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PRIX : 50 Cts

LÀ BROCHURE POPULAIRE
Mensuel. - 3° Année Avril 1939

LE PEUPLE ALGERIEN
UNI AUTOUR DE U FRANCE
Discours prononcé
A ALGER
le 11 février 1939

THOREZ
Secrétaire Général
du Parti Communiste
Français

REDACTION 44. RUE LE PELETIER. 44 PARIS'


INTRODUCTION

Du 29 janvier au 11 février 1939, une délégation du


Comité Central du Parti communiste français conduite par
Maurice Thorez avait effectué un voyage d'études et de
propagande en Algérie, La délégation comprenait entre
autres nos camarades Henri Lozeray, député de Paris et
Vice-Président de la Commission des Colonies à la Cham­
bre, et Henri Pourtalet, député de Cannes, A travers tout
le pays, d'Oran à Bône, des auditoires enthousiastes lui
avaient réservé raccueil le plus chaleureux. Chacune de ces
réunions ou réceptions témoignait avec éclat de la volonté
profonde d'union qui anime toutes les populations algé­
riennes, Les mêmes sentiments s'affirmaient dans les entre­
tiens privés que la délégation eut avec les personnalités
arabes et françaises les plus représentatives de l'Algérie
populaire.
La manifestation d'Alger, symbole dans sa puissance de
cette nation algérienne évoquée par Maurice Thorez, unie
dans tous ses hls et fidèle à l'idéal de progrès et de liberté
qui anime le peuple d'Algérie, rassembla plus de quinze
mille personnes.
C'est à cette occasion que notre camarade Maurice
Thorez, Secrétaire général du Parti communiste français
et député de la Seine, prononça, le 11 février, l'émouvant
discours qui suit.
AM- . w c
1 k n ' 1

y. :.A »
Le peuple Algérien
uni autour de la France

Chers camarades,
Il est bien difficile de trouver le mot qui puisse traduire
rémotion et la joie que mes camarades et moi-même éprouvons
à cet accueil si vibrant de la population laborieuse d'Alger
unie, fraternellement, sans distinction de race et de religion
dans une même volonté de bacaille et de lutte. Car il s’agit bien,
n’est-il pas vrai, de lutter pour le salut de la Démocratie et de
la Paix dans l’honneur et la dignité de notre France à tous.
Ce soir ici, dans la seule réunion publique qu’il nous ait été
donné de faire sur votre terre d’Algérie, c’est comme à travers
tout votre pays, depuis Oran jusqu’à Constantine et Bône
des masses populaires et, ce qui ajoute à cette manifestation
un prix inestimable, la présence de tous nos amis et alliés du
Front populaire.
%

LE PARTI COMMUNISTE, PARTI DE L’UNION


Quelles sont les raisons de cette confiance témoignée envers
notre Parti communiste et ses militants ?
C’est que notre Parti communiste n’a obéi, n’obéit et n’obéira
jamais qu’à une préoccupation exclusive : la défense des inté-
f rêts de tous les travailleurs, de tous les malheureux, de tous
i
les opprimés.
C’est aussi et surtout parce que notre Parti communiste n’a
connu, ne connaît, ne connaîtra jamais qu’un seul mot d’ordre :
UNIR, UNIR ET ENCORE UNIR.
Dès décembre 1932, au nom du Comité central du Parti com­
muniste, dans une de ces grandes manifestations auxquelles
— 3 ~
iious ont accoutumés les travailleurs parisiens, et que nous re­
trouvons avec vous ce soir à Alger, dans cette assemblée, dis-je,
Javais lancé cette formule : « Une seule classe ouvrière, un seul
\\synûicaty un seul parti. » ^ > r x
Et voilà que nous avons commencé à nous unir, frères corn-
i^munistes et socialistes jusqu^alors divisés, dressés même les uns
‘ contre les autres pour la plus grande joie du patronat et de la
réaction. Sur notre proposition, était conclu, en juillet 1934, le
pacte d’unité d’action entre socialistes et communistes.
' Mais, nous avons voulu davantage encore.
Au lendemain de l’émeute fasciste du 6 février 1934, après
la riposte inoubliable des travailleurs parisiens ; le 9 février
1934, après la journée mémorable de grèves et de manifesta­
tions à l’appel de la C.G.T. dans tout le pays, nous avons posé
la question de l’unipn de tous les membres de la grande famille
républicaine : « Il ne faut pas, avons-nous proclamé, unir seu­
lement les communistes et les socialistes qui pensent que le
salut définitif pour notre peuple ne sera assuré qu’au jour d’une
transformation sociale complète. » Il faut qu’à eux se joignent
les démocrates : ceux qui pensent — et nous sommes d’accord
avec eux sur ce point -r- que la République n’a pas tout donné
de ce qu’elle peut et doit encore donner à notre peuple. (Applau­
dissements,) Et c’est alors que nous avons eu la joie de faire
itriompher ce que l’on a appelé « la sublime formule des com­
munistes : le Front populaire pour le Pain, pour la Liberté et
pour la Paix ».
LE FRONT POPULAIRE AU SERVICE DU PEUPLE
.

