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Revue de l'Islam. 1900/01-1900/12.

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de l'Islam : N» 50-51.
Revue
5e Année. Janvier et Février 1900.

DIRECTION, REDACTION ET ADMINISTRATION


Librairie Africaine, Coloniale et Rus — PARIS
Orientale, 27, Bonaparte,
Sommaire des Nos 50 et 81 (Janvier et Février 1900)

' Pages
La France et l'Islam Cl NAPOLÉON NEV. . . 1
Les débuts et la fin du Khalife Abdullahi GASTON DUJAIUUC ... 8
L'Islam à Sierra-Leonc (par JUSUFF INMANN), traduit de l'anglais par LUCIENHEUDEUERT.14
Poésie populaire, Proverbes et sentences arabes. . . . HENRICARNOY .... 16
Les Chrétiens en Perse . M. S 19
La Peinture et la Sculpture chez les Musulmans. FLORIAN PHARAON ; Louis VIARDOT. 21
Revue générale ANDRÉRICAUD.... 22
Bibliographie 38
REVUEDE L'ISLAM

ANNÉE ' !i
[çiNj^ujlEMgj

( 1900)
Nts 50 et 51. Janvier et Février 1900.

REmJjEKEÉE L'ISLAM

M FRANCE ET LiSUM

Dans un précédent numéro (T. IV, p. 70), nous avons signalé, parmi les voeux
lus au Congrès des Sociétés de Géographie, à Alger, celui qui avait été formulé
par M. le commandant Napoléon Ney. Nous avons aujourd'hui la bonne
fortune de pouvoir donner m extenso ce document d'une haute importance dont
il n'a encore été, croyons-nous, publié que des extraits.
Depuis longtemps, on agite chez nous les projets les plus contradictoires sur
la conduite que la France doit tenir a l'égard du monde musulman. Nous ne
pouvons songer à en faire ici la critique. Ils offrent tous de bons et de mauvais
côtés. D'ailleurs, tout le monde prend la parole dans ce débat, surtout ceux
qui ignorent le premier mot de la question — et ceux-là, hélas, ne sont pas les
moins écoutés. Pendant que l'on discourt, les événements se succèdent. Il
est peut-être urgent d'agir. La nécessité pour la France d'avoir une * poli-
tique musulmane » est reconnue par tout le monde : il faut donc en adopter
une, et sans retard, car ce que la France ne réaliserait pas, une autre puissance
le réaliserait peut-être à notre détriment.
Cette politique, que doit-elle être? Brutale, coercitive, il n'y faut pas son-
ger, quoi qu'en disent les arabophobes et les ignorants; on ne réduira pas le
monde musulman seulement par la force ; il est même certain, pour nous, qu'on ne
le réduira jamais complètement. La politique que l'on doit adopter sera donc
conciliante tout en restant ferme. On ne veut point dire qu'il ne faut pas se
garder contre des attaques possibles de l'Islam ; on veut dire que, dans la con-
duite des peuples comme dans l'hygiène des individus, il vaut mieux prévenir
que guérir; que le moyen le plus sûr d'éviter dans l'avenir les agressions ou
les révoltes des musulmans, c'est de travailler dès maintenant à leur enlever
toute raison de nous assaillir ou de se révolter.
La France peut, elle doit, môme, tenter aujourd'hui d'achever et d'étendre,
2 REVUE DE L'ISLAM

par des moyens pacifiques les conquêtes commencées — et poursuivies trop


longtemps peut-être — par les armes.
Sans doute objectera-t-on le Panislamisme; le panislamisme, croquemi-
taine effrayant que l'on tire de sa boîte chaque fois qu'il s'agit de soutirer à la
Chambre le vote d'un crédit, ou à un ministère des fonds pour une mission mili-
taire inutile.
L'on faisait naguère usage, dans un but analogue, d'un autre cliché, qui
déjà est presque rococo, tant il est vrai que chez nous tout s'oublie vile : c'é-
tait « les récentes victoires des Turcs », à l'aide de quoi on expliquait tout ce
qui se passait « d'inquiétant » dans le monde musulman, depuis le vol d'un
baudet à un colon, jusqu'aux troubles antisémites d'Alger et aux bris de clô-
ture en Tunisie.
Le panislamisme a déjà servi de pavillon aux histoires les plus abracada-
brantes ou les plus cocasses, depuis celle où le Sultan est représenté comme
ayant fait alliance avec le cheick des Senoussis, pour commencer bientôt la
guerre sainte, jusqu'à celle où l'on voit Rabah songeant à se proclamer Mahdi,
pour rallier autour de son drapeau tous les musulmans et nous jeter hors de
l'Afrique (1)!
Le panislamisme a du moins cela de bon qu'il fait oublier un autre croque-
mitaine, le Péril jaune, qui, lui aussi, il y a quelques années, empêcha long-
temps de dormir, en France, les honnêtes gens.
Le panislamisme ne saurait donc faire obstacle à rien, parce qu'il n'y a pas
de panislamisme : il ne peut même pas y en avoir, au moins comme on l'en-
tend chez nous. Le Senoussi, le Marocain, l'Algérien, le Mahdiste, le Nomade de
l'Arabie, le Persan, ne songent pas à s'allier avec le Turc, qui ne songe pas à
rechercher leur alliance. Une alliance générale entre les chefs de l'Islam, re-
cherchée par eux-mêmes et librement acceptée par tous en même temps est, de
tout ce qu'on peut prévoir, la chose la plus improbable. Une foule de raisons
rendent impossible un panislamisme effectif : et si, par extraordinaire, il arri-
vait à se fonder, il ne durerait pas trois mois.
Il serait plutôt possible a une puissance chrétienne de capter politiquement
l'islamisme, de tenir tous les peuples musulmans dans sa main, qu'à une
puissance musulmane de réaliser pratiquement le panislamisme.
C'est pour ces raisons que nous louons le plan que nous communique M. Na-
poléon Ney : en somme, ce que propose l'auteur, c'est, si l'on veut, une
- manière de panislamisme, mais créé par nous-mêmes, dont nous-mêmes diri-
gérions les tendances, et qui se ferait, de lui-même, l'instrument de nos des-
seins. L'idée vaut qu'on l'examine de très près : le projet exposé par le com-
mandant Napoléon Ney est réalisable : si réalisable môme qu'un simple par-
ticulier, en Angleterre, en a réalisé un analogue en fondant, sans nul doute

(1) LorecontccrasomentdoRabahpar une poignéedoblancsprouvoque cochofn'a pasété beau-


coupsoutouupar los panislamistas: onon pourraitdire autanta proposdu Khalifo,do Samory,etc.,
etc.
REVUE DE L'ISLAM 3

avec l'appui du gouvernement, une institution telle que celle dont se pré-
occupe notre collaborateur.
Ce projet, le voici :

La politique étrangère de la France dans les pays musulmans et son expan-


sion coloniale ont fait naître dans certains esprits l'idée d'une alliance entre la
France et l'Islam.
L'idée est parfaitement pratique; seulement, pour en exposer les voies et
moyens du premier coup, il faudrait écrire un volume.
Voici, en attendant, un exposé sommaire du but à atteindre. Si l'idée est
approuvée, les explications verbales et des tlocuments précis compléteront la
présente note et prouveront la facile réalisation de cette idée : « L'alliance de
la France et de l'Islam », qui aura pour notre pays des conséquences incalcu-
lables.

L'Europe ne peut pas, malgré ses efforts, connaître les ressorts intimes du
monde musulman, qui est resté de tout temps impénétrable pour un esprit
chrétien.
L'Islam n'est pas une simple religion. C'est une espèce de maçonnerie théo-;
cratique, une congrégation militaire, une formidable machine de guerre.
L'Islam a échoué devant l'Europe parce que certains obstacles, étrangers à
son essence, l'ont mis dans l'impossibilité d'accepter le secours des sciences
européennes.
L'Islam a été paralysé par l'absence d'une direction intellectuelle.
Pour ceux qui ont pu pénétrer dans l'âme de l'Islam, il ne peut y avoir le
moindre doute que deux cents millions d'hommes, c'est-à-dire des millions de
martyrs armés pour la cause de Dieu, dirigés par une organisation savante,
pourraient changer la face de l'Asie et de l'Afrique.
L'Islamisme vaincu par ses fautes, humilié et poursuivi sur tous les points,
a fini par découvrir le vice mortel de son organisme usé. Après de longues
et douloureuses expériences, il a trouvé dans son propre sein la formule
d'une réorganisation qui répond merveilleusement aux besoins et à l'esprit de
tous les peuples musulmans.
En ce moment, il se produit dans le monde musulman un mouvement qui ne
ressemble à rien de ce que l'histoire de l'Islamisme a enregistré jusqu'à ce jour.
Ce mouvement est dirigé vers les lumières européennes, par des prin-
cipes nouveaux.
Cet Islamisme reconstitué, qui a pris une extension rapide bien qu'il ne se
soit pas encore manifesté extérieurement, a besoin de s'appuyer sur une al-
liance européenne.
Parmi les trois grandes puissances qui ont des relations avec l'Islam, la
REVUE DE L'ISLAM

France laïque est, sans comparaison, la mieux placée pour amener une entente,
qu'une politique habile pourrait rendre la plus féconde de notre temps.
Inutile d'appuyer sur les avantages de cette alliance. La question est de
savoir comment y arriver.
Un point est certain. C'est que cette entente ne sera jamais réalisée par
aucun des moyens employés jusqu'ici.
Toute l'histoire moderne nous montre ce fait constant, extraordinaire et en-
core nullement expliqué, que l'Europe, avec toutes ses victoires, tous ses tré-
sors, toute sa diplomatie, tous ses missionnaires, n'a jamais pu amener le
moindre rapprochement sincère entre elle et l'esprit de l'Islam.
Les peuples musulmans ont été battus de toutes les manières; leurs pays
ont été tour à tour occupés, protégés, annexés, subjugués, mais l'esprit de
l'Islam est resté toujours rebelle, inébranlable, indestructible, irréductible.
Il est hors de doute, pour ceux qui connaissent l'Islam, que tous les pro-
cédés des puissances européennes vis-à-vis des peuples musulmans n'ont servi
qu'à rendre plus implacable la haine de l'Islam pour tout ce qui vient du
monde chrétien.
Malgré les abîmes qui ont séparé et qui séparent encore l'Europe du monde
musulman, les chefs du mouvement actuel sont fermement persuadés qu'au-
jourd'hui, avec l'Islamisme reconstitué, une entente entre la France et l'Islam
est parfaitement réalisable.
En étudiant quelques principes mal connus et en observant certains faits
incontestables (nous sommes prêts à indiquer les uns et les autres), on arri-
vera facilement à cette conviction que, dans les circonstances actuelles, le gou-
vernement français, sans se créer aucune espèce d'embarras, peut, dès à pré-
sent, s'assurer une alliance formidable dont les effets immédiats se feraient
sentir du Maroc à l'Extrême-Orient.
Si l'idée de cette alliance paraît digne de quelque attention, nous sommes
prêts à en exposer dans leurs détails les moyens pratiques, également adaptés
à la situation des deux parties.
Nous allons terminer cette courte note par quelques mots qui donneront,
s'il est possible, une idée plus claire et plus précise du projet.

II

Un point capital que les chrétiens perdent souvent de vue est le suivant :
Le gouvernement légitime de l'Islam est une église dont la base est essen-
tiellement démocratique.
Le grand malheur de l'Islam a été qu'ayant pris pour base la démocratie, il
n'a rien su organiser pour se maintenir sur cette base.
Dès le commencement, l'usurpation et l'absolutisme se sont emparés de
l'Islam.
Partout, à travers toute son histoire, on ne voit qu'une lutte continuelle
entre la théorie et le fait.
REVUE DE L'ISLAM

L'unité théorique de l'Islam, déchirée par des conquêtes successives, se


trouve aujourd'hui divisée en une foule d'églises mal définies, mal gouvernées,
souvent persécutées et toujours harcelées par des autorités mahométanes plus
ou moins anti-musulmanes.
Ces églises, profondément mécontentes des affaires intérieures de l'Islam et
vivement alarmées de l'invasion incessante de l'Europe chrétienne, se sont
rapprochées instinctivement et, guidées par les progrès environnants, elles
sont parvenues, ainsi que nous l'avons dit, à concerter entre elles un pro-
gramme général pour le relèvement de l'Islam.
Ce plan a ce mérite unique que tout en restant parfaitement orthodoxe, il
amène une réconciliation complète entre l'Islam et la civilisation moderne.
Toutes les circonstances sont favorables à la réalisation de ce plan. Pour
que le mouvement devienne une puissance réelle, dominante, il ne lui manque
qu'une seule chose.
C'est un centre neutre où ces église puissent se rencontrer librement.
Aucun centre connu de l'Islam ne leur offre une garantie suffisante pour
leur libre développement.
Aussi ces églises mènent-elles une existence pour ainsi dire nomade, se ma-
nifestant à des degrés différents à Bagdad, en Egypte, à Constantinople, en
Perse, aux Indes, en Afrique, partout plus ou moins comprimées.
Si les chefs de ces églises pouvaient trouver sur le globe une Rome, un
Vatican musulmans, on y verrait surgir comme par enchantement un concile ;
musulman, devant lequel se prosternerait tout l'Islam.
Pour apprécier à sa valeur ce fait, au point de vue musulman, il est néces-
saire d'avoir à l'esprit un dogme fondamental de l'Islam.
Mahomet n'est pas venu seulement pour les Arabes ou pour un pays circons-
crit. Il est venu pour tous les peuples de la terre.
L'islam appartient à l'Univers entier.
Aucun point sur le globe n'a le droit exclusif d'être le centre de l'Islam.
Ce centre peut être à Bagdad, en Egypte, en Espagne, à Constatinople, en
Chine ou en Amérique.
Il suffit que ce centre soit libre et placé à la portée des peuples musulmans.
Il serait facile de trouver en Europe un point réunissant ces conditions.
Mais comment le faire accepter à l'Islam?
Il est certain que si l'Europe allait l'offrir directement, elle serait repoussée
avec indignation.
La France est le seul pays d'Europe qui, par une position exceptionnelle,
peut non seulement créer et faire accepter un Vatican musulman, mais aussi
le rendre à la fois une immense source de bienfaits pour l'humanité et un
puissant instrument de triomphe pour sa politique étrangère et son empire
colonial.
Ici surgit pour notre explication une grosse difficulté. C'est que cette idée
simple et parfaitement pratique par elle-même est basée sur une foule de con-
naissances indigènes, religieuses, sociales cl mille autres détails particuliers
6 REVUE DE L'ISLAM

que très peu d'Européens, familiers avec les choses de l'Islam, ont eu occasion
ou besoin d'approfondir. Nous les ferons connaître à leur heure.
Aujourd'hui nous nous contentons d'affirmer une fois de plus que la France,
sans encourir aucun danger, sans s'imposer aucun sacrifice, peut rendre cette
idée aussi réelle, aussi féconde que n'importe quelle autre conception politique
de nos jours.
Par où faudra-t-il commencer?
Posons d'abord un principe. Ici rien ne doit se faire d'une manière officielle.
Tout doit se préparer par des moyens privés, indirects, strictement conformes
aux exigences dé l'orthodoxie musulmane.
On commencrait donc par former à Paris, tout à fait en dehors du gouverne-
ment, une société ayant un but philanthropique quelconque, par exemple :
l'Etude des rapports moraux et le rapprochement social entre la France et les
peuples musulmans.
Celte société, d'un petit nombre de membres, évitant au début toute publi-
cité, serait composée de personnages partisans de la politique coloniale de la
France et réputés amis des peuples musulmans.
Le premier soin de cette société serait de faire venir spontanément (nous nous
chargeons de ce résultat) cinq ou dix Cheikhs, Imans, Muljlaheds, évoques, car-
dinaux, patriarches musulmans parmi les plus réputés docteurs de l'Islam, de
Constanlinople, de Bagdad, de Bombay, etc.. choisis parmi les plus avancés
et recommandables par leur savoir orthodoxe.
Bien entendu cette première tache demanderait un tact et des procédés
extrêmement délicats que la Société philanthropique aurait à étudier en par-
ticulier.
Ces Cheikhs, ces Docteurs de la Loi musulmane arrivés à Paris forme-
raient immédiatement, mais toujours sans aucune intervention officielle, un
comité purement musulman, ayant pour objet la protection des intérêts reli-
gieux de l'Islam.
Ce Comité, avec un ou deux organes arabes, persans, turcs (imprimés en
triple langue) se mettrait directement en rapports avec le monde musulman.
Pour donner une idée du rôle de ce Comité dans l'état actuel de l'Islam, il
faudrait entrer dans de longs détails sur la constitution et sur les hiérarchies
extrêmement compliquées des églises musulmanes.
Il suffit, pour le moment, de dire que ces Cheikhs réunis à Paris dans les
conditions voulue?, se trouveraient naturellement érigés en Conseil central du
monde musulman.
Ce Conseil central, s'appuy.int sur les principes élevés de l'Islam, agissant
sur un terrain libre, élargissant à sa volonté le cercle de son action, arri-
verait bientôt à concentrer entre ses mains une autorité illimitée.
Nous hésitons à dire le mot qui paraîtra démesuré à un jugement chrétien.
Mais il est certain que ce Conseil des Cheikks réunis à Paris deviendrait néces-
sairement, par la force des choses, le sacre collège, le Concile permanent de
l'Islam.
REVUE DE L'ISLAM

Et maintenant est-il nécessaire de parler de ce que la France aurait à yagncr


avec un tel pouvoir siégeant à Paris? .
a dit en Egypte que « les
Bonaparte, devançant son époque d'un siècle,
Français étaient les meilleurs Musulmans. »
Ces paroles dans la bouche d'un Français ne sauraient avoir aucun écho
dans l'âme de l'Islam.
Le Concile musulman de Paris donnerait à ces mêmes paroles une valeur qui
ferait tressaillir l'Islam.
Des docteurs chrétiens ont représenté toute l'histoire de l'antiquité comme
la préparation providentielle de la venue de Jésus.
Les docteurs musulmans de Paris trouveraient cent fois plus d'arguments
pour montrer aux Musulmans que le Dieu de l'Islam n'a formé l'Europe que
pour y élever la France, dans le seul but de la constituer le champion victorieux
de l'Islam universel.
Ici, encore une remarque malheureusement peu compréhensible par manque
de développements.
Entre la démocratie laïque de la France et la démocratie religieuse de l'Is-
lam. 11n'y a rien qui empêche une entente complète.
Ce qui les a séparés jusqu'à présent, c'est ce malheureux malentendu, par
lequel le Musulman croit toujours que l'Européen, sous quelque forme qu'il se
présente, n'a d'autre but que renverser l'Islam pour y substituer le culte de
la croix.
L'Europe est toujours aux yeux du Musulman une croisade multiforme
acharnée contre l'Islam.
Rien ne pourra détruire cette conviction, excepté la grande voix du Conseil
suprême musulman librement établi dans le pays libre et laïque de France.
Le Conseil suprême, armé de toute l'autorité de la science et de l'orthodoxie,
n'aura aucune peine à faire admettre à la conscience musulmane que la
France n'est plus le soldat de la Papauté ; que l'Islam, loin d'avoir rien à
craindre de la France républicaine, a, au contraire, tout à gagner en s'atla-
chant cette puissance formée par la main de Dieu pour conduire l'humanité
vers les vérités universelles de l'Islam.
Ainsi : un concile musulman surgissant spontanément à Paris, entouré de
toutes les lumières, animé de l'esprit du progrès moderne, soutenu par une
puissante hiérarchie profondément religieuse et héroïquement militaire, avec
deux cents millions d'hommes pensant et agissant sous cette direction su-
prême — et au-dessus de tout, la France appuyée sur l'Afrique et sur l'Asie
et dictant la paix au monde.
Idée sans doute bien nouvelle pour certains esprits, mais qui, pour devenir
une réalité vivante, prompte et facile, n'a besoin que d'être examinée par un
Ministre connaissant les choses d'Asie et d'Afrique et quelque peu di-posé
à éLudier la valeur mal connue de cette force prodigieuse
qu'on appelle
l'Islam.
8 REVUE DE L'ISLAM

Nous sommes prêts à l'aider de tous nos efforts et de toutes nos forces à
réaliser pour la France l'oeuvre présentée.
Si cette idée est bien accueillie nous sommes prêts à la mettre à exécution.
NAPOLÉON
NEY.

(,)
LES DEBUTS & LA FIN DU KHALIFE ABDULLAHI

Le khalife Abdullahi, dont la mort récente a mis fin à la domination


mahdiste dans le Soudan, était né vers 1845 dans la branche Djouberat de la
tribu des Taascha-Baggara du Darfour. Il était l'aîné des enfants (2) deMoham-'
med-el-Fakih, homme notable, mais sans fortune, qui avait, dit-on, le pouvoir
de soulager les malades en récitant sur eux des formules religieuses, et qui
consacrait le meilleur de son temps à enseigner le Coran à la jeunesse.
Celui qui devint le khalife du Mahdi s'appela donc Abdullahi-ebcn-Moham-
ined, du nom que portait son père, ou Abdullahi-el-Taaschi, du nom de sa
tribu.
Mohammed-el-Fakih s'efforça de donner lui-même quelque instruction à ses
enfants : Abdullahi fut celui qui profita le moins de l'enseignement paternel :
il ne put jamais apprendre que quelques versets du Livre; il était fort indis-
cipliné, tandis que ses frères Yacoub et Samani se montrèrent des élèves sou-
mis et studieux, qui furent de bonne heure en état d'interpréter une partie
du Coran.
Cependant, Mohammed-el-Fakih, à la suite de quelque désaccord avec ses
parents, résolut d'émigrer à la Mecque avec ses enfants et de se fixer pour
toujours dans la ville sainte. Mais le voyage était trop long pour être fait
d'une traite : d'ailleurs les ressources du vieillard étaient limitées; il n'alla
d'abord que jusqu'à Shakka, dans le S.-E. du Darfour, où il résida deux ans.
C'est à cette époque que Zobéir tenta pour la première fois d'envahir le
Darfour: Mohammed-el-Fakih se joignit avec ses fils aux gens du pays pour
repousser l'envahisseur. Abdullahi, fait prisonnier par des soldats de Zobéir,
faillit être massacré, mais celui-ci lui fit grâce sur la prière d'un uléma. On
prétend que le jeune homme dans sa gratitude, aurait alors prédit que Zobéir
était celui-là même dont les Musulmans attendaient toujours la venue : le
Madhi, qui devait régénérer l'Islam et convertir l'Univers. Le marchand d'es-
claves ne fut sans doute pas très dallé de celte prédiction, car il se borna
pour toute marque de joie à morigéner fortement le jeune enthousiaste.

(1) D'aprèsTheCrcsotmlot Feret Feuau Soudan,duR.Slatin-I'acha.Paris,F..Flammarion,éditeur.


('2)Losautresenfantsdo Mohammod-oI-FakilicïaiontYacoub,Youssotif,
Samani; unolîllo:Falma,et
unautregarçonqui vintau mondetrès lard: llaroun.
REVUE DE L'ISLAM

Après ces événements, Mohammed-el-Fakih reprit son exode et poussa jus-


du Khordofan, où il mourut, en
qu'à Sherkela, dans le Dar-Djimmi, pays
recommandant à son aîné Abdullahi soit de poursuivre son projet d'établisse-
ment à La Mecque, soit de chercher sa voie auprès de quelque grand per-
sonnage religieux, mais en tous cas, de ne jamais retourner dans leur pays,
au Sud-Ouest du Darfour.
Abdullahi laissa donc au Khordofan sa mère, ses frères, sa soeur, et il partit
à l'aventure dans la direction du Nil.
Le Mahdi, Mohammed Ahmed, n'était encore connu que comme un cheick,
sur lequel venaient d'attirer l'attention ses démêlés avec son maître spirituel,
le saint Mohammed-Chérif, chef de la tarika (confrérie) de Samania, à laquelle
le futur prophète avait été tout d'abord affilié.
Il serait trop long d'entrer ici dans le détail de cette querelle, à l'origine
d'ordre purement religieux. Quoi qu'il en soit, elle avait occasionné une rup-
ture éclatante entre le'maître et le disciple. Il était résulté de là une scission
dans la tarika, dont certains membres se rangèrent autour de Mohammed-
Ahmed, tandis que les autres restaient fidèles à Mohammed-Chérif.
Peu après, Mohammed-Ahmed qui s'était jeté avec ses partisans dans la
tarika d'el Gureschi (concurrente de celle de Samania) avait succédé au cheick
de cette confrérie, mort depuis la réception des dissidents.
On sait quelle importance les Musulmans accordent à tout ce qui touche à la
religion en général, et aux confréries en particulier.
Cette révolte d'un disciple connu pour son savoir, réputé pour sa piété, con-
tre un maître généralement vénéré et regardé comme un des flambeaux de la
foi, celle révolte presque sans précédents occupait beaucoup les esprits. En
attendant qu'il fût le maître de l'heure, Mohammed-Ahmed était « l'homme du
jour ».
Abdullahi, entendant raconter cet événement dans les villages où il passait,
résolut de prendre pour patron ce Mohammed-Ahmed dont tout le Soudan par-
lait, et dont un secret pressentiment lui annonça peut-èlre la grandeur future.
Malgré son dénuement, il poursuivit donc avec courage sa roule vers l'est;
mais il connut durant ce long voyage toutes les privations et toutes les fati-
gues. Il n'avait pour tout équipage qu'un àne blessé et à demi fourbu, auquel
il ne pouvait guère faire porter que son outre d'eau et sa maigre provision de
blé; ainsi pourvu, à peine velu d'une mauvaise chemise de coton, le futur
Khalife excitait surtout la défiance des gens, qui le prenaient d'abord pour un
voleur. De temps à autre il rencontrait bien une Ame charitable qui le secou-
rait; mais le plus souvent on ne lui jetait au passage en guise de salutations
que des invectives ou des railleries.
Enfin Abdullahi rencontra Mohammed-Ahmed à Mussellemie, dans le Sen-
naar, où il bâtissait une koubba à son prédécesseur. Après avoir juré soumis-
sion et fidélité à Mohammed Ahmed, le laaschi fut admis dans la Tarika d'el
Gureschi : il pouvait avoir alors 35 ans. Le cheick donna au nouveau novice
un frère qui devait l'initier à la doctrine et aux choses de l'ordre : Ali s'ac-
10 REVUE DE L'ISLAM

quitta de sa mission avec un dévouement fraternel : mais il était aussi pauvre


que Abdullahi, et tous deux vivaient surtout de la charité du maître. Ali
n'était pas appelé à voir la fortune de son compagnon : un jour qu'il était allé
puiser de l'eau au Nil, il tomba dans le fleuve et fut dévoré par les crocodiles.
Mais Abdullahi était déjà en mesure de faire son chemin dans l'ordre; au-
tant sans doute par reconnaissance que par ambition., il s'était attaché à la
personne de Mohammed Ahmed, qui l'avait soigné avec dévouement pendant
une grave maladie, et dont il devint bientôt le disciple préféré.
Lorsque le cheick, s'élant proclamé le Mahdi, se décida enfin à soulever le
Soudan contre la domination égyptienne, ce fut Abdullahi qui mit la secte en
rapport avec les tribus de l'Ouest, puissantes cl belliqueuses : ce fut lui, aussi,
qui entraîna le Prophète clans le Khordofan, où il lui faisait faire depuis long-
temps par ses frères une propagande active.
L'histoire d'Abdullahi se confond dès lors avec celle du Mahdisme. On le
voit prendre part à toutes les expéditions que le Mahdi dirige en personne :
mais, que les temps sont changés I Le pauvre baggara auquel les cultivateurs
et les marchands jetaient naguère l'insulte, est devenu un des premiers per-
sonnages de la révolution. 11 n'est pas seulement un des trois khalifes du Pro-
phète : il est son second., son secrétaire, son conseiller, son ami : le Mahdi-el-
Monteser dit de lui : « Il est moi et je suis lui ! »
Il était auprès du maître lorsque celui-ci (avec l'aide de Mahomet!) anéantit
à Abba la troupe de soldats égyptiens envoyés par Reouf Pacha pour s'emparer
de lui; il était à ses côtés, plus lard, au terrible assaut d'el Obéid, où Yous-
souf, frère d'Abdullahi, et un frère du Mahdi perdirent la vie. De môme dans
une foule d'autres circonstances, dans toutes les autres pour mieux dire, il
partage avec le Mahdi, au premier rang des (idoles, les fatigues cl les périls.
Cependant celle situation, qui lui donnait en fait un pouvoir presque illi-
mité, lui créait des envieux cl des ennemis, principalement parmi les proches
du Mahdi, inquiels el jaloux de son élévation et de son influence. Des intri-
gues furent ourdies contre lui : il les démasqua et profila de cette occasion,
se sachant d'ailleurs devenu indispensable à Mohammed Ahmed pour exiger de
celui-ci la reconnaissance publique des services qu'il lui avait rendus, et la
confirmation de sa situation.
Le Prophète le proclama donc solennellement son lieutenant, et de ce moment
il lui abandonna la direction des affaires matérielles du Mahdisme. Ce fut
Abdullahi, ainsi, qui reçut la soumission de Slalin Bey, gouverneur du Dar-
four, el de la plupart des gouverneurs des autres provinces; ce fut lui qui, le
premier au camp du Mahdi, interrogea Olivier Pain, qu'une généreuse folie
amenait au Soudan : ce fut sur son conseil que le Mahdi somma Gordon d'em-
brasser le mahdisme; ce fut lui encore qui, plus lard, conseilla de venir mettre
le siège devant Kharloum. Lorsque le Mahdi eut partagé son armée en trois
corps pour marcher sur la capitale du Soudan, Abdullahi en fut nommé le
généralissime : raïs-el-ghez. En celle qualité, il mena les principales opérations
qui aboutirent comme on le sait à la chute de la place.
REVUE DE L'ISLAM U

En 1885 le Prophète sur le point de mourir le désigna pour lui succéder, pour
continuer ses conquêtes et achever son oeuvre.
Il devait régner pendant plus de treize ans sur ce Soudan que le fanatisme,
livré à son prédécesseur.
plus encore que la force des armes, avait

Nous avons rapporté succinctement les débuts du khalife Abdullahi : il se-


rait trop long de retracer l'histoire de son règne, que nous nous promettons
cependant de publier un peu plus tard dans celte revue. Nous nous bornerons
à donner maintenant quelques détails sur la fin de ce curieux personnage.
On sait que lors de la prise d'Omdurman par les Anglo-Egyptiens, en 1898,
Abdullahi réussit à s'enfuir, accompagné de quelques fidèles et des principaux
membres de sa famille: deux cents personnes peut-être, en tout. 11 s'était ré-
fugié clans le Khordofan où il s'occupait activement à rallier les derniers fana-
tiques du Mahdisme, dans l'espoir de recommencer la lutte et de reconquérir
peut-être le pouvoir.
A plusieurs reprises des troupes furent envoyées contre lui; ou plutôt à
sa recherche, car il changeait fréquemment de résidence. Il semble que les
tribus parmi lesquelles il passa aient partagé son espoir et favorisé ses projets,
puisque pendant plus d'un an il put errer avec une suite fort nombreuse dans
le Khordofan et peut-être dans le Darfour sans que sa présence ait jamais été
signalée exactement au gouvernement d'Omdurman.
C'est seulement au milieu d'octobre 189!) que le colonel Wingate, chef du
Service des Renseignements de l'armée d'occupation, eut des détails certains
sur les mouvements du Khalife. Celui-ci était alors en campement dans le
Djebel-Guedir, avec environ 7,000 gens de guerre, dont 2,500 lui étaient four-
nis par un de ses plus anciens émirs, Ahmed-Fadhil.
Sur ces entrefaites, Abdullahi, quittant le Djebel-Guedir, se mit en marche
vers le Nord, tandis que Ahmed-Fadhil de son côté, suivait le Nil blanc avec
2,000 hommes, razziant le pays pour procurer des vivres à sa propre armée
el à celle de son chef.
Le colonel Wingale entra en campagne, el marcha à la rencontre des der-
viches avec des forces imposantes augmentées de 8 ou 9 canonnières qui re-
montaient le Nil.
Les Anglo-Egyptiens rencontrèrent d'abord le corps d'Ahmed-Fadhil et lui
livrèrent bataille : les derviches perdirent 400 hommes et tout le butin fait
dans leurs razzias, notamment une immense quantité de blé,
qui était destiné
au ravitaillement du Khalife (22 novembre
1899). Un incident de ce combat
mérite d'être rapporté : deux derviches vinrent se faire tuer sous les canons
anglo-égyptiens : on s'aperçut, au moment où ils tombèrent, qu'ils s'étaient
attachés l'un à l'autre par le poignet : des derviches
prisonniers racontèrent
plus lard que c'étaient deux grands amis qui, ne s'élant jamais séparés,
avaient trouvé ce moyen pour mourir plus sûrement ensemble.
Ahmed-Fadhil avec le reste de sa troupe avait pu rejoindre le Khalife, qui
12 REVUE DE L'ISLAM

se trouvait en ce moment à Omm-Debrikat, à environ 200 milles dans le S.-O.


d'Omdurman : c'est là que les Mahdistes livrèrent leur dernier combat.
Le 24 novembre, dès l'aube, ils prirent l'offensive contre la position que le
colonel Wingate était venu occuper au-dessus de leur camp pendant la nuit
précédente. Les derviches, qui avaient donné durant toute la campagne des
preuves indiscutables de leur mépris de la mort et de leur bravoure, se mon-
trèrent encore à Omm-Debrikat au-dessus de leur réputation d'héroïsme. Mais
leur armement était par trop inférieur à celui des Anglo-Egyptiens : aussi
l'armée du Khalife fut-elle anéantie.
Les derviches qui échappèrent à la mort furent faits prisonniers : quelques-
uns seulement (parmi lesquels Osman-Digma, qui devait être capturé un peu
plus tard) purent s'enfuir.
Le correspondant d'un journal anglais a donné, sur les derniers moments du
Khalife, des renseignements recueillis sur place, et qui valent d'ôlre répétés ici :
« Dès que le camp ennemi eut été emporté, le bruit se répandit que le Khalife
avait été tué avec presque tous ses émirs. Le colonel Wingate se dirigea vers
l'endroit où ils gisaient. Chemin faisant, un garçon d'une quinzaine d'années
saisit la main du commandant Walson et lui dit : s Le Khalife est mort, je
suis son fils, » el il le mena vers l'endroit où son père était tombé. Là, le
Khalife était couché sur sa « farouah » (peau de mouton), son burnous criblé
de balles.
Sur son corps étaient ceux de ses principaux émirs. Ali-Wad-Hélou et
Ahmed-Fadhil. De chaque côté, gisaient une douzaine d'autres émirs, et, de-
vant lui, ses fidèles gardes du corps, tous morts. Tandis que le colonel
Wingate contemplait ce terrible, mais noble spectacle de braves, morts au
champ d'honneur, on vit un petit individu surgir de dessous les cadavres.
C'était Younis-Déghémi, ancien émir de Dongola. Au bout d'un instant, il ré-
pondit aux questions que lui adressait le colonel Wingate. Il raconta que, lors-
que les derviches eurent échoué dans leur mouvement tournant, et lorsqu'ils
commencèrent à reculer devant un feu terrible, le Khalife appela à lui ses
émirs et leur dit : « Je ne fuirai pas, je mourrai ici. Je vous demande de
rester auprès de moi pour que nous mourions ensemble. »
Ils acquiescèrent, et les émirs et les gardes du corps restèrent devant leur
maître et ils moururent tous ensemble. Le Khalife avait étendu sa peau de
mouton, s'était assis dessus et avait attendu tranquillement la fin, qui ne
tarda pas à venir. Plus lard, dans la journée, par ordre du colonel Wingate,
le Khalife et ses émirs furent enterrés par leurs gens et avec le cérémonial
voulu. Ils reposent dans un endroit magnifique, près d'une large nappe d'eau
entourée d'arbres, et pas bien loin (une soixantaine de kilomètres) de l'île
d'Abba, le berceau du Mahdisme. »
Un autre journal The Crescent, dit qu'il fut constaté que Abdullahi avait reçu
une balle dans la tôte, une dans le coeur, d'autres aux bras et aux jambes.
Un jeune officier anglais dans une lettre privée résumait ainsi ces opéra-
tions : « Le résultai de nos quatre jours d'efforts a été une marche de 57 milles
REVUE DE L'ISLAM 13

en soixante-trois heures, y compris deux combats, mille ennemis tués, près do


dix mille prisonniers, hommes, femmes et enfants, une grande quantité de
bétail pris, et l'extinction finale du Mahdisme... Je dois ajouter que nos pertes
ont été de trente-quatre tués et blessés, deux chevaux, deux mules et six cha-
meaux tués ou blessés. »
Après les revers que le Khalife avait essuyés, après la chute d'Omdurman, il
avait certainement fallu à Abdullahi, pour songer à recommencer la lutte, une
énergie peu commune et une obstination indomptable. Mais ce n'était pourtant
pas en aveugle que le Khalife se jetait dans de nouvelles aventures. S'il avait
résolu de marcher sur Omdurman, c'est qu'il y avait été appelé, qu'il y était
attendu. Le régime anglais, bien que depuis peu inauguré, pesait déjà à une
grande partie de la population. Le Daily News quelque temps après la bataille
d'Omm-Debrikat, publiait d'après une dépèche du Caire cette information édi-
fiante : « Depuis la mort du Khalife on a découvert des documents qui tendent
à expliquer sa décision extraordinaire de marcher sur Omdurman. Ce sont des
lettres qui émanent de diverses personnes influentes de cette ville et qui pro-
mettaient aide et assistance au Khalife s'il tentait de reconquérir la place.
Leur plan consistait sans aucun doute à provoquer une rébellion parmi les
habitants et la troupe, parmi lesquels figurent nombre d'anciens fervents mah-
distes. »
Entre temps, le bruit courut aussi que le Khalife, n'avait pas été tué; que les
Anglais n'avaient annoncé sa mort que pour faire croire définitivement im-
posée leur autorité dans le Soudan. Le procédé quoique déloyal n'aurait pas
surpris l'opinion : mais la mort du Khalife est un fait bien avéré. Il n'est plus
possible d'en contester la véracité après la capture d'Osman-Digma, qui devait
savoir la vérité, et n'a point démenti la nouvelle. On peut dire d'Abdullahi ce
que lui-même disait de son ancien « frère » Ali, lorsqu'il racontait à Slatin
ses débuts dans le Mahdisme et la mort du malheureux novice, que les cro-
codiles du Nil avaient dévoré :
« Allah Jerhamol Allah Jeghfir lehut... »
« Que Dieu l'ait en sa sainte garde!... Que Dieu lui pardonne ses pé-
chés!... » (1).
GASTONDUJARIUC.

On sait par la presse quotidienne que Osman-Digma a été pris par les Anglo-
Égyptiens dans le courant de janvier 1900. Dans notre prochain numéro, nous
raconterons la vie mouvementée de ce personnage.

(1) Fer et Feu au Soudan,I, p. 482.


14 REVUE DE L'ISLAM

L'ÏSLAM A SÏERRA-LEOKE

Lettre du frère Jusuff Inman à l'honorableAbdullah Quilliam, Effendi Sheikh-ul-


Islam des Iles Britanniques.

Salam Alickoum!
Mon cher Sheikh el frère, — après un voyage d'une semaine je suis arrivé
ici, de Sierra-Leone, sans accident le 8 avril. Un vapeur espagnol est parti
d'ici il y quelques jours, mais j'ai préféré attendre le paquebot anglais, car je
crois que vous recevrez celte lettre plus tôt en l'envoyant ainsi.
Je vais maintenant vous donner une courte description de l'aimable accueil
que j'ai trouvé auprès des Musulmans de Sierra-Leone. Quelques minutes après
que le Niger eut jeté l'ancre, un bateau partit du rivage avec trois des frères de
l'endroit, vêtus de leurs pittoresques et gracieux habillements — la longue
robe de couleur et le fez — qui vinrent à bord, el au nom du frère Sanussi et
des Musulmans de la colonie, me souhaitèrent la bienvenue d'une façon très
fraternelle. Alors je me rendis à terre dans leur barque et fus reçu au débar-
cadère par d'autres frères musulmans. Une chaise à porteur m'attendait et
nous nous mîmes en route pour la maison du frère Sanussi, nous arrêtant à
« Wilherforce Hall » et au bureau de poste. Parmi les habitants blancs quelques-
uns avaient l'air surpris en voyant notre petite procession. Tous les Musul-
mans auprès desquels nous passâmes me rendirent le « salaam » fraternel et
beaucoup d'entre eux me donnèrent une poignée de mains.
En arrivant à la maison du frère Sanussi dans la ville de Toulah, je m'aperçus
qu'une assistance nombreuse s'y trouvait, une grande partie ne pouvant pas
entrer dans la maison. Quelques minutes après, j'eus l'inexprimable plaisir de
serrer la nmin de notre vice-président et frère, Mahomed Sanussi. Il me pré-
senta l'Imam, le Muezzin et beaucoup d'autres. Continuellement, il y avait des
frères qui arrivaient, et vous dire que je me sentais heureux ne serait qu'une
faible façon de vous exprimer ce que j'éprouvais. Beaucoup d'entre eux par-
laient anglais, el frère Sanussi el l'Imam servaient d'interprètes pour ceux qui
ne comprenaient pas. Après une longue conversation, pendant laquelle on me
posa des questions sans fin sur vous, sur la bonne cause, sur l'Asile Médina et
le Collège, frère Sanussi en quelques mots me souhaita la bienvenue d'une
façon réglementaire, exprimant la joie qu'il avait de voir encore une fois un
membre de la Mosquée de Liverpool, et disant combien tout ce qui se rappor-
tait au progrès d'Islam dans les Iles Britanniques leur tenait au coeur; « car »,
ajouta notre frère, « ii ne faut pas limiter vos efforts à Liverpool ou à l'An-
gleterre seulement, mais encore ne perdez pas de vue — au moins ceux qui
trouvent l'occasion de voyager en province — qu'il y a une grande étendue
au delà de cette cité. »
REVUE DE L'ISLAM 15
_r .

Après avoir pris des rafraîchissements, nous nous rendîmes à la Mosquée


conversation avec
qui est tout à côté de la maison du frère Sanussi. Dans ma
lui, il me paraissait très désireux d'apprendre que nous faisions des efforts
pour enseigner l'arabe à Liverpool, car il considère cela comme une question
importante. J'expliquai soigneusement au frère Sanussi quelles élaienl les dif-
cultés que nous éprouvions à ce sujet et bien d'autres choses encore. Ayant vu
la Mosquée, je pris congé du frère Sanussi et des autres à grand regret. Nous
nous exprimâmes l'espoir mutuel de nous revoir (Msha-AUah).
Les frères qui vinrent à bord du vapeur, avec beaucoup d'autres, m'ac-
compagnaient encore, jusqu'à la maison du secrétaire des Affaires indigènes,
M. Ernest Parkes, qui nous reçut avec cordialité. Je suis resté ici un petit
moment, et M. Parkes a eu la bonté de me donner deux lettres d'introduction
pour ses parents ici à Fernando-Po, car frère Sanussi lui avait annoncé quel-
ques jours auparavant ma visite.
En quittant la maison de M. Parkes nous nous rendîmes à la gare, où j'ai eu
le plaisir de rencontrer un Musulman anglais, M. Power, qui est employé au
ministère à Sierra-Leone.
Ensuite nous retournâmes au paquebot, accompagnés de M. Power, et à envi-
ron huit heures, je fis mes adieux à Sierra-Leone ainsi qu'aux frères qui m'a-
vaient rendu ma courte visite si agréable. Nous nous arrêtâmes à Monrovia,
mais n'y restâmes que quelques heures. Aucun des passagers ne descendit à
terre et M. Ring ne se rendit pas à bord du Niger. Nous commençâmes à nous
apercevoir sensiblement que nous étions sous les tropiques. Notre prochaine
escale était Bereby, où nous prîmes à bord quelques « krooboys », qui eurent
bien soin de nous faire remarquer leur présence en faisant un vacarme con-
tinuel. Le paquebot se tenait près de la côte. Nous pûmes voir de tout près un
vapeur allemand qui fit naufrage, il y a quelque vingt ans en cet endroit; en
même temps, il nous fut donné de jeler un coup d'oeil d'admiration sur le
Château Cape Coast. Mercredi matin, le 5 avril, trois semaines après avoir quitté
Liverpool, nous arrivâmes à Accra. Au soir du môme jour nous nous rendîmes
à Guittah, qui est construit sur un terrain très bas. Nous arrivâmes à Lagos-
Road, le jour suivant. Un paquebot est venu au-devant de nous pour prendre
le courrier, mais il nous fut impossible d'aller à terre. Nous sommes partis
dans l'après-midi et étions en vue de Fernando-Po le samedi malin au lever du
soleil. Le Pic, ici, est de plus de 11,000 pieds d'altitude, et par un temps clair
on le voit de très loin. J'étais content que le voyage fût terminé, car il com-
mençait maintenant à devenir monotone.
Mes meilleurs remerciements, ainsi que ceux des autres voyageurs sont dus
aux officiers du Niger, en particulier au deuxième officier, M. Morgem, et au
commissaire en chef, M. Edwards, qui, tous les deux, firent tout ce qu'ils purent
pour nous rendre notre voyage agréable. Je me plais assez à Fernand-Po.
Il n'y fait pas trop chaud en ce moment. Il y a un petit village sur la mon-
tagne qui s'appelle Bassili, et le Gouverneur y a une résidence. Les habitants
de Fernando-Po s'appellent « Bubis » et ont un patois à eux. Je me
porte à
KVUE DE L'ISLAM

merveille, et j'espère qu'il en est de même de vous tous. Ne manquez pas de


m'éerire aussitôt que vous recevrez cette lettre. J'ai reçu le Crescenldu 5 avril.
Avec mes meilleurs voeux pour la nouvelle année pour vous tous, je vous
salue fraternellement.
(Extrait de The Crescent et traduit par LUCIEN HEUDEBERT).
JUSUFFINMAN.
lo5 Moliarram1347.
Fernando-Po,

{Rappelons que The Crescent est l'organe de la colonie musulmane de Liverpool,


dont la plupart des membres sont des Anglais, mais qui reçoit tous les Musulmans
étrangers, de passage en Angleterre).

POÉSIE POPTjIkflit^E,

Tous les peuples ont eu à leur origine des poètes, des improvisateurs, qui,
doués de plus d'imagination et de mémoire que les autres, conservaient dans
leur esprit les annales des anciens et brodaient sur celte histoire toutes sortes
de poésies tour à tour martiales ou amoureuses, sauvages ou mélancoliques,
mais toujours du plus grand effet sur l'âme simple el naïve de leurs auditeurs.
Tels furent les aèdes et les rapsode, chez les Grecs, les bardes en Bretagne,
les scaldes dans les pays Scandinaves, les troubadours en France, les mein-
singer en Allemagne, et tels sont encore les chanteurs populaires des pays
musulmans.
On a pu remarquer que la poésie prend surtout un grand développement
dans les contrées ou les plus chaudes ou les plus froides, que le style est
coloré, brillant, voisin de l'emphase dans les productions des gens du Midi,
et qu'au contraire il est triste, doux, mélancolique, empreint de rêverie sous le
pâle soleil du Nord. C'est que la poésie est un miroir fidèle où le peuple vient
se refléter tel qu'il est, avec ses vertus et ses défauts, ses vices et ses qualités;
de telle sorte qu'à la simple audition d'une production populaire, on sent der-
rière le poète sa nationalité. Ainsi est-il des Arabes.
Comme tous les peuples de race sémitique, leur slyle brille surtout par les
comparaisons; chaque point amène nécessairement une image. Veut-il décrire
une femme accomplie, le poète dira :

Seslèvressontvormoilloscommolo liannali,
Sesdentssontdo l'ivoirepoli.
Soncou,c'est un drapeau
Quise drossoau jour du combat.
Lossoinsdosa poitrino
Sontcommodo l'argentmal;
REVUE DE L'ISLAM 17

Son corps, c'est de la neige,


Dela noigequi tombeen sa saison.

Sa taille est commeles minarotsd'une ville,


Les minaretsdo marbre blancs
Loplus distrait la voit do loin,
La regarde avec des yeux humides.
Quandelle marche,on dirait
Lerosoau balancépar le vent.
Sosyeux sont la bouched'un fusil,
Ils assassinentcommola poudre.

C'est bien là cette même forme qu'on rencontre à chaque instant dans la
Bible et particulièrement dans le Cantique des Cantiques.
L'amour, voilà surtout le motif que le barde populaire ou que le chanteur
arabe invoque le plus souvent.
Mais c'est quatre vingt-dix neuf fois sur cent un amour de pure imagination.
L'Arabe chante souvent des charmes qu'il ne lui a pas été donné de contem-
pler, car, ainsi qu'on le sait, l'accès des harems est difficile à tout autre
homme que le mari. Et l'amoureux qui fait entendre son ardent cantique en
est maintes fois réduit à aimer... de confiance, sur la foi de descriptions sa-
vamment embellies que lui a faites quelque officieuse intéressée.
De là ces raffinements d'expression, ces préciosités de sentiment, ces abs-
tractions de quintessence, comme le dit excellemment M. Gabriel Vicaire, à
propos des Italiens; el si nous citons ici les Italiens, ce n'est pas sans raison.
Leur poésie populaire touche par bien des points à celle des Arabes. Écoulez
plutôt cette chanson d'au-delà des Alpes :

• Douxrosesrosossontvos joues,vos cils deuxpetits arcs d'amour.— Vousavoz une paire d'yeux
qui paraissentdouxlancos; — L'air et la terre on sont émerveillés.—Vousavezune paired'yeuxqui
sontsi beaux! — Commedes couteauxils m'ont traverséle coeur.— Vousavez une pairod'yeuxqui
font l'amour; — Us tirent leurs rayons du ciel, et vontau coeur!»

Et cette autre de la vieille Andalousie :

Oui, l'oeil bleu, c'est la vagueoù se mire lo ciol,


Quandson azur brillant sur la nacre s'epancho;
L'oeilgris, — le rossignolprônant la mouchoà miol
Dansles fleursqu'unjasmindeploioà chaquobranche;
L'oeilbrun,— le crépusculooù le moindrecaillou
Se plaint du flot dorédans la cascadoblancho;
L'oeilnoir!... qu'aujugoment,donosjours Dieurotranche
Couxqu'enchantal'oeilnoir!... L'oeilnoir m'arendufou:

Quoi qu'il en soit, les bardes et les chanteurs populaires sont hautement
appréciés dans tous les pays arabes. Il se font surtout entendre dans les cafés
maures au milieu d'un cercle d'indigènes assis gravement sur des naltes et
dégustant leur café tout en fumant la pipe.
Des musiciens sont avec eux, cinq ou six. Les uns jouent du rebcb et de la
Revue de l'Islam, N° de Février 1900. 2
18 REVUE DE L'ISLAM

mandoline à deux cordes qu'ils font vibrer en les grattant avec une plume ou
un roseau ; d'autres soufflent dans une sorte de hautbois au son plaintif dont
les notes filées ne manquent pas de charme. L'orchestre est complété par le
derbouka qui ressemble assez à nos cymbales. Quelquefois, cette musique est
agrémentée du bruit de castagnettes en fer que des nègres agitent avec force
en dansant.
Le chanteur fait la joie des dilettanti indigènes que rien ne réjouit comme
les récits de ces narrateurs nomades qui célèbrent des événements ou des
sentiments cbers au souvenir des assistants.
« L'improvisateur, dit M. des Godins de Souhesmes, excelle à remuer la
fibre de l'auditoire; il se passionne, s'identifie avec son discours, montre par-
fois une véritable éloquence et captive l'assemblée par le jeu de sa physio-
nomie, ses poses, l'expression des yeux et sa mimique tour à tour triste ou
sentimentale, gaie ou véhémente, selon les phases diverses de l'épopée dont
il développe les péripéties. Ajoutons que ces déclamalcurs n'ont pas seulement
le talent de comédiens exercés, ils sont riches en imagination et possèdent sur-
tout certain esprit poétique qui les sert à merveille. »
Leurs chansons sont gracieuses, parsemées d'ingénieuses métaphores et em-
preintes d'une passion excessivement communicative.
« J'ai vu — dit le major Denham, — un cercle d'Arabes immobiles d'atten-
tion faire tout à coup entendre un bruyant éclat de rire, puis fondre en larmes
et se tordre les mains avec toute l'expression de la douleur la plus vive et la
plus sympathique. »
11 n'y a pas que des chansons d'amour chez les Arabes. Comme les autres
peuples, ils ont des lamentations funèbres pour pleurer les défunts, des chants
de danse et particulièrement pour celle des aimées, des airs pour stimuler
l'ardeur des chameaux ou des animaux de labour ou de trait, des refrains
guerriers parfois du plus grand effet.
Les enfants ont des rondes et des airs naïfs analogues à ceux que chan-
tent les petits garçons et les petites filles, le soir, à la porte de nos demeures.
Ainsi les jeunes Kabyles dansent en répétant :

0 clairdo lunodes pelitosruollosI


Disà nos amies
Qu'ollesvionnontjouorici.
Siellesnovionnontpas,nousironslostrouvor,
Avoedossabotsdo cuivre
Montro-toi,lève-toi,ô soleil!
Nousto mettronsun viouxbonnet,
Nousto labourerons un potitchamp,
Un petitchampde cailloux,
Avecuno pairodo souris.

Les proverbes, les dictons et autres sentences toutes faites qu'on a nommées
la Sagesse des Nations, nous ne savons trop pourquoi — ces jugements n'allant
jamais seuls, ayant toujours leurs opposés el par conséquent ne signifiant rien,
REVUE DE L'ISLAM 19

— se rencontrent à chaque instant dans la conversation des Arabes qui bien


souvent semblent ne parler que par adages, absolument comme Sancho Pança
d'illustre mémoire!
En voici quelques-uns :

— Douxcapitaines à bord d'un navire lo font sombrer.


— La beauténe marchepas par caravanes.
— La porloreste fine,mêmedans le fumier; le nègreest toujoursnègro,mémoparmi losgensdoraeo.
— La montéeest pour lo cheval commopour le lévrier.
Lafommofuit la barbe blanche, commola brebis fuit le chacal.
— On apprendà rasor sur la têle des orphelins.
Les parolesde l'ami font plourer; les parolos de l'onnemifont riro.
— Si le sultan te donneun oeuf,tu le payerasd'une poule.
— Qui vole l'oeuf,volerala poulo.
— Mordupar la couleuvre,lo chat appréhendomémola corde.
— Quandlo chien a do l'argent, on lui dit : Monseignourlo chien!
— Fais ongraissorton chion, il to mangora.
— Baiselo chien sur la bouchejusqu'à co que lu on aies obtomice que tu voux!
— L'onnemino doviontjamais ami, ot lo son ne doviontjamais farino.
— Si celui dont lu as besoinosl monté sur un ano, dis-lui: Quoi boauchevalvousavozlu, 6 Mon-
soigneur!

On voit que ce n'est pas toujours par la morale telle que nous l'entendons que
brillent la majeure partie de ces proverbes et de ces sentences ! Ils sont bien le
fidèle reflet du caractère et des moeurs des Arabes, grands par certains côtés,
mais qui par d'autres sont restés de grands enfants.
HENIUCAHNOY.

LES CHRÉTIENS EN PERSE

(Extrait d'une Lettre adressée à la « Revus de l'Orient chrétien » parle R. P. Pascal


Arakéhan, catholique arménien originaire d'Erzeroum. Celte lettre a été publiée peu
après les récents événements d'Arménie).

« Bien que la civilisation ail été portée bien plus tard en Perse qu'en Tur-
quie, bien plus voisine de l'Europe, ait reçu plus de lumière civilisatrice, ce-
pendant les Persans sont loin d'être aussi sauvages que les Turcs; bien au
contraire, les Persans sont d'un naturel très calme et très pacifique; bien fana-
tiques comme le sont tous les mahométans, cependant ce fanatisme ne va
jamais jusqu'à la barbarie. Les mushtaheds mêmes ont la réputation de ne
faire jamais que ce que les lois et l'équité demandent.
« Le gouvernement persan a toujours été le protecteur des chrétiens, et, de-
puis plus de trois cents ans que les Arméniens ont été amenés en Perse, ils
n'ont eu qu'à se louer de la bonne administration des souverains persans.
20 REVUE DE L'ISLAM

Jamais aucun acte de cruauté n'a élé commis envers eux, et les princes les
ont. toujours protégés, même contre leurs propres coreligionnaires.
« Depuis plus de trente cinq ans que je suis à Ispahan, je n'ai jamis vu un
chef quelconque agir contre les chrétiens; jamais un acte d'injustice n'a été
commis envers un Arménien. Ce sont les princes qui viennent en aide par
leurs secours d'argent pour nos églises et nos écoles. Le feu et regretté roi,
Nasser-ed-Din, se nommait lui-même le père de ses sujets chrétiens. Le roi
actuel, Mozaffer-ed-Din, s'est proposé de suivre en tout les traces de son au-
guste père. »
Ces déclarations méritent d'attirer l'attention de tous ceux qui s'intéressent à
la grave question d'Orient. Les chrétiens, en effet, jouissent, en Perse, d'une
liberté absolue; le souverain est non seulement fort bien disposé à leur égard.,
mais encore, ainsi que le dit.le P. Arakéhan, il leur accorde des subventions
pour leur permettre d'édifier des églises et d'entretenir des écoles; la popula-
tion musulmane, qui forme la grande majorité des sujets persans, ne témoi-
gne aucune hostilité envers eux el ne cherche à leur causer aucun préjudice
dans leurs personnes ou dans leurs biens.
Les Kurdes sont nombreux en Perse, leurs tribus sont en tous points sembla-
bles, au triple point de vue de la race, de la religion (1) et des moeurs, à
celles qui dépendent de l'empire ottoman. Or, tandis que ces derniers mas-
sacraient sans pitié tous les chrétiens qui leur tombaient sous la main, les
premières demeuraient calmes et pacifiques et continuaient à vivre en parfaite
harmonie avec les chrétiens répandus parmi elles.
Si en Perse rien d'anormal ne s'est produit pendant les trislcs événements
d'Arménie, c'est grâce à la sagesse et à la prévoyance du gouvernement el des
autorités persanes.
Aussitôt que le shah fut au courant des événements qui se passaient à une
petite distance de la frontière de son royaume, il s'empressa de donner des
ordres pour qu'un cordon de troupes fût placé de façon à arrêter toute tenta-
tive éventuelle d'incursion de la part des Kurdes ottomans sur le territoire per-
san; de plus, il confia à son fils et héritier présomptif, Mozaffer-ed-Dine, gou-
verneur de Tauris, le soin de prévenir tout désordre ou soulèvement de la
part des membres appartenant à des sectes fanatiques. Le prince déploya,
en ces circonstances, de brillantes qualités de militaire et d'administrateur,
son attitude ferme el énergique, les excellentes mesures prises par lui, conju-
rèrent tout danger et il n'y eut pas le moindre incident regrettable à enregistrer.
Le fils de Nasser-ed-Dine s'est montré le fidèle continuateur de sa politique
de progrès, de tolérance et de justice. 11est resté roi ce qu'il avait été comme
prince héritier, l'ami et le protecteur de ses sujets chrétiens.

(i) LosKurdesde Perse,commocouxdo Turquiosontsuniles,c'est-à-diresoclateursd'Omar,ils


reconnaissent,par conséquent, l'autoritéabsoluedu Khalifo(lo sultan)en matièredo roligion; les
Porsans,au contraire,sont sehiitea,c'ost-à-dirosoclateursd'Aliot sont absolumentindépendantsdo
la juridictionspirituollod'Ahdul-Hamid. C'oslun point essontiolqu'il no fautpas pordrodovuo.
REVUE DE L'ISLAM 21

Lorsqu'il répondit à la lettre que lui avait adressée Léon XIII pour le féli-
citer à l'occasion de son avènement, Mozaffer-ed-Dine lui exprima toute sa
sollicitude envers ses sujets chrétiens et catholiques en particulier, et termina
sa missive en recommandant lui et son peuple aux prières du Pontife!
M. S.

cfiEZ ikES musuiimaisis

Au moment oh les pouvoirs publics s'occupent avec un zèle louable, en Algérie et en


Tunisie, de restaurer, ou, de soustraire aux outrages du temps les monuments de la
civilisation arabe, il nous a paru curieux d'exhumer les pages qui suivent : elles
furent, ptibliées il y a déjà longtemps dans la Gazette des BeauxArts ; elles montrent
que, en France, on s'est de tout temps intéressé à l'art musulman.

