1 ,
        
 2 2   2 2   2 2   2 2 
 1, 0, 1 5 + 1 ,  1, 0, − 1 5 − 1 ,  -1, 0, 1 5 + 1 ,  -1, 0, − 1 5 − 1 ,
       
 2 2   2 2   2 2   2 2 
 1 5 + 1, 1, 0 ,  1 5 + 1, -1, 0 ,  − 1 5 − 1, 1, 0 ,  − 1 5 − 1, -1, 0  
        
2 2  2 2   2 2   2 2 
> map(simplify,[volume(IC),area(IC)]);
 5 ( 5 + 1 ) 2, 20 3 
 
3 
> polyhedraplot([0,0,0],polytype=dodecahedron,style=PATCH,
scaling=CONSTRAINED,orientation=[71,66]);

> dodecahedron(DO,point(O,0,0,0),sqrt(3));center(DO);simplify(sides(DO));
map(simplify,faces(DO));
DO
O
1
4
5 +1
> map(simplify,[InRadius(DO),MidRadius(DO),radius(DO)]);
 1 5 ( 3/4 ) ( 5 + 1 ) 2 + 2 5 , 1 5 + 1, 3 
 
 20 2 2 
> schlafli(DO);

112
[ 5, 3 ]
> simplify(sides(DO));vertices(DO);
1
4
5 +1
  − 1 + 1 5 , − 1 5 − 1, 0 ,  1 − 1 5 , − 1 5 − 1, 0 , [ -1, -1, 1 ],
    
 2 2 2 2   2 2 2 2 
 0, 1 − 1 5 , 1 5 + 1 , [ 1, -1, 1 ],  0, − 1 + 1 5 , − 1 5 − 1 , [ -1, 1, -1 ],
   
 2 2 2 2   2 2 2 2 
 1 − 1 5 , 1 5 + 1, 0 ,  − 1 + 1 5 , 1 5 + 1, 0 , [ 1, 1, -1 ],
   
2 2 2 2   2 2 2 2 
 0, 1 − 1 5 , − 1 5 − 1 , [ -1, -1, -1 ],  − 1 5 − 1, 0, 1 − 1 5 ,
   
 2 2 2 2   2 2 2 2 
− 1 1
5 − , 0, − +
1 1
5 , [ -1, 1, 1 ],  0, − +
1 1 1
5 + , [ 1, 1, 1 ],
1
 5,
 2 2 2 2   2 2 2 2
 1 5 + 1, 0, − 1 + 1 5 ,  1 5 + 1, 0, 1 − 1 5 , [ 1, -1, -1 ] 
    
2 2 2 2  2 2 2 2  
> map(simplify,[volume(DO),area(DO)]);
( 3/4 )
 5 
 2 5 ( 5 + 1 ), 24 
 
 2+2 5 

15.2. Nul n’est censé ignorer Galois…

Problème 7
On se propose d’étudier le plus petit sous-corps K de C contenant le complexe ω = exp 2iπ .
5
0) Démontrer que ce corps contient le corps Q.
A. Première partie.
5
1) Soit P(X) = X – 1 ∈ C[X]. Factoriser P dans C[X].
2) Factoriser P(X) dans R[X] sous forme trigonométrique.
4 3 2
3) Soit Φ(X) = X + X + X + X + 1. Résoudre l’équation Φ(z) = 0 en posant w = z + 1/z.
4) En déduire une nouvelle factorisation de P(X) dans R[X], puis les rapports trigonométriques :
cos kπ , sin kπ , tan kπ ( 1 ≤ k ≤ 4 ) . Montrer que tan π . tan 2π . tan 3π . tan 4π = 5.
5 5 5 5 5 5 5
5) Calculer cos 2π et sin 2π .
15 15
k
6) Comment construire à la règle et au compas le pentagone régulier de sommets ω ( 0 ≤ k ≤ 4 ) ?
7) Déduire des résultats précédents que le rapport du périmètre d’une étoile à cinq branches au
périmètre du pentagone régulier circonscrit est égal au nombre d’or ϕ = 1+ 5 .
2

B. Deuxième partie.
8) Démontrer que le polynôme Φ(X) est irréductible dans Q[X].
9) En déduire que ∀A ∈ Q[X] A(ω) = 0 ⇔ Φ divise A.
2 3
10) On note E = { x = a + b.ω + c.ω + d.ω ; a, b, c, d ∈ Q }.

113
a) Montrer que E est un sous-espace vectoriel de C considéré comme Q-espace vectoriel.
2 3
b) Démontrer que B = ( 1, ω, ω , ω ) est une base de E.
c) Démontrer que E est un anneau intègre.
11) Montrer que E est un corps, par deux méthodes :
a) En considérant, pour x ≠ 0, l’application mx : y ∈ E → x.y ∈ E.
b) En utilisant l’irréductibilité de Φ(X) dans Q[X]. Comparer E et K.
12) Exemple.
a) Trouver deux polynômes A et B dans Q[X] tels que A.Φ + B.Φ’ = 1.
3 2 −1
b) Calculer ( 4.ω + 3.ω + 2.ω + 1 ) dans la base B.
13) Représentation matricielle de E.
2 3
a) Soit x = a + b.ω + c.ω + d.ω ∈ E. Exprimer la matrice M(x) de l’endomorphisme mx de E
dans la base B.
a −d d −c c−b 
b) En déduire que l’ensemble des matrices 
b a−d −c d −b , où a, b, c, d décrivent Q, est une
c b−d a−c −b 
d c−d b−c a−b 
sous-algèbre commutative de M4(Q), et un corps.

14) Groupe de Galois de K.


Soit (G, o) le groupe des automorphismes de corps de K.
2 3 4
a) Soit s un élément de G. Vérifier que s(ω) ∈ { ω , ω , ω , ω }.
b) Montrer que G a quatre éléments.
2
c) Soit σ l’élément de G défini par σ(ω) = ω . Montrer que G est cyclique ; quelle est sa table ?
d) Matrices des éléments de G relativement à la base B ?
e) Quels sont les sous-groupes de G ?
15) Trace.
3 2
a) Calculer deux polynômes U et V de Q[X] tels que ( X – 1 ).U + ( X + X + X + 1 ).V = 1.
2 3
b) Pour tout x ∈ K, on pose S(x) = x − σ(x) et T(x) = x + σ(x) + σ (x) + σ (x).
Montrer que Im T = Ker S = Q et Ker T = Im S.
2 3
16) Norme. Pour x ∈ K, on pose N(x) = x.σ(x).σ (x).σ (x).
a) Montrer que N(x) ∈ Q et que ∀x, y ∈ K N(x.y) = N(x).N(y).
b) En déduire un nouveau mode de calcul de 1 lorsque x ∈ K−{0}.
x
17) Sous-corps de K.
2
a) Vérifier que ∀x ∈ K σ (x) = x , conjugué du complexe x.
b) Montrer que K ∩ R = { a + b 5 ; a, b ∈ Q }.
c) Soit L un sous-corps de K, distinct de Q et K. Montrer que dimQ L = 2, puis que
L* = { s ∈ G ; ∀x ∈ L s(x) = x } est un sous-groupe à deux éléments de G. En déduire L.

114
18) a) Montrer que M(ω) est diagonalisable dans M4(K), puis que M(x) est diagonalisable dans
M4(K) pour tout x ∈ K.
b) En déduire T(x) = tr M(x), puis N(x) = det M(x).
___________

Corrigé du problème : le corps cyclotomique R5(Q)


A Alain Genestier,
qui depuis bien longtemps a dépassé le maître…

On se propose d’étudier le plus petit sous-corps K de C contenant le complexe ω = exp 2iπ .


5
0) Ce corps K contient le corps Q, comme tout sous-corps de C, d’ailleurs.
Car un sous-corps contient 0, 1, 2, 3, … , donc N par récurrence, puis −1, −2, −3, …, car c’est un
sous-groupe, donc il contient Z. Et enfin il contient les p/q, c’est-à-dire Q.
A. Première partie : un peu de trigonométrie.
5
1) Factorisons P = X – 1 dans C[X].

∏(X −z) = ( X – 1 )( X − ω )( X − ω
2 3 4
Il vient P(X) = )( X − ω )( X − ω ) .
z∈U 5

2) Factorisons P dans R[X]. En regroupant les racines conjuguées, il vient :


P(X) = ( X – 1 )( X – 2X.cos 2π + 1 )( X – 2X.cos 4π + 1 )
2 2
5 5
4 3 2
3) Le polynôme cyclotomique Φ = X + X + X + X + 1.
2
L’équation Φ(z) = 0 est réciproque. Si l’on pose w = z + 1 , il vient : z + 1 + z + 1 + 1 = 0,
z² z z
d’où w + w – 1 = 0 , puis w = −1± 5 ; notons au passage que w = 2.cos 2π ou 2.cos 4π .
2
2 5 5
Il reste à résoudre w = z + 1 , i.e. z – w.z + 1 = 0. On a : ∆ = −1m 5 .
2
z 2

D’où z = 1 [ −1± 5 ± i 5± 5 ] .
2 2 2
Avec Maple :
> Phi:=X^4+X^3+X^2+X+1;irreduc(Phi);alias(omega=RootOf(Phi));
factor(Phi,omega);solve(Phi=0,X);
Φ := X 4 + X 3 + X 2 + X + 1
true
ω
( X + 1 + ω + ω + ω ) ( X − ω2 ) ( X − ω3 ) ( X − ω )
2 3

1 1 1 1 1 1
− + 5 + I 2 5+ 5,− − 5 + I 2 5− 5,
4 4 4 4 4 4
1 1 1 1 1 1
− − 5 − I 2 5− 5,− + 5 − I 2 5+ 5
4 4 4 4 4 4

4) Nouvelle factorisation de P dans R[X].


P(X) = ( X – 1 )( X + −1+ 5 X + 1 )( X + 1+ 5 X + 1 )
2 2
2 2
2 2
= ( X – 1 )( X + ϕ’.X + 1 )( X + ϕ.X + 1 )
Par conséquent, pour des raisons de cygne (et de signe)

115
cos 2π = −1+ 5 , sin 2π = 5+ 5 , cos 4π = − 1+ 5 , sin 4π = 1 5− 5 .
1
5 4 5 2 2 5 4 5 2 2
Comme π et 4π sont supplémentaires, ainsi que 2π et 3π , on complète le tableau :
5 5 5 5
K 0 1 2 3 4 5
Cos kπ 1+ 5 −1+ 5 1− 5 − 1+ 5
5 1 4 4 4 4 −1
Sin kπ 1 5− 5 1 5+ 5 1 5+ 5 1 5− 5
5 0
2 2 2 2 2 2 2 2 0

Tan kπ 5−2 5 5+2 5 − 5+2 5 − 5−2 5


5 0 0

On en déduit que : tan π . tan 2π . tan 3π . tan 4π = ( 5 – 2 5 )( 5 + 2 5 ) = 5.


5 5 5 5
Cette formule peut être obtenue autrement :

Φ(1) = 5 = ( 1 − ω )( 1 − ω )( 1 − ω )( 1 − ω ) = 16. sin π . sin 2π . sin 3π . sin 4π


2 3 4
5 5 5 5
Φ(−1) = 1 = ( 1 + ω )( 1 + ω )( 1 + ω )( 1 + ω ) = 16. cos π . cos 2π . cos 3π . cos 4π
2 3 4
5 5 5 5
5) Calculons cos 2π et sin 2π .
15 15
2π = π − π , donc cos 2π = 1+ 5 + 3 5− 5 et sin 2π = 3 1+ 5 − 1 5− 5 .
15 3 5 15 8 4 2 15 8 4 2
6) Hommage à mon papa.

116
7. Nombre d’or et périmètres.
2 3 4
Notons B le périmètre du pentagone régulier enveloppe convexe de ( 1, ω, ω , ω , ω ), A le
2 4 3
périmètre de l’étoile à cinq branches inscrite dans ce pentagone ( 1, ω , ω , ω, ω ).

B = 5.1−ω² = | 1 + ω | = 2.cos π = 2. 1+ 5 = 1+ 5 CQFD.