J’affirme qu’ir n’est personne qui puisse de bonne foi con­


tester les avantages matériels et moraux procurés par le Front
populaire à l’ensemble des. travailleurs de notre pays. (Applau-
Mssements,) -
f ■ . C’est vrai pour la France métropolitaine et c’est vrai pour
(^l’Algérie.
Chers camarades, je suis- venu une première fois en Algérie,
il y a six ans. Dans votre ville d’Alger, nous avons donné une
réunion à la salle de la rue Portalis, je crois. Il y avait là quel­
ques centaines de camarades européens et quelques dizaines de
camarades arabes seulement, parce qu’on ne les laissait pas
'■Approcher de notre réunion. A Bôhe,; nous n’avions que quel­
ques centaines de camarades européens et ceux de nos frères
arabes .qui tentaient d’approcher de la sallé de -réunion s’en
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voyaient repoussés à coups de matraques par les agents de
police et les gendarmes. Il en était aipsi à travers toute l’Al­
gérie. Et maintenant, dans cette magnifique assemblée publique
comme dans nos conférences privées sur invitation, les Arabes
constituent la majorité de l’assistance. (Applaudissements.)
Cela signifie que les populations arabes et berbères ont
désormais conscience qu’elles doivent être placées sur le plan de
la plus parfaite égalité avec l’ensemble des populations d’Algé­
rie ; mais cela signifie aussi qu’elles ont commencé à se rendre
compte que le peu qui a été obtenu l’a été grâce à notre Front
populaire.
C’est pourquoi, en France et ici, les hommes de la réaction
s’acharnent contre notre Front populaire. C’est pourquoi ils
essaient de le disloquer, s’efforçant à nouveau de nous dresser
les uns contre les autres. Ils oublient que le Front populaire
n’est pas une combinaison de politiciens, un accord momentané
en vue d’un scrutin, mais bien une adhésion du cœur et de
i l’esprit, de millions et de millions de Français, de tous les ‘l’ran-
çais. (Bravo ! Bravo !)
POUR LE FRONT DES FRANÇAIS
Ce Front populaire, on peut parfois le faire trébucher, lui
porter des coups, mais il vit et il triomphera. Il triomphera en
s’élargissant d’ailleurs. C’est ici encore une autre idée lancée
par notre Parti communiste : « Unir dans un Front français,
disions-nous dès le mois d’août 1936, tous ceux qui s'affirment
résolus à maintenir, à élargir les lois sociales, tous ceux qui
s'affirment résolus à maintenir les lois fondamentales de la
République et à mettre hors d'état de nuire les ligues factieu­
ses ; tous ceux enfin qui veulent que notre pays pratique une
politique extérieure de fermeté, qui en appellent — comme le
faisaient nos ancêtres de 1793 — aux peuples contre leurs tyrans
pour la sauvegarde de la Liberté. »
Quelques mois auparavant,dans le discours diffusé par Radio-
Paris, le 17 avril 1936, j’avais, au nom du Parti communiste,
tendu la main aux travailleurs catholiques. Nous avions dit alors
au travailleur catholique, et nous continuons à lui dire : « Crois
en Dieu^ c'est ton affaire. Nous, communistes, qui professons en
matière doctrinale des conceptions matérialistes athées, nous
dont la science marxiste-léniniste procède de l'esprit inatéria-
i liste des gramds encyclopédistes du XVIW siècle,nous ne croyons I
«
f
2ms en Dieu. Nous 2mns'ons que la science nous donne du mon­
de, de, son évolution, une explication, sinon suffisante, en tout
5
cas rationnelle. Cette explication nous paraît approcher le plus
de la vérité, pour autant que nous puissions prétendre connaî­
tre toute la vérité. Nous pouvons discuter avec vous de ces prin­
cipes, Mais, pour nous. Vessentiel en ce moment n'est pas là ;