Un musulman convaincu, un des hommes les plus instruits de l'Islamisme,


le général Khéredine, ancien ministre de la marine à Tunis et président du
grand conseil tunisien, a publié, il y a assez longtemps, un opuscule intitulé :
Réformes nécessaires aux Étals musulmans. Ce travail très remarquable n'était
que la préface d'une oeuvre considérable.
Après avoir établi la situation des Etats musulmans par rapport à la civilL
sation européenne, l'émincnt écrivain arabe dit :
« En partant de ces prémisses incontestables, tout bon musulman sincère-
« ment convaincu que la loi islamique suffit constamment et partout h toules
« les exigences du spirituel et du temporel, et sachant qu'une bonne régle-
« mentation des affaires civiles ne peut être qu'avantageuse aux intérêts rcli-
« gieux, doit reconnaître avec regret que la plupart de nos ulémas, qui sont
« investis de la double mission de sauvegarder les intérêts spirituels et maté-
ce riels de notre loi lliéocralique et de développer l'application successive de
« ces derniers, par une interprétation intelligente et conforme aux besoins de
« l'époque, se montrent peu soucieux de connaître les affaires intérieures de
« leur pays et qu'ignorant complètement ce qui se passe chez les autres ils se
« trouvent par suite, sans qu'il soit besoin de le démontrer, dans l'impossibi-
« lité de remplir convenablement leur mission temporelle. »
L'honorable général, après avoir constaté l'ignorance des ulémas, indique la'
voie dans laquelle doivent entrer les interprètes de la loi religieuse.
Pour aider l'oeuvre de transformation sociale que tente le général Khéredine,
22 REVUE DE L'ISLAM

nous venons combattre le préjugé séculaire qui veut que la religion musulmane
défende la reproduction des traits humains soit par la peinture, soit par la
'
sculpture.
Une fausse interprétation de certains passages du H'aditt a pu seule pro-
hiber ces deux arts qui furent en honneur chez les musulmans au ve et au
vi° siècle de l'hégire.
C'est dans la tradition religieuse et non dans la religion qu'il faut rechercher
l'interdiction formelle de la reproduction des traits humains. Le Coran es*
muet à ce sujet et ce n'est que dans les h'aditt, conversations du Propftètecolligées
par les seKaba, ses compagnons, que l'on trouve la réprobation qui frappe les
arts de la peinture et de la sculpture. Ces Conversations, pieusement conservées
par la mémoire des compagnons du Prophète, furent transmises par ceux-ci
eux Tab'aïnn, et ce n'est qu'après avoir été reportées de bouche en bouche,
pendant deux siècles, qu'elles furent réunies en un volumineux recueil, qui
vient compléter la loi religieuse des mahométans. Quel que soit le respect que
les Tab'aïnn aient eu pour la transmission intégrale des entretiens sacrés du
Maître, il est permis de supposer que le texte primitif, confié seulement à la
mémoire humaine, a pu être parfois modifié involontairement : cela n'est pas
douteux; mais l'on rie peut nier aussi que dans une période de propagande
religieuse comme celle qui s'est écoulée pendant les deux siècles qui ont suivi
la mort du Prophète les docteurs, par suite des luttes à soutenir, n'aient été
portés à altérer de bonne foi la tradition verbale de Mahomet.
Nous prouverons plus loin que les ulémas et les princes musulmans, les
plus fidèles observateurs de la loi écrite, ont transgressé parfois la loi tradition-
nelle. Pour le moment nous fouillerons les h'aditt afin d'y trouver les textes sur
lesquels s'appuient les docteurs orthodoxes pour maintenir la prohibition de
la reproduction des traits humains par la sculpture et la peinture.
Deux fois dans sa vie, le Prophète s'est élevé d'une façon spéciale contre ces
deux arts. L'une et l'autre fois il avait pour but de combattre non l'art tel que
nous le comprenons, et qui lui était complètement inconnu, mais le métier de
confectionneur de figurines et d'enlumineur d'images dont faisaient commerce
les Arabes idolâtres.
« Malheur, s'écria la première fois Mahomet, malheur à celui qui aura peint
« un être vivant! Au jour du jugement dernier les personnages qu'il aura re-
« présentés s'élanceront hors du tombeau et viendront à lui en lui demandant
« une âme. Alors, cet homme, impuissant à vivifier son oeuvre, brûlera dans
celes flammes éternelles. »
Une autre fois il dit à ses compagnons, réunis la veille d'une course contre
une tribu idolâtre : « Dieu m'a envoyé contre trois sortes de gens pour les
« anéantir et les confondre : les orgueilleux, les polythéistes et les peintres.
« Gardez-vous donc de représenter soit le Seigneur, soit l'homme, et ne peignez
« que des arbres, des fleurs, des objets inanimés. »
Est-il possible de ne pas constater la corrélation que Mahomet établit dans
ce passage qui fait autorité entre les polythéistes et les peintres? — Est-il pos-
REVUE DE L'ISLAM

sible de croire que le Prophète avait un autre but que celui de stigmatiser les
fabricants d'idoles? — Dans l'état de barbarie dans lequel se trouvaient les
peuples qu'il voulait régénérer, est-il permis de supposer qu'il voulait atteindre
des arts qui ne florissent qu'à la suite d'une civilisation très avancée et qui
étaient complètement inconnus à cette époque?
C'est principalement sur ces deux passages que s'appuient encore de nos
jours les ulémas pour défendre la porlraicture proprement, dite. Cette interpré-
tation stricte des h'adill n'a pas toujours fait loi cependant, et des princes fer-
vents ont parfaitement compris que l'interdiction du Prophète ne s'adressait
qu'à la reproduction des traits humains appliquée, si nous pouvons nous expri-
mer ainsi, à la propagation de l'idolâtrie. A de certaines époques de leur his-
toire, les Arabes comptèrent des peintres et des sculpteurs célèbres, et la
peinture surtout atteignit chez eux un haut degré de perfection.
Dans les premières années de l'hégire, l'art était entièrement entre les mains
des Grecs et des Juifs: c'est à des artisans venus de Constantinople que Oualid,
fils d'Abdel-Malek, confia la construction de la mosquée de Damas. Parmi les
douze mille ouvriers qui concoururent à l'édification de ce monument, Ibn-Ba-
touta nous apprend qu'il y avait des peintres distingués qui l'ornèrent « par un
mélange habile de couleurs, de figures, d'autels et de représentations de toute
nature ». — Mouradja d'Ohsson rapporte que le père de ce calife, célèbre dans
les annales musulmanes, avait fait peindre l'image du Prophète sur les portes
du temple que sa piété avait fait élever à Jérusalem. Il ne faut pas oublier que
ce même calife fit frapper la monnaie à son effigie, le corps ceint de sa large
épée et les cheveux partagés sur le front, suivant la coutume des croyants du
icr siècle.
M. II. Lavoix, qui a fait une étude très intéressante sur les peintres musul-
mans, établit, par une citation irréfutable, que l'art de la peinture était en
grand honneur au ive siècle de l'hégire, et que les oeuvres arabes avaient
franchi les pays musulmans et pénétré dans les Indes et jusqu'en Chine.
ce C'est ce que nous apprend, dit M. II. Lavoix, le récit de lhn-Wahab, un
« Arabe qui, vers l'an 900 de notre ère, avait visité toute l'Asie orientale et
« pénétré dans la capitale du Céleste-Empire. Cet homme s'était établi à Bas-
ée sorah, de retour de ses longs voyages; là, il racontait qu'admis en présence
ce de l'empereur il avait été interrogé par lui sur l'état politique des royaumes
ic musulmans et sur les moeurs de ces pays lointains. Après de nombreuses
ec questions, l'empereur demanda à Ibn-Wahab s'il reconnaîtrait la figure du
Prophète.
« Le marchand répondit : Oui.
ee Un officier tira alors de la boîte où elles étaient enfermées des feuilles de
ce dessin qu'on fit passer sous les yeux du voyageur. Ibn-Wahab reconnut suc-
ce cessivement les divers prophètes de sa religion : Noé et son arche sainte,
ee Moïse armé de sa verge sacrée, et entouré des enfants d'Israël. — ce Voilà,
ce dit-il, Jésus sur son âne au milieu de ses douze apôtres; voilà la figure du
ee Prophète, mon cousin, sur qui soit la paix! »
24 REVUE DE L'ISLAM

ceEt à cette vue il fondit en larmes. »


El-Mahrizi rapporte que, dans le sac du palais du calife Mostanserbi-AHah,
qui eut lieu en l'an 460 de l'hégire, les révoltés pillèrent des objets d'art, parmi
lesquels se trouvaient les portraits des rois et des hommes célèbres ; au-dessus
de chaque figure étaient écrits le nom du personnage, le temps qu'il avait vécu
et les principales actions de sa vie.
L'histoire a conservé les noms de deux peintres musulmans célèbres à cette
époque : Ebn-Asiz et El-Kasir.
Le premier était né à Bassorah et il orna les murs du palais du visir Yazouri
de fresques remarquables : son oeuvre capitale représentait une aimée drapée
dans un haïk rouge, et le relief était tel qu'elle semblait s'élancer du tableau.
Son contemporain et son émule, El-Kasir, était originaire de l'Irak, et son
talent ne le cédait pas à celui d'Ebn-Aziz. Il avait fait un pendant à la Danseuse
du peintre de Bassorah : c'était également une aimée, mais drapée de voiles
blancs, et la perspective était ménagée de telle sorte que cette figure semblait
vouloir se soustraire à la vue du spectateur et se perdre dans le fond du tableau.
Abou-el-Feda cite un peintre célèbre du nom de Abou-Deker-Mohammed-ben-
Has«an, qui mourut l'an 365 de l'hégire.
Il ne reste plus aucune trace de ces peintres arabes; quoi qu'il en soit, les
descriptions qu'en donnent les polygraphes musulmans ne laissent aucun doute
sur leur existence. Mais, alors même que ce doute existerait, il tomberait devant
les manuscrits illustrés que nous connaissons.
La Bibliothèque possède plusieurs ouvrages remarquables en ce genre : tous
les traités d'histoire naturelle, d'hippiatrique, de science militaire, sont ornés
de dessins explicatifs nécessaires à l'intelligence du texte. Le n° 1618 du Sup-
plément arabe offre des miniatures complètes, des compositions variées, des
représentations de combats ; il tient plus de huit cents sujets ayant trait aux
Séances de Hariri.
Est-il utile de multiplier les exemples pour constater que les h'aditt sur les-
quels s'appuient les docteurs pour interdire la reproduction des traits humains
n'ont pas toujours eu force de loi, et que l'exéculion des paroles du Prophète a
toujours été soumise à l'interprétation?
ce II n'y a que les criminels et la canaille qui jouent aux échecs », a dit le
Prophète en frappant de peines sévères les croyants qui transgressaient ses
ordres. L'usage des échecs n'a jamais disparu de l'Orient, où il a une grande
vogue, et les meilleurs musulmans ne se croient pas damnés pour se livrer
aux spéculations mathématiques de ee jeu.
ee Vous ne prierez point, a dit le Prophète, dans une église où le chrétien
aura plié le genoux. » — Un siècle à peine après la mort de Mahomet, l'église
de Saint-Jean, de Damns, était transformée en mosquée, el les coupoles de
Sainte-Sophie répercutent encore aujourd'hui les psalmodies des prières musul-
manes.
Que conclure de tout ceci, sinon que les h'aditt peuvent être diversement
interprétés, et qu'il suffira de la volonté d'un prince musulman intelligent pour
REVUE DE L'ISLAM 25

remettre en honneur les arts de la peinture et de la sculpture? L'idolâtrie n'est


plus à combattre de nos jours, et les ulémas n'ont plus de raison pour appli-
quer rigoureusement le veto puisé dans la tradition.
FLOUIANPHAHAON.

L'article qu'on vient de lire fut bientôt suivi de celui-ci, signé par un autre critique
de grande valeur.

Permettez-moi de répondre ou d'ajouter quelques mots à l'inléressante étude


de M. Florian Pharaon cesur la Peinture et la Sculpture chez les musulmans. »

Je ne crois pas que l'interdiction de ces deux arts soit seulement consignée
dans le Hadijz, ou Recueil des causeries du Prophète ; et je ne crois pas non
plus que les Arabes, refusant à ce livre, pourtant canonique, la même irréfra-
gable puissance qu'au Koran, en aient interprété les paroles de manière à se
permettre, en un temps quelconque, la culture des arts plastiques. Je crois, au
contraire, que les Arabes proprements dits, ceux qui ont fondé l'Islam et
qu'on détruit ensuite les Mores en Espagne et les Turcs en Syrie, ont toujours
été de zélés iconoclastes, el n'ont jamais cultivé d'autre art que celui de l'archi-
tecture.
Le Koran dit, en effet (Sourate Y, verset 92) : ee0 croyants, le vin, les jeux
de hasard, les statues, sont une abomination inventée par Satan. Abstenez-
vous-en, de peur que vous ne deveniez pervers. » En parlant ainsi, Mahomet
ne faisait que reproduire la loi de Moïse : eeTu ne feras ni sculpture ni image
des choses qui sont dans le ciel, ou sur la terre, ou dans les eaux, ou sous la
terre; lu ne les adoreras pas et ne leur rendras aucun culte. » — eeSi tu m'é-
lèves un autel de pierre, tu ne le feras pas avec des pierres taillées; si lu y
mets le fer, il sera fouillé. » — eeTu élèveras un autel au Seigneur ton Dieu...
avec des roches informes et non polies... » (Exode, chap. XX, Deutéronome,
chap. XXVII). Et cette loi de Moïse reproduisait simplement la tradition d'A-
braham, de qui les Arabes descendaient par Ismaël, comme les Hébreux par
Israël (Jacob) : témoin la Pierre noire de la Kaaba, à la Mekke, qui passe pour
avoir été l'autel d'Abraham.
Cette loi d'Abraham, de Moïse, de Mahomet, était celle de toute la race sémi-
tique et monothéiste. Lorsque Salomon voulut élever à Jérusalem le célèbre
temple qui porta son nom, il eut recours à dés artistes étrangers, ses voisins de
l'Assyrie et de la Phénicie; il leur emprunta jusqu'aux matériaux, ceMes ser-
viteurs, lui répond le roi de Tyr, Hiram, descendront du Liban les bois de
cèdre, et je les ferai porter dans des barques par mer, jusqu'au lieu que tu
indiqueras (Rois, chap. III). El ces lions, ces taureaux, ces chérubins ailés
chéroub), que les sculpteurs phéniciens avaient placés dans le temple de Salo-
26 REVUE DE L'ISLAM

mon, n'étaient que de simples copies des figures symboliques retrouvées au-
jourd'hui dans les temples de la Babylonie.
11faut remarquer, à la décharge de Mahomet, qu'à son époque les arts n'é-
taient cultivés que par les Byzantins, et que, depuis le triomphe de la religion
chrétienne, surtout dans le Bas-Empire, pays d'étroite superstition, presque de
fétichisme, la peinture et la statuaires étaient devenues, dans leur immobilité,
toutes symboliques, à la façon des hiéroglyphes égyptiens. On ne représen-
tait plus que des personnages de convention, types immuables, que les ar-
tistes, réduits aux rôles d'ouvriers, se transmettaient de proche en proche,
sans altération ni changements. On adorait alors, non pas Dieu, car jamais
les Byzantins n'essayèrent de reproduire l'image du Père, non pas même le
Christ ou la Vierge; on adorait telle image de Jésus ou de Marie, comme en
Italie la madone de Lorette ou de Piè-di-Grotta; en Espagne Notre-Dame d'A-
tocha ou delPilar; en Russie la Vierge de Vladimir ou de Kazan. Mahomet,
imitant les empereurs iconoclastes, proscrivit donc moins les arts plastiques
que la superstition et l'idolâtrie.
Parcourez le grand monument religieux laissé par les Arabes d'Espagne,
cette magnifique Mezquita de Cordoue qu'éleva, vers 780, l'omméyade Abdérame
1er; vous ne trouverez d'autres ornements que les fontaines d'ablution dans
la cour extérieure; et dans le temple, qui représentait symboliquement le
monde avec la forme carrée que lui croyaient tous les Sémites, vous ne trou-
verez que le Mirai, cette petite niche ou retraite obscure, qui marque, en indi-
quant la direction de la Mekke, de quel côté les fidèles doivent se tourner en
priant, et, à l'enlour des murailles, les seuls ornements permis dans un temple
d'Allah : je veux dire des versets du Koran ou du Hadyz, gravés en lettres
d'or sur du marbre blanc, et revêtus d'une fine mosaïque de cristal qui fait
étinceler à la lumière les paroles du Très-Haut ou de son Prophète. Ce sont,
comme disent les Arabes eux-mêmes, la parole édifiée. Cardonne rapporte, il est
vrai (Histoire de l'Afrique et de l'Espagne sous la domination des Arabes), qu'une
statue de Zohrah (la Fleur) fut dressée sur la porte principale du palais que le
Khalyfe Abdérame III fit bâtir sous le nom de sa favorite (Medynal-al-Zohrah).
Je ne sais à quelle source Cardonne a puisé ce fait, qui n'est point rapporté
dans les descriptions originales recueillies par don José Conde. S'il était par
hasard exact (et j'en doute absolument), il prouverait qu'Abdérame avait violé
la loi pour complaire à sa maîtresse. En tout cas, ce ne pourrait être que quel-
que statue antique de Flore, à laquelle on aurait donné le nom de Zohrah.
Je sais bien que la musique fut également défendue par le Prophète et cul-
tivée néanmoins par ses sectateurs, ceEntendre la musique, dit le Hadyz, c'est
pécher contre la foi ! y prendre plaisir, c'est pécher contre la foi, et se rendre
coupable du crime d'infidélité. » Pourtant il est certain que la musique fut
très-cultivée par les Arabes d'Espagne, qui ont laissé plusieurs traités impor-
tants sur cet art, entre autres le livre d'Abou-al-Faradj el celui d'Al-Faraby, qui
contiennent cent cinquante airs notés, les figures d'au moins trente instru-
ments divers, et les biographies d'une vingtaine de musiciens célèbres (Bibliot.
REVUE DE L'ISLAM 27

Arabico-Escuriaknsis, de Miguel Casiri). Mais la défense des images, des repré-


sentations d'êtres vivants, fut bien plus respectée que celle de la musique,
non-seulement parce que l'anathème contre celle-ci ne se trouve que dans le
Hadyz et non dans le Koran, mais parce qne l'anathème contre les images
tenait à l'essence même du dogme musulman, l'unité de Dieu et l'horreur de
toute idolâtrie.
A défaut de la peinture proprement dite les Arabes ont montré du moins une
merveilleuse entente de l'emploi el du mélange des couleurs dans l'ornemen-
tation architecturale comme dans la confection de leurs étoffes et de leurs
tapis. Ils ont aussi montré leur connaissance du dessin dans l'art de ciseler
et d'incruster. Au prologue de son livre : De omni scientia artis pingendi, le
moine Allemand Roger, appelé Thcophilos, qui vivait vers la fin du xic sièéle,
s'exprime ainsi : ee0 toi qui liras cet ouvrage, ô mon cher fils, je t'enseignerai
ce que savent les Grecs (les Bysantins) dans l'art de choisir et de mélanger
les couleurs; les Italiens dans la fabrication des vases, dans l'art de dorer, de
sculpter l'ivoire et les pierres précieuses ; les Arabes dans la ciselure et les in-
crustations, etc. »
Ce fut bien à la longue, ce fut après la destruction des Arabes, que les autres
peuples musulmans se sont un peu relâchés de cette absolue défense de toute
représentation d'êtres vivants. Par exemple, à la suite de la conquête des
schismatiques Almoravides, on vit, dans le Maroc, quelques imitations gros-
sières d'animaux nuisibles, les rats, les serpents, les scorpions; mais en ma-
nière de talismans, d'amulettes, d'épouvantails, pour les éloigner des mosquées
et des habitations. A Grenade, également, on vit Aben-al-Hamar, ou l'un de
ses successeurs, élever dans l'Alhambrah la cour des Lions (cl patio de los Leones);
mais de tels animaux chimériques montrent bien en quelle enfance était resté.
l'art de la sculpture chez ces imitateurs attardés des idolâtries chrétiennes; à
ce point que, si le palais d'Al-Humar eût été construit au pied de l'Atlas, on
prendrait ces lions pour des talismans. Encore est-il plus que probable qu'il ne
sont pas plus l'ouvrage d'artistes musulmans que les peintures de l'Alhambrah.
Quand à ces peintures, encore subsistantes, et qui ont donné naissance à tant
de suppositions et de commentaires, je crois avoir démontré qu'elles furent
faites après la conquête d'Isabelle et de Ferdinand, pendant leur séjour dans
l'Alhamrah, et par des artistes chrétiens. (Musées d'Europe, 2° volume, pages
200 et suivantes de la 3° édition.)
Entrés en Europe par la Syrie, les Turcs se sont montrés encore plus relâ-
chés que les Mores d'Espagne. On sait que, dès la conquête de Constantinople
(1453), Mahomet II appela et retint longtemps auprès de lui le peintre véni-
tien Gentili Bellini, frère aîné du maître de Titien et de Giorgione; qu'il lui
commanda des peintures et son propre portrait; que d'autres portraits de
sultans osmanlis ornent une galerie du sérail ; et qu'aujourd'hui tous les musul-
mans se permettent des figures, même sur leurs cachets; mais ces licences, il
me semble, ne datent point de l'époque où les Arabes purs, ceux qui, les pre-
miers, transmirent à l'Europe la civilisation des anciens Grecs, régnaient sur
28 REVUE DE L'ISLAM

tout le vaste empire de l'Islam. C'est aux autres peuples musulmans qui, d'a-
bord vaincus et convertis par les Arabes, finirent par leur succéder en les exter-
minant, c'est aux Mores et aux Turcs, plus longtemps en contact avec les na-
tions chrétiennes de l'Occident, qu'il faut attribuer un retour fort tardif et fort
incomplet aux arts qui avaient encouru l'anathème de Mahomet après celui
de Moïse et d'Abraham.
Je n'en souhaite pas moins ardemment, avec M. Florian Pharaon, que les
musulmans intelligents, comme il le dit, se dégageant des entraves de la tradi-
tiou et de la loi religieuse, remettent en honneur les arts de la peinture et
de la statuaire. Il leur suffirait de cultiver ces deux grands arts avec autant
d'amour et de succès que le troisième, l'architecture. Quand ils auront créé des
tableaux el des statues qui puissent rivaliser avec les mosquées de Bagdad, de
Damas et du Caire, avec les palais de la Ziza et de la Cuba en Sicile, avec la
Mezquita de Cordoue, les bains de Gironne, l'Alcazar de Séville, l'Alhambrah de
Grenade, ils auront fourni largement leur part dans le trésor commun des
arts qu'on nomme libéraux, parce qu'ils ne peuvent naître et grandir que dans
la pleine indépendance de l'artiste, en dehors des dogmes de la religion, en
dehors aussi des prescriptions ou des encouragements de l'autorité civile. C'est
ce que pensaient les Grecs, c'est ce qu'exprimait Platon : ee L'art, a-t-il dit,
est un oiseau des bois ; il hait la cage et ne peut vivre qu'en liberté. »
Louis VIAIVDOT.

REVUE GÉHÉRAkE

Nous rappelons à. nos lecteurs que, la Revue paraissant seulement une fois
par mois, ?ious ?i'avo?is pas la prétention de leur donner sous celle rubrique
un article d'actualité. La Revue générale publiée dans chaque numéro, n'a.
pour but que d'enregistrer dans l'ordre chronologique les principaux faits
qui se produisent dans le monde musulman, afin que les lecteurs puissent-,
aie bout d'un certain temps, retrouver dans la collection les dates el les
grandes lignes de ces événements. N. D. L. R.

Décembre 1899.

Algérie. — En 1894 le Gouvernement général de l'Algérie avait nommé un


amel, nommé Gaga chargé, d'administrer au nom de la France les oasis d'In-
Salah et de Tidikelt.
Cet amel est mort depuis un certain temps déjà et sa succession est ardem-
ment convoitée.
Nous apprenons aujourd'hui que ses héritiers viennent de renouveler les dé-
marches faites pour être investis, l'un ou l'autre, des mêmes fonctions.
REVUE DE L'ISLAM 29

La présence de la mission Flamand dans les régions de Tademaït pourra,


d'ailleurs, faciliter beaucoup l'application de cette politique d'expansion pro-
gressive dans le Sud algérien.
— Cette mission, organisée sous les auspices du Ministère de l'Instruction
Publique, est partie d'Ouargla le 28 novembre dernier.
Elle a pour but d'explorer le Tadmaït, le Monydir, et le reg d'Adjemor au point
de vue scientifique pur, mais aussi et surtout au point de vue de notre expan-
sion dans le Sahara.
M. Flamand doit, en effet, rapporter des renseignements sur les itinéraires
les plus pratiques pour les caravanes se rendant d'Algérie au Touat et au
Soudan et faire connaître aussi, au point de vue religieux, la situation res-
pective des Kadria, des Senoussia, des Bekssaia et des Cheikia, confréries reli-
gieuses qui jouissent d'une grande autorité dans l'Extrême Sud.
La mission Flamand fait, d'ailleurs, partie du programme d'expansion paci-
fique dans le Sahara que poursuit M. Laferrière depuis un an, et qui lui a per-
mis d'annoncer au conseil supérieur qu'il était temps de reporter de trois
degrés plus au Sud la zone de notre action saharienne.

Maroc. — La fin des troubles du Califet n'a pas ramené la tranquilité au


Maroc. La soumission des tribus rebelles n'est jamais complète et elles sont
toujours disposées à recommencer la lutte, même après les plus sanglantes dé-
faites. '
C'est ainsi qu'il faut envisager la situation des tribus Mesfiouas dont les
guerriers ont été décimés et battus récemment. L'armée chérifienne a eu 700
tués dans cette action et les pertes des Mesfiouas ont été considérables.
Maintenant on voit arriver tous les jours des convois de prisonniers. Les
tètes coupées ont été préparées au camphre et au sel, puis accrochées sur la
place Jaama-el-Fna, par des juifs qui sont obligés à cette hideuse besogne
considérée comme infamante.
Les députés des Chorfas de Califet sont à Merakesck. Les Chorfas sont
entre eux à couteaux tirés et ils ne tarderont pas à en venir aux mains.

Soudan Occidental. — La mission Foureau-Lamy est arrivée à Zinder en


bonne santé.
La mission devait tenter le passage par le Chari et le Congo, mais Phostilitté
de Rabah a dû faire abandonner ce projet.
— Des lettres de M. Mereuri, second de la mission de Béhagle, confirment
tous les détails de la mission Bretonnet, mais disent que notre allié Gaourang
n'a pas été massacré.
Quant à M. de Béhagle, aucune nouvelle n'est parvenue affirmant ou infir-
mant le bruit de son assassinat : aucun des hommes de son escorte n'est revenu.
Le sultan des Senoussis allié de la France et résidant à N'Délé, s'attend à une
attaque des gens du Ouadaï dès la saison sèche.
30 REVUE DE L'ISLAM

Soudan Oriental. — Le colonel Mahon a occupé le 23 décembre El-Obeid


qui est désert et qui n'est plus qu'un amas de ruines.

Turquie. — M. Constans a présenté le 2 décembre au sultan le vice amiral


Fournier et le contre-amiral Maréchal accompagnés de leur suite.
L'amiral Fournier a reçu le grand cordon de l'Osmanié et le contre amiral
Maréchal le grand cordon du Medjidié.
Le sultan a offert le lendemain un dîner de gala à Yldiz-Kiosk, en l'honneur
de l'amiral Fournier et des officiers français de l'escadre.
— Une dépèche de source anglaise annonçait dans les
premiers jours de
ce mois, que les Kurdes de Caslur avaient massacré 300 Arméniens.
— Le beau-frère du sultan, Mahmoud-Pacha accompagné de ses deux fils,
est arrivé le 20 à Marseille à bord de la Géorgie.
On a d'abord prétendu que prévenu de concussion dans une affaire de che-
min de fer, il avait voulu se soustraire à des poursuites judidiciaires; puis
plus exactement on a indiqué que Mahmoud, accusé de conspiration et sur le
point d'èlre arrêté, avait prudemment voulu échapper à la vengeance d'Abdul-
Hamid.
Mahmoud a littéralement glissé entre les mains des espions chargés de le
surveiller, comme du reste toute la famille du Sultan et les hautes personna-
lités, et des autorités turques qui le crurent embarqués sur le ee Congo »,
paquebot qu'ils arrêtèrent et fouillèrent aux Dardanelles.
— Dix Jeunes Turcs, parmi lesquels figure un fils du conseiller d'Etat Ismaël-
Bey, ont été arrêtés. Ils sont les auteurs d'une adresse favorable à l'Angleterre
et voulaient s'embarquer pour le Sud de l'Afrique, afin de combattre du côté
des Anglais.
Janvier 1900.

Algérie. — La mission scientifique Flamant escortée d'environ 140 goumiers


commandés par le capitaine Pein est arrivée sans incident le 26 décembre dans
la région d'Igosten. Dans la matinée du 28 elle fut subitement attaquée par une
troupe de 1200 Ksouriens venus d'In-Salah et des Ksours voisins et ayant à sa
tète les principaux chefs du parti anti-français, Ba-Hamoù et Badjouda. La
mission malgré son faible effectif a victorieusement repoussé les agresseurs; elle
leur a infligé des pertes sérieuses et a fait plus de soixante prisonniers parmi
lesquels les deux chefs déjà cités.
Cette victoire nous a ouvert les portes d'In-Salah.
Grâce à des-renforts aussitôt envoyés du sud algérien sous la direction du
commandant Baumgarlen, el à la soumission de partis qui recherchaient notre
amitié depuis longtemps, tels que les Ouled-Yahia, les Ouled-Dahan, les Ouled-
Bahamou qui avaient déjà demandé notre protection, la mission Flamant put
repousser une seconde attaque du parti hostile à la France qui avait pu recons-
REVUE DE L'ISLAM 31

tituer un effectif d'environ 1,300 hommes. Cette troupe fut complètement battue
et perdit 150 tués, 200 blessés et 14 prisonniers.
Le gouvernement général de l'Algérie a fortement poussé l'occupation militaire
de la route conduisant d'El-Goléah à In-Salah, où elle a concentré d'importantes
forces.
Celte occupation est un grand pas en avant de notre conquête du Sahara.
A 400 kilomètres au sud-ouest d'El-Goléah c'est un point central entre l'Al-
gérie, la Tripolitaine, le Soudan, et le Maroc; c'est un jalon sur la route directe
d'Alger à Tombouctou, et notre base d'opérations pour la prise de possession
définitive des vastes oasis du Touat. On peut aussi espérer une grande réper-
cussion sur la politique indigène dans les oasis voisins de l'Aougerout et du
Gourara.
Cette victoire française est surtout la défaite des pirales du désert qui avaient
fait d'In-Salah leur capitale, et dont l'insolence et la hardiesse avaient aug-
menté par l'impunité deleurs crimes.
Soudan Occidental. — A la fin du mois de décembre la mission Foureau-Lamy
se trouvait à Zinder à 1800 kilomètres du fort Miribel et à 500 kilomètres du
Tchad.
On ne sait si la mission se dirigera vers le Tchad à cause du trouble apporté
dans la région par llabah.
— On télégraphiait de Tunisie le 12 janvier :
ce Des nouvelles de l'intérieur annoncent que Rabah est parti du Bornou pour
le Wadaï dans la crainte des Français qui sont arrivés à Nigni sur le lac Tchad.
Cette nouvelle est confirmée par nne lettre de M. Mercuri, mais la raison cfe ce
départ du Bornou semble malheureusement plutôt être un besoin de conquête
contre le Wadaï et le Gouroussi dont le sultan nous est favorable, que la peur
des Français ».
Notre ami Ferdinand de Béhagle semble toujours être prisonnier de Rabah.

(A suivre). ANDRÉRICAUD.

M. Paul Révoil qui remplissait depuis plusieurs années avec une haute dis-
tinction les fonctions d'adjoint au Résident général de France à Tunis, vient
d'être nommé Ministre plénipotentiaire à Tanger (février 1900). M. Révoil a
derrière lui une brillante carrière diplomatique et administrative : Ses hautes
qualités permettent d'affirmer que la France sera par lui dignement représentée
au Maroc. Nous nous réjouissons de sa nomination, non seulement parce
qu'elle constitue pour M. Révoil un avancement mérité, mais parceque nous
voyons en lui l'homme qu'ils faut pour la tâche difficile, délicate, de veiller
aux intérêts de notre pays au Maroc.
Tous nos voeux accompagnent à Tanger notre nouveau Représentant.
G. D.
32 REVUE DE L'ISLAM

BIBLIOGRAPHIE

Nous publierons dorénavant dans chaque numéro toutes les indicalio?is rela-
tives à tous les ouvrages et principaux articles parus dans le mois écoulé
sur l'islamisme et les pays musulmans. Il sera fait un compte-rendu des
ouvrages déposés aux bureauv de la Revue.

(Editions de la. Revue Blanche.) Le livre des Mille Nuits et une Nuits, tra-
duction LITTÉRALE ET GOMPLÈTE DE L'AHABE,par le D 1'J. C. MAHDIUJS. Nous don-
nerons dès le numéro de mars un extrait de ce curieux ouvrage, la première
traduction sincère en français des célèbres contes. Aujourd'hui nous donnons le
sommaire des quatre premiers volumes parus.
TOMEI. — Histoires du Marchand avec l'Efrit, — du Pécheur avec l'Efrit, — du
Portefaix avec les jeunes filles, — de la Femme coupée, des Trois Pommes et
du Nègre Rihan, — du Vizir Noureddine, de son frère le Vizir Chamseddine et
de Hassan Badreddine.
TOMEII. — Histoires du Bossu avec le Tailleur, le Courtier chrétien, le Médecin
juif, l'Intendant, — du Barbier de Baghdad et de ses six frères, — d'Ali-Nour
et de Douce Amie, — de Ghanem-ben-Ayoub et de sa soeur Fetnah.
TOMEIII. — Histoire du roi Omar Àl-Nôman et de ses deux fils merveilleux Schar-
kanet Daoul'makan, où sont incluses les Paroles sur les Trois Portes, la Mort du
roi Omar et Paroles admirables des Adolescents et de la vieille, l'Histoire du Mo-
nastère et l'Histoire d'Aziz et Aziza et du beau prince Diadème.
TOMEIV. — Fin de l'Histoire du roi Omar Al-Néman, où sont incluses l'histoire
du bel Àziz, l'histoire de la princesse Donia et du beau prince Diadème et les
aventures de Kanniakan, fils de Daoul'makan, — Histoire charmante des
Animaux et des Oiseaux, — Histoire d'Ali- ben-Bekar et de la belle Scham-
sennahar.
Chaque volume in-8 carré : 7 fr.

Nos vignes : Comment devons-nous reconstituer nos Vignobles.


Tel est le titre de la brochure (nombreux dessins) que M. Foëx, inspecteur
général de Viticulture, vient de faire paraître.
L'auteur a mis dans ce travail sa grande compétence acquise par de longues
expériences sur tous les terrains et sous tous les climats. La question intéresse
donc tous les propriétaires qui tiennent à ne pas perdre de temps en tâtonnements.
Les documents qui nous sont livrés dans cet ouvrage nous permettront à l'avenir
de reconstituer et de protéger nos vignes d'une façon définitive et sans crainte
d'insuccès.
Librairie G. BARANGER Fils, 5, rue des Saints-Pères à Paris : 1 fr. 50 franco par
poste.
(A suivre).
N<-s52 et 53. Mars et Avril 1900.

LES FRANÇAIS AU TOUAT

Après le coup de surprise de notre entrée à In-Salah, dont l'opinion publique,


les milieux politiques el le gouvernement semblèrent accueillir avec une égale
joie patriotique la nouvelle, on s'est demandé si cet heureux coup de fortune
qui nous livrait la capitale du Tidikelt, la ville sainte des Touatiens et des
Touaregs, le centre de la résistance la plus déterminée à notre action, n'était dû
absolument qu'au hasard. L'affirmative avait ses partisans, et l'on s'inquiétait,
dans celte conjecture, de ce qu'allait faire le gouvernement. Les gens bien infor-
més — on sait qu'ils ont coutume de pulluler — chuchotaient qu'il dissimulait
derrière l'apparence officielle de sa satisfaction le dépit de voir ses ordres
dépassés et de se sentir la main forcée. Étranger à la victoire, il n'en acceptait,
disait-on, les conséquences qu'avec une répugnance bien marquée, quoique
la galerie n'en sût rien, et à coup sûr, il se refuserait à prendre la responsabi-
lité de nouveaux ordres de marche en avant. Tels étaient les pronosties. L'on
ajoutait d'ailleurs, avec finesse, que le gouvernement actuel saurait ne pas
sortir des traditions consacrées de la politique française qui, volontiers, se fait
timide et irrésolue... après le succès.
Aujourd'hui, toutes les appréhensions se sont calmées"; tous les commen-
taires, dont le pessimisme recelait peut-être un soupçon de secrète malveillance,
se sont tus. Le gouvernement n'a pas eu à instruire l'opinion publique de ses
intentions pour obtenir ces résultats. Mais les faits ont parlé. La victoire
d'In-Rar, et aussitôt après, la nouvelle de l'arrivée de notre colonne d'ouest
à Igli, d'où elle va descendre la vallée de l'Oued-Saoura pour rejoindre la
colonne d'est, indiquent, avec l'autorité incontestable des faits accomplis,
la décision prise. L'occupation du Toual, cessant d'être un projet, entre désor-
mais dans la période d'exécution-et se poursuit progressivement, méthodique-
ment. L'Algérie va enfin atteindre ses seules limites naturelles vers le sud, —
le désert, et s'assurer la possession de son hinterland.
Voilà, après vingt ans d'hésitations puériles, la première affirmation nette,
catégorique, de la politique saharienne de la France. L'honneur en revient par-
ticulièrement au gouverneur général actuel de l'Algérie, M. Laferrière, qui a
compris que le moment des négociations vaines et des abstentions timides était
passé. Le Touat est une dépendance géographique naturelle de nos colonies
du nord de l'Afrique ; les traités l'ont placé dans la zone d'influence de la
France, sans que le Maroc ait eu à intervenir, les populations elles-mêmes
attendaient depuis longtemps leur inévitable destinée : il n'y avait plus à diffé-
rer le moment où une petite secousse suffit à détacher le fruit mur de l'arbre.
Dès lors, l'annexion de ces lointaines oasis apparaît avec son vrai caractère.
Elle n'est pas une manifestation nouvelle de cet esprit de conquête et d'aven-
ture qui, par période, saisirait la France —..au dire des politiques à courte vue
et des envieux — et la pousserait, inconsciente de ses devoirs et des droits
34 REVUE DE L'ISLAM

d'autrui, sur le bien le plus proche et le plus convoité. Qui ne sait que, de
longtemps sans doute, le Touat ne cepaiera » pas ce qu'il va coûter? Quelle
apparence de cupidité dans une affaire où tous les bénéfices matériels sont,
pour nous, si aléatoires et si éloignés? Si l'on avait suivi les inspirations étroite-
ment utilitaires de la politique du cedoit et avoir » qui fait scrupuleusement
la balance des dépenses et des recettes et règle sur leur équilibre toute sa
conduite, on se fût bien gardé d'aller chercher si loin,avec des sujets de conflit
inévitables, une occasion trop certaine de grever le budget public. Mais le gou-
vernement général de l'Algérie a eu en vue d'autres intérêts supérieurs fit
permanents. Le gouvernement général a simplement continué l'oeuvre des
Clauzel, des Bugeaud, des Randon et de tous ceux qui, avec ces hommes
illustres, ont vu dans la possession incontestée de l'arrière-pays le gage de la
sécurité du Tell. M. Laferrière exprimait lui-même cette idée dans un discours
récent : ceOn n'est pas vraiment maître chez soi tant qu'on ne tient pas la clef
de sa porte de derrière. » Désormais cette clef sera entre nos mains, et les mal-
faiteurs ne seront plus tentés.
On peut affirmer, dès aujourd'hui, que l'effet moral de l'occupation du Touat
sera énorme. A travers le désert, les répercussions sont prolongées. L'écho
de nos victoires retentira, amplifié par la distance, dans tout le Sahara et le
Soudan.
Coïncidant avec un si grand nombre d'explorations en cours de route, et
notamment avec celles de MM. Joalland-Meynier et Gentil, autour du Tchad,
Foureau-Lamy à travers le Sahara central, l'occupation du Touat peut avoir un
résultat considérable pour la pacification de l'Afrique Occidentale française
et la réduction à l'impuissance de tous les dissidents. Déjà à l'ouest, en prévi-
sion des événements qui, aujourd'hui s'accomplissent, le vieux Bou-Amema qui,
depuis vingt ans, traînait après lui l'inquiétude du châtiment mérité, a offert
sa soumission et demandé l'oubli du passé. N'est-ce pas la preuve manifeste
d'un retour de l'opinion saharienne sur notre compte? Soyons également
convaincus que l'autorité et le prestige de la France vont grandir aussi dans
les autres régions d'un désert qui n'est nullement inhabité. Celles qui ont trop
longtemps vécu sur le souvenir, humiliant pour nous, de massacres laissés sans
vengeance, vont comprendre qu'un esprit de fermeté intrépide et de décision
gouverne désormais nos actes. Cette seule persuasion peut beaucoup faire pour
faciliter notre pénétration pacifique dans le Sahara et peut-ôlre pour préparer
la fusion de nos colonies de l'Ouest africain.
Cette fusion, ce rattachement du Soudan à l'Algérie est l'espérance lointaine,
peut-être moins chimérique que d'aucuns le croient encore, de tous ceux qui,
aujourd'hui, suivent de près les progrès de notre influence en Afrique, et qui
voient dans l'annexion du Touat le premier pas décisif conduisant vers la réali-
sation de ce vieux rêve. Nous ne pouvons prévoir ce qui va en advenir. Il est
sans doute timide de considérer le Touat exclusivement comme un point d'ar-
rivée, et peut-être téméraire, dans l'état de nos connaissances, de ne voir en lui
qu'un nuuvi au point de départ pour de hardies el prochaines tentatives. Nous
REVUE DE L'ISLAM 35

ne savons trop si c'est la construction d'un chemin de fer transsaharien, ou


seulement celle d'un cesaharien » — comme l'ont demandé des esprits à la fois
éminents et très positifs — qui va devenir la conséquence de l'élargissement
de notre territoire. En tout cas, transsaharienne ou saharienne, la voie ferrée
s'avance déjà, à la suite de nos colonnes, vers le long couloir des oasis toua-
tienn's, et ne lardera sans doute qu'un minimum de temps pour les atteindre.
Elle leur apportera, symbole de la domination française et expression visible
de sa puissance, l'ordre, la paix, dont la grande masse]de la population éprouve
plus ou moins confusément le besoin, et la prospérité matérielle qu'elle n'a
jamais connue. Ces résultats, après la période troublée de la conquête, ne pour-
ront qu'assagir les tribus dominées, et les réconcilier moralement avec nous.
La rancune des hommes ne tient jamais devant leurs intérêts évidents. Et quand
les musulmans du Touat auront en outre bien reconnu que l'intention de la
France qui va au-devant d'eux n'a jamais été d'attenter, si indirectement que
ce soit, à leurs croyances, et que, seuls, les fauteurs de désordre sont et seront
l'objet de sa sévérité, les plus belliqueux comprendront l'erreur de leur résis-
tance passée et tous, espérons-le, sauront apprécier les bienfaits d'une autorité
équitable et tutélaire.

UKE TABLE DÏVMATOÏRE ARABE

Le document dont on trouvera ci-dessous la traduction a été adressé au


Comité de l'Afrique du Nord par M. A. Parienté. Le copiste arabe n'a pas tou-
jours compris l'original qu'il avait sous les yeux; aussi a-t-il commis nombre
de fautes qui rendent l'intelligence de ce texte assez difficile. C'est ainsi, par
exemple, que ne connaissant pas le mot anbà cenouvelles », il l'a remplacé par
anbia ee prophètes »; qu'il a mis après chaque citation du Coran ila'l-ayyàm
eejusqu'aux jours », au lieu de el-aya cele verset », mot qui, en cette circons-
tance, équivaut à l'expression ceet coetera ». Il est à peine besoin d'ajouter que
la rédaction est volontairement obscure dans ces prédictions comme dans toutes
les oeuvres du môme genre, en quelque langue qu'elles soient écrites, puisque
c'est la seule chance qu'elles offrent aux paroles de l'oracle d'avoir l'air de se
réaliser.
Les Arabes de l'Afrique du Nord usent sans doute fréquemment de divers
moyens de divination, mais il ne faut pas oublier qu'on trouve dans tous les
pays les plus civilisés des somnambules extra-lucides à qui là clientèle n'a
jamais fait défaut. Aucun peuple n'a échappé à ce genre de croyance et ce serait
une erreur d'en attribuer le monopole aux Orientaux ou môme de s'imaginer
qu'ils soient beaucoup plus superstitieux que les autres à cet égard. Moins dis-
crets ou plus naïfs que nous, ils ne prennent point la peine de dissimuler leurs
faiblesses et font au grand jour ce que nous n'osons faire qu'en cachette.
36 REVUE DE L'ISLAM

TRADUCTION

Louange à Dieu. — Ce formulaire de prédictions doit être employé de la ma-


nière suivante :
Tout d'abord vous dites : que Dieu répande ses bénédictions sur le Prophète
et lui accorde le salut! Puis vous prononcez la formule d'exorcisme contre
Satan le Lapidable; ensuite vous ajoutez ces mots : Seigneur, fais-moi descen-
dre sur un lieu comblé de tes bénédictions, tu sais mieux que tout autre procu-
rer une descente heureuse (1).
Cela fait, posez un doigt de la main droite sur l'une des cases du tableau
ci-dessous et vous saurez s'il y aura pour vous du bien ou du mal. Dieu sait
mieux que personne ce qu'il en est.

CHAPITRE''lll. CHAPITRE
II. CHAPITRE
I.

CHAPITRE
VI. CHAPITRE
V. CHAPITRE
IV.

IX.
CHAP1TR VIII.
CHAPITRE CHAPITRE
VII.

CHAPITRE
X.

CHAPITRE
PREMIER.

0 toi qui m'interroges, réjouis-toi, Dieu le Tout-Puissant a dit : Je lui ai ac-


cordé des richesses infinies (2), etc. Cette affaire au sujet de laquelle tu me
questionnes, je vois qu'il en résultera pour toi un grand bien, une existence
bénie et un heureux retour vers Dieu. Dieu sera indulgent pour toi et pour
nous, car il a dit : Ceux qui ont craint le Seigneur seront dans des lieux de dé-
lices. Réjouis-toi donc. Si c'est sur un voyage que lu consultes le sort, Dieu, s'il
lui plaît, t'y fera trouver bonheur, santé et profits; si c'est au sujet d'un ma-
lade, ee malade guérira, grâce à la puissance de Dieu et à sa force. Dieu sait
mieux que personne quels sont les arrêts du Destin.

CHAPITRE
u.

Puisque le Très-Haut a dit : Nous .avons remporté pour toi une victoire écla-
tante (3), etc., réjouis-toi, ô toi qui me consultes, car Dieu te délivrera des
soucis, des angoisses et des maux de ce monde. Il te donnera le bien-ôtre dans
la situation que tu occupes. Toutefois rends grâce au Dieu suprême et sois de
ceux qui sont reconnaissants. Que tu conssultes au sujet d'un mariage, d'une

(1) Coran,s. XXUI,v. 30.


<2lCoran,s. I.XXIV,v. 12.
Ci, Curmi,s. XI-Vlll,v, 1.
REVUE DE L'ISLAM 37

expédition, d'un voyage ou d'une affaire quelconque de celles de ce monde, je


vois que Dieu, s'il lui plaît, t'y fera trouver de grands avantages.
CHAPITREIII.

Le Tout-Puissant a dit : Manger et buvez (1), etc. 0 toi qui me consultes, tu


es un homme de bien et s'il plaît à Dieu la chose pour laquelle tu m'interroges
se réalisera au mieux de tes désirs, car Dieu a dit : Il fera succéder l'aisance à
la gêne (2), etc. Il te délivrera de tous les maux. Tu auras dans ta demeure une
femme belle et gracieuse, tu obtiendras de grands biens et de grandes joies. Tu
es un homme de bien. Fais l'aumône des richesses que Dieu t'accordera, cela
t'attirera des bénédictions. Dieu te délivrera des envieux et des ennemis, car en
toutes choses il est puissant.
CHAPITRE
IV.

Réjouis-toi, le Très-Haut a dit : Dis encore : La vérité parut, et le mensonge


s'est évanoui (3), etc. L'affaire sur laquelle tu m'interroges sera fort difficile à
obtenir pour toi et tu n'en retireras aucun avantage. Cherche donc autre chose
et, s'il plaît à Dieu, tu y trouveras grand profit. Dieu te délivrera des maux qui
résulteraient de cette affaire et de loute autre. Abandonne l'affaire à laquelle tu
songes, non seulement tu n'y aurais aucun avantage, mais encore il en résul-
terait pour toi de grandes peines. Cherche autre chose et Dieu te fera réussir là
où tu ne t'y attends pas ; il est la meilleure des providences.

CHAPITREv.
Le Très-Haut a dit : Ce n'est pas toi qui dirigeras ceux que tu voudras (-4), etc.
La chose que tu désires dans ton coeur ne te rapportera aucun avantage ; laisse-la
donc, cela vaudra mieux pour toi; prends-y bien garde, car elle le causerait de
nombreuses peines, mais Dieu a dit : Quel est son arrêt? Lorsqu'il veut qu'une
chose soit faite, il dit : Sois, et elle est (ô). Il en sera ainsi de ton affaire; pa-
tiente, car Dieu est avec les résignés.

CHAPITREVI.

Dieu a dit : O vous qui croyez, répétez souvent le nom de Dieu (6), etc. Cette
affaire au sujet de laquelle tu m'interroges et que tu désires au fond de ton
coeur, sera bénie pour toi; si Dieu veut, elle s'accomplira et tu auras joie et
allégresse. Dieu a dit : Nous l'exauçâmes, et nous le délivrâmes de l'afflic-
tion (7), etc. Tu m'interroges sur une chose grave, difficile et pénible; Dieu t'en

(1) Coran,s. H, v. 57.


(2) Coran,s. LXV,v. 7
(3) Coran,s. XVII, v. 83.
(4) Coran,s. XXVIII,v. S6.
(5) Coran,s. XXXVI,v. 82.
(6) Coran,s. XXXIII,v. 41.
(7) Coran,s. XXI, v. 88.
REVUE DE L'ISLAM

délivrera en raison de ta foi et de ton repentir, il écartera de toi tous les maux.
Ne désespérez pas de la miséricorde divine (1); Dieu est près de ceux qui font
le bien. Garde-toi de croire que Dieu le Très-Haut, le Sublime, te facilitera ton
affaire; mais plus tard, tu obtiendras de grandes faveurs. Je vois que tu te ren-
dras dans un endroit où il y aura pour toi de nombreux avantages.
CHAPITRE
VII.
Toutes les fois qu'ils allumeront le feu de la guerre~(2), etc. Cette affaire sur
laquelle tu me questionnes, abandonne-la, car il n'y aura pour toi aucun profit.
Demande donc une autre chose. Dieu la fera réussir. Dieu connaît mieux que
personne le Destin et ses arrêts.
CHAPITRE
VIII.
Si tu veux quelque chose, Dieu a dit : Dieu a confirmé ce qu'a dit son pro-
phète qui a appelé la vérité (3), etc. Réjouis-toi ; si Dieu veut, ton affaire sera
bénie et la chose à laquelle, tu songes te rapportera de grands avantages et une
haute situation. Si tu interroges au sujet du mariage, tu y trouveras le bon-
heur; il sera heureux et béni pour loi, s'il plaît à Dieu. Occupe-toi donc de ton
affaire et, grâce à Dieu, elle se réalisera au mieux de tes désirs. Réjouis-toi, car
Dieu t'accordera une chose à laquelle tu ne t'attends pas; marche à Ion affaire
et, si Dieu veut, elle s'accomplira. Tu rencontreras sur ta route des difficultés,
des envieux et un homme qui sera ton ennemi, mais tu l'emporteras sur lui en
raison de ta foi. Ne crains aucune déception et agis. Dieu sait tout.

CHAPITRE
IX.

Réjouis-toi, ô toi qui me questionnes. Si Dieu versait à pleines mains ses


dons (4), etc. L'affaire qui préoccupe ton coeur réussira et aboutira. Dans
cette affaire importante tu trouveras un grand profit et tu arriveras au but en
raison de ta foi. Place donc ta confiance en Dieu, tu obtiendras ce que tu dé-
sires. Dieu t'assurera le succès, et il est la meilleure des providences.

CHAPITRE
X.
Tu me consultes au; sujet de ce que tu désires et tu te demandes si oui ou
non tu dois agir. Dieu nous rendra toi et nous très heureux. 11te préservera du
mal des méchants, car, comme il l'a dit : Il se peut que vous ayez de l'éloigne-
ment pour une chose (5), etc. Quand à l'affaire au sujet de laquelle tu me con-
sultes, abandonne-la el cherche autre chose qui réussira. Dieu sait tout. Salut.
O. HOUDAS.

s. XXXIX,
(1)Coran, v. 84.
s. V, v. 69.
(2)Coran,
(3) Coran,s. XXXVII, v. 67.
s. XLH,v. 26.
(4)Coran,
(8) Coran,s. IV,v. 23.
REVUE DE L'ISLAM 39

NOTES SUR L'HISTOIRE DE LA TUNISIE

Le pays connu actuellement sous le nom de Tunisie a été, dans le cours des
siècles, le théâtre de luttes importantes qui y ont amené la domination succes-
sive d'un grand nombre de peuplés fort différents, depuis la plus haute anti-
quité, La plupart de ces peuples ont laissé des traces de leur passage, encore
palpables aujourd'hui dans les monuments très nombreux que l'archéologie
conserve religieusement, comme tout ce qui rappelle le passé historique d'un
pays.
Les Phéniciens, qui jouèrent un si grand rôle dans l'antiquité comme véhi-
cule des civilisations orientales vers l'Occident, et dont l'accaparement com-
mercial et maritime provoqua la jalousie des autres peuples et causa finale-
ment leur perle, les Phéniciens, disons-nous, établirent le principal siège de
leur puissance sur le sol qui constitue aujourd'hui la Tunisie.
La fondation de Cartilage remonte, selon les auteurs, à 880 ou à 813 ou 814
avant Jésus-Christ. On attribue hypolhétiquement cette fondation à Didon.
Quoi qu'il en soit, la ville s'appela primitivement Byrsa (tour, forteresse) et fut
bâtie sur une colline escarpée, autour de laquelle, comme sous la protection
d'une acropole, s'établirent des maisons, des comptoirs, des ports.
Après quelques siècles d'existence, Byrsa et son faubourg Megara avaient
sept à huit lieues de tour et prirent le nom de Kart-Ladascht, ville nouvelle,
nom que les Grecs transcrivirent Carchedon, et les Romains Carthago.
Nous ne rappellerons pas ici les luttes homériques des Romains et des Car-
thaginois, les campagnes d'Annibal mettant Rome à deux doigts de sa perte et
les nombreuses vicissitudes de ces guerres puniques qui ne devaient prendre
fin que par la destruction totale de la puissance carthaginoise.
En l'an 146 avant Jésus-Christ, en effet, Scipion Emilien termina, à la tète
des légions romaines, la troisième guerre punique, incendia Carthage et fit
piller et détruire cette ville qui avait été si puissante, puisqu'elle avait fait
trembler Rome elle-même.
Les dix commissaires du Sénat romain présidèrent méthodiquement à la des-
truction de Carthage. Mais dans les décombres, qui ne furent pas réduits en
poussière, comme le dit Paul Orose, tous les habitants des villes voisines vin-
rent chercher des pierres et des matériaux de construction.
La ville de Carthage elle-même fut rebâtie sous César et sous Auguste et du-
rant la domination romaine, le sol tunisien, comme celui de l'Algérie, se cou-
vrit d'un grand nombre de monuments dont beaucoup, malgré les dévastations
provenant souvent bien plus des hommes que du temps, ont été retrouvés
presque entiers. La Tunisie fut comprise dans les provinces d'Afrique de Zingi-
tane et de Byzacône.
Lors de la chute de l'Empire romain, la Tunisie fut occupée par les Van-
dales, en 429, comme tout le Nord de l'Afrique et ils firent même de Carthage
40 REVUE DE L'ISLAM

la capitale de leur royaume (439-533 de notre ère). Genséric s'était emparé de


Carthage en 435 et c'est de là qu'il partit pour aller piller Rome.
Bélisaire, qui s'en empara en 533, au nom de Justinien, empereur d'Orient,
releva les fortifications de Carthage, en détruisant la domination vandale.'
Puis ce fut le tour de l'invasion arabe, en 648, dont le début fut la prise de
Suffetula (Sbeitla), alors la ville la plus importante du pays.
En 689, Hassan, gouverneur arabe de l'Egypte, chassa les Byzantins de Car-
thage et de Tunis et rasa ces villes. La capitale de l'Afrique du Nord fut ainsi
pour la seconde fois effacée du monde et la Tunisie fut englobée dans l'Empire
des Khalifes.
ce Qui peutdire, écrivait M. Beuléenl860, qu'elle ne se relèvera pas un jour et
qu'un peuple civilisé, qui comprendra tous les avantages de sa situation, n'imi-
tera pas l'exemple des Romains? »
C'est à partir de la seconde destruction de Carthage que la ville voisine de
Tunis, reconstruite, prend de l'importance. Cependant, Kairouan, fondée par
Okba, fut d'abord la capitale du royaume arabe (670), mais Tunis devait
bientôt la remplacer.
La dynastie des Gassanides, puis celles des Aglabites de Kairouan (800) et des
Fatimites (909), celles des Zéirites (972), des Almohades (1160) et des Hafsides
(1206), étendirent successivement leur empire sur la Tunisie, la Tripolitaine et
l'Algérie orientale, y continuant la tradition islamique.
La civilisation arabe se développa beaucoup dans le pays.
Les Maures, expulsés d'Espagne et, parmi eux, la célèbre tribu des Abencé-
rages, se fixèrent dans cette province. Ce fut le commencement de cinq siècles
de grandeur, suivis par une période de violence barbare el de piraterie.
En 1270 commence la dynastie des Mérinides. Cette môme année, saint
Louis, roi de France, dirige une croisade contre Tunis, occupe et fortifie le
plateau de Byrsa, et meurt de la peste devant la ville.
Le plateau de Byrsa fut concédé au roi Louis-Philippe par le Bey de Tunis
pour y ériger une chapelle et un monument à la mémoire de saint Louis.
ceII est d'un heureux augure, écrivait M. Beulé en 1861, dans son bel ou-
vrage sur les Fouilles à Carthage, que la France ait pris pied sur cette petite col-
line, qui a été le berceau de la puissance carthaginoise, et qu'ont habitée les
proconsuls romains, les roi vandales, les grands généraux de Justinien. Les
Arabes eux-mêmes ont traîné la statue de saint Louis, oeuvrede M. Seurre, jus-
qu'au sommet de la colline. Un bataillon de Nizams s'est attelé au char que les
chevaux du pays tiraient en désordre, et l'a conduit comme un char de triom-
phe. Il faut dire que le souvenir de saint Louis est populaire dans le pays, el
que le fanatisme musulman l'a consacré à sa manière. Au-dessus de Carthage
est enterré un marabout vénéré par sa sainteté; il s'appelait Bou-Saïd, et a
donné son nom au village de Sidi-Bou-Saïd qui domine tout le golfe. Les
Arabes le confondent avec saint Louis; ils prétendent que le roi de France
s'est fait musulman avant de mourir et qu'il a changé de nom en embras-
sant la religion de Mahomet. Boud-Saïd signifie le Père du Bonheur. Ceux qui
REVUE DE LTSLAM 41

connaissent les orientaux savent ce que cette fable cache de respect et d'admi-
ration. »
En 1574, les Turcs, commandés par Sinan pacha, renversèrent définitive-
ment la dynastie Hafside, et la Porte envoya envoya à Tunis un pacha qui gou-
verna de concert avec des deys, devenus vasseaux du sultan. Le divan, ou
conseil du vice-roi était composé des principaux officiers de la milice des janis-
saires. De môme qu'à Alger, cette milice brutale s'empara du pouvoir, un siècle
après et se rendit indépendante de la Porte.
Les pachas furent chassés, lesbeys, qui usurpèrent toute l'autorité, devaient
être élus par l'oligarchie militaire des janissaires.
ee Nulle période, dit M. Lanier (1), n'est moins féconde en événements intéres-
sants que celle des beys électifs, qui pour la plupart périrent égorgés ou étran-
glés. Le dix-huitième siècle est rempli des luttes continuelles qui éclatèrent
entre les deys d'Alger ou de Constantine et les beys de Tunis. Pourtant, en
1685, la France obtint du bey de Tunis, Mohammed, un traité de commerce
sons le nom de capitulation. »
Avant ce traité, toute la côte barbaresque s'était fait une réputation par ses
brigandages maritimes. Dans la région qui nous occupe, des bagnes chrétiens
furent installés et le premier écrivain de l'Espagne, Michel Cervantes y resta
cinq ans après son enlèvement par les corsaires. Saint Vincent de Paul, en
1607, fut pris aussi par un pirate tunisien et vendu comme esclave, mais,
ayant converti son maître au catholicisme, il revint avec lui en France au bout
de deux ans.
Mais combien d'autres victimes de celte piraterie éhontée moururent dans les
bagnes ou en esclavage sur cette terre de Tunis, où devait plus tard rayonner
à jamais la civilisation française !
Puis Ibrahim bey ayant été fait prisonnier dans un combat contre les Algé-
riens, Hassan-ben-Ali s'empara du pouvoir et fonda la dynastie des Hassenides
(1705), qui règne encore aujourd'hui. A partir de cette époque, la régence de
Tunis, bien que toujours soumise à la suzeraineté, devenue nominale de l'Em-
pire ottoman, devient indépendante de fait.
A dater de la fin du xvne siècle, de nombreux traités furent conclus entre le
bey de Tunis et la France, accordant à nos nationaux une situation privilé-
giée, notamment en 1713, à la suite d'une expédition de Duquesne et en 1770,
à la suite d'un bombardement de Bizerte, de Sousse, Porto-Farina et Monastir,
provoqués par des actes nombreux de piraterie.
En 1802, Hamouda bey traitait avec le premier consul Bonaparte, confirmant
•les prérogatives de la nation française. Dix ans après, ce prince s'émancipait
définitivement de la souveraineté ottomane qui, depuis longtemps, était toute
conventionnelle, et écrasait une révolte des milices.
En 1816, le bey Mahmoud, à la suite de l'expédition anglaise de lord
Exmouth, abolit l'esclavage des chrétiens et émancipa les Israélites.