A 5.1−ω 5 4 2

B. Deuxième partie.
8) Le polynôme cyclotomique Φ est irréductible dans Q[X].
Maple l’affirme aussitôt… Voici deux méthodes fort distinctes.
1ère idée : Dans R[X], Φ(X) = ( X – 2cos 2π .X + 1 ).( X – 2cos 4π .X + 1 )
2 2
5 5
a 4 diviseurs unitaires : 1 , X – 2cos 2π .X + 1 , X – 2cos 4π .X + 1 et Φ(X).
2 2
5 5
2
Or aucun des polynômes X – 2cos 2π 2
.X + 1 , X – 2cos 4π .X + 1 n’appartient à Q[X], car
5 5
cos 2π = 5−1 , cos 4π = − 1+ 5 et 5 n’appartiennent pas à Q.
5 4 5 4
On en déduit que Φ n’a que deux diviseurs unitaires dans Q[X] : il est irréductible.
2ème idée : montrer directement qu’on ne peut écrire Φ = A.B, avec A ∈ Q[X] unitaire de deg 1 ou 2.
• A n’est pas de degré 1, autrement dit Φ n’a pas de racine rationelle p/q, (p, q) ∈ Z×N* , p ∧ q = 1.
4 3 2 2 3 4 4 4
On aurait en effet p + p q + p q + pq + q = 0, donc q divise p et p divise q , donc q = 1, p =
±1 ; or ±1 n’est pas racine de Φ.
• A n’est pas de degré 2, autrement dit on ne peut écrire
2 2 4
Φ = ( X + aX + b )( X + cX + d ) , où (a, b, c, d) ∈ Q .
Identifiant, il viendrait a + c = 1, b + ac + d = 1, ad + bc = 1, bd = 1. Donc c = 1–a , d = 1/b , puis
a/b + b(1−a) = 1 permet de tirer a en fonction de b : b = ±1 ou a = b . Reportant ces valeurs
1+b
dans b + ac + d = 1, on obtient que b annule un polynôme. Or on montre comme précédemment que
ce polynôme n’a pas de racines rationnelles. Le cas b = ±1 est également impossible.
Compléments : i) Il y a une 3ème idée, subtile mais byzantine, que je garde pour moi.
ii) L’irréductibilité de Φ découle aussi du critère d’Eisenstein, ou du théorème de Gauss relatif à
l’irréductibilité sur Q de tous les polynômes cyclotomiques..
iii) E est une Q-algèbre de dimension 4, et un corps, obtenu au moyen de deux extensions quadra-
tiques successives, comme le montre la 1ère idée ci-dessus : Q ⊂ Q[ 5 ] ⊂ E, et dimQ E = 4 par
mutiplicativité des dimensions.
9) Une première conséquence : Montrons que ∀A ∈ Q[X] A(ω) = 0 ⇔ Φ divise A.
Le sens ⇐ est facile : si A = B.Φ, A(ω) = B(ω).Φ(ω) = 0.
Le sens ⇒ l’est moins. Φ étant irréductible, si Φ ne divise pas divise A, Φ est premier avec A.
Alors (Bézout) il existe U et V dans Q[X] tels que 1 = A.U + Φ.V.
Substituant ω à X, il vient 1 = 0. Impossible.
Remarque : autre présentation. Φ étant irréductible est le polynôme minimal de ω sur le corps Q,
c’est-à-dire le générateur unitaire de l’idéal annulateur de ω.
2 3
10) Première étude de E = { x = a + b.ω + c.ω + d.ω ; a, b, c, d ∈ Q }.
a) E est un sous-espace vectoriel de C considéré comme Q-espace vectoriel.
2 3
C’est en effet VectQ( 1, ω, ω , ω ).

117
2 3
b) Montrons que B = ( 1, ω, ω , ω ) est une base de E.
2 3
Supposons a + b.ω + c.ω + d.ω = 0, où a, b, c, d ∈ Q .
2 3
Introduisons le polynôme A(X) = a + b.X + c.X + d.X . De deux choses l’une :
• Soit A est premier à Φ. Alors (Bézout) il existe U et V dans Q[X] tels que 1 = A.U + Φ.V.
Substituant ω à X, il vient 1 = 0. Impossible.
• Soit Φ divise A. Mais alors, pour des raisons de degré, A = 0 et a, b, c, d sont nuls. Cqfd
c) Montrons que E est un anneau intègre.
5
Comme ω = 1, il est clair que le produit de deux éléments de E appartient à E.
Comme E est déjà un sous-groupe et 1 ∈ E, E est un sous-anneau de C.
Et il hérite de l’intégrité de C.
11) E est un corps.
a) 1ère méthode, assez fumiste : Considérons, pour x ≠ 0, l’application mx : y ∈ E → x.y ∈ E.
Cette application est Q-linéaire et injective, en vertu de l’intégrité de E.
Comme E est de dimension finie, elle est bijective, et ∃y ∈ E x.y = 1. C’est dire que x est inversible.
b) 2ème méthode, plus profonde.
2 3 2 3
Soient x = a + b.ω + c.ω + d.ω un élément non nul de E, A(X) = a + b.X + c.X + d.X .
Si Φ divise A, pour des raisons de degré, A = 0 et a, b, c, d sont nuls ; impossible.
Donc A est premier à Φ. Alors (Bézout) il existe U et V dans Q[X] tels que 1 = A.U + Φ.V.
Substituant ω à X, il vient 1 = A(ω).U(ω), donc 1/x = U(ω).
Si R est le reste euclidien de U par Φ, il vient 1/x = R(ω). Cqfd.
Cette méthode de calcul de 1/x est fondée sur l’algorithme d’Euclide étendu.
Il découle de ceci, par double inclusion, que E = K.
12) Exemple.
> Phi:=x^4+x^3+x^2+x+1;DPhi:=diff(Phi,x);
Φ := x 4 + x 3 + x 2 + x + 1
DPhi := 4 x 3 + 3 x 2 + 2 x + 1
> gcdex(Phi,DPhi,x,'A','B');A;B;
4 1 1
1 1− x − x + x2
5 5 5
> alias(omega=RootOf(Phi));evala(1/(4*omega^3+3*omega^2+2*omega+1));
ω
1 1
− ω + ω2
5 5
13) Représentation matricielle de E.
2 3
a) Soit x = a + b.ω + c.ω + d.ω ∈ E.
a −d d −c c−b 
L’endomorphisme mx de E a pour matrice M(x) = 
b a−d −c d −b dans la base B.
 c b−d a−c −b 
d c−d b−c a−b 
b) L’application x ∈ E → mx ∈ L(E) est un morphisme injectif d’algèbres, car
mx+y = mx + my , ma.x = a.mx , mx.y = mx o my , m1 = idE et mx = 0 ⇒ x = 0.

118
Comme u ∈ L(E) → Mat(u, B) ∈ M4(Q) est un isomorphisme d’algèbres, par composition, on voit
a −d d −c c−b 
que l’ensemble des matrices 
b a−d −c d −b , où a, b, c, d décrivent Q, est une sous-algèbre
c b−d a−c −b 
d c−d b−c a−b 
commutative de M4(Q), et un corps.
14) Groupe de Galois de K.
Soit (G, o) le groupe des automorphismes de corps de K.
a) Soit s un élément de G.
2 3 2 3
Si x = a + b.ω + c.ω + d.ω ∈ E , s(x) = a + b.s(ω) + c.s(ω) + d.s(ω) ,
2 3 4
car s laisse fixe chaque rationnel. De plus Φ(s(ω)) = s(Φ(ω)) = 0 , donc s(ω) ∈ { ω , ω , ω , ω }.
b) Montrons que G a 4 éléments.
Le raisonnement précédent montre que G a au plus 4 éléments.
Si s(ω) = ω , s = s1 est l’identité e.
2 2 3 2 4
Si s(ω) = ω , s = s2 : x = a + b.ω + c.ω + d.ω ∈ E → a + b.ω + c.ω + d.ω ∈ E.
3 2 3 3 4
Si s(ω) = ω , s = s3 : x = a + b.ω + c.ω + d.ω ∈ E → a + b.ω + c.ω + d.ω ∈ E.
4 2 3 4 3 2
Si s(ω) = ω , s = s4 : x = a + b.ω + c.ω + d.ω ∈ E → a + b.ω + c.ω + d.ω ∈ E.
Ces applications sont linéaires, bijectives, et telles que sk(1) = 1.
p kp p+q p q
De plus : sk(ω ) = ω , donc sk(ω ) = sk(ω ).sk(ω ) et par bilinéarité sk(x.y) = sk(x).sk(y)
c) Le groupe G est cyclique.
2
Soit σ = s2 l’élément de G défini par σ(ω) = ω .
4 8 3 16
On a : (σ o σ)(ω) = ω , (σ o σ o σ)(ω) = ω = ω et (σ o σ o σ o σ)(ω) = ω = ω.
2 3 2 3
Autrement dit, σ = s4 , σ = s3 , et G = { e , σ , σ , σ } .
d) Matrices des éléments de G relativement à la base B .
1 00 0 1 0 −1 0 1 −1 0 0 1 0 0 −1
I= 
0 10 0 , Σ = 0 0 −1 1 , Σ2 = 0 −1 0 0 , Σ3 = 0 0 1 −1 .
0 01 0 0 1 −1 0 0 −1 0 1 0 0 0 −1
0 00 1 0 0 −1 0 0 −1 1 0 0 1 0 −1
e) Sous-groupes de G.
2
Le groupe G étant cyclique à 4 éléments, admet trois sous-groupes {e}, { e, σ } et G.
15) Trace.
3 2
a) Trouvons deux polynômes U et V de Q[X] tels que ( X – 1 ).U + ( X + X + X + 1 ).V = 1.
> gcdex(X-1,X^3+X^2+X+1,X,'U','V');U;V;
1
3 1 1 1
− − X2 − X
4 4 2 4
2
Maple donne U = − 3 − 1 X − 1 X , V = 1 .
4 2 4 4
2 3
b) Pour tout x ∈ K, posons S(x) = x − σ(x) et T(x) = x + σ(x) + σ (x) + σ (x).
Je dis que Im T = Ker S = Q et Ker T = Im S.

119
0 0 1 0 4 −1 −1 −1
On peut procéder matriciellement : S a pour matrice 
0 1 1 −1 , T a pour matrice 0 0 0 0.
0 −1 2 0 0 0 0 0
0 0 1 1  0 0 0 0 
> with(linalg):
> S:=matrix(4,4,[0,0,1,0,0,1,1,-1,0,-1,2,0,0,0,1,1]);
T:=matrix(4,4,[4,-1,-1,-1,0,0,0,0,0,0,0,0,0,0,0,0]);
> colspan(T);kernel(S);
{ [ 4, 0, 0, 0 ] }
{ [ 1, 0, 0, 0 ] }
> kernel(T);colspan(S);
{ [ 1, 0, 0, 4 ], [ 0, 1, 0, -1 ], [ 0, 0, 1, -1 ] }
{ [ 0, 0, -1, 1 ], [ 0, 1, -1, 0 ], [ 1, 1, 2, 1 ] }
4
Mais la solution la plus profonde passe par T o S = S o T = I − σ = O et − S o U(σ) + T o V(σ) = I.
Des premières égalités on déduit : Im T ⊂ Ker S , Im S ⊂ Ker T.
De la seconde, on déduit : Ker S ⊂ Im T , Ker T ⊂ Im S.
2 3
Enfin, si x = a + b.ω + c.ω + d.ω , T(x) = 4.a – b – c – d.
2 3
16) Norme. Pour x ∈ K, on pose N(x) = x.σ(x).σ (x).σ (x).
a) Montrons que N(x) ∈ Q et que ∀x, y ∈ K N(x.y) = N(x).N(y).
La deuxième relation est évidente. La première découle de ce que σ(N(x)) = N(x).
Or les seuls éléments de K tels que σ(x) = x sont les rationnels, en vertu de 14.b).
b) Nouveau mode de calcul de 1/x lorsque x ∈ K−{0}.
σ(x).σ²(x).σ 3(x)
Si x est un élément non nul de K, on écrira 1 = .
x N(x)
17) Sous-corps de K.
2
a) Je dis que ∀x ∈ K σ (x) = x , conjugué du complexe x.
2 3 2 4 3 2
En effet si x = a + b.ω + c.ω + d.ω , σ (x) = a + b.ω + c.ω + d.ω = x .
b) Montrons que K ∩ R = { a + b 5 ; a, b ∈ Q }.
2 2
K ∩ R = Ker( I − σ ) n’est autre que le « corps fixé » de σ .
Ker( I − Σ ) = { x = a + c.( ω + ω ) ; (a, c) ∈ Q×Q } = { x = a + 2c.cos 4π ; (a, c) ∈ Q×Q }
2 2 3
5
= { a + b 5 ; a, b ∈ Q } = Q[ 5 ], en vertu du calcul de cos 4π mené en 4).
5
c) Soit L un sous-corps de K, distinct de Q et K.
En vertu de la formule de multiplicativité des dimensions 4 = dimQ K = dimQ L × dimL K .
On en déduit dimQ L = dimL K = 2.
L* = { s ∈ G ; ∀x ∈ L s(x) = x } est un sous-groupe de G (groupe « fixateur » de L).
L = Q[θ] = { a + b.θ ; (a, b) ∈ Q×Q }, où θ est de degré 2 sur Q.
K = L[ζ] = { c + d.ζ ; (c, d) ∈ L×L }, où ζ ∈ K−L est de degré 2 sur L.
(1 , θ , ζ , θ.ζ) est une Q-base de K.
ζ a un polynôme minimal sur L de degré 2 : (X − ζ).(X − ζ’), et L* = { e, τ }, où τ(ζ) = ζ’.
2
Ainsi, L* est un sous-groupe à deux éléments de G ; ce ne peut être que { e , σ }.