il est dans notre volonté de faire reculer la menace harhare du
fascisme. La question n'est pas de nous disputer pour savoir s'il
existe un paradis dans le ciel, mais de nous unir pour sauver
sur terre notre honheur et le bonheur de nos semblables. »
( Applaudissements. )
On nous a alors raillés, mais les faits ont prouvé depuis que
nous avions raison.
Nous avons dit et nous répétons : « Unir tous les hommes
qui veulent vivre libres, sans distinction de races ni de religions,
tous les Français de France et tous les Français d'Algérie,
Quand je dis Français d’Algérie,je vous entends tous ici présents,
vous les Français d’origine, les Français naturalisés, les Israé­
lites, et vous aussi les musulmans arabes et berbères, tous les
fils, sino7i par le sang, du moins par le cœur, de la Grande Ré­
volution Française qui ne faisait aucune distinction entre les
races et les religions quand elle affirmait que la République
française était « UNE ET INDIVISIBLE ». (Applaudissements.)
Unir enfin autour du peuple de France continuant sa mar­
che historique vers le progrès et réalisant sa grande mission de
liberté et de paix dans le monde, tous les peuples de bonne
volonté, pour organiser, selon la formule de notre cher Romain
Rolland, LA RONDE DE LA PAIX contre les fauteurs de guerre
du fascisme.
LA PAIX DU MONDE ET L’INDEPENDANCE
DE LA FRANCE PEUVENT ENCORE ETRE SAUVEES
Il en est temps encore, alors même que la France, exception
faite de la Belgique et de la Suisse, n’a plus à ses frontières
)tiue des dictateurs fascistes ou leurs mercenaires.
Rien n’est perdu, mais à la condition que nos gouvernants
sortent de la voie funeste dans laquelle ils se sont engagés de­
puis 30 mois pour le plus grand malheur de notre pays.
■ L’Angleterre de M. Chamberlain vient de remettre Minorque
a Mussolini. Minorque républicaine, la dernière position de la
France dans le bassin méditerranéen occidental, Minorque qui
avait résisté pendant trente mois vient d’être livrée par la
trahison. Nous demanderons des comptes à ceux qui, jusque
dans les couloirs de la Chambre, disaient pour obtenir un vote
6
de confiance : « Soyez tranquilles, nous prendrons des gages et,
s'il le faut, nous occuperons Minorque, » Leurs responsabilités
sont graves, car vous connaissez bien, vous Algériens, la valeur
des Baléares ? Voici un livre rédigé par deux savants allemands,
les professeurs H. Hummel et W. Siewert, traduit en français
par le commandant Cogniet, de TAcadémie de Marine. A la
page 114, on lit ce qui suit :
« Presque au milieu des lignes de communications maritimes
entre Alger et Marseille se trouvent les îles espagnoles des
Baléares, à qui cette position donne une importance stratégique
extraordinaire,.. Les transports maritimes français en Médi­
terranée peuvent en tout temps être coupés en s'appuyant sur
les Baléares, L'attitude de l'Espagne aura donc une importance
décisive dans tous les conflits méditerranéens. »
Fort de tous ces abandons, Franco poussé par ses maîtres se
fait insolent. Ecoutez plutôt ce qu’ose écrire un M. Banuelos,
professeur à runiversitè de Valladolid, dans un livre, « L'avenir
international de l'Espagne », édité à Salamanque :
« Notre avenir international est aujourd'hui comme au
temps de la grande reine Isabelle, en Afrique, et plus concrète­
ment au Maroc. Jusqu'au Grand Atlas, il devrait être espagnol
si nous voulons subsister dans le monde et avoir un poids quel­
que peu important dans le concert international,
« CE N'EST PAS SEULEMENT LE TERRITOIRE INTEGRAL
DU MAROC QUI DOIT ETRE L'ASPIRATION DE L'ESPAGNE I i