(1) L'Afrique.
REVUE DE L'ISLAM

De nouveaux actes de piraterie furent définitivement réprimés et terminés en


1830 par le traité du Bardo.
Cette même année, la France, ayant pris Alger, débarassa à tout jamais la
Méditerranée des bandes de corsaires qui la désolaient depuis des siècles. En
devenant maîtresse de toute la côte algérienne, du Maroc à la Tunisie, il fut
facile à la France de revendiquer désormais et de maintenir la prépondérance
de son influence dans la régence de Tunis. Elle fit respecter cette situation par
l'envoi fréquent de ses escadres dans les eaux tunisiennes.
En 1842, Ahmed décréta qu'à l'avenir tout enfant né de parents esclaves
serait libre; il abolit ensuite complètement l'esclavage, tout au moins théo-
rie, car il existait encore en réalité, au moment de l'occupation française, bien
qu'aboli en droit. C'est encore Ahmed qui émancipa définitivement les Juifs et,
en 1846, il fit un voyage en France.
Grâce à notre proximité de la Tunisie, par notre colonie algérienne, notre
influence se faisait de plus en plus sentir dans la régence, bien que l'Italie,
proche aussi du pays des Beys ait cherché sans cesse dans la seconde moitié
de ce siècle à y lutter contre notre influence et à y faire prédominer la sienne,
ce qu'aidaient beaucoup les nombreux Italiens installés dans la région.
Quant à l'Angleterre, que Malte rapproche beaucoup aussi de la Tunisie,
inutile de dire qu'elle avait jeté aussi ses vues sur ce pays, puisque tout pays
non encore occupé par une puissance européenne est l'objet des convoitises
britanniques, et ses convoitises, en ce qui concerné la région qui nous occupe,
étaient entretenues par la présense sur place de nombreux Maltais.
Mais, malgré cette lutte d'influence entre les colonies italiennes, anglo-mal-
taises et françaises établies en Tunisie, l'avenir paraissait depuis longtemps à
la France surtout, carde nombreuses missions militaires françaises concoururent
à l'organisation de l'armée et de divers services publics de la Régence, et cela,
dès 1840.
En 1855, Mohammed mit à la disposition du Sultan de Constantinople des
secours importants contre les Russes, bien que ce Bey, comme ses prédéces-
seurs, ait décliné toute dépendance de la sublimé Porte.
En 1859, la Tunisie fit un grand progrès vers les idées occidentales par la
constitution et le code administratif et politique que lui octroya le bey Moham-
med-Sadok.
Les relations de la Tunisie avec la Turquie ont été définitivement réglées en
1871. Un firman du sultan de Stamboul, en date du 25 octobre de cette même
année, consacra définitivement en effet l'émancipation de la Tunisie. La Porte
consentit à abdiquer alors sa suzeraineté — qui, depuis longtemps, n'était plus
que nominale — sur cet État et renonça au tribut qu'elle en tirait. Le sultan ne
conserva désormais d'autre autorité sur les sujets du Bey que celle de chef spiri-
tuel de l'Islam, de commandeur de croyants,
En 1873, le même bey, Mohammed-Sadok, signa avec l'Angleterre un traité
resté sans effet, par lequel il plaçait la Tunisie sous le protectorat anglais,
autorisait le gouvernement britannique à créer une banque d'Etat, à éclairer
REVUE DE L'ISLAM 43

au gaz toute la Régence et à construire un chemin de fer de la Goulette à la


frontière d'Algérie.
Nous le répétons, ce traité resta heureusement sans effet, sans quoi l'avenir
de notre Algérie était grandement compromis par ce voisinage peu agréable
d'Albion sur les ruines de Carthage.
Mais à partir de cette époque et durant dix ans, la Tunisie fut eele théâtre de
rivalités et d'intrigues entre les puissances maritimes qui s'y disputaient l'in-
fluence, et particulièrement la France dont l'action était dès longtemps pré-
pondérante dans la Régence, l'Italie qui y envoyait de nombreux émigrants, et
l'Angleterre qui convoitait la possession de ce territoire opulent, posté au
centre de la Méditerranée, sur la route du Levant et de l'Inde. Le voisinage de
notre grande colonie algérienne établissait entre l'État tunisien et la province
de Constantine, un courant continuel de relations et attirait trop souvent sur
nos colons et et nos tribus les bandes insoumises des frontières de l'Est » (1).
Dès 1878, à l'occasion du traité de Berlin qui clôtura la guerre d'Orient, con-
somma le démembrement de l'Empire ottoman, tout en le limitant, et constitua
les divers États des Balkans, la France s'assura du consentement des autres
puissances européennes au sujet du développement naturel de son influence sur
la Régence et eede la destination ultérieure du territoire tunisien », selon
l'expression d'une dépèche de M. Waddington au marquis d'Harcourt, en date du
26 juillet 1878.
Au début de l'année 1881, l'attitudedes tribus tunisiennes delà frontière cons-
tantinoise devint plus hostile que jamais. Depuis longtemps déjà, des actes de
brigandage avaient été signalés, mais ils se multipliaient depuis quelque temps
et ils en étaient arrivés à leur comble. Des conférences périodiques avaient eu
lieu entre les autorités françaises et tunisiennes dans le but d'améliorer une
situation devenue intenable pour la sécurité algérienne, mais, si ces conférences
avaient amené la réparation de certains dommages, elles n'avaient pas rétabli
l'ordre. Aussi, les Khroumirs, les Ouchteta en étaient venus, grâce à une longue
impunité, à exécuter, en territoire français, de véritables razzias.
Ces actes de banditisme réitérés avaient lieu sur le littoral aussi bien que sur
la frontière de terre. En voici un exemple entre cent autres, signalé par M. de
Tchihatchef, qui le tenait de la bouche même de M. Cubisol, consul de France
à la Goulette :
Le 25 janvier 1878, un gros bateau à vapeur français, de la Compagnie Ta-
labot, s'échoua sur la côte tunisienne, près du fort Bordj-Djedid, à 12 kilo-
mètres seulement de la frontière française. Des essaims d'Arabes se ruèrent sur
le bâtiment échoué et le dévalisèrent. Le consul général de France, M. Roustan,
protesta avec énergie auprès du Bey, qui dépêcha aussitôt 400 hommes au se-
cours du vaisseau. Pendant ce temps, des milliers de pillards s'étaient joints

(i) h. Lanior.L'Afrique.
44 REVUE DE L'ISLAM

aux premiers; les soldats tunisiens assistèrent en spectateurs impassibles au


pillage. M. Cubisol, qui était présent, vit se consommer cette piraterie effrénée.
Il ne put obtenir qu'une chose des brigands, c'est qu'on laisserait la vie sauve
à l'équipage. La vie et ce fut tout, en effet, car les malheureux passagers,
dépouillés même de leurs vêtements, durent gagner Tunis dans un état de
nudité presque complète. Il eût suffi de quelques coups de canons tirés du fort
voisin de Bordj-Djedid pour mettre les Arabes en fuite, mais l'artillerie du Bey
resta muette.
Par l'exemple que nous venons de relater, on a vu que les agents tunisiens,
soit impuissance, soit connivence, laissaient faire le brigandage.
Les 15 et 16 février 1881, dans le douar des Aouaoucha algériens, des Khrou-
mirs vinrent piller nos gens pour venger un des leurs, tué en flagrant délit de vol.
Un bataillon de zouaves fut aussitôt envoyé au Tarf, et une compagnie de
ligne fut dirigée sur Roum-el-Souk pour protéger nos tribus. Le 30 mars, cinq
cents Khroumirs envahirent le territoire de La Calle et furent repoussés par les
indigènes, après deux heures de combat.
Les conférences ouvertes immédiatement à Dra-Kheroum furent rompues par
le rappel du commandant Vivensang, négociateur français, devant la mauvaise
foi tunisienne.
En même temps, notre ministre plénipotentiaire à Tunis voyait ses revendi-
cations méconnues par le cabinet du Bardo, plus puissant en réalité que le Bey
lui-même, et livré à la merci d'influences étrangères ouvertement hostiles à la
France.
La situation devenait de plus en plus tendue : ceLe chemin de fer français
de Ghardimaou était menacé par ordre du Bey; les travaux du chemin de fer
français de Tunis à Sousse étaient arrêtés, sous le prétexte que la ligne passait
par Rhadôs et faisait ainsi concurrence à la ligne italienne de La Goulette; la
Société marseillaise, propriétaire du vaste domaine de l'Enfida, acheté à Khé-
redin^Pacha, était en butte à la malveillance des ministres tunisiens et aux
réclamations perfides d'un sieur Joseph Lévy, sujet anglais, qui essayait de
faire de la question de l'Enfida un conflit international ; les caïds tunisiens en-
voyaient aux caïds algériens des lettres menaçantes; l'effervescence grandissait
dans les tribus du Sud.
ceLe gouvernement de la République épuisa toutes les voies de conciliation
pour obtenir satisfaction du cabinet du Bardo, et se décida enfin à châtier le
brigandage des tribus tunisiennes, non comme ennemi, mais comme allié et
auxiliaire du Bey. On poussa le scrupule jusqu'à inviter le Bey à coopérer à la
répression. MohammecLes-Sadok répondit à cette proposition par un refus, se
réclamant tout à coup de la suzeraineté du Sultan, qu'il avait rejetée depuis
dix ans, protesta contre l'entrée des troupes françaises sur son territoire, et
adressa un appel aux puissances de l'Europe. En même temps, il déclarait ne
pas répondre des désordres qui pourraient se produire. Le consul de France,
M. Roustan, prit une attitude énergique : il répondit que le gouvernement
REVUE DE L'ISLAM 45

français n'hésilerait pas à rendre le Bey et ses ministres responsables de tout


désordre et de tout attentat du fanatisme musulman (1). »
L'expédition française partit de Bône le 22 avril; elle eut pour commandant
eh chef le général de division Forgemol de Bostquénard, ayant sous ses ordres
les divisions commandées par les généraux Delebecque et Logerot.
La première de ces divisions pénétra le 26 avril 1881 dans le pays des Khrou-
mirs, occupa le 8 mai le marabout de Si-Abdallah-ben-Djemel, campa le 43 à
Aïn-Draham, et reçut le 29 mai la soumission des dernières tribus rebelles.
La seconde division quitta Souk-Ahras le 21 avril, occupa le Kef le 16 mai,
se porta sur le Souk-el-Arba, livra quelques engagements, et prit possession de
Béja.
Un autre corps de troupes, protégé par la flotte, avait débarqué dans la petite
île de Tabarca; un autre encore, parti de Toulon, sous le commandement du gé-
néral Bréart, occupa Bizerte le 2 mai.
Le Bey Mohammed-es-Sadok, encouragé par la Porte, qui espérait pouvoir
.rétablir son autorité méconnue sur la Régence, continua à protester contre l'en-
trée des Français sur le territoire tunisien, et à faire appel aux puissances
étrangères.
Mais nos troupes se portèrent rapidement sur Tunis même. Le Bey, affolé,
dut signer, le 12 mai 1881, le traité de Kasr-el-Saïd, ou du Bardo, qui plaçait
la Tunisie sous le protectorat de la France. Le corps expéditionnaire fut alors
dissous le 14, et les troupes d'Afrique regagnèrent leurs garnisons. i
Toutefois, des détachements furent placés à Collo, à Djidjelli, à Jemmapes, à
El-Kseur, à Aïn-Beïda, sur le sol algérien, pour prévenir les incendies de forêts
dans le département de Constantine. ceMalgré les précautions prises et la pré-
sence de nos troupes circulant à travers les massifs forestiers, des incendies
éclatèrent de toutes parts au mois d'août. Les dégâts furent considérables. Des
bruits de révolte circulèrent; l'inquiétude s'empara des colons. Des colonnes
volantes parcoururent les territoires des tribus, théâtre des incendies. »
Une insurrection locale conduisit à la prise de Sfax, le 16 juillet.
D'autre part, de nonvelles troupes, venues de France, partaient de Tunis et
de Sousse, sous le commandement direct du général en chef Saussier — le
futur gouverneur de Paris — et marchaient sur la ville sainte de la Tunisie :
Kairouan.
Une troisième colonne, partie de Tébessa, devait soutenir l'attaque contre
cette dernière cité. Cette colonne rencontra les tribus Fraichiches, Hammama
et les Ouled-Madjeur et leur livra des combats à Enchir-Rouhaïa et à Koudiat-
el-Alfa. Lorsqu'elle arriva le 28 octobre 1881 devant Kairouan, cette ville était
déjà au pouvoir des Français depuis le 26 septembre.
Le port de Gabès fut occupé peu après.
Le mois de novembre 1888 fut employé à des expéditions sur Gafsa, Nefta et

(I) L. Lanior.L'Afrique.
46 REVUE DE L'ISLAM

Tozeur (Tozer), dans le Sud de la Régence, jusqu'à la frontière de Tripoli, et à


la poursuite des Hammama en fuite. Les Fraichiches se soumirent les premiers
et les Oulad-Saad furent battus à El-Aïacha.
Le 14 décembre, la colonne rentra à Tebessa, en Algérie, où elle fut dissoute,
mais une garnison française commandée par le général Etienne fut maintenue
à Tebessa et les principaux centres tunisiens furent occupés par des garnisons
permanentes.
Enfin, pour réprimer les tentatives de révolte qui étaient signalées ou pour
en prévenir le retour, des expéditions partielles furent plusieurs fois dirigées
dans l'intérieur. La plupart des tribus dissidentes demandèrent assez vite l'aman,
c'est-à-dire le pardon, qui ne fut refusé à aucune du moment que la soumis-
sion était reconnue sincère et entourée de toutes les garanties et conditions dési-
rables.
Pourtant, quelques tribus voisines de la frontière méridionale de la Régence
cherchèrent un asile sur le territoire tripolitain ; pendant un certain temps,
elles guettèrent l'occasion favorable de reprendre les armes, mais peu à peu ou
bien elles abandonnèrent leurs idées hostiles ou bien, cherchant résolument la
réconciliation avec le vainqueur, elles vinrent de nouveau s'établir sur le sol
beylical, à l'abri de notre pavillon accepté par elles.
Nous venons de tracer rapidement l'esquisse de l'expédition française de 1881
qui, on a pu s'en convaincre, fut rapidement menée. Elle fut tellement définitive
que, depuis lors, C'est-à-dire depuis près de vingt ans, le bey et son entourage
nous sont restés sincèrement dévoués et que le pays n'a pas donné des velléités
dé soulèvement, parce que le peuple tunisien a pu se rendre rapidement compte
que notre protectorat amenait avec lui des améliorations incessantes et savait
aussi respecter les croyances et les habitudes qui n'étaient pas contraires à la
justice.
Mais certaines puissances européennes ont vu d'un oeil jaloux notre exten-
sion dans le Nord de l'Afrique, prélude de notre relèvement colonial et avant-
coureur de la fondation d'un vaste Empire français d'Afrique qui s'est réalisé
dans les années qui ont suivi notre entrée militaire à Tunis.
Bien qu'à contrecoeur pour quelques-unes pourtant, toutes les puissances
de l'Europe ont dû accepter le fait accompli, mais ce ne fut pas sans montrer
leur dépit.
L'émotion fut grande en Angleterre et en Italie lorsqu'on vit la conduite
énergique de la France, sur laquelle on n'avait pas compté. Le Ministre des
affaires étrangères de Turquie, Assim-Pacha, crut devoir adresser une note de
protestation aux puissances, en revendiquant ce qu'il appelait le cedroit de
souveraineté de S. M. le Sultan sur la Tunisie, ainsi que son droit exclusif de
défendre seul les privilèges centenaires de cette province ». On ne tint pas
compte de cette réclamation platonique.
Mais la Porte ayant manifesté l'intention d'envoyer quelques navires à La
Goulette, notre ambassadeur à Constantinople, M. Tissot, déclara que la France
verrait dans cet acte un cas de guerre, et que la flotte française de la Méditer-
REVUE DE L'ISLAM 47

ranée avait ordre de s'opposer par la force au passage de tout navire de guerre
ottoman à destination de Tunis.
La presse anglaise exprima son mécontentement de notre succès avec ai-
greur, mais ce fut surtout l'opinion italienne qui se déchaîna contre la France,
sans aucune mesure.
Mais tout cela nous toucha peu et l'on dut se borner, de part et d'autre, à
d'inutiles menaces et à de vaines explosions de dépit.
Les hommes d'Etat furent naturellement plus calmes que les journalistes.
Dès le 7 août 1878, au Congrès de Berlin, où il avait déjà été question du sort
futur de la Tunisie, ainsi que nous l'avons dit ci-dessus, le marquis de Salis-
bury, alors Ministre des affaires étrangères d'Angleterre, dans une note remise
à M. Waddington, plénipotentiaire français, s'exprimait ainsi :
ce L'Angleterre n'a, dans cette partie du inonde (Tunisie), aucun intérêt spé-
cial qui puisse, d'une manière quelconque, l'induire à regarder avec méfiance
l'accroissement légitime de l'influence française, influence qui procède de sa
domination en Algérie, des forces militaires considérables qu'elle y maintient,
et de l'oeuvre civilisatrice qu'elle accomplit en Afrique à la grande admiration
du gouvernement anglais. Lors même que le gouvernement du Bey viendrait
à tomber, l'attitude de l'Angleterre n'en serait nullement modifiée. Cette puis-
sance n'a pas d'intérêts engagés à Tunis, et elle ne fera dans ce cas rien pour
troubler l'harmonie qui existe entre elle et la France. »
Le cabinet Gladstone se considéra comme lié par les promesses du cabinet
Beaconsfield et, dans la séance de la Chambre des communes du 16 mai 1881,
M. Gladstone répondait dans ce sens à une interpellation ho.stile à la France.
L'Italie seule, qui convoitait pour elle-même cette colonie fertile et admira-
blement située, annexe naturelle de l'Algérie, fit de vains efforts pour entraver
l'action de la France. Le consul Maccio qui, en toute occasion, s'était montré
notre ennemi déclaré, dut quitter la Tunisie et, à la suite du traité du Bardo, le
ministère Cairoli, mis en minorité à la Chambre des députés de l'Italie, tomba.
ce Jamais et nulle part, écrivait en 1880 M. de Tchihatchef (1), la nature ne
paraît avoir réuni plus intimement deux contrées (Algérie et Tunisie), que le
caprice des hommes a séparées, en restituant l'une à la civilisation et l'autre à
la barbarie. Ainsi, Bône, situé près de la frontière des deux pays, si semblables
sous le rapport de leur configuration physique et de leur population indigène,
paraît marquer la limite entre deux mondes complètement différents. D'un
côté, des campagnes florissantes parsemées de villes et de villages européens,
traversées par des routes qui pénètrent bien avant dans le désert, et le long de
ces routes, partout des maisons hospitalières, destinées exclusivement à l'usage
des voyageurs; tandis que de l'autre côté, des solitudes arides et déboisées
accessibles, pendant la saison des pluies, seulement au cavalier et au piéton ;
nulle part le moindre refuge pour l'étranger tant soit peu habitué aux exigences

(1) Espagne,Algérie,Tunisie.
REVUE DE L'ISLAM

de la vie civilisée; en un mot, quelques heures de marche sur le même littoral


africain suffisent pour entrer de plain-pied dans l'immobile Orient des siècles
passés, après avoir franchi le seuil de cet autre Orient moderne, orné de tous
les prodiges de la civilisation européenne. Sans doute, le temps ne peut man-
quer de faire justice de cette choquante anomalie, et la Tunisie qui, sous tous
les rapports, n'est guère que la continuation et môme le complément nécessaire
de l'Algérie, doit être un jour rattachée à celte dernière en réparant ainsi les
profondes blessures que lui a infligées cette séparation contre nature. C'est une
question d'humanité, mais c'est aussi une question d'intérêts français. »
Les prévisions et les souhaits de l'éminent publiciste russe devaient se réa-
liser peu après, ainsi que nous venons de l'indiquer.
Mais il est bon de rappeler que la France avait pour ainsi dire pris posses-
sion de la Tunisie par son industrie, par ses échanges, par ses grands travaux
publics, avant de l'occuper militairement.
Faut-il rappeler les privilèges du commerce et de pèche que les Beys avaient
depuis longtemps concédés à notre nation?
ce Dès 1847, nous établissions en Tunisie le service de la poste; en 1859 et
1861, le service des télégraphes; en 1877 et 1878 un chemin de fer de cinquante
lieues de long de la frontière algérienne à Tunis ; nous lui construisons en
ce moment deux chemins de fer nouveaux : un qui reliera Tunis à Bizerte, au
Nord, de vingt lieues de long ; l'autre qui reliera Tunis à Sousse, au Sud ; nous
allons prochainement commencer le travail plus difficile d'un port à Tunis
même, qui permettra aux navires d'arriver de la rade de la Goulette jusqu'à
la capitale. Dans la dette tunisienne, les fonds français entrent pour plus des
trois cinquièmes.* Le magnifique aqueduc d'Adrien, qui amenait des eaux
excellentes à Tunis, a été restauré par un ingénieur français. »
Voilà ce que disait une circulaire du 9 mai 1881 adressée aux agents diplo-
matiques français par M. Barthélémy Saint-Hilaire, alors Ministre des Affaires
étrangères, au moment de l'établissement du protectorat français en Tunisie.
Les travaux prévus dans cette circulaire ont été réalisés depuis longtemps main-
tenant et l'on verra, au cours de notre livre, combien d'autres sont venus, sous
le gouvernement du protectorat s'ajouter à ceux qui avaient si bien préparé
l'union entre l'Algérie et la Tunisie.
ce Les populations tunisiennes, naguère livrées sans défense aux caprices des
Beys et à la brutale avidité des fonctionnaires sans conscience et sans scru-
pule », dit M. L. Lanier, sentent désormais partout la main bienfaisante de la
France, qui rend progressivement aux provinces, avec l'ordre, la sécurité et
des lois justes, leurs richesses et leur prospérité d'autrefois.
Le traité de la Marsa, signé le 8 juin 1883 entre le Bey et la France, régla les
conditions et l'organisation du protectorat français.
Nous n'entreprendrons pas en ce moment pour compléter l'histoire de la
Tunisie jusqu'à aujourd'hui d'indiquer les réformes françaises; on les trouvera
indiquées, dans les diverses sections où elles ont été introduites, au cours de
cet ouvrage.
REVUE DE LTSLAM 49

Qu'il nous suffise de dire ici qu'à côté du Bey fut placé un résident général
de France ayant la haute main sur le pays, mais laissant à l'administration
locale une large part.
Les résidents généraux de France en Tunisie ont été successivement :
MM. PaulCambon, de 1882 à 1886; Massicault, de 1886 à 1891; Ch. Rouvier,
de 1891 à 1894; enfin René Millet, depuis 1894.
Le bey Mohammed-es-Sadok, qui avait succédé à Mohammed en 1857 et avait
signé le traité de protectorat avec la France en 1881, mourut le28 octobre 1882.
En vertu de l'article 3 du traité de Kasr-el-Saïd, qui garantit la succession bey-
licale dans cette famille de la dynastie des Hassenides (fondée en 1706 par
Hassan), le frère de Mohammed-es-Sadok, Sidi-Ali, fut proclamé son successeur
et immédiatement reconnu par la France.
C'est encore lui qui règne aujourd'hui.
Depuis l'occupation française, la Tunisie a été successivement étendue vers le
Sud par la fondation de postes militaires dans des régions qui n'avaient jamais
dépendu réellement du Bey. On a construit dans la région saharienne, comme
d'ailleurs dans' le sud de l'Algérie, un certain nombre de ces postes primitifs ou
bordjs, reculant sans cesse vers le Sud l'action du drapeau tricolore.
Le jour n'est plus éloigné où les postes français de l'Algérie et de la Tunisie
rejoindront ceux du Soudan français!.
Gabès, occupé par les Français en 1882, fut, pendant quelque temps, l'un de
nos postes extrêmes du Sud. En 1893, on a établi des postes à Kesseur-Méde-:
nine, dans l'intérieur des terres (à l'ouest de Zarzis) et à Bir-Berreçof, en plein
Sahara, dans la région des dunes, bien au Sud du Chott-el-Djerid. Ces créa-
tions ont été complétées par la fondation d'autres postes plus nombreux dans le
Sud-Algérien.
Malheureusement, alors que l'Algérie a le champ libre devant elle, tout au
moins au point de vue diplomatique, car la pénétration au désert n'est pas des
plus faciles, la Tunisie au contraire est à peu près arrivée aux limites extrêmes
de son extension possible, car la Tripolitaine, qui appartient aux Turcs, lui
barre le passage. Les Ottomans ont occupé Ghadamès vers 1861, et la garnison
qu'ils ont maintenue depuis en ce point empêche notre extension au delà.
Que la Tunisie se console pourtant de son exiguïté relative, car elle a une
assez belle oeuvre de colonisation à accomplir chez elle, sans qu'elle ait besoin
d'envier à l'Algérie la conquête future des immenses étendues de sables qui
s'étendent sur le Sahara.
LUCIENHEUDEDERT.
REVUE DE L'ISLAM

DEVONS-NOUSREDOUTER LA PROPAGANDEMUSULMANEEN AFRIQUE?

Aussi loin que peuvent porter mes souvenirs dans l'histoire du passé, je vois
le Musulman honni comme un lépreux, mis à l'index comme un fanatique, un
ignorant, un débauché, devant lequel les portes du ciel resteront fermées après
la mort.
Ceux qui ont porté ce jugement n'avaient sans doute jamais lu le Coran, et
encore, à l'heure actuelle, bien peu de nos contemporains connaissent ce livre
sacré des Musulmans, malgré les traductions qui en ont été faites par Gunlher
Wahl, en allemand, Maracci, en latin, Georges Sale, en anglais et du Ryerdans
notre propre langue.
Si les critiques avaient lu et médité ce livre admirable, ils y auraient appris
que le Coran enseigne la charité, la tolérance, et proclame une vie à %enir, im-
pliquant l'immortalité de l'âme, ainsi qu'une récompense ou une punition
finales.
N'avons-nous pas tous étudié, à l'Université, les classiques grecs et romains
qui étaient pourtant païens. Pourquoi l'Aima Mater néglige-t-elle de nous ensei-
gner l'histoire plus moderne, notamment celle des Arabes, dont les empires de
Bagdad et de Grenade tinrent longtemps la tèlede la civilisation, alors que l'Eu-
rope du Moyen-Age était plongée dans la barbarie?
A part quelques miettes, qui en arrivent aux élèves à travers les bruyants ré-
cits des Croisades et la victoire de Charles Martel à Poitiers, on ne connaîtrait
rien de leur histoire jusqu'au jour où les Musulmans firent la conquête de Cons-
tantinople au xve siècle.
Or, on oublie vite ce que les maîtres enseignent à la hâte sans s'y arrêter eux-
mêmes : c'est comme la bonne graine que le semeur jette dansun terrain brous-
sailleux, elle y est bien vile étouffée ; les broussailles sont représentées ici par
les préjugés de la famille, et la bonne graine y est rare. Pourtant la science
arabe est variée et profonde et la poésie de ce peuple se ressent de la majesté du
désert.
J'ai cité, dans le Livre d'Or de l'Orient, le poème d'imroulcaïs, le héros d'An-
tara, dont je me propose de rééditer l'histoire dans ce Journal.
J'ai parlé aussi du royaume de Grenade, n'était-ce pas rappeler la civilisation
de l'Espagne par les Maures? Tout le passé chevaleresque, étonnant, presque
mystique, que soulevèrent les fascinantes péripéties de la lutte autour des Lieux
Saints, passa dans nos esprits comme un éclair, comme un conte des Mille et
une Nuits, sans y laisser de traces.
Il faut être bien naïf pour croire, après un passé si glorieux, à tous les ra-
contars intéressés que certaine nation fait courir sur la cruauté des Osmanlis en
Asie. C'est par des calomnies semblables, quoique d'un autre genre, que celle
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nation s'est installée dans la vallée du Nil et s'y maintient malgré ses engage-
ments formels.
L'Eglise réformée d'Angleterre voudrait-elle remplacer partout la religiou de
Mahomet?
L'humanité, c'est-à-dire l'ensemble des nations civilisées, ne saurait, cons-
ciencieusement, admettre qu'une idée religieuse, parquant les uns en commu-
nautés destinées à être exploitées et les autres en catégories privilégiées, s'érige
en doctrine politique universelle. L'humanité ne se compose-t-elle pas de tous
les êtres créés par Dieu et à son image? Lisez la Bible, l'Evangile et le Coran,
vous verrez que tous ces livres enseignent que l'humanité doit être l'émanation
de la justice, de la liberté, sans exception de croyance ni de doctrine, et le bou-
dhisme lui-môme ne prêche pas autre chose.
C'est à ce point de vue là, seulement, que, sans jamais méconnaître les pré-
ceptes que nous venons d'invoquer, il est permis à de puissantes nations d'agir
en leur nom pour amener les différentes races de l'Afrique à un modus vivendi
en harmonie avec l'utopie grandiose de la fraternité des peuples.
C'est ainsi que la France, devenue maîtresse de l'Algérie, eût pu, avec plus
de précision qu'elle ne l'a fait, entreprendre et accomplir, depuis 1830, l'oeuvre
humanitaire coloniale esquissée dans les lignes qui précèdent.
La marche était toute indiquée : ici le centre algérien et les contrées qui s'y
rattachent; là le bassin du Sénégal et le Soudan qui lui fait suite. Plus loin, la
côte de Guinée, le Dahomey et toute la rive droite du Congo et de l'Oubangui, ;
jusqu'au lac Tchad.
L'Algérie est un pays musulman, moins homogène de race que le Maroc et la
Tunisie, mais où règne l'Islam dans toute sa pureté. Belliqueuses et fières sont
ses populations ; soupçonneux est leur esprit, d'autant plus mal disposé à l'égard
de la chrétienté, que celle-ci, dans les régions peu accessibles de l'Atlas, traita
toujours l'islamisme comme un culte maudit qu'il fallait extirper du sol, et elle
donna droit de cité aux Juifs que les Arabes, les Maures et les Berbères mépri-
saient.
Pourtant, par ses possessions mêmes, la France est une nation musulmane,
et elle doit aide et protection à ses sujets musulmans comme aux autres.
Nous avons donc le droit de nous demander si on a procédé envers le pays
conquis comme on avait le devoir et comme il était d'ailleurs de notre intérêt de
le faire?
La France s'est-elle demandé, en entrant en Algérie, par la force des armes,
ce qu'elle devait y faire?
S A-t-elle soigné la culture du palmier, qui était une des richesses du pays
avant la conquête? A-t-elle protégé et respecté l'islamisme, qui était la religion
des habitants?
Charles X, ne voyant à Alger qu'un nid de forbans, l'a détruit, et Louis-
Philippe continua l'oeuvre de son prédécesseur, quoique plus libéral que lui.
Au lieu de se dire : ceCe peuple était oppressé, nous l'avons fait libre, donc
il peut devenir pour nous un allié. Pour cela, que la justice nous suive comme
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notre ombre à travers notre tâche délicate qui consiste à rallier à notre drapeau
un peuple musulman en le rendant prospère et en le faisant notre ami. »
Les Arabes, en effet, n'avaient jamais fait cause commune avec les gouver-
neurs turcs qui les exploitaient ; néanmoins, comme ils étaient les uns et les
autres des sectateurs de l'Islam, il n'était guère possible d'attendre des Arabes
un accueil fraternel, au moins au début.
Mais, si on avait agi envers eux comme notre intérêt conseillait de le faire, la
lutte se fût prolongée moins longtemps, et bien du sang eût été épargné de part
et d'autre. Mais les vexations des bureaux arabes, la nécessité de prolonger le
système des razzias et des expéditions afin d'entretenir notre armée et par-des-
sus tout la protection accordée aux Israélites par le décret Crémieux, ainsi que
les dénis de justice commis aux dépens des sectateurs du Prophète, avaient en-
tretenu dans l'Algérie la haine des Roumis.
Aujourd'hui, qu'il s'agit de conquérir aux relations pacifiques de la colonisa-
tion et du commerce, les nègres du Soudan et du reste de l'Afrique où s'exerce
notre influence, qui sont, pour le dire en passant, ou païens ou fétichistes, j'es-
time, si on ne veut pas recommencer à nos dépens une nouvelle expérience,
qu'il n'y a que l'islamisme qui puisse être le civilisateur par excellence. Mieux
que le christianisme de telle ou telle confession, il est à la portée intellectuelle
des populations noires de l'Afrique, dont le tempérament, soupçonneux à l'égard
du blanc, ne diminue cependant chez elles ni l'hospitalité native, ni la confiance
enfantine.
Le pasteur anglican, en distribuant ses Bibles, vend de l'eau-de-vie de traite
et des armes, il fait oeuvre anti-civilisatrice. Le missionnaire catholique, beau-
coup plus dévoué pour le noir et moins mercantile, a dans sa religion des
dogmes beaucoup trop compliqués pour le cerveau encore primitif du noir.
Cependant ce dernier aime ses cérémonies, admire ses pompes, mais sans les
comprendre ni se convertir. C'est par l'éducation et la moralisation des enfants
que le catholicisme s'insinue peu à peu dans les masses. Encore, dès que l'en-
fant est renlréau milieu des siens, il retourne vite aux superstitionsde ses ancêtres.
Il n'y a que l'islamisme qui soit réellement à même de porter, au sein des
populations de l'intérieur de l'Afrique, l'idée de Dieu qui implique celle du de-
voir et de l'amour de l'humanité.
Le Coran défend l'usage des boissons fermentées, alors que les prédieants
anglais en font le commerce, et, s'il maintient la polygamie et l'esclavage, il
faut savoir que ces deux institutions sont dans les moeurs des noirs. La pre-
mière sert à l'entretien d'une population que les guerres et les maladies n'épar-
gnent pas. — Que de nations en Europe pourraient profiter d'une institution
analogucl — La seconde, l'esclavage, n'a jamais été que l'esclavage de case, où
l'esclave est traité sur le même pied, ou peu s'en faut, que l'enfant de la maison.
L'Islam a toujours répudié la traite etc'est encoreune calomnie quedel'en accuser.
Quant à la polygamie, si elle n'est pas dans nos lois, pourrait-on dire, hélas!
qu'elle n'est pas dans nos moeurs, au moins dans les grandes villes où le vice
est si facile à cacher?
REVUE DE L'ISLAM 53

Mais cette polygamie-là, au lieu d'augmenter la population, la ferait plutôt


diminuer au contraire, et pour cause ! Un publiciste de mes amis, John Ninet,
auquel j'ai emprunté plusieurs de mes idées, proposait un jour de repeupler
certaines parties de la France avec des Kabyles — généralement bons cultiva-
teurs — que l'on ferait venir de l'Algérie avec leurs smalas, et bientôt la démo-
graphie du pays constaterait un accroissement sensible dans les naissances.
Mais ceux-là il faudrait les considérer comme citoyens français en leur conser-
vant leur statut et en élevant une mosquée au centre de chaque groupement,
avec un marabout qui serait entretenu sur le budget des cultes, comme le
prêtre, le pasteur ou le rabbin.
La France n'est-elle pas une puissance musulmane et, comme telle, ne doit-
elle pas respecter et protéger la religion de tous ses enfants, ou n'en protéger
aucune tout en respectant la conscience des individus?
En Afrique centrale, l'Islam, toujours patient, opérera, dans ces contrées
meurtrières à nos missionnaires, les transformations auxquelles les mission-
naires eux-mêmes, et moins encore les commerçants et les militaires n'arrive-
raient jamais.
II se propage par l'élément noir lui-même, les Peuls et les Toucouleurs, de-
puis déjà longtemps convertis à l'islamisme, par les Maures et par l'influence
des Sociétés secrètes du Maroc ou de la Tripolitaine; et, bien que ce ne soit là
qu'un islamisme mitigé, ce sera par son intermédiaire que l'on arrivera à dé-
truire la traite des esclaves et que les razzias si cruelles des roitelets noirs se-
ront paralysées.
Respecté dans sa croyance, le Musulman, en général, et celui de l'Algérie, en
particulier, s'associera volontiers à l'idée commerciale dont il retirera profit sans
molester ses compétiteurs. La France a donc tout à gagner à utiliser ses sujets
mahométans dans l'oeuvre que lui impose le partage actuel du continent noir.
Avec des hommes comme Savorgnan de Brazza, Binger, Monteil, etc., la
tâche qui lui est échue lui sera rendue aisée avec le temps.
Quand Mohamed confia au sol humain la semence qu'il avait reçue d'en haut,
il dit à ses fidèles : ee L,aissez la plante pousser de profondes racines, élaguez-en les
branches gourmandes de la controverse religieuse qui l'atrophieraient, et la sève dor-
mante, tenue en réserve, la développera en un arbre puissant, à l'ombre duquel se déve-
loppera ma doctrine. »
L'Angleterre, malgré son pharisaïsme, est aussi entrée dans le mouvement,
et l'Impératrice des Indes commande à 60 millions de mahométans ! ce qui ne
l'empêche pas de ruiner tous ses sujets mahométans delà vallée du Nil.
Encore une puissance qui, par instinct de conservation, d'agrandissement
colonial, sait protéger les religions là où elle implante son drapeau, mais y ex-
ploite horriblement ses sujets qui pourront bien quelque jour, dans l'Inde ou
ailleurs, se débarrasser de leurs oppresseurs et replacer sur un piédestal l'Islam,
pur, sobre, régénéré, qui, chassant tous ces pseudo-chrétiens, deviendra en
môme temps régénérateur. — Dieu seul est grand ! — Dr E. VEURIEB.
54 REVUE DE L'ISLAM

lit NMB !»âit ii i8â»iii ii mm

M. Albin Rozet, pendant la discussion du budget de la marine, avait présenté


un amendement tendant à reconstituer une force navale tirée de l'Afrique du
Nord et organiser à la fois en Algérie, par voie d'engagements volontaires, en
Tunisie, par voie de conscription ou d'engagements volontaires, des équipages
indigènes plus particulièrement réservés à la défense de ces régions et du bas-
sin de la Méditerranée. Cet amendement a été transformé par son auteur en une
proposition de loi.
Les indigènes dé l'Algérie et de la Tunisie ont formé jadis des équipages fa-
meux; au commencement du siècle, les forces navales du nord de l'Afrique
avaient encore de la valeur; avec la conquête française, le goût de la mer a
disparu; cependant il existe une population nombreuse de pêcheurs en Tunisie
et les indigènes de l'Algérie pourraient fournir des ressources importantes pour
le recrutement naval.
C'est une force réelle qui se perd et se déforme, dont M. Albin Rozet voudrait
faire un auxiliaire précieux pour notre marine. On créerait, en quelque sorte,
un corps de tirailleurs de la mer recruté par des engagements volontaires pro-
voqués par une forte prime d'argent et par des avantages spéciaux, à la condi-
tion toutefois que l'indigène serait tenu de servir pendant trois ans dans la
flotte et d'exercer jusqu'à l'âge de cinquante-cinq ans, après sa libération du
service, une profession maritime. Ce corps fournirait des chauffeurs et des sou-
tiers, des matelots de pont et des sections de débarquement.
La proposition de loi de M. Rozet répond à une nécessité; en effet, depuis
quelques années on a augmenté considérablement les forces navales françaises
dans le nord de l'Afrique; on a créé récemment une division navale de Tunisie,
comprenant un cuirassé garde-côte, une canonnière cuirassée et un aviso-tor-
pilleur ; sur la côte algérienne on entretient avec un armement permanent un
aviso-torpilleur et un torpilleur d'escadre; enfin on a organisé des défenses
mobiles à Alger, à Oran et à Bizerte-, auxquelles sont attachés 7 torpilleurs
d'escadre, 18 torpilleurs de lr° classe et 2 torpilleurs de 2e classe. Ce nombre de
torpilleurs a son importance, mais il faut constater que 3 des torpilleurs d'es-
cadre sont en disponibilité armée, que les 4 autres sont en réserve, que 10 de
Ire classe seulement sont armés à effectif complet, et que tous les autres sont en
réserve. En un mot, la situation est presque suffisante au point de vue du ma-
tériel, mais'elle laisse beaucoup à désirer au point de vue du personnel.
Nous avons placé sur la côte d'Afrique du Nord plus de torpilleurs qu'il n'est
possible d'en armer immédiatement et l'on ne pourrait pas trouver sur place les
hommes nécessaires pour leur permettre de prendre la mer si des éventualités
de guerre se produisaient subitement. Que les côles d'Algérie et de Tunisie soient
bloquées au début des hostilités, comment ferait-on passer de l'autre côté de la
Méditerranée les marins destinés aux torpilleurs sans équipage? En France, il
REVUE DE L'ISLAM 55

n'y a pas inconvénient à laisser des torpilleurs en réserve, puisqu'ils sont pla-
cés au centre même du recrutement, mais il n'en est pas de même en Algérie,
où l'inscription maritime ne fournirait que des éléments insuffisants, en Tuni-
sie, où aucun lien n'unit les marins indigènes au service de la marine française.
Il y a donc urgence à organiser autour des centres de défense mobile une
réserve d'hommes préparés à l'armement du matériel qui y a été placé; cette
question a été envisagée, il est vrai. Dans le voyage que fit M. Loekroy en Tu-
nisie, on étudia les moyens de tirer des ressources en hommes des pêcheurs de
Kerkenna et de Djerba, car on voulait créer une station de torpilleurs à Sfax,
mais aucune disposition n'a été prise à ce moment. La proposition de M. Rozet
vient en temps opportun ; elle rappelle qu'il y a des nécessités de défense dont
on ne peut éloigner la réalisation.

REVUE GÉNÉRALE

Février-

L'émir d'Afghanistan aurait donné l'ordre de détruire toutes les routes allant
de Hérat vers Kustchk, et aurait fait renforcer les garnisons de la frontière.
On ne sait pas exactement le but de ce mouvement russe.

Perse. — Sur la demande du gouvernement du shah de Perse et en raison des


bonnes relations qui ont existé de tout temps avec le gouvernement persan, le
gouvernement impérial de Russie a autorisé la banque des Prêts de Perse à
acheter l'emprunt de 22 millions et demi de roubles qui doit être émis par le
gouvernement persan sous la dénomination d'emprunt à 5 0/0 de 1S00.
Le paiement des intérêts et l'amortissement de l'emprunt qui sera remboursé
en 75 ans, sont garantis par toutes les recettes des douanes de Perse, sauf
celles des douanes du Farsistan persique. De plus le gouvernement persan s'en-
gage à ne faire aucun emprunt extérieur sans l'assentiment de la Banque des
Prêts, c'est-à-dire du gouvernement russe.
— Il se confirme que le shah Mouzaffer-ed-Dine a décidé de visiter Berlin et
Paris. Il se mettra en roule en avril et sera accompagné de son second fils
Malek Mansour Mirza qui est déjà venu en Europe l'année dernière.

Algérie. — Dans les premiers jours de février le Gouverneur général de l'Algé-


rie a fait un long voyage dans la province d'Oran et est allé inaugurer le pro-
longement de la ligne Oran-Aïn-Sefra jusqu'à Djenien-bou-Resg qui est à la
hauteur des Figuig à F500kilomètres de la mer.
De ce côté on va pousser la marche en avant dans le Sahara vers Igli et
In-Salah à travers les oasis du Gourara, celles du Touat et celles du Tidikelt.
— Le Ksar des Ouled-IIadega près d'In-Salah a tenté de s'opposer le 24 janvier
56 REVUE DE L'ISLAM

à une reconnaissance du commandant Baumgarten. Celui-ci a dû pénétrer de


force dans ce Ksar. Depuis ce moment le pays est complètement resté tranquille.

— M. Flamant à qui on doit la prise d'In-Salah à fait connaître à M. Lafer-


rière les importants résultats de sa mission au point de vue des observations de
géologie, et d'hydrologie sahariennes, de géographie et de détermination astro-
nomique, ainsi qu'au point de vue des études économiques intéressant nos
relations avec les populations sahariennes et soudanaises.
Au point de vue politique les populations du Touat semblent moins réfrac-
taires à l'influence française qu'on ne le supposait autrefois.

Soudan Occidental. — On se souvient des récents malheurs qui sont survenus


dans la région du Ghari au Sud du Tchad, la mort ou la captivité de nos com-
patriotes et amis.
On craignait d'un autre côté que notre influence fut sérieusement compromise
dans le bassin du Tchad après la marche victorieuse de Rabah.
Mais une dépèche datée du 2 janvier, de Banghi sur le Chari apporte la nou-
velle de l'eJ-taquc et de la destruction après neuf heures d'un combat acharné,
de l'enceinte fortifiée établie par Rabah à Kouna. Les 12,000 hommes, dont
2,500 fusils, qui défendaient la place ont été mis en déroute complète par
320 hommes : malheureusement ceux-ci ont perdu 43 Sénégalais et un maréchal
des logis tués; 4 Européens dont le capitaine Robillot et 106 miliciens ont été
blessés.
Rabah blessé s'est enfui vers le Nord à peu près seul.
Le sultan de Baghirmi réfugié à Laï depuis le combat de Niellim a pu
effectuer sa jonction avec le capitaine Robillot.
— Une partie de la mission Voulet-Chanoine est revenue à Say sous les ordres
du lieutenant Pallier. Mais le lieutenant Joalland, commandant l'autre fraction
n'a pas voulu obéir aux ordres de la mission Foureau-Lamy et retourner à la
côte, et s'est dirigé vers le Tchad, objectif de la mission Voulet-Chanoine. Mais
il dispose de cent fusils à peine et rencontrera des forces supérieures sur son
chemin. Qu'adviendra-t-il ?

Egypte. — On a fait beaucoup de bruit autour de la nouvelle que des troupes


italiennes allaient coopérer avec l'Angleterre à l'occupation de l'Egypte, pour
permettre l'envoi dans le Sud de l'Afrique de toutes les troupes anglaises.
— On annonce que Moues-Dayn est très populaire parmi les Fellahs, et prêche
la révolte contre les Anglais.
Dans une proclamation écrite en arabe et en soudanais, il déclare agir au
nom du prophète Mahomet qui aurait promis de livrer les Anglais entre les
mains des Fellahs.
— L'attitude du négus Ménélik
préoccupe beaucoup en ce moment : on le croit
capable d'un mouvement sur l'Egypte pendant les embarras de l'Angleterre;
REVUE DE L'ISLAM 57

on pense tout au moins qu'il créera à celle-ci de grandes difficultés pour le tracé
des frontières entre l'Abysssinie et le Soudan égyptien.
— Le 19 janvier Osman Digma dernier soutien de la puissance mahdiste, a
été capturé près de Tokar.

Turquie. — L'ambassade d'Italie a protesté énergiquement contre le rapt


d'une jeune fille mineure italienne à Brousse, qui a été entraînée dans un harem.
Sur les premières réclamations de l'ambassade, le gouvernement reprit la jeune
fille, mais le ministre de la justice refusa de la rendre aux autorités italiennes
sous le prétexte qu'elle a été convertie à l'islamisme.
L'Italie adressa un ultimatum menaçant de rompre les relations diploma-
tiques : La Sublime Porte céda alors et la jeune fille fut rendue à son père.
On a annoncé que le sultan se rendrait à Paris cette année pour l'Exposition
Universelle. La nouvelle a été démentie formellement par l'ambassade.
— Le gouvernement crétois offre à la Dette Publique ottomane une somme
fixe annuelle de 1 million 1/2 de francs en échange du retrait du fonctionnement
de cette dette en Crète. La dette demande 2 millions. Probablement il faudra
recourir à l'arbitrage des puissances.

Afghanistan. — A la suite des rumeurs alarmantes répandues sur la situation


de l'Afghanistan, sur la mort prétendue de l'émir Abdurrhaman-Khan et sur la
fermentation qui se produirait parmi les tribus hindoues, le Ministre de la guerre
russe a ordonné la mobilisation d'un détachement des troupes dn Caucase et son
transport à travers le territoire transcaspien de Tiflis à Bakou par chemin de fer
et de Bakou à Krasnowodsk par mer, puis vers Kustchk
Le vapeur a pu descendre le Chari devenu libre et va chercher à se mettre
en contact avec la mission Foureau.

Egypte. — La question d'Egypte a failli être remise en jeu.


Le mois dernier, on a parlé d'une intervention italienne pour remplacer les
troupes anglaises partant au Transvaal.
Ce mois-ci une révolte a éclaté à Omdourman dans les bataillons soudanais
mécontents, qui refusèrent de rendre leurs cartouches : ils réclamaient contre
l'existence d'un unique gouverneur anglais au Soudan égyptien. Ayant conquis le
Soudan pour l'Egypte, ils voulaient un gouverneur égyptien aux côtés du gou-
verneur anglais.
En outre, les officiers indigènes demandaient un traitement semblable à celui
des officiers anglais : augmentation de solde, et du montant de la retraite.
La révolte n'a pas pu devenir sérieuse et a été vite réprimée : plusieurs offi-
ciers ont été cassés et emprisonnés. Cinq bataillons soudanais qui tenaient
garnison à Omdourman ont été envoyés dans diverses provinces éloignées.
— Le prestige anglais reste menacé, et une forte campagne a été menée en
France et en Russie pour rouvrir la question d'Egypte ou tout au moins pour
arriver à une neutralisation effective du canal de Suez.
58 REVUE DE L'ISLAM

— La Dette domaniale égyptienne qui est administrée par un personnel où


les Français comptent encore les neuf dixièmes des employés, malgré les tenta-
tives du commissaire anglais, a été convertie au taux de 4.25 0/0 au lieu de
5 0/0.
Le gouvernement égyptien ayant demandé l'autorisation d'employer le béné-
fice résultant de cette conversion à combler le déficit du budget, notre commis-
saire a donné son assentiment à la condition que l'élément français conserve-
rait tous ses postes actuels dans l'administration, et que le délai de garantie
contre toute nouvelle conversion serait reporté de 1907 à 1915, ce qui constitue
un avantage très appréciable pour nous, la dette domaniale étant presque tout
entière répartie entre les portefeuilles français.

Turquie. — Une dépêche d'Alep annonce que l'évèque arménien protestant


de cette localité a été mis en état d'arrestation à la suite de demandes de fonds
adressées par lui en faveur des pauvres de son diocèse. Les autorités turques
prétendent que les souscriptions sont destinées à des entreprises séditieuses.
Cependant à la suite de représentations adressées à la Porte par l'ambassade
d'Angleterre, l'évèque a été remis en liberté sous caution.
— Une grande effervescence a régné au commencement de février à Mersina
(Asie-Mineure), à la suite de l'enlèvement d'une jeune fille de douze ans de reli-
gion grecque orthodoxe.
Sur les représentations des ambassades de France, de Russie et d'Angle-
terre, une enquête a été ouverte : elle a établi que la jeune fille était de natio-
nalité turque et qu'elle a quitté volontairement son domicile avec le désir
d'embrasser l'islamisme.
— Hadji Mustapha, l'assassin du fils du grand-vizir, a été condamné à mort.
— Une ambassade
spéciale ayant à sa tête Djevad-bey, secrétaire du Sultan,
et composée du général Abdullah, du colonel Tewfik, est venue apporter à
M. Loubet, la décoration de l'Imtiaz, une des plus rares du monde entier,
— Les Musulmans de Saïda ont blessé le fils du vice-consul
anglais et ont
menacé l'hôtel consulaire. Le Vali de Beyrouth a envoyé des troupes pour ré-
tablir l'ordre, et le consul général anglais est parti sur la scène des désordres.
— Le conseiller d'Etat Isinaïl Kemal-bey a été arrêté le 24. L'ambassade an-
glaise cherche à obtenir sa mise en liberté, s'appuyant sur le fait que, à l'oc-
casion des manifestations anglophiles du mois de décembre, dues à l'initiative
d'Ismaïl, l'ambassadeur britannique a reçu du Sultan la promesse qu'Ismaïl ne
serait pas inquiété.
— L'ambassade de Russie a reçu un iradé du Sultan, suivi d'un
projet de
traité qui est identique à la'convention concernant le chemin de fer de Bagdad
et qui est relatif à la construction d'un chemin de fer de Kars à Erzeroum, sur
une longueur de 260 kilomètres. Une compagnie russe aura le privilège pour la
REVUE DE L'ISLAM 59

construction de ce chemin de fer, ainsi que pour tous embranchements vers la


frontière russe.
La Russie ne s'est pas montrée satisfaite et son ambassadeur, M. Zinovieff, a
insisté sur la nécessité d'élargir les dispositions de l'iradé surtout au point de
vue de la priorité.
Perse. — Sur les désirs du gouvernement persan et conformément aux con-
ditions du dernier emprunt conclu par la Perse en Russie, la Banque de l'em-
pire a envoyé, à Londres, la somme de cinq millions de roubles or pour le
remboursement de l'emprunt 6 0/0 conclu en Angleterre en 1892.
Par suite, la province du Farsistan, ainsi que les douanes du golfe Persique
données en gage de cet emprunt, se trouvent libérées du contrôle financier, et,
en conséquence, la Perse de l'influence anglaise.
— Le gouvernement russe fait étudier, sous la protection de détachements
de cosaques, la construction d'un chemin de fer entre Djoulfa, Tauris, Ispahan,
Kerman et Bender-Abbas avec embranchement sur Téhéran.
— Un ukhase impérial ordonne aussi des études immédiates pour un chemin
de fer reliant Orenbourg à Taschkend.

Mars

Algérie. — Nous avons rapporté le mois dernier une information anglaise


disant que nous avions occupé le Tafilalet en territoire marocain. 11 n'en est
rien : nos troupes n'ont occupé dans l'extrême Sud Oranien qu'Igli qui ne se
trouve pas dans le Maroc.
Cependant on a lancé la nouvelle que le Maroc aurait protesté contre notre
prise de possession d'In-Salah et des oasis qui l'entourent.
En tous cas, suivant le plan adopté par le gouvernement général de l'Algérie,
nos troupes d'El-Goléah ont continué leur route vers' In-Salah, tandis que la
colonne du Sud-Oranais, escortant la mission d'études du chemin de fer au delà
de Duveyrier, poussera vers le Sud.
Maroc. — Le consul allemand de Rabah a été attaqué à coups de pierres par
une bande de gamins marocains de quatorze à quinze ans.
Le consul, ayant voulu châtier ses agresseurs, fut l'objet d'une manifestation
hostile de la part de la population.
Les troupes durent intervenir; il en résulta un combat au cours duquel huit
personnes furent tuées et trois autres blessées.
Tripolitaine. — Le chef de tribu, Hakin ftabbab, a fait arborer le pavillon
ottoman dans tout le territoire qui s'étend de la frontière tripolitaine au lac
Tchad et qui est déclaré territoire ottoman.
Des ulémas envoyés de Constantinople parcourent le pays et font des confé-
rences religieuses dans les mosquées.
60 REVUE DE L'ISLAM

Turquie. — La question des chemins de fer d'Asie-Mineure a continué d'oc-


cuper le gouvernement turc et la Russie.
M. Zinovieff, ambassadeur de Russie, a insisté pour que la Turquie accorde à
un sujet russe le droit exclusif de construction de chemins de fer dans tout le
Nord de l'Asie-Mineure.
Cependant, après les explications de la Sublime Porte, la Russie a renoncé à
ces prétentions. La Sublime Porte consent à accorder à la Russie un droit
exclusif en tant que ce droit ne se rapportera qu'aux concurrents des autres
nationalités.
Un iradé impérial du 23 mars confirme cette entente, mais la zone dans
laquelle la Turquie jouira de ce droit n'a pas encore été délimitée.
— La Porte a donné des instructions aux douanes de l'empire pour fixer le
droit d'importation à 11 0/0 au lieu de 8 0/0 à partir du 14 mars. Les ambas-
sadeurs ont remis une note collective protestant contre cette augmentation de
3 0/0.
A la suite de cette démarche, le ministre des affaires étangères a répondu, le
12 mars, qu'on ne prendra pas une pareille mesure sans l'assentiment des
puissances. L'administration des douanes a reçu en même temps l'ordre de ne
pas appliquer'provisoirement l'ordonnance de relèvement des droits d'importa-
tion.
Le 25, la Porte a remis une nouvelle note. Elle déclare n'avoir jusqu'ici
conclu de traité qu'avec l'Allemagne, mais avoir conclu avec toutes les puis-
sances de nouveaux tarifs de droit spécifique dont elle reconnaît les avantages.
Pour obtenir les ressources nécessaires à l'équilibre du budget, elle a décidé
d'appliquer les nouveaux tarifs à partir du 14 mars 1901 et de percevoir 11 0/0
k partir du 14 mai 1900.
La Porte invite les puissances à désigner des délégués pour la reprise des
négociations pour les traités, et elle espère que les ambassadeurs jugeront la
décision ci-dessus équitable.
— On télégraphiait, à la fin de février, de Constantinople : ce Le chef des
Albanais, Souleyman-Pacha, est allé à Liplyan où il se joindra à deux mille
autres Albanais venant de Prizrend. On craint un massacre général des chré-
tiens. Les injonctions du Sultan sont restés sans effet.
ce Les Albanais, contrairement à leur fidélité habituelle envers le Sultan,
ont l'intention de combattre même les autorités ottomanes. Ils sont irrités
contre la Sublime Porte depuis qu'il est question de licencier la garde [alba-
naise du Sultan et demandent le changement du gouverneur du village de
Kossovo. »
Dans la suite, ils se sont retranchés dans la grande mosquée d'Uskub qu'ils
ont transformée en forteresse.
Dans les localités avoisinant Uskub, cet exemple a été suivi par d'autres
Albanais.
Le gouvernement impérial prit immédiatement ses précautions et envoya sur
REVUE DE L'ISLAM 61

place les généraux Edib Pacha et Sabih Pacha avec l'intention de proclamer la
loi martiale; mais, revenant sur sa décision et donnant satisfaction aux révoltés,
il a rappelé, le 15 mars, Hafiz Pacha, gouverneur de Kossovo, aAec l'espoir que
l'ordre se rétablira ainsi plus rapidement.
Perse. — On annonce de Saint-Pétersbourg qu'une société pour la construc-
tion d'un chemin de fer en Perse va se constituer dans le plus bref délai, et
qu'en outre le gouvernement russe va prendre à bail un des ports du golfe
Persique dans des conditions analogues à celles de Port-Arthur.

Afghanistan. — Les nouvelles venant d'Afghanistan sont rares. Aussi a-t-on


beaucoup épilogue sur les intentions russes.
D'après un interview de l'émir par un ingénieur anglais, l'Afghanistan serait
la mortelle ennemie de la Russie et l'éternelle amie de l'Angleterre, une invasion
russe soulèverait tout l'Islam, et l'émir aurait proposé à l'AngleterreSO.OOO hommes
pour l'aider dans sa guerre contre le Transvaal, cependant l'Angleterre se serait
plainte que l'Afghanistan achetait trop de matériel de guerre.
D'après les nouvelles russes, au contraire, la population afghane serait entiè-
rement gagnée à la cause russe et l'Afghanistan serait une épine dans le flanc
de l'Inde.
Quoi qu'il en soit, il y a un grand nombre de mouvements de troupes dans
toute cette région de l'Asie Centrale.
La Russie semble continuer à y expédier d'Odessa et du Caucase de nouvelles \
troupes, tandis que le gouvernement indien, craignant une occupation russe de
Hérat a concentré plusieurs nouveaux régiments à Quetta et a envoyé un poste
avancé à Kandahar. Mais une telle nouvelle est fort sujette à caution : ce serait
un casus belli.
(A suivre). ADDRÉRICAUD.

LITTÉRATURE ARABE

LE UVRE DES MÏLLE HtlïTS & UHE KMTS

Dans le dernier numéro, nous avons annoncé l'apparition des quatre pre-
miers volumes de la traduction littérale et complète, par le Dr J.-C. Mardrus,
de ce curieux ouvrage.
Cette traduction a le mérite peu commun d'avoir été faite par un lettré qui,
d'une part, connaît à la fois toutes les ressources de la langue arabe et de la
langue française, et d'autre part possède à fond le génie arabe. C'est que, pour
exécuter parfaitement une traduction de ce genre, il ne saurait suffire d'avoir
appris la langue arabe seulement en Europe : il est nécessaire d'avoir vécu
62 REVUE DE L'ISLAM

longtemps dans le monde arabe, si différent du nôtre, mais qui a peu changé
depuis le temps où se racontaient les histoires dont le Dr Mardrus nous donne
aujourd'hui la traduction. Pour rendre convenablement l'esprit et la lettre de
telles histoires, il faut les avoir entendu dire avec l'accent du terroir, le geste
de la race, les inflexions de circonstance, par un conteur pénétré de son sujet :
il faut avoir partagé et surtout observé les impressions de l'auditoire pour le-
1'
quel elles sont faites : il faut, suivant l'expression du D Mardrus, avoir cecultivé
amoureusement les bancs ajourés des adorables cafés populaires dans les vraies
villes musulmanes et arabes, le vieux Caire aux rues pleines d'ombre et si fraî-
ches, les Souks de Damas, Sana du Yèmen, Mascate ou Baghdad; dormi sur
la natte immaculée du bédouin de Palmyre; rompu le pain et goûté fraternel-
lement, dans la gloire du désert, avec Ibn Raehid somptueux, ce type net de
l'arabe authentique. »
11faut enfin avoir ce que possède à un haut degré le traducteur des Mille Nuits
et une Nuit dont nous parlons — le talent de rendre sensibles pour le lecteur
européen toute la couleur de la langue arabe, toute la magie du style des orien-
taux. Les contes des Mille Nuits et une Nuit, produits de l'imagination populaire
arabe sont curieux à bien des titres : tout y est merveilleux, et cependant on ne
trouverait nulle part ailleurs des tableaux aussi fidèles, aussi réalistes, de la vie
et des moeurs des anciens Arabes, et presque, des Arabes d'aujourd'hui qui par-
tant de côtés ressemblent à ceux d'autrefois. Réaliste aussi est le langage;
mais d'un réalisme sain et naïf, auquel toute intention pornographique reste
étrangère, comme toute idée d'impudeur aux tahitiennes qui, à la face de toute
leur tribu, se baignent nues.
Il a été fait de ces comtes arabes plusieurs traductions qu'il nous paraît inté-
ressant de signaler. Dans ce but nous reproduisons ci-après la notice bibliogra-
phique que les éditeurs de l'ouvrage du Dr Mardrus ont placée en tête de sa tra-
duction.

Pour la première fois en Europe, une traduction complète et fidèle des Alf
Lailah Oua Lailah (Mille Nuits et une Nuit) est offerte au public (1). Le lecteur
y trouvera le mot à mot pur, inflexible. Le texte arabe a simplement changé de
caractères : ici il est caractère français, voilà tout.

ORIGINEETDATE.— Les Mille Nuits et une Nuit sont un recueil de contes popu-
laires. Deux documents, l'un (2) du ixe siècle, l'autre (3) établissant que ce mo-
nument de la littérature imaginatrice arabe a eu pour protopype un recueil per-

(4) Lestraductionsanglaisesde Payneet do Burton,intégralesellesaussi,parurenten c éditions


privées« (deuxou trois cents souscripteurs)et sont aujourd'huiintrouvables.
Une deuxièmeédition
de Burtonfut, il est vrai, livréeau public,maisoxpurgéo.
(2) Dansle Mouroufal DahabouaMahadineal Djanbrar,del'historionarabeAboulHassanA iAl-
Massondi.
(3) Dansle Kitabal Fihrist(989)do Mohammed bonIshakAI-Nadim.
REVUE DE L'ISLAM 63

san, le Hazar Assanah. A ce livre, aujourd'hui perdu, sont empruntés les dispo-
sitifs des Mille Nuits el une Nuit (c'est-à-dire l'artifice de Shahrazade) et le sujet
d'une partie des histoires. Les conteurs qui s'évertuèrent sur ces thèmes les
transformèrent au gré de la religion, des moeurs et de l'esprit arabes, au gré
aussi de leur fantaisie. D'autres légendes d'origine nullement persane, d'autres
encore purement arabes se constituèrent dans le répertoire des au leurs. Le
monde musulman sunnite tout entier, de Damas au Caire et de Bagndad au
Maroc, se réfléchissait enfin au miroir des Mille Nuits et une Nuit. Nous sommes
donc en présence non pas d'une oeuvre consciente, d'une oeuvre d'art propre-
ment dit, mais d'une oeuvre dont la formation lente est due à des conjonctures
très diverses et qui s'épanouit en plein folklore islamite. OEuvre arabe, malgré
le point de départ persan, et qui, traduite de l'arabe en persan, turc, hindous-
tani, se répandit dans tout l'Orient.
Vouloir assigner à la forme comme définitive de telle de ces histoires une ori-
gine, une date, en se fondant sur des considérations linguistiques, est une
entreprise décevante, puisqu'il s'agit d'un livre qui n'a pas d'auteur et qui,
copié et recopié par des scribes enclins à faire intervenir leur dialecte natal
dans le dialecte des manuscrits d'après lesquels ils opéraient, est le réceptacle
confus de toutes les formes de l'arabe. Par des considérations tirées principale-
ment de l'histoire comparée des civilisations, la critique actuelle semble avoir
imposé quelque chronologie à cet amas des contes.
Voici les résultats qu'elle propose :
Seraient, en majeure partie, du x° siècle, ces treizes contes, qui se retrouvent
dans tous les textes (au sens philologique du mot) des Alf Lailah Oua Lai-
lah, — savoir, les histoires : 1° du roi Schahriar et de son frère le roi Schahza-
man (soit l'introduction); 2° du Marchand avec l'Efrit; 3° du Pêcheur avec
l'Efrit; 4° du Portefaix avec les Jeunes Filles; 5° de la Femme coupée; des
Trois Pommes et du Nègre Rihan; 6° du Vizir Noureddine; 7° du Tailleur, du
Bossu...; 8° de Nar Al-Din et Anis Al-Djalis; 9° de Ghamin ben Ayoud;
10° d'Ali ben Bakkar et Shams Al-Nahar; 11° de Kamar Al-Zaman; 12° du
Cheval d'ébène; 13° de Djoulnar, fils de la mer. L'histoire de Sindbab le Marin
et celle du Roi Djiliad seraient antérieures.
La grande masse des contes se situeraient, entre le xe et le xvi° siècle.
L'histoire de Kamar Al-Zaman II et celle de Maarouf seraient du xvi° siècle.