Donc L ⊂ Q[ 5 ] et L = Q[ 5 ] par égalité des dimensions.

120
Ainsi Q ⊂ Q[ 5 ] ⊂ K sont les seuls sous-corps de K.
18) Enfin les valeurs propres !
0 0 0 −1
a) La matrice M(ω) = 
1 0 0 −1 a pour polynôme caractéristique Φ (c’est d’ailleurs la matrice-
0 1 0 −1
0 0 1 −1
2 3 4
compagnon de Φ). Elle a donc pour valeurs propres ω, ω , ω et ω . Comme Φ est scindé dans K[X]
et que ces nombres sont distincts, M(ω) est diagonalisable dans M4(K) :
−1 2 3 4
∃P ∈ Gl4(K) P .M(ω).P = diag(ω, ω , ω , ω ) .
2 3
Comme M(x) = a.I + b.M(ω) + c.M(ω) + d.M(ω) , M(x) est diagonalisable dans M4(K) et
−1 3 2
P .M(x).P = diag(x, σ(x), σ (x), σ (x)) .
b) On en déduit aussitôt que T(x) = tr M(x) et N(x) = det M(x).
Exercice : théorème de Dedekind.
2 3
Soient x, y, z, t ∈ K. Montrer que si ∀u ∈ K x.u + y.σ(u) + z.σ (u) + t.σ (u) = 0 ,
alors x = y = z = t = 0.
Exercice : théorème de Hilbert.
2 2 3
Soit x ∈ K. Pour u ∈ K on pose f(u) = u + x.σ(u) + x.σ(u).σ (u) + x.σ(u).σ (u).σ (u).
1) Montrer ∃u ∈ K f(u) = y ≠ 0.
y
2) Montrer l’équivalence N(x) = 1 ⇔ ∃y ∈ K−{0} x = .
σ(y)

121
Récréation amoureuse…
Dans un palais, soie et or, dans Ecbatane,
De beaux démons, des Satans adolescents,
Au son d’une musique mahométane,
Font litière aux Sept Péchés de leurs cinq sens.
Paul Verlaine, Crimen Amoris

Le lecteur cultivé (tous mes lecteurs son cultivés !) connaît La ronde, d’Arthur Schnitzler. Cette
pièce en dix dialogues met en scène tour à tour la fille et le soldat, le soldat et la femme de chambre,
la femme de chambre et le jeune homme, le jeune homme et la jeune femme, la jeune femme et le
mari, le mari et la grisette, la grisette et l’homme de lettres, l’homme de lettres et l’actrice, l’actrice
et le comte, le comte et la fille… Belle introduction aux propriétés du décagone régulier, ou du
groupe cyclique Z/10Z !
A l’instar de Schniztler, plaçons cinq insectes amoureux aux sommets d’un pentagone régulier,
chacun étant attiré par son voisin (Oui, je sais, 5 étant un nombre impair, les partisans de la Manif
pour tous vont encore râler : après la parthénogénèse, voilà qu’il leur faut maintenant avaler une
nouvelle couleuvre… Ah ! quel martyre !), et regardons-les évoluer. Leurs déambulations forment en
termes savants un « système dynamique discret » fort bien décrit par cette figure que j’emprunte à
Robert Vinvent (Géométrie du Nombre d’or, p. 62). Comment cela va se terminer, je vous le laisse à
deviner…
> with(plots):
> pentagone:=(r,h)->listplot([seq([r*cos(2*k*Pi/5+Pi/2+h*Pi/20),
r*sin(2*k*Pi/5+Pi/2+h*Pi/20)],k=0..5)],thickness=2,
color=COLOR(RGB, rand()/10^12, rand()/10^12, rand()/10^12));
> display({seq(pentagone(0.9^k,k),k=0..20)},axes=none);

122
16. Le nombre d’or en analyse.
Nous aurons l’amour
Dedans tous nos problèmes
Et tous nos discours
Finiront par « Je t’aime ! »
Vienne vienne alors
Vienne l’Âge d’or !
Léo Ferré
Nous allons indiquer ici quelques expressions du nombre d’or en analyse, sans approfondir le sujet.

16.1. Développement décimal.


> phi:=(1+sqrt(5))/2;evalf(phi,100);
1 1
φ := + 5
2 2
1.618033988749894848204586834365638117720309179805762862135448622705 \
260462818902449707207204189391138
Application : conversion approchée des miles en kilomètres.
Un mile vaut 1,60934 kilomètre, qui est grosso modo égal à ϕ. Comme Fn+1/Fn ≈ ϕ, 5 miles valent à
peu près 8 kilomètres, 8 miles valent 13 kilomètres, Fn miles valent à peu près Fn+1 kilomètres,
Le nombre d’or est connu avec une précision de 1.500.000.000 décimales.
Durée du calcul : 3 heures environ.
Machine : Pentium III, 700 MhZ, 512 Megabytes RAM ° 10 gigs disk.
Auteurs du calcul : Xavier Gourdon et Pascal Sebah (mai 2000)

16.2. Algorithme quadratique.

Nous avons vu que la suite (qn), définie par q1 = 1 , qn+1 = 1 + 1 = f(qn), où f(x) = 1 + 1 ,
qn x

qui n’est autre que qn =


Fn+1 , converge en spirale, à vitesse exponentielle, vers le nombre d’or.
Fn
2
La méthode de la tangente de Newton de résolution de x – x – 1 = 0 va permettre d’accélérer la
convergence. Considérons en effet la suite récurrente :
cn −cn −1 cn +1
2 2
x2 +1
c0 = 2 , cn+1 = cn − = = F(cn) , avec F(x) = .
2cn −1 2cn −1 2x−1
> with(plots):f:=x->x^2-x-1:F:=x->(x^2+1)/(2*x-1):
> g:=plot(f(x),x=-0.7..2.1,thickness=2):
T:=c->[[c,0],[c,f(c)],[F(c),0]]:
> B:=listplot([op(T(2)),op(T(F(2))),op(T(F(F(2))))],thickness=2,
color=blue):display({g,B});

123
2
Théorème 1 : La suite (cn) tend en décroissant vers ϕ, de telle sorte que cn+1 − ϕ ≤ 1 (cn − ϕ) .
2
Preuve : Il est facile d’établir que F est croissante sur [ϕ, +∞[ et vérifie ∀x ≥ ϕ ϕ ≤ F(x) ≤ x.
On en déduit que (cn) est décroissante, minorée par ϕ.
α 2 −α −1
Elle tend vers un nombre α ≥ ϕ vérifiant α = α − , qui n’est autre que ϕ.
2α −1
cn +1
2
(cn −ϕ)2 (cn −ϕ)2 1 2
De plus, cn+1 − ϕ = −ϕ= ≤ ≤ (cn − ϕ) .
2cn −1 2cn −1 2 ϕ −1 2

Corollaire : Pour tout n, 0 < cn − ϕ < 1 .


2n +1 −1
2
En effet, 0 < c0 − ϕ = 2 − ϕ < 1 et en reportant 0 < c1 − ϕ < 13 , 0 < c2 − ϕ < 17 ,
2 2 2
et ainsi de suite par récurrence.
La convergence est très rapide, le nombre de décimales exactes double à chaque itération, comme le
montrent ces calculs :
> c:=2:for n from 1 to 6 do c:=F(c):[c,evalf(c,100)];od;
 5, 1.6666666666666666666666666666666666666666666666666666666666666666 \

3
66666666666666666666666666666666667 

 34, 1.619047619047619047619047619047619047619047619047619047619047619 \

 21
047619047619047619047619047619047619 

 1597
 , 1.6180344478216818642350557244174265450861195542046605876393110 \
 987
43566362715298885511651469098277608916 

 3524578
 , 1.6180339887499890970472967792907250532408395686746003436610 \
 2178309
69205516756346321848736795376597167803099 

124
 17167680177565 , 1.618033988749894848204586838338166878717703891187710 \

 10610209857723
377694114386726135731548613408928010848234917071 

 407305795904080553832073954 , 1.61803398874989484820458683436563811772 \

 251728825683549488150424261
0309179805762869192919556391568827541984553077171804724988946 

La condition initiale importe peu, pourvu que c0 > ½ (si c0 < ½, la suite tend vers ϕ’). Cependant le
choix de c0 = 2 s’avère très judicieux, car alors on constate que la suite (cn) est une suite extraite de
la suite (qn), plus précisément :
F2n+1+1
Proposition 2 : Pour tout n , cn = q2n+1 = .
F2n+1
Cela se déduit par récurrence à l’aide des formules trouvées au § 3.2. Exercice !

16.3. Développements en série du nombre d’or.


+∞ (−1)k
Théorème 3 : ϕ = 1 + ∑k =2 Fk Fk −1
=1+ 1 − 1 + 1 − 1 + 1 − …
1.2 2.3 3.5 5.8 8.13

Preuve : Exprimons (
Fn+1 ) comme suite des sommes partielles d’une série alternée.
Fn
Fn+1 = F2 + n ( Fk +1 − Fk ) = 1 + n Fk +1.Fk −1−Fk = 1 + n (−1)k .
2

Fn F1 ∑k =2 Fk Fk −1 ∑k =2 Fk Fk −1 ∑
k =2 Fk Fk −1
+∞ (−1)k
Comme la suite ( 1 ) tend en décroissant vers 0, la série ∑ converge en vertu du
Fn+1Fn k =2 Fk Fk −1
critère des séries alternées (elle est aussi absolument convergente).
On retrouve derechef la convergence de la suite qn =
Fn+1 .
Fn
Or on sait que (qn) tend vers ϕ.
+∞ +∞
Fn−1 = 1, et, pour tout n > 0,
Exercice 1 : Démontrer que ∑
n =1 Fn Fn+1 ∑
k =n
1
Fk Fk + 2
= 1 .
Fn .Fn+1
Exercice 2 : A la suite x = (xn)n≥1 on associe la suite y = (yn)n≥1 = T(x) définie par

∀n ≥ 1 yn =
F1 x1 + F2 x2 +...+ Fn xn −Fn xn+1 .
Fn Fn+2
Démontrer que cette transformation linéaire est orthogonale, au sens de Polya-Szegö, t. 2, chap. VII,
p. 106.
+∞
Théorème 4 ( E. Lucas, 1870 23 ) : ∑n =0
1 = 7− 5 .
F2n 2
2n
+∞ x x2
Preuve : Nous allons déduire ce résultat de l’identité ∀x ∈ C |x| < 1 ∑ 1−x
n =1
2n +1
=
1− x2
.