FUTURE, MAIS AUSSI ORAN ET ALGER, avec leur « hinter­


land »... Notre empire colonial est ici. Nous l'avions et on l'a
cédé, bêtement ou misérablement. Il faut le reconquérir.
\Quand ? Au moment propice. »
Je sais bien que le premier mouvement, en même temps que
l'indignation, c’est le sourire ! Mais qui eût cru que nous en
serions tombés là avec la Tchécoslovaquie ? Et si Mussolini peut
avoir la prétention de revendiquer la Tunisie et même, le dépar­
tement de Constantine sous prétexte que de nombreux Italiens
émigrés s’y sont installés, pourquoi Franco ne réclamerait-il
pas Oran où tant d’Espagnols ont fait souche ?
Quel Français clairvoyant ne comprend pas qu’il est vain
d’effectuer de grands voyages en Afrique du Nord, de prononcer
des déclarations retentissantes, si par l’intermédiaire de Fran­
co, et grâce à la complaisance des gouvernants anglais et fran­
çais, Mussolini et Hitler s’installent sur notre frontière des
Pyrénées ?
Comment des Français ont-ils pu sombrer dans une telle
aberration qu’après la chute -de Barcelone, ils organisent, com-
f me ce maire de Bel-Abbés, des banquets pour fêter les victoires
i de Franco ? Comment a-t-on pu saluer dans la non-interven'- ,
1 tion une politique de Paix et de Sécurité de la France ? Corn- [
huent a-t'-on pu approuver, ratifier Munich, quand il est désor­
mais clair que cette politique n'a pas sauvé la Paix, mais qu'elle
l’a compromise irrémédiablement, en sacrifiant les positions de
la France dans le monde ?
CONTRE LA TRAHISON INTERIEURE
L'explication en a été donnée par le réactionnaire de Kérillis,^
déclarant à la tribune de la Chambre : « C/ies eux, le bowr'*-|
\geois a parlé plus haut que le patriote. » Ils ont fait passer J
heurs intérêts de caste, leurs privilèges, avant les intérêts de la
Nation. Pour eux tous, banquiers, grands capitalistes, pour les
« deux cents familles », disait autrefois le président du Conseil,
pour les gros colons d'ici, et leurs mercenaires, l'ennemi, ce n'est
pas le fascisme qui guette à nos frontières et prétend anéantir
notre pays. Non ! L’ennemi c’est vous, c’est nous ; c’est le pro­
létaire, le paysan, le fellah, c’est le républicain, le militant, du
Front populaire, le communiste ou le socialiste, c’est l'ouvrier
honnête qui lutte pour ses droits, en même temps qu'il entend
remplir tout son devoir à l’égard de la collectivité nationale.
Pour eux, les amis sont les privilégiés de l’autre côté de la
frontière. Quel bel exemple de solidarité internationaliste chez
ces possédants qui prétendent nous reprocher à nous nos sen­
timents de fraternité envers tous les peuples. Et j'y insiste plus
particulièrement, envers le peuple allemand et le peuple italien
que nous ne confondons pas avec leurs bourreaux. {Applaudis­
sements.)
Ils sont dans la pure tradition de leurs ancêtres, les traîtres j
de Coblentz au service du roi de Prusse contre la France de I
1793. Comme alors, ils s'emploient dans notre pays à préparer
lies voies de l’invasion étrangère. Ils agissent comme les Franco,
^ar tous ces chefs fascistes sont en môme temps que les gardiens
du capital, les agents de l’étranger. Ici même, en Algérie, ils
s’efforcent de développer leur entreprise néfaste. Parce que leur
dessein secret est de maintenir les populations arabes et ber­
bères dans un état de sujétion, ils sèment la haine de race.
POUR LA DEFENSE DES DROITS DE L’ALGERIE
POPULAIRE
{ Notre attitude à nous, communistes, est claire. Nous répu-^ ^
\dions toutes les inégalités de droits entre les hommes, entre les
\
8
peuples. Nous avons présentes à Tesprit ces paroles de Marx :
« Un peuple qui en opprime un autre ne peut pas être un peuple
libre, » Nous reconnaissons le droit â la vie libre comme
individu et j^omme CQlIectivitë aux Algériens, à tons les Algér
riens."Français d'origine.., Ara:5egr~HFrFtmT^
meurs que dans üri uibment aussi lourd ^de menaces,
llntérêt de la France républicaine est de faire droit aux reven­
dications démocratiques d’ordre politique, économique, social et
culturel des populations arabes et berbères.
La législation sociale que Faction de notre peuple uni dans
le Front populaire a permis d’imposer à la réaction, est n,ppli-
cable à l’Algérie. Patrons et grands colons doivent la respecter.
L’intervention des pouvoirs publics doit s’exercer dans ce sens.
II faut exiger des fonctionnaires, des juges, de l’administration
tout entière qu’ils appliquent les dispositions légales et régle­