MANUSCRITS ET ÉDITIONSARABES. — 11 existe comme cetextes » des Alf Lailah


oua Lailah plusieurs éditions imprimées el des manuscrits. Ces manuscrits
concordent mal entre eux : ils sont plus ou moins complets, différents de ré-
daction, d'étendue, parfois d'affabulation.
Les éditions critiques (avant le xixe siècle, aucune n'avait paru, pas plus en
Orient qu'en Europe) sont :
1° L'édition (inachevée) du Cheikh El Yemeni, à Calcutta, 2 vol. 1814-1818;
2° L'édition Habicht, à Breslau, douze volumes, dont le premier parut en
1825, le dernier en 1843;
REVUE DE L'ISLAM

3° L'édition Mac Woghten, à Calcutta, quatre volumes, 1830-1842;


4° L'édition de Boulak, au Caire, deux volumes, 1835 ;
5° Les éditions de l'Ezbekieh, au Caire;
6° L'édition écourtée, revue et disloquée des pères jésuites, à Beyrouth, qua-
tre volumes ;
7° L'édition de Bombay, quatre volumes.
TRADUCTIONS FRANÇAISES. — La première en date, et la plus importante, est
celle de Galland, douze volumes, petit in-12, chez la veuve de Claude Barbin,
Paris, 1704-1717. Exemple curieux de la déformation que peut subir un texte
en traversant le cerveau d'un lettré au siècle de Louis XIV, l'adaptation de
Galland, faite pour la Cour a été systématiquement émasculée de toute har-
diesse et filtrée de tout le sel premier, car elle comprend à peine le quart des
contes : les contes qui forment les trois autres quarts, et non les moins intéres-
sants, sont inconnus en France. De plus, les contes mêmes qui ont subi l'adap-
tation de Galland ont été écourtés, déformés, expurgés, de tous les vers, poèmes
et citations de poètes ; les sultans et les vizirs et les femmes de l'Arabie et de
l'Inde s'y expriment comme à Versailles et à Marly. En un mot, cette adapta-
tion surannée n'a rien à voir, d'aucune manière, avec le texte des contes arabes.
Cozelle et Chavis ont continué Galland, dans les tomes XXXVIII, XXXIX,
XL et XLI du Cabinet des Fées, Genève, 1784-1793, sous le titre ecles Veillées
du Sultan Schahriar ». Trébutien (de Caen) a publié à Paris, en 1824, trois
volumes in-8° eeContes inédits des Mille et une Nuits », traduction de traduction.
Les réimpressions de la version de Galland sont nombreuses. La meilleure
est celle du cePanthéon Littéraire », avec notes de Loiseleur-Deslongchamps,
un volume in-8°, Paris, 1840.
D'autres, celle de Caussin de Perceval, neuf volumes in-8°, Paris, 1806, celle
de Destaings, avec préface de Charles Nodier, six volumes in-8°, Paris, 4822,
celle de Gauthier, sept volumes in-8°, Paris, 1822, sont augmentées de quel-
ques contes.
CETTETRADUCTION. — Le Dr J.-C. Mardrus l'a exécutée sur l'édition égyp-
tienne de Boulak, qui lui a paru la plus riche en expressions de pur terroir
et, à différents points de vue, la plus parfaite (quoi qu'en ait pu penser Bur-
ton). Elle est, en outre, la plus concise.
Mais il ne s'en est pas uniquement contenté, ayant puisé, pour certains dé-
tails, dans l'édition Mac Woghten, dans celle du Breslau et surtout dans les dif-
férents manuscrits.
Le premier volume contient les 24 premières Nuits. Mais les suivants, sur-
tout les derniers, en comprennent un nombre plus considérable. Cette divi-
sion est celle du texte arabe original, où les Nuits sont de plus en plus
courtes à mesure qu'elles s'acheminent vers la mille et unième.
Souhaitons maintenant au lecteur le plaisir goûté par Stendhal, qui rêvait
d'oublier deux choses : Don Quichotte et les féeries des Mille et une Nuits —
pour chaque année, éprouver à les relire une volupté nouvelle.
N° 54. Mai 1900.

NOTES SUR LA TUNISIE


( SUITE
)

La surface totale de la Tunisie est — nous l'avons dit — de 130,000 kilomètres


carrés environ, bien que ce chiffre puisse varier, suivant l'extension convention-
nelle qu'on donne à Fhinleriand désertique de la Régence.
La population répandue sur cette surface n'a jamais été bien exactement
recensée; aussi, les évaluations diffèrent-elles sensiblement suivant les auteurs.
Le chiffre de 2 millions d'habitants, indiqué notamment par le général Niox,
est sans doute un peu exagéré ; il donnerait une densité de 12 à 13 habitants
par kilomètre carré, en moyenne. Le chiffre de un million seulement indiqué par
des évaluations officielles tunisiennes est certainement trop faible.
En acceptant comme chiffre probable et moyen celui de 1,600,000 habitants
pour la Tunisie entière, on peut le décomposer en 55,000 Israélites, 18,000
Français de population civile (sans les troupes), 80,000 autres Européens,
23,000 protégés français ; la grande majorité de la population est constituée par
les musulmans Berbères et Arabes.
D'après les déclarations de séjour exigées par la loi, on a constaté en 1899 If
présence sur le territoire tunisien de 65,000 Italiens (dont 16,500 hommes,
11,000 femmes et 37.000 enfants), soit les quatre cinquièmes des étrangers rési-
dant dans la Régence ; viennent ensuite 13,000 Anglo-Maltais, 900 Espagnols,
550 Grecs, 300 Autrichiens, 400 Hollandais, 300 Suisses, etc.
Les Français n'étaient en Tunisie qu'au nombre de 3,400 en 1882 et de 10,000
en 1891, ils ont donc presque doublé depuis dix ans, puisqu'il y en a 18,000 main-
tenant, mais malheureusement ce n'est pas l'élément français qui domine en
Tunisie comme population Européenne. Les chiffres qui précèdent montrent,
en effet, que les Italiens y sont trois fois et demi plus nombreux que nos natio-
naux. Ces derniers s'augmentent désormais de 1,300 par an, soit par l'émigra-
tion, soit par l'excédent de naissances.
Les départements qui, dans la période de 1891 à 1896, ont fourni le plus fort
contingent à l'émigralion en Tunisie, sont : la Corse (343), le Rhône (157), les
Bouches-du-R.hône (153), l'Isère (148\ la Seine (123), etc.
L'effectif français de la brigade d'occupation tunisienne est de 10,000 hommes
environ.
La population française en Tunisie s'est surtout accrue dans ces dernières
années dans la ville de Tunis et dans la région septentrionale de la Régence.
Actuellement, la ville de Tunis compte environ 8,000 Français ; il y en a encore
2,100 dans les environs de cette ville ; le contrôle de Sousse en renferme 1,500,
celui de Souk-el-Arba 1,100, celui de Bizerte 1,000, celui de Sfax 850, celui de
Gabès 500, celui du Kef 450, celui de Grombalia 430, celui de Béja 400, etc.
Sur les 18,000 français de Tunisie, plus de 1,500 oui ac,quis la nationalité
66 REVUE DE L'ISLAM

française par naturalisation, option ou mariage. Sur le même total, 10,000


Français sont nés en France, 3,500 en Tunisie, 2,500 en Algérie, etc.
Au point de vue des professions, les Français de Tunisie se répartissent ainsi:
agriculture 2,100; industrie 2,900 ; transport 750 ; commerce 4,000; adminis-
tration publique 3,100, etc.
Les Français ne sont malheureusement pas encore les plus nombreux, mais
ce sont eux qui jouent le rôle le plus important. Fonctionnaires, commerçants,
industriels et agriculteurs, ils constituent la classe dirigeante du pays et ils sont
à la tête de toutes les grandes entreprises. 23 pour 100 des Français établis en
Tunisie s'adonnent au commerce et 18 pour 100 à l'industrie. D'après le recense-
ment de 1896, 2,000 Français seulement vivent de l'agriculture. Ce qui frappe
surtout, c'est le petit nombre des Français établis dans les campagnes. Cela tient
au mode de colonisation pratiqué jusqu'à ce jour. Des capitalistes ont acheté
530,000 hectares de terre et ont créé de grandes exploitations qui ont eu surtout
recours à la main-d'oeuvre indigène ou italienne.
Mais le Français, dit excellemment M. Jules Saurin, dans une élude très docu-
mentée sur cette question, qui exige des salaires trois fois plus élevés que l'in-
digène, lorsqu'il est isolé dans une exploitation, se contente de salaires plus
modestes s'il est entouré de sa famille, s'il est logé et s'il a le droit de retirer du
sol les éléments principaux de sa nourriture (vin, porc gras, volaille, lait d'une
vache laitière, produits du jardin et de la basse-cour). Le cultivateur français
fournit un travail beaucoup plus intelligent que l'indigène et on a intérêt à lui
confier une petite ferme de 40 à 60 hectares comme domestique, métayer ou
fermier.
Déjà, un propriétaire a installé de cette manière dix-huit familles de cultiva-
teurs français el il est très satisfait de cet essai. Que cette organisation se géné-
ralise et on aura bientôt plusieurs milliers de familles françaises en Tunisie.
Le grand domaine qui fait vivre aujourd'hui deux ou trois chefs de culture
français et cinquante indigènes ou Italiens permettrait alors l'établissement de
quinze à vingt familles de cultivateurs français. Les émigrants en tout pays sont
en grande majorité des gens à ressources modestes demandant surtout à leur
travail leurs moyens de subsistance.
En Tunisie comme en Algérie, la main-d'oeuvre des indigènes et des Italiens,
si' abondante el à si bas prix, écarte les émigrants français. Les colonies des
deux Amériques et de l'Australie n'avaient pas de main-d'oeuvre indigène; aussi
le peuplement européen s'y esl-il fait avec une grande rapidité.

Les Italiens, qui progressent sans cesse, sont les plus nombreux Européens
de Tunisie... On les trouve partout, à la ville comme à la campagne ; ils s'em-
ploient surtout en qualité de terrassiers, maçons et menuisiers.Une grande partie
de cette population n'est pas encore attachée au pays. Ce sont des ouvriers atti-
rés par les grands travaux publics et privés exécutés dans la Régence. Ils quit-
teront le pays une fois les grand travaux terminés. Les Italiens n'ont formé
îi la campagne que dix à douze groupes de cultivateurs exploitant le sol d'une
REVUE DE L'ISLAM 67

façon permanente, mais leur nombre ne peut pas se développer à cause du


manque de capitaux.
Les Maltais ne sont pas animés de sentiments hostiles à la France ; ils se
rapprochent de nous beaucoup plus rapidement que les Italiens. On les trouve
rarement à la campagne, car ils n'aiment pas les travaux pénibles des champs;
ils habitent surtout les villes et leurs environs où ils exercent de préférence
les professions de cocher, charretier, maraîcher, entrepreneur. C'est une
population chrétienne, qui fournit fort peu de sujets aux prisons de la Ré-
gence.
Les musulmans de Tunisie ne sont pas les descendants directs des Arabes.
On rencontre rarement le type arabe pur au nez mince et arqué, à la figure
allongée; on ne le trouve que dans l'extrême Sud, chez quelques tribus nomades
qui ont pu se maintenir pures de tout mélange.
Toutes les races, dit M. Jules Saurin, ont contribué à former la population
actuelle : Lybiens, Phéniciens, Latins, Arabes, esclaves chrétiens amenés en
grand nombre durant plusieurs siècles. Mettez à la plupart des indigènes tuni-
siens des vêtements européens et vous aurez de la peine à les distinguer des
chrétiens qui habitent le littoral européen de la Méditerranée. Cependant ces
indigènes sont séparés de nous par un fossé profond : les moeurs et la religion.
Le livre sacré du musulman, le Coran, leur impose non seulement les dogmes
religieux, mais encore leur constitution politique, leurs lois civiles et même leur
. hygiène. Il permet la polygamie et autorise le divorce pour les prétextes les plus
variés. Aussi les mariages entre musulmans et chrétiens sont excessivement
rares, tandis qu'ils spnt très nombreux entre Français et Italiens. Cette diffé-
rence de moeurs empêchera durant longtemps encore le rapprochement si dési-
rable entre chrétiens et musulmans.
L'indigène tunisien est pourtant beaucoup plus civilisé que celui d'Algérie ;
les nomades constituent une exception sur notre sol. On n'en trouve quelques
tribus que dans l'exlrôme-Sud. Ils forment au contraire, en Algérie, le cinquième
de la population indigène. La culture de l'olivier est aussi importante dans la
Régence que dans toute l'Algérie, bien que son territoire et sa population soient
quatre fois moins importants que ceux de sa grande voisine. A Tunis et dans
les grandes villes il y a une bourgeoisie indigène composée de riches agricul-
teurs, de commerçants, de magistrats, de professeurs et de fonctionnaires.
L'établissement du protectorat a laissé subsister cette classe moyenne.
Les imans des mosquées et les bénéficiaires des fondations pieuses n'ont
jamais touché aussi régulièrement leur traitement ou leurs revenus que depuis
l'arrivée des Français. C'est que les biens religieux (appelés habous), autrefois
dilapidés, sont aujourd'hui mieux administrés et rapportent des revenus plus
réguliers qui reçoivent toujours la destination des pieux fondateurs. Caïds et
magistrats indigènes remplissent toujours leurs fonctions et, dans toutes les
administrations nouvelles, on a fait une large place aux musulmans.
A la campagne, les indigènes ne sont propriétaires du sol qu'ils cultivent que
sur le littoral, partout où domine l'olivier. Dans l'intérieur, le sol divisé en
08 REVUE DE L'ISLAM

grands domaines de 200 à 30,000 hectares appartient rarement aux cultivateurs.


Ces derniers sont ou fellahs ou khammès.
Le fellah possède une paire de boeufs, quelques vaches, et loue à l'année 10 à 20
hectares de terres de culture. Il construit lui-même avec des murs en pierres
recouverts de chaume, un gourbi qui lui sert de demeure et qui vaut à peine
50 francs.
Le kammès est un métayer attaché à son maître par les liens d'une dette.
Le mot arabe de khammès (colon au cinquième) vient de ce qu'il a droit.au cin-
quième des produits. S'il ne remplit pas ses engagements, il est puni de la prison
par le caïd.
Grâce à cette institution admirablement appropriée aux moeurs de l'indigène,
les vagabonds sans foyer et sans pain sont excessivement rares en Tunisie. Ils
constituent au contraire une armée roulante très nombreuse en Algérie, où la
loi française n'inflige aucun châtiment au khammès qui viole ses engagements
et ne laisse d'autres ressources au propriétaire qu'un recours illusoire devant le
juge de paix ou le cadi pour le recouvrement de sa créance. Les propriétaires
n'osent pas dans ces conditions faire des avances importantes à leurs khammès.
Ainsi l'armée des maraudeurs fait tous les jours de nouvelles recrues. Telle est
une des causes principales de l'insécurité qui désole les campagnes algériennes.
Les musulmans de Tunisie sont intelligents et surtout bons laboureurs ; on
leur reproche souvent leur paresse, mais cela n'est pas étonnant: le climat est
si favorable, la terre si productive que ces indigènes ne comprennent pas pour-
quoi les Européens se donnent tant de mal pour assurer leur existence, alors que
la vie leur semble si facile, puisqu'on a tout sous la main et que l'on peut par-
faitement se passer du progrès.
Les pratiques médicales des Arabes de Tunisie sont surtout superstitieuses.
Ainsi, on fait une marque noire au nouveau-né et à l'accouchée pour les pré-
server du mauvais oeil ! Les sages-femmes indigènes, qui taxent nos médecins
d'ignorance, croient encore que l'enfant peut rester endormi plusieurs années
dans le sein de sa mère !
Le chrétien, que les Arabes appellent le eeroumi », n'est pas haï en Tunisie
comme dans certains autres pays musulmans. La raison en est toute simple : la
douceur de l'administration du protectorat qui, étant données les conditions
locales, donne de biens meilleurs résultats que l'annexion, à tous les points de
vue, surtout à celui de la réconciliation des races et au point de vue financier.
Les J uifs, en Tunisie comme en Algérie, ont la réputation de prêter de l'argent;
ils avancent des fonds aux Tunisiens en prenant 10 à 15 0/0 d'intérêt. Mais le
plus curieux, c'est que les indigènes, alors même qu'ils pourraient rembourser
leur argent aux préteurs israélites, préfèrent continuer à servir ce taux plutôt que
de rembourser le capital !
La population est 1res inégalement répartie sur le sol tunisien ; on peut tra-
verser des régions immenses dans le Centre et l'Ouest sans voir trace d'hu-
manité et, à côté de cette pénurie, 200,000 habitants se pressent, autour de
Sonsse, dans le petit Sahcl, pays des oliviers.
REVUE DE L'ISLAM 69

Plus des trois quarts de la population se trouvent sur le littoral, de Bizerte


à Zarsis. Les environs de Bizerte et de Tunis, la région de Sousse comptent plus
de 100 habitants par kilomètre carré. L'intérieur du pays, sauf dans les envi-
rons immédiats de quelques centres, renferme à peine 4 à 5 habitants au kilo-
mètre carré. Rien ne s'oppose à ce que ces régions aient une population aussi
dense que le littoral : il sera facile d'y établir à bref délai autant d'Européens
qu'on y compte d'indigènes.
La principale langue parlée en Tunisie est l'arabe, mais le français est devenu
le dialecte officiel ; l'italien est employé par les nombreux Italiens et Maltais
établis dans le pays.

GOUVERNEMENT — PROGRÈS
ET ADMINISTRATION. sous LE PROTECTORAT
ACCOMPLIS
FRANÇAIS.

La Tunisie est restée en principe une régence qui est la possession d'un bey,
autrefois vaguement vassal du sultan de Constantinople, et désormais, depuis
le traité du Bardo ou de Kasr-el-Saïd, signé le 12 mai 1881, sous le protectorat,
incontesté maintenant par les autres puissances civilisées, de la République
française. Le traité primitif a été complété par celui de la Marsa, en date du
8 juin 1883, qui a établi et précisé les rapports entre le gouvernement indigène
et celui de la France.
La monarchie tunisienne appelée beylik est héréditaire. C'est toujours l'aîné
de la famille qui succède au bey défunt, fils, frère, neveu ou cousin, pourvu
qu'il soit prince du sang. L'héritier présomptif se nomme bey de camp, parce
qu'il commandait autrefois les expéditions du camp, qui avaient lieu deux fois
par an pour aller recevoir l'impôt auquel sont soumises les tribus de l'inté-
rieur.
Sous l'ancien régime, les ministres du Bey étaient le Khasnadar (gardien du
trésor, le Saheb-el-Zaghaïa (porteur de zagaie, ministre de la guerre), le Saheb-el-
Djebira (porteur de portefeuille, garde des sceaux), le Bachi-kasak (gardien de
la garde-robe, interprète). Nous verrons tout à l'heure comment est constitué
maintenant le ministère tunisien.
Le.bey Mohammed avait doté la Régence d'un pacte fondamental promulgué
le 20 moharrem 1274 (c'est-à-dire en 1857 de l'ère chrétienne). Ce pacte ren-
ferme onze articles qui garantissent la sécurité des sujets et habitants des États
tunisiens, soumettent les sujets à l'impôt, proclament l'égalité devant la loi, la
tolérance et la liberté d'un tribunal international de commerce, la liberté et la
protection du commerce el de l'industrie, autorisant l'achat de propriétés par
les étrangers. Une loi organique ou code politique et administratif de la Régence,
divisée en cent quatorze articles, réglait la situation des princes hassenides,
l'organisation des services publics, des tribunaux, des finances, etc.
Mais si tout avait marché en Tunisie selon le pacle fondamental et la loi orga-
nique, nul doute que la France n'aurait pas eu à intervenir pour rétablir l'ordre
troublé et mettre la justice là où il y avait surtout les fonctionnaires prévarica-
70 REVUE DE L'ISLAM

teurs et le bon plaisir des chefs. En réalité, les lois promulguées étaient peu ou
point appliquées et la Tunisie n'a pu que végéter sous un régime où les habi-
tants n'avaient aucune garantie de sécurité réelle.
La Tunisie est en quelque sorte maintenant une possession française à peine
déguisée, dans laquelle on a maintenu l'administration et l'organisation primi-
tives — adaptées aux moeurs des habitants — mais sous la tutelle protectrice
et toujours bienveillante de la métropole française. Le reste d'indépendance
laissé aux Tunisiens se rencontre jusque dans les timbres-poste, qui sont spé-
ciaux au pays et ne sont pas du type uniforme adopté pour les colonies fran-
çaises proprement dites. Ces timbres portent l'inscription «Régence de Tunis ».
Disons en passant que le pavillon national tunisien comporte cinq bandes
horizontales placées dans l'ordre suivant : bleu, rouge, vert, rouge, bleu.
Le bey actuel, considéré comme possesseur du royaume de Tunis, est S. A.
Sidi-Ali, né en 1817, et dont l'avènement au trône date du 28 octobre 1882, peu
après, par conséquent, l'occupation française.
L'héritier présomptif du trône est Sidi-Mohamed-Taïb-bey, né en 1821, frère
cadet du bey actuel.
Mais le véritable ceroi » de la Tunisie, celui qui concehlre tous les rouages du
gouvernement, est le Résident général de la République française, qui, malgré
ce titre modeste, a un pouvoir considérable, et ne relève que du gouvernement
français. Notre Résident général est de droit, d'ailleurs, ministre des affaires
étrangères du gouvernement tunisien. C'est actuellement M. René Millet, mi-
nistre plénipotentiaire, qui remplit ces hautes et si délicates fonctions, et cela à
la satisfaction générale de la France el de la Tunisie, car il a su concilier les
intérêts locaux avec ceux de la métropole— qui sont en somme les mêmes pour
un esprit clairvoyanlet sans parli-pris M. René Millet a étéactivement secondé
jusqu'au commencement de 1900 dans sa noble lilchcdc conciliation etd'aulorïté,
à la fois énergique etjusle, par M. Paul Révoil, Résident général adjoint.
Le premier ministre du Bey est le général Mohamcd-el-Aziz-bou-Alour, et le
ministre de la plume est le général Mohamed-Djellouly, dévoués sincèrement à
la politique bienfaisante de la France el au bien-être du peuple.
La dix i-ion d'occupation française a pour commandant en chef le général'de
division de Cabanel, baron de Sermet, qui est en même temps le minisire de la
guerre du gouvernement tunisien.
Par l'organisation dont la Tunisie a été dotée aux divers points de vue, on a
pu éviter lous les tiraillements qui se produisent quelquefois dans les pays de
protectorat entre eeprotecteurs » trop zélés et eeprotégés » se croyant parfois
humiliés. On a laissé à chacun la place qu'il doit logiquement occuper, et tout
en donnant à la métropole française la haute main sur tous les services, puisque
c'est elle qui en assume la responsabilité, on a laissé à l'élément indigène une
place prépondérante qui permet de connaître sans cesse ses besoins el ses
désirs cl par suile donne le 11103en^e 'es satisfaire le plus qu'il esl possible.
On a aussi modifié le moins possible cl surtout le moins vite possible les insti-
tutions politiques el sociales du pays, mémo les plus critiquables, pour mieux
REVUE DE L'ISLAM 71

ménager les transitions et éviter, par des changements trop brusques et des
progrès incompris, que la Régence ne soit profondément troublée.
Les résultats de la méthode adoptée ont été magnifiques. La Tunisie n'a
jamais bougé depuis près de vingt ans que nous dirigeons ses destinées et elle
est administrée de la façon la plus économique.

(A suivre.) LUCIENHEUDEUERT.

LES (1)
FRANCIS A ÏH-SALAH

IiH JvTISSIOïi piiHpBH"iD

BUT,ORGANISATION DELAMISSION FLAMAND ET ITINÉRAIRES PAKCOURUS. — But de la


mission. — Vers les derniers mois de 1899, M. Flamand, Professeur à l'école
des Sciences d'Alger, avait sollicité et obtenu du Ministère de l'Instruction Pu-
blique de continuer ses études antérieures sur la géologie du Sahara et de porter
plus spécialement ses investigations sur la nature des plateaux du eeTademaït »
et du ecMouydir » ainsi que sur la constitution physique des grandes dépressions
qui les séparent.
Le Ministère des Colonies l'avait chargé, en outre, de l'étude des voies com-
merciales entre l'Algérie, le ceTouat » et le eeSoudan ».
M. Flamand devait enfin, à l'instigation de la Division militaire d'Alger,
relever les conditions hydrologiques des territoires parcourus, déterminer la
position géographique exacte d'In-Salah qui n'est encore connue que par une
lettre du Major Laing et semble entachée d'erreurs, etc., etc.
Grâce à l'appui de M. le Gouverneur général Laferrière, il obtenait de pré-
cieuses facilités pour organiser sa mission complexe.
PERSONNEL DELA MISSION. — 1° Personnel technique. — M. Flamand, chef de la
mission. — M- Joly, second:
Depuis 1892 M. Flamand s'est fait une véritable notoriété par la série remar-
quable de ses travaux sur l'Ouest et le Sud-Ouest algérien ainsi que par ses
excursions géologiques qui l'ont amené quelquefois à pousser des pointes auda-
cieuses dans des régions considérées généralement comme inaccessibles ; c'est
ainsi qu'il a pu, escorté par quelques cavaliers seulement, aborder cl reconnaître
le ceChott Tigri. »
En 1896, M. Cambon lui confia l'étude détaillée des régions traversées parles
caravanes depuis eeEl-Abiod Sidi-Cheikh » jusqu'à eeTabel-Kosa », la détermi-
nation des terrains sahariens compris entre la dernière ride atlantique et lesas-

(t) Cesrenseignements, ainsi quolorésuméclosaclosdola missionl'IimiauI, quisuil, sont oinpruulés


au Bulletinde la Sociétéde Urographie
d'Alger.(Ier trimestre1UO0.)
72 REVUE DE L'ISLAM

sises crétacées du ceTademaït » et l'hydrologie générale des contrées parcourues.


Les résultats scientifiques de ce voyage furent des plus importants.
Ils ont été récompensés par la Société de Géographie de Paris qui a décerné
à M. Flamand le prix Duveyrier.
M. Joly, Professeur à la Médersa d'Alger, Collaborateur à la carte géologique
de l'Algérie, était tout indiqué pour accompagner M. Flamand, en raison de sa
grande expérience technique, de sa connaissance approfondie de la langue arabe
et de î-es séjours fréquents et prolongés sur les Hauts-Plateaux.
2° Personnel d'escorte. — Le Capitaine Pein, chef d'escorte, avec son ordon-
nance et 100 goumiers à méhara recrutés parmi les Chaamba qui, l'année précé-
dente, avaient accompagné leur Capitaine à l'arrivée delà mission Foureau-
Lamy.
Le Capitaine Pein, vaillant et ardent officier, chef du poste d'Ouargla a fait
ses preuves dans son raid brillant à la poursuite d'un rezzou, jusqu'aux portes
de Ghadamès; l'an dernier encore il fut chargé de couvrir et ravitailler la mis-
sion Foureau-Lamy à eeTimassinin »; il dut pousser jusqu'à eeTadent », en
profita pour faire de nouveaux levés et revint par ceAmguid » et la ceSebka »
d'Amadghor.
3° Personnel de secours. — Le Capitaine Germain el son escadron de spahis
sahariens.
Le Capitaine Germain s'est fait connaître par ses reconnaissances dans la ré-
gion de eeGourara » et de Tademaït.
En avril 1898 il poussait une pointe jusqu'aux abords d' ceIn-Salah » avec le
Capitaine Laperrine e* rentrait à Fort Mac-Mahon le 7 mai suivant ayant relevé
660 kilomètres d'itinéraires nouveaux.
4° Personnel,auxiliaire. — Le Naïb des Kadria d'Ouargla; ce personnage reli-
gieux, que M. Cambon avait déjà utilisé en 1895 en l'envoyant au eeTidikell »
pour tâcher d'y développer notre influence, s'est joint volontairement à la mis-
sion pour lui faciliter l'accès des régions à traverser.
11 espérait par son action morale, son ascendant sur ses coreligionnaires,
pouvoir rendre d'utiles services en aidant pacifiquement à écarler certaines
difficultés éventuelles.
Le Naïb a amené avec lui une escorle personnelle de 20 serviteurs armés.
La mission pouvait ainsi mettre en ligne, y compris les chefs, environ
130 hommes capables de combattre en cas d'atlaque.
D'autre part, le Ministre de la Guerre avait autorisé les spahis sahariens, qui
font des reconnaissances constantes aux alentours des postes qu'ils occupent, à
se porter à proximité de la mission et se maintenir en contael avec elle de ma-
nière à pouvoir lui porter secours si son caractère pacifique venait à être mé-
connu.

ROUTE SUIVIE.— INCIDENTS ETCOMBATS. —ce Ouargla » avait été choisi comme
point de départ de la mission. MM. Flamand et Joly s'y rendirent parBiskraet
Touggourt.
REVUE DE L'ISLAM 78

La mission partit d'Ouargla le 28 novembre et suivit d'abord l'itinéraire de la


première mission Flalters.
Le 9 décembre, elle était à Hassi-In-Ifel. Le 15 àllassi-In-Sokki. Les nouvelles
qu'elle donna alors étaient des meilleures.
Le 18, elle quittait Hassi-In-Sokki pour gagner la région d'Hassi-Messeguena
et, par là, le reg d'Adjemor et l'Oued Massin. C'était prendre à rebours une
partie de la route suivie en 1864 par Rohlfs pour aller d'In-Salah à Ghadamès.
Le 26 décembre, la mission atteignait ceFogharet-ez-Zoua » et y recevait le
meilleur accueil.
Les habitants de cette oasis sont inféodés aux Oulad Sidi Cheikh; depuis dix
ans il nous font de continuelles avances et nous demandent instamment de venir
forer des puits artésiens dans leurs territoires.
Le lendemain, 27, la mission arrivait aux abords de l'oasis ced'Iguesten ».
Les habitants ne cachèrent pas leur hostilité, si bien que la mission se prépara,
en raison de son caractère pacifique, à aller camper ailleurs. Toutefois on résolut
d'attendre jusqu'au jour suivant pour remonter vers le Nord.
Le 28, dès la première heure, comme on se disposait à exécuter ce mouvement,
une bande de 1,200 indigènes, recrutés dans la région eéd'In-Salah », vint atta-
quer brusquement la mission.
Le plus grand nombre était fourni par les Oulad ba Hammou, une des plus
importantes parmi les tribus indigènes qui, à In-Salah et sur les territoires
environnants, constituent les principales forces du sof antifrançais.
A leur lêle était El Hadj El Mahdi Badjouda le chef de la famille des Oulad 1
Badjouda dont l'autorité s'étend sur tous les Oulad ba Hammou.
Le combat fut acharné, il dura jusqu'à dix heures du matin et finit par tourner
à notre avantage sans trop de pertes.
Une cinquantaine des assaillants avaient été tués ou blessés et ils laissaient
entre nos mains 64 prisonniers, parmi lesquels était El Hadj El Mahdi Badjouda,
lui-même mortellement blessé.
A la nouvelle du combat, le Capitaine Germain accourul avec ses quatre-vingts
spahis sahariens. Malgré toute sa diligence, il ne parvint à rejoindre la mission
qu'à2 heures de l'après-midi.
Son arrivée permit au Capitaine Pein de se porter en avant et de poursuivre
les assaillants. Il atteignit ainsi Ksar-el-Kebir dont les habitants affolés vinrent
implorer sa pitié.
Quelques heures après, le Capitaine Germain et la mission tout entière le
rejoignaient. Tous s'installaient alors dans la Kasba Badjouda où ils se retran-
chaient.
Pendant ce temps, le parti vaincu se retirait dans la direction d'In-Rhar.
Le Capitaine Pein se tenait au courant de ses mouvements et surveillait les
environs par de fréquentes patrouilles.
Le 5 janvier, au matin, un fort groupe hostile était signalé dans la direction
du Nord-Ouest. C'étaient les agresseurs ced'Iguesten » qui avaient réussi à se
reconstituer avec des renforts reçus eed'In-Rhar » et de l'Aoulef.
74 REVUE DE L'ISLAM

Les Capitaines Germain et Pein sortirent au-devant d'eux avec 192 combat-
tants.
Le Capitaine Pein embusqué derrière les murs des jardins de ceDeghamcha »
(un des Ksour du groupe d'In-Salah) attendit l'attaque, tandis que le Capitaine
Germain évoluait sur les flancs.
Le combat, commencé vers 9 heures par des feux de tirailleurs, se dessinait
une heure après par une vigoureuse offensive des spahis et du goum qui désor-
ganisaient les assaillants par des feux de salve et les poursuivaient en leur fai-
sant perdre 150 tués, 200 blessés, 14 prisonniers, une centaine de mehara, un
drapeau. L'escorte a eu un spahi tué, deux spahis et deux goumiers blessés.
Le lendemain, la partie de la population d'In-Salah qui se tenait encore sur
la réserve et attendait les événements faisait sa soumission.
Le combat d'Iguesten, livré le 28 décembre, n'a été connu à Alger que le
6 janvier.
Dès le 7, un premier renfort de goum était expédié avec des munitions. Il a
dû arriver à destination le 13.
Il a été suivi de près par le Commandant Baumgarten, Commandant supé-
rieur d'El-Goléa, amenant de nouveaux et puissants renforts.
Enfui une colonne en formation à El-Goléa doit se porter à In-Salah dès
qu'elle sera organisée, c'est-à-dire très incessamment.
Une ligne télégraphique va être installée eed'El-Goléa » à Fort Miribel, avec
les crédits disponibles. Elle sera prolongée jusqu'à eeIn-Salah » aussitôt que les'
fonds le permettront.

Actes de la Mission (!).

Partie d'Ouargla le 26 novembre, elle suivit le premier itinéraire de la mis-


sion Flatlers, passa le 11 à Hassi-Inifel. le 15 à Hassi-In-Sokki, s'élevait ainsi
jusqu'aux plus hautes terrasses du plateau du Tademaït et descendait dans la
dépression qui le sépare du Mouydir. Le 26 décembre, elle arrivait à Foggaret-
ez-Zoua où elle fut accueillie assez pacifiquement par les indigènes, inféodés
aux Ouled-Sidi-Cheik. Le 27, elle était à Ingosten; dès ce moment, à certains
symptômes, la mission s'aperçut de l'hostilité latente des habitants et le soir
môme, par un ingénieux système de fusées multicolores, avertit le capitaine
Germain et les spahis sahariens, éloignés d'une quarantaine de kilomètres, que
la mission se trouvait en danger; le moyen réussit à merveille, non pas en pré-
cipitant le ralliement de la petite colonne d'appui mais en retardant l'attaque
des Arabes. Elle ne se produisit que le lendemain 28 au matin. 1.300 indigènes
assaillirent les 140 hommes de la mission.
Grâce à la prudence et à l'habileté du capitaine Pein, grâce à l'audace du
Naïb d'Ouargla, grâce aussi à la supériorité de nos armes et à la discipline de
nos soldats, les assauts répétés de l'ennemi vinrent se briser contre les pre-

(1) Résuméde la conférenco


do M.Flamand.
REVUE DE L'ISLAM 75

miers rangs français; la lutte, très vive, pendant dix minutes, tourna vite à
notre avantage et se termina par la défaite lamentable des Arabes. 75 morts
gisaient sur le sable, parmi lesquels les deux fils d'Abd el Selam, chef des Ouled-
Moktar ; la famille entière des Badjouda étaitdétruite. En outre, 70prisonniers, dont
une vingtaine de grands chefs, restèrent entre nos mains. Enfin tout le convoi de
l'ennemi, ses chameaux, et quantité de sacs vides dans lesquels cette troupe
pillarde comptait entasser et emporter les richesses de la mission. — Dans ce
premier combat d'Ingosten, on n'eut à déplorer du côté français que la mort
d'un seul homme tué ; un autre, le fils du caïd de Touggourt, blessé mortelle-
ment, mourut quelques jours après ; enfin 7 blessés mais peu grièvement furent
relevés.
Le combat avait pris fin à 10 heures. In-Salah n'était qu'à 18 kilomètres.
Néanmoins on résolut d'attendre les renforts amenés par le capitaine Germain,
renforts qui ne devaient pas larder à rejoindre la colonne; ils arrivèrent à
2 heures de l'après-midi. La troupe, ainsi complétée, était en toute sécurité; le
capitaine Pein et M. Joly partirent pour In-Salah où ils arrivèrent à la tombée
de la nuit. Ils entrèrent en pourparlers avec les notables de Ksar-el-Kebir et,
s'élant assurés de leurs intentions pacifiques, ils rallièrent après minuit le gros
de nos forces.
Le lendemain quelques heures de marche suffirent pour amener toute la co-
lonne devant l'oasis ; elle fit une entrée triomphale dans la Kasbahdes Badjouda.
Précédée par les prisonniers de la veille qui étaient entourés par le goum du
naïb, escortée des Kebar ou notables de la ville, elle se groupa dans la Kasbah'
et là, en présence de toute la troupe, et tandis que les deux uniques trompettes
sonnaient au drapeau, M. le capitaine Pein déploya le drapeau français et le
planta fièrement comme signe de prise de possession de l'oasis par la France.
In-Salah, la forteresse et la clef du désert, était devenue terre française !
Pendant les premiers jours de l'occupation, on s'installa tant bien que mal,
plutôt mal, car la Kasbah des Ouled-Boussada était un logis peu commode et
une citadelle peu redoutable; les murs d'enceinte tombaient en ruines. Le 3, le
lieutenant Soudant, à la tête de quelques spahis, partit en reconnaissance et
poussa un raid audacieux jusque sous les murs d'In-Rhar à 45 kilomètres au
Sud-Ouest. Bien lui en prit, car il rencontra une troupe ennemie, forte de 1.500
hommes environ, qui s'avançait vers In-Salah pour reprendre aux Français la
citadelle et venger sa défaite d'Ingosten. Tournant bride immédiatement, il
revint avertir les noires : quelques préparatifs furent faits à la hâte, la Kasbah
des Ouled-Boussada fut abandonnée elon se transporta dans celle des Bajouda,
dont les murs crénelés et les tourelles fortifiées pouvaient être plus facilement
défendus. La journée du 4 avait été entièrement prise par ces mesures de pru-
dence. Le 5, les spahis se portèrent à la rencontre des bandes, dont l'approche
était signalée du côté de Deghamcha, petit Ksar situé au Sud. Les arabes avaient
choisi de préférence ce terrain, parce qu'il était tout parsemé de bouches
de puits et d'ouvertures de galeries où il leur était facile de se mettre à
l'abri de nos balles. Cependant les spahis sahariens el les goumiers prirent
76 REVUE DE L'ISLAM

l'offensive, ils infligèrent à mille mètres des pertes cruelles à ces bandes qui,
effrayées de la portée de nos armes et décimées à chaque instant par des salves,
prirent enfin la fuite, non sans avoir opposé une énergique et opiniâtre résis-
tance. La victoire de Deghamcha avait été aussi complète, aussi écrasante que
celle d'Ingosten ; elle fut aussi meurtrière pour les Arabes et aussi peu pour
nous. De notre côté un spahi soudanais tué et six hommes blessés. Pendant le
second combat, MM, Flamand et Joly et quelques-uns des hommes restés à In-
Salah contenaient les habitants du Ksar dont l'altitude était encore hostile. Un
tel succès amena toutefois une prudente transformation dans les sentiments des
habitants à notre égard et s'ils se tinrent pendant quelque temps encore sur
une réserve politique, ils furent réellement conquis, quand les troupes de ren-
fort, conduites par le commandant Baumgarten. vinrent renforcer la petite gar-
nison. De ce jour, 13 janvier, les magasins s'ouvrirent, les esprits se tranquilli-
sèrent et les relations entre les indigènes et nos troupes devinrent moins ten-
dues. Ce n'était pas encore la pacification des esprits, c'était du moins une
crainte prudente, commencement de la sagesse pour ces peuplades remuantes
qui nous estimeront d'autant plus que nous serons plus forts.
(A suivre.) J. J.

L'AKGLETERRE AU SOUDAK

RECITD UNTEMOIN.
M. Thruston, frère de l'ancien major de ce nom qui fut tué par ses troupes
au Soudan publie, chez l'éditeur Murray, d'après les notes laissées par l'ancien
major, un très intéressant ouvrage intitulé African Incidents.
Qu'il nous soit permis, avant d'entrer dans l'analyse de cet ouvrage, de rendre
hommage à la loyauté de ce soldat qui, mettant de côté celte espèce de pudeur
nationale qui consiste, chez nos voisins, à cacher le plus possible les fautes et
les lâchetés commises, se propose à son retour de saisir l'opinion publique des
atrocités perpétrées au Soudan par des officiers anglais.
Ce livre nous entretient des incidents qui accompagnèrent la conquête du
royaume de l'Unyoro et de la révolte des Soudanais de l'Ouganda. Le tableau
qu'il nous fait des résultats auxquels les Anglais sont arrivés au Soudan n'est
pas encourageant pour eux.
Le major Thruston reçut d'abord l'ordre d'envahir l'Unyoro, ce qui consti-
tuait un raid non autorisé par le gouvernement anglais. 11explique avec une
complète franchise, — et c'est là ce qui donne un si grand intérêt à son oeuvre
— que les habitants de l'Ouganda sont toujours enchantés de faire la guerre aux
habitants de l'Unyoro, car c'est là une source de richesses et une occasion de
regarnir leurs harems. Aussi, pour les entretenir dans ces bonnes dispositions,
REVUE DE L'ISLAM

le major Owen (le supérieur de Thruston), à la tète de 20,000 hommes de l'Ou-


ganda se jeta sur l'Unyoro, et, grâce à ses canons Maxim et à la discipline an-
glaise porta la dévastation dans tout ce territoire.
Ce même major Owen voulant déloger des environs deOuadelaï une troupe de
10,000 sujets révoltés contre l'Emin, envoya Thruston avec ordre d'amener ces
gens dans l'Ouganda. 7,000 personnes — femmes et enfants surtout —périrent
en route, Thruston se traite d'ailleurs lui-môme de cecapitaine de Bashi-Bouzouks »
et de eevoleur d'ivoire ». Il nous fait observer que, sous le gouvernement de
Kabarega (qui est encore vivant), ce pays était assez convenablement gouverné
et que les Anglais, en y semant la mort, cen'avaient aucune excuse, car il ne
ce s'agissait pas là, comme en Amérique ou en Australie, de substituer des races
ce supérieures à des races inférieures. »
L'auteur, à la fin de son travail, nous rapporte les paroles d'un officier an-
glais, et elles ont un grand intérôt d'actualité, car ce lord possède acluellemen
un très haut commandement dans l'Afrique du Sud :
ceJe préférerais de beaucoup, disait-il, être un habitant d'Omdurman sous
l'autorité derviche, qu'un Matabélé sous l'autorité anglaise, qu'un Malgache
sous l'autorité française, ou un nègre de l'Afrique orientale sous l'autorité alle-
mande ».
Cette oeuvre, faite seulement avec des documents, avec des récits de faits
dont l'auteur a été le témoin, a produit une grande impression en Angleterre.
Les journaux lui consacrent des articles. Ces scandales, dont on ne parlait qu'à
mots couverts, sont donc maintenant rendus publics et vivement commentés.
LUCIENMOREL,

REVUE GÉNÉRALE

Avril.

Algérie. — Le 19 mars a eu lieu l'occupation des oasis d'In-Rhar, à la suite


d'un violent combat. M. le lieutenant-colonel d'Eu a remporté une victoire écla-
tante sur les dissidents des oasis que nous venons d'occuper ces temps derniers,
commandés par Ben-Maïni qui passe pour pacha marocain de Timmi-el-Drin et
gouverneur du Touat.
Des 2.500 à 3.000 hommes que notre ennemi avait sous ses ordres, 600 ont
été tués, 450 prisonniers dont le pacha lui-même et plusieurs centaines de
blessés, tandis que nos troupes avaient 9 tués et une quarantaine de blessés.
A la suite de ce combat une colonne est partie pour les oasis d'Akalli et de
Aoulef dont on a reçu la soumission.
Tous ces centres forment avec In-Salah qui est à l'Est le Tidikelt.
•78 REVUE DE L'ISLAM

La colonne du lieutenant-colonel est rentrée à In-Salah et va revenir à El-Golea


tout en laissant derrière elle des garnisons dans les Ksours importants.

— Une assez forte expédition s'est réunie à El Golea et est partie le 25 avril
pour Timmimoun et le Gourara.
— La colonne qui opère sur la frontière marocaine, a occupé Igli, comme
nous l'avons annoncé, mais elle a été très éprouvée par la sécheresse et elle a
perdu une grande partie de ses chameaux.
Un convoi est parti le 26 de Djenan-el-Dar au Sud-Ouest de Duveyrier pour
ravitailler celle colonne.
— Le 15 avril est mort en Algérie l'émir Hachem fils d'Abd-el-Kader.
Nous avions réussi à nous en faire un véritable ami, qui avait su empêcher
son frère aîné Mustapha de profiter de notre faiblesse en 1870 pour faire éclater
une révolution en Algérie.
Il laisse deux fils, tous deux sont dans notre armée l'aîné; sort de Saint-Cyr.

Soudan Occidental. — Les dernières nouvelles parvenues du Congo annoncent


que le lieutenant Meynier de la mission Joalland vient d'atteindre à la fin de
janvier le fort Archambault sur le Chari, où il a pris contact avec les forces pla-
cées sous la direclion.de M. Gentil.
Le lieutenant Meynier était envoyé par le capitaine Joalland, qui de Zinder,
s'élait avancé vers le Tchad par le Kanem où il a conclu un traité au nom de la
France; puis avait contourné le lac Tchad et était arrivé àGoulfei qu'il occupait
depuis le 9 décembre.
— Des nouvelles parvenues de Zinder confirment cette marche et annoncent
qu'à la date du 15 janvier la mission Foureau-Lamy était à Amadougou à deux
jours du Tchad après avoir aidé le sultan de Kouka à reprendre son ancienne
autorité; Rabah qui est en fuite a évacué Dikoa son centre d'action.
— M. Mercuri, membre de la mission commerciale de Béhagle annonce son
retour en France, ainsi que M. de Méziôres.
Il confirme que M. Ferdinand de Béhagle serait réellement prisonnier de
Rabah.

Soudan Oriental. — D'assez grandes difficultés ont surgi pour les Abyssins
dans l'Ougaden. Le cheik arabe Mohammed ben Abdallah qui se fait passer
pour mahdi, avait envahi l'Ougaden. Une bataille a été livrée, le 19 mars h
Digdiga.
Le grasmatch Benti, gouverneur du Harrar a été vainqueur des mahométans
qui ont perdu trois mille hommes.
Ménélick a envoyé immédiatement des renforts, mais le calme s'est rétabli
dans ces régions.

Tripolilaine. — Le sultan a donné à un officier supérieur allemand la mission


REVUE DE L'ISLAM 79

de diriger les travaux des fortifications à élever pour la défense de la Tripoli-


taine, surtout en vue d'une agression italienne.

Turquie. —La question de l'augmentation des droits de douane a continué à


être agitée. Le 5 avril la Porte répondant à la note des ambassades, fait appel à
l'équité des puissances pour permettre à la Turquie de remédier à l'état des
finances par une faible majoration.
Le 19 par une nouvelle circulaire, elle insiste pour appliquer à dater du
14 mai, la majoration des droits dédouane sans vouloir préalablement négocier-
avec les puissances.
Les ambassadeurs ont remis une nouvelle note collective, déclarant que si la
mesure est appliquée, le gouvernement ottoman sera tenu seul responsable des
conséquences d'un pareil procédé.
Ils ont cependant procédé à un échange de vues au sujet des conditions aux-
quelles ils consentiront à l'accroissement projeté des droits do douane. On croit
qu'avant d'entamer formellement des négociations les ambassades prieront la
Porte d'abolir différentes mesures mises en vigueur contrairement aux traités
existants.
En réponse à la dernière note collective la Porte a remis le 29 une note décla-
rant que l'élévation de 3 0/0 affectait plutôt la forme d'un projet que d'une dé-
cision. La Porte demande l'adhésion des puissances à ce projet.
Elle invite les ambassades à nommer des délégués pour conclure denouveaux
traités de commerce.
— Un grave conflit s'est élevé entre le gouvernement des Etats-Unis et celui
de la Porte.
A la suite des massacres des Arméniens il y a cinq ans, des sujets américains
avaient subi des pertes évaluées à environ 500.000 francs.
Le gouvernement ottoman avait pensé leur donner des compensations comme
aux nationaux des autres puissances et dans les mêmes conditions que celles-ci
sont disposées à accepter.
Mais le gouvernement des Etats-Unis ne voulant pas transiger, exigea le
paiement immédiat de l'indemnité. La Turquie espérait l'intervention des puis-
sances qui avaient accepté les compensations, et elle proposa au gouvernement
américain de faire la commande d'un croiseur dans le prix duquel serait englobée
l'indemnité réclamée.
Le gouvernement des Etats-Unis n'a pas accepté ce moyen détourné, et selon
toutes probabilités le gouvernement ottoman s'exécutera et paiera l'indemnité
qu'il reconnaît d'ailleurs légitime.
— Quatorze élèves de l'Ecole militaire de médecine ont été exilés à la suite
d'une récente rébellion.
— Le 27 on aa rrèté à Constantinopleune vingtaine déjeunes gensappartenant
à des familles ottomanes notables. On ne connaît pas les motifs de cette mesure.
— Ismaïl-Kemal-bey connu pour ses sympathies anglaises qui avait été
80 REVUE DE L'ISLAM

nommé récemment vali de Tripoli, poste équivalent à l'exil, s'est enfui avec ses
trois fils, malgré la surveillance de la police turque.
Il s'est rendu à bord de la canonnière anglaise Salamander et de là à bord du
Rubattino en partance pour l'Europe.
— De nombreux Arméniens du district de Van ont embrassé l'islamisme
pour
échapper aux persécutions.
— Le patriarche arménien a envoyé sa démission au
gouvernement turc
qui ne veut pas l'accepter. On croit cependant que ce dernier cédera.
— Le gouvernement ottoman envoie en Allemagne de nombreux officiers
pour y parfaire leurs études militaires.
— La Porte a remis au commencement d'avril une déclaration écrite à l'am-
bassade de Russie portant acceptation des demandes russes de concessions de
chemins de fer en Asie Mineure. On ne savait si l'ambassade se contenterait
de cette simple déclaration.
— Osman Pacha, le célèbre
vainqueur de Plewna, grand maréchal du palais,
est mort le 5 avril.
Perse. — On organise en ce moment une brigade de cosaques persans, compo-
sée de 200 officiers et 1.500 hommes d'infanterie sans compter la cavalerie et
l'artillerie. Ce sont des officiers russes, soumis aux ordres de l'état-major gé-
néral russe qui ont été chargés de ce soin.
— Mozaft'er-Eddin fera une cure à Contrexéville au lieu de la faire à Bourgeon
dans le Caucase. C'est de France que les souverains et chefs d'Etat seront offi-
ciellement avisés de la date de la visite du shah de Perse.
(A suivre). ANDRÉRICAUD.

BIBLIOGRAPHIE

FRANZTHONNER.— Dans la grande forêt de l'Afrique Centrale. Mon voyage


au Congo el à la Mongala.
Cet important ouvrage, traduit de l'allemand et qui contient 20 gravures,
87 planches hors texte et 3 cartes, est certainement l'un des plus beaux volumes
qui aient paru sur le Congo belge.
Edité avec un luxe élégant par la Société belge de librairie, à Bruxelles, il
donne une foule de renseignements inédits sur la région de la Mongala.

BÊGOUEN.— Notes sur la Tunisie (Gadrat, à Foix).


A. LE CHATELIER.— L'Islam dans l'Afrique occidentale (Steinheil).
RENÉBASSET.— Histoire de la conquête de l'Abyssinie xvi« siècle, par Chichad-
ed-Din Ahmed ben Abd-el-Kader (Leroux).
HENRYDRAPIER.— La condition sociale des Indigènes algériens (A. Rousseau).
N° 55. Juin 1900.

L'ÏSLAM-. L'ÏSLAM- EKCORE L'ÏSLAM ..

Sous ces titres, M. Gabriel Hanolaux à consacré récemment dans le Journal


une série d'articles à l'étude de la position actuelle de la France vis-à-vis de
l'Islam.
Il est superflu de dire que ces articles méritent toute l'attention du public; la
personnalité de l'auteur, les circonstances présentes, la grande clientèle du
journal qui les répand, leur donnent une importance particulière.
L'on ne peut que se féliciter de voir un homme tel que M. Hanotaux s'atta-
quer résolument, lui aussi, à l'élude de la cequestion islamique ». Car il y a une
question islamique, et il faudra bien qu'elle reçoive un jour ou l'autre une
solution quelconque. Or, c'est précisément de trouver à cette question la meil-
leure solution possible que s'occupe M. Hanotaux.
M. Hanolaux a, sur l'état aclueldes esprits dans l'Islam, des idées en général
justes bien qu'il use ça et là pour le dépeindre de couleurs un peu forcées. Il y
aurait des réserves à faire cependant sur quelques points de son élude : par
exemple, sur la ferveur musulmane dont il croit animés les jeunes gentlemen
ottomans eequi suivent, à Berlin, les cours de l'Université et à Paris ceux de
l'Ecole des Sciences Politiques », aussi bien que la plupart des fonctionnaires
turcs cevêtus de la Stambouline ».
Je ne crois pas, pour ma part, que ces jeunes messieurs tout en étant à vrai-
dire plus croyants que ceux de notre société, soient en général hypnotisés par
le mirage de La Mecque.
Je ne crois pas non plus que le monde islamique tout entier soit prêta se lever
à l'appel de eeCelui qui doit venir du côté de l'Orient, monté sur une ânesse à
la crinière longue et épaisse ». De récents el frappants exemples nous ont appris
que les ceMaîtres de l'Heure » quand ils apparaissent, ne sont guère entendus
que de ceux qui ont, de commun avec eux, des intérêts matériels immédiats.
Entre les peuples du Soudan oriental et ceux de l'Afrique centrale il y avait
plus d'affinités, plus d'aspirations, de liens et de sentiments communs, qu'entre
le Marocain et le Syrien, qu'entre l'Algérien et le Turc. Cependant le Senoussi
n'a pas tendu la main au Mahdi, et il a laissé les Anglais reconquérir Omdur-
man. Rabah, le Senoussi, les sultans indépendants de l'Afrique centrale et les
chefs des tribus du désert ont vis-à-vis de la civilisation chrétienne les mômes
intérêts; ils peuveut nourrir l'un contre l'autre des rancunes, avoir chacun
l'ambition secrète de dominer sur les autres; mais une préoccupation doit leur
être commune : celle de fermer leur pays à l'infidèle. El cependant le Senoussi,
les chefs de tribus, ont laissé les blancs écraser Rabah, qui du reste avait pour
ennemis tous les sultans, voisins ses coreligionnaires.
L'on pourrait multiplier ces exemples à l'infini. Depuis les croisades, l'Islam
n'a jamais réalisé effectivement contre le inonde chrétien que des groupements
82 REVUE DE L ISLAM

partiels, et en somme peu durables. Le soulèvement universel de l'Islam contre


la chrétienté est pratiquement irréalisable; et il ne sera.possible que dans un
temps où personne, dans le monde musulman, ne désirera plus le réaliser.
Cependant il faut convenir que, môme partiels, des soulèvements de musul-
mans pourraient être redoutables pour nous ; qu'ils nous créeraient au moins de
très grands embarras dans notre domaine africain.
Cela seul suffirait pour justifier les inquiétudes dont M. Hanolaux vient de se
faire l'interprète, et pour nécessiter une étude approfondie de l'état actuel de
l'Islam — si cette étude n'était déjà faite.
M. Hanotaux se place d'ailleurs à un point de vue plus élevé, pkis généreux,
que ceux chez qui le nom de musulmans n'évoque pas autre chose que des idées
d'attaque, de défense et de haine. On pourrait, me semble-t-il, résumer ainsi
les trois articles de M. Hanolaux : En Afrique, nous sommes entrés profondé-
ment, par la conquête, dans la vie de l'Islam : la majeure partie de l'Afrique
musulmane nous appartient (au moins en droit). L'Islam vaincu subit notre
joug; mais dans la plupart des pays soumis par la force il le subit impatiem-
ment.
La situation, entre,nous et le monde musulman, est toujours pleine de
menaces. Cependant, nous connaissons fort mal l'Islam, qui, de son côté, ne
nous connaît pas mieux.
Il s'agit donc d'étudier .à fond ce monde de l'Islam, afin de trouver entre lui
et nous un terrain d'entente; un modus vivendi dans l'application duquel consis-
terait le règlement pacifique de la ce question islamique, » car il enlèverait aux
musulmans non seulement toute raison, mais encore tout désir de se révolter
contre le conquérant. Avant d'aller plus loin, je détacherai quelques lignes du
dernier article de M. Hanotaux : eeII ne m'esl pas indifférent — dit-il — d'avoir
motivé, en terre chrétienne comme en terre musulmane, un mouvement d'opi-
nion qui, s'il suit la pente naturelle des choses commencées de bonne foi,
aurait plutôt pour effet de rapprocher el de réunir que de séparer et de diviser. »
Si M. Hanotaux croit que ce sont ses seuls articles qui ont motivé ce cemou-
vement d'opinion », il se trompe. Ce mouvement existait, bien avant que
l'éminent publiciste n'ait mis la main sur la question. Bien avant M. Hanotaux
d'autres ont fait, dans le même but que lui, appel à la générosité, au bon sens,
voire au patriotisme des hommes de bonne volonté: épris de celte Idée peut-
être ulopique, ils se sont consacrés à la répandre et cela, quelquefois, avec un
dévouement plus méritoire que le sien.
J'ajouterai même que si l'appel de ceux-là n'a pas galvanisé les masses, il a
du moins été entendu de nombre de bons esprits.
Mais revenons à la question elle-même.
A cette question, il est inutile de donner un cadre qu'elle ne comporte pas.
Quand on parle de l'Islam, chez nous, c'est à l'Algérie que l'on pense. En effet,
c'est seulement en Algérie que l'Islam se dresse en face du conquérant avec un
air, sinon toujours menaçant, du moins parfois inquiétant.
Dans l'Afrique noire en général, dans celte Afrique qui hier encore était
REVUE DE L'ISLAM 83

fétichiste, l'esprit de l'Islam n'est pas enraciné assez profondément pour que
nous devions en redouter sérieusement les effets. Nous trouvons là, surtout, les
peuples qui défendent contre le conquérant leurs territoires; contre les concur-
rents, leurs monopoles commerciaux de fait : ce qu'ils défendent contre le
chrétien, ils le défendaient de môme contre d'autres musulmans.
La guerre qu'ils nous font n'a rien de commun avec la guerre sémite, il y a
certainement des fanatiques parmi eux, comme il y en a parmi nous; mais
parmi eux personne encore n'attend avec impatience un maître de l'heure.
Un soulèvement musulman parti d'Algérie pourrait s'étendre à l'Afrique
noire : il est douteux qu'un pareil mouvement, né sur le Sénégal ou le Niger,
entraîne les populations du Nord. D'ailleurs c'est du Nord qu'a rayonné l'islami-
sation : c'est du Nord que part ce fameux mot d'ordre qui — dit-on — circule
sans trêve dans le inonde musulman ; c'est donc du Nord, c'est-à-dire de l'Al-
gérie, que devront partir les paroles de paix, les encouragements à la concilia-
tion et à la concorde.
Ne parlons pas pour le moment de La Mecque ni de Stamboul ; Stamboul est
noble, mais elle est turque : La Mecque est sainte, mais elle est loin.
Quant à la Tunisie, M. Hanotaux n'y voit aucun symptôme alarmant : les
musulmans et les chrétiens y coexistent dans la paix et la cordialité ; c'est la
Bétique des possessions françaises. Enfin le Maroc est le laboratoire d'où peu-
vent sortir tous les explosifs ; malheureusement, nous ne pouvons aller y faire
la police : mais on sait que le Sultan, s'il y est khalife, n'y est souverain qu'à
l'état précaire, et il n'est pas assez puissant comme souverain, pour y être très
écouté comme khalife. En supposant que les Français envahissent un jour le
Maroc, chaque tribu se défendrait ou se soumettrait sans en référer au Maghzen :
'
mais là encore ce ne serait pas la guerre sainte que nous trouverions : ce serait
la guerre tout simplement, que nous feraient des gens jaloux — avec raison —
de leur indépendance.
C'est donc l'Algérie surtout qui pour le moment nécessite notre attention
comme elle mérite notre sollicitude.
M. Hanolaux voudrait que l'on procédai à une vaste enquête dans le but de
savoir quelle ligne de conduite le gouvernement comme les particuliers doivent
en fin de compte adopter à l'égard de l'Islam, non seulement en Algérie, mais
dans tout notre domaine africain. Pour ce qui n'est pas l'Algérie, ni la Tunisie,
je viens de dire mon humble avis : l'Islamisme n'y est pas brûlant. Pour l'Al-
.gérie, il me semble qu'il y a déjà eu pas mal d'enquêtes de faites. Toutes n'ont
pas eu en vue, certainement, l'objet spécial dont s'occupe M. Hanotaux : mais
toutes ont touché plus ou moins la question de nos relations avec la population
indigène, ainsi que la situation qui lui a été faite par suite de la conquête. Ou-
tre le résultat des diverses enquêtes officielles, il ne manque pas, Dieu merci,
de mémoires, d'articles de revues, de livres, etc. sur cette délicate matière. On
ne voit pas trop quel jour nouveau jetterait là-dessus une enquête nouvelle.
Il est vrai que celle que réclame M. Hanolaux ne ressemble pas tout à fait
aux autres : l'on y entendrait des musulmans. Mais encore faudrait-il ne pas se
84 REVUE DE L'ISLAM

borner à entendre seulement ceux qui appartiennent h l'administration ou


qui
en dépendent: l'avis de ceux-là, si droites que soient leurs intentions,
pourrait
se ressentir de la position qu'ils occupent.
Quoi qu'il en soit, tout ce que pourrait révéler une semblable enquête a été
dit : ce ne sont pas les lumières qui manquent, c'est la volonté de les mettre à
profit.
11est vrai que ee dans la question de nos relations avec l'Islam, le problème
religieux et le problème politique... sont étroitement unis ; » et c'est pourquoi
peut-être M. Hanotaux désirerait que l'on fit une nouvelle enquête, qui appro-
fondirait le eeproblème religieux » plus que ne l'ont fait les précédentes. Mais,
ne sait-on pas, de la religion et du droit musulman, dans la haute administra-
tion de l'Algérie, tout ce que l'on a besoin d'en savoir pour gouverner ce pays ?
Certainement si, et ce que l'on en sait serait même suffisant pour gouverner tout
le reste de l'Afrique française.
Ce n'est donc pas une nouvelle enquête, qui avancerait beaucoup la solution
du problème, surtout si ses résultats devaient rester, comme ceux de la plupart
des enquêtes, ignorés du grand public.
Il a été dit, dans cette modeste revue, beaucoup de choses excellentes sur
l'attitude que gardent beaucoup de fonctionnaires et un certain nombre de par-
ticuliers vis-à-vis des populations musulmanes. Je ne prendrai pas la peine de
les rééditer. Je crois pouvoir dire seulement que, dans la plupart des conflits
qui s'élèvent de temps à autre entre les occupants — fonctionnaires ou colons —
elles indigènes, si l'on cherchait bien, on trouverait que ces derniers n'ont pas
toujours eu les premiers torls.
Il y a des vices capitaux, certainement, dans l'organisation actuelle de l'Al-
gérie, quoiques certaines améliorations appréciables y aient été récemment ap-
portées : je n'ai pas la prétention de l'apprendre à M. Hanotaux qui d'ailleurs
dans ses articles a dit en fort bons termes quelque chose de semblable.
Bien que tout n'aille pas pour le mieux en Tunisie, entre la population indi-
gène et les Européens, les relations entre eux, le rôle de l'administratioa, la tâche
du gouvernement y sont cependant plus faciles qu'en Algérie : M. Hanolaux l'a
constaté el il a raison de le dire. Il est vrai qu'ici et là les conditions sont bien
différentes ; pour ne parler que de celles que crée, par exemple, l'esprit de la
population, il est bien connu que les populations de la Tunisie sont en général
plus maniables, plus douces, plus avancées en civilisation que celles de l'Algérie.
Est-ce à dire qu'il faille abolir de fond en comble le régime dont souffre l'A|gé- .
rie et, à sa place, en instituer un analogue à celui sous lequel la Tunisie est en
voie de prospérité?
Pourquoi pas?
Mais, le malaise que M. Hanotaux dénonce à son tour tient à d'autres causes,
sur lesquelles il m'est permis de parler plus longuement.
Cette méconnaissance les uns des autres, qui règne généralement, entre le colon
cl l'indigène, el qui contribue tant à maintenir leurs rapports dans un étal de
tension regrettable, personne ne cherche sérieusement à la faire cesser. A cet
REVUE DE LTSLAM 85

égard, avec nos idées plus libérales, notre instruction plus générale, notre
indifférence en matière religieuse, nous sommes beaucoup plus coupables que
les musulmans. L'administration, personne n'en cloute, est animée des meilleures
intentions : mais elle est, là comme ailleurs, prisonnière de ses traditions routi-
nières, et d'ailleurs gênée par les exigences d'une législation aussi peu en rap-
port que possible avec les besoins, le caractère et les moeurs de la population.
Quant aux particuliers, ils sont trop souvent disposés à ne voir dans tout indigène
qu'un ennemi naturel, et à régler en conséquence leurs rapports avec lui. Ils ne
se rappellent pas assez en général que, en tout pays conquis où ils s'établissent,
ils représentent la France et que, à ce titre, ils ont individuellement le devoir
de concourir, de fait et d'intention, à l'oeuvre pacificatrice, conciliatrice et
humanitaire que la France prétend accomplir partout où elle domine.
Et cela leur serait singulièrement plus facile si, en venant s'établir dans telle
ou telle colonie, ils possédaient à l'a. ance quelques notions justes sur les popu-
lations qu'ils y trouveront : sur les origines, les traditions, les moeurs et la
religion de gens en face desquels ils sont appelés à vivre et dont en somme c'est
l'héritage, qu'ils viennent cultiver à leur profit. Au lieu de cela, il est trop cer-
tain que la plupart des Européens ignorent tout (y compris la langue) de la
société musulmane, pour ne parler que de celle-là, et qu'ils ne cherchent à en
apprendre que ce qui est nécessaire pour l'exploiter. De là, dès le début des rela-
tions particulières dès l'origine de nos conquêtes, des froissements, des conflits
sans nombre qui, en se généralisant, prennent le caractère ou l'aspect d'une
querelle de race. Au fond de ce qu'on appelle le panislamisme, dans nos pos-
sessions, il n'y a peut être pas autre chose que cela.
11est certain que l'indigène de son côté viendrait plus franchement à nous
s'il nous connaissait mieux, ou plutôt s'il connaissait de nous autre chose que nos
mauvais côtés. Mais l'indigè.ne nous connaît peu; non seulement il ignore en
général les qualités que notre race pourrait si utilement mettre en oeuvre dans
ses rapports avec lui, mais encore il ne se rend nullement compte, c'est fort
probable, de la puissance réelle de notre nation Car, s'il la comprenait bien, il
comprendrait du môme coup que, quelles que soient ses qualités guerrières et
le ressort, de sa propre race, ses révoltes finiront toujours par ôtre domptées
et par tourner contre lui.
S'il est donc très nécessaire de modifier chez nous, l'esprit public — et peut
être l'éducation nationale— en vue de l'expansion, au dehors, de noire race, il
serait non moins utile de travailler à instruire les musulmans (pour ne parler
que de ceux-là) de ce que nous sommes en réalité : de ce dont nous sommes
capables, même pour leur bien. En d'autres termes, il faut refaire l'esprit des
populations musulmanes,'au moins dans le mesure où cela peut être fait. Mais
ce n'est pas à l'aide des moyens seulement administratifs que l'on réalisera
dans le monde de l'Islam une réforme quelconque : de cela, la preuve est faite
surabondamment. La persuasion est le seul instrument à mcllre en oeuvre, cl
encore doit-il ôtre employé d'une certaine manière. Un de nos collaborateurs,
M. Napoléon Ney, a récemment fait, au Congrès des Sociétés de Géographie,
86 REVUE DE L'ISLAM

à Alger, une communication sur ce sujet, communication que nous avons


donnée-dans la Revue de l'Islam (nos 50-51. La France el l'Islam). Le projet que
préconise M. Ney est fort sage : sa mise en exécution, du reste, n'est pas incom-
patible avec la mise en oeuvre simultanée de moyens analogues.
Ces autres moyens, on en pourrait indiquer beaucoup, sans retomber dans le
vaste et aride cercle des enquêtes — surtout des enquêtes officielles. — Nous en
exposerons quelques-uns ici, à moins que M. Hanolaux d'ici là n'en indique d'ef-
ficaces ; il a tout ce qu'il faut pour conseiller, dans le débat toujours ouvert de
la complexe eequestion islamique »; et les avis qu'il donnerait seraient reçus
par tous avec reconnaissance.
(A suivre.) GASTON DUJARIUC.