23 On n’a pas fait que des conneries, en 1870. On a aussi fait des choses parfaitement inutiles.

125
2n
+∞ x +∞ +∞ +∞ x2
∑∑ ∑
(2p +1)2n
Formellement en effet ∑ 1−x
n =1
2n +1
=
n =1 p =0
x =
h =1
x2h =
1− x2
.

n
Cela découle de ce que tout entier pair 2h s’écrit de façon unique 2h = (2p + 1)2 , et de la théorie
des familles sommables.
2n 2n 2n +1
x x x
Autre solution : noter que 2n +1
= 2n +1
− 2n +1
.
1− x 1− x 1− x
2n
ϕ
Il reste à appliquer cette formule à x = ϕ . 2n +1
= 1 ( multiplier haut et bas par ϕ 2n ).
1−ϕ 5.F2n
2
ϕ
Or = 1 = 1 = − ϕ . Cqfd. Ne pas oublier de rajouter 1 au résultat final.
1−ϕ
2
ϕ 2 −1 ϕ
+∞
Remarque : On démontre dans Duverney (p. 60) que ∑ F1
n =1 n
∉ Q, et même ∉ Q[ 5 ].

Théorème 5 : En notant (cn) la suite des nombres de Catalan


+∞ +∞ (−1)ncn 3 5 −5
∑ cn = 5− 5 = 3 – ϕ
n =0 5
n 2
, ∑
n =0 5n
=
2
= 3ϕ − 4 .

Preuve : Il suffit de faire x = ± 1/5 dans l’identité


+∞
∀x ∈ ]−¼, ¼[ F(x) = ∑c x n
n = 1− 1−4x (voir mon chap sur les nombres de Catalan).
n =0 2x

16.4. Clin d’œil aux séries divergentes.


« Moi, j’ai dit bizarre ? Comme c’est bizarre ! »
Jacques Prévert & Louis Jouvet
+∞
∑ ϕ'
2 3
Théorème 6 : n = 1 + ϕ’ + ϕ’ + ϕ’ + … = − ϕ’.
n =0
+∞
∑ϕ
2 3
n =1+ϕ+ϕ +ϕ +… =−ϕ
n =0

Preuve : Notons S’ la somme de la première série, S celle de la seconde.


On a S’ = 1 + ϕ’.S’ et S = 1 + ϕ.S, donc
1 = 1−ϕ ϕ' = − ϕ’ et S’ = 1 = 1−ϕ' ϕ = − ϕ.
S’ = = =
1−ϕ' (1−ϕ')(1−ϕ) −1 1−ϕ (1−ϕ)(1−ϕ') −1
Calculs en trompe l’œil, car la première série est convergente, la seconde est divergente !
Je renvoie à mon chapitre sur les séries divergentes pour justifier ces calculs bizarres.
+∞ +∞ +∞ +∞
Corollaire : ∑n =0
Fn = − 1 , ∑n =0
Ln = − 1 , ∑(−1)nFn = − 1 ,
n =0
∑(−1) L
n =0
n
n = 3.

16.5. Développement du nombre d’or en produit infini.


+∞ (−1)n
Théorème 7 : ϕ = ∏(1+
n =2 Fn
2 ) = ( 1 + 12 )( 1 − 12 )( 1 + 12 )( 1 − 12 ) ( 1 + 12 ) ….
1 2 3 5 8

Preuve : Exprimons (
Fn+1 ) comme suite des produits partiels d’un produit infini :
Fn

126
n n n (−1)k
Fn+1 = F2
Fn F1 ∏ Fk +1/ Fk
k =2 Fk / Fk −1
= ∏
k =2
Fk +1.Fk −1
Fk
2 = ∏(1+
k =2 Fk
2 ) , en vertu de la formule de Cassini.

+∞
Je ne sais si quelqu’un a pensé à étudier la fonction F(x) = x ∏(1− Fx ) .
n =1 n

16.6. Développement du nombre d’or en fraction continue.


2
Rappelons que le nombre d’or ϕ est la racine > 0 de l’équation x – x – 1 = 0.
Il vérifie donc ϕ = 1 + 1 , autrement dit c’est le point fixe > 0 de l’homographie
ϕ
f(x) = 1 + 1 = x+1 =   .x , avec la notation matricielle des homographies.
11
x x 1 0
Par suite, il vérifie ϕ = 1 + 1 = 1 + 1 = 1 + 1 =…
ϕ 1+ 1 1+ 1
ϕ 1+ 1
ϕ
F F  F x+ Fn , alors ϕ = Fn+1ϕ + Fn ,
Si l’on note f (x) =   .x = n+1 n .x = n+1
(n) 11 n
1 0  Fn Fn−1 Fn x+ Fn−1 Fn ϕ + Fn−1
n+1 n
mais on tourne un peu en rond, car Fn+1.ϕ + Fn = ϕ et Fn.ϕ + Fn−1 = ϕ !

Proposition 8 : Le nombre d’or est le seul point fixe > 0 de l’homographie f (x) =
(n) Fn+1x+ Fn .
Fn x+ Fn−1
(n) 2
En effet, x = f (x) ⇔ Fn x + ( Fn−1 – Fn+1 ) x – Fn = 0.
2 2
⇔ Fn x − Fn x – Fn = 0 ⇔ x − x – 1 = 0 ⇔ x = ϕ.

Proposition 9 : Le nombre d’or est la limite de la suite : 1


1+ 1
1+ 1
1+ 1
1+...
Enfin, signalons l’une des deux formules concernant le nombre d’or, découvertes par Srinivasa
Ramanujan, et qui figurent dans la fameuse lettre qu’il a envoyée à G. H. Hardy en 1913. Voici en
quels termes Hardy commente l’impression que lui firent ces formules, lorsqu’il jeta un œil sur elles.
« Je n’avais jamais vu auparavant quelque chose qui s’en approchât, même de loin. Il suffisait d’un
coup d’œil pour se rendre compte qu’elles n’avaient pu être écrites que par un mathématicien de
tout premeir rang. Elles sont sûrement vraies, car si elles ne l’étaient pas, personne n’aurait pu
avoir assez d’imagination pour les inventer. »
e−2π /5
Formule de Ramanujan : ϕ +2 − ϕ = ϕ 5 − ϕ = .
e−2π
1+
e−4π
1+ −6π
e
1+
1+...
Cette formule n’est pas seulement belle, elle est aussi parfaitement inutile. Mais la beauté peut-elle
être inutile ? Elle fournit en tout cas d’excellentes approximations du premier membre.
> Digits:=25;phi:=(1+sqrt(5))/2;alpha:=evalf(sqrt(phi+2)-phi);
Digits := 25
α := .284079043840412296028292
> a:=evalf(exp(-2*Pi/5));
a := .2846095433360292801155687

127
> b:=evalf(exp(-2*Pi/5)/(1+exp(-2*Pi)));
b := .2840790419938273387208597
> c:=evalf(exp(-2*Pi/5)/(1+exp(-2*Pi)/(1+exp(-4*Pi))));
c := .2840790438404123080539723
> d:=evalf(exp(-2*Pi/5)/(1+exp(-2*Pi)/(1+exp(-4*Pi)/(1+exp(-6*Pi)))));
d := .2840790438404122960282918
Ce développement en fraction continue est en fait un cas particuler d’une formule plus générale, la
fraction continue de Rogers-Ramanujan, sur laquelle existe toute une littérature 24.

16.7. Nombre d’or et radicaux superposés.


2
Le nombre d’or ϕ est la racine > 0 de l’équation x – x – 1 = 0.
Il vérifie donc ϕ = 1+ϕ , et par conséquent

ϕ = 1+ϕ = 1+ 1+ϕ = 1+ 1+ 1+ϕ = etc.

Nous allons démontrer que ϕ = 1+ 1+ 1+ 1+... , en ce sens que :

Proposition 10 : Le nombre d’or est la limite de la suite de radicaux :

rn = 1+ 1+ 1+... 1 ( n radicaux )

Preuve : Cette suite (rn) est donnée par la relation de récurrence r1 = 1 , rn+1 = 1+rn .
Il est facile de montrer qu’elle est croissante, majorée par ϕ, puis qu’elle converge vers ϕ.
Cela découle de ∀x ∈ [1, ϕ] x ≤ 1+ x ≤ ϕ.
De plus, la convergence est rapide, car h(x) = 1+ x est 1 -contractante sur [1, ϕ].
2 2

ρ 2 + ρ 4 + ρ 8 +... ρ
2n
Corollaire 1 : Pour tout ρ > 0, tend vers ρ.ϕ quand n → +∞.

Corollaire 2 : Soit (un) une suite de réels > 0 vérifiant ∃ρ > 0 ∀n un ≤ ρ .


2n

Alors la suite de radicaux superposés u0 + u1 + u2 +... un est convergente.


Preuve : Cette suite est croissante, et majorée. Il reste à conclure via la corollaire 1.
> with(plots):
> h:=x->sqrt(1+x);p:=plot(h(x),x=-1..2,thickness=2,color=red):
bis:=plot(x,x=0..2,color=black,thickness=2):
v:=plot([1,y,y=0..h(1)],color=blue):
a:=1:b:=0:L:=[]:for n from 0 to 6 do
L:=[op(L),[a,h(a)],[h(a),h(a)]];a:=h(a):od:
G:=listplot(L,color=blue):display({p,bis,v,G},axes=normal);

24Cf. notamment Fraction continue de Rogers-Ramajuna (wikipedia) et Rogers-Ramaujan continued fraction


(Wolfram Mathworld)

128
Proposition 11 : 9 = 3F2 F4 + F4 3F4 F6 + F6 3F6 F8 +... .

J’ai trouvé cette formule dans un livre d’exercices redoutables, d’une brutalité mathématique toute
poutinienne25. Je renonce à reproduire ici la preuve, car elle me dépasse. J’imagine que Ramanujan
trouverait cette formule évidente et la généraliserait aussitôt avec délices…
D’ailleurs, quand on parle du loup, voici une formule due à ce même Ramanujan, qui figurerait dans
son Cahier perdu :

Proposition 12 : 5+ 5+ 5− 5+ 5+ 5− 5... = 2+ 5 + 15−6 5 .


2
où dans les radicaux superposés, les signes (+ , + , −) alternent périodiquement.

16.8. Résultats de transcendance.


Théorème 1 dit « de Hermite-Lindemann » : Pour tout nombre algébrique a non nul, le nombre
ea est transcendant.
Ce théorème26 généralise à la fois le théorème d’Hermite sur la transcendance de e, et celui de

Lindemann sur la transcendance de π, car si π était algébrique, e serait transcendant, or il vaut −1.
ϕ
Corollaire : Les nombres e et ln ϕ sont transcendants.
La deuxième asserion se déduit du théorème par contraposition.
Théorème 2 : Si (an) est le mot infini de Fibonacci, le réel dont le développement binaire est 0, a0
+∞ +∞
a1 a2 … , c’est-à-dire x = ∑
n =0 2
an =
n +1 ∑ 2[1ϕ ] , est transcendant.
k =1
k ²

Ce dernier résultat rentre dans des théorèmes de transcendance plus généraaux, démontrés en 2007
et 2012 par les français Boris Adamczewski et Yann Bugeaud :
1) Les nombres dont les chiffres en une base de numération donnée b sont b-automatiques (c’est-à-
dire tels qu’il existe un procédé de calcul ne nécessitant qu’une mémoire finie) sont, soit des
nombres rationnels, soit des nombres transcendants. 27
2) Soit x un nombre réel, écrit en base 2. Si la suite

25 Problèmes d’analyse réelle, de Makarov, Goluzina, Lodkin, Podkorytov (C&M) p. 27.


26 Démontré dans Daniel Duverney, Théorie des nombres (Dunod) § 12.5.
27 Jean-Paul Delahaye, A la recherche des nombres transcendants (Pour la science, juin 2020).