mentaires au lieu, comme c’est encore le cas trop souvent, de
seconder les tentatives de sabotage de la réaction coloniale et
des fascistes. Le salaire minimum vital, la réglementation de la
journée de travail, les conventions collectives, la liberté syndi­
cale, sont pour les travailleurs arabes, tout comme pour leurs
frères français, des droits qu’ils ont acquis et doivent défendre.
Le paysan arabe qui s’échine à longueur de journée sur un
sol ingrat, doit être aidé, conseillé. Il faut poursuivre hardiment
dans la voie de la redistribution des terres, organiser un sys­
tème d’assurances, de crédit agricole mieux adapté aux besoins
du fellah et du Khammes ; les libérer ainsi des griffes de l’usu­
rier et mettre à leur disposition un outillage meilleur. L’ensei­
gnement agricole technique ne doit pas servir à la seule grande
colonisation, mais être conçu de manière à permettre aux fel­
lahs d’accéder à ce minimum de. connaissances techniques indis­
pensable. Une politique de l’eau bien comprise devrait c-.'ant
tout s'inspirer des besoins de la paysannerie la plus pauvre.
On pourrait, en multipliant les points d’eau sans engager les
énormes dépenses qu’ont nécessité les grands barrages cons­
truits jusqu’alors ou à construire, revaloriser leurs terres et
mettre les troupeaux, souvent leur seule richesse, à l’abri de la
sécheresse meurtrière.
f II faut abolir le code forestier et le code de llndigenat, sur-
I vivances d’un régime d’oppression que la sagesse politique de
;re peuple reprouve.
notre réprouve. ^ .
La République française se doit de se pencher , avec sollici­
^tude te sur le
.V. sort et l’avenir
-------- de cette enfance que 1 insuffisance
d’écoles voue à la rue et à. l’ignorance, plutôt que de decouiagei
par des décrets comme celui du 8 mars certaines initiatives
privées.
— 9
Le projet Blum-Viollette, — ce minimum encore bien mo­
deste, trop modeste à nos yeux doit être voté, et le libre
exercice de leur culte garanti aux musulmans,
J'estime enfin que la République s'honorerait grandement,
et que son geste aurait une répercussion considérable dans tout
rislam, si, non seulement elle facilitait, organisait renseigne­
ment arabe pour les petits enfants de ce pays, mais si elle
créait à Alger une Université arabe à Fusage, non des seuls
riches, mais de tous sans distinction de classe. {Applaiiéisse-^
ment s.)
LE STATUT PERSONNEL ET LE STATUT RELIGIEUX
NE SONT QUE DE FAUX PRETEXTES
Nous entendons à ce sujet certaines objections. « Comment,
nous dit-on, ne voyez-vous pas que ces musulmans que vous
voulez appeler à Végalité de droit ont un statut personnel et
religieux différent du nôtre et qu'ils le préfèrent, d'ailleurs ? »
Mais il y a des citoyens français qui ont un statut person­ (
ne! particulier. Je connais même très bien un député nègre
sénégalais, le citoyen Galandou Diouf, dont toute la presse pari­
sienne nous a appris, il y a quelques jours, qu'il venait d’ame­
ner à Paris sa plus jeune et sixième femme. Si pour le Séné­
galais Galandou Diouf on peut être polygame et en même temps
citoyen et député français, pourquoi cela ne serait-il plus pos­
sible pour les musulmans d’Algérie, dont les 99 pour cent ne
sont pas mariés sous le régime de la polygamie, ayant déjà bien
de la peine à vivre avec une seule femme et leurs petits enfants.
Pourquoi deux poids et deux mesures ?
Statut religieux, dit-on encore ? La République française est
e pays de la liberté, donc le pays de la tolérance. Aux lois fon­
damentales de 187J ont été ajoutées d'autres lois auxquelles
nous tenons, nous, prolétaires : la loi sur la séparation de
l’Eglise et de l'Etat, la loi sur l'enseignement laïque,. Mais cela
n'a pas empêché les républicains français en 1918 d'admettre,
pour les populations, d'Alsace et de Lorraine revenues à la
France après en avoir été violemment arrachées en 1871, le
statut religieux particulier dont elles jouissaient sous un régi­
me de concordat.
C'est pourquoi je pose à nouveau la question. S'il est possible
pour les Français en Alsace et en Lorraine de disposer d'un
statut religieux spécial — on enseigne même le catéchisme dans
IQ
les écoles de la République, et chaque jour pendant une heure
rinstituteur laïque doit céder la place au prêtre, au pasteur ou
au rabbin qui viennent donner la leçon évangélique aux enfants
—- pourquoi, Fayant admis une fois dans Fesprit de Funité fran­
çaise, ne pourrions-nous pas le consentir pour la même raison
aux musulmans d^Algérie ? {Awlaudissevieiits.)