LES FRAHçAls A M-SALAH

Après avoir rappelé les événements désormais historiques de celle glorieuse


conquête, où une poignée d'hommes, attaquée par des bandes dix fois plus
nombreuses, leur a infligé deux défaites retentissantes, M. Flamand s'étend sur
les caractères géographiques, économiques, ethnographiques de cet archipel
louatien qui constitue l'Hinlerland de l'Algérie et devait tôt ou tard tomber
entre nos mains pour assurer la continuité de noire empire africain.
Il nous présente d'abord une description physique, souvent pittoresque de
cette région. On comprend généralement sous le nom de Touat l'ensemble des
trois grands groupes d'oasis dont l'un le Tidikelt, le plus méridional des trois,
se développe de l'Est à l'Ouest, un peu obliquement vers le Sud, dans la série
des plaines qui s'étalent entre le Tademaït el les plateaux du Mouydir, et dont
les deux autres le Touat à l'Ouest et le Gourara au Nord-Ouest contournent le
massif du Tademaït et forment le centre à l'extrémité d'un immense croissant.
Dans le Tidikelt, au pied des gigantesques murs des promontoires el comme si
elles les prolongeaient, de longues dunes de sable, orientées suivant des lignes
méridiennes, divisent celte région en plusieurs groupements secondaires d'oasis,
dont les principaux sont, Foggarel-ez-Zoua, Ingoslen, In-Salah, In-Rhar, Til,
Aoulef, Akabli. Partout les paysages ont la môme coloration : ceIci l'on est dans
un pays aux tendres couleurs amarante; les rouges doux s'y marient aux vio-
lets, aux ponceaux, aux mauves el aux lilas dans un ensemble de teinte, dou-
cement fatiguées, d'un charme moderne incomparable. Il semble que la nature
s'y soit inspirée de modernisme. »
N'était celle couleur amarante, ln-Salah avec ses tours crénelées aurait un
aspect redoutable de forteresse du mnyen âge. C'est cependant à en juger par
certains délails une ville moderne et 1res moderne. Si l'on entre dans ses rues,
on est immédiatement frappé par leur propreté extraordinaire. Qui l'aurait cru?
REVUE DE L'ISLAM 87

Dans une ville arabe, en plein désert, on rencontre même de petits édicules pour
satisfaire aux besoins de première nécessité. Faut-il ajouter que les habitants
très pratiques de ces oasis n'onteu garde de ne pas profiter des engrais humains
qui s'y amassent? Les maisons, aux portes basses, ressemblent aux construc-
tions arabes de l'Algérie; elles s'en distinguent cependant par des incrustations
en ossements de gazelle et de boeuf, placées au-dessus des portes, sans doute
pour conjurer le mauvais sort.
Dans cette description de l'oasis, le géologue ne laisse pas de reprendre ses
droits. M. Flamand est géologue de tempérament et d'éducation. Ce qui l'inté-
resse avant tout, c'est la nature des roches, la formation des dunes, la disposi-
tion des couches de terrains qui facilitent le creusement des feggaguir. On n'a
pas consacré des années à des études géologiques sans que l'esprit consciem-
ment ou inconsciemment ne s'attache plutôt à des observations de cet ordre. Et
le géologue nous parle de ces cebaies profondes qui découpent brusquement en
falaises ses strates gréseuses, de couleur rouge lie de vin et amarante, formant
le socle de la Chebka du Tademaït » — de la eeRaba, constituée par une série
de petites plaines et de dépressions à sous-sol argilo-gréseux rutilant, recouvert
par un manteau de sable de peu d'épaisseur » — de ceces terrains argileux qui,
dans la suite des temps, ont retenu les sables et donné naissance à des accu-
mulations de dunes, dont la direction générale Nord-Sud est toujours fonction
du modèle sous-jacent ». C'est aussi le géologue qui nous découvre l'existence
de roches primitives granitiques dans le Sahara, et celle d'anticlinaux gréseux
très relevés. Mais la partie la plus curieuse de ses observations, celle du moins
qui intéresse particulièrement dans une oasis saharienne, c'est la recherche,
l'adduction et la répartition de l'eau. M. Flamand a renouvelé en partie les
connaissances que l'on possédait sur ce sujet. L'eau est amenée dans les oasis
à l'aide de feggaguir. Jusqu'ici, on se figurait ces feggaguir comme des puits à
galeries; ce sont au contraire cede très longues galeries de captation d'eau,
comprenant souvent un grand nombre de digilations, où les puits ne jouent
d'autre rôle que celui de permettre l'évacuation des matériaux de creusement ou
d'éboulemenl ». Ces galeries sont forées à un niveau argileux qui relient les
eaux : elles ont une longueur considérable, quelquefois plusieurs kilomètres ;
leur orifice n'est situé qu'à une faible hauteur au-dessus des jardins à irriguer
et l'eau qu'elle donne est courante, limpide, abondante, d'une température de
27°, très bonne pour l'alimentation. Toutes ces feggaguir, du moins dans la
région parcourue par l'explorateur, ont une direction unique, Est-Ouest, per-
pendiculaire à celle des dunes et des oasis. Quant au mode d'irrigation et de
distribution des eaux, il est réglé avec le plus grand soin comme dans lotis les
pays où la moindre goutte d'eau est utilisée et appréciée.

La grande richesse agricole de ces régions consiste dans les dattes. Tout le
long des oasis, s'étend un long ruban verl de palmeraies, qui tranche singuliè-
rement sur le jaune fauve des dunes environnantes. Les palmiers, plantés à
REVUE DE L'ISLAM

5 ou 6 mètres d'écarlement, sont l'objet de soins incessants. Au-dessous, crois-


sent des arbres fruitiers, spécialement le figuier, voire la vigne. Sous ce dôme
de verdure, du blé et plus particulièrement de l'orge ; souvent même des cultures
maraîchères, piments, oignons, navels, carottes d'une nature spéciale, qui
offrent cette particularité d'être rouges à l'intérieur et blanches à l'extérieur.
Ces légumes servent à l'alimentation quotidienne des indigènes ; ils en fabri-
quent également une sorte de julienne qu'ils conservent comprimée et dont
ils font, en cours de voyage et pendant la mauvaise saison, le fond de leur
repas.
Mais ce qui manque dans toute celte partie du Tidikelt, c'est l'herbe pour les
animaux. Dans la Raba que Gérard-Rohlfs avait trouvée couverte d'une herbe
abondante, il n'y a aucun pâturage. Ce fut précisément la nécessité de trouver
quelque nourriture pour ses chameaux déjà amaigris et mourant de faim, qui
obligea la mission à se diriger vers l'Ouest où on lui avait signalé d'abondants
pâturages. Dans l'In-Rhar, l'Aoulef et l'Akabli existe en effet une région de
végétation herbeuse, dont fatalement nous serons forcés de nous emparer pour
assurer l'alimentation des nombreux chameaux que traînent avec eux nos
convois. Ainsi cette première obligation où la mission a été de passer vers
l'Ouest l'a fait installer à In-Salah ; elle nous forcera à avancer plus à l'Oues'î.
encore, jusqu'à la Sebkha où viennents'amasser les eaux souterraines de l'oued
Saoura.
Toutefois la possession d'In-Salah et môme de tout le Tidikelt n'a pas pour
nous une valeur aussi grande comme centre de ravitaillement que comme
centre de commerce. Là, en effet, aboutissent les grandes roules commerciales
du Sahara occidental ; c'est à In-Salab que louchaient les caravanes venues soit
du Maroc et de la Tripolitaine, soil du Soudan. Chaque année, une longue
théorie de chameaux emportaient vers le Soudan les produits de l'oasis ou
ceux du Maroc et de la Tripolitaine ou môme ceux de l'Europe; chaque année,
en retour, une autre caravane venait déposer à In-Salah les marchandises du
Soudan. Point de départ et d'arrivée des produits échangés, placée à moitié
chemin de la Barbarie et du Continent Noir, celle oasis était l'étape obligée.
Non pas que la région fût assez riche pour fournir à tous les échanges, non pas
que les grandes familles lissent le commerce avec leurs propres produits, mais
les Badjouda des Ouled-Ba-lIammou, les Ouled-Abdessclam, des Ouled-Moklar
s'enrichissaient comme courtiers. In-Salah était ainsi un grand centre de rela-
tions commerciales où se traitaient de grosses affaires.
Il serait erroné de croire qu'il n'y a aucune industrie dans ces oasis. M. Fla-
mand a rapporté comme spécimens curieux de travail local de grands plais en
bois de gommier, incrustés d'élain. Ils remplacent les gtiessaa des Arabes, et
lorsqu'ils viennent à se rompre, ils sont soudés avec le môme élain sur lequel
les indigènes gravent des dessins linéaires cl pointillés d'un e.ïel très artis-
tique.
Quant aux principaux objets de commerce, étoffes, objets de fer el de cuivre,
ils sont importés du Maroc et pourraient èlre a» anlagcusenienl remplacés par des
REVUE DE L'ISLAM 89

produits de l'industrie française. Les Touaregs fournissent les moutons ademan,


les objets de mégisserie et même de quincaillerie.

In-Salah étant un grand centre de transit, sa population ne pouvait être que


très complexe; il y a, en effet, dans ces oasis tout un mélange de races, des
Arabes et des Berbères, des Touaregs et des Soudaniens, des Nègres et aussi
des Blancs.
Les femmes des Ouled-Moktar et des Ouled-Bahamou sont en général blan-
ches; parfois très belles, aux membres délicats, aux attaches fines, elles appar-
tiennent à une race noble, de type plutôt berbère. Ainsi que cela se pratique
dansquelques familles en Algérie et Tunisie, il est de mode de les engraisser au
moment du mariage avec du lait, du beurre, et des dattes. M. Flamand ajoute
qu'à ce régime elles atteignent rapidement un tel embonpoint que, si l'amour
venait à s'échapper de chez elles, elles ne pourraient le poursuivre à moins de
passer par les fenêtres, car elles ne sauraient passer par les portes trop étroites
de leurs maisons. Par des coiffures compliquées elles diposent sur la tète leurs
cheveux en tresses nombreuses et huileuses: beaucoup de bijoux : au cou, des
anneaux et des colliers, aux oreilles, des boucles ornées de bouts d'ambre, et
surtout de cornaline, de sardoine et de chrysoprase. A ce propos, il a été donné
à M. Flamand de remarquer ce fait curieux qui montre bien jusqu'où s'étend et
la hardiesse des Anglais dans leur commerce et la naïveté crédule de ces femmes
du désert : souvent de véritables pierres précieuses sont remplacées par une i
bijouterie de pacotille fabriquée avec un verre grossier fond de bouteille, objet
de ventes rémunératrices pour les trafiquants Anglais et de préférences injus-
tifiées par les coquettes d'In-Salah.
Les jeunes filles ne diffèrent des femmes dans leur toilette que par leurs
colliers de perles et surtout par la coutume de garder l'épaule gauche nue, tandis
que les femmes mariées se couvrent toujours les deux épaules.
Les hommes Badjouda ont grand air : on sent en eux de véritables chefs,
habitués à commander et à être obéis. Autour de la tête nue, ils portent le tur-
ban. Quand ils mettent la chéchia, c'est signe de guerre et de victoire.
Le bleu domine clans leur costume, un bleu spécial qui leur vient du pays
des Touaregs et qui déteint. Aussi chez ces indigènes peu accoutumés à se
laver, la teinte du vêtement a envahi la figure et probablement le corps entier.
El ils tiennent à cette couleur, partant à cette propriété qu'ont leurs habits de
déteindre. Un d'eux se plaignait de ce que l'arrivée de la colonne à In-Salah ait
empêché les Touaregs d'approvisionner de cette matière colorante l'oasis, et
quand on lui dit que les Français pourraient en fournir aux industriels et com-
merçants, il répondit : ceOui, mais il ne déteint pas. » Le bleu qui déteint est
un peu l'idéal esthétiqne des Touatiens.
Quant aux moeurs des femmes, il est difficile de les connaître exactement.
Elles restôrenl cachées à tous les regards, pendant les premiers jours; elles
ne se montrèrent que plus lard. Les Kebars avaient donné avis aux
90 REVUE DE L'ISLAM

hommes de la mission de ne pas passer dans certains quartiers où s'étaient


enfermées les veuves dont les maris étaient tombés au cours du combat d'Ingos-
ten. Moins farouches, les femmes harratines paraissent aussi être de moeurs
plus douces, plus sociables mais beaucoup plus relâchées : elles emplirent le
camp, offrirent leurs services, qui comme cuisinières, qui comme lavandières,
qui comme dames de compagnie.

M. Flamand termine en racontant comment s'est effectué son retour. Pour


compléter ses recherches scientifiques, il suivit un nouvel itinéraire par El-
Goléa, Ghardaïa, Laghouat, celui même qu'on avait préconisé comme devant
être la voie future du Transsaharien d'Alger.
Comme conclusion, il insiste sur la nécessité où nos troupes seront de s'assu-
rer de la possession rapide des oasis du Sud, Aoulef et In-Ilhar. Leur ravitaille-
ne sera possible qu'à ce prix, à moins de sacrifier à chaque convoi tous les
chameaux. M. Flamand avait vu juste, car depuis quelques jours, In-llhar a été
occupé après un combat acharné et meurtrier.
ceNous louchons, dit le conférencier, à un moment très heureusement critique
de l'histoire de notre Sahara. Il faut que la longue suite d'oasis, ce long ruban"
de palmeraies de l'oued Saoura entier, d'Igli au Reggan, de Taourirt à ln-Salah
devienne nôtre; il faut que ce grand fleuve soit français el que le rêve de réunir
un jour notre grand empire africain à nos provinces méditerranéennes soit
bientôt une réalité ».

L'impression au Maroc.

L'IMPRESSION AUMAROC.— Le 28 décembre 1899, l'escorte de la mission scien-


tifique de M. Fiatnand, commandée par le capitaine Pein, s'emparait de Ksar-
el-Kebir: la prise du plus important des Ksour d'In-Salah marquait le premier
pas vers l'occupation définitive de l'archipel loualien el affirmait notre volonté
bien arrêtée d'établir une domination effective sur les oasis de notre Sud
Algérien.
La nouvelle en parvint au Makhzen dans la deuxième quinzaine de janvier
par l'intermédiaire d'une légation étrangère ; et comme en même temps on
annonçait l'arrivée à Tanger de deux cuirassés français, on crut réellement celte
fois que l'événement prévu allait enfin s'accomplir. Le Grand-Vizir fit môme
appeler tous les déserteurs français pour se rendre compte de la situation exacte
du Tidikelt au point de vue géographique. Les bruits les plus contradictoires
circulaient: certains prétendaient que les Français arrivaient par le Sud, d'au-
tres affirmaient que nous étions déjà installés à Mogador. Mais cela ne surprit
personne ; quelques rares anglophiles essayèrent bien d'exciter le Grand-Vizir
et son frère le Ministre de la Guerre, mais cette agitation tomba vite et il fut
décidé qu'aucune protestation ne serait faite ; c'est d'ailleurs là toute l'opposi-
tion qui se produirait si demain nous nous emparions de Ecz ou de tout autre
REVUE DE L'ISLAM 91

point du Maroc. Quelques protestations seraient soulevées, mais toutes platoni-


ques et de pure forme.
Car il faut bien le dire et le répéter le plus possible : tous les Marocains sou-
mis à l'autorité du Sultan verraient arriver les nçara (chrétiens) avec plaisir.
Depuis longtemps en effet, tout le monde au Maroc souhaite une intervention
européenne, et, plus spécialement l'intervention française. Cette vérité, qui peut
passer pour un paradoxe au premier abord, apparaît nettement à l'esprit de
quiconque se donne la peine d'étudier le fonctionnement des rouages gouverne-
mentaux dans ce pays. Le système administratif et le système financier don-
nent lieu à de formidables abus. Les fonctionnaires, qui ne sont pas payés,
passent leur temps à pressurer leurs administrés et à les dépouiller de tous
leurs biens. Tous, du haut en bas de l'échelle sociale, vivent dans une crainte
perpétuelle, et ce sentiment explique à lui seul cetle attente d'une intervention
étrangère.
Le Sultan actuel, Moulay Ahd el Aziz'vit dans son harem, et ne sort qu'avec
ses troupes pour lever l'impôt, il n'est jamais sûr du lendemain. Aussi accepterait-
il un protectorat qui lui garantirait un règne à l'abri des révolutions de palais.
Son entourage officiel, le Makhzen, qui dirige les affaires du pays, n'est pas
plus rassuré ; les plus hauts fonctionnaires disparaissent avec une facilité re-
marquable et leurs biens reviennent au Sultan ou au Grand-Vizir. Ainsi l'an-
cien Ministre de la Guerre est toujours prisonnier à Tétouan où son frère est
mort après avoir été Grand-Vizir jusqu'à l'avènement de Moulay Abd el Aziz en
1874. Le dernier Minisire de la Guerre, Si Saïd, qui était soigné parle médecin '
anglais, vient de mourir subitement emporté en trois jours par un abcès ; quoi-
que frère du Grand-Vizir, sa fortune a été partagée entre ce dernier etle Sultan,
au détriment de ses fils. Leur situation est donc précaire ; aussi tous les moyens
sont bons lorsqu'il s'agit de rester en place et de se débarrasser d'un concurrent
gênant. Toutes leurs idées sociales et politiques sont renfermées dans ce pro-
gramme eese concentrer sur eux-mêmes, piller les sujets, arrêter tout travail et
toute initiative ». Ils se rendent bien compte d'ailleurs de leur instabilité, sur-
tout en ce moment.
Le Makhzen est en effet devenu fort impopulaire; il avait trop insisté depuis
des années sur le ToUat. C'est pourquoi, du fait de l'occupation d'In-Salah, tout
le monde croit que nous sommes entrés au Maroc; et cela paraît tout naturel,
celte solution étant attendue depuis longtemps. Aussi le Sultan qui devait par-
tir en harka d'impôt au printemps ou au plus tard] après le mouloud, a-t-il
remis son expédition à une date ultérieure, son entourage ne se souciant pas
d'être en roule au moment d'une intervention. Abandonné par ses troupes, il
serait sûr d'être massacré par les populations. Aussi préfèrent-ils attendre à
Marrakech que les Français viennent rétablir l'ordre et les confirmer dans leurs
fonctions lucratives.
Quant à la population marocaine, un proverbe bien connu là-bas en dit long-
sur ses sentiments e<les sauterelles viennent quelquefois, les sécheresses sou-
vent, les pachas toujours, ce qui échappe à l'un n'échappe pas à l'autre. » Dans
92 REVUE DE L'ISLAM

un livre vieux d'une quinzaine d'années, mais qui est resté vrai dans presque
toutes ses parties, l'auteur rapporte l'invariable réponse des Marocains auxquels
ii demandait pourquoi leurs plus belles terres restaient absolument incultes,
ceNous cultivions autrefois, et la dîme nous a ruinés. L'amin venait sur nos
champs qui étaient superbes ; il nous imposait 40 almuds de blé, alors quenous
n'en avions au battage que 30, et nous étions forcés d'apporter ces 30 almuds,
à nos frais, au port d'embarquement et de vendre nos boeufs pour payer le res-
tant; depuis cette époque, nous ne travaillons plus ». Et montrant le ciel, ils
ajoutaient: ceNous attendons des temps meilleurs ».
Et ce sont ces temps qui leur paraissent venus : se trompent-ils ?
J. J.

REVUE GÉNÉRALE

ERRATA. — Kousprionsle lecteurdemodifier comme suit,au moyendesannotations le


nécessaires,
texte dela Revue générale parudansle n° Si-53, pagesSSet suivantes.
P. 85 : Lopremieret le secondalinéasdo la Revuegénérale: L'émird'Afghanistan, olc.; et On ne
saitpasexactement le but,olc, doivontêtro reportéspage57, à la findol'alinéaqui com-
mencepar la rubrique: Afghanistan.
P. 57 : Lodernieralinéadola rubriqueAfghanistan (ligne24) : Letapeura puredescendre,etc., doit
être roportépago56,aprèsl'alinéacommençant par : Unepartiede la missionVoulet-Cha-
noine(rubriquo: Soudan occidental.)
Cescorrectionsfaites,il fautmodifiercommesuit l'ordredosrubriquescontenuosdans los pages55
à 89, pourrétablirl'ordrechronologique des faits signalés.
Lespagesindiquéessontcollesoùso trouventlesrubriquesintorvorlies,ot noncollesoù cesrubriquos
auraientdûsotrouver:
Donnerlo n* 1 à Egyplo(page56). Donnerlo n»fi à Egypte(page57).
— n* 2 à Turquieorage87).
— n' 3 à Afghanistan — n° 7 a Turquie(pago58).
(pago57). — n° 8 n Porse(pago55).
— n"4 à Algérie(pageSS).
— n" S à SoudanOccidental (pago50). — n" 9 à Porse(pago59).
A partir do là (Revuedo mars),lo toxteest clansl'ordrevoulu.

BIBLIOGRAPHIE

ALBERTHUGUES.— La Nationalité française chez les Musulmans de l'Algérie


(Chevalier-Maresq).
A. DBY. — Vers l'Occident (Nord du Maroc, Andalousie, Lisbonne (Pion).
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de l'Orient, par A. Laurie.
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Fischbacher. — En Afrique, par A. Bertrand (ill.). — Corfou et les Corfiotes,
par A. de Claparède.
Ami. Colin etC'1"-. — A travers nos colonies (Lectures pour la jeunesse), par
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çaises de l'Afrique équatoriale, par Paul Rieuaa.
Challamel. — Le Congo belge, notes et impressions, par René Vauthier.
Questions diplomatiques el coloniales (1er février). — La question du Turkes-
tan, par le général Venttkoff.
Bulletin du Comité de l'Afrique du Sud (n° de février).
Aux Colonies d'Asie el dans l'Océan Indien, par G. Verschuur, in-16 illustré
(Hachette).
Causerie ethnographique sur le fellah, par Piot-bey (A. Press, Le Caire).
Voyage aux bords du Canal de Suez, Prince Rodolphe [Nouvelle Revue Inter-
nationale, 31 mars).
Flaubert el l'Afrique, par Louis Bertrand (Revue de Paris, 1er avril).
Le Touareg, par Albert Fernie {Ch. Ollendorff).
La question créloise au point de vue du droit international, par G. Streit
(Revue Générale de Droit International public, janvier-février).
En Egypte. — Le Haul-Nil, par J. du Tillet (Revue Bleue. 10 mars).
Notes sur l'Inde, par le Prince B. Karageorgevitch (Ch. Calmann Lèvy).
L'Islam en Bosnie-Herzégovine, par Courtellemont (Revue Générale des
Sciences pures el appliquées, 15 avril).

L'Annuaire du Parlement — Cette publication est dressée uniquement d'après


le Journal Officiel, c'est-à-dire sans opinion politique, par M. François
MATHIEU.

Elle contient, pour chacun des Sénateurs et des Députés :


lo Le résumé des discours qu'il a prononcés pendant l'année; 2° Le relevé de
toutes les commissions dont il a fait partie; 3° Les propositions de loi qu'il a dé-
posées et le sort qu'elles ont eu ; 4° Ses principaux votes (cette partie en tableaux).
L'auteur nous donne la première année de la législature 1898-1899. Les sui-
vantes paraîtront en Juillet, et en cas d'élections législatives générales, en Avril.
A la fin de la législature, chaque électeur aura, en quatre volumes séparés, les
renseignements les plus complets sur les députés et les sénateurs.
94 REVUE DE L'ISLAM

Un travail de ce genre n'avait jamais été fait. Nous souhaitons à cette publica-
tion tout le su ces qu'elle mérite.

A. COLIN. — Le Général Lapassel (Algérie-Metz 1817-1875), par UN ANCIEN


OFFICIERDEL'ARMÉEDURHIN. Les 2 vol. in-8, avec 2 cartes hors texte, por-
traits el reproductions hors texte en héliogravure, brochés : 20 fr.

(Ces deux volumes ne sont pas vendus séparément).


TOUTÉE(Cl). — Du Dahomé au Sahara. La Nature el l'Homme, 1 vol. in-18
jésus, une carte en couleur hors texte, broché : 3 fr. 50.

Du môme auteur, précédemment paru :

Dahomé, Niger, Touareg. Récit de voyage. In-18 jésus, br. : 4 fr.


MILLE(Pierre). — Au Congo belge, avec des notes et des documents sur le
Congo français Préface de M. Paul BOURDE.1 vol. in-18 jésus, avec une carte en
couleur hors texte, broché : 3 l'r. 50.
Plon-Nourril. — La France du Levant, par Etienne Lamy.
Annales des Sciences Politiques (mars). — La Perse économique et monétaire
par Raph.-Georges Lévy.
E. Flammarion. — Une femme chez les Sahariennes, entre Laghouat et In-
Salah, par M»>»Jean Pommerai. (in-8°, grav.).
Mercure de France (avril). — La rivalité des races blanche et noire dans les
pays de domination française, par M. A. Leblond.
Revue des Revues (15 mars). — Les sociétés secrètes chez les Nègres d'Afrique
(8 grav.), par H.-P. Marriott.
Questions Diplomatiques el Coloniales, (mars et avril). — Au Tidikelt : Le
programme saharien, par G.-B.-M. Flamant. — Le Soudan français, par Camille
Guy.
LaGéographie (mars). —VersleTchad, par P. Prins. —Voyage au Dar-Rounga,
par P. Prins.

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do 20.000 figures gravées sur cuivre.

Les six premiers volumes renferment les lettre A à N.


Le Dictionnaire Encyclopédique Universel contient des articles suffisamment
étendus, d'une extrême simplicité, d'une clarté et d'une précision parfaites, et qui
donnent à tout le monde la facilité de se mettre promptement au courant des
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REVUE DE L'ISLAM 95

États et Colonies. — Monographies encyclopédiques, publiées sous la direc-


tion de M. MAXIMEPETIT, par tcne Société de spécialistes, et donnant pour
chaque pays la géographie, l'histoire, les institutions, les moeurs el coutumes,
la vie économique, les lettres, les arts, les sciences, etc.
i II a paru de cette collection quatre ouvrages dont nous rendrons compte succes-
sivement :

L'ITALIE, LA RUSSIE, LE PORTUGAL,LA HOLLANDE.

Chaque très fort vol. in-8° avec nombreuses illustrations, cartes, etc., broché :
5 fr. (Librairie Larousse, à Paris.)

-La Hollande, par divers auteurs, in-8», 222 gravures, 9 cartes, broché : 5 fr.,
relié : 7 fr. 50.
La Librairie Larousse avait déjà publié, avec un légitime succès, deux remar-
quables volumes sur la Russie et l'Italie; elle nous donne aujourd'hui la Hol-
lande, qui ne mérite pas moins l'attention de ceux qu'intéressent les publications
vraiment sérieuses et substantielles. Rédigé par les spécialistes les plus autorisés,
richement illustré, cet excellent ouvrage est incontestablement l'étude d'ensemble
la plus documentée et la plus complète qui ait encore paru sur un pays particu-
lièrement curieux et original, et pourtant généralement mal connu de nous.

Un succès éclatant a salué, à son apparition le beau volume de Louis BARRON,


Paris Pittoresque (1800-1900), sa Vie, ses Moeurs el ses Plaisirs. La Société
Française d'Editions d'Art. L.-Henry MAY,désirant que cette oeuvre remarquable
fût à la portée de toutes les bourses, l'a mis en vente par livraisons (L'un franc.
— Nous avons sous les yeux le premier fascicule, il contient 16
pages, grand
in-quarto, avec 15 gravures dans le texte et un hors texte en couleur; l'impres-
sion, le papier, la gravure, sont à la hauteur du texte, et cette première livraison
est exceptionnellement vendue 25 centimes.
Paris Pittoresque comprendra 26 livraisons d'une importance égale à la pre-
mière, il paraîtra une livraison par semaine. Au moment où l'Exposition va s'ou-
vrir, cette publication s'imposait, tous les visiteurs de Paris voudront l'acheter.

Félix CHAPISEAU. — Au pays de l'esclavage (Moeurs et coutumes de


l'Afrique
Centrale). D'après des Notes recueillies par Ferdinand DE BÉHAGLE.Préface par
Gaston DUJARRIC,in-8° éeu tiré à petit nombre, titre rouge et noir. — Cartonné
toile et non rogné. Prix : 5 francs.
L'attrayante collection des Littératures populaires de toutes les Nations, pu-
bliée par l'éditeur J. MAISONNEUVE, vient do s'enrichir d'un nouveau volume ;
(Tome xxxvii de la Collection).
96 REVUE DE L'ISLAM

Aie pays de l'esclavage nous transporto en pleine Afrique centrale, parmi des
populations absolument primitives sur lesquelles le Lecteur trouvera d'intéres-
santes descriptions ethnographiques. Que de renseignements curieux en ce livre!
Que de chapitres attachants! Ce sont là de vraies pages de vie africaine où la psy-
chologie à la fois compliquée et simpliste des Noirs se révèle admirablement. C'est
un tableau fidèle de leurs moeurs, de leurs coutumes, de leurs traditions, de leurs
procédés commerciaux, de leurs modes, de leurs chants et de leurs danses, de leurs
défauts et de leurs vices, en un mot de leur vie privée et de leur vie sociale. Au
pays de l'esclavage a été rédigé par M. Félix CHAPISEÂU,en partie d'après des
notes inédites que l'explorateur Ferdinand DE BÉHAGLEavait prises durant un
long voyage en Afrique (1892-95).
Un tel ouvrage vient bien à son heure. La locomotive — il faut l'espérer — jet-
tera bientôt sa fumée sur la brousse africaine. Or, partout où la civilisation s'est
tant soit peu implantée, le Noir s'est déjà transformé et, clans un avenir relative-
ment court, il aura perdu son caractère primitif, et, comme le Noir ne garde rien,
ne se souvient de rien, on ignorerait bientôt chez nous ce qu'étaient nos nouveaux
sujets au temps de leur barbarie.
Il est donc intéressant de recueillir dès maintenant toutes les notions possibles
sur l'état actuel des Sociétés africaines : c'est pourquoi ces pages crue nous offre
M. CHAPISEÂU seront des documents précieux pour l'histoire de tant de peuples et
pour l'histoire de la civilisation, du progrès social dans le Continent noir (J. MAI-
SONNEUVE, éditeur, Collection des Littératures populaires de toutes les Nations,
tome xxxvn).

Cest depuis le 15 mars dernier, que L'ARGUSDE LA PRESSE(14, rue Drouot) a


inauguré son grand service spécial de VExposition; la ponctualité et la rapidité
en sont les deux caractères essentiels; c'est ce même ARGUSDE LA PRESSEqui a
déjà rendu tant de services aux exposants de 1878 et do 1889.
N» 56. Juillet 1900.

L'ISLAM
l'Ait S E. AU MED MIDHAT EFFEIVIH (t).

A Monsieur Ck. d'Agostino,


homme de lettres.

Mon cher Charles,


J'ai lu l'article, intitulé L'Islam, de M. Gabriel Hanotaux, et publié dans les
deux numéros du Journal (21 et 28 mars 1900) que tu m'avais communiqués,
en demandant mon opinion. Au début de cette lecture j'avais cru que l'émi-
nent académicien tenterait un parallèle philosophique entre la religion du Christ
el celle de Mouhammed, mais je m'aperçus, dans la suite, que l'ex-ministre de
la République française ne se préoccupait d'autre chose que de politique. Ma
première illusion ainsi perdue, j'allais le restituer tes journaux sans vouloir ni
pouvoir te rien dire sur un sujet qui est — tu le sais bien — hors de mes sou-
cis et de ma compétence; mais voilà que, revenant en pensée vers nos longues
causeries sur le thème des croyances humaines, le désir m'a pris de te les
remémorer, ces déjà lointaines causeries, en faisant ici, rapidement, un examen
critique des quelques lignes que M. Hanotaux a consacrées à ses considérations
personnelles sur le Christianisme et le Mahométisme.
Quand M. Hanotaux, posant la question de la prédestination se demande si la
créature possède un libre arbitre, il se désespère avec une facilité déconcer-
tante, s'empressanl de conclure qu'aucune religion, aucune philosophie n'ont
résolu cette question d'une façon satisfaisante pour l'entendement humain. J'aime
à supposer que M. Hanotaux fait abstraction de Ia'philosophie religieuse Musul-
mane, autrement le savant académicien aurait à avouer l'insuffisance de sa
connaissance des choses de l'Islam.
Bien que n'étant pas Chrétien et môme comme Musulman, je refuse de
m'associer il l'idée qui a guidé M. Hanotaux à envisager la religion anlhropomor-
phique des Grecs comme la religion de la vie el de l'action, puisque l'homme, le héros,
pourait, par ses oeuvres, devenir Dieu. Je n'ai jamais rencontré dans l'histoire un
homme qui fût devenu Dieu par ses oeuvres. Il est vrai que plus d'une personne
a été déifiée dans le monde du Paganisme et même dans celui du Chris-
tianisme; mais cette apothéose, purement poétique, reste sans la moindre

(1) M.Charlesd'Agostino,do Constantinople,— dont les intéressantesétudoslittérairesot sociales


sur la Turquiemodernosont vivementgoûtéespar tous ceuxqui s'occupentdo l'Oriont->a-conunu-
niquéà la Revued'Orientla lettre ci-dossusque lui a adresséeS. E. Ahmed-Midhat effendÇ,®lpYo'no|x
de deuxarticlesde M. G.Hanotauxparus, il y a quelquessemainos,dans un grand/quotidiendo Pa-//
ris. Lesloctonrsdo la Revueauront certainementplaisir ot profit à lire, los premie"îs,uneétude de -i
théologiemusulmaneécrite dansun oxcollentfrançais,par l'écrivainle plus justementcélèbieke'la -"'-
Turquiecontemporaine,qui ost on mémotemps uno dos personnalitéslos plusûSohsitlérablos .du ~^*
mondomusulman.Qfotede la Rédaction.) . \ \ . //
98 REVUE DE L'ISLAM

importance aux yeux des penseurs pour qui la Divinité n'est point une façon
d'anoblissement ou de promotion en grade, mais bien une qualité innée de
l'Être Suprême, si toutefois Ton peut imaginer une naissance pour l'Être
Suprême, l'Être Idéal.
Cette déification s'explique d'ailleurs par le peu de différence que les contem-
porains de ces héros voyaient entre l'humanité et la divinité ; aussi dès qu'un
homme se distinguait des autres par son génie, on n'avait pas de peine à lui
accorder un titre divin ou semi-divin dans la hiérarchie Olympienne. En réalité
la déification, telle que l'histoire nous l'apprend, ne pouvait être l'élévation de
l'homme vers la divinité, mais bien plutôt l'abaissement de celle-ci vero l'homme.
Mais est-ce à dire que la Divinité, comme nous l'entendons, cette puissance
absolue et abstraite, cette sagesse éternelle et impersonnelle, enfin la Divinité
quasi scientifique et éminemment philosophique, puisse être attribuée à de
mortelles créatures à qui l'existence est donnée et reprise en dehors de leur
volonté, qui sont créées, qui sont détruites sans môme pouvoir y consen-
tir?
Un autre sujet détonnement pour moi est la définition que donne M. Hano-
taux du Christianisme et surtout du Mahométisme. La religion Chrétienne, dit-il,
liéritière plus directe de l'Antiquité aryenne et en rupture violente avec le Sémitisme
dont pourtant elle était fille, tend à relever l'homme en le rapprochant de Dieu!
Qu'aurait dit l'éminent professeur Draper d'une telle asseition? Draper qui
n'épargne aucun reproche à ceux qui commirent le crime de faire rompre les
liens étroits qui unissaient le Christianisme au Judaïsme — rupture d'une
fille avec sa mère.
Historiquement parlant, le Christianisme n'est qu'une Réforme dans le
Judaïsme; rompre avec celui-ci, et cehériter plus directement du Paganisme »
serait sortir de la religion du Christ et se jeter dans celle des Païens. Or, en
ses premiers temps, le Christianisme s'est efforcé, de toute son énergie, h
détruire non pas le Judaïsme mais le Paganisme. Drôle d'héritière en tout cas,
que cette religion qualifiée de Chrétienne par M. Hanotaux et qui détruit ses
ascendants pour profiter de leur fortune!
D'après moi, et avant d'esquisser un parallèle entre l'Islam et le Chris-
tianisme, il convient de fixer ce qu'est le Christianisme.
Après le concile de Nicée où fut proclamée la divinité d'un homme et avant
celui de Rome où fut proclamée l'infaillibilité d'un autre homme, des centaines
de conciles promulguèrent, des lois dogmatiques qui, si elles étaient acceptées
toutes comme Chrétiennes, feraient douter que ce Christianisme soit la religion
des Évangiles.
Qu'entend donc M.llanotaux par le mot : Christianisme? Est-ce la religion de
Rome? Est-ce celle de l'église Orthodoxe? Est-ce celle de la Réforme? pour ne
citer que ces trois parmi les nombreuses religions dites Chrétiennes. Mais encore
ces trois religions Chrétiennes se démentent l'une l'autre avec une telle haine
et une telle véhémence qu'un observateur impartial n'oserait en prendre aucune
pour la vraie religion du Christ. On doit demander là-dessus l'avis d'un Unitaire
REVUE DE L'ISLAM 99

d'Angleterre qui condamne toules les autres croyances Chrétiennes et qui est
condamné à son tour par toutes ces autres églises du Christ!
Toujours en vue du parallèle à établir, il est nécessaire également de déter-
miner le Mahométisme. Cette lâche ne sera point aussi difficile que l'autre.
Quoique l'Islam ne put, lui aussi, conserver sa complète unité primitive, l'anta-
gonisme des sectes Musulmanes est très loin de revêtir le caractère de celui qui
divise les églises Chrétiennes; leurs divergences sont même de beaucoup moin-
dres que celles existant entre les sectes du Protestantisme; aucune secte Musul-
mane ne peut considérer les autres, de la façon dont les trois grandes religions
Chrétiennes se considèrent mutuellement. Point de schisme, point d'hérésie
dans l'Islam. Point de clergé détenant le droit d'accepter dans son giron ceux
qui lui plaisent et d'en chasser ceux qui lui déplaisent; enfin personne n'y a le
droit d'imposer sa forme de Croyance aux autres. En matière de foi, chaque
Musulman est son propre prêtre, il n'a à rendre compte qu'à Dieu seul, direc-
tement et sans intermédiaire, de ses idées comme de ses actes. Mouhammed
lui-même n'eut et ne prélendit jamais assumer les pouvoirs que se donnèrent
les divers clergés du Christianisme. Rien, au contraire, ne le distingua des
autres hommes devant la justice du Seigneur, ainsi que l'atteste le Coran.
Il s'ensuit donc qu'à cette question : Qu'est l'Islam? toutes les sectes Musul-
manes donneront la même réponse : Le fait de se conformer aux prescriptions
du Coran, et à aucune autre chose qu'au Coran ! Il faut remarquer de plus que
le Livre saint Musulman n'a pas une histoire perdue dans les ténèbres comme
celle du Nouveau et surtout de l'Ancien Testament.
Les copies du Coran amassées par Mouhammed et par ces disciples sont entre
nos mains, et il ne s'est pas rencontré un seul mot de différence dans le texte
confronté de millions d'exemplaires de manuscrits répandus dans tout le monde
Musulman.
Ur celte religion Coranique ne tend nullement, comme le croit M. Hanotaux,
à abaisser l'homme en reculant Dieu au fond de l'infinité.
Car d'après le Coran : « Dieu est plus près de l'homme que ses veines jugu-
laires ». Cette religion distinguant nettement l'homme moral de l'homme maté-
riel, fixe l'état de chacun d'une manière très satisfaisante pour l'entendement
humain.
L'homme moral est ce moi qui a conscience de son néant devant celui qui
est l'Auteur de Tout. L'Islam indique à ce moi sa position vis-à-vis de Celui
devant l'infinie majesté et l'infinie lumière de qui les soleils ne sont que misé-
rables étincelles. L'homme matériel est cet autre moi qui a conscience de ses
facultés et qui doit tout espérer d'elles : cePour l'homme, dit le Coran, il n'y a
rien autre chose que le produit de sa lâché ». Donc l'homme moral n'a point
de libre arbitre : rien ne dépend de lui; par contre, l'homme matérielle possède
pleinement : tout dépend de lui. Ainsi, quand un sultan seldjoukide enivré de
triomphe veut piétiner l'impérial adversaire qu'il a vaincu, c'est sa matérialité
qui l'y pousse, révoltée un moment contre sa moralilé; mais cette dernière
reprend aussitôt le dessus et le héros turc, repenti de son orgueilleuse intention,
100 REVUE DE L'ISLAM

se prosterne, s'humilie en faisant l'aveu de sa nullité devant le Toute-Puissance


de Dieu.
De même, lorsqu'un Abencérage faisait construire les féeriques palais de
Grenade, il n'agissait que comme homme matériel.
e Vis dans ta qualité morale dit l'Islam, commesi tu mourrais demain; vis dans
ta qualité matérielle, commesi tu vivrais éternellement, i
L'homme trouvera dans ces quelques paroles le principe fondamental devant
le guider parallèlement dans son existence psychique et dans son existence
physique.
Voici, mon cher Charles, ce que j'avais à te dire; fais-en ce qui te plaira et
garde-moi ta loyale amitié de poète, qui m'est si chère, parce que ton esprit et
ton coeur répondent à mon esprit et à mon coeur comme une rime à une rime.

(d)
LA DJAMA DE CORDOUE

Un matin de l'année 786, le Kalife Abd-el-Ilhaman Ier se réveilla à la pointe


du jour. Pendant la nuit des songes bienveillants avaient charmé le sommeil
du sultan de l'Occident... Une ravissante vision, produite par son imagination
ardente, avait fixé sa pensée pendant une longue insomnie et a peine aperçut-
il son ennuque Mansour, qu'il lui ordonna de convoquer les Cheiks en conseil.
Cet ordre surprit le fidèle serviteur plutôt habitué, à pareil moment, à entendre
le Kalife nommer celle de ses concubines qui partagerait à ses côtés le spectacle
de l'aurore dispersant les voiles ténébreux de la nuit et rivaliserait avec l'aube
en blancheur et en éclat, par la pâleur de sa peau de Circassienne et par l'éclair
de ses yeux.
En cette matinée, la favorite d'Abd-el-Rhaman était autre : elle s'appelait la
Djama. Aussitôt qu'il eut réuni les Cheiks en conseil le Kalife de Cordoue leur
chanta les gloires futures de la mosquée, il en exalta les enchantements en de
prophétiques paroles d'une sublime inspiration : ce Élevons la Caaba (2) de
l'Occident, leur dit-il, sur l'emplacement d'un temple chrétien, afin qu'au
dessus des ruines de la croix surgisse le croissant! Offrons à Allah une Djama,
seulement comparable à la sainte maison de Jérusalem, avec une citerne dans
le patio, où sourde l'eau cristalline des fontaines ombragées d'orangers, dont,
au printemps, les fleurs parfumeront les fidèles pendant leurs ablutions. Onze
nefs et onze portes, au centre desquelles la Kibla sera gardée par mille colonnes
dont les rangées sembleront une ravissante forêt, liées par d'élégantes routes

(1) La Djamaou le Djamydésignela mosquéoimpériale.Ce nom vient du motarabe Djama


(assembléo).
(2) La Caabaou Kiabédésignolo sanctuairosituéai contredu Tomplodola Mecque.
REVUE DE L'ISLAM 101

pareilles à des étendards gonflés par le vent de l'a fortune : enfin une toiture en
bois de mélèze recouvrira l'édifice. »
Pendant deux années Abd-el-Rhaman suivit la construction de l'oeuvre mys-
tique qui devait l'immortaliser. Mais il était écrit que celui qui avait conçu
une aussi magnifique entreprise ne la verrait achever.
La mort surprit Abd-el-Rhaman avant qu'il ait pu voir briller les mille
lampes de bronze et de cristal, il n'entendit jamais les entretiens du Taleb, ni
la voix du mufti quand du haut des minarets celui-ci criait : et Dieu est grand,
prier est mieux que dormir! » ou bien encore : ee Déjà luit le jour, louons
Dieu! » II ne vit pas les croyants arriver d'Orient en pèlerinage vers la Mecque
d'Occident. II ne devait pas compter les pèlerins attendant leur tour pour,
après ablutions faites, pénétrer purifiés dans le Temple et y faire leur zalahl...
Mais son fils Ilixen continua et termina en 796 l'oeuvre paternelle, ensuite,
l'édifice fut embelli successivement par les Emirs Abd-el-Rhaman III, Al-
Haken II, Mohammed y Addallah, jusqu'à Almanzor-le-Grand qui l'augmenta
et construisit toute la partie orientale...
Cordoue ayant été reconquise par San Fernando, l'évèque Mesa bénit le
temple et éleva dans la Caaba un autel privilégié. Don Alonzo le sage fit cons-
truire le Maîlre-Autel et en 1521, l'évèque Don Alonzo Manrique obtint de
l'Empereur Charles Quint, l'autorisation d'élever au centre de la mosquée une
église gothico-mudijar. Ce temple chrétien qui, au point de vue artistique, est
considéré comme un outrage au monument arabe, symbolise dans sa forme le
triomphe de la Croix sur l'Islam et paraît être au bout de sept siècles comme
une représaille à la pensée d'Abd-el-llhaman : ceII faut qu'au dessus des débris
de la Croix surgisse le Croissant. »
L'empereur d'esprit plus cultivé pensa : <eAu-dessous du bosquet de palmiers,
des colonnes et des voûtes, élevons la Croix victorieuse et l'ogive gothique
dressée vers le ciel. »
L'illustre orientaliste Contreras dit de la mosquée : ceUne immense forêt de
rigides pilastres ^'alignant en de symétriques allées reproduites à l'infini el
toujours de forme semblable, éveille dans l'âme du croyant l'idée de la fatalité
inexorable qui le pousse dans la vie el la vision du sort implacable, qui l'attend
dans son paradis.
El ce tissu de courbes revenant sur elles-mêmes évoque chez un esprit
impur, troublé et rempli de fausses espérances, l'idée des eaux d'un étang
soulevées par le vent. Aussi, rien ne doit-il être plus impressionnant pour une
Conscience musulmane que l'intérieur de celte mosquée. »
|C. MALI.AT DRUASSIL.VN.
102 REVUE DE L'ISLAM

("
m GOKTE DES MILLE KUÏTS & UKE HUÏT

HISTOIRE DE BACBOUCK
LE PREMIER FRÈRE I>U BARBIER

ceAinsi! sache, Commandeur des Croyants, que le plus âgé de mes frères, le
devenu boiteux, s'appelait El-Babouck, ainsi nommé parce que, lorsqu'il se met-
tait à bavarder, on croyait entendre le glouglou d'une cruche. De son métier, il
était tailleur à Bagdad.
Il exerçait son métier de tailleur dans une petite boutique, qu'il avait louée
d'un homme très farci d'argent et de richesses. Cet homme habitait au haut de
la maison môme où était située la boutique de mon frère Bacbouck, el, tout
à fait dans le bas de la maison, il y avait un meunier et aussi le boeuf du meu-
nier.
Un jour que mon frère Bacbouck était assis à. coudre dans sa boutique, sou-
dain, en levant la tête, il aperçut au-dessus de lui, à la lucarne supérieure, une
femme comme la lune a son lever, et qui s'amusait à regarder les passants.
C'était l'épouse du propriétaire de la maison.
A sa vue, mon frère Bacbouck sentit son coeur s'éprendre passionnément, et il
lui fut impossible découdre ou de faire autre chose que de regarder la lucarne; et
ce jour-la il resta ainsi hébété et en contemplation jusqu'au soir. Et le lende-
main malin, dès le point du jour, il se remit à sa place et, tout en cousant un
peu, il levait la tète vers la lucarne et, h chaque point qu'il faisait avec l'aiguille,
il se piquait les doigls, car chaque fois il dirigeait son regard vers la lucarne.
Il resta dans cet état pendant plusieurs jours, durant lesquels il ne travailla et
ne fit d'ouvrage même pas pour un drachme.
Quant à l'adolescente, elle comprit tout de suite les sentiments de Bacbouck,
mon frère, el résolut de les mettre à profil el de s'en divertir beaucoup. Un jour
donc, que mon frère était encore plus hébété que de coutume, elle lui jeta un
regard rieur qui aussitôt transperça Bacbouck; et Bacbouck regarda l'adoles-
cente, mais si drôlement qu'elle rentra aussitôt pour rire à son aise. El le sot
Bacbouck fut au comble de la joie, ce jour-là, en pensant combien on l'avait
regardé avantageusement.
Aussi, le lendemain, Bacbouck ne fut point considérablement étonné en voyant
venir dans sa boutique, avec, sous le bras, une belle pièce d'étoffe recouverte
d'un foulard de soie, le propriétaire de la maison qui lui dit : ce Je t'apporte

(t) Woussommesliourouxdo pouvoirdonnorici un des contossi savoureux que le DrJ. Mardrusa


traduitsdo l'arabo.Nousavonschoisiun desmoinslongs,afindo pouvoiron donnerun autre cotto
annéo.On goûteracortainemontcottotraductionsi simple, si sincère,d'une dos littératureslos plus
charmantesqui soientanraondo.V.'Bibliographie.
REVUE DE L'ISLAM 103

une pièce d'étoffe pour que tu m'en tailles des chemises. » Alors Bacbouck ne
douta plus que le propriétaire fût envoyé par son épouse, et il lui dit : ce Sur
mon oeil et sur ma tête! ce soir même les chemises seront prêtes. »
En effet, mon frère se mit à travailler avec tant d'activité, se privant même
de toute nourriture, que le soir, à l'arrivée du propriétaire, les chemises, au
nombre de vingt, étaient cousues et pliées dans le foulard de soie.
Et le propriétaire lui demanda : ee Combien dois-je te payer? » Mais juste à
ce moment, à la lucarne furtivement apparut la jeune femme, qui lança une
oeillade à Bacbouck et lui fit signe de ne point demander de rémunération. Et
mon frère ne voulut rien accepter du propriétaire, quoiqu'il fût en ce moment
dans une très grande gène et qu'une seule obole lui eût été d'un grand secours.
Mais il s'estima fort heureux de travailler et d'obliger le mari pour les beaux
yeux de l'épouse.
Mais ce n'était que le commencement des tribulations de ce Bacbouck de folie.
En effet, le lendemain, à l'aube, le propriétaire vint avec, sous le bras, une
nouvelle pièce d'étoffe, et dit à mon frère : ee Voici ! chez moi on m'a dit qu'il
fallait que j'eusse des caleçons neufs pour les porter- en môme temps que mes
chemises neuves. Et je t'apporte une nouvelle pièce pour que tu m'en tailles
des caleçons. Et qu'ils soient bien amples! Et n'épargne point les plis ni
l'étoffe! » Mon frère répondit : eeJ'écoule el j'obéis! » EL il fut durant trois
jours entiers à l'ouvrage, et il ne prenait comme nourriture que le strict néces-
saire pour ne pas perdre de temps, cl surtout parce qu'il n'avait plus un seul
drachme d'argent pour acheter le nécessaire.
Lorsqu'il eut fini le travail des caleçons, il les plia dans le grand foulard, el,
tout heureux et ne se possédant plus de joie, il monta lui-même les porter au
propriétaire.
Il est superflu de te dire, Commandeur des Croyants, que la jeune femme
s'était entendue avec son mari pour se moquer de mon benêt de frère et pour
lui faire les tours les plus surprenants.
En effet, lorsque mon frère eut remis au propriétaire les caleçons neufs, le
propriétaire fit mine de vouloir les payer. Mais aussitôt, dans l'embrasure de la
porte, la jolie tète de la femme apparut, ses yeux lui sourirent el ses sourcils
lui firent signe de refuser. El Bacbouck se refusa absolument à recevoir n'im-
porte quoi du mari. Alors le mari s'absenta un instant pour rejoindre son
épouse qui avait disparu et revint bientôt auprès de mon frère el lui dit : ceMoi
et mon épouse avons résolu, pour reconnaître les bons services, de te donner en
mariage notre esclave blanche, qui est très gentille et 1res belle; et de la sorte
tu seras de la maison ! » Et mon Bacbouck pensa aussitôt que c'élait là une
excellente ruse de la jeune femme pour lui procurer ses entrées libres dans la
maison, et il accepta aussitôt; et aussitôt on fit venir la jeune esclave et on la
maria avec Bacbouck, mon frère.
Lorsque, le soir venu, Bacbouck voulut s'approcher de l'esclave blanche, elle
lui dit : ceNon, non, pas ce soir! » et il ne put, malgré tout son désir, prendre
même un baiser de la jolie esclave.
104 REVUE DE L'ISLAM

Or, pour l'occasion, comme Bacbouck logeait d'ordinaire clans la boutique,


on lui dit de dormir, ce soir-là, dans le moulin situé dans le bas de la maison,
pour qu'ils eussent plus de place lui et sa nouvelle épouse. Et après le refus de
copulation de l'esclave qui était remontée chez sa maîtresse, Bacbouck fut
obligé de se coucher tout seul.
Mais le matin, à l'aube, comme il dormait encore, soudain entra le meunier,
qui disait à voix haute : ceCe boeuf! il y a déjà quelque temps qu'il est au re-
pos. Aussi je vais tout de suite l'atteler au moulin pour lui faire moudre le blé
qui s'amasse en quantité considérable ! Les clients attendent que je leur livre la
farine. »
Alors il s'approcha de mon frère en faisant semblant do le prendre pour le
boeuf et lui dit : ceAllons lève-toi, paresseux, que je t'attelle! » Et mon frère
ne voulut point parler, et se laissa prendre et atteler au moulin. Le meunier
l'attacha par le milieu du corps au mât du moulin et, lui assénant un grand
coup de fouet, lui cria : eeYallah 1 » Lorsqu'il eut reçu le coup, Bacbouck ne
put s'empêcher de beugler comme un boeuf. Et le meunier continua de lui don-
ner dé grands coups de fo.uet et à lui faire tourner le moulin pendant long-
temps; et mon frère beuglait absolument comme un boeuf et reniflait sous les
coups.
Mais bientôt vint le propriétaire qui le vit, clans cet état, en train de tourner
le moulin et de recevoir les coups. Et il alla aussitôt prévenir son épouse, qui
dépêcha vers mon frère la jeune esclave; et elle le délia du moulin et lui dit,
avec beaucoup de compassion dans la voix : eeMa maîtresse me charge de le
dire qu'elle vient d'apprendre les mauvais traitements qu'on t'a fait subir, et
qu'elle est très peinée de la chose, et que nous lous nous prenons part à tes
souffrances. » Mais le malheureux Bacbouck avait reçu tant de coups et était
tellement recru qu'il ne put articuler un seul mot de réponse.
Pendant qu'il était dans cet étal vint le cheick, qui avait écrit son contrat de
mariage avec la jeune esclave; le cheick lui souhaita la paix et lui dit:
ec QuJAllah! t'accorde une longue vie! et puisses-tu avoir un mariage béni ! Je
suis sûr que lu viens de passer une nuit dans le bonheur pur, dans les ébats
les plus amusants et les plus intimes, et dans les embrassades, baisers et forni-
cations depuis le soir jusqu'au matin ! » Mon frère Bacbouck lui dit : eeQu'Allah
confonde les menteurs de ton espèce, ô traître de la millième puissance! tu ne
m'as jeté là-dedans que pour me faire tourner le moulin à la place du boeuf du
meunier, et cela jusqu'au matin ! »
(A suivre.)
REVUE DE L'ISLAM 105

LES ANGLAIS EN OMAN

Le dernier courrier de l'Océan Indien nous apporte des nouvelles de Mascate.