129
( nombre−de−sous−mots−de−longueurn−n−du−développement −binaire−de−x )
est bornée, x est soit rationnel, soit transcendant. 28
Or nous avons énoncé au § 13.3, sans démonstration pour l’instant, que le nombre des mots de
longueur n extraits du mot de Fibonacci est n + 1.

16.9. Formule de Moivre capillitractée.


Dans ce §, nous nous proposons de retrouver la formule de Moivre par la méthode de Laplace.
Considérons la fonction f définie sur R+ par f(s) = Fn pour n ≤ s < n + 1.
Elle vérifie ∀s ≥ 0 f(s + 2) – f(s + 1) – f(s) = 0 , f(s) = 0 pour 0 ≤ s < 1 , f(s) = 1 pour 1 ≤ s < 2.
+∞
Soit F(x) = ∫0
e− xs f(s).ds la transformée de Laplace de f(x).
Nous la supposerons définie pour x assez grand.
+∞ +∞ x +∞ x +∞ x

0
e− xs f(s+1).ds = ∫ 1
e− x(t −1) f(t).dt = e ∫
1
e− xt f(t).dt = e ∫
0
e− xt f(t).dt = e F(x)
+∞ +∞ 2x +∞ 2x 2

0
e− xs f(s+2).ds = ∫
2
e− x(t −2) f(t).dt = e ∫2
e− xt f(t).dt = e ( F(x) − ∫ e− xt.dt )
1

2x e−2x −e−x 2x 1−ex


=e ( F(x) + ) = e F(x) +
x x
+∞
La relation ∫0
e− xs[f(s+2)− f(s+1)− f(s)].ds = 0 se traduit par :
1−ex
2x 2x
( e − e − 1 ) F(x) +
=0,
x
ex −1 1 e−x(1−e−x) 1−e−x
donc F(x) = = 1 = ( 1−ϕx − 1−ϕx ) .
x e −e −1 x 1−e− x −e−2x
2x x
5 1−e 1−e
n
Or considérons la fonction g définie sur R+ par g(s) = r pour n ≤ s < n + 1.
Elle a pour transformée de Laplace, tous calculs faits :
+∞ 1−e−x
G(x) = ∫
0
e− xs g(s).ds = … =
x(1−re− x)
.

+∞ ϕ n −ϕ'n
Par conséquent F(x) = ∫0
e− xsh(s).ds , où h(s) =
5
pour n ≤ s < n + 1.

ϕ n −ϕ'n
On en induit que, pour tout naturel n, Fn = .
5
Pour justifier cela rigoureusement, il faudrait montrer que F(x) est bien défini pour x assez grand (x
> ϕ ) et invoquer un théorème assurant l’injectivité de la transformation de Laplace. Bref, il reste du
boulot. Méthode capillitractée, sauf pour les afficionados du marquis Pierre Simon de Laplace et les
enseignants manquant de bon sens.

16.10. Résultats divers.

Exercice : Démontrer que Arctan


Fn+2 – Arctan Fn = π .
Fn+1 Fn+3 4

28 Jean-Paul Delahaye, Pythagore à la plage, p. 111.

130
17. Le nombre d’or en analyse p-adique.
« Nobody’s perfect ! »
Joseph Staline
L’analyse p-adique nécessite une longue accoutumance que je n’ai pas, aussi vais-je me contenter
d’explorer le sujet.

17.1. Corps et anneaux dorés.


2
Il y a deux sortes de corps commutatifs K : ceux dans lesquels le polynôme X – X – 1 est scindé,
ceux dans lesquels il ne l’est pas. Les premiers seront dits « dorés », les seconds seront dits
2
« argentés ». Bien entendu, si K est un corps argenté, X – X – 1 se scinde dans un sur-corps de K.
Exemples :
1) C, R, A (nombres algébriques sur Q), E (nombres constructibles à la règle et au compas),
Q[ 5 ] sont dorés ; Q , Q[ 2 ] et Q[ 2 , 3 ] ne le sont pas.
2) F2 = Z/2Z n’est pas doré. En revanche, le corps GF(4) = F4 est doré ; c’est le corps de scindage
2 4 4 2
de X – X – 1, ou de X – X sur F2[X], car X – X = X(X – 1)(X + X + 1).
Il en résulte que ce corps a 4 éléments, à savoir 0, 1, X et X + 1.
Les tables s’écrivent, en notant a = X et b = X + 1 les deux nombres d’or :
+ 0 1 a b × 0 1 a B
0 0 1 a b 0 0 0 0 0
1 1 0 b a 1 0 1 a B
a a b 0 1 a 0 a b 1
b b a 1 0 b 0 b 1 A
2
Plus généralement, si K est de caractéritique 2, l’équation du second degré x – x – 1 s’écrit aussi
2
σ(x) = x + 1, où σ : x → x est l’endomorphisme de Frobenius de K ; c’est donc une équation
linéaire, donc la question est de savoir si 1 ∈ Im(I + σ).
3) Si p est premier, le corps Fp = Z/pZ est :
• doré ssi p = 5 ou p ≡ 1 ou 9 ( mod 10 ) ; • argenté ssi p = 2 ou p ≡ 3 ou 7 ( mod 10 )
4) Les clôtures algébriques Ωp de Fp sont bien entendus dorées.
5) Le palais de Versailles est également doré, car le citoyen Louis XIV aimait le bling bling.
2
Plus généralement un anneau A est dit doré s’il existe un élément x ∈ A tel que x – x – 1 = 0.
Un tel élément est inversible, d’inverse x – 1.
Proposition : Soient A et B deux anneaux.
Si A est doré et s’il existe un homomorphisme d’anneaux f : A → B, alors B est doré.
L’anneau A×B est doré ssi chacun des anneaux A et B est doré.
Exemples :
2 2
1) Tout anneau de caractéristique 5 est doré. En effet dans un tel anneau x – x – 1 = (x – 3) .

2) Si K est un corps doré ayant deux nombres d’or a et b, l’anneau M2(K) est doré. Ses nombres
d’or forment trois classes de similitude, les classes de   ,   ,   . La première et la
a0 a0 b0
0 a 0 b 0 b
troisième sont des singletons.

131
3) Si K est un corps doré de caractéristique 5, l’anneau M2(K) est doré. Ses nombres d’or forment
deux classes de similitude, les classes de   et   . La première est un singleton.
30 31
0 3 0 3
4) Si K est un corps argenté, l’anneau M2(K) est doré. Ses nombres d’or forment une classe de
similitude, la classe de   , qui est aussi celle de   .
11 01
1 0 1 1

17.2. Remontée modulaire.


k
Dans ce §, nous allons répondre à la question : quels anneaux Z/p Z, quels anneaux Z/nZ sont
dorés ? Combien ont-ils de nombres d’or ?
k+1 k
Il découle de ce qui précède que si Z/p Z est doré, il en est de même de Z/p Z ; la réciproque est
fausse comme on va le voir pour p = 5.
k
• Z/2Z n’est pas doré, donc les Z/2 Z non plus.
k
• Z/5Z est doré, mais Z/25Z ne l’est pas, donc les Z/5 Z ( k ≥ 2 ) non plus.
2 2
En effet, s’il existe x ∈ Z tel que x – x – 1 ≡ 0 ( mod 25 ), alors x – x – 1 ≡ 0 ( mod 5 ) donc
x ≡ 3 ( mod 5 ). Cherchons x sous la forme x = 3 + 5q et reportons.
2 2
Il vient 5 + 25.q + 25.q ≡ 0 ( mod 25 ), donc 1 + 5.q + 5.q ≡ 0 ( mod 5 ), ce qui est impossible.
k
• Si p ≡ 3 ou 7 ( mod 10 ), Z/pZ n’est pas doré, donc aucun des Z/p Z n’est doré.
• Si p ≡ 1 ou 9 ( mod 10 ), Z/pZ est doré et a deux nombres d’or ; je dis que chacun des anneaux
k
Z/p Z est doré et admet exactement deux nombres d’or.
Démontrons cela par récurrence sur k.
2 k+1 2 k
S’il existe x ∈ Z tel que x – x – 1 ≡ 0 ( mod p ), alors x – x – 1 ≡ 0 ( mod p ) donc
k
x ≡ a ou b ( mod p ), a et b étant les deux solutions de cette seconde congruence.
k
Cherchons x sous la forme x = a + q.p et reportons !
2 k 2 2k k+1
a – a – 1 + (2a – 1).q.p + q .p ≡ 0 ( mod p )
2 k
Nous savons que a – a – 1 = A. p . (*)
Donc A + (2a – 1).q ≡ 0 ( mod p )
2 k 2 k
Or (*) implique que 4a – 4a – 4 = 4A.p , donc ( 2a – 1 ) = 5 + 4A.p .
Donc 2a – 1 est premier avec p, donc inversible modulo p.
Par conséquent, il existe bien q tel que A + (2a – 1).q ≡ 0 ( mod p ).
k
Idem si l’on remplace a par b. Chacune des deux solutions modulo p génère une et une seule
k+1
solution modulo p .
Le théorème des restes chinois permet alors de conclure :
Théorème du nombre d’or : Pour que l’anneau Z/nZ soit doré, il faut et il suffit que les seuls
diviseurs premiers de n soient congrus à 1 ou 9 modulo 10, ou 5 mais avec un exposant égal à 1.
Le nombre de nombres d’or dans Z/nZ est f(n), où f est la fonction multiplicative donnée par :
k k
f(2 ) = 0 , f(p ) = 0 pour p ≡ 3 ou 7 ( mod 10 ),
k k
f(5) = 1 , f(5 ) = 0 pour k ≥ 2 , f(p ) = 2 pour p ≡ 1 ou 9 ( mod 10 ).

Corollaire : L’anneau des entiers p-adiques Zp est doré ssi p ≡ 1 ou 9 ( mod 10 ).


Maple confirme et concrétise ces résultats :
> S:=(p,k)->msolve(x^2-x-1=0,p^k);

132
S := ( p, k ) → msolve( x2 − x − 1 = 0, p k )
> S(2,1);
> S(3,1);
> S(5,1);
{x = 3}
> S(5,2);
> S(7,1);
> for k from 1 to 10 do S(11,k);od;
{ x = 4 }, { x = 8 }
{ x = 37 }, { x = 85 }
{ x = 37 }, { x = 1295 }
{ x = 10612 }, { x = 4030 }
{ x = 77235 }, { x = 83817 }
{ x = 728021 }, { x = 1043541 }
{ x = 14900509 }, { x = 4586663 }
{ x = 190285048 }, { x = 24073834 }
{ x = 833361691 }, { x = 1524586001 }
{ x = 22054890910 }, { x = 3882533692 }
> S(13,1);
> S(17,1);
> for k from 1 to 10 do S(19,k);od;
{ x = 5 }, { x = 15 }
{ x = 43 }, { x = 319 }
{ x = 3653 }, { x = 3207 }
{ x = 30643 }, { x = 99679 }
{ x = 1011926 }, { x = 1464174 }
{ x = 33201213 }, { x = 13844669 }
{ x = 268430618 }, { x = 625441122 }
{ x = 10994891486 }, { x = 5988671556 }
{ x = 175824301966 }, { x = 146863395814 }
{ x = 1437614186930 }, { x = 4693452070872 }
> N:=38943844473566811703769405;ifactor(N);nops([msolve(x^2-x-1=0,N)]);
N := 38943844473566811703769405
( 5 ) ( 11 ) 5 ( 19 ) 4 ( 29 ) ( 31 )3 ( 41 ) 2 ( 59 ) ( 61 ) ( 71 )
256
Exercice : Etudier les fonctions qui à n ≥ 2 associent :
2 2 2 2
Le nombre de solutions de x – 5y = ±1 , resp. x – 5y = 1, dans (Z/nZ)×(Z/nZ).
2 2 2 2
Le nombre de solutions de x – xy − y = ±1 , resp. x – xy − y = 1, dans (Z/nZ)×(Z/nZ).