POUR UNE UNION PLUS ETROITE DE LA FRANCE


ET DE L’ALGERIE
Alors nos contradicteurs de renchérir : « Vous vous adressez j
à des êtres incultes, à des hommes ignorants qui vous mévrisent
au fond. Accordez-leur quelques libertés et ils n’auront de cesse /
qu’ils ne vous aient vous, Français, jetés à la mer. »
Je répéterai à ce propos ce que nous avons eu Foccasion
d’afürmer déjà. Oui, nous voulons une union libre entre les
peuples de France et d’Algérie. L’union libre, cela signifie certes
le droit au divorce, mais pas l’obligation du divorce. J’ajoute
même que dans les conditions historiques du moment, ce droit
s’accompagne pour l’Algérie du devoir de s’unir plus étroite­
ment encore à la Démocratie française.
Jeter les Français à la mer? J’en connais qui, s’ils persis­
tent dans leur politique,., risquent, un jour de se voir jeter à la
mer. Ce sont les gros colons. Mais ils ne le seront pas, hélas !
par lés Français prolétaires ou par les indigènes musulmans,
fellahs et malheureux ; ils seront chassés de leurs terres par
les Allemands et les Italièns qui viendront derrière les armées
du fascisme international. ,
D’autres, toutefois, ajoutent : « Vous ne voyez donc pas que !
I ceux auxquels vous vous adressez ne sont pas faits comme nous, ]
I que ce sont des barbares ? » C’est là un mensonge et une ca-
! lomnie à l’égard d’hommes dont les ancêtres ont été à une cer- ;
taine période du développement de l’humanité un élément;
essentiel du progrès. Qui peut nier ce rayonnement de la civi-i
îisation musulmane au Moyen Age jusqu’en Europe occiden­
tale ? Qui peut nier que nos Croisés francs et les marchands
qui les suivaient aient rapporté des terres saintes, en même
temps qu’une foi religieuse plus ardente, beaucoup d’inventions
très utiles au développement de la science dans notre pays et à
travers l’Europe ? Peut-être songe-t-on à propager ici, comme
en d’autres pays, les théories ridicules et odieuses du i..cisme
chères à Hitler et à Mussolini ?
11
LE RACISME CONTRE LA NATION ALGERIENNE
EN FORMATION
Nous, communistes, nous ne connaissons pas les races. Nous
1
. ne voulons connaître Que les peuples.
^ Nous sa-vons comment, dans notre France, sur un sol parti­
culièrement riche, admirablement situé et dans des conditions
climatiques privilégiées, vivent maintenant les descendants de
ces vingt races que des siècles d’histoire ont brassées. Nous sa­
vons comment la grande Révolution de 1789 a identifié le peuple
avec la Nation en brisant définitivement le vieux cadre de ia
féodalité qui opposait les provinces les unes aux autres. Nous
seuls pouvons encore aujourd’hui saisir la nuance qui sépare le
Provençal de l’homme du Nord, le Breton du Lorrain. Il n’y a
plus désormais parmi les descendants de ces vingt races fon­
dues dans le creuset de la Nation que des Français. Tous fils
de la République, UNE ET INDIVISIBLE.
Mais n’en est-il pas de même ici, en Algérie ? Où est main­
tenant dans votre pays la race élue, celle qui pourrait prétendre
à la domination exclusive, celle qui pourrait dire : cette terre
a été la terre de mes seuls ancêtres et elle doit être la mienne ?
.11 y a la nation algérienne qui se constitue historiquemenï \