Le capitaine Cox, le consul anglais, agit tout à l'inverse de son prédécesseur,
le major Fagan, l'inspirateur de la fameuse menace de bombardement; celui-
ci procédait par la terreur, faisant à propos de rien blanc de son épée aux yeux
terrifiés du sultan. Le gouvernement métropolitaiha-l-il compris l'inconvenance
de pareille altitude et prescrit aux agents de Lord Curzon une diplomatie moins
américaine ? Cela ne serait pas en contradiction avec les anciennes, traditions
du Foreign Office, où il n'y a même pas très longtemps que l'on s'abstrait, par
moments, de la préoccupation d'être des gens bien élevés.
En tout cas, le capitaine Cox agit par ruse. C'est par insinuation qu'il procède.
En de longues chevauchées, côte à côte avec le sultan, trop courtois pour en ma-
nifester son ennui, il cherche à lui persuader que les vassaux de l'Angleterre
sont des souverains égaux à tous les souverains du monde, qu'on peut obéir à
la Reine et rester, devenir même, par cela seul, un grand potentat.
En ces longs et mystérieux entretiens, où une connaissance approfondie de la
langue de son interlocuteur semble indispensable, le rusé consul a gagné tout
au moins de passer, aux yeux de ses compatriotes, pour un arabisant de pre-
mier ordre; el cela lui a valu la prime mensuelle de 100 roupies (170 francs), -i
attachée à la connaissance de la langue du pays où sert chaque agent anglo-
indien.
Pour plus d'inséparabilité, le sultan est voué à assister, dans les jardins du
Consulat d'Angleterre, à d'interminables parties de badmington, un petit jeu
de raquettes approprié aux pays torrides. Et le trop courtois souverain passe là
des heures interminables, assis et regardant, feignant d'admirer les évolutions
des joueurs. A la fin de chaque séance d'équitation ou d'admiration, le capitaine
Cox lui témoigne sa satisfaction par une promesse que le douzième de la rente
de Zanzibar lui sera payé à la fin du mois. Quelquefois, dans les moments de
grande expansion, il lui donne à entendre que les arrérages, qui datent de l'in-
cident du Dépôt de charbon, pourraient bien lui être restitués.. .. s'il est sage.
Donc, très malin, le capitaine Cox.
El encore, admirez le stratagème. Il allait avec le sultan à Sour, au Sud ; mais
il prit la roule du Nord, faisant courir le- bruil de l'étude d'atterrissemenl d'un
câble télégraphique à. embrancher sur T eeIndo Ëuropean Telegraph ». Il est
vrai qu'avec la foule de petits voiliers omaniens qui pèchent dans ces parages,
et dont la présence est aussi odieuse aux mastodontes d'acier qu'une nuée de
moustiques, les mystères de la mer risquent de s'évenler, les mystères anglais,
du moins, car les moustiques vont et.viennent sans que le mastodonte y voie
goutte.
Aussi, en dépit de la stratégie du capitaine Cox, tout le monde, dès le pre-
106 REVUE DE L'ISLAM

mier jour, sut à quoi s'en tenir. Et, pour mieux dire, tout le monde le savait
d'avance, el le complot était percé à jour et les Souriens prévenus.
Quand le capitaine Cox arriva à Sour avec son docile compagnon, et qu'ils
descendirent la main dans la main, avec des airs de monarques aimables, ils ne
rencontrèrent que des mines bienveillantes, des sourires de sympathie, des pa-
roles de bienvenue. Les enfants ne faisaient plus : Hou! Hou ! derrière l'Anglais,
comme à ses visites précédentes.
(l'était très beau, presque touchant. Le sultan distribua des écus d'Autriche.
Le consul anglais, plus riche, puisant dans le coffre des meurt-de-faim de l'Inde,
0
répandait à profusion les manteaux de laine soutachés d'or, les robes de soie
brodées, les turbans majestueux, les ceintures ondoyantes. Le peuple de Sour
nageait dans l'allégresse, comprenant que bien décidément, comme on le leur
avait annoncé, les gros canons était muselés, qu'ils aboyaient, mais qu'ils ne
mordraient pas.
Ce furent des heures indicibles, pour les madrés Souriens surtout, que
submergeaient les largesses de leurs deux seigneurs, et qui attendaient quiète-
ment la fin.
La fin, ce fut la demande insidieuse. Le consul, expliqua de la façon la
plus congrue l'objet de cette visite désintéressée. Ses Souriens reçurent la
demande de pied ferme, avec les plus aimables sourires. Ils exposèrent à leur
tour que les pavillons, à leurs yeux, ne signifiaient rien du tout; qu'ils étaient
le plus disposés du monde à les rendre; que cependant un tel était absent, et
puis un tel aussi, et que c'étaient des personnages à ménager, qui seraient
peut-être mécontents qu'on eût agi sans leur participation, el pourraient
prendre le contre-pied de leur décision ; que, pour le succès même de la dé-
marche, ou du moins pour qu'il fût total, il convenait d'attendre le retour des
absents : que toutefois ils étaient prêts à souscrire l'engagement de rendre
leur pavillon au consul de France aussitôt qu'ils en seraient requis parle sul-
tan.
Le consul d'Angleterre s'était éloigné discrètement pendant les pourparlers.
Quand son ami lui apporta les engagements souscrits par les protégés, son
nez s'allongea outre mesure.
ceMais, maladroit, ne put-il s'empêcher de dire au sultan, comment pouvez-
vous soutenir devant le Gouvernement français que la renonciation des protégés
a été librement accomplie, quand vous leur en avez fait prendre l'engage-
ment? »
ce Bah! répliqua le sultan, avec les Français il ne faut pas tant se gêner; et
vous-même me l'avez souvent dit. Ils ne réclameront rien du tout. Ils ont bien
trop peur de l'Angleterre ! »
VIATOR.
REVUE DE L'ISLAM 107

REVUE GÉKÉRAl-E

Mai-Juin.

Algérie. — Les opérations dans l'Extrème-Sud algérien ont continué malgré


les rigueurs de la saison.
La colonne qui, sous les ordres de M. le lieutenant-colonel d'Eu, a parcouru
le Tidikelt et dispersé les dissidents à In-Rhar, est remontée à Forl-Miribel et à
El-Goléa, après «avoir laissé dans le Tidikelt dès postes suffisants pour y main-
tenir notre domination jusqu'à ce que le retour de la saison favorable aux opé-
rations permette à des forces plus considérables de parcourir de nouveau toute
celte région.
La colonne que commande.M. le colonel Ménestrel s'est dirigée sur Timmi-
moun, dans le Gourara. Les deux fractions qui la composent ont opéré leur
jonction le 17 mai, à Takantas, au sud de Tabelkosa, l'une venant d'El-Goléa,
l'autre de Geryville.
Le colonel Ménestrel, pour assurer la sécurité de notre occupation dans la
région comprise entre Tabelkosa et Timmimoun, s'est dirigé sur Fàtis, le ksar
le plus important du Timerkouk, signalé comme le centre de la résistance
éventuelle des indigènes.
11 l'a occupé, presque sans tirer un coup de fusil : cette rapide action a
amené immédiatement la soumission des Ksour voisins.
Quelques jours plus tard, les Djemâas de Kenafsa et des Ouled-Saïd sont ve-
nus faire la leur; celle de Timmimoun envoyait la sienne par lettre enattendant
l'arrivée de M. le colonel Ménestrel.
L'objet de l'expédition était atteint et la colonne est rentrée en laissant de
simples garnisons d'été dans les principaux Ksour.
Quant à la colonne que commande M. le colonel Bertrand, elle devait empê-
cher les relations entre les tribus marocaines et celles de l'Extrême-Sud algérien
el permettra aux deux colonnes précédentes d'accomplir pacifiquement leur
mission.
Pour atteindre cet objectif, elle a occupé la région d'Fgli, mais sans avoir eu
le temps de pacifier la région entre Djenien-bou-Itezg et Igli, et d'occuper Zao-
nia-Foukhania, qui avait refusé d'ouvrir ses portes.
Cette situation offrait de grands dangers pour le ravitaillement de la mission
par convois, qui devaient passer à proximité de Figuig et de Zaonia-Foukhania
et exigeait un déploiement assez considérable de troupes.
D'ailleurs, en même temps circulaient les bruits menaçants d'une guerre sainte
prèchée aux tribus de la frontière sud-est du Maroc, notamment aux Doni-Mer-
ria, aux Ouled-Djerrir, aux Berabeiv, aux Ailatta, qui devaient se rassembler
dans le Tafilel.
On ne savait, d'autre part, quelle attitude allait prendre Bou-Amama, le
108 REVUE DE L'ISLAM

grand agitateur de 1881, qui est maître des oasis de Figuig, au nord du Tafilet.
Des précautions ont été immédiatement prises pour rester toujours en com-
munication avec le corps d'occupation d'Igli et pour le ravitailler. Des postes
ont été échelonnés sur la route depuis Djenien-bou-Rezg, à Djenien-ed-Dar, à
Zoubia-Duveyrier, et des renforts envoyés à Igli.
Déplus, noire ministre à Tanger signalait au maghzen ces rassemblements
belliqueux aux environs de notre frontière et le prévenait que toute agression
serait vigoureusement repoussée.
Celte attitude énergique a tenu jusqu'ici en respect les Marocains, tant régu-
liers qu'irréguliers, qui n'ont pas osé attaquer nos colonnes malgré tout leur
désir, et tout danger semble conjuré, puisque, aux dernières nouvelles, les
troupes remontaient vers le nord, en ne laissant dans les postes que des garni-
sons d'été, suffisantes cependant pour toute éventualité.

Maroc. — Outre les faits que nous venons de rapporter ci-dessus, la frontière
d'Algérie a été troublée par une nouvelle lutte entre les Djads el les Mehaya.
Profitant de l'absence d'un certain nombre de Djads, les Mehayas sont tombés à
l'improvisle sur leurs douars, en massacrant les hommes, les femmes et les
enfants. Quatorze mille moulons ont été razzies.
— Le eeLibéral » de Madrid annonçait, sur la foi de son correspondant de
Tanger, que la France et l'Espagne étaient d'accord au sujet de la politique au
Maroc. Le ministre d'Espagne à Marrakesh avait reçu des instructions dans ce
sens.
D'autre part, une dépèche de Rome annonçait quelques jours plus tard qu'une
entente s'était produite contre l'Allemagne, l'Italie et la Grande-Bretagne pour
le maintien du statu quo au Maroc.
— Le grand-vizir Ahmed-ben-Mussa, dont les journaux annoncent la mort Au
moins une fois par mois, est définitivement mort le 13 mai, après une longue
maladie.
Le sultan, qui n'avait jusqu'alors aucune autorité, a pris en main la direction
des affairés et a choisi pour conseiller principal MouIey-el-Amin.
Hadj-Mohammed-ben-el-Arbi-el-Tores, représentant du sultan pour les affaires
étrangères, a informé les puissances qu'à l'avenir les correspondances pour la
cour du Maroc doivent lui être adressées et que c'est lui qui est chargé d'y ré-
pondre.
— Il aurait envoyé, le 19 juin, une note au Ministre de France pour protes-
ter contre l'envahissement par les troupes françaises d'un territoire qu'il consi-
dère comme étant sous la dépendance du sultan.
— Le prince Mouley-Mohammed, frère du sultan, qui avait été mis en prison
par l'ancien grand-vizir, aurait obtenu sa grâce et devait être mis à la tète des
troupes chargées de pacifier les tribus rebelles. Mais., quelques jours après, on
annonçait que le sultan avait donné l'ordre de l'interner à Méquinez.
Soudan Occidental. — Notre vieil ennemi Samory est mort le 2 juin, à Njole
(Congo français), des suites d'une pneumonie.
REVUE DE L'ISLAM 10<J

— Un traité vient d'être conclu entre la France et l'Espagne, qui délimite la


colonie espagnole du Rio de Oro, du côté de l'Adrar.
— D'après une lettre de M. Mercuri, qui quittait El-Kcnti et le sultan des Se-
noussi pour gagner Loango, il faut perdre tout espoir de revoir M. Ferdinand
de Béhagle, qui a dû trouver la mort auprès de Rabah.
ceLa campagne contre ce dernier, disait M. Mercuri, n'est pas près d'être ter-
minée. Il faudrait 2.000 hommes pour anéantir cet adversaire et se diriger
vers l'Ouadaï, qui nous ménage pour l'avenir de sérieuses difficultés. » ,'
Gela dépendra beaucoup de l'altitude des Senoussis.
Soudan Oriental. — A la date du 20 mai, on télégraphiait du Caire qu'un puis-
sant chef arabe venait de faire son apparition dans le Kordofan, venant de la
Tripolitaine ou de la Tunisie.
Cependant le sirdar Wingate, considérant que la disparition du Khalifa a
rendu inutile le maintien des effectifs actuels dans la vallée du Nil, est en train
de négocier avec les autorités anglaises pour la réduction de l'armée égyp-
tienne.
— Les rebelles musulmans, qui ont été battus en mars par les troupes éthio-
piennes, se concentrent de nouveau à l'est de Harrar, dans l'Ougaden.
On assure que l'aventurier hongrois Inger Soliman, converti à l'islamisme,
prêcherait la guerre sainte dans le Somaliland anglais, el il ne serait pas étran-
ger aux dernières tentatives d'invasion dans les pays Hararis.
Une nouvelle expédition éthiopienne, commandée par un dedjaz, se pré-
pare, sur l'ordre de l'empereur Menelick, contre les musulmans de l'Ougaden.
Egypte, — La peste a de nouveau fait son apparition à Port-Saïd, depuis le
27 avril. Elle s'est étendue à Souakim et à Alexandrie.
Il y a eu des troubles assez graves, causés par la répugnance des indigènes à
se prêter aux précautions d'isolement.
Le total des cas, au 12 juin, était de 75. Il y a eu 34 décès, 17 guérisons ; 24
personnes sont encore en traitement.
— Le Khédive a quitté l'Egypte le 5 juin à destination de Trieste. Il s'est
dirigé de là sur Londres, mais il a beaucoup souffert du mal de mer en traver-
sant la Manche et il a dû s'arrêter à Port-Victoria pendant six ou sept jours, et
être soigné d'un mal de gorge qui a donné de grandes inquiétudes.
De grandes fêtes ont été données en Angleterre en son honneur.
De là il doit venir à Paris visiter l'Exposition, et visiter peut-être d'autres
capitales.
Mais, malgré le désir du Sultan, il ne passera pas a Cônstantinople.
D'un autre côté, on dit qu'Abbas-Pacha serait en relations avec les chefs du
parti jeune-turc et en communauté d'idées avec eux, et que pour ce molif, le
Sultan aurait opposé un refus à là demande de visite que lui avait faite le Khé-
dive.
— On annonce qu'Arabi-Pacha, le chef de l'insurrection d'Egypte de 1882, qui
est interné à l'île de Ceylan, sera prochainement gracié.
HO REVUE DE L'ISLAM

Turquie. — Après les fuites de Mahmond-Pacha, d'Ismaïl-Kemal-Bey que nous


avons annoncées ces mois précédents, nous devous enregistrer en mai le dé-
part précipité de Murad-Bey, un des chefs bien connus du parti jeune-turc,
devenu conseilller d'État après un retour encore inexpliqué, qui s'est réfugié
sur un bateau anglais, de Môuktar-Pacha, commissaire impérial en Egypte,
d'Abdimour-Pacha, secrétaire du département de la liste civile, qui est parti
sur un navire français.
De plus, la police secrète prétend avoir découvert une Société secrète qui
s'intitule le Soleil de l'Islam et qui recrute tous ses affiliés parmi les ulémas et
les softas (étudiants en théologie). Le but de la société est de réunir un empire
de tous les pays musulmans et de destituer le sultan Abdul-Hamid.
A la suite de celte découverte, des ulémas ont été arrêtés : le cheick Abdoul-
lah, premier uléma de la grande Foeti-Mosquée et Erbilli-Lssad.. chef du cou-
vent du vieux sérail ont été déportés en Asie-Mineure.
— De nouveaux troubles ont. éclaté contre les Arméniens. A Alaschkerd, à
la frontière russo-turque, les Kurdes ont tué six Arméniens. Les Arméniens
d'Alaschkerd, de Bayarid, de Moussoum, de Djadin et de Van, pris de pa-
nique, se réfugient en masse sur le territoire russe.
Le couvent arménien d'Alaschkerd a été mis à sac par 30 Kurdes de la cava-
lerie irrégulière, L'Allemagne, l'Autriche-Hongrie et l'Angleterre ont l'intention
d'entreprendre une action collective pour rétablir l'ordre en Arménie, en Macé-
doine et en Albanie.
Les voyages d'exploration des attachés militaires d'Allemagne, d'Autriche-
Hongrie et d'Angleterre dans l'Asie-Mineure et dans les provinces européennes
de l'empire ottoman n'ont été entrepris qu'en vue d'une intervention à laquelle
le Sultan aurait déjà donné son consentement.
Des notes ont été échangées pour le règlement du conflit turco-américain.
Une note du mois de mai du chargé d'affaires américain était presque un
ultimatum et une nouvelle note de juin renouvelle les demandes américaines et
insiste pour qu'une réponse immédiate soit donnée.
Celte dernière note serait venue comme une désagréable surprise pour la
Porte, car elle indique que l'intention du gouvernement américain est de pous-
ser les choses à l'extrême.
D'autre part, on annonce que les Etats-Unis ont l'intention de créer une divi-
sion navale d'Europe qui irait mouiller dans le Bosphore.
— Le 22 juin, le gouvernement ottoman a envoyé une circulaire aux ambas-
sadeurs insistant sur l'augmentation des droits de douane.
L'ambassadeur de Russie a protesté contre cette note et a déclaré à ses col-
lègues qu'il ne discuterait pas les propositions et qu'il s'abstiendrait même de
prendre part à toute conférence qui se réunirait à ce sujet.
— Le 14 mai, le ministre de Grèce, à
Constantinople, a remis aux ambassa-
deurs des puissances une note invitant les puissances à intervenir comme arbi-
tre dans la question de la conclusion de la convention consulaire gréco-turque,
selon le traité de paix, les longs pourparlers entre les deux gouvernements
REVUE DE L'ISLAM 111

n'ayant pas abouti à aies résultats satisfaisants. Les ambassadeurs ont reçu des
instructions de leurs gouvernements et se sont réunis le 5 juin.
— Le gouvernement ottoman a
imposé des droits prohibitifs sur les marchan
dises provenant de Grèce, la Roumanie et la Bulgarie à partir du 14 juin.
A cette date, le ministre de Grèce a remis à la Porte une note protestant
contre l'application du tarif différentiel qui est contraire à l'article 4 du proto-
cole de Londres de 1830. Elle estime qu'en qualité d'État à capitulations, elle
doit bénéficier du traitement de la nation la plus favorisée.
En attendant qu'elle obtienne satifaction, elle usera de représailles et appli-
quera aux produits turcs un tarif double du tarif général laissant à la Turquie
toute la responsabilité de la situation.
Le même jour, le ministre de Roumanie a remis une note dans le même sens.
Le prince Ferdinand de Bulgarie s'est adressé personnellement au Sultan
pour lui demander d'empêcher que le tarif différentiel soit appliqué à la Bulga-
rie. Le Sultan aurait répondu favorablement parce qu'il tient à ce que le prince
vienne à Constantinople avant d'aller en Russie.
— Un important contrat aurait été passé avec la maisson
Krupp pour la
fourniture de 16 batteries de canons à tir rapide.
Un autre contrat serait intervenu avec une maison de Gènes pour la réfec-
tion de six cuirassés.
— Un iradé a approuvé la convention pour le chemin de fer de Damas à
Hamma, qui est construit par une Société française. Mais on annonce que les
gouverneurs de province ont reçu des ordres formels pour refuser dorénavant
tout permis de recherche de mines à tout demandeur indigène ou étranger.

Perse. — Le Shah de Perse, accompagné d'une nombreuse suite après avoir


traversé la Russie sans s'y arrêter, est arrivé à Contrexéville, le 13 juin, venant
de Carlsruhe. Atteint d'une légère goutte, il doit y faire une cure et y séjour-
ner jusqu'au 13 juillet, jour où il partira pour Paris.
Il doit assister à la revue du 14 juillet et visiter l'Exposition. On ne connaît
pas encore la durée de cette visite.
(.4 suivre.) ANDRÉRICAUD.

BIBLIOGRAPHIE

Le tome troisième du Livre des Mille Nuits et une nuit, traduction littérale
et complète du texte arabe, par le docteur J.-G. MARDKUS.Un vol. in-8° carré,
7 fr. (Edition de la Revue Blanche).
Au contraire de la lointaine adaptation qu'en lit Galland, cette transcription lit-
térale du chef-d'oeuvre de la littérature islamite n'est pas destinée à la jeunesse.
Mais les lettrés l'accueillirent avec joie. Anatole France, en a dit : « C'est l'Ara-
bie avec tous ses parfums. »
Les tomes déjà parus contenaient des récits dont Galland nous avait, fait con-
112 REVUE DE L'ISLAM

naître sinon le caractère, du moins l'affabulation. Un avis placé en tête du tome III
nous avertit qu'il inaugure une nouvelle série d'histoires jamais traduites, même
fragmentairement, en français. Un roman héroïque l'occupe tout entier : l'histoire
du roi Omar Al Neman et de ses deux fils merveilleux, Scharkan et DaoulMakan.
Ce sont les croisades vues dans une lumineuse bruine d'imagination qui sem-
blent fournir le thème de ces prouesses guerrières et galantes où sont aux prises
les croyants avec les chrétiens, avec les chrétiennes aussi, car la reine Abuja
commande une horde d'amàzones aux muscles de lutteurs et à l'esprit fleuri.
Dans un des délicieux poèmes qui étoilent le texte, le poète dit en parlant d'elle :
ecEt voici que le pelouse luit! Et c'est de tout ce qu'elle contient de blanches
.filles à la chair candide, de filles candides et blanches à la haute lueur! Et la
pelouse en tressaille et frémit.
eeDe belles filles surnaturelles. Une taille mince, pliante. Une démarche souple
et savante et mélodieuse. Et la pelouse en tressaille et frémit.
« Éparse, la chevelure; retombante sur le col, la chevelure, telle la grappe sur
le cep. Blondes ou brunes, grappes blondes, grappes brunes, ô chevelures !
« Attrayantes filles, ô séductrices! Et vos yeux! La tentation de vos yeux, les
flèches dé vos yeux, et ma mort! »
Les héros de ce roman séduisent tous par quelque qualité portée à son pa-
roxysme : les uns par leur sagesse, Scharkan par sa verve dans les massacres et
sa chevalerie, la Mère des Calamités par son industrie, Azig et Diadème par leur
beauté... Leurs aventures prodigieuses et naïves nous révèlent une civilisation et
une littérature que les seuls orientalistes connaissaient jusqu'à présent. — P. S

Notre ami Narcisse Quellien, le dernier barde, nous promet depuis plusieurs
années un ouvrage sur l'Islam dans la Celtibérie; il ne laissera probablement
pas s'écouler le siècle prochain sans nous le donner. Nous prions donc ceux de
nos lecteurs que ce savant article intéressera de patienter encore quelques lustres
— en considération de celui... que le bel article de notre barde jettera sur la Revue
de l'Islam.
En attendant que nous arborions en première cet article, objet de notre espoir,
nous sommes heureux de signaler au public un ouvrage très remarquable du
Sceau des bardes : c'est un recueil de « Contes et nouvelles du pays de Tréguier »
qui n'a, comme on le voit par ce titre, que des rapports plutôt lointains avec la
littérature musulmane: Aussi nous abstiendrons-nous d'en parler plus longue-
ment : chacun peut d'ailleurs se procurer ce livre chez l'éditeur J. Maisonneuve,
au prix de 16 piastres tarif ; par poste, 1 talari.
N. D. L. R.
Nu57. Août 1900.

NOTES SUR LA TUNISIE


( SUITB
)
L'administration indigène, comme nous le verrons plus loin, est surveillée
par des contrôleurs civils français, en petit nombre, qui ont pour mission d'em-
pêcher tous les abus.
On a également conservé toutes les institutions judiciaires des musulmans,
Us ne deviennent justiciables des tribunaux français que s'ils ont affaire à un
Européen. Us sont alors soumis à la loi française, mais toutes les affaires entre
indigènes sont réglées par leurs propres juges et suivant leurs propres lois.
On a établi un régime foncier d'une grande simplicité qui reproduit los
principales dispositions de la législation australienne appelée Act Torrens et sur
lequel nous reviendrons plus tard.
En 1880, il n'y avait en Tunisie — trouvons-nous dans un rapport consu-
laire — de sécurité réelle ni pour la vie, ni pour la propriété; à Sfax, les sorties
étaient dangereuses; entre Gabès et le pays de Djérid, la puissante tribu des
Ouled-Hausmamd attaquait, pillait et dispersait les caravanes insuffisamment
protégées par une escorte bien armée.
La ville sainte de Kairouan était inabordable. Aujourd'hui, on peut s'y rendre
en quelques heures en chemin de fer et y trouver un excellent hôtel. L'on peut
parcourir le Sahara tunisien sans autre escorte qu'un cavalier indigène servant j
de guide.
Quant à la vie et à la propriété indigènes, tout a changé.
Les populations rurales d'origine berbère ne sont plus rançonnées ni par les
Arabes nomades, ni par les forces militaires du Bey. Dans les villes, les habi-
tants riches ne sont plus pressurés pou reconstruire des palais inutiles et entre-
tenir une armée qui n'était pas en état de se battre.
Ainsi, tout en améliorant les conditions de la vie pour les indigènes, tout en
respectant les institutions locales, en les rendant compatibles avec les progrès
modernes, le gouvernement du protectorat a préparé admirablement les voies
les plus propices à la colonisation européenne et surtout française.
Pour pouvoir apprécier les réformes introduites en Tunisie par la France, il
est intéressant de rappeler l'organisation administrative du pays avant le pro-
tectorat.
A cette époque, l'autorité du Bey était absolue en principe. Elle était quelque
peu tempérée pourtant par l'habitude que le souverain avait de consulter ses
ministres avant de prendre une décision importante.
Auprès du Bey était le ministère d'État qui, sous la direction du premier mi-
nistre et du ministre de la plume, était chargé des services d'administration
générale.
ee Le territoire était partagé entre un certain nombre de tribus, divisées
elles-mêmes en fractions. Parmi ces tribus, les unes étaient sédentaires et vi-
vaient sur le sol qu'elles cultivaient. Los autres étaient nomades, et, n'ayant
8
114 REVUE DE L'ISLAM

pas de territoires propres, suivaient leurs troupeaux, et leurs diverses familles


campaient souvent loin les unes des autres. Quelques tribus autrefois nomades
s'étaient fixées, leurs fractions se trouvaient installées à demeure sur des points
très divers du pays.
ceA la tète de chaque tribu était placé un caïd, responsable de l'ordre et du
payementdes impôts. Il réunissait entre ses mains les attributions gouvernemen-
tales, administratives et militaires.
ceII n'y avait pas d'organisation municipale. A Tunis seulement existaient
des institutions rudimentaires.
eeCette structure administrative, conforme aux moeurs locales, a élj respectée,
et c'est dans son cadre que sont venues se placer les institutions nouvelles que
nous avons données à la Régence. »
La France, par le traité du Bardo (I), signé le 12 mai 1881, était devenue
garante des relations extérieures de la Tunisie. Par la conventionclù 8 juin 1883,
signée à la Marsa, la France a garanti la dette Tunisienne et, en échange le
Bey s'est engagé à procéder aux réformes jugées nécessaires par le gouverne-
ment français.
Le Bey a conservé sa souveraineté, mais, en vertu du décret beylical du 27
janvier 1883, les lois el décrets, pour avoir force exécutoire, doivent ôtre pro-
mulgués au Journal officiel tunisien. Par un autre décret du 12 mars 1883 le
Bey a confié le soin de la préparation du budget au conseil des ministres déli-
bérant sous la présidence du Résident général de France.
Le Résident général de France, appelé primitivement Ministre rési lent, est le
dépositaire des pouvoirs du gouvernement de la République dans la Régence ;
nous avons déjà dit qu'il était de droit Président du conseil des Ministres el Mi-
nistre des Affaires étrangères en Tunisie.
On sait aussi que le général commandant le corps d'occupation est en même
temps Ministre de la Guerre de la Régence.
Les finances, les travaux publics, l'enseignement public, les postes et les télé-
graphes, ont été constitués en services distincts. Leur direction a é;é confiée à
des agents fournis par la France. Il en a été de même pour le service de l'agri-
culture, créé en 1891.
Mais l'administration générale continue d'être dirigée par des fonctionnaires
indigènes, qui sont le premier Ministre et le Ministre de la plume. Depuis le
décret du 14 février 1885, il y a cinq services : Ministère d'État, section des af-
faires civiles, section des affaires pénales, bureau central des communes, bu-
reau de la comptabilité.
Les attributions de ces cinq services comprennent: l'administration et la po-
lice administrative indigène; la surveillance de la Djemaa des Habous, le ser-
vice administratif de la gendarmerie française et de la gendarmerie indigène
(oudjak), l'administration pénitentiaire, les rapports du gouvernement tunisien

(1) Rapportdo M. Ilihotsur la Tunisio.Journalofficieldo la Républiquerancaise,30 avril 1892.


REVUE DE L'ISLAM 115

avec les représentants des intérêts agricoles ou industriels, le service de santé,


l'hygiène publique, la direction centrale des municipalités de la Régence, la
justice civile et criminelle des indigènes, les affaires israélites.
Auprès de cette administration indigène est placé, sous le titre de eesecrétaire
général du gouvernement tunisien » un agent français qui surveille les services
et qui reçoit et expédie toute la correspondance.
Le Conseil des Ministres est constitué par deux indigènes, le Premier ministre
et le Ministre de la plume, et huit français : le Résident général, le général
commandant le corps d'occupation, les directeurs des finances, des travaux pu-
blics, des postes et des télégraphes, de l'enseignement, de l'agriculture, et le
secrétaire général du gouvernement tunisien.
A côté du gouvernement, une place à été faite en Tunisie à l'opinion publique
au moyen de la conférence consultative qui est chargée de présenter les desi-
derata des populations, d'indiquer les réformes à faire, de proposer des expé-
riences nouvelles, etc.
Cette conférence consultative, dont l'utilité a été très grande pour éclairer le
pouvoir exécutif franco-tunisien, s'est montrée très active. Sa création a été, en
1890, une réforme assez hardie, car c'est en somme l'adjonction de représen-
tants du suffrage universel des colons aux chefs jadis absolus d'un pays de
domination.
Cette réforme a toutefois été prudemment faite, car le nombre des représen-
tants, comme il convenait dans ce pays neuf a été subordonné au capital. Le :
commerce et l'industrie, qui ont 1.200 électeurs, ont droit à 18 délégués à-la
conférence. Les autres professions, qui comprennent pourtant 3.000 électeurs,
n'ont droit qu'à 7 délégués.
La conférence consultative doit être réunie au moins deux fois par an. La
lettre du 24 octobre 1890 lui a donné la composition suivante:
Le bureau de la chambre de commerce française de Tunis, les membres cor-
respondants de cette chambre à Sousse et à Sfax ; les vices-présidents et les
plus anciens conseillers français des principales municipalités; les présidents
et les vices-présidents du syndicat des viticulteurs et de chacune des associa-
tions agricoles reconnues. La composition de la Chambre a été modifiée légè-
rement depuis.
La Conférence, comme son nom l'indiqué, d'ailleurs, n'est que consultative ;
elle ne fait qu'émettre des avis et elle est présidée par le Résident général.
Beaucoup des voeux qu'elle a émis depuis sa création ont préparé des réformes
qui améliorent sans cesse la situation déjà si florissante de la Tunisie, demi-in-
dépendante sous la tutelle de la France.
La Tunisie est divisée en districts, cdidats, gouvernerais ououtans, administrés
par des caïds et des kalifas.
Avant le protectorat français, la Tunisie était divisée en 22 caïdats ou gouver-
norats, dont 18 avaient une population mixte, c'est-à-dire des habitants fixés
au sol et des nomades, et 4, une population exclusivement sédentaire. Il
fallait y ajouter 32 tribus nomades environ, Arabes ou Berbères, disséminées
116 REVUE DE L'ISLAM

dans le pays, ayant des caïds indépendants et ne relevant que de l'autorité mi-
litaire.
L'administration locale indigène a été maintenue dans ses grandes lignes.
Les caïds ont les mômes attributions que par le passé, mais des contrôleurs
civils français installés a la Goulette, le Kef, Nabeul, Sousse, Sfax, Gafsa, etc.
surveillent et conseillent les caïds et les chefs indigènes. Us ont le droit de
prendre connaissance de toute la correspondance d'arrivée et de celle de départ
et peuvent annoter cette dernière. Ils ont aussi le droit de haute police et la
gendarmerie indigène (oudjak) est placée sous leurs ordres directs.
Les caïds sont rétribués sur des sommes qu'ils perçoivent com:ae collecteurs
d'impôts à raison de 5 0/0 de leurs encaissements. Avant le protectorat, il y en
avait qui se créaient des ressources irréguliêres par des perceptions illégales et
par des exactions. Ces abus ont été réprimés par la France avec la sévérité
qu'ils méritaient.
L'administration du protectorat a cherché surtout à attirer aux affaires les
grands propriétaires fonciers el les représentants des familles anciennes et
respectées des indigènes.
Les attributions des caïds ont été déterminées par des textes précis el ils ont
été invités à tenir un journal notant tous les actes de leur gestion.
La délimitation des caïdats était nécessaire.
Il arrivait souvent, en effet, que les fractions d'une tribu étant dispersées
par toute la Régence, son caïd pouvait difficilement surveiller des administrés
établis à de grandes distances les uns des autres. On a travaillé à réunir ces
fractions éparses aux caïdats sur les territoires desquels elles sont fixées. Au
statut personnel suivant lequel les indigènes avaient vécu jusque-là, on substi-
tua aussi une sorte de statut territorial.
Il y avait aussi de grandes anomalies au point de vue de la dimension ter-
ritoriale des caïdats. Pour rétablir l'équilibre, on a sectionné les caïdats trop
grands, et réunis en un seul certains caïdats trop petits.
Des territoires contestés entre des tribus voisines ont été soigneusement déli-
mités par l'administration du protectorat.
Le service de gendarmerie était fait à notre arrivée par des hambas ou des
spahis résidant à Tunis et, dans l'intérieur par des cavaliers attachés à la per-
sonne des caïds. Ces hommes avaient droit à certaines rétributions, mais
comme il était convenu qu'ils vivaient aux dépens des justiciables, ils se
faisaient donner bien davantage.
On a mis fin à ces abus en organisant une gendarmerie indigène, à laquelle
on a conservé le nom d'oudjak, dont les pelotons sont sous l'autorité des contrô-
leurs civils français.
La police indigène devenant insuffisante dans les agglomérations où l'élé-
ment européen prenait de l'importance, des commissaires de police français ont
été installés dans les centres les plus importants. Un corps de gendarmerie fran-
çaise a élé également créé.
REVUE DE L'ISLAM 117

POLICE.

Un décret du 17 avril 1897 a rattaché à l'administration générale l'ensemble


des services de police de la Régence et créé une direction de la Sûreté publique.
Cette réforme a eu pour but essentiel de donner au personnel de la police
l'unité de direction qui lui faisait défaut, ce qui était une cause d'impuissance.
Ces mesures générales n'ont modifié en rien les pouvoirs de police conférés
aux présidents des municipalités, des commissions, municipales et des commis-
sions de voirie; les commissaires et inspecteurs de police continuent, comme par
le passé, à relever directement d'eux pour la police municipale, et à assurer,
dans les mêmes conditions que précédemment, la tranquillité de la voie publique
et l'exécution des arrêtés municipaux.
Les commissaires et inspecteurs de police continuent de même à relever direc-
tement, pour la police judiciaire, des autorités judiciaires, dépositaires de l'ac-
tion publique.
Quant à la police administrative proprement dite, qui s'occupe de la surveil-
lance générale du territoire et de toutes les mesures propres à prévenir les
crimes et les délits, elle est centralisée entre les mains du directeur de la Sûreté
publique, en même temps que la police municipale et la police judiciaire. Elle
a reçu les moyens d'action qui lui faisaient défaut. C'est ainsi qu'il a été créé une
brigade de Sûreté, dont l'action s'étend sur lout le pays et qui recherche les
criminels sur quelque point qu'ils se soient réfugiés.
Des brigades de gendarmerie ont été créées dans divers centres importants
de colonisation européenne, à Enfidaville, à Kélibia, à Mateur, à Tebourba.
Douze postes de gardes champêtres ont été institués dans les contrôles de
Sousse, Sfax, Grombalia, Bizerte, Tunis, Béjà el Souk-el-Arba.
Conformément aux voeux émis par la Conférence consultative dans sa session
de novembre 1897, un décret du 25 décembre 1897 a placé les gardes champê-
tres sous 1'aulorilé immédiate des contrôleurs civils et les a plus spécialement
chargés de la protection des propriétés européennes. On recherche les moyens
d'augmenter le nombre de ces agents et de réduire l'étendue de leurs circonscrip-
tions, afin de rendre plus efficace la surveillance dont ils sont chargés.
Enfin, un décret sur les logeurs a été promulgué au Journal Officiel, du
30 novembre 1897, soumettant à la surveillance de la police un nombre consi-
dérable d'établissements, tels que garnis, cafés maures, fondouks, etc.
On a créé depuis une nouvelle brigade de Sûreté destinée à renforcer la
police des campagnes.

AKMÉE.

L'armée tunisienne proprement dite ne comprend plus aujourd'hui que la


garde d'honneur du Bey, c'est-à-dire un bataillon, un escadron et une batterie.
Autrefois, l'armée comprenait une armée régulière composée de cinq régi-
ments d'infanterie, un d'artillerie et un corps de cavalerie. L'armée irrégulière
118 REVUE DE L'ISLAM

comptait sur le papier dix mille hommes, dont trois mille Kourouglis, descen-
dants des anciens janissaires turcs, cinq mille zouaves à pied, mille cinq cents
spahis à cheval, etc.
L'équipement et l'armement de cette armée étaient dans un état déplorable.
On sait qu'aujourd'hui l'occupation militaire de la Tunisie est réalisée par
10,000 hommes de troupes françaises.
ORGANISATION
MUNICIPALE
Avant l'arrivée des Français, il n'y avait pas d'organisation municipale en
Tunisie elles affaires des villes étaient traitées au Bardo,par le ministère d'Etat.
Dans ces conditions, on pense avec quelle lenteur étaient étudies les besoins
locaux 1
Tunis seul avait une sorte de corps municipal veillant surtout au nettoyage
de la ville. Mais les ressources, fondées sur des taxes mal établies et mal recou-
vrées, étaient modiques, et la police était restée à la charge de l'Etat.
La France a donc commencé par mettre de l'ordre dans celte municipalité
embryonnaire et par étendre ses pouvoirs.
Puis des municipalités ont été successivement créées à la Goulelte, au Kef, à
Sfax, à Sousse, à Bizerle, à Mahedia, etc.
Dans les localités qui ne comportaient point de municipalités de plein exer-
cice, on a constitué des commissions municipales chargées de pourvoir au ser-
vice de la voirie et à la police locale. C'est ce qui a été fait à Monaslir, h Gabès,
à Kairouan, à Béjà, à Nabeul, à Souk-el-Arba, h Tozeur, h Zarzis, à Tebourba,
a Gafsa, etc.
Les recettes des communes de plein exercice proviennent de taxes locales
établies par ces communes, d'impôts dont le produit a été concédé par l'Etal et
de subventions du gouvernement. Ces recettes sont employées à des travaux
d'intérêt communal, aux améliorations des conditions sanitaires et de la
sécurité.
Un premier corps de sapeurs-pompiers a été constitué par la municipalité de
Tunis en 1890.
Certaines municipalités subventionnent des services publics de voilures et
elles subviennent au loyer des écoles, au logement des instituteurs et aux dé-
penses des distributions de prix.
Disons en passant que, pendant la première période de l'occupation française,
des officiers constituant le « service des renseignements » surveillaient seuls les
autorités indigènes. A mesure que la pacification s'est faile, les contrôleurs civils
les ont remplacés.
Actuellement, l'action de l'autorité militaire ne s'exerce plus que dans les
régions habitées par certaines tribus remuantes voisines des frontières.
JUSTICE

C'était la justice des pays de Capitulations qui existait en Tunisie avant 1882.
Les tribunaux indigènes avaient une compétence bornée aux musulmans et les
REVUE DE L'ISLAM 119

tribunaux consulaires jugeaient, chacun pour le pays auquel il appartenait, les


conflits intéressant ses nationaux.
Les tribunaux indigènes étaient le Châra et YOuzara. Le premier, tribunal
religieux, rendait ses arrêts d'après la loi de l'Islam et le rite auquel se ratta-
chaient les plaideurs. Le second, tribunal laïque, appliquait une sorte de droit
honoraire fondé sur les décisions du pouvoir séculier.
« Au Châra, qui, indépendamment de son siège principal à Tunis, est repré-
senté dans chacun des districts de la Régence, ressortissent les affaires de sta-
tut personnel, de mariage, de succession et en général, toutes les questions qui,
touchant à la constitution de la famille ou de la propriété, sont considérées,
dans l'Islam, comme relevant exclusivement de l'ordre religieux. C'est à ce
titre que les Européens étaient soumis, en matière immobilière, a la juridiction
du Châra.
« L'Ouzara, divisé en deux sections, celle des affaires pénales et celle des af-
faires civiles, connaissait des litiges mobiliers ou immobiliers qui ne rentraient
pas dans la compétence du Châra et, d'une manière générale, prononçait.en
matière pénale sur les crimes commis contre l'État et contre les particuliers.
« Enfin, des tribunaux rabbiniques jugeaient, entre israéliles, les questions
de mariage, de naissance, d'offrandes pieuses et les affaires concernant le culte.
« Celle organisation n'a pas subi de modification de principe de la part du
gouvernement du protectorat. Notre action s'est plutôt exercée dans le sens de
l'amélioration des conditions de moralité et d'impartialité du personnel compo-
sant les différentes juridictions (1). »
Le tribunal de l'Ouzara a été investi de pouvoirs spéciaux pour l'abolition de
l'esclavage. Dès 1846, un décret ordonnait l'affranchissement des esclaves dans
la Régence, et des engagements spéciaux étaient pris en ce sens par le traité de
commerce anglo-tunisien du 19 juillet 1875.
En 1887, une circulaire renouvela les prescriptions concernant l'affranchisse-
ment des négresses détenues en état d'esclavage. Un décret du 28 mai 1890 a
inauguré un système de pénalités contre quiconque aura acheté, vendu ou
retenu en esclavage une créature humaine.
Relativement à la justice européenne, un tribunal français de première ins-
tance a été créé à Tunis, le 27 novembre 1883 ; six justices de paix à compé-
tence étendue ont été installées en divers points du pays, à Tunis, La Goulette,
Sousse, Sfax, le Kef, etc.
L'abolition des juridictions consulaires des divers pays consentie par les di-
verses puissances européennes, fut consommée en 1881, et depuis cette date lés
Européens comme les Français sont justiciables des tribunaux français pour
toutes les affaires où ils se trouvent mêlés.
Une série de mesures ont organisé l'assistance judiciaire, réglementé l'exer-
cice de la profession d'avocat, institué des commissaires-priseurs, etc.

(1) Rapportdo M.Uibotsur la Tunisie JournalOfficiel Française,39 avril 1892.


4ela République
120 REVUE DE L'ISLAM

En 1887, un nouveau tribunal de première instance fut installé à Sousse, et


en 1890 le nombre des justices de paix était de seize. Le régime des prisons a
été sensiblement amélioré par la France.
En somme, en pays musulman la justice civile est rendue par les cadis, inter-
prètes du Koran et des traditions qui règlent tout ce qui concerne les rapports
entre les intérêts et les personnes ; mais la justice correctionnelle et criminelle
est rendue par le Bey, souverain.
Quand le protectorat a été établi, ce dernier principe n'avait souffert aucune
atteinte. Toutes les affaires criminelles et correctionnelles de la Régence s'étu-
diaient à Tunis et le bey signait tous les jugements. Un attentat se commettait-
il à Tozeur ou aZarzis, accusés, accusateurs, témoins étaient obligés de venir à
Tunis. Cela était assurément fort gênant et cela n'en a pas moins duré quinze
ans encore sous notre domination.
On a pris son temps pour décider le bey à déléguer son autorité à des juges,
on a attendu d'avoir formé ces juges et on a attendu aussi que le budget fût ne
état de supporter la dépense que devait entraîner la création de tribunaux
locaux dans l'intérieur du pays. C'est en 1896 seulement qu'on s'est jugé en
mesure, et un décret du 18 mars de celle môme année a organisé cette institu-
tion si neuve des tribunaux indigènes.
On a commencé par en installer à Gafsa, à Gabès et à Sfax, c'est-à-dire dans
les régions les plus éloignées; ces tribunaux jugent pour tout le sud jusqu'à
. 200 francs en dernier ressort et jusqu'à 1.200 francs sous réserve d'appel. L'es-
sai a pleinement réussi. Sur 2,000 affaires jugées par les tribunaux dans les
huit premiers mois de leur existence, six seulement ont été l'objet d'appel. Et il
se trouve que le léger droit de timbre dont sont frappées les pièces à produire
en justice paie la dépense de cette magistrature indigène très modestement
rétribuée. Aussi a-t-on pour compléter le revenu judiciaire créé d'autres tribu-
naux à Sousse, au Kef, etc.

I'ItOri'IlîTIÎFONCIÈ1UÏ
Au point de vue de la propriété foncière, la France a beaucoup amélioré la
situation de la Régence.
D'après la législation tunisienne, le droit de propriété se transmet par acte
ciuthenliquc, et le notaire chargé de dresser l'acte est tenu d'établir préalable-
ment la consistance du domaine et le droit du vendeur. Mais, par suite de l'ab-
sence de cadastre et d'enregistrement, l'usage s'était introduit de procéder aux
constatations exigées par la loi en dressant un acte de notoriété publique
(outika), rédigé après enquête, sur les lieux, et au bas duquel était inscrit l'acte
de vente.
En cas de nouvelle cession de l'immeuble, le second contrat était écrit à la
suile du premier, et il était admis qu'une outika suivie de trois contrats de
vente au moins constituait un titre de propriété.
Ce système créait beaucoup d'incertitude. En effet il pouvait arriver qu'un
propriétaire, détenant un litre régulier, le dissimulât et vendit sur une outika;
REVUE DE L'ISLAM 121

il pouvait Arendre ensuite sur son titre une seconde fois et, le titre prévalant sur
Poutika, le premier acheteur se trouvait évincé.
Si l'on considère en outre que des insurrections, des confiscations sont
venues encore ajouter à ces causes d'incertitude dans l'assiette de la propriété,
et qu'à l'intérieur du territoire de certaines provinces, il n'est pour ainsi dire
point d'immeuble pour lequel il n'existe plusieurs titres de propriété réguliers
aux mains d'individus différents, on apercevra facilement les difficultés contre
lesquelles eurent à lutter les premiers colons venus en Tunisie.
La loi du let juillet 1885 sur la propriété foncière a emprunté son principe
fondamental à YAd, Torrens, qui a rendu tant de services en Australie.
« Un titre doit-être créé pour chaque immeuble, qui contiendra, indépendam-
ment d'une description exacte de la contenance et d'un plan détaillé du terrain,
l'indication du nom du propriétaire actuel, l'énonciation de tous les droits ou de
toutes les charges dont il est grevé. Ce titre, qui représente l'immeuble et lui
donne ainsi une sorte de personnalité, doit suivre et enregistrer toutes les mo-
difications qui peuvent survenir dans.sa consistance matérielle ou dans son état
juridique. »
Moyennant une faible redevance, on fait inscrire sa propriété sur le registre
de la propriété foncière ; tous les ayants droit ont un délai de deux mois pour
faire valoir leur prétentions. Passé ce délai, aucune réclamation n'est plus ad-
mise. La propriété est donc assise sur des bases indiscutables. Le titre de pro-
priété est toujours accompagné du plan de l'immeuble dressé par un géomètre
assermenté.
Le régime hypothécaire est aussi très favorable au crédit, car toutes les
charges et hypothèques non inscrite sur le titre sont absolument nulles par rap-
port aux tiers.
Le domaine public et le domaine de l'Etat, en Tunisie, étaient, avant l'éta-
blissement de notre protectorat, dans l'abandon le plus complet. Un arrêté du
1er décembre 1881 dut en indiquer les principaux éléments et rappeler les droits
de l'Etat sur les forêts et les mines.
Le Gouvernement a surveillé aussi les biens de main morte ou biens habous.
Au chapitre de la colonisation, nous parlerons en détail de ces derniers, qui
sont inaliénables, mais dont la cession perpétuelle de la jouissance est autorisée
moyennant une rente annuelle (contrat A'enzel).

(A suivre.) LUCIENHEUDEBERT.
122 REVUE DE L'ISLAM

UK GOtfTE DES MU-LE KUlTS & UNE HUIT

HISTOIRE 1>E BAGBOUCK


LE PREMIER FRÈRE I>U BARBIER
(FIN.)

Le Gheick l'invita alors à raconter les détails de la chose; et il les raconta.


Alors le Cheich dit : «C'esttrès simplel ton étoile ne s'accorde pas avec l'étoile
de la jeune femme ! » Bacbouk dit : « 0 maudit ! va-t'en voir si tu peux in-
venter encore d'autres perfidies ! » Puis mon frère s'éloigna et s'en alla réin-
tégrer sa boutique, où il se mit en devoir d'attendre quelque travail qui lui per-
mît de gagner son pain, lui qui avait tant travaillé sans être payé 1
Or, pendant qu'il était assis, voici venir lajeune esclave blanche, qui lui dit :
« Ma maîtresse te désire ardemment ; et elle me charge de te dire qu'elle vient
de monter sur la terrasse pour, de la lucarne, avoir le plaisir de te contempler. »
Et, de fait à l'instant môme, mon frère vit apparaître à la lucarne la jeune
femme qui était tout en larmes, qui se lamentait, et qui disait : « Pourquoi, mon
chéri, as-tu l'air ainsi boudeur, et tellement fâché que tu ne me regardes môme
pas? Je te jure, sur la vie, que tout ce qui s'est passé clans le moulin s'est passé
à mon insu ! Et quant à cetle esclave folle, je ne veux pas que tu lui fasses
l'honneur de la regarder. Moi seul désormais je serai tienne ! » Alors mon frère
Bacbouk leva la tête et regarda la jeune femme ; et sa seule vue lui fit oublier
toutes les tribulations passées, et il se reposa les yeux à contempler sa beauté et
ses charmes. Puis il se mit à lui parler, et elle aussi, jusqu'à ce qu'il se fût per-
suadé que tous ses malheurs étaient arrivés â d'autres qu'il lui.
Bacbouk, dans l'espoir de revoir la jeune femme, continua à tailler et à coudre
chemises, caleçons, robes de dessous, robes de dessus jusqu'à ce que la jeune
esclave fût venue un jour le trouver et lui dit : « Ma maîtresse te salue et te dit
que, cette nuit même, mon maître, son époux, s'absente à un festin chez un de
ses amis, et cela jusqu'au matin. Aussi t'atlend-elle avec impatience pour cou-
cher avec toi et passer cette nuit dans les délices et toutes sortes d'amuse-
ments ! »
Et ce Bacbouk stupide faillit complètement perdre la raison à cetle nouvelle.
Or la perfide jeune femme avait combiné un dernier plan, de connivence avec
son mari, pour se débarrasser de mon frère et, de celle façon se dispenser elle
et son mari, de lui payer le prix de tous les habits qu'on lui avait commandés.
Le propriétaire avait donc dit à sa femme : « Comment faudra-t.il faire pour le
décider à pénétrer chez toi et, de cetle façon le surprendre et le traîner chez le
Wali '? » Elle répondit : « Laisse-moi donc agira ma guise, et je le tromperai
d'une telle tromperie et le compromettrai d'une telle compromission qu'il sera
honni de toute la ville ! »
Tout cela ! et Bacbouk mon frère ne s'en doutait nullement I Et il ignorait,
REVUE DE L'ISLAM 123

d'ailleurs, toutes les ruses et toutes les embûches dont sont capables les femmes.
Aussi, le soir venu, la jeune esclave le conduisit auprès de sa maîtresse, qui
aussitôt se leva, le salua, lui sourit et lui dit : « Par Allah ! 0 mon maître, comme
j'arde de te voir enfin auprès de moi! » Et Bacbouk lui dit : « Moi aussi ! mais
vite, et avant tout, un baiser ! Et, ensuite... » Mais il n'avait pas encore achevé
de parler que la porte de la salle s'ouvrit, et entra le mari de la jeune femme,
suivi de deux esclaves noirs qui se précipitèrent sur mon frère Bacbouk, le gar-
rotèrent, le jetèrent à terre, et, pour commencer, lui caressèrent le dos de leurs,
fouets. Puis ils le chargèrent sur leurs épaules et le transportèrent chez le Wali,
qui aussitôt le condamna à la peine suivante : après une administration de deux
cents coups de lanières, on le hissa sur le dos d'un chameau, on l'y lia et on le
promena par toutes les rues de Bagdad ; et un crieur public criait à haute voix :
« Voilà comment sera puni tout homme qui assaille les femmes de ses sem-
blables! »
Or, pendant qu'on le promenait de la sorte, soudain le chameiiu devint fu-
rieux et se mit à faire de grands écarts. Et Bacbouk ne put que tomber à terre,
et du coup il se cassa la jambe. Et, depuis ce temps, il est devenu boiteux
comme il Test. De plus le Wali le condamna à l'exil, et Bacbouk, la jambe cas-
sée, sortit de la ville. Mais, juste à temps, je fus prévenu de tout cela, 0 com-
mandeur des Croyants, moi son frère, et je courus derrière lui, et je le ramenai
ici secrètement, je dois te l'avouer, et je me chargeai de sa guérison, de ses dé-
penses et de tous ses besoins. Et je continue 1 »
A celte histoire de Bacbouk, que je racontai, ô mes maîtres, au Kalifat Mon-
tasser-Billah, il se mit à rire aux éclats et me dit : « Commes tu racontes bien !
et quel joli récit ! »
Je lui répondis : « En vérité je ne mérite pas encore ces louanges de ta part !
Car alors que diras-tu lorsque tu auras entendu l'histoire de chacun de mes
autres frères ! Mais j'ai bien peur que tu me croies un bavard ou un indiscret ! »
Et le Kalifat répondit : Loin de moi ! hâte-toi au contraire de me raconter ce
qu'il est advenu de les autres frères, pour orner mes oreilles de cette histoire
comme de boucles d'or, et ne crains pas de me la détailler longuement, car je
prévois qu'elle sera délicieuse et pleine de saveur ! »
124 REVUE DE L'ISLAM

LES PROTÉGÉS FRANÇAIS DE SOUR (OMAN)

La ville de Sour a une population d'environ 12.000 âmes. C'est la plus impor-
tante de l'Oman après Mascate, ou plutôt le groupe des deux villes Mascate-
Matrah.
Elle est située non loin du cap Ras-el-IIedd, sommet de l'angle oriental du
quadrilatère allongé que dessinent lés contours de ce pays. Placé au fond d'une
anse largement ouverte au nord-ouest, son mouillage, d'ailleurs bien abrité, n'a
qu'un accès étroit au nord, à travers les hauts fonds. La ville est composée de
deux parties principales sur les deux rives d'un long chenal que les marées ont
creusé entre le port et un bassin intérieur, accessible pendant les hautes marées
aux mêmes petits voiliers que reçoit le port.
Le nom de Sour, avec Ys forte sémitique, pourrait avoir pour origine le mot
Sowr, qui signifie rive d'un fleuve. Actuellement il a la môme forme que le
nom arabe de la ville de Tyr. Des deux quartiers de la ville, celui qui est de
beaucoup le principal, Oumm-Coreymteyn, occupe l'embouchure du chenal sur
sa rive occidentale ; l'autre quartier, sur la rive opposée, s'appelle El-Ayjâ
(qu'on écrit El-Aycâ).
L'anse de Sour correspond à une puissante dépression de la chaîne côtière
qui commence â Mascate et borde le rivage de toute la moitié méridionale de
l'Oman. Par cette dépression les deux provinces de laCharquia et deJâlancom-
muniquent avec la mer, ayant à Sour le marché de leurs relations extérieures.
Telle est, oulre l'existence d'un havre suffisant aux anciens navires, la raison
d'existence de la ville de Sour. Avec les instruments modernes des communica-
tions terrestres et avec la dimension des nouveaux navires, c'est au Khawr-
Jerama, non loin de là, et plus près du Ras-el-IIedd, que la ville aurait sa place;
et déjà, depuis que les constructeurs arabes ont élevé leur art jusqu'à la cons-
truction de la baghla « mule » de 150 tonneaux, le Jerama est utilisé pour ces
navires, relativement énormes, que la ville de Sour, seule dans tout l'Oman,
sait construire, et dont elle est très fière de posséder une centaine.
D'ailleurs, il n'en faut pas tant à ses hardis marins pour affronter les typhons
de l'Océan Indien et ils osent, en longeant le plus possible les côtes il est vrai,
aller jusqu'aux Comores et au canal de Mozambique sur de simples embarca-
tions non pontées, d'une quinzaine de tonneaux.
La facilité relative des communications par voiliers entre l'Oman et l'Afrique
sud-orientale, grâce à l'alternance des moussons, attire de temps immémorial
dans cette direction les marins arabes et notamment ceux de l'Oman méridional,
qui se trouve tout près de la région des vents alises. Il en résulte qu'un grand
nombre d'habitants de ce pays séjournent et souvent même se fixent sans espritj
de retour dans nos colonies de Djibouti, des Comores et de Madagascar. Dès
l'époque où nous avons eu un pied dans celte partie de l'Océan Indien, quelques
habitants de Sour ont ainsi obtenu, non pas la naturalisation française, à
REVUE DE L'ISLAM 125

laquelle cependant beaucoup auraient pu prétendre, ni même l'assimilation aux


indigènes de nos colonies, mais une protection temporaire, renouvelée d'année
en année au profit des meilleurs sujets. Ces pauvres gens bénéficient de nos
institutions de peuple civilisé, et nos consuls les aident gratuitement dans
leurs contestations avec les particuliers étrangers et dans leurs réclamations
contre les agents des autorités étrangères.
Cette situation remonte à la première moitié du siècle et elle a pris naissance
sous le règne du séyid Saïd, dernier imam de Mascate, mort en 1856, dont l'au-
torité s'exerçait effectivement sur la ville de Sour et qui pendant son long règne
n'éleva jamais la plus petite protestation contre cet état de choses. Il en est par-
mi nos protégés qui ont succédé dans cette protection à leurs ascendants de
deux générations.
Il faut reconnaître aussi que le gouvernement français usa toujours avec une
grande modération de cette ombre de la naturalisation qui est cependant une
institution usitée entre les plus grandes nations civilisées, et dont la France
aurait pu faire un emploi beaucoup moins limité à l'égard d'une nationalité
inférieure comme l'est celle de l'Oman, surtout depuis que, dans les mains
débiles des successeurs du séyid Saïd, le royaume s'est disloqué, morcelé à l'in-
fini, et que la ville de Sour est devenue de fait indépendante. Les Souriens pos-
sèdent une vingtaine de navires francisés, dont quelques-uns jaugent quinze à
vingt tonneaux
BAHET.

LA FEMME OTTOMANE

Le cadre restreint de notre Revue ne nous permet pas, à notre grand regret, de
publier m-extenso, l'éloquent discours que MmoAvierino, l'intelligente directrice de la
revue Anis-el-Galis a prononcé, lu 17 août, à la salle des Conférences coloniales,
à l'Exposition Universelle. Nous allons donc en donner quelques extraits :

Et maintenant que je vous ai parlé, Mesdames et Messieurs, de la femme


ottomane et de la pureté de ses moeurs, permettez-moi de vous dire un mot de
son instruction. Mes soeurs turques et arabes ne sont pas si ignorantes comme
on le croit ici. Nous avons aujourd'hui en Turqu;e, en Egypte et en Syrie des
écrivains et des poètes de notre sexe , que la galanterie des hommes appelle
beau. La liste des noms de nos femmes littérateurs et savantes est si longue que
je craindrais abuser de la bienveillante attention de mes aimables auditeurs en
la citant. Oui, mes soeurs ottomanes ont écrit des contes moraux en prose et en
vers et ont fait môme des pièces de théâtre. Elles ont traduit des ouvrages
français pour populariser votre belle littérature. Et à qui devons-nous toute
notre instruction? Nous la devons à S. M. I. le Sultan, car depuis son avène-
ment au trône, notre Auguste Souverain, connaissant le bien qui résulte de
l'éducation de la femme pour la famille, n'a cessé d'encourager l'instruction
126 REVUE DE L'ISLAM

tioti féminine en fondant, non seulement dans les grandes villes de Son Empire,
mais même dans les plus petits villages, des écoles de jeunes filles. D'ailleurs,
mon cher et vénéré Maître, le Cheikh Abou Naddara, a visité ces écoles à Cons-
tantinople, par ordre de Sa Majesté, et vous en a rendu compte dans ses journaux
et dans ses conférences...
Je n'ai jamais ambitionné la richesse, mais aujourd'hui je voudrais être
Rothschild pour vous inviter, Mesdames et Messieurs, à m'accompagner dans le
les
voyage que j'entreprends demain. Nous dirigerions ensemble nos pas vers
rives du Bosphore, où pour mieux dire, nous nous laisserons transporter sur
les ailes de l'Express-Orient jusqu'à Constantinople.
Mais hélas, je ne suis pas assez riche pour payer ce coûteux voyage à mes
nombreux auditeurs. Je prie donc Dieu de leur accorder la chance de visiter
Constantinople pour se persuader que les Ottomanes sont dignes des sympa-
thies de leurs soeurs de France. (Extrait du Journal à'Abou Nailara).