17.3. Corps p-adiques dorés et argentés.


Rappelons que les corps p-adiques Qp sont des sur-corps non dénombrables de Q, de caractéristique
nulle, et des complétés de Q pour la distance p-adique, comme R est un complété de Q pour la
distance usuelle. Qp est aussi le corps des fractions de Zp .
> with(padic);P:=x^2-x-1;
P := x 2 − x − 1
> for k from 1 to 20 do [ithprime(k),rootp(P,ithprime(k))];od;;
[2]
[3]

133
[5]
[7]
[ 11, 8 + 7 11 + 10 11 + 7 11 + 5 11 + 4 11 5 + 8 11 6 + 9 11 7 + 3 11 8 + O( 11 9 ),
2 3 4

4 + 3 11 + 3 11 3 + 5 11 4 + 6 11 5 + 2 11 6 + 11 7 + 7 11 8 + O( 11 9 ) ]
[ 13 ]
[ 17 ]
[ 19, 15 + 16 19 + 8 19 + 4 19 + 11 19 + 5 19 5 + 13 19 6 + 6 19 7 + 10 19 8 + O( 19 9 ),
2 3 4

5 + 2 19 + 10 19 2 + 14 19 3 + 7 19 4 + 13 19 5 + 5 19 6 + 12 19 7 + 8 19 8 + O( 19 9 ) ]
[ 23 ]
[ 29, 6 + 21 29 + 4 29 + 28 29 + 14 29 4 + 29 5 + 28 29 6 + 28 29 7 + 6 29 8 + O( 29 9 ),
2 3

24 + 7 29 + 24 29 2 + 14 29 4 + 27 29 5 + 22 29 8 + O( 29 9 ) ]
[ 31, 19 + 24 31 + 18 31 2 + 30 31 3 + 22 31 5 + 20 31 6 + 29 31 7 + 22 31 8 + O( 31 9 ),
13 + 6 31 + 12 31 2 + 30 31 4 + 8 31 5 + 10 31 6 + 31 7 + 8 31 8 + O( 31 9 ) ]
[ 37 ]
[ 41, 7 + 22 41 + 19 41 + 10 41 + 28 41 + 22 41 5 + 9 41 6 + 25 41 7 + 40 41 8 + O( 41 9 ),
2 3 4

35 + 18 41 + 21 41 2 + 30 41 3 + 12 41 4 + 18 41 5 + 31 41 6 + 15 41 7 + O( 41 9 ) ]
[ 43 ]
[ 47 ]
[ 53 ]
[ 59, 26 + 53 59 + 25 59 + 45 59 + 36 59 4 + 51 59 5 + 22 59 6 + 5 59 7 + 21 59 8 + O( 59 9 ),
2 3

34 + 5 59 + 33 59 2 + 13 59 3 + 22 59 4 + 7 59 5 + 36 59 6 + 53 59 7 + 37 59 8 + O( 59 9 ) ]
[ 61, 44 + 34 61 + 17 61 2 + 43 61 3 + 59 61 5 + 5 61 6 + 16 61 7 + 52 61 8 + O( 61 9 ),
18 + 26 61 + 43 61 2 + 17 61 3 + 60 61 4 + 61 5 + 55 61 6 + 44 61 7 + 8 61 8 + O( 61 9 ) ]
[ 67 ]
[ 71, 63 + 45 71 + 57 71 + 63 71 + 26 71 + 65 71 5 + 40 71 6 + 20 71 7 + 16 71 8 + O( 71 9 ),
2 3 4

9 + 25 71 + 13 71 2 + 7 71 3 + 44 71 4 + 5 71 5 + 30 71 6 + 50 71 7 + 54 71 8 + O( 71 9 ) ]

Au vu de ces réponses il semble que Q11, Q19, Q29, Q31, Q41, Q59, Q61, Q71 soient dorés, les
autres argentés.
Théorème : Soit p un nombre premier ; le corps Qp est :
doré ssi p ≡ 1 ou 9 ( mod 10 ) ; argenté ssi p = 2, 5 ou p ≡ 3 ou 7 ( mod 10 )
Preuve : Cela découle de l’étude faite en 17.2., mais cela rentre dans un résultat général, le lemme
de Hensel. Les nombres d’or, s’ils existent, sont des éléments de Zp, et j’imagine qu’il y a des
méthodes de Newton p-adiques pour les approximer de façon efficace.
Je renvoie à Yvette Amice, Les nombres p-adiques (Puf) corollaire 2.5.9. p. 61 et Jean-Pierre Serre,
Cours d’arithmétique supérieure (Puf), chap II, § 2.

18. Nombres de Fibonacci & nombre d’or dans la nature.

Les pentagones réguliers et le nombre d’or se rencontrent dans le monde végétal et dans le monde
animal : étoiles de mer, fleurs de bourrache, fleurs de Bryone dioïque, quintefeuilles, géranium de
Corse, fleurs hermaphrodites de Campanule, pédoncules des cucurbitacées, fruits de pivoine,
crassulacées, bourgeons de la fleur de bignone, etc. On les rencontre aussi en héraldique et en
symbolique des nombres : à quand un livre de Michel Pastoureau sur le sujet ?

134
Fleurs de tournesol
Les nombres de Fibonacci, 5, 8, 13, 21, 34, 55, 89, … se rencontrent aussi dans le monde végétal.
Je me fie au beau livre d’Elisabeth Dumont, La géométrie dans le monde végétal, mais bien d’autres
livres et articles sont consacrés à ce sujet, qui relève de la phyllotaxie et de la morphogénèse, sujets
étudiés entre autres par le physicien Auguste Bravais (1811-1863), le botaniste saxon autodidacte
Wilhelm Hofmeister (1824-1877), le biologiste écossais d’Arcy Wentworth Thompson (1860-
1948), et l’un des pères fondateurs de l’informatique, l’inclassable Alan Turing (1912-1954).
Chez certaines plantes présentant une phyllotaxie du type alterne spiralé, la spirale est un motif
courant dans la disposition des organes autour d’un axe : rammeaux autour d’une branche, feuilles
autour de la tige, fleurs sur un capitule. Dans le cas des feuilles, on remarque qu’après un certains
nombre de tours, la feuille se trouve exactement au-dessus d’une des feuilles précédentes.
Notons a le nombre de tours nécessaires pour que deux feuilles se superposent.
b le nombre de feuilles à partir de la première, jusqu’à celle qui se superpose,
En observant un grand nombre de plantes, on peut onter les valeurs de a et b, et remarquer qu’lles
prennent toujours l’une des valeurs suivantes :
a 1 1 2 3 5 8 13
b 2 3 5 8 13 21 34

« Outre la disposition des feuilles ou des rameaux, la phyllotaxie s’applique également à la


disposition de l’ensemble des fleurs autourd d’un pédoncule commun (inflorescence). Le motif
spiralé est très facilement observable sur les inflorescences de la famille des Astéracées, comme la
marguerite, ou le tournesol : les fleurs sont petites et regroupées sur un élargissement du pédoncule.
L’ensemble forme un capitule. Les éléments de l’inflorescence sont très proches et présentent deux
séries de spirales, l’une dans le sens des aiguilles d’une montre, l’autre dans le sens inverse.
Comtons le nombre de spirés.
• La marguerite en présente 55 et 34, le pissenlit 21 et 13.
• Pour le tournesol, les spires proches de centre sont de type 21-34 et 34-55. Les spires les plus
éloignées du centre sont de type 55-89.
• Sur un cœur d’artichaut, on peut compter 89 arcs de spirale dans un sens, et 55 dans l’autre sens.
Ce qui est d’autant plus remarquable, c’est que les spires se coupent de manière régulière, la spire n°
5 d’un sens se coupe avec la spire n° 8 de l’autre sens, jusqu’à la spire n° 89 qui se coupe avec la
spire n° 55 de l’autre.
• L’ombelle de la carotte sauvage présente 8 spires dans un sens et 13 spires dans l’autre sens Les
épines de l’Echinocactus forment un motif très régulier, avec 8 spires dans un sens et 8 dans l’autre.
• Pour les pommes de pin, la nombre de spires formées par les écailles dépend de l’espèce. »
Je renvoie le lecteur au livre d’Elisabeth Dumont, qui aborde bien d’autres sujets.
… Mais il y a un sujet autrement plus utile :

135
« L’économie est une science exacte ! »

136
Quelques notices biographiques
Leonardo Bonacci, dit Bigollo, dit Fibonacci
« On a beau enterrer Pythagore. Le sol qui le reçoit ne
portera pas spontanément le fruit mathématique. »
Jean-Toussaint Desanti

Fils de Guglielmo Bonacci, marchand et notaire public des douanes pour le compte des marchands
de la république maritime de Pise, Leonardo Bonacci naît à Pise vers 1175. Il rejoint son père à
Bougie, port de Kabylie et centre commercial et intellectuel, et c’est là qu’il commence sa formation
mathématique. Puis il voyage sur tout le pourtour méditerranéen (Egypte, Syrie, Sicile, Provence,
Grèce…) pour le compte de son père, et approfondit ses connaissances. A-t-il appris l’arabe ? A-t-il
rencontré des mathématiciens arabes, et étudié leurs traités ? C’est plus que probable.
De retour à Pise en 1198, il se surnomme lui-même « Leonardo Bigollo », et publie en 1202 un
traité de calcul, le Liber Abaci, dans lequel il introduit les chiffres indo-arabes et la notation
algébrique, les jugeant plus pratiques que les chiffres romains utilisés jusque là. Si aucun exemplaire
de l’ouvrage de 1202 ne nous est parvenu, une deuxième édition, augmentée, est publiée en 1228,
avec une préface rédigée en 1227 et dédiée à Michael Scot. Elle comporte 15 chapitres d’inégales
longueurs dont voici les titres :
Chapitre 1 : Sur la reconnaissance des neuf figures indiennes et la manière d’crire tous les nombres
Chapitre 2 : Sur la multiplication des nombres entiers
Chapitre 3 : Sur l’ddition des nombres
Chapitre 4 : Sur la soustraction d’n nombre inférieur à un autre supérieur
Chapitre 5 : Sur la division de nombres entiers
Chapitre 6 : Sur la multiplication de nombres entiers par fractions
Chapitre 7 : Sur l’addition, la soustraction et la division de nombres avec fractions et la réduction de
différentes parties à une seule
Chapitre 8 : Trouver la valeur d’une marchandise par la méthode principale
Chapitre 9 : Sur les changements de valeur d’une marchandise et autres questions similaires
Chapitre 10 : Sur les entreprises et leurs membres
Chapitre 11 : Sur les conversions monétaires
Chapitre 12 : Sur la solution à de nombreux problèmes
Chapitre 13 : Sur la méthode « elchataym » (de la double position) et la façon de résoudre la plupart
des problèmes mathématiques
Chapitre 14 : Sur la façon de trouver des racines carrées et cubiques, sur la multiplication, la
division et la soustraction entre elles, et sur le traitement de binomiales et de leurs racines
Chapitre 15 : Sur des règles géométriques pertinentes et sur des problèmes d’algèbre et
« almuchabala » (w'a-al-muqabalah : élimination de facteurs communs dans les coefficients).
Par la suite, Leonardo publie des traités de comptabilité, de géométrie et d’arithmétique29, et entre
en contact avec les intellectuels de la cour de Palerme, maître Dominique, maître Jean de Palerme,
Michel Scot. En juillet 1226, alors qu’il prépare, non sans difficultés, la Sixième croisade,
l’empereur Frédéric II de Hohenstaufen est accueilli à Pise. Qu’au milieu de soucis de tous ordres,
tant avec la papauté qu’avec les cités lombardes, Frédéric II ait trouvé le temps de se poser et de
faire des mathématiques, voilà qui suscite l’admiration des historiens, et la mienne, huit siècles
après sa mort... Frédéric a eu plusieurs entretiens avec Leonard sur des questions de théorie des
nombres. En souvenir de ces rencontres, Léonard lui dédiera son Liber Quadratorum (Traité des

29 En 1225 il donne 1.22.7.42.33.4. (en base 60) pour une valeur approchée de la racine positive de l’équation
3 2
x + 2x + 10 x = 20, excellente approximation, mais on ne sait comment il l’obtint.