et dont révolution 'peut être facilitée, aidée, par Veffort de la


République française. Ne trouverait-on pas ici parmi vous, peut-
être, les descendants de ces anciennes peuplades Numides civi­ I
lisées déjà, au point d’avoir fait de leurs terres le grenier de la
Rome antique ; les descendants de ces Berbères qui ont donné
à l’Eglise catholique saint Augustin, l’évêque d’Hyppone, en
même temps que le schismatique Ddnat ; les descendants de
ces Carthaginois, de ces Romains, de tous ceux qui, pendant
plusieurs siècles, ont contribué à l’épanouissement d’une civili­
sation attestée encore aujourd’hui par tant de vestiges comme
ces ruines de Tébessa et de Madaure que nous visitions il y a
quelques jours. Sont ici maintenant les fils des Arabes venus
derrière l’étendard du Prophète, les fils aussi des Turcs conver­
tis à l’Islam venus après eux en conquérants nouveaux, des
Juifs installés nombreux sur ce sol depuis des siècles. Tous ceux-
^ ✓ là se sont mêlés sur votre terre d’Algérie, auxquels se sont ajou­
tés des Grecs, des Maltais, des Espagnols, des Italiens et des
Français, et quels Français ! Les Français de toutes nos pro­
vinces, mais en particulier les Français des terres françaises de
Corse et de Savoie, ceux de la terre française d’Alsace venus en
1871 pour ne pas être Prussiens.
12
1
se constitue, elle aussi, dans
mélange de vingt races.
'