MARCHANDISES PROHIBÉES EN TURQUIE

On a demandé à la Chambre de commerce française de Constantinople de dresser


la liste des articles dont l'entrée es"tinterdite en Turquie. Voiei de quelle façon spiri-
tuelle son éminent président, M. Ernest Giraud, répond dans le dernier Bulletin mensuel
de la Chambre :

La nomenclature officielle des marchandises prohibées n'existe pas ; certaines


interdictions sont momentanées, d'autres peuvent se produire du jour au lende-
main. Par conséquent, nous ne garantissons pas que seuls les objets indiqués
ci-dessous soient interdits.
Parmi les marchandises dont l'importation est défendue viennent, en premier
lieu, celles pour lesquelles il a été accordé des monopoles. Le sel et le tabac.
L'entrée du sel de table en flacons est cependant autorisée. Est également per-
mise, moyennant le paiement d'un droit de douane de 75 0/0 ad valorem, l'entrée
des cigares, du tabac à chiquer et du tabac à priser. Quant au tabac à fumer,
son importation est absolument prohibée.
Les munitions et armes de guerre sont prohibées ; il en est de même de la
poudre de chasse et nous chassons avec de la poudre provenant de vieilles car-
touches défaites, que la Direction de l'Artillerie met à notre disposition à un
prix modéré, p. 16 le kilogr. (fr. 3.36). Mais quelle poudre! C'est plutôt de la
houille et, au quinzième coup de fusil, on est transformé en ramoneur.
Les armes de chasse, les douilles vides et les capsules entrent librement. Les
carabines et pistolets Flobert ne sont pas prohibés, mais leurs munitions le sont
et la Grande Maîtrise de l'Artillerie n'en vend pas. Alors ?
Les revolvers et pistolets sont interdits.
Les balles, même rondes, leurs moules, les chevrotines sont prohibées ; par
REVUE DE L'ISLAM 127

fois le gouvernement défend temporairement l'importation du plomb, sous toutes


ses formes, dans certaines régions.
Bien entendu, tous les explosifs sont prohibés, même lorsqu'ils servent à la
pharmacie, comme le picrate de potasse. Ceux-ci sont délivrés, en petites quan-
tités aux pharmaciens par la Direction de l'Artillerie.
Les mèches à mines sont prohibées ; le gouvernement en vend, mais elles
sont de qualité inférieure.
Tous les appareils électriques et les téléphones sont interdits ; il n'est fait
d'exception que pour les sonneries électriques et leurs accessoires.
L'huile de colon est très sévèrement prohibée ; sa présence, môme à l'état de
traces, dans un corps, suffit pour empocher l'entrée de ce corps. Ainsi la mar-
garine contenant un peu d'huile de colon est refusée; elle peut entrer si elle
contient de l'huile de sésame.
Les huiles d'olive ne sont admises que pures ; tout mélange d'huile de graines
en fait interdire l'importation.
Les produits faussement dénommés n'entrent pas. Par exemple de l'huile de
sésame épurée qualifiée d'huile d'amandes douces, est refusée.
Quelquefois — il y a des périodes — les savons sont refusés comme nuisibles
à la santé. Qu'est-ce qui, dans un savon, peut être nuisible à la santé? Nous
l'ignorons et personne n'a pu nous renseigner sur ce sujet. Peut-être la présence
du talc. Nous ne garantissons rien.
Souvent nous avons expliqué que les farines, ayant moins de 9 0/0 de gluten '
sec et dont ce gluten n'a pas au moins 25 0/0 d'élasticité, sont prohibées.
Les drogues, spécialités pharmaceutiques et tous les médicaments sont soi-
gneusement analysés; les spécialités doivent indiquer leur composition pour
être admises. On se base sur le codex français. La cocaïne est prohibée.
On est très sévère en ce qui concerne les emblèmes et les inscriptions reli-
gieuses. Il en est de même pour les armes impériales. Les livres et images sont
soumis à la censure, qui est d'autant plus rigoureuse que les censeurs possèdent
imparfaitement les langues étrangères.
Les teintures pour les cheveux, poudres et élixirs dentifrices et autres articles
de parfumerie sont refusés s'ils sont nuisibles à la santé; on exige le détail de
leur composition.
En dehors de ces interdictions spéciales, de certaines que nous devons oublier,
de celles que nous ignorons, de quelques autres qui ne sont pas nées encore, est
prohibé tout produit nuisible à.la santé publique, détonant, contraire aux bonnes
moeurs, à la morale et au respect dû aux religions et aux autorités. Étant donnés
l'excès de zèle qui sévit dans le personnel administratif inférieur des douanes,
l'ardeur qui anime les chimistes et las censeurs, on doit se rendre compte que
les importateurs d'articles étrangers ne sont pas précisément ici sur un lit de
roses.
128 REVUE DE L'ISLAM

BIBLIOGRAPHIE

VICTOR-EMILE MIGHELET: Contes Aventureux (Couronné par l'Académie fran-


çaise). — Au bord des flots,devant la vision de l'immensité, l'âme revêt une pos-
sibilité d'émotions qui ne ressemble plus à celle des hommes de la terre. Dans la
cité, une déformation s'opère dans les esprits. La sensibilité de l'homme de la
mer et de l'homme de la grande ville ont des manifestations particulières. Sont-
elles très différentes? La grande ville aussi est une sorte d'océan que bouleverse
la houle humaine.
Le but du conteur doit être de suggérer une émotion de beauté. L'auteur des
Contes Aventureux passe du monde de la cité réelle au monde de la cité idéale.
Au cours de quelques pages seulement, le conteur a pénétré dans le domaine de
la féerie. C'est la cause ou la conséquence des actes humains que le poète révèle
dans le monde invisible. Ainsi certains passages jettent le lecteur au coeur du
Mystère. A part ces échappées, le conteur se maintient sur le terrain de la vie
apparente, aA'ec grâce et fermeté.
Les Contes Aventureux sont écrits en une langue, à la fois audacieu sèment
personnelle et de pure tradition française, où toujours chante une mystérieuse
mélodie intérieure. Ce volume forme le tome IV de la collection Conteurs et
poètes de tous pays. J. Maisonneuve, éditeur.

Les chemins de fer en Tunisie, par Jean Desgarannes. — La mission Gentil et


la défaite de Rabah, par Aurélien Albin. — Le régime des spiritueux eii Afrique,
par Eug. Etienne, député. {Questions diplomatiques et coloniales, 15 mai.)
La littérature coloniale, par G. Gharlet. (Revue Encyclopédiqiçe Larousse,
19 mai.)
Une mission d'exploration scientifique au Tidikelt, par G.-B.-M. Flamand. —
Le voyage à Ghat du cheikh Mohammed-el-Taïeb, par M. P. Blanchet. [Annales
de Géographie, 15 mai.)
La famine aux Indes, par le prince Bojidar Karageorgevitch. [Revue des Re-
vues, 15 mai.)
Notice sur le Congo français et divers autres ouvrages sur les colonies, l'orien-
talisme et l'américanisme. (Librairie Africaine et Coloniale, 27, rue Bonaparte. )

Le Catalogue de Journaux publié par le Courrier de la Presse, 21, boulevard


Montmartre, à Paris est destiné à rendre les plus grands services à la Presse, à
la Finance, aux Industriels et au Commerce pour la publicité, par les renseigne-
ments qu'il contient sur toutes les publications françaises, et Journaux étran-
gers ; 13,000 Journaux environ, dont 3,800 à Paris, 4,500 jiour les Départements
et les Colonies et 4,800 Étrangers; adresses, périodicité; liste des différents chro-
niqueurs et critiques, renseignements techniques divers, etc.
1 vol. in-8° carré, 450 pages environ, pris au Bureau, 3 francs; franco domicile :
à Paris, 3 fr. 25 ; Départements et Étranger, 3 fr. 50 contre mandat-poste.
N° 58. Septembre 1900.

NOTES SUR LA TUNISIE


( sunn )

INSTRUCTION
PUBLIQUE.

L'instruction publique, si importante dans les pays d'Europe, est aussi l'un
des services qui méritent le plus l'attention des pouvoirs publics dans les colo-
nies. Sans prétendre vouloir assimiler à nos moeurs et à nos idées des popula-
tions qu'une civilisation différente, une religion spéciale et un long passé sépa-
rent de nous encore profondément, il est certain qu'en propageant l'instruc-
tion, telle que nous la comprenons, c'est "comme si nous semions là-bas l'amour
de la France !
La propagation de la langue française surtout doit être l'objet de toutes les
sollicitudes. C'est en apprenant à parler notre langage que les indigènes pour-
ront mieux nous apprécier et que pourront tomber une à une les barrières entre
chrétiens ut musulmans, si chacun veut bien y mettre un peu du sien, si tout
le monde accepte surtout ce grand principe : la tolérance.
Malheureusement, malgré les efforts faits, quoique des résultais notables
aient cependant été déjà acquis, les progrès de l'instruction française sont lents
en Tunisie, et cela, malgré l'aide empressé que donne au gouvernement rési-
dentiel l'Alliance française, cetle utile association qui cherche à répandre par-
tout notre belle langue française! i
L'enseignement public français a été créé en Tunisie en mai 1883. Le direc-
teur de l'enseignement public est chargé de toutes les questions relatives à
l'instruction publique. Bes inspecteurs sont chargés d'inspecter l'enseignement
arabe donné dans les mosquées, dans les madraças, et aux collèges Sadiki et
Alaoui ; etc.
En 1883, au moment où fut créée la direction de l'enseignement public, la
Tunisie comprenait 24 établissements dans lesquels l'instruction était donnée
en français, dont 2 collèges; 20 de ce» établissements, parmi lesquels le collège
Saint-Charles, étaient dirigés par les congréganistes (frères de la doclrine chré-
tienne, missionnaires d'Afrique, soeurs de Saint-Joseph, etc.); les quatre autres
(le collège Sadiki et les écoles dé l'Alliance israélite) étaient dirigées par dés
laïques.
En 1890, on comptait 75 établissements scolaires publics et 8 privés, soit en
tout 83 établissements dans lesquels la langue française servait de base à l'en-
seignement.
Les sommes totales affectées à l'enseignement public étaient de 728,000 francs
en 1889-90, sans eompler les traitements des professeurs musulmans des mos-
des biens habous.
quées et des madraças, qui sont payés par l'administration
Le lycée, ancien collège Saint-Charles, fondé en 1880 par le cardinal Lavi-
gerie, a été cédé en 1889 à la direction de l'enseignement public. Il reçoit des
élèves européens et musulmans.
9
130 REVUE DE L'ISLAM

Le collège Sadiki, fondé en 1876, reçoit 150 élèves musulmans admis au con-
cours et qui s'y préparent, sous la direction de maîtres musulmans et français,
aux carrières libérales et administratives. Plusieurs ont été envoyés en France
pour y terminer leurs éludes.
Le collège Alaoui ou Ecole normale de garçons a été fondé à Tunis en 1884.
Il comprend des élôves-maitres ainsi que des élèves qui ne se destinent pas à
l'enseignement. Cette école est la pépinière des institutions scolaires de la Tunisie.
Une école secondaire avec cours normal a été organisée pour les jeunes filles.
A la fin de l'année 1895, le nombre des établissements d'instruction de la
Tunisie était de 109, y compris le lycée Carnot, le collège Alaoui, le collège
Sadiki et l'école secondaire de jeunes filles. Parmi les écoles primaires, 63 sont
destinées aux garçons, 29 aux filles, et 13 reçoivent des enfants des deux sexes.
A celte époque, l'enseignement public comptait 95 écoles (78 laïques e
17 congréganistes); l'enseignement privé en possédait 14 (6 laïques et 8 con-
gréganistes).
Le nombre des élèves des écoles publiques, qui était de 10,312 en 1894, a été
de 10,881 en 1895, soit une augmentation de 566 unités.
Les écoles privées ont reçu 3,060 élèves en 1895; la population des établisse-
ments scolaires de la Régence a atteint, par suite, en 1895, le chiffre total de
13,941 élèves (9,207 garçons et 4,734 filles).
A ce propos, il est bon de rappeler que le chiffre de la population scolaire
n'était que de 4,390 en 1885 et de 10.749 en 1890.
L'augmentation du nombre des élèves étrangers dans certaines écoles a été
considérable; on a môme dû refuser des enfants faute de place pour les recevoir.
Mais que sont, ces chiffres pour une population totale de plus d'un million et
demi d'habitants! Quel progrès considérable reste à accomplir encore!
Au point de vue des nationalités, les élèves se répartissent de la manière sui-
vante :
•1894 189S •

Français 2.361 2.135


Italiens 2.334 2.146
Mallais 1.508 1.447
Musulmans '. . 3.585 3.520
Israélites 3.914 4.500
Divers 239 322
Totaux 13.941 13.970

Les écoles primaires coraniques de la Régence, au nombre de 971, ont été


fréquentées en 1895 par 18,000 élèves environ, âgés de cinq ans à seize ans.
L'enseignement a été donné par 979 maîtres. En 1882, les écoles du Coran n'é-
taient qu'au nombre de 521 et elles étaient peuplées de 13,816 élèves.
L'enseignement musulman est donné, à Tunis, dans l'Université installée
dans la mosquée de l'Olivier (Djama-ez-Zitouna) par quarante quatre profes-
REVUE DE L'ISLAM 131

seurs et quarante postulants ou répétiteurs à 450 élèves. On y enseigne le droit,


la rhétorique, la poésie, la grammaire, l'histoire naturelle. La bibliothèque ren-
ferme une riche collection de manuscrits.
Le collège Sadiki, que nous avons déjà signalé tout à l'heure et qui fut fondé
à Tunis par le général Khérédine, alors premier ministre du bey Mohammed-es-
Sadok, divise son enseignement en trois sections : deux musulmanes et une
européenne. Les deux premières comprennent chacune quatre années d'études
et emploient onze professeurs; on apprend dans la première le Coran, l'écri-
ture arabe et quelques morceaux d'ouvrages classiques arabes; dans la seconde
on enseigne l'arithmétique simple, la grammaire, le commentaire du Coran,
la jurisprudence, la logique, la littérature, l'histoire, « le tout en arabe, d'après
les auteurs arabes et suivant les méthodes arabes ».
Des examens trimestriels passés devant les professeurs et le directeur, des
examens annuels publics sont imposés aux élèves. Des certificats d'aptitude sont
délivrés à la fin des cours de chaque section, un diplôme définitif après l'achè-
vement des éludes.
Quant à la section européenne, son directeur est français, les professeurs pour
la plupart français; l'étude du français, de l'italien ou du turc y est facultative;
celle des mathématiques, des sciences physiques et naturelles, de la géographie
et du dessin graphique y est obligatoire.
« Le régime et l'installation du collège méritent d'être connus, c'est, dit
M. P. Foncin (1), une vaste maison mauresque située dans le quartier de Sidi-
cl-Môrdjani. Elle se compose d'une cour quadrangulaire autour de laquelle sont
rangés deux étages de galeries et de salles blanchies à la chaux et dallées en
faïence. Les bancs et les tables ne sont en usage qu'au réfectoire et dans les
classes de la section européenne. Des nattes et des planchettes suffisent aux
écoliers musulmans.
« Bien qu'il faille très peu de place à un Oriental pour s'asseoir, l'établisse-
ment ne peut contenir que cent cinquante élèves, cinquante internes et cent
demi-pensionnaires (pour employer le langage de l'Occident). Ceux-ci arrivent
au Collège, l'hiver, à huit beures du matin, pour en sortir à quatre heures de
l'après-midi. L'été, ils s'y rendent à sept heures et s'en vont à six heures du
soir. Tous prennent, le soir et en commun, un repas qui est à la charge du
collège. Les internes ont aussi le souper.
Ce que nous'appelons « les fournitures » : papier, plumes, encre, instruments
de mathématiques, livres, cahiers, tout est fourni par l'établissement. Les
internes sont habillés et entretenus; ce sont de véritables « boursiers ». Les
repas sont servis « à l'européenne » dans des assiettes ; les élèves ont des cou-
teaux, des cuillers, des fourchettes, des verres. Les lits se composent de matelas
simples posés à terre sur des nattes mais garnis de draps et de couvertures de
laine. Un médecin indigène, qui a fait ses éludes à Alger, est attaché à la mis-

en Tunisie(1882),mûnoiropubliépar la lleiwcinternationale
(1) L'enseignement île l'Enseignement.
132 REVUE DE L'ISLAM

sion. Quand on connaît les habitudes arabes, on ne peut qu'être frappé de


l'esprit novateur qui a présidé à l'organisation du Collège Sadiki.
« Les revenus d'une grande partie des propriétés du Kasnadar, prédécesseur
de Khérédine, ont été affectés à la fondation et à l'entretien de la maison ; ils
en constituent la dotation. Naguère encore, ces biens produisaient une rente
annuelle de 200 à 230.000 piastres (124 à 142.000 francs). Malheureusement,
ils ont été dilapidés avant l'établissement du protectorat français. »
Dans les écoles du Coran de la Régence où écoles coraniques, l'enseignement
est ainsi donné : « sous la direction d'un vieillard impassible, dit M. P. Foncin,
armé d'une longue baguette, des enfants accroupis presque tout le jour dans
une chambre basse crient à tue-tête ; c'est un vacarme assourdissant; chacun
d'eux a sur les genoux un planchette sur laquelle sont inscrits des versets du
Coran ; il s'époumonne à les répéter, sans en comprendre un mot jusqu'à ce
qu'il les sache imperturbablement par coeur. Ce genre d'étude n'appartient à
aucune classification connue; il n'offre aucun danger politique, mais il est
aussi contraire à l'hygiène qu'abêtissant ».
L'École de l'Alliance israélile universelle, fondée en 1878, sous les auspices
du Consul de France, et placée sous le patronage de la France, a un budget
. annuel de 100,000 francs et compte environ mille élèves, tous externes, dont
une centaine payants et douze professeurs, dont huit pour le français, deux
pour l'arabe, deux pour l'hébreu. Une salle d'asile, annexée à l'Ecole, recueille
les enfants de quatre à sept ans, et les prépare à entrer à l'école, où ils ap-
prennent jusqu'à quinze ans.
Le directeur de cette école a toujours été un Français, mais en 1880, les Ita-
liens essayèrent de faire nommer directeur un de leurs nationaux; leur tenta-
tive ayant échoué, cet insuccès amena cent soixante élèves israélites d'origine
italienne à quitter l'école; ils ont constitué une école juive italienne spéciale.
L'Alliance israélile universelle a fondé encore, en 1882, une école de filles à
Tunis.
Les Frères des Ecoles chrétiennes ont une école à Tunis qui y a été fondée,
en 1859, par Mgr Sulter; elle donne un enseignement élémentaire en français,
et compte plus de quatre cents élèves.
Les Soeurs de Saint-Joseph de l'Apparition ont fondé une école à Tunis, en
1840; elle a environ trois cent cinquante élèves, italiens, maltais et français,
catholiques, israélites ou grecs orthodoxes. La tolérance réciproque entre les
cultes et les nationalités y est curieuse à constater.
Des institutions laïques libres ont été ouvertes à Tunis à partir de 1881 pour
les garçons et pour les filles.
Mgr Lavigerie, qui fut cardinal archevêque d'Alger et de Tunis, ouvrit en
1880, le collège Saint-Louis de Carthage qui, d'abord établi près de la Goulelle,
sur l'emplacement de l'ancienne Byrsa, fut transféré, en 1882, à Tunis même. 11
fut dirigé par les Pères Blancs, missionnaires d'Alger et les élèves italiens y ont
dominé. On y enseignait les matières de l'enseignement classique et spécial de
REVUE DE L'ISLAM 133

l'Université de France. 11admet les internes et les externes et a été cédé à l'Etat
en 1889, comme nous l'avons précédemment indiqué.
M. Machuel, inspecteur général de l'instruction publique, a dirigé avec éclat
la réorganisation de l'enseigement en Tunisie sous le protectorat.
L'enseignement italien existe en Tunisie depuis longtemps. Dès 1864, un
collège italien pour les garçons, appelé Ecole nationale, fut fondé par le gou-
vernement de Rome sur un terrain donné par le Bey et subventionné par
l'Italie. Ce collège a environ trois cent élèves et onze professeurs; on y ensei-
gne l'italien, le français, l'arabe, la géographie, l'histoire, l'arithmétique, l'al-
gèbre, la géométrie, la tenue des livres, le dessin. Tous les professeurs sont
italiens.
Les Italiens ont organisé en Tunisie, pour les filles, avant l'occupation fran-
çaise, un collège de deux cent cinquante élèves.
Les Italiens ont encore fondé à Tunis une Ecole nationale des arts et métiers,
comptant cent vingt élèves, subventionnée par le gouvernement italien; cette
école est gratuite et donne un enseignement pratique; ses professeurs sont
exclusivement italiens et elle fonctionne d'octobre à avril.
Les Italiens ont encore installé : à La Goulette, une école nationale et laïque
subventionnée de quatre vingts élèves; à Sousse, une école nationale laïque de
garçons et une école nationale de filles de cent élèves; à Sfax, deux écoles de
filles et de garçons, subventionnées comme les précédentes, et ayant cent cin-
quante élèves.
Pour maintenir son influence intellectuelle en Tunisie, la France a eu surtout !
et aura encore surtout à lutter contre les Italiens, très entreprenants qui savent
profiter habilement de la moindre hésitation et de la plus petite lenteur. Mais
les résultats déjà obtenus montrent le terrain que gagne chaque jour désormais
l'enseignement français et, le nombre de nos nationaux s'accroissant là-bas, il
arrivera un moment où l'influence que peut encore conserver l'élément italien
se perdra tout à fait ou restera dans une proportion acceptable.
On sait que le principal culte de la Tunisie est l'islamisme, mais tous les
cultes y sont libres; le culle des catholiques, celui des israélites et celui des
grecs sont exercés dans des églises, des synagogues et des écoles.
LUCIENHEUDERKUT.
134 REVUE DE L'ISLAM

UKE KOUVELLE D'ART MUSULMAN


R\J JVITJSÉE DU IiOTJV^E (1)

On ne connaît l'art musulman que depuis peu : j'entends par là que, tout en
goûtant, comme il convenait, la noblesse et la haule distinction de cetle forme
d'art, on ne l'avait pas étudiée jusqu'ici avec le sérieux, la méthode et l'esprit
de suite nécessaires. On n'avait pas songé à se fixer d'une manière précise ni
sur ses origines, ni sur son développement, et les diverses façons dont il se ma-
nifeste n'étaient ni nettement classées, ni rigoureusement définies.
On est mieux outillé à présent. Depuis une dizaine d'années des spécialistes
ont commencé le déblayage, et le fil conducteur apparaît. M. Emile Mobilier,
conservateur des objets d'art au Musée du Louvre, et M. Georges Migeon, son
adjoint, ont jugé le moment favorable pour mettre en valeur, dignement, les
précieux spécimens d'art musulman ou arabe renfermés dans leurs collections.
Ils y ont joint quelques pièces nouvelles, et ils ont réparti avec infiniment de
goût cet ensemble dans deux salles qui se sont ouvertes aujourd'hui au pu-
blic. Nous ne saurions trop conseiller aux curieux la visite et l'examen attentif
de ces salles. Un plaisir délicat les y attend et ils y prendront avec les étiquettes
dont chaque pièce est munie, un supplément d'instruction point banal.
Toutes les catégories de produits qui ont été marquées par l'art musulman
d'une empreinte vraiment personnelle sont représentées là par des morceaux de
premier ordre, en petit nombre, il est vrai, mais uniques el d'une valeur inappré-
ciable dans le travail. H faut admirer sans réserves, parmi les enivres ouvragés,
les deuxpiôces qui représentent d'une façon magistrale l'art arabes du xinc siècle,
le vase Barberini et le bassion d'ablutions dit de saint Louis.
Le premier fut offert au pape Urbain VIII par des pèlerins qui l'avaient rap-
porté de Terre sainte. 11 était resté, depuis la mort du pontife, dans la famille
Barberini à laquelle appartenait Urbain VIII. Il n'en est sorti que l'an dernier
pour entrer au Louvre. 11 est orné sur la partie médiane de sa panse, d'une
inscription qui en fixe la date. Le sultan d'Alep, Abdoul Mozbaffcr Yousouf, dont
il porte le nom, régna de 1238 à 1200. Le travail exécuté sur ses ordres fait
honneurà son goût. J'avouerai pourtant une préférence pour le bassin de saint
Louis, où l'artiste a damasquiné, en même temps que les motifs ornemen-
taux habituels, une lutte entre cavaliers bardés de fer du style et de l'effet le
plus larges. Ce bassin, qui provient du trésor de Saint-Denis, a fait partie de
l'ancien musée des souverains, d'où il était passé, dans la section d'objets d'art
du Louvre. On le met pour la première foison belle place.. C'est une révélation.
Aux ivoires, autre pièce d'exception, enlevée à une grande collection espa-
gnole, une pyxide de forme ronde, exécutée sur des modèles byzantins, sous la
domination des rois maures, par un artiste arabe dont le travail ne se reconnaî-

(1) Extraittliî Temps,


REVUE DE L'ISLAM 135

trait pas de celui de ses modèles sans l'inscription qui fait le tour de la boîte,
sous le couvercle. Parmi les motifs répartis suivant la mode byzantine, dans un
encadrement de feuillages très finement ouvragés, on retrouvera les éternels
motifs orientaux que la Grèce ancienne s'est appropriés dès ses origines ou que
ensuite, Byzance, adopta : le griffon asssyrien ou susien, les taureaux égorgés par
des lions, le type fortement stylisé de l'aigle. Tout cela fouillé et taillé avec
autant de décision que d'ampleur. Une boîte de la même époque, plus petite mais
d'un travail non moins raffiné, provenant de la collection Davillier, a, par la
même occasion, revu le jour. Elle vaut un sérieux examen.
Les beaux plats hispano-arabes, dont les reflets métalliques irradient la
grande pièce dont ils occupent le fond, sont pour nous d'anciennes connais-
sances; ils font partie depuis longtemps des collections du Louvre, mais on ne
s'était pas préoccupé jusqu'ici de mettre en évidence leur charme. Pour goûter
la splendeur de ces pièces, il est indispensable de les voir face au jour. Mainte-
nant que cetle condition nécessaire est remplie, la jouissance du connaisseur est
doublée.
Non loin d'eux, dans la vitrine centrale, considérez attentivement ces grands
bols en faïence vernissée dont la forme, en soi des plus simples, est caractérisée
par un aspect fruste et rude que les verts profonds du décor accentuent. On y sent
je ne sais quelle grandeur sauvage et barbare. C'est le premier cri de l'art per-
san. Ces précieux restes ont été retrouvés, il y a peu,, dans la vallée de l'Eu-
phrate. Ils sont de même famille, et de même provenance peut-être que les
beaux vases pansus par lesquels s'est manifesté à ses débuts l'art arabe, et dont
on trouvera également, dans la même vitrine, de puissants et rares spécimens.
A noter la forme d'un de ces vases, identique h à celle des albarelli italiens qui
en sont évidemment inspirés.
Un coup d'oeil encore, dans une des vitrines latérales, à un débris, très proba-
blement sassanide, antérieur par conséquent à l'ère musulmane, mais qui, pour
être un débris, n'en est pas moins introuvable. C'est un fond de coupe repré-
sentant un cavalier imberbe sur son cheval. Le fond de la pièce, gaufré, porte
encore des traces de dorure. M. Migeon croit y voir un produit de Rhagès.
L'exécution en remonterait, dans ce cas au xm 0 siècle. Je serais plus porté à
faire remonter sa fabrication à six ou sept siècles plus haut, à l'époque où la
Perse vivait encore sur le fond qui lui avait été légué en art par les Grecs. Le
dessin porte manifestement ce caractère, et la nature spéciale du décor me rap-
pelle des objets de même provenance entrevus, l'an dernier, dans les collec-
tions russes.
Le travail du bois n'est représenté que par des pièces de médiocre valeur au
milieu desquelles, pourtant, se détache un bout de panneau fatimite de
haute importance et d'une extrême rareté. Il est d'un très joli goût, par sur-
croît.
Et voilà, sur ce petit embryon de musée, de quoi documenter, pour une ra-
pide visite, nos lecteurs. Ajoutons à ces quelques lignes un renseignement utile
sur la nouvelle salle des Rubens dont quelques-uns de nos confrères, déjà, ont
136 REVUE DE L'ISLAM

parlé avec tant de détails que le public croit l'agrandissement du musée ter-
miné 11n'en est rien encore. Les travaux de déplacement sont commencés seu-
lement depuis huit jours. L'inauguration du nouveau local n'est donc pas près
d'avoir lieu. Nous en en reparlerons quand le moment sera venu, pas avant.
THIBBAULT-SISSON.

CONVENTION INTERNATIONALE

SUR LA SURVEILLANCE SANITAIRE DU GOLFE PEBSIQUI

CONVENTION
. S. M. le roi de Portugal et des Algarves; S. M. l'empereur d'Allemagne, roi
de Prusse, au nom de l'empire d'Allemagne; S. M. l'empereur d'Autriche, roi
de Bohème, etc., etc., et roi apostolique de Hongrie; S. M. le roi des Belges ;
S. M. le roi de Danemark, S. M. le roi d'Espagne et en son nom S. M. la reine
régente du royaume; le président de la République française; S. M. la reine du
Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et d'Irlande, impératrice des Indes;
S. M. le roi des Hellènes; S. M. le roi d'Italie ; S. M. la reine des Pïiys-Bas et en
son nom S. M. la reine régente du royaume; S. M. le Schah de Perse; et S. M.
l'empereur de toutes les Russies.
Ayant décidé de se concerter en vue de régler les mesures à prendre pour la
prophylaxie du pèlerinage de la Mecque et la surveillance sanitaire à établir au
golfe Persique, ont nommé pour leurs plénipotentiaires, savoir :
S. M. le roi de Portugal et des Algarves :
M. Gabriel José de Zoghcb, consul général, agent diplomatique du Portugal
en Egypte.
S. M. l'empereur d'Allemagne, roi de Prusse :
M. de Sehoen, son conseiller de légation à l'ambassade d'Allemagne à Paris.
S. M. l'empereur d'Autriche, roi de Bohème, etc., etc., et roi apostolique
de Hongrie :
M. le comte Cbarles deKuefstein, son chambellan cl conseiller intime, envoyé
extraordinaire et ministre plénipotentiaire, membre de la chambre des Seigneurs
d'Autriche, chevalier de 2° classe de l'ordre de la Couronne de Fer.
S. M. le roi des Belges :
M. le baron Eugène Beyens, conseiller de la légation do Belgique à Paris,
chevalier de l'ordre de Léopold ;
M. le docteur Alfred Devaux inspecteur général du service de santé civil et de
l'hygiène au ministère de l'agriculture, de l'industrie et des travaux publics,
officier de l'ordre de Léopold ;
M. le docteur E. van Ermengem, professeur d'hygiène et de bactériologie à
l'université de Gand, chevalier de l'ordre de Léopold;
REVUE DE L'ISLAM 137

S. M. le roi de Danemark :
M. le comte Gebhard Léon de Moltke Hvifeldt, son chambellan et son envoyé
extraordinaire et ministre plénipotentiaire près le gouvernement de la Républi-
que française, grand-croix de l'ordre du Danebrog et décoré de la croix d'hon-
neur du même ordre;
S. M. le roi d'Espagne, et en son nom, S. M la reine régente du royaume :
M. Fernand Jordan deUrries, marquis de Novallas, son chambellan, premier
secrétaire de l'ambassade d'Espagne à Paris, commandeur de l'ordre de
Charles III ;
M. Amalio Jimeno y Cabanas, sénateur du royaume, professeur à la faculté
de médecine de Madrid, commandeur avec plaque de l'ordre d'Isabelle la
Catholique.
Le Président de la République française :
M. Camille Barrère, ministre plénipotentiaire de 1'° classe, chargé d'affaires
de la République française à Munich, officier de l'ordre national de la légion
d'honneur;
M. Gabriel Hanotaux, minisire plénipotentiaire de 1™ classe, directeur des
consulats et des affaires commerciales, officier de l'ordre national de la Légion
d'honneur;
M. le professeur Brouardel, président du comité consultatif d'hygiène publi-
que de France, doyen de la faculté de médecine de Paris, membre de l'académie
des sciences, commandeur de l'ordre national de la Légion d'honneur;
M. Henri Monod, conseiller d'État, directeur de l'assistance et de l'hygiène
publique du ministère de l'intérieur, membre de. l'académie de médecine,
officier de l'ordre national de la Légion d'honneur;
M. le professeur Proust, inspecteur général des services sanitaires, profes-
seur à la Faculté de médecine de Paris, membre de l'académie de médecine,
commandeur de l'ordre national de la Légion d'honneur.
S. M. la reine du Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et d'Irlande, impé-
ratrice des Indes :
M. Phipps, ministre plénipotentiaire;
M. le docteur Thorne, chef du département sanitaire du Local Goverment
Board, compagnon de l'ordre du Bain ;
M. le chirurgien général J. M. Cuningham, ancien chef du département médi-
cal au gouvernement de l'Inde, compagnon de l'ordre de l'Etoile des Indes.
S. M. le roi des Hellènes :
M. Criésis, chargé d'affaires de Grèce à Paris;
M. le docteur Vafiadès, délégué grec au conseil sanitaire de Constantinople.
S. M. le roi d'Italie :
M. le marquis Malaspina di Carbonara, premier secrétaire de l'ambassade
d'Italie à Paris, officier de l'ordre des Saints Maurice et Lazare.
S. M. la reine des Pays-Bas et enson nom S. M. la reine régente du royaume :
M. le chevalier de Stuers, son envoyé extraordinaire et ministre plénipoten-
138 REVUE DE L'ISLAM

tiaire près le gouvernement de la République française, commandeur de l'ordre


de l'ordre du Lion néerlandais;
M. le docteur V. P. Iluyseh, connseiller sanitaire au ministères de l'intérieur
des Pays-Bas, chevalier de l'ordre du Lion néerlandais ;
M. J. A. Krnyt, consul général des Pays-Bas à Pénang, chevalier de l'ordre
du Lion néerlandais.
S. M. le Schah de Perse :
M. le docteur Mirza Zeynel Abidine-Kan-Moin-ol-Ateb-ba, médecin spécial de
S. A. I. le prince héritier;
M. le docteur Mirza Kali-Khan, médecin du ministère des affaires étrangères
de Perse.
S. M. l'empereur de toutes les Russies ;
M. Michel de Giers, conseiller d'Etat, chambellan de la cour, deuxième conseil-
ler du ministère des affaires étrangères.
Lesquels, ayant échangé leurs pleins pouvoirs trouvés en bonne et due
forme, sont convenus des dispositions suivantes :
I. En ce qui concerne la police sanitaire dans les ports de départ de
l'Extrême-Orient (Indes britanniques, possessions néerlandaises, etc., etc.):
« Sont adoptées les mesures indiquées et précisées dans l'annexe I de la pré-
sente convention. »
il. En ce qui touche la surveillance sanitaire des pèlerins dans la mer Rouge :
« Sont adoptées les dispositions consignées dans l'annexe II. »
III. En ce qui concerne la protection du golfe Persique :
« Sont adoptées les dispositions consignées dans l'annexe III. »
IV. En ce qui touche l'application des mesures contenues dans les précé-
dentes annexes :
« Sont adoptées les mesures prescrites dans l'annexe IV. »
V. Les annexes ci-dessus indiquées ont la même valeur que si elles étaient
incorporées dans la présente convention.
VI. Les Etats qui n'ont point pris part à la présente convention sont admis à
y adhérer, sur leur demande. Cette adhésion sera notifiée par la voie diploma-
tique au gouvernement de la République française, et par celui-ci aux autres
gouvernements signataires.
VII. La présente convention aura une durée de cinq ans, à compter de
l'échange des ratifications. Elle sera renouvelée de cinq en cinq années par
tacite réconduction, à moins que l'une des hautes parties contractantes n'ait
notifié six mois avant l'expiration de ladite période de cinq années son inten-
tion d'en faire cesser les effets.
Dans le cas où l'une des puissances dénoncerait la convention, celte dénon-
ciation n'aurait d'effet qu'à son égard.
La présente convention sera ratifiée; les ratications en seront déposées à Paris
le plus tôt possible et, au plus tard, dans le délai d'un an à dater du jour de
la signature.
REVUE DE L'ISLAM 139

En foi de quoi les plénipotentiaires respectifs l'ont signée et y ont apposé


leurs cachets. Fait à Paris, en treize exemplaires, le 3 avril 1894.
— (L. S.) SCHOEN. —
(L. S.) Comte GABRIEL J. DEZOGHER. —(L. S.) KUEFSTEIN.
— —
(L. S.) Baron Eue BEYENS. (L. S.) ALF. DEVAUX. (L. S.) Docteur VANER-
MBNGEM. — (L. S.) MOLTKE HVITFELDT. — (L. S.) Marques de NOVALLAS. (L. S.)
Docteur AMALIO JIMENO.— (L. S.) CAMILLEBARIÈRE.— (L. S.) G. HANOTAUX. -~
— (L. S.) II. MONOD. — (L. S.) A. PROUST.— (L. S.)
(L. S.) Docteur BROUARDEL.
CONSTANTINE PIIU'PS.— (L. S.) Docteur THORNETIIORNE.— (L. S.) J. M. CUNIN-
GHAM. — (L. S.) CRIÉSIS.— (L. S.) Docteur VAFIADÈS.— (L. S.j MALASPINA. —
— —
(L. S.) DE STUERS.— (L. S.) Docteur RUYSCU. (L. S.) J. A. KRUYT. (L. S.)
MOÏN-OL-ATEBBA. — (L. S.) KHALIL-KHAN. — (L. S.) MICHELDEGIERS.

Annexe I
A. — Police sanitaire dans les ports de départ des navires à pèlerins venant de l'Océan
Indien et de l'Océanie.
1. Visite médicale obligatoire, individuelle, faite de jour, à terre, au moment
de l'embarquement, pendant le temps nécessaire, par un médecin, délégué de
l'autorité publique, de toutes personnes prenant passage à bord d'un navire à
pèlerins.
2. Désinfection obligatoire et rigoureuse, faite à terre, sous la surveillance du
médecin délégué de l'autorité publique, de tout objet contaminé ou suspect dans
les conditions de l'article 5 du premier règlement inséré dans l'annexe IV de la
convention sanitaire de Vienne.
3. Interdiction d'embarquement de toute personne atteinte de choléra, d'affec-
tion cholériforme et de toute diarrhée suspecte.
4. Lorsqu'il existe des cas de choléra dans le port, l'embarquement ne se fera
à bord des navires à pèlerins qu'après que les personnes réunies en groupes
auront été soumises pendant cinq jours à une observation permettant de s'assurer
qu'aucune n'est atteinte du choléra.
H est entendu que, pour exécuter cette mesure chaque gouvernement pourra
tenir compte des circonstances et possibilités locales (I).
5. Les pèlerins seront tenus de justifier des moyens strictement nécessaires
pour accomplir le pèlerinage à l'aller et au retour et pour le séjour dans les
Lieux Saints.
11.— Mesures à prendre à bord des navires à pèlerins.
Règlement.
TITREPREMIER. — DISPOSITIONS
GÉNÉRALES.
ARTICLEPREMIER. — Ce règlement est applicable aux navires à pèlerins qui
transportent au Iledjaz ou qui en ramènent des pèlerins musulmans.

(I) La eonférencoa décidépar voio d'interprétationd'uno part, que l'observationde cinq jours
pourraitêtre pratiquéeà borddosnaviresentro l'inspectionmédicaleeffectuéeau départ des Indes
britanniquesot la socondovisilopasséoà Aden,ot d'autropart, quo danslosIndesnéerlandaisescette
observationpourraitavoirlieuà borddosnaviresen partance,
140 REVUE DE L'ISLAM

ART.2. — N'est pas considéré comme navire à pèlerins, celui qui, outre ses
passagers ordinaires, parmi lesquels peuvent être compris les pèlerins des classes
supérieures, embarque des pèlerins de la dernière classe en proportion moindre
d'un pèlerin par cent tonneaux de jauge brute.
ART.3. — Tout navire à pèlerins, à l'entrée de la mer Rouge et à la sortie,
doit se conformer aux prescriptions contenues dans le « Règlemenent spécial
applicable au pèlerinage du Hedjaz, qui sera publié par le conseil de santé de
Constantinople, conformément aux principes édités dans la présente convention.
ART. 4. — Les navires à vapeur sont seuls admis à faire le transport des pè-
lerins au long cours Ce transport est interdit aux autres bateaux.
Les navires à pèlerins faisant le cabotage, destinés aux transports de courte
durée, dits « voyages au cabotage », sont soumis aux prescriptions contenues
clans le règlement spécial mentionné à l'article 3.

TITREIL — MESURES AVANT


A PRENDRE LEDÉPART

ART.5. — Le capitaine ou, à défaut du capitaine, le propriétaire ou l'agent


de tout navire à pèlerins est tenu de déclarer à l'autorité compétente (2) du port
de départ son intention d'embarquer des pèlerins, au moins trois jours avant
le départ. Cetle déclaration doit indiquer le jour projeté pour le départ et la
destination du navire.
ART. 6. — A la suite de cette déclaration l'autorité compétente fait procéder,
aux frais du capitaine, a 1' « inspection et au mesurage » du navire. L'autorité
consulaire dont relève le navire peut assister à celte inspection.
11est procédé seulement à l'inspection si le capitaine est déjà pourvu d'un cer-
tificat de mesurage délivré par l'autorité compétente de son pays, à moins qu'il
n'ait soupçon que le document ne répond plus à l'état actuel du navire..
ART.7. — L'autorité compétente ne permet le départ d'un navire à pèlerins
qu'après s'être assurée:
a) Que le navire a été mis en état de propreté parfaite et, au besoin, désin-
fecté;
b) Que le navire est en état d'entreprendre le voyage sans danger, qu'il est
bien équipé, bien aménagé, bien aéré, pourvu d'un nombre suffisant d'embar-
cations, qu'il ne contient rien à bord qui soit ou puisse devenir nuisible à la
santé ou à la sécurité des passagers, que le pont et l'entrepont sont en bois et
pas en fer;
c) Qu'il existe à bord en sus de l'approvisionnement de l'équipage et.conve-
nablement arrimés, des vivres ainsi que des combustible, le tout de bonne qua-
lité et en quantité suffisante pour tous les pèlerins et pour toute la durée déclarée
du voyage;

estoatuolloment
(2) L'autorité'compétento dans les Indesanglaisos,un » office» désignéà cet effet
par lo gouvornoment local(Aa«repassengershipsad, 1887,art. 7); dans les Indos néorlandaisos, lo
maîtredu port; on]Turquie,l'autoritésanitaire;on Autriche-Hongrio, l'autorité sanitaire;on Italie.
lo capitaineduport;on Franco,en Tunisieot en Espagno(îles Philippines),l'autoritésanitaire
REVUE DE L'ISLAM 141

d) Que l'eau potable embarquée est de bonne qualité et a une origine à l'abri
de toute contamination; qu'elle existe en quantité suffisante; qu'à bord les ré-
servoirs d'eau potable sont à l'abri de toute souillure et fermés de sorte que la
distribution de l'eau ne puisse se faire que par les robinets ou les pompes.
e) Que le navire possède un appareil distillatoire pouvant produire une quan-
tité d'eau de 5 litres au moins par tôte et par jour, pour toute personne embar-
quée, y compris l'équipage ;
fj Que le navire possède une étuve à désinfection pour laquelle il aura été
constaté qn'elle offre sécurité et efficacité ;
!l) Que l'équipage comprend un médecin et que le navire possède des médica-
ments, conformément à ce qui sera dit aux articles 11 et 23;
h) Que le pont du navire est dégagé de toutes marchandises ef objets encom-
brants;
i) Que les dispositions du navire sont telles que les mesures prescrites par le
titre III pourront être exécutées.
ART.8. — Le capitaine est tenu de faire afficher à bord dans un endroit ap-
parent et accessible aux intéressés des affiches rédigées dans les principales
langues des pays habités par les pèlerins à embarquer, et indiquant :
1. La destination du navire;
2° La ration journalière en eau et en vivre allouée à chaque pèlerin ;
5" Le tarif des vivres non compris dans la distribution journalière et devant
être payés à part.
ART.9. — Le capitaine ne peut partir qu'autant qu'il a en main :
1° Une liste, visée par l'autorité compétente et indiquant le nom, le sexe et
le nombre total des pèlerins qu'il est autorisé à embarquer;
2° Une patente de santé constatant le nom, la nationalité et le tonnage du
navire, le nom du capitaine, celui du médecin, le nombre exact des personnes
embarquées : équipages, pèlerins et autres passagers, la nature de la cargaison,
le lieu du départ, celui de la destination, l'état de la santé publique dans le
lieu de départ;
L'autorité compétente indiquera sur la patente si le chiffre réglementaire des
pèlerins est atteint ou non; et dans lé cas où il ne le serait pas, le nombre
complémentaire des passagers que le navire est autorisé à embarquer dans les
escales subséquentes.
ART.10. — L'autorité compétente est lenue de prendre des mesures efficaces
pour empêcher l'embarquement de toute personne ou de tout objet suspect (1),
suivant les prescriptions faites sur les précautions à prendre dans les ports.
TITREIII. — PRÉCAUTIONS
A PRENDRE
PENDANT
LATRAVERSÉE. J
ART.11. — Chaque navire embarquant 100 pèlerins ou plus doit avoir à bord
un médecin régulièrement diplômé et commissionné par le gouvernement du

(I) D'aprèsla définitionde l'annexoV, I. 4*de la Contentionde Venise.


142 REVUE DE L'ISLAM

pays auquel le navire appartient. Un second médecin doit être embarqué dès
que le nombre des pèlerins portés par le navire dépasse 1,000.
ART. 12. — Le médecin visite les pèlerins, soigne les malades et veille à ce
que, à bord, les règles de l'hygiène soient observées. Il doit notamment :
1° S'assurer que les vivres distribués aux pèlerins sont de bonne qualité, et
que leur quantité est conforme aux engagements pris, qu'ils sont convenable- "
ment préparés ;
2° S'assurer que les prescriptions de l'article relatives à la distribution de
l'eau sont observées;
3° S'il y a doute sur la qualité de l'eau potable, rappeler par écrit au capi-
taine les prescriptions de l'article 21 ci-dessous;
4° S'assurer que le navire est maintenu en étal constant de propreté, et spé-
cialement que les latrines sont nettoyées conformément aux prescriptions de
l'article 18 ci-dessous;
5° S'assurer que les logements des pèlerins sont maintenus salubres, et que,
en cas de maladie transmissible, la désinfection est faite comme il sera dit à
l'article 19 ci-dessous ;
6° Tenir un journal de tous les incidents sanitaires survenus au cours du
voyage, et présenter ce journal à l'autorité compétente du port d'arrivée.
ART. 13. — Le navire doit pouvoir loger les pèlerins dans l'entrepont.
En dehors de l'équipage, le navire doit fournir à chaque individu, quel que
soit son âge, une surface d'au moins deux mètres carrés, soit un mètre sur
deux mètres, avec une hauteur d'entrepont d'au moins un mètre quatre-vingts
centimètres.
Pour les navires qui font le cabotage, chaque pèlerin doit disposer d'un
espace d'au moins deux mètres de largeur dans le long des plats-bords du na-
vire.
ART.14. — Le pont doit, pendant la traversée, rester dégagé des objets en-
combrants ; il doit être réservé jour et nuit aux personnes embarquées et mis
gratuitement à leur disposition.
ART. 15. — Les gros bagages des pèlerins sont enregistrés, numérotés et
placés dans la cale. Les pèlerins ne peuvent garder avec eux que les objets
strictement nécessaires. Les règlements faits pour ses navires par chaque gou-
vernement en détermineront la nature, la quantité et les dimensions.
ART.16. — Chaque jour, les entreponts doivent être nettoyés avec soin et
frottés au sable sec avec lequel on mélangera des agents désinfectants convena-
bles pendant que les pèlerins seront sur le pont.
ART. 17. — De chaque côté du navire, sur le pont, doit être réservé un en-
droit .dérobé à la vue et pourvu d'une pompe à main de manière à fournir de
l'eau de mer pour les besoins des pèlerins. Un local de cette nature doit être
exclusivement affecté aux femmes.
ART.'18. — Le navire doit être pourvu, outre les lieux d'aisances à l'usage
de l'équipage, de latrines à effet d'eau, dans la proportion d'au moins une
latrine pour chaque centaine de personnes embarquées.
REVUE DE L'ISLAM 143

Des latrines doivent être affectées exclusivement aux femmes.


Aucuns lieux d'aisances ne doivent exister dans les entreponts ni dans la cale.
Les latrines destinées aux passagers aussi bien que celles affeclées à l'équi-
page doivent être tenues proprement, nettoyées et désinfectées trois fois par
jour.
ART. 19. — La désinfection du navire doit être faite conformément aux pres-
criptions des paragraphes 5 et 6 de l'article 5 de l'annexe IV de la Convention
de Venise (1).
ART. 20. — La quantité d'eau potable mise chaque jour gratuitement à la
disposition de chaque pèlerin, quel que soit son âge, doit être d'au moins cinq
litres.
ART.21. — S'il y a doute sur la qualité de l'eau potable ou sur la possibilité
de sa contamination, soit à son origine, soit au cours du trajet, l'eau doit être
bouillie et stérilisée, et le capitaine est tenu de la rejeter à la mer au premier
port de relâche où il lui est possible de s'en procurer de la meilleure.
ART.22. — Le navire doit être muni de deux locaux affectés à la cuisine per-
sonnelle des pèlerins.
11 est interdit aux pèlerins de faire du feu ailleurs, notamment sur le pont.
ART.23. — Chaque navire doit avoir à bord des médicaments et les objets
nécessaires aux soins des malades.
Les règlements faits pour ses navires par chaque gouvernement détermine-
ront la nature et les quantités de médicaments.
Les soins et les remèdes sont fournis gratuitement aux pèlerins.
ART.24. —Une infirmerie régulièrement installée, et offrant de bonnes con-
ditions de sécurité et de salubrité, doit être réservée au logment des malades.
Elle doit pouvoir recevoir au moins 5 0/0 des pèlerins embarqués, à raison
de 3 mètres carrés par tête.
ART. 25. — Le navire doit être pourvu des moyens d'isoler les personnes
atteintes de choléra ou d'accidents cholériformes.
Les personnes chargées de soigner de tels malades peuvent seules pénétrer
auprès d'elles et n'auront aucun contact avec les autres personnes embarquées.
Les objets de literie, les tapis, les vêtements qui auront été en contact avec les
malades doivent être immédiatement désinfectés.

(I) Onvideralos cabinoset toutesles partiesdu bâtiment.


On désinfoclorales parois à l'aidodo la solutionde subliméadditionnéde 100 d'alcool.La pulvéri-
sationse foraen commençantpar la partio supérieuredo la paroi suivantuno lignohorizontale;on
descendrasuccessivement do tellesorte que toute la surfacesoit couverted'unocouchodo liquideon
fînosgouttelettes.
Losplancherssorontlavésavecla mêmesolution.
Deuxhourosaprès, on frotteraet on laverales paroisot lo planchorà grandeeau.
Pourdésinfecterla caled'un navire,on injecterad'abord,afin do neutraliserl'hydrogènesulfuré,uno
quantité suffisantede sulfatedo fer, on videral'eau do la cale, on la laveraà l'eau do mer; puis on
injecteraunecortainoquantitéde la solutionde sublimé.
L'eaudocalono sera pas déverséedansun port.
144 REVUE DE L'ISLAM

L'observation de celte règle est spécialement recommandée pour les vêtements


des personnes qui approchent des malades, et qui ont pu être souillés.
Ceux des objets, ci-dessus, qui n'ont pas de valeur doivent être, soitjetésàla
mer si le navire n'est pas dans un port ni dans un canal, soit détruits par le feu.
Les autres doivent être portés à l'étuve dans des sacs imperméables imprégnés
d'une solution de sublimé.
Les déjections des malades doivent être recueillies dans des A'ases contenant
une solution désinfectante. Ces vases sont vidés dans des latrines qui doivent
être rigoureusement désinfectées après chaque projection de matières.
Les locaux occupés par les malades doivent être rigoureusement désinfectés.
Les opérations de désinfection doivent être faites conformément à l'article 5
de l'annexe IV de la Convention de Venise.
ART.26. — En cas de décès survenu pendant la traversée, le capitaine doit
mentionner le décès en face du nom sur la liste visée par l'autorité du port de
départ, et, en outre, inscrire sur son livre de bord le nom de la personne décédée,
son âge, sa provenance, la cause présumée de la mort d'après le certificat du
médecin et la date du décès.
En cas de décès par maladie transmissible, le cadavre, préalablement enve-
loppé d'un suaire imprégné d'une solution de sublimé, sera jeté à la mer (1).
ART.27. — La patente délivrée au port de départ ne doit pas ôtre changée au
cours du voyage. Elle est visée par l'autorité sanitaire de chaque port de relâ-
che. Celle-ci y inscrit :
i° Le nombre de passagers débarqués ou embarqués à nouveau ;
2° Les incidents survenus en mer et touchant à la santé ou à la vie des per-
sonnes embarquées:
3° L'état sanitaire du port de relâche.
ART. 28. — Dans chaque port de relâche, le capitaine doit faire viser par
l'autorité compétente la liste dressée en exécution de l'article 9.
Dans le cas où unpèlejin est débarqué en cours de voyage, le capitaine doit
mentionner sur cette liste le débarquement en face du nom du pèlerin.
En cas d'embarquement, les personnes embarquées doivent être mentionnées
sur cette liste conformément à l'article 9 et préalablement au visa nouveau.
ART. 29. — Le capitaine doit veiller à ce que toutes les opérations prophy-
lactiques exécutées pendant le voyage soient inscrites sur le livre de bord. Ce
livre est présenté par lui à l'autorité compétente du port d'arrivée (2).
ART.30. — Le capitaine est tenu de payer la totalité des taxes sanitaires qui
doivent être comprises dans le prix du billet.
(A suivre.)

(1) Conventionde Vonise,annoxoV,titro H, 6\


(2) Conventionde Veniso,annoxeV, titro H, 7*.
N° 59. Octobre 1900.

LA VÉRITÉ SUR LES KHûUAtf D'Al-CÉRÏE

A l'occasion dît premier des articles publiés dans le Journal par M. Hanotâux, et
dont nous avons entretenu nos lecteurs, M. Mercier, maire de Conslanline, a adressé les
observationssuivantes à la Réunion d'Etudes Algériennes, au Bulletin de laquellenous
les empruntons :

. Il est difficile, quand on visite pour la première fois les pays musulmans, de
se faire une opinion juste de ce qui s'y passe. On court risque de tomber dans
l'erreur.
C'est ce qui est arrivé à M. Hanotâux. Il fait connaître que la société musul-
mane est entre les mains des confréries religieuses; que cet instrument de do-
mination est d'autant plus dangereux qu'il agit en secret et dans l'ombre; que
le mot d'ordre, parti de l'Orient, se répand sur le monde islamique et est stric-
tement obéi sur tous les points et que nos musulmans d'Algérie y sont soumis
comme les autres. Enfin, il annonce une vaste insurrection des sectateurs de
l'Islam, véritable cataclysme prêt à éclater.
Voilà des nouvelles peu rassurantes et il est urgent d'examiner de près la
situation.
Cette question des confréries musulmanes a déjà été traitée; depuis plus de
40 ans, MM. de Neveu et Brosselard ont décrit, leur organisation et signalé les
dangers qu'elles peuvent faire naître; puis M. Duveyrier a étudié la secte des
Senoussïa et n'a pas ménagé, à son sujet, lès sinistres prophéties; M. Rinn a
groupé ensuite tous les éléments recueillis, dans ses Marabouts el Khouan, et enfin
a paru le gros livre de MM. Depont el Coppolani (1).
Avant M. Hanotâux, tous ces auteurs ont émis les mômes craintes el présenté
l'organisation de ces sociétés secrètes comme formidable. On les a crus sur pa-
role (2); mais il est temps de se demander s'ils ne se sont pas laissé entraîner
par leur sujet au delà des limites de la réalité, si la force de ces associations
est aussi grande et si leur existence constitue un tel danger pour notre domi-
nation.
Examinons d'abord comment leur hostilité et leur puissance se sont révélées
depuis 60 ans.
Plusieurs mouvements insurrectionnels ont été provoqués par les-Khouan,
mais, en général, ces révoltes suscitées par quelque Mokkadcm, appelant aux
armes les gens de la Zaouia et leurs adeptes sont demeurées localisées dans un
cercle plus ou moins restreint, souvent aussi les tentatives de ces agitateurs ont
été écrasées dans l'oeuf.

(4) On pourraitcilorbiend'autresétudos;nousnoparlonsquodesprincipalos
(2) Nouscommeles autresot l'on pourraitnousopposoraujourd'huicoquonousavonspubliéil y a
quoiquevingtans. Colaprouvoune foisdoplus qu'onmatiôroalgérienne,il faut so défiordosopinions
diroctoot prolongéeest indispensable,
toutesfaitesot quol'expérience
10
146 REVUE DE L'ISLAM

En 1871, la confrérie des Rahmania a pris une part active à la révolte de


la Kabylie. Si elle n'en a pas donné le signal, du moins elle s'y est jointe, et a
fait agir toutes ses forces.
Voilà à peu près tout ce que nous pouvons reprocher aux Khouan, et depuis
plus de vingt ans, ils se sont tenus bien tranquilles.
Or, si nous étudions l'histoire des époques antérieures, nous constaterons
qu'ils se sont montrés autrement hostiles contre les maîtres du pays, qui cepen-
dent étaient musulmans.
Pour ne pas sortir du xixe siècle, rappelons la révolte dû marabout Bou-Dali,
qui de 1804 à 1807 a soulevé les régions kabyles au nord et à l'ouest de Cons-
tantine et poussé l'audace jusqu'à venir assiéger cette ville. Peu après les
Khouan Derkaoua envahirent, en bandes nombreuses, la province d'Oran, tin-
rent en échec l'autorité turque et ravagèrent l'intérieur de la province d'Alger,
de 1806 à 1809.
Si l'on compare l'importance et la durée de ces insurrections avec celles qui
se sont produites sous l'impulsion des Khouan depuis la conquête française, il
faudra reconnaître que la balance est largement en notre faveur. On doit, de
plus, en conclure que la haine du chrétien n'est pas le seul mobile de ces le-
vées de boucliers : du reste, n'a-t-on pas vu les Derkaoua attaquer Abd-el-
Kader, tandis qu'il luttait contre nous pour nous expulser du sol sacré de
l'Islam?

Ces faits établis, examinons la question à un autre point de vue.


Comment expliquer que tous les auteurs qui ont écrit sur ce sujet n'aient pas
été frappés par un fait caractéristique, ou tout au moins n'en aient pas tiré les
conclusions normales?
Chaque fois qu'une tentative insurrectionnelle a été faite par les Khouan d'une con-
frérie, elle n'a jamais obtenu le concours d'une autre, souvent, même, elle a rencontré
son hostilité. Or, les principales confréries auxquelles nos Algériens sont affi-
liés, sont au nombre de huit ou neuf, de sorte que chaque groupe est en mino-
rité.
Dans le même ordre d'idées, les fondateurs de sectes nouvelles n'étendent
guère leur action au delà de leur berceau, et lorsque le novateur est doué de
quelque génie, comme Sidi Senoussi, c'est au loin, à l'extrémité des régions sa-
hariennes qu'il doit porter sa propagande.
Le résultat de ce qui précède est bien clair :
Les diverses confréries ne forment pas un groupe pouvant s'entendre pour une action
commune.
Elles sont en rivalité les unes contre les autres et divisées par la tradition et la con-
currence.
Cluwune lient à conserver ses positions et ne veut agir que dans son intérêt exclusif.
C'est,pourquoi elle est opposée à l'extension de ses rivales et hostile à toute secte nou-
velle.
Enfin, les adeptes sont déjà affiliés et tiennent à reste)' dans leurs confréries.
REVUE DE L'ISLAM U1

Telles sont les raisons de l'isolement dans lequel se trouvent les fauteurs de
troubles et c'est pour cela que les ambitieux sont Obligés d'aller exercer leur ac-
tion sur d'autres théâtres.

On saisit les conséquences pratiques de cette constatation : en admettant le


danger que peut offrir l'esprit d'intolérance de telle ou telle confrérie, son ac-
tion se brise contre l'inertie ou l'opposition des sociétés rivales.
Voilà qui semble avoir échappé à M. Hanotâux, comme à bien d'autres. Là
encore, la division et la rivalité des sectaires leur enlèvent toute force et par
suite, le danger signalé n'a qu'une valeur relative.
Ceux qui redoutent tant les entreprises des Khouan croient que toutes les
confréries se soutiennent, s'entendent et sont susceptibles de s'unir pour la
même cause. Rien n'est plus inexact, nous l'avons démontré.
Trompés par de vagues analogies et des formules de statuts dont la rigueur
est singulièrement atténuée dans l'application, ils se figurent que ces Khouan
sont extraordinairement disciplinés et qu'ils obéissent sans réflexion au moindre
signe venu de l'Orient.
Tout d'abord, en Algérie, les confréries dont le centre est en Orient sont
l'exception. Les unes, comme les Taïbia et Derkaoua, ont leur siège au Maroc,
ce qui n'est pas du tout l'Orient; d'autres, les Tidjania, dans le Sahara algé-
rien ; d'autres dans l'Algérie proprement dite. Les Kadrïa et leurs succédanés
ont bien leur Grand-Maître en Orient, et les Senoussïaà Djerboub, sinon au Oua---:i
daï; tout le reste est Magrebin.
Quant à l'obéissance au mot d'ordre du Grand-Maître venant de l'est ou de
l'ouest, elle est obligatoire, en théorie; le Mokaddem, entre les mains duquel le
frère doit ôtre « comme le mort entre les mains du laveur qui le tourne et le
retourne à son gré », le transmet à l'adepte; s'il ne s'agit que de contributions
ordinaires ou extraordinaires, cause principale des missives du patron, on s'ef-
force de s'y soumettre, selon que la dureté des temps le permet; s'il réclame
plus de ferveur, d'activité à l'égard de la secte, on fait ce que l'on peut pour
remplir ce.devoir moral; mais s'il exige des actes déterminés contre les pouvoirs
établis, c'est une autre affaire et l'obéissance passive se traduit le plus souvent
par la fuite. Aussi les chefs, à tous les degrés, ont-ils bien soin de ne pas récla-
mer des choses de ce genre, car il faut, avant tout, ne pas tarir la source des
revenus temporels.
* *
Résumons ce qui vient d'être exposé :
Il n'y a aucune liaison entre les différentes confréries; elles sont au contraire
rivales et hostiles.
La plupart ont leur centre en Algérie et.au Maroc et ne reçoivent nullement
leur mot d'ordre de l'Orient.
L'obéissance aux ordres du Grand-Maître et de ses représentants n'est nulle-
ment absolue et passive.
148 REVUE DE L'ISLAM

Telle est la réalité, bien différente de la convention reçue.