137
nombres carrés) paru vers 1230 30. Nous ne savons rien sur les années ultérieures, si ce n’est qu’en
1241, la République de Pise attribue un salaire annuel de vingt lires au « sage et discret Maître
Léonardo Bigollo » (« magister Leonardo discretus Bigollo et sapiens ») en reconnaissance des
services rendus à la cité et aux citoyens, en qualité de comptable. Il est sans doute mort peu après.
En résumé, s’il est surtout connu aujourd’hui pour la suite qui porte son nom, Léonard de Pise, dit
Bigollo, dit Fibonacci, fut l’un des acteurs majeurs de la Première renaissance européenne, celle du
XIIIème siècle, interrompue par la Grande peste du XIVème siècle : il a introduit les mathématiques
arabes en Occident. Ce surnom de « Bigollo » que cet Ulysse mathématicien s’est choisi à son retour
de voyage, que veut-il dire au juste ? Mon ami Jean-Louis Marrou pense que « bigollo » désigne un
bâton courbé avec des crochets pour transporter des seaux d’eau, ou des plateaux de fruits, en
équilibrant le poids sur les épaules, une palanche en somme. Léonard aurait transporté l’eau, ou le
fruit, mathématique, d’une rive à l’autre de la Méditerranée. Belle et forte image, qui résume en un
mot la vie et l’œuvre de ce savant discret, oublié pendant six siècles.

Le père de l’apiculture moderne : Jan Dzierzon

Jan Dzierżon (1811 – 1906), intellectuel polonais de Silésie, et prêtre catholique, est surtout connu
comme naturaliste et apiculteur. Il a découvert la reproduction asexuée des abeilles, fondé plusieurs
sociétés d’apiculture en Silésie et reçu de nombreuses distinctions pour ses travaux scientifiques.
Par ses découvertes et ses innovations, il est souvent considéré comme le père de l’apiologie et de
l’apiculture moderne. Les ruches actuelles sont dérivées de ses conceptions.
Jan Dzierżon est né dans une vieille famille polonaise de Lowkowitz (Łowkowice). Elève de
l’école publique de Lowkowitz, il part en 1822 au lycée de Breslau (Wroclaw). Il en sort en 1830
major de sa promotion et commence des études de théologie, de mathématiques, d’astronomie et
d’histoire à l’université. Diplômé de la faculté de la théologie catholique de Breslau, il est ordonné
prêtre en 1834, et obtient en 1835 la cure de la paroisse de Karlsmarkt (Karłowice), en Basse-
Silésie. Il mène simultanément des recherches sur la vie des abeilles et crée un cercle d’apiculture,
qui deviendra plus tard la Société d’apiculture.

30 « Lorsque, ô Seigneur Frédéric, prince très glorieux, maître Dominique m’amena à Pise, aux pieds de
Votre Excellence, maître Jean de Palerme, m’ayant rencontré, me proposa la question, qui n’appartient pas
moins à la géométrie qu’au nombre, de trouver un nombre carré qui, augmenté ou diminué de cinq, fait
toujours naître un nombre carré. Après avoir réfléchi sur la solution de cette question que j’avais déjà
trouvée, j’ai constaté que cette solution prenait sa source dans les choses multiples qui se présentent dans les
nombres carrés et entre ces nombres. Ayant d’ailleurs appris par des propos tenus à Pise, et par d’autres qui
me sont revenus de la Cour impériale, que Votre Majesté avait daigné lire le livre que j’avais écrit sur les
nombres, et qu’il Lui plaisait parfois d’entendre les subtilités relatives à la géométrie, je me suis rappelé la
question que je viens d’énoncer et qui m’avait été proposée à Votre cour par Votre philosophe. J’en ai pris
le sujet, ai entrepris de composer le présent ouvrage, et ai voulu l’intituler Le Livre des nombres carrés. Je
viens donc réclamer Votre indulgence en cas où il contiendrait quelque chose de plus ou moins exact ou
nécessaire ; car il appartient à la divinité plutôt qu’à l’humanité d’avoir la mémoire de tout et de ne se
tromper en rien, et personne n’est exempt de défauts ni de toutes parts sur ses gardes. »

138
En 1868, Dzierżon prend sa retraite de curé. En 1870, le Concile Vatican I énonce le dogme de
l’infaillibilité pontificale, soutient le concept de révélation dans le domaine scientifique et s’oppose
au panthéisme, au matérialisme et au rationalisme. Jan Dzierżon ne cache pas son opposition au
nouveau dogme. Lorsque l’Église catholique demande à chaque prêtre de signer un engagement
personnel de loyauté envers les dispositions de Vatican I, il dénonce dans les colonnes de la
Schlesische Zeitung (Journal de Silésie) le dogme de l’infaillibilité pontificale. Cela lui vaut d’être
excommunié le 30 octobre 1873.
Exclu de l’Église catholique, Jan Dzierżon voit ses conditions de vie se détériorer à Karlsmarkt.
Aussi décide-t-il en 1874 de retourner dans sa famille, à Lowkowitz. Il y poursuit ses travaux sur les
abeilles. À partir de 1885, il vit avec son frère dans une petite maison avec un jardin, menant une vie
d’ermite tout en étant reconnu par la communauté scientifique mondiale. Il s’éteint le 26 octobre
1906 à 95 ans, et repose au cimetière de Łowkowice. La maison où il a vécu ses dernières années a
été aménagée en musée.

Dès 1835, Jan Dzierżon a émis la théorie selon laquelle le faux-bourdon (abeille mâle) se
développerait à partir d’œufs non fécondés, et donc aurait une mère mais pas de père, alors que
l’abeille femelle serait, elle, issue d’œufs fécondés. Il met par là-même en évidence le phénomène de
la parthénogenèse chez les abeilles. Cette théorie, publiée en 1845, s’est heurtée d’emblée à une
opposition farouche et quasi religieuse jusqu’au milieu du XXe siècle. C’était en effet un dogme
répandu, jusque dans les milieux scientifiques, que tout être animé se devait d’avoir une mère... et
un père. Voilà qui nous rappelle des polémiques récentes…
Dzierżon révolutionne l’élevage des abeilles, publie son propre journal spécialisé sur ce thème et,
en 1838, conçoit la première ruche à cadres mobiles, qui permet d’accéder aux alvéoles sans
détruire la structure de la ruche. Il établit la distance correcte entre les cadres comme étant d’un
pouce et demi du centre d’une barre supérieure au centre de la suivante.. Dans son rucher, il étudie
la vie sociale des abeilles et construit plusieurs ruches expérimentales. En 1848, il remplace dans
son rucher les bandes de bois pour les barres supérieures mobiles par des cannelures de la taille 8 x
8 mm dans les parois latérales. Ses innovations trouvent rapidement des adeptes en Europe et en
Amérique du Nord. En 1854, il découvre le mécanisme de la sécrétion de la gelée royale et son rôle
dans le développement des reines.
Les innovations introduites par Dzierżon dans le métier d’apiculteur ont permis de son temps à
400 familles d’avoir leur propre rucher. Mais il a participé également à l’innovation en agronomie,
par exemple en introduisant dans son village la culture du lupin. Au total, il a écrit 26 ouvrages
scientifiques, et plus de 800 articles, pour la plupart traduits dans d’autres langues ; on retiendra
notamment « La nouvelle apiculture améliorée » et « Compléments pour la théorie et la pratique du
nouvel apiculteur ».

Un professeur de taupe diablement créatif : Edouard Lucas


« Le jeu est indispensable à l’esprit
pour qu’il construise ses savoirs. »
Edouard Lucas
Edouard Lucas (1842-1891) naît à Amiens dans une famille modeste (son père est tonnelier). Il fait
ses études à l’école des Frères, et reçoit une bourse communale pour étudier au lycée impérial (auj.
lycée Louis Thuillier). Il prépare les grandes écoles à Douai et entre à l’Ecole normale supérieure en
1861, sur les conseils de Pasteur, dans la même promotion que Gaston Darboux. Il est reçu second à
l’agrégation de mathématiques, derrière celui-ci. À sa sortie de l’Ecole en 1864, il est affecté à
l’Observatoire de Paris comme astronome-adjoint, sous la direction de Le Verrier, dont il supporte
mal l’autoritarisme ; il démissionne en 1869. Durant la guerre de 70, Lucas sert dans l’artillerie
comme officier. Après la défaite, il obtient une chaire de mathématiques spéciales à Moulins de
1872 à 1876 ; c’est là qu’il épouse en 1873 Marthe Boyron. Puis il est nommé à Paris, au lycée
Charlemagne (1877-1879 et 1890-1891), et au lycée Saint-Louis (1879-1890).

139
Edouard Lucas est surtout connu pour avoir énoncé et résolu de nombreux problèmes de
combinatoire et théorie des nombres, réussissant avec brio à conjuguer mathématiques sérieuses et
jeux mathématiques. Il s’intéresse aux travaux du dessinateur amiénois Edouard Gand (1815-1891)
sur la géométrie des satins, et publie une brochure sur les règles à suivre pour construire tous les
satins réguliers possibles. En 1873, il établit que la somme des carrés des n premiers entiers est un
carré ssi n = 1 ou 24. Il s’intéresse à la suite de Fibonacci (c’est lui qui baptisa "nombres de
Fibonacci" les éléments de cette suite) et à la suite de Lucas qui lui est associée, et obtint sur ces
suites de très profonds résultats ; il démontre en 1876 que pgcd(F(a), F(b)) = F(pgcd(a, b)). Il donne
un important et pratique test de primarité des nombres de Mersenne, d’où il découle que le nombre
127
de 39 chiffres 2 −1 est premier : la démonstration de ce résultat lui aurait demandé 300 h. de
travail. Pour ce faire, Lucas se servit d’un échiquier inspiré des métiers à tisser, et qui travaillait en
base 2 ; il collabora avec H. Genaille à la construction d’une machine permettant de tester la
primarité des nombres de Mersenne, mais cette machine n’a pas été retrouvée. Il publia Application
de l'arithmétique à la construction de l'armure des satins réguliers (1867), Recherche sur l'analyse
indéterminée et l'arithmétique de Diophante (1873). Ses Récréations mathématiques (1881) sont un
classique du genre, et sa Théorie des nombres (1891) est toujours éditée chez Blanchard. C’est lui
qui le premier propose et étudie le problème des tours de Hanoï et le puzzle qui porte son nom.
En 1891, l’Association française pour l’avancement des sciences tient son congrès à Marseille,
avec comme thème principal l’hygiène. Lucas y préside les travaux des sections regroupant les
mathématiques, la mécanique, la géodésie et l’astronomie. Il y présente des travaux de cryptographie
du capitaine Bazeries. Un accident stupide survient au cours d’un dîner, lors d’une excursion des
congressistes en Provence : une serveuse laisse échapper une pile d’assiettes ; un morceau de
porcelaine blesse Lucas à la joue. Celui-ci saigne abondamment. A son retour à Paris, un érysipèle31
se déclare et l’emporte en quelques jours, à 49 ans. Lucas avait perdu sa femme en 1882 et laissait
deux enfants. Il venait de publier le premier volume de sa Théorie des nombres (quatre volumes
étaient prévus) et la seconde édition de ses Récréations mathématiques. Delannoy, Laisant et
Lemoine furent chargés de ranger ses papiers mathématiques.

Un médecin philomathe belge, Edouard Zeckendorf

Édouard Zeckendorf (Liège, 1901 – Liège, 1983) était un médecin militaire belge, et philomathe.
Après des études de médecine à l’université de Liège, Zeckendorf obtient son doctoral en 1925 et
intègre le corps médical de l’armée belege. De 1930 à 1940, il dirige l’hôpital militaire Saint-
Laurent de Liège. A la capitulation de l’armée belge, le 28 mai 1940, il est fait prisonnier, et interné
dans des camps d’officiers jusqu’en 1945. En 1949-1950, il dirige la mission belge auprès de la
commission des Nations-Unis pour l’Inde et le Pakistan, chargée de l’inspection de la ligne
d’armistice. Il prend sa retraite de l’armée en 1957 avec le grade de colonel.
Zeckendorf a participé régulièrement, jusqu’à sa mort, aux réunions mensuelles de la Société
royale des sciences de Liège, dont il était membre associé depuis 1957. Entre 1949 et 1978, il a écrit
de nombreux articles mathématiques, la plupart publiés dans le Bulletin de la société royale des
sciences de Liège. Sa contribution la plus connue est le théorème prouvant l’existence et l'unicité de
la représentation d’un entier positif comme somme de nombres de Fibonacci ou de nombres de
Lucas non consécutifs. Par exemple, on a : 71 = 55 + 13 + 3 , 1111 = 987 + 89 + 34 + 1.
Ce résultat était connu sous le nom de « théorème de Zeckendorf », dès 1952, mais ne fut pubié par
son auteur qu’en 1972.
Ce théorème a inspiré Paul Braffort (1923-2018), mathématicien et poète oulipien, qui les a
utilisés dans son recueil « Mes Hypertropes ». J’avoue être peu sensible à cette poésie-là.