\
POUR LA DEMOCRATIE, CONTRE LE FASCISME
Et qui viendra aujourd'hui, au lieu d'unir, essayer de divi­
ser et de dresser les uns contre les autres tous ces hommes sous
prétexte qu'ils sont de religion, de race ou de couleur différen­
tes, celui-là fait une besogne de criminel à l'égard de la Patrie
française, à l'égard du devoir envers l’humanité et envers les
peuples. (Applaudissements.)
Mais nos frères musulmans savent bien que la victoire du
fascisme n'amènerait nullement leur libération et ne solution­
nerait pas le problème de leur émancipation. C’est en vain que
quelques agitateurs, prétendant parler en leur nom, disent :
« Il n'y a nulle différence entre fascisme et démocratie. »
Ce n'est pas vrai, camarades musulmans, et vous le savez /
bien. Si déjà chez Hitler on se livre aux pogromes odieux contre/
les malheureux juifs, qu'en serait-il pour vous demain, pouiV
vous qu'Hitler place, dans sa hiérarchie des races, au quator/
zième rang, un rang encore après les Israélites ? ^
Qu'en serait-il si Mussolini s'installait en Tunisie, lui qui a
déjà rayé des cadres de son armée et de sa marine des généraux
et des amiraux sous prétexte qu'ils ont du sang juif dans les
veines, lui qui a déporté, fusillé des milliers de vos frères tripo-
litains parmi lesquels l’illustre Cheikh Omar el Mokhtar, lui
qui a semé la ruine et la mort dans les terres arabes de Lybie ?
Qu'en serait-il de l'ensemble de l'Algérie, de notre malheu­
reuse France si de telles théories pouvaient prévaloir ? ^
r Qu'en serait-il même de votre religion, frères musulmans, sl\
'par malheur le fascisme parvenait à étendre sa domination sur !
l’Afrique du Nord ? Au pays du fascisme, on n’a point ménagé /
lies communistes. On les a jetés dans les camps de concentra-/
\tion, persécutés, décapités. On n’a pas ménagé davantage les/
socialistes. Mussolini a fait l’unité entre les socialistes et les
communistes en faisant périr de langueur notre brave Gramsci,
en faisant poignarder Matteoti, Et puis, dans ces pays, on en
est venu aux persécutions contre tous les républicains, contre
les juifs, les protestants de toutes les églises et contre les catho­
liques.
I Personne ne trouve grâce devant le fascisme. Votre religion

(
comme lés autres serait" obligée de subir la loi de sang et de
honte du fascisme se refusant à admettre l'égalité des hommes ^
devant le Dieu qu’ils vénèrent.
V'-'v- 13
LA CAUSE DE LA LIBERTE, DE L’ESPRIT DE TOLERANCE
ET DE LA PAIX TRIOMPHERA
Ainsi, le racisme est contraire à la fois à l’esprit d’union et
de tolérance qui est la marque de la Démocratie française, et
aux principes religieux des chrétiens catholiques, des protes­
tants, des Israélites et des musulmans à qui le Prophète a ensei­
gné : « Nulle contrainte en religion
Nous, nous sommes vraiment les continuateurs de la Grande
Révolution Française, qui a fait des nègres du Sénégal ou de
la Guadeloupe des citoyens égaux en ’ droits aux artisans de
Paris, aux paysans de Beauce ou de Bourgogne. Il y a quelques
mois encorcj nous avons pu nous offrir le malin plaisir de
mettre comme vice-président de la Chambre à la place du croix
de feu Vallat, le nègre Candace. {Agglaudissements), C’est pour­
quoi nous pouvons opposer notre volonté d’union aux entre­
prises de division.
Nous devons nous unir, musulmans, pour avoir le droit
/d’aller dans vos mosquées, juifs pour avoir celui d’aller clans
vos synagogues, catholiques et protestants pour pouvoir aller
dans vos temples et vjas églises, francs-maçons pour pouvoir (

discuter librement dans vos loges, communistes enfin pour pro­


clamer notre foi dans le noble idéal de libération humaine qui J
nous anime. \
Unis pour la défense des libertés de chacun et des libertés I
de tous.
Unis pour défendre notre pain, sauvegarder et étendre nos
droits de liberté, pour maintenir la Paix, ce bien le plus pré­
cieux des hommes, dans l’honneur et l’intégrité de la plus gran­
de France.
A cette noble tâche, le Parti communiste, avec tous les mili­
tants et groupements du Front populaire, vous appelle tous.
Soyez persuadés, chers camarades algériens, que nous sommes
sensibles à la chaleur de votre accueil. Soyez persuadés que
nous mesurons en même temps que l’honneur qui nous est fait,
toutes les responsabilités qui nous incombent devant vous et
devant notre Peuple.
Allons de l’avant, calmes, tranquilles. Notre cause, la cause
de la Uiberté, la cause de la Paix et de la France triomphera
par l’unité. Vive runité ! {La salle debout, applaudit longue-
ment, puis chante la « Marseillaise » et V « Internationale »).
14
ii
LA LUTTE SOCIALE ff

le grand hebdomadaire du Parti communiste d’Algérie


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la Sécurité de nos deux pays,
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