Mais, dira-t-on, s'il en est ainsi, définissez-nous exactement la nature et la
portée de vos confréries.
Essayons de le faire :
Ces associations qui offrent plus d'une anologie avec les collèges et les con-
fréries de l'antiquité, dont elles ont continué la tradition, sont nées du besoin
d'union qui rapproche les hommes; elles avaient d'autant plus de raison d'être
en Orient que l'Islamisme est, de sa nature, trop individualiste.
La plus ancienne a été fondée par Sidi Abd-el-Kader-el-Djilani au ive siècle
de l'Hégire (xie de l'ère chrétienne). Elle a servi de type à toutes les autres. Son
but était de grouper les fidèles, de les maintenir dans la voie orthodoxe et de
les inciter sans cesse à faire l'aumône. (1). En principe, ces associations doivent
ne s'occuper que d'intérôls spirituels; mais, dans la pratique, les ambitieux ont
souvent essayé de tirer parti de ces milices organisées, dans une société ou l'indi-
vidualisme empêche toute cohésion. Seulement les institutions comportent tou-
jours leurs conséquences logiques, et ici l'entraînement des adeptes ne peut
avoir lieu que dans l'intérêt exclusif de la confrérie.
Voilà pourquoi les Khouan peuvent servir à la propagande isolée et person-
nelle, mais ne donnent que des résultais médiocres et restreints dans les actes
de politique générale. Un Mokaddem, ayant su acquérir dans sa région une
autorité en quelque sorte irrésistible, provoquera de la part de ses adeptes,
soumis à son influence, une levée de boucliers ; mais au delà de son rayon
d'action, les frères ne l'écouteront pas, et il aura contre lui les Khouan des
autres confréries.
Ces fanatiques sont dangereux et doivent être surveillés de près; mais, un
Mokaddem de l'espèce indiquée ci-dessus se rencontre dans la proportion de un
pour cent et tous les autres sont de braves gens qui ne songent qu'à profiter
des honneurs el des avantages de la position et ont intérêt, pour cela, à rester
dans les meilleures termes avec l'autorité temporelle, quelle qu'elle soit.
Ils n'hésitent même pas à réclamer l'intervention des fonctionnaires chrétiens
pour régler les différends qui se produisent sans cesse entre eux et leurs adeptes.
Les Khouan sont dans le même cas. Ils appartiennent à la confrérieparceque
leur père en était, et vont k la mosquée qui lui est consacrée, comme on était
autrefois, chez nous, attaché à telle ou telle paroisse. Et puis, c'est bon genre
d'être d'une confrérie et, avec de la patience on peut y trouver des satisfactions,
c'est-à-dire devenir Chaouch, porte-drapeau, Khalifa et même Mokaddem.
Voilà ce que sont, en réalité, nos Khouan en Algérie; on les rencontre à
chaque pas; rien, dans leur aspect, ne les distingue des autres musulmans et
l'on chercherait en vain sur leur visage les traces de cet ascétisme fanatique
sous les traits duquel on s'est plu à nous les dépeindre.
Et qu'on ne croie pas que cette bonhomie soit spéciale à nos Algériens. On a
dénoncé les Senoussïa comme les ennemis les plus irréconciliables du chrétien ;
on en a fait un véritable épouvanlail contre notre domination en Afrique. Or,
nous tenons de l'explorateur M. Monteil que leur rencontre aux abords du
REVUE DE L'ISLAM 149

Tchad a été pour lui très heureuse et qu'ils lui ont rendu d'inappréciables ser-,
vices.
. Nous espérons avoir démontré que les craintes manifestées par M. Hanotâux
sont singulièrement exagérées. 11 semble de mode, depuis quelque temps, de
prédire nous ne savons quelle grande insurrection de l'Islam contre la chré-
tienté. Sur quels faits précis fonde-t-on ces prophéties de malheur? 11 y a un
véritable danger à les accréditer imprudemment. Ce qu'il faut, c'est surveiller
les confréries musulmanes. Le meilleur moyen consiste à nous immiscer dans
leur direction et il se trouve que leurs chefs eux-mêmes nous le demandent,
leurs rivalités sont le plus grand obstacle à leur action nuisible; en les aidant
et les dirigeant, nous pouvons en faire les plus solides auxiliaires de notre
domination 1
E. MERCIER.

NOTES SUR LA TUNISIE


( SUITE
)
TUNISET SESENVIRONS
« Il n'est peut-être pas, dans le monde entier, un paysage maritime d'un as-
pect plus grandiose que celui du golfe de Tunis, écrivait M. J. de Crozals en
1881 (1). La magnificence de la nature, la grandeur des souvenirs, toutconcourt
à lui assurer un rang unique. Lorsque, par une mer tranquille et sous un ciel
pur, le navire qui a suivi la côte est arrivé à la hauteur du Ras-Sidi-Ali-el-
Mekki, un merveilleux spectacle se découvre. A gauche, vers le nord, s'arrondit
comme un dos liquide, scintillant sous ies feux du soleil, la mer sans limites;
devant la proue du navire, dans le lointain, une grande île rocheuse, l'ancienne
Aginure, paraît être la gardienne avancée du golfe du côté souvent menacé de
la Sicile; à quelques encablures du vaisseau, à l'extrémité opposée, vers la côle
occidentale, l'île Plane, l'antique Korsura lui répond.
Entre le Ras-Sidi-Ali-eUMekki et le Ras-Addar s'ouvre le golfe. Près de
soixante-dix kilomètres séparent ses deux points extrêmes, promontoires fa-
meux, consacrés par le souvenir des dieux; les «anciens avaient mis le premier
sous la garde d'Apollon, le second sous celle de Mercure. La dislance qui sépare
les deux bras du golfe, l'arc immense de sa courbure, sa profondeur semblent
être exactement celles que le regard humain, dans sa portée extrême, peut
embrasser. Plus ouvert, l'oeil n'en saisirait plus les lignes; il n'en mesurerait
plus l'enfoncement. Le spectacle est grandiose, mais il reste dans les limites
où la petitesse humaine peut encore le comprendre et en jouir.
Les hauteurs qui forment la corne orientale du golfe, le Djebel-llamil, le Bou-
Kournein, apparaissent d'abord dans le lointain comme de grandes îles ro-

(I) Revuepolitiqueet littéraire.


150 REVUE DE L'ISLAM

cheuses jetées en regard de la côte; peu à peu, on voit émerger de l'horizon les
terres qui les soutiennent et les relient; le profil du littoral se dessine; le massif
puissant du Zaghoùan ferme le passage vers le sud, et tandis que l'oeil suit les
jeux de la lumière sur les flancs du mont et contemple les arêtes vives de son
sommet découpé en forme de croissant, l'esprit se reporte au temps où cette
même montagne, le mont Zengitamis, encore aujourd'hui riche en sources, ver-
sait un fleuve aux citernes de Carthage
« Le trajet est long du paquebot à la côte (1). Il faut confier son bagage et
sa personne à de petits bateaux manoeuvres à grands cris par des façons de
pirates maltais ou maures. On vantait autrefois, comme une scène d'un pitto-
resque achevé, la prise d'assaut du navire à son entrée dans le port d'Alger, par
les Maures et les Biskris. Les choses ont déjà bien changé à Alger; la police
s'en môle et le pittoresque est en déroute devant elle. A La Goulette, la police
beylicale ne met rien en fuite et se ferait scrupule de gêner quelqu'un. Il faut
voir ce mouvement tumultueux de canots, manoeuvrant autour de l'échelle de
bord, pour happer au passage le voyageur trop pressé. Entre bateliers, la con-.
currence la plus déloyale est ici la règle; c'est un tumulte inimaginable; cla-
meurs dans toutes les langues, sont gutturaux el âpres ; l'oreille en est déchirée.
« Le voyageur est la proie promise à ces descendants de forbans. Il est là
sur la plate-forme de l'échelle, à un demi-mètre au-dessus de la vague : avance-
t-il le pied pour s'embarquer? Le canot glisse sous lui et soudain s'écarte vigou-
reusement repoussé par la main d'un batelier rival qui s'avance en hurlant de
joie; retour offensif du premier; les yeux s'animent; les gestes deviennent fu-
rieux ; on croit à un massacre et, comme il convient entre Italiens cl Maures,
tout finit par d'étonnants jurons, des vociférations assourdissantes; ils s'en
poursuivent jusqu'au quai. Là, ces hommes, dont la colère semblait défier tout
apaisement se calment soudain; rien ne reste de leur fureur, pas même un fré-
missement de surface. Ils ont satisfait à leur instinct, au besoin de vomir l'in-
jure; la hôte est contente. Bien prend au voyageur de ne pas lâcher la chaîne
du bord avant d'avoir enfin trouvé un canot fixé sous lui; s'il tombait à l'eau,
le moins qu'il eût à craindre serait d'être écarlelé par ses sauveteurs.
« A mesure que l'on approche de la Goulette, loule idée de grandeur s'éva-
nouit, et au choc de la réalité, l'atmosphère d'impressions graves dans laquelle
on s'était complu se dissipe entièrement.
« Ce port de Tunis, dont le nom féminin et coquet Halle l'oreille, n'est, en
réalité, vu de la mer, qu'un village dont les batteries avancées el le fort de
Charles-Quint cachent mal l'insignifiance.

(A suivre.) LUCIEN
HEUDEBERT.

(I) N'oublionspasquo l'éludodo M.3. do Croznls,dont nous reproduironsici quolquosoxtrails,


datode 1882;on sait quo désormaison peut allorpar navirejusqu'àTunismCinc,depuisqu'uncho-
lial a été établiai hoe.
REVUE DE L'ISLAM 151

CONVENTION INTERNATIONALE

SUR LA SURVEILLANCE SANITAIRE DU GOLFE PERSIQUE


(Suite).

TITREIV. — PÉNALITÉS.

ART.31. — Tout capitaine convaincu de ne s'être pas conformé, pour la dis-


tribution de l'eau, des vivres ou du combustible, aux engagements pris par lui,
sera passible d'une amende de 2 livres turques. Cette amende est perçue au
profit du pèlerin qui aura été victime du manquement, et qui établira qu'il a
en vain réclamé l'exécution de l'engagement pris.
ART.32. — Toute infraction à l'article 8 est punie d'une amende de 20 livres
turques.
ART.33. — Tout capitaine qui aurait commis ou qui aurait sciemment laissé
commettre une fraude quelconque concernant la liste des pèlerins ou la patente
sanitaire prévue à l'article 9 est passible d'une amende de 30 livres turques.
ART.34. — Tout capitaine de navire arrivant sans patente sanitaire du port
de départ, ou sans visa des ports de relâche ou non muni de la liste réglemen-
taire et régulièrement tenue suivant les articles 9, 27 et 28, est passible, dans
chaque cas, d'une amende de 12 livres turques.
ART. 35. — Tout capitaine convaincu d'avoir ou d'avoir eu à bord plus de
100 pèlerins sans la présence d'un « médecin commissionné », conformément
aux prescriptions de l'article 11, est passible d'une amende de300 livres turques.
ART. 36. — Tout capitaine convaincu d'avoir eu à son bord un nombre de
pèlerins supérieur à celui qu'il est autorisé à embarquer conformément aux
prescriptions de l'article 9 est passible d'une amende de 5 livres turques par
chaque pèlerin au surplus.
Le débarquement des pèlerins dépassant le nombre régulier est effectué à la
station où réside une autorité compétente, et le capitaine est tenu de fournir aux
pèlerins débarqués l'argent nécessaire pour poursuivre leur voyage jusqu'à des-
tination.
ART. 37. — Tout capitaine convaincu d'avoir débarqué des pèlerins dans un
endroit .autre que celui de destination, sauf leur consentement ou hors le cas de
force majeure, est dassible d'une amende de 20 livres turques par chaque pèle-
rin débarqué à tort.
ART. 38. — Toute infraction aux autres prescriptions du présent [règlement
est punie d'une amende de 10 à 100 livres turques.
ART. 39. — Toute contravention constatée en cours de voyage est annotée sur
la patente de santé, ainsi que sur la liste des pèlerins. L'autorité compétente en
dresse procès-verbal pour le remettre à qui de droit.
ART. 49. — Dans les ports ottomans la contravention est établie et Tamende
152 REVUE DE L'ISLAM

imposée par l'autorité compétente, conformément aux dispositions de l'an-


nexe IV de la Convention.
ART. 41. — Tous les agents appelés à concourir à l'exécution de ce règle-
ment sont passibles de punition conformément aux lois de leurs pays respectifs,
en cas de fautes commises par eux dans son application.
ARTS42. — Le présent règlement sera affiché dans la langue de la nationa-
lité du navire et dans les principales langues des pays habités par les pèlerins
à embarquer, en un endroit apparent et accessible, à bord de chaque navire
transportant des pèlerins.
Annexe II

SURVEILLANCE
SANITAIRE
DESPÈLERINAGES
DANSLA MERROUGE

Régimesanitaire applicable auxnavires à pèlerins dans la station sanitaire (réorganisée)


de Camaran.

Les navires à pèlerins venant du sud et se rendant au Hedjaz devront, au


préalable, faire escale à la station sanitaire de Camaran et seront soumis au ré-
gime ci-après :
Les navires reconnus indemnes après, visite médicale auront libre pratique,
lorsque les opérations suivantes seront terminées.
Les pèlerins seront débarqués ; ils prendront une douche-lavage ou un bain
de mer ; leur linge sale, la partie de leurs effets à usage et de leurs bagages qui
peut être suspecte, d'après l'appréciation de l'autorité sanitaire, seront désin-
fectés; la durée de ces opérations, en y comprenant le débarquement et l'em-
barquement ne devra pas dépasser quarante-huit heures.
Si aucun cas de choléra, de diarrhée ou accident cholériforme n'est constaté
pendant ces opérations, les pèlerins seront réembarqués immédiatement et le
navire se dirigîra vers le Hedjaz.
Les navires suspects, c'est-à-dire ceux à bord desquels il y a eu des cas de
choléra au moment du départ, mais aucun cas nouveau depuis sept jours, se-
ront traités de la façon suivante : les pèlerins seront débarqués ; ils prendront
une douche-lavage ou un bain de mer; leur linge sale, la partie de leurs effets
à usage el de leurs bagages qui peut être suspecte, d'après l'appréciation de
l'autorité sanitaire, seront désinfectés.
La durée de ces opérations, en y comprenant le débarquement et l'embar-
quement, ne devra pas dépasser quarante huit heures. Si aucun cas de choléra
ou d'accident cholériforme n'est constaté pendant ces opérations, les pèlerins
seront rembarques immédiatement, et le navire sera dirigé sur Djeddah, où
une seconde visite médicale aura lieu à bord. Si son résultat est favorable, et
sur le vu de la déclaration écrite des médecins du bord certifiant, sous serment,
qu'il n'y a pas eu de cas pendant la traversée, les pèlerins seront immédiate-
ment débarqués.
Si, au contraire, le choléra ou des accidents cholériformcs avaient été cons-
REVUE DE L'ISLAM 153

tatés pendant le voyage ou au moment de l'arrivée, le navire sera renvoyé à


Camaran, où il subira le régime des navires infectés.
Les navires infectés, c'est-à-dire ayant à bord des cas de choléra ou des acci-
dents cholériformes, ou bien en ayant présenté depuis sept jours, subiront le
régime suivant:
Les personnes atteintes de choléra ou d'accidents cholériformes seront dé-
barquées et isolées à l'hôpital. La désinfection sera pratiquée d'une façon com-
plète. Les autres passagers seront débarqués et isolés par groupes, aussi peu
nombreux que possible, de manière que l'ensemble ne soit pas solidaire d'un
groupe particulier, si le choléra venait à s'y développer.
Le linge sale, les objets à usage, les vêtements de l'équipage et des passagers
seront désinfectés ainsi que le navire.
L'autorité sanitaire locale décidera si le déchargement des gros bagages et
des marchandises est nécessaire, si le navire entier doit être désinfecté ou si
une partie seulement du navire doit subir la désinfection.
Les passagers resteront cinq jours à l'établissement de Camaran; lorsque les
cas de choléra remonteront à plusieurs jours, la durée de l'isolement pourra
être diminuée.
Cette durée pourra varier selon l'époque de l'apparition du dernier cas et
d'après la décision de l'autorité sanitaire.
Le navire sera dirigé ensuite sur Djecldah, où une visite médicale rigoureuse
aura lieu à bord. Si son résultat est favorable, les pèlerins seront débarqués. Si,
au contraire, le choléra ou des accidents cholériformes s'étaient montrés à bord
pendant le voyage ou au moment de l'arrivée, le navire sera renvoyé à Cama-
ran, où il subira denouvean le régime des navires infectés.

Améliorations à apporter à la station sanitaire de Camaran.

A. — Evacuation complète de l'île de Camaran par ses habitants.


B. — Moyens d'assurer la sécurité et de faciliter le mouvement de la naviga-
tion dans la baie de l'île de Camaran :
1° Installation de bouées el de balises en nombre suffisant ;
2° Construction d'un môle ou quai principal pour débarquer les passagers et
les colis ;
3° Un appontemenl différent pour embarquer séparément les pèlerins" de
chaque campement ;
4° Des chalands en nombre suffisant avec un remorqueur à vapeur, pour
assurer le service de débarquement des pèlerins.
Le débarquement des pèlerins des navires infectés sera opéré par les moyens
de bord.
C. — Installation de la station sanitaire qui comprendra :
1° Un réseau de voies ferrées reliant les débarcadères aux locaux de l'admi-
nistration et dedésinfeclion.ainsi qu'aux locaux des divers services et aux cam-
pements ;
154 REVUE DE L'ISLAM

2° Des locaux pour l'administration et pour le personnel des services sani-


taires et autres ;
3° Des bâtiments pour la désinfection et le lavage des effets non portés et
autres objets ;
4° Des bâtiments où les pèlerins seront soumis à des bains-douches ou bains
de mer pendant que l'on désinfectera les vêtements en usage ;
5° Des hôpitaux séparés pour les deux sexes et complètement isolés :
a) Pour l'observation des suspects ;
b) Pour les cholériques ;
c) Pour les malades atteints d'autres affections contagieuses ;
d) Pour les maladies ordinaires.
6° Lés campements seront séparés les uns des autres d'une manière efficace,
et la distance entre eux devra être la plus grande possible; les logements desti-
nés aux pèlerins seront construits dans les meilleures conditions hygiéniques
et ne devront contenir que vingt-cinq personnes ;
7° Un cimetière bien situé et éloigné de toute habitation, sans contact avec
une nappe d'eau souterraine, et drainé à 50 centimètres des fosses.
I). — Outillage sanitaire et accessoires :
1° Etuves à vapeur en nombre suffisant et présentant toutes les conditions de
sécurité, d'efficacité et de rapidité ;
2° Pulvérisateurs, cuves à désinfection et moyens nécessaires pour la désin-
fection chimique, analogues à ceux qui ont été indiqués par la Convention sani-
taire de Venise du 30 janvier 1892 ;
3° Machines à distiller ; appareils destinés à la stérilisation de l'eau par la
chaleur ; machines à fabriquer la glace.
Pour la distribution de l'eau potable, canalisations et réservoirs fermés, étan-
ches et ne pouvant se vider que par des robinets ou par des pompes;
4° Laboratoire bactériologique avec le personnel accessoire ; >
5° Installation de tinettes mobiles pour recueillir les matières fécales préala-
blement désinfectées. Epandage de ces matières sur une des parties de l'île les
plus éloignées des campements, en tenant compte des conditions nécessaires
pour le bon fonctionnement de ces champs, au point de vue de l'hygiène ;
6° Les eaux sales seront éloignées des campements sans pouvoir stagner ni
servir à l'alimentation. Les eaux vannes qui sortent des hôpitaux seront désin-
fectées par le lait de chaux, suivant les indications contenues dans la Conven-
tion de Venise.
JE. — L'autorité sanitaire assurera dans chaque campement l'établissement
de magasins de comestibles et de combustibles.
Le tarif des prix fixés par l'autorité compétente est affiché en plusieurs en-
droits du campement et dans les principales langues des pays habités par les
pèlerins.
Le contrôle de le qualité des vivres et d'un approvisionnement suffisant est
fait chaque jour par le médecin du campement.
L'eau est fournie gratuitement.
REVUE DE L'ISLAM 155

En ce qui concerne les vivres et l'eau, les règles adoptées pour Camaran sous
la lettre E sont applicables aux campements d'Abou-Saad, de Vasta et d'Abou-
Ai.

Améliorations à apporter aux stations sanitaires de Abou-Saad, de Vasta et d'Abou-


Ali, ainsi qu'à Djeddah et à Yambo.

1° Création de deux hôpitaux pour cholériques, hommes et femmes, à Abou-


Ali ;
2° Création à Vasta d'un hôpital pour maladies ordinaires ;
3° Installation à Abou-Saad et à Vasta de logements en pierres capables de
contenir 500 personnes, à raison de 25 personues par logement ;
4° Trois étuves à désinfection placées à Abou-Saad, Vasta el Abou-Ali avec
buanderies et accessoires ;
5° Etablissement de douches-lavages à Abou-Saad et Vasta.
6° Dans chacune des Iles d'Abou Saad et Vasta, des machines à distiller pou-
vant fournir ensemble quinze tonnes d'eau par jour.
7° Pour les cimetières, les matières fécales et les eaux sales, le régime sera
réglé suivant les principes admis pour Camaran. Un cimetière sera établi dans
chacune des îles.
8° Installation d'éluves et autres moyens de désinfection à Djeddah el à Yambo
pour lès pèlerins quittant le Hedjaz.

Réorganisation de la station sanitaire de Djebel-Tor.

En ce qui concerne la réorganisation de la station de Djebel-Tor, les haules


parties contractantes, confirmant les recommandations et voeux formulés par
la conférence de Venise relativement à cette station, laissent au conseil mari-
lime sanitaire d'Alexandrie le soin de réaliser ces améliorations el estiment en
outre :
1° Qu'il est nécessaire d'avoir également dans la station des machines à stéri-
liser par la chaleur l'eau qu'on peut trouver sur place;
2° Qu'il importe que tous les vivres qui sont emportés par les pèlerins de
Djeddah et de Yambo, quand il y a du choléra au Hedjaz, soient désinfectés
comme objets suspects ou complètement détruits, s'ils se trouvent dans des con-
ditions d'altération dangereuses ;
3° Que des mesures doivent être prises pour empêcher les pèlerins d'emporter
au départ du Djebel-Tor des outres qui seront remplacées par des vases en terre
cuite ou des bidons métalliiques ;
4° Que chaque section doit y être pourvue d'un médecin ;
5° Qu'un capitaine de port doit être nommé à El-Tor, pour y diriger les em-
barquements et les débarquements et pour faire observer les règlements par
les capitaines des navires et les samboukdji.
156 REVUE DE L'ISLAM

Régime sanitaire à appliquer aux navires à pèlerins venant du nord.

I. — VOYAGE
D'ALLER.
Si la présence du choléra n'est pas constatée dans le port de dépait ni dans
ses environs et aucun accident cholérique ne s'étant produit pendant la tra-
versée, le navire est immédiatement-admis à la libre pratique.
Si la présence du choléra est constatée dans le port de départ ou dans ses
environs, ou si un accident cholérique s'est produit pendant la traversée, le
navire sera soumis, à Djebel-Tor, aux règles instituées pour les navires qui vien-
nent du Sud et qui s'arrêtent à Camaran.
11. — VOYAGE DE RETOUR.
Si la présence du choléra n'est pas constatée au Hedjaz et ne l'a pas été au cours
du pèlerinage, les navires sont soumis à Djebel-Tor aux règles instituées à Cama-
ran pour les navires indemnes.
Les pèlerins seront débarqués, prendront une douche-lavage ou un bain de
mer; leur linge sale, la partie de leurs effets à usage et de leurs bagages qui
peut être suspecte, d'après l'appréciation de l'autorité sanitaire, seront désinfec-
tés ; la durée de ces opérations, en y comprenant le débarquement et l'embar-
quement, ne devra pas dépasser quarante-huit heures.
Si la présence du choléra est constatée au Hedjaz ou l'a été an cours du pèle-
rinage, les navires sont soumis à Djebel-Tor aux règles instituées à Camaran
pour les navires infectés.
Les personnes atteintes de choléra ou d'accidents cholériformes seront débar-
quées et isolées à l'hôpital. La désinfection sera pratiquée d'une façon complète.
Les autres passagers seront débarqués el isolés par groupes, aussi peu nombreux
que possible, de manière que l'ensemble ne soit pas solidaire d'un groupe par-
ticulier, si le choléra venait à s'y développer.
Le linge sale, les objets à usage, les vêtements de l'équipage et des passagers,
seront désinfectés ainsi que le navire.
L'autorité sanitaire locale décidera si le déchargement des gros bagage-; et des
marchandises est nécessaire, si le navire entier doit être désinfecté, ou si une
partie seulement du navire doit subir la désinfection.
Tous les pèlerins sont soumis à une observation de sept jours pleins à partir
de celui où ont été terminées les opérations de désinfection. Si un accident cho-
lérique s'est produit dans une section, la période de sept jours ne commence
pour cette section qu'à partir de celui où le dernier cas a été constaté.

Mesures sanitaires à appliquer aux départs des pèlerim des ports du Hedjaz.

Les mesures à adopter pour le départ de Djeddah et Yambo des pèlerins qui
vont vers le Sud sont les mêmes que celles édictées pour le départ des ports,
situés au-delà du détroit de Bab-el-Mandeb, en ce qui concerne la visite médicale
et la désinfection, soit :
REVUE DE L'ISLAM 157

1° Visite médicale obligatoire individuelle, faite de jour, à terre, au moment


de l'embarquement, pendant le temps nécessaire, par des médecins délégués de
l'autorité sanitaire, de toute personne, prenant passage à bord d'un navire ;
2° Désinfection obligatoire et rigoureuse faite à terre, sous la surveillance du
médecin délégué de l'autorité publique, de tout objet contaminé ou suspect, dans
les conditions de l'article 5 du premier règlement inséré dans l'annexe IV de la
Convention sanitaire de Venise.
Pour les pèlerins qui s'embarquent sur des navires dirigés vers le Nord, la
désinfection se fera à Djebel-Tor, sauf quand il y a du choléra au Hedjaz : en ce
cas, les mesures ci-dessus sont appliquées aussi à ces navires â Djeddah et
Yambo.
Annexe III
I. — RÉGIME
SANITAIRE
APPLICABLE
AUXPROVENANCES
MARITIMES
DANSLE GOLFE
PERSIQUE.
Est considéré comme « infecté » le navire qui a du choléra à bord ou qui a
présenté des cas nouveaux de choléra depuis sept jours.
Est considéré comme « suspect « le navire à bord duquel il y a eu des cas de
choléra au moment du départ ou pendant la traversée, mais aucun cas nouveau
depuis sept jours.
Est considéré comme « indemne », bien que venant d'un port contaminé, le
navire qui n'a eu ni décès ni cas de choléra à bord, soit avant le départ, soit
pendant la traversée, soit au moment de l'arrivée.
Les navires « infectés » sont soumis au régime suivant :
1° Les malades sont immédiatement débarqués et isolés ;
2° Les autres personnes doivent être également débarquées, si possible, et
soumises à une observation dont la durée variera selon l'état sanitaire du navire
el selon la date du dernier cas, sans pouvoir dépasser cinq jours ;
3° Le linge sale, les effets à usage et les objets de l'équipage et des passa-
gers, qui, de l'avis de l'autorité sanitaire du port, seront considérés comme con-
taminés, seront désinfectés, ainsi que le navire ou seulement la partie du navire
qui a été contaminée.
Les navires « suspects » sont soumis aux mesures ci-après :
1° Visite médicale;
2° Désinfection : le linge sale, les effets à usage et les objets de l'équipage et
des passagers qui, de l'avis de l'autorité sanitaire locale, seront considérés
comme contaminés, seront désinfectés ;
3° Evacuation de l'eau de la cale après désinfection et substitution d'une
bonne eau potable a celle qui est emmagasinée à bord.
Il est recommandé de soumettre l'équipage et les passagers à une observa-
tion de cinq jours à compter de la date à laquelle le navire a quitté le port de
départ.
Il est également recommandé d'empêcher le débarquement de l'équipage,
sauf pour raisons de service.
158 . REVUE DE L'ISLAM

Les navires « indemnes » seront admis à la libre pratique immédiate, quelle


que soit la nature de leur patente.
Le seul régime que peut prescrire à leur sujet l'autorité du port d'arrivée
consiste dans les mesures applicables aux navires suspects (visite médicale, dé-
sinfection, évacuation de l'eau de cale et substitution d'une bonne eau potable à
celle qui est emmagasinée à bord).
11 est recommandé de soumettre les passagers et l'équipage à une observa-
tion de cinq jours à compter de la date où le navire est parti du port contaminé.
Il est recommandé également d'empêcher le débarquement de l'équipage,
sauf pour raisons de service.
Il est entendu que l'autorité compétente du port d'arrivée pourra toujours ré-
clamer un certificat attestant qu'il n'y a pas eu de choléra sur le navire au port
de départ.
L'autorité compétente du port tiendra compte, pour l'application de ces me-
sures, de la présence d'un médecin et d'un appareil de désinfection (étuve) à
bord des navires des trois catégories susmentionnées.
Des mesures spéciales peuvent être prescrites à l'égard des navires encom-
brés, notamment des navires à pèlerins ou de tout autre navire offrant de mau-
vaises conditions d'hygiène.
Les marchandises arrivant par mer ne peuvent être traitées autrement que
les marchandises transportées par terre, au point de vue de la désinfection et
des défenses d'importations, de transit et de quarantaine. (Voir « Annexes de
la Convention sanitaire de Dresde », titre IV.)
Tout navire qui ne voudra pas se soumettre aux obligations imposées par
l'autorité du port sera libre de reprendre la mer.
Il pourra être autorisé à débarquer ses marchandises, après que les précau-
tions nécessaires auront été prises, savoir :
1° Isolement du navire, de l'équipage et des passagers;
2" Evacuation de l'eau de la cale, après désinfection ;
3o Substitution d'une bonne eau potable à celle qui était emmagasinée à
bord.
Il pourra également être autorisé à débarquer les passagers qui en feraient
la demande, à la condition que ceux-ci se soumettent aux mesures prescrites
par l'autorité locale.
II. — POSTESSANITAIRES
A ÉTABLIR

1» A Faô ou à proximité de ce point : grand lazaret sur terre ferme avec ser-
vice sanitaire complet, ayant sous sa direction les postes sanitaires du golfe
Persique mentionnés ci-dessous ;
2» Petit lazaret dans l'un des deux îlots ottomans Sélahiyé ou Yilaniyé, si-
tués près de Bassorah, pour surveiller les individus qui auraient échappé à la
visite de Faô ;
3° Maintien du poste sanitaire existant actuellement à Bassorah ;
4° Installation d'un poste sanitaire dans la baie de Koveit ;
REVUE DE L'ISLAM 159

5° Poste sanitaire à Menama, chef-lieu des îles de Bahrein ;


6° Poste sanitaire à Bender-Abbas ;
7° Poste sanitaire à Beader-Bouchir ;
8° Poste sanitaire à Mohammerah ;
9° Poste sanitaire dans le port de Gwadar (Bêloutchislan).
10° Poste sanitaire dans le port de Mascate (sur la côte d'Oman).
[A suivre.)

LA MONTAGNE DE ZERHOUN & LA CHAINE MERVEILLEUSE


CONTEMAROCAIN

La montagne de Zerhoun fut célèbre, sous la dynastie des Almoravides, par


la chaîne merveilleuse que l'on croyait descendre du ciel et qui arrivait au pied
de cette montagne.
Les musulmans, qui professaient à l'égard de celte chaîne un véritable sen-
timent d'adoration, allaient chaque année en pèlerinage à Zerhoun et y sacri-
fiaient une quantité considérable de moutons.
Le serment était toujours déféré sur la chaîne merveilleuse; il suffisait de
menacer son débiteur de ce redoutable objet.
La mission des cadis était très simplifiée à l'époque par l'existence de
cette chaîne. Tout individu coupable qui se présentait devant elle et touchait
de ses doigts l'extrémité de l'objet sacré, se sentait saisi par un violent cou-
rant électrique et s'abattait sur le sol.
Or, cette chaîne disparut un jour; voici la légende qui court à ce sujet.
Un habitant de Méquinez, du nom de Driss Lemyakoun, épousa sa cousine
qu'il aimait à la folie. Sa passion était tellement forte qu'il finit par éprouver
des jalousies à l'égard de sa femme et qu'il l'enferma dans sa maison, en lui in-
terdisant toute communication môme avec ses parents.
La solitude lassa la pauvre femme ; selon le proverbe arabe, « plus la femme
est opprimée par son mari, plus elle cherche à le tromper »; elle chercha à
tromper son mari. Un jour, elle réussit à voler la clef de la maison et parvint
ainsi à introduire chez elle un riche négociant étranger. Cependant, la jalousie
de l'époux augmentait instinctivement, au point de concevoir des soupçons sur
l'honnêteté de sa femme. Voulant en avoir le coeur net, il la prévint qu'il allait
lui déférer le serment sur la chaîne merveilleuse. Celte communication inquiéta
Amina (tel était le nom de l'épouse) ; mais elle ne laissa rien découvrir sur son
visage de l'émotion qui la troublait et répondit avec une apparente tranquillité
qu'elle était prête à le suivre.
Amina, qui s'attendait tôt ou tard à cette épreuve, avait depuis longtemps
160 REVUE DE L'ISLAM

pris ses précautions. Aussi, dès que Driss fut parti, elle courut vers la boutique
de son amant et lui fit part de l'événement. Le négociant se montra fort inquiet,
mais Amina le tranquillisa de suite en lui disant : « Ne crains rien; mon pro-
jet est tout préparé, trouve-toi vendredi prochain à la porte de la ville et dé-
guise-toi en ânier; je dirai à mon mari de te prendre pour nous conduire à
Zerhoun. Le reste, tu le verra après. »
Le vendredi à l'aube du jour, les deux époux se dirigèrent vers Bab Derbeilan
pour louer une monture; le fidèle amant ne manqua pas de s'y trouver. On dé-
battit le prix de location de l'âne, la femme grimpa dessus et l'on se dirigea
vers Zerhoun.
Arrivés au pied de la montagne, la courageuse femme, en descendant du
bourriqùot, fit intentionnellement un faux mouvement et se laissa tomber sur le
dos, dételle sorte qu'une brise indiscrète souleva tous ses vêtements Elle se releva
précipitamment, eh accablant d'injures le faux ânier, que celte scène auquel
il ne s'attendait pas rendit muet; puis, d'un pas ferme, elle s'approcha de la
chaîne merveilleuse, en prit les extrémités entre ses doigts et s'exprima ainsi :
« Je jure par celte chaîne sacrée et par celui qui l'a créée que personne au
monde n'a vu ce que ma chemise doit cacher, si ce n'est mon mari ici présent
et ce vilain ânier. »
A ces mots, un coup de tonnerre éclata au sommet de la montagne et la chaîne
disparut dans l'espace.
CHEIKENNADER.
N° 60. Novembre 1900.

LES MUSULMANS DEBOSHÏE-HER^ÉGOVÏHE


LEURS DOLÉAACES. — LEURS VOEUX.

La presse française publie de temps à autre des informations permettant de


juger de l'état de tension qui existe entre les populations de Bosnie-Herzé-
govine et le gouvernement impérial d'Autriche-Hongrie; mais l'opinion
européenne est peu renseignée sur les doléances et les voeux de la population
musulmane rie ce pays :

Un Musulmau les a exposés en ces termes dans la Revue d'Orient, il nous a


paru intéressant de les enregistrer et de les conserver dans la Revue de l'Islam :
« On sera sans doute surpris d'apprendre que le mécontentement des Musul-
mans de la Bosnie-Herzégovine remonte à l'époque de l'oceupation. Au cours
des vingt-deux années écoulées depuis lors, il n'y en a pas eu une seule pen-
dant laquelle nous n'ayons pas eu de sujets de plainte ou, tout au moins, maille
à partir avec les autorités. Ainsi, huit mois seulement après l'occupation, le
gouvernement austro-hongrois portait atteinte aux institutions musulmanes en
faisant fermer nos écoles ruchdiés (primaires supérieures) et, dès l'année 1880,
les conversions commençaient par une jeune fille de 16 ans nommée Saya
Youkitch. Si pourtant, jusque dans ces derniers temps, les Musulmans des pro-
vinces occupées se sont bornés à des démarches respectueuses et courtoises
bien que de plus en plus pressantes, auprès des autorités, c'est qu'ils étaient
convaincus que le gouvernement finirait par reconnaître combien il est désa-
vantageux, pour les intérêts généraux du pays, de ne pas prendre en considé-
ration le groupe ethnique dominant depuis quatre siècles en Bosnie-Herzégo-
vine. Or, leurs espérances à cet égard ont été cruellement déçues.
« Outre la fermeture des écoles musulmanes el les conversions illégales, les
autorités se refusèrent de bonne heure à rendre justice aux propriétaires fon-
ciers musulmans lorsque, peu de temps après l'occupation, les fermiers — des
Chrétiens en général — se mirent à ne pas payer les baux stipulés : le tiers ou
le quart de la production agricole. Il fallut faire à Vienne démarches sur
démarches, et c'est à peine si l'on réussit à faire remettre en vigueur la loi
promulguée, une vingtaine d'années avant l'occupation, par le commissaire
extraordinaire Djevdet-pacha, non sans qu'on l'eût pourtant modifiée jusqu'à la
rendre méconnaissable ou peu s'en faut. Quant aux conversions, des assurances
formelles émanées de la bouche même de S. M. l'Empereur et Roi nous firent
espérer, quelque temps durant, que nous ne serions pas inquiétés, de ce côté-là
tout au moins.
« En 1886, les Musulmans demandèrent la réouverture des écoles ruchdiés,
parce qu'ils craignaient que leurs enfants ne reçussent dans les institutions
gouvernementales un enseignement peu conforme aux préceptes de l'Islam et
que leurs jeunes esprits ne fussent imbus de doctrines en opposition avec la reli-
162 REVUE DE LTSLAM

gion. Le gouvernement eut l'air de céder; il autorisa même la réouverture des


écoles musulmanes dans les chefs-lieux des départements, mais ce n'était que
pour la forme.
« D'autre part, les écoles de quartier (sibian mektebleri) étant devenues insuf-
fisantes avec le temps, nous demandâmes, il y a neuf à dix ans, l'autorisation
d'ouvrir des écoles primaires confessionnelles pour les enfants de 6 à 9 ans.
Dans ces établissements les études dureraient trois ans et ne comprendraient
que l'enseignement religieux en turc et en arabe, attendu qu'il n'y a point d'ou-
vrages de ce genre en langue bosniaque. Pendant une année, nous jouîmes d'une
liberté complète à cet égard; mais, changeant bientôt d'attitude, les autorités
intervinrent et nos enfants ne purent fréquenter les écoles musulmanes que jus-
qu'à 10 heures du matin, tandis qu'ils passaient le reste de la journée dans les
écoles gouvernementales, pour y apprendre en langue bosniaque les autres ma-
tières de l'enseignement. Les Musulmans eurent beau se plaindre et protester;
on ne leur répondit que par des raisons fallacieuses. Le gouvernement déclara
qu'il voulait nous faire jouir des bienfaits de l'instruction dans une mesure
plus large que par le passé, à quoi nous répondîmes que nous ne désirons rien
tant que l'instruction, mais encore fallait-il qu'elle n'allât pas à rencontre des
préceptes de la foi el qu'on fit à l'enseignement religieux une place plus large
que 2 heures par semaine.
« On voit qu'au lieu de s'améliorer avec le temps, la situation des commu-
nautés musulmanes ne cessait d'empirer en Bosnie-Herzégovine et que notre
patience, notre résignation, notre « fatalisme » comme on dit en E::rope, étaient
soumis aux plus rudes épreuves. Je n'en finirais pas si je voulais raconter ici
tous les incidents qui affectèrent péniblement les Musulmans, leurs protesta-
tions réitérées, leurs démarches infructueuses, tous les coups d'épingle que nous
avons reçus et qui, aggravent constamment notre situation, car nous sommes
toujours en butte aux procédés de plus en plus vexatoires de la part des auto-
rités locales.
« Les édifices du culte musulman ne sont pas respectés. A Travnik, par
exemple, la mosquée dite Kichla-djamissi a été transformée en école de Jésuites;
à Svornik, celle deKaleh-djamissi a été convertie de force en église catholique.
« De nombreux cimetières ont été désaffectés dans presque toutes les villes
des provinces occupées, sans qu'on ail même pris la peine dî procéder à des
expropriations régulières et sans qu'on ait donné un sou d'indemnité aux
communautés musulmanes, propriétaires des terrains où ils se trouvaient. A
Sarajevo, on en a fait un jardin public; à Mostar, la gare du chemin de fer, etc.
« L'administration des biens vakoufs (fondations pieuses) a été accaparée
par le gouvernement. On a bien nommé des commissions chargées de s'en oc-
cuper, mais les membres en ont été pris parmi les créatures du régime actuel
et non parmi les hommes jouissant de la confiance des communautés musul-
manes. De plus, les commissaires gouvernementaux délégués près des com-
missions dirigent les affaires avec, une telle désinvolture que le président et les
membres en sont réduits à opiner simplement du bonnet, sans pouvoir se per-
REVUE DE L'ISLAM 163

mettre la moindre observation. Et comme une partie des revenus des vakoufs
servent à entretenir les enfants musulmans qui fréquentent les écoles secon-
daires gouvernementales, des sommes importantes sont ainsi distraites, chaque
année, des buts pieux et charitables pour lesquels les vakoufs furent institués
par leurs fondateurs.
« En ce qui concerne les conversions, j'ai déjà dit qu'elles remontent à l'an-
née 1880. Rien que pour l'Herzégovine, j'ai connaissance d'une vingtaine de
cas, et je ne sais si ma statistique est complète. Quoi qu'il en soit, ce n'est pas
le fait que des Musulmans se convertissent au Christianisme qui constitue notre
grief principal à cet égard, mais nous sommes indignés devoir que la loi y rela-
tive promulguée en 1892 par le gouvernement n'est pas respectée par les autorités.
« D'après cette loi, en effet, qui s'applique à tous les cultes, personne ne
peut changer de religion s'il n'a pas atteint sa majorité. Remplit-il cette condi-
tion absolument indispensable et veut-il embrasser une autre foi que celle de
ses pères, il est tenu de se rendre chez le chef spirituel de sa communauté qui,
pendant un délai de deux mois, essaye de le faire revenir sur sa détermination.
Ce temps écoulé, le chef spirituel prévient les autorités et celles-ci délivrent
enfin au requérant l'autorisation qu'il demande. Or, dans aucune des vingt
conversions dont je parlais tout à l'heure, cette procédure n'a été suivie.
« Je citerai comme exemple tout à fait typique, celui d'une femme de Lu-
buchka qui fut amenée en Dalmatie avec sa fille âgée de 6 ans et là, convertie
à la religion catholique. Lorsque la jeune fille grandit et qu'elle apprit ce qui
s'était passé, elle prit la fuite et rentra àLubuchka chez son oncle, afin d'embras-
ser de nouveau la foi de ses pères. Mais les autoritée locales ayant eu vent de la
chose, la tirentarrêter par les gendarmes et rarrïener chez sa mère manu militari.
« Passant sur le cas de la veuve de Béchir Rokitch, du village de Stolza en
Herzégovine, qui fut convertie en 1894, avec sa fille âgée de 13 ans et son petit
garçon de 1 an 1/2, je m'étendrai davantage sur l'affaire de Fata Omanovitch
que, dans ses discours à la récente session des Délégations, M. de Kâllay n'a
pas exposée avec toute la clarté désirable. Cette jeune fille a quitté la maison
paternelle sur les instigations d'un kmète catholique et du domestique de
l'évèque de Mostar. Quelque temps après sa disparition, on apprit qu'elle
avait été baptisée dans un couvent catholique et qu'on l'y retenait de force.
Les Musulmans de Mostar se rendirent chez le baron Pittner, chef du district,
qui s'exprima en termes peu élogieux sur le compte de Fala, bien que ce fût
une brave et honnête fille. Finalement, il promit d'intervenir et de faire quel-
que chose, mais il ne tint pas sa promesse. Lorsqu'une nouvelle députation de
50 Musulmans alla lui rappeler ses assurances, il répondit qu'il s'en occupait
sérieusement; mais, peu après, il fit savoir aux intéressés que le gouvernement
était impuissant, malgré sa bonne volonté. En octobre 1899, une députation se
présenta chez l'Empereur et Roi et présenta à Sa Majesté une supplique, mais
à peine était-elle rentrée en Herzégovine que de nouvelles conversions eurent
lieu, de la façon la plus illégale. On voulut enlever, entre autres, les deux
enfants du propriétaire Ibranévitch, dans un village des environs de Mostar,
164 REVUE DE L'ISLAM

mais les Musulmans en furent informés à temps et purent empêcher les bapti-
seurs de réaliser leurs plans.
« Je ne veux pas clore le chapitre des conversions sans parler de la femme
Gulsumé, fille de Mouharrem-Arabzadé, de Mostar qui a été enlevée de force, il
y a trois ans, par des individus demeurés inconnus et amenée en Dalmatie, où
on l'a probablement obligée à se faire catholique. Toutes les démarches faites
pour la retrouver ont été vaines, et personne ne sait ce qu'elle est devenue.
« Passant à l'instruction publique, qui constitue également une des condi-
tions fondamentales de notre existence, je vous dirai que les Musulmans de la
Bosnie-Herzégovine désirent que leurs enfants de 6 à 9 ans soient lais es libres
de ne fréquenter.durant trois années que les écoles primaires confessionnelles,
où ils n'ont à apprendre que les principes de la religion musulmane, laquelle
est, pour nous, la base fondamentale de toute éducation.
« Nous insistons aussi pour que renseignement de la religion soit mieux cul-
tivé qu'à présent, dans les écoles gouvernementales. Les deux heures que l'on y
consacre par semaine sont tout à fait insuffisantes et les enfants n'apprennent
rien, absolument rien.
« En outre, les maîtres d'école musulmans ne reçoivent que des appointe-
ments dérisoires : 15 à 30 florins par mois, lorsque les simples kapoudjis (por-
tiers) des gymnases gouvernementaux toucbent des 50 et 60 florins.
« Pour résumer, en trois lignes, les voeux de la population mahométane de
l'Herzégovine — car c'est elle seulement qui est entrée en scène pour le mo-
ment—je vous dirai que nous demandons l'autonomie aussi bien en ce qui
concerne nos affaires religieuses que pour ce qui est de l'instruction publique.
Nous voudrions qu'on confie à. des conseils d'arrondissement élus par la popu-
lation tout ce qui a trait à ces deux questions ; quant aux affaires intéressant la
province toute entière, elles seraient réglées par un conseil central comprenant
des délégués de tous les conseils d'arrondissement et se réunissant à Mostar
sous la présidence du mufti d'Herzégovine.
« Je passe maintenant à la députation mahométane qui se trouve depuis un
mois et demi à Budapest (1), et au sujet de laquelle les journaux magyars ont
écrit tant d'inexactitudes.
« Il doit être bien établi, tout d'abord, que cette députation ne parle qu'au
nom des Musulmans de l'Herzégovine et que c'est pour eux seulement qu'elle a
demandé à qui de droit l'autonomie dont je viens de parler. Toutefois, le mou-
vement s'est déjà fortement propagé en Bosnie et des délégués de la population
mahométane de Travnik el environs sont sur le point de partir pour la capitale
hongroise, afin de joindre leurs efforts à ceux des délégués de Mostar et d'indi-
quer par là que, quoi qu'en disent les agents et les organes du gouvernement,
tous les Musulmans des provinces occupées sont bien d'accord sur ces questions
vitales pour eux.
« En parlant de la députation mahométane, un ou deux journaux de Buda-

(l) Cecia étéécriton juin 1900.


REVUE DE L'ISLAM 165

pest ont prétendu qu'elle se proposait de demander l'annexion de la Bosnie-


Herzégovine à la Couronne de Hongrie, qu'elle voudrait avoir des représentants
au Parlement hongrois et qu'elle ferait des démarches à Constantinople à cet
effet. Je suis autorisé par mes coreligionnaires à protester énergiquement con-
tre cette affirmation mensongère et à déclarer publiquement que nous n'avons
aucune velléité de ce genre. Le seul voeu que nous pourrions avoir, s'il nous
était permis de formuler des desiderata politiques, ce serait de voir remanier
l'article du traité de Berlin qui nous concerne et rétablir le statu quo ante.
« Partis le 7 mai n. s. de Mostar, nos délégués ne sont pas encore rentrés et,
pour le moment, leurs efforts n'ont abouti à rien du tout. Après avoir essayé en
vain d'être admis en présence de l'Empereur et Roi à Budapest, au cours de la
session des Délégations, ils se sont rendus à Vienne et ont remis à la Chancel-
lerie impériale et royale une longue requête détaillant les doléances et les voeux
qu'ils étaient chargés de déposer aux pieds du Trône. Ils demandent, en outre,
que les questions litigieuses pouvant survenir entre le reïs-ul-uléma de Sara-
jevo et le mufti de Mostar soient déférées à l'arbitrage du cheïk-ul-islam de
Constantinople, en sa qualité d'autorité religieuse supérieure. Malgré son ex-
trême importance pour nous, il est peu à espérer que cette question soil réglée
comme nous le voudrions.
« Quant aux signatures que les autorités des provinces occupées sont en train
de recueillir en demandant aux Musulmans tout à fait ignorants une espèce de '
certificat de bonne conduite, le fait a d'autant moins d'importance que les si-
gnatures sont extorquées par des moyens fallacieux. Dans certaines localités
par exemple, on demande aux gens simples et naïfs s'ils sont Musulmans, Or-
thodoxes ou Catholiques ; dans d'autres, s'ils préfèrent l'Autriche-IIongrie, la
Serbie ou le Monténégro. On leur fait alors signer un papier qu'ils ne lisent pas,
et le tour est joué.
« Mais, qu'arrivera-t-il si, après avoir attendu quelque temps encore, la dé-
putation musulmane n'aboutit à aucun résultat? D'après des informations dont
je puis vous certifier la parfaite authenticité,, les membres de la députation se
rendront à Constantinople et demanderont au Sultan et au gouvernement otto-
man — au Sullan en sa qualité de Souverain et de Khalife, à la Sublime-Porte,
comme autorité suprême d'une population qui n'a jamais cessé d'être ottomane
de droit sinon de fait — de vouloir bien intervenir auprès du gouvernement
austro-hongrois pour qu'il fasse enfin droit à nos demandes justes et légitimes.
« Et si cette dernière démarche échouait aussi, si tous les puissants de la
terre nous abandonnaient, s'il n'y avait, plus pour nous ni équité ni justice, eh
bien ! nous émigrerons en masse, nous quitterons la terre où reposent nos an-
cêtres et nos pères, et nous irons — comme tant, el tant de nos compatriotes —
demander asile à nos frères de Turquie et vivre en paix dans ce pays hospitalier
et tolérant où l'on peut prier Dieu comme on veut, élever ses enfants comme on
le juge bon, vivre tranquillement et mourir pieusement.
« Un Musulman. »
« Mostar, juin 1900.
166 REVUE DE L'ISLAM

NOTES SUR LA TUNISIE

( SUITE
)

Il se développe des deux côtés de l'étroit canal qui relie la mer au lac de Tu-
nis. Ce canal fut peut-être l'oeuvre de Carthage ; mal entretenu depuis l'anti-
quité, jamais élargi, il n'a pas plus de vingt-cinq mètres de largeur; quand
deux balancelles sont amarrées de chaque côté du quai, il ne reste plus guère
que le passage suffisant pour un canot. L'embouchure du canal sur la mer est
à peine moins étroite (1); elle mérite bien le nom que les Arabes lui ont donné,
Halk-el-Qued, le gosier du canal ; les Italiens, dont la langue est une charmeuse,
en ont fait la Goletta.
« Tout le mouvement et toute la vie semblent avoir abandonné le bord méri-
dional du canal pour se concentrer sur le groupe septentrional, à l'extrémité de
la langue de terre qui tient aux ruines de Carthage. Une rue animée et plantée
d'arbres, c'est une gaieté de plus sur ces rivages par un soieil de juin, conduit
du canal à la gare italienne de Tunis (2) ; elle est bordée de cabarets, de misé-
rables auberges, de pauvres boutiques; çà et là, une construction qui ac-
cuse l'inlluenee européenne, une maison précédée d'un jardin où la végétation
africaine déploie sa splendeur. Quelques rues perpendiculaires à celte avenue
principale et se développant parallèlement au quai vers l'ouest reliées entre
elles.par d'étroites ruelles, constituent le bourg de La Goulette.
« Les Italiens y sont en grand nombre, ils fraternisent avec les Maltais, race
hybride el de nationalité douteuse, se réclamant de l'Angleterre quand leur in-
térêt les y invile, Italiens par l'irascibilité et le bavardage, Arabes par l'àprelé
de leur langage et leur type nerveux et hâté, ils font penser à ce qu'un grand
écrivain dit de leur patrie, quand il l'appelle « une hôtellerie », où toutes les
races méditerranéennes, depuis les Phéniciens jusqu'aux Anglais se sonl croisés
et confondus. »
La ville de Tunis a été baptisée par les Arabes de plusieurs petits noms doux ;
nous pouvons citer ceux de Blanche, de Sainte, de Glorieuse et de « Burnous du
Prophète».
Le blanc est en effet la couleur caractéristique de la capitale des Beys.

(1) Nousrépétonsici l'observation


do la notoprécédonto,à savoirquo los conditionsd'accèsa Tunis
sontmodifiéos avantageusement depuisquo la capitaledu Boyest roliéoà la morpar un largocanal,
qui rondinulilol'avant-portdela Goulctlo.
(2) Cotlolignoitalionnca étérachetéoon 1898par uuoCompagnie française
REVUE DE L'ISLAM 167

En apercevant de lpin ses maisons blanches et serrées, montant en amphi-


théâtre, dit M. Pavy, dans son Histoire de la, Tunisie, on trouve que Tunis
ressemble à une carrière de marbre, dont les blocs taillés et polis attendent la
main de quelque ouvrier géant.
La ville est couchée sur un isthme, entre deux lacs. Derrière elle, le lac Sed-
joumi. Entre elle et la Goulette, son faubourg, c'est le Bahira.
Sur les hauteur de Tunis on trouve la Casbah et le palais de ses princes : le
Dar-el-Bey.'Elle conserve encore sa ceinture bien inutile de remparts ; toutefois
cependant, au nord et à l'est, la ville européenne, en débordant ces barrières,
les a fait disparaître.
Lorsqu'on débarque à Tunis, on se trouve presque aussitôt sur les plus belles
voies de la Villeneuve. On a, d'un côté, l'avenue de France, et de l'autre l'ave-
nue de la Marine, avec le palais de la Résidence, la cathédrale, des cafés luxueux
le superbe hôtel de la Dépêchetunisienne, avec sa salle des dépêches, etc.
Tunis a conservé intacts ses quartiers indigènes, avec leurs rues voûtées,
leurs souks et leurs mosquées. On se croirait a mille lieues de l'Europe, quand
on voit passer dans les souks les graves cheikhs, revêtus de robes aux couleurs
claires, se rendant à la mosquée de l'Olivier. Cette mosquée renferme la plus
grande université du monde musulman après celle du Caire; elle donne asile à
plus de six cents étudiants qui viennent y écouter tous les jours les leçons de
leurs professeurs.
Entre les quartiers indigènes et les rivages du lac s'étend la nouvelle ville eu-
ropéenne avec ses larges avenues et. ses rues gracieuses plantées d'arbres. L'a-
venue de Paris, d'une longueur de six kilomètres, aboutit au parc du Belvédère
(100 hectares) et au jardin d'Essai (70 hectares).
A travers le lac de Tunis, peu profond, on a creusé un chenal de 8 kilomètres
de longueur et de 6 m. 50 de profondeur qui permet aux grands bateaux d'ac-
coster à quai à Tunis même, auprès de vastes entrepôts et de voies ferrées qui
sont le point de départ d'un réseau important de chemins de fer.
Les quais du port de Tunis ont été achevés en 1896. Autrefois, la navigation
devait s'arrêter à l'avanl-port de la Goulelle.
Un bassin a été creusé à Tunis ; il a 12 hectares de surface et 6 m. 50 depro-
fondeur et est muni de tout l'outillage nécessaire pour le déchargement et le
transport des marchandises. Les travaux du port de Tunis ont coulé 13 millions
de francs.
Tunis, capitale de la Régence tunisienne, est le débouché naturel de la belle
vallée de la Medjerda, de la plaine du Tosa et de la péninsule du cap Bon.
Nous croyons intéressant de reproduire ici cetle description pleine de couleur
d'un coin de Tunis, due à la plume de M. Daubeil :
« Sur la chaussée de l'avenue de l,i Marine, étincelante de soleil, s'agitait
une foule compacte, bariolée des couleurs les plus invraisemblables et qui, ce-
pendant, se fondait en une harmonie admirable : ici, les burnous blancs des
arabes ; là, les vestes bleues cl les turbans noirs des juifs; à côlé les couver-
turcs rayées des négresses, les larges chapeaux crasseux des Siciliens, les ca-
168 REVUE DE L'ISLAM

lottes de fourrure des Maltais, une mer de chéchias rouges, de vestes et de tur-
bans multicolores ; à travers la cohue la culotte rouge d'un zouave ou le dolman
bleu d'un chasseur d'Afrique; des chevaux aux longues selles arabes, des cha-
meaux, des bourricots chargés d'oranges, des voitures, des tramways ; bref un
mélange étrange de civilisation el de vie primitive, un diminutif de la tour de
Babel et tout cela, marchant, courant, gesticulant, criant dans tous les idiomes
connus et inconnus. Au fond, au-dessus de la foule, une porte mauresque déta-
chait vigoureusement sur le blanc des maisons ses créneaux brunis par le temps
et son plein cintre monumental. C'était la Porte de France (primitivement Bab
el Bahr, porte de la mer) celle qui jadis fermait la ville arabe du cùLôde la mer,
avant que l'occupation française eût pris sur le lac l'emplacement du quartier
européen.
« Je restai quelque temps à savourer ce délicieux tableau, je compris alors
celte incomparable lumière d'Afrique, inconnue à l'Europe, qui enveloppe et
adoucit les couleurs les plus disparates et donne aux ombres des reflets et une
transparence incompréhensibles pour ceux qui ne l'ont pas vue. »
On compte 150.000 habitants environ à Tunis, dont 70.000 Arabes, 50.000 Is-
raélites, 12.000 Italiens, 12.000 Mallais, 13.000 Français (y compris la troupe)
400 Grecs et quelques centaines de Suisses, d'Espagnols, d'Anglais, etc.
Depuis dix-huit ans, la ville européenne est sortie de terre avec une prodi-
gieuse rapidité.
Les deux principaux monuments européens de la ville : la cathédrale et le pa-
lais de la Résidence, se trouvent en face l'un de l'autre, sur la même place.
Dans la ville arabe, ce sont la Kasbah et la grande Mosquée qui attirent plus
particulièrement l'attention par la finesse de leur forme et l'originalité de leur
architecture.
Les Français établis à Tunis sont presque tous commerçants ou fonction-
naires. Des capitalistes de Paris, de Lyon, de Marseille, de Grenoble y ont,
avec une extrême célérité, fait de toutes parts surgir des maisons. L'une d'entre
elles a coûté à un avocat bien connu à Tunis la somme de 12.000 francs el lui
rapporte jusqu'à. 8.000 francs par an : c'est un placement hors de pair. Une
autre maison connue de Tunis rapporte 12 0/0 à son propriétaire. Ce ne sont
là, évidemment, que des exceptions, mais la moyenne du rapport de la pro-
priété bâtie, à Tunis, varie entre 7 el 10 0/0, ce qui est très joli. Il y a donc de
l'avenir en Tunisie pour les propriétaires!
Chose curieuse, le prix des loyers est presque aussi élevé à Tunis qu'à Paris,
malgré cette abondance de bâtisses (1).
Le haut commerce est représenté à Tunis par trois grandes maisons de nou-
veautés françaises : le Magasin général, grand bazar où l'on vend un peu de
tout, el qui rend environ 5 0/0 de bénéfices avec 700.000 francs d'affaires an-
nuelles; les Galeries parisiennes, dont le chiffre d'affaires est un peu moindre,

(1) D'aprèsM.MarcelRuédol.Bulletindel'Uniongéographique
dunorddela France(Douai),2° tri-
mcslro1S99.
REVUE DE L'ISLAM 169

et la Maison universelle. Ces magasins rencontrent une âpre concurrence dans


les grandes maisons italiennes établies rue des Maltaisqui vendent aux souks.
Les Israélites, jusqu'en ces derniers temps, persistaient, à de très rares ex-
ceptions près, à conserver le costume indigène. Aujourd'hui, il n'en est plus
ainsi, et le passage d'une famille juive dans les rues de Tunis donne lieu à un
bizarre assemblage, qui récapitule l'histoire du costume du peuple juif en Tuni-
sie. En effet, les grands parents sont vêtus comme au temps jadis; ils côtoient
leurs enfants déjà à demi-francisés; enfin, les plus jeunes portent absolument
le costume européen.
L'hygiène n'a guère été introduite sérieusement dans les villes tunisiennes
qu'avec l'influence française. Si l'on veut avoir une idée du délabrement de
Tunis au point de vue hygiénique, nous laisserons encore la parole à M. J. de
Crozals, qui écrivait ce qui suit en 1882 :
« Je ne sais s'il existe à Tunis quelque chose qui ressemble