31 Maladie infectieuse à streptocoque caractérisée par une inflammation du derme facial.

140
L’encyclopédiste des suites d’entiers, Neil Sloane

Neil James Alexander Sloane, né en 1939 à Beaumaris, sur l’île galloise d’Anglesey, est un
mathématicien britannico-américain.
Ses principales contributions concernent la combinatoire, les codes correcteurs et les empilements
de sphères, mais il est surtout connu pour la création et la maintenance de l’Encyclopédie en ligne
des suites de nombres entiers. Ce qui était au départ en 1995 une extension internet de son
encyclopédie papier et était hébergée par son employeur est devenu une institution de la
communauté mathématique, propriété d’une fondation à but non lucratif pour continuer à être
accessible et à s’améliorer après sa mort grâce à ses centaines de contributeurs bénévoles. Elle
contient plus de 200000 suites.
Sloane a obtenu un B.A. à l’université de Melbourne en 1960, puis un Ph.D à l’université Cornell
en 1967, avec un mémoire intitulé Lengths of Cycle Times in Random Neural Networks et encadré
par Wolfgang Fuchs. Sloane est entré aux Labotaroires Bell en 1968 et en est devenu fellow en
1998. Il est aussi fellow de l’IEEE et membre de la National Academy of Engineering. C’est aussi un
grand amateur d’escalade et il a coécrit deux guides sur l’escalade dans le New Jersey.
Il a reçu le prix Claude Shannon en 1998 et la médaille Richard Hamming en 2005. En 2008 il est
lauréat du prix Robbins pour l’article « The on-line encyclopedia of integer sequences », Notices of
the American Mathematical Society, 50:912-915, 2003. En 2013, il a reçu le prix Polya décerné par
la Mathematical Association of America, pour son article « Carryless Arithmetic Mod 10 » publié
dans The College Mathematics Journal, Vol. 43:1,(2012), 43-50.
______________

Le nombre d’or fait tourner la tête aux architectes


Typoème de Jérôme Peignot

141
Poèmes fibonacciens
Le serpent qui danse
Que j’aime voir, chère indolente,
De ton corps si beau,
Comme une étoffe vacillante,
Miroiter la peau !

Sur ta chevelure profonde


Aux âcres parfums,
Mer odorante et vagabonde
Aux flots bleus et bruns,

Comme un navire qui s’éveille


Au vent du matin,
Mon âme rêveuse appareille
Pour un ciel lointain.

Tes yeux, où rien ne se révèle,


De doux ni d’amer,
Sont deux bijoux froids où se mêle
L’or avec le fer.

A te voir marcher en cadence,


Belle d’abandon,
On dirait un seprent qui danse
Au bout d’un bâton.

Sous le fardeau de ta paresse


Ta tête d’enfant
Se balance avec la mollesse
D’un jeune éléphant.

Et ton corps se penche et s’allonge


Comme un fin vaisseau
Qui roule bord sur bord et plonge
Ses vergues dans l’eau.

Comme un flot grossi par la fonte


Des glaciers grondants,
Quand l’eau de ta bouche remonte
Au bord de tes dents,

Je crois boire un vin de Bohême,


Amer et vainqueur,
Un ciel liquide qui parsème
D’étoiles mon cœur !
Charles Baudelaire
( Les Fleurs du mal, Spleen et idéal, XXVIII 32 )

32 Les Fleurs du mal contiennent un autre poème avec alternance d’octosyllabes et de pentasyllabes, L’amour
et le crâne (Fleurs du mal, CXVII).

142
Je ne sais pourquoi…
Je ne sais pourquoi
Mon esprit amer
D’une aile inquiète et folle vole sur la mer.
Tout ce qui m’est cher,
D’une aile d’effroi
Mon amour le couve au ras des flots. Pourquoi, pourquoi ?

Mouette à l’essor mélancolique,


Elle suit la vague, ma pensée,
A tous les vents du ciel balancée,
Et biaisant quand la marée oblique,
Mouette à l’essor mélancolique.

Ivre de soleil
Et de liberté,
Un instinct la guide à travers cette immensité.
La brise d’été
Sur le flot vermeil
Doucement la porte en un tiède demi-sommeil

Parfois si tristement elle ciie


Qu’elle alarme au lointain le pilote,
Puis au gré du vent se livre et flotte
Et plonge, et l’aile toute meurtrie
Revole, et puis si tristement crie !

Je ne sais pourquoi
Mon esprit amer
D’une aile inquiète et folle vole sur la mer.
Tout ce qui m’est cher,
D’une aile d’effroi
Mon amour le couve au ras des flots. Pourquoi, pourquoi ?
Paul Verlaine, Sagesse, III. VII

De retour de Bougie
Je
Suis
Parti
En bateau
Rejoindre mon père,
Scribe et directeur de la douane,
Dans un comptoir de Kabylie appelé Bougie.
Les marchands m’ont appris l’art du calcul avec les neuf chiffres indiens et le signe
Arabe Zéphirum. Au retour de mes voyages,
J’écrivis ce fameux traité
Liber Abaci :
Le calcul
Rendu
Si
Simple.

143
La palanche
Oui,
Tel
Ulysse
Le Crétois,
D’une rive à l’autre
De la mer Méditerranée,
Tu les as appris et transportés dans ton cerveau,
Sur tes épaules de Darwin, ô discret Léonard, nombres, calculs, équations.
A ton retour au pied de la tour déjà penchée,
Tu t’es surnommé « Bigollo » :
Un simple porteur
De palanche
De fruits
Et
D’eau.

L’empereur et le mathématicien
Un
Jour,
A Pise,
Mon ami
L’empereur Frédéric,
Toujours Auguste et philomathe,
Me rendit visite afin de se faire expliquer
Les chiffres indiens venus d’Orient, ainsi que la reproduction des lapins.
« J’ai suivi tes calculs, dit le despote éclairé,
Mais, vois-tu, mon pire ennemi,
Pour se reproduire,
Comment diable
Fait-il,
Le
Pape ? »

La suite de Fibonacci
Un
Plus
Un font
Deux amis
Deux plus un, trois frères.
Trois plus deux, l’étoile de mer
Cinq plus trois font le tour du cube et de l’octogone
Huit plus cinq, ô Gérard de Nerval !, ta treizième chimère est encor la première ?
Treize plus huit  âge tendre et fin de l’éphébie,
Vingt-et-un et treize, âge mûr ?
Les nombres suivants
Dans l’azur
Sans fin
Se
Perdent…

144
Spirale d’or
Les
Nombres
Entiers
De la suite
De Fibonacci
Ont semé tant de théorèmes
Modulaires, combinatoires, hyperboliques !
Ils s’enroulent en spirales géométriques obéissant au nombre d’or,
Nombre magique et fascinant, qui contient en lui,
Dans sa divine proportion,
Dit le grand Phidias,
L’harmonie
Sublime.
Du
Monde.

Gloire à Jan Dzierzon


La
Guêpe,
L’abeille,
La fourmi,
Les hyménoptères
Ont vraiment de drôles de mœurs
Sexuelles : parthénogénèse arrhénotoque !
La femelle nait d’un œuf fécondé, elle a donc un papa et une maman,
Mais un œuf non fécondé donne un mâle sans père.
− Qu’en pense la manif pour tous ?
Des apiculteurs,
Jan Dzierzon,
Vous fûtes
Le
Prince.

Erotique arrhénotoque
Le
Mâle
N’a pas
De papa,
Mais une maman.
La femelle au contraire a deux
Géniteurs, maman et papa, hétéros bien sûr !
Les savants nomment cela parthénogénèse arrhénotoque et facultative,
Un mâle donc a deux grands-parents et trois aîeux,
Cinq bisaïeux, huit trisaïeux…
De Fibonacci
A Dzierzon
Il n’est
Qu’un
Pas.
Pierre-Jean Hormière

145
Georges Seurat, La parade de cirque

Ferdinand Hodler, Les fatigués de la vie (1892)

Robert Doisneau

146
F5 = 5 , F6 = 8 , F7 = 13

Le Fibonnet de Marie-Pierre et ses filles, que j’embrasse

147
Bibliographie
Edouard Lucas : Théorie des nombres, chap XVIII, p. 308-221 (Albert Blanchard)
Godfrey H. Hardy & Edward M. Wright : Theory of numbers, p. 140-150 et 223.
Waclaw Sierpinski : 250 problèmes de théorie des nombres, p. 22.
Louis Comtet : Analyse combinatoire, t. 1, p. 57, n° 31 p. 98.
George Polya & Gabor Szegö : Problems and theorems in Analysis, t. 2, p. 106, 138
Jean-Paul Delahaye : La suite de Fibonacci et ses suites (Pour la Science, août 2017)
Pythagore à la plage (Dunod, 2021)
Marius Cleyet-Michaud : Le nombre d’or (Que sais-je n° 1530, 1982)
Yvonne & René Sortais : Géométrie de l’espace et du plan (p. 361-386) (Hermann)
Robert Vincent : Géométrie du nombre d’or (Chalagam)
Patrice Naudin & Claude Quitté : Algorithmique algébrique (Masson, 1992)
Donald Knuth : Fundamental algorithms (Addison-Wesley), p. 78-86.
Gilles Godefroy : L’aventure des nombres (O. Jacob), p. 207-208.
Jean Baudet : L’histoire des mathématiques (Vuibert), p. 41.
Nikolai N. Vorobiev : Caractères de divisibilité, suite de Fibonacci (éd. de Moscou)
Roger Cuculière : Représentation diophantienne des nombres de Fibonacci,
bulletin 342 de l’APM, p. 31 à 40 (1984).
Jean-Marc Lapierre : Etude modulaire de la suite de Fibonacci
Daniel Duverney : Théorie des nombres (Dunod)
Problèmes de l’X M’ 1980, Centrale P’ 1982, Centrale TSI 2019
Alain Zalmanski : Les trésors inépuisables de la suite de Fibonacci (Tangente, janvier 2011)
Georges Ifrah : Histoire universelle des chiffres (Robert Laffont)
Wentworth d’Arcy Thompson : Formes et forces
Elisabeth Dumont : La géométrie dans le monde végétal (Ulmer, 2014)
Pierre Brémaud : Le dossier Pythagore (Ellipses)
Roland Brasseur et alii : Dictionnaire des professeurs de mathématiques spéciales
Ernst Kantorowicz : L’empereur Frédéric II (Gallimard)
Pierre Boulle : L’étrange croisade de l’empereur Frédéric II (Flammarion)
Henri Vincenot : Le pape des escargots
Gaston Bachelard : La flamme d’une chandelle (1961)
Anthologie de l’OuLiPo (Poésie Gallimard)
Paul Braffort : Mes Hypertropes
Jérôme Peignot : Typoèmes
Encyclopedia universalis :
Fibonacci, Hyménoptères, Phyllotaxie, Spirales, Plantefol
MathSoft : The Golden mean
Wikipedia :
Fibonacci, Liber abaci, Liber quadratorum,
Suite de Fibonacci, Nombre d’or, L’anneau des entiers de Q[ 5 ],
Fraction continue de Rogers-Ramanujan, Suite de Jacobsthal
Jan Dzierzon, Edouard Lucas, Edouard Zeckendorf, Neil Sloane,
Georges Seurat, Ferdinand Hodler, Robert Doisneau, Le Corbusier, Mario Merz, etc.

148

Vous aimerez peut-être aussi