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VIDÉO.

Bandes et agressions d’adolescents : «Les réseaux sociaux


ont un rôle d’accélérateur dans les rixes »

A l’image de ce qu’il s’est passé pour le jeune Yuriy, le


lynchage d’adolescents ou de jeunes adultes par des
groupes d’individus est un phénomène qui a toujours
existé, mais qui s’accélère à cause du rôle des réseaux
sociaux.
Par Delphine Perez 
Le 4 février 2021 à 11h01

Ils s’appellent Yuriy, Ismaël, Yannick, Loïc, Mehrez, Zacharia, Aboubakar, Kewi, Richard ou
Ismaël… Ces adolescents ou jeunes adultes sont tombés sous les coups d’un groupe
d’individus, frappés à coups de poing, de pieds, de marteau ou de battes de base-ball.

« Ce sont souvent les victimes, tout court ou collatérales, d’affrontements entre bandes
rivales, ennemies depuis des décennies », rappelle le sociologue spécialiste des rixes Marwan
Mohammed. « Ces enfants, souvent issus de quartier défavorisés, grandissent avec une carte
mentale de rivalités et de haines entre territoires, qui se transmet de génération en génération
».

« Les affrontements entre bandes dans l’agglomération


parisienne ont diminué »
Difficiles de dire si ce phénomène s’intensifie ou se radicalise. Selon le décompte de la police,
les affrontements entre bandes dans l’agglomération parisienne auraient diminué. « On a
compté 83 événements de ce type en 2020, qui impliquaient dans 67 % des cas, des mineurs.
L’âge moyen des participants est de 17 ans », détaille Julien Herbaut, le commissaire chargé
du plan anti-rixes pour la préfecture de police de Paris.

« Cependant beaucoup de tabassages ou d’incidents échappent à la connaissance de la police,


tempère Marwan Mohammed. Car dans les cités, l’omerta règne. Par crainte des représailles
ou pour des questions d’honneur, peu de victimes déposent plainte ».

Les réseaux sociaux ont bouleversé la donne


Mais si ces phénomènes de bandes ont toujours existé, les réseaux sociaux ont bouleversé la
donne. Ils ont un rôle majeur dans l’accélération des conflits et dans leurs aggravations. Tout
se sait en temps réel et tout peut dégénérer en quelques heures, à partir d’un message snap ou
autres publiés sur les réseaux sociaux.

« Des individus s’agrègent dans la discussion, enflamment le différent et ça se finit en drame,


avec une montée aux extrêmes très rapides. Et ça c’est extrêmement difficile à déceler »,
décrypte Julien Herbaut, commissaire à la préfecture de police de Paris. Les enquêteurs de la
cellule anti-rixe surveillent les téléphones et les réseaux, et tentent de faire remonter les
tensions notées dans les écoles ou dans les quartiers, pour désamorcer l’engrenage.

« Nous manquons de signaux faibles qui permettraient de nous alerter dès le début d’un
conflit, comme la focalisation autour d’un élève, avec une généralisation soudaine des
messages de haine. Ces jeunes passent d’un monde virtuel où la violence est déjà très affirmée
à un passage à tabac, voire à un meurtre dans la vie réelle, en quelques heures ».

L’étincelle peut vite prendre feu sur les réseaux sociaux. « Quand on voit des jeunes issus de
différents quartiers se retrouver quelque part dans Paris, il ne s’agit pas de défendre un
territoire. La nouveauté, c’est que pour un motif mineur, une rivalité amoureuse ou une
intimidation, un mauvais regard… parfois des adolescents bien intégrés et inconnus des
services de police se retrouvent impliqués dans ce genre d’affaires. Dans ce cas en garde-à-
vue, c’est flagrant, ces ados-là sont en état de véritable sidération ».

« C’est le règne de la surenchère » analyse Booder, humoriste et ancien éducateur de la cité


Grange-aux-belles (Paris Xe). « C’est à la cité qui fera le plus peur ! ». D’autant que les
calvaires sont souvent filmés et parfois scénarisés. « Cette capacité à mettre en scène un
tabassage, c’est pour augmenter l’humiliation des victimes » explique le sociologue Marwan
Mohammed. Comme un trophée. « Reste que ces affrontements ne sont que la partie visible
de l’iceberg. En réalité, ils génèrent une énorme souffrance. Des victimes gravement blessées
d’abord, lorsqu’elles ne sont pas décédées, des familles traumatisées, des profs et des élèves
qui sont en stress. Lorsqu’il y a des tensions, beaucoup de jeunes ont peur, ils ne veulent plus
aller au collège ou au lycée ». C’est une véritable chape de plomb qui pèse sur un quartier ou
des établissements scolaires.

« La clé est à chercher du côté des acteurs de terrain »


Les pistes d’amélioration sont à chercher du côté des acteurs de terrain, qui chaque jour vont à
la rencontre des jeunes et s’efforcent de créer des liens et des rencontres entres quartiers.

Brigitte a créé l’association MaGab à la Grange-aux-belles (Paris Xe), suite au meurtre de


Loïc en 2018, une affaire pour laquelle le rappeur MHD a été placé en détention provisoire
pour homicide volontaire.

Brigitte a organisé des rencontres avec les mamans de l’association de la cité rivale des
chaufourniers (Paris XIXe). « On a crée l’association pour que les mamans parlent avec leurs
enfants, pour qu’elles leur expliquent qu’on peut communiquer et vivre tous ensemble. Ils ne
faut pas laisser les jeunes s’isoler, il faut toujours aller vers eux » martèle l’infatigable
militante.
Même son de cloche du côté de Corinne, ancienne et charismatique directrice du centre
d’animation de la Grange-aux-belles. « Il ne faut pas avoir peur des jeunes. Ils existent, il faut
leur faire une place et communiquer avec eux. Ne jamais perdre le lien, c’est la base ! ».

Les éducateurs et les professeurs veulent aussi sensibiliser les adolescents au rôle toxique des
réseaux sociaux. Quant à Booder, l’acteur humoriste, ami d’Omar Sy et chroniqueur sur
TPMP, « moi je leur fais des prix pour mon spectacle, pour qu’ils aillent au théâtre et qu’ils
sortent de leurs quartiers. Le jour où on trouvera pourquoi des gamins de 14 ans se mettent à
galérer, je pense qu’on aura réglé pas mal de problèmes ! » assène cet ancien éducateur.

Lien vidéo :
https://www.leparisien.fr/video/video-rixes-a-paris-et-reseaux-sociaux-cest-a-la-cite-qui-
fera-le-plus-peur-04-02-2021-45UZSX3E5BGE3LSIOGEOUWD2WU.php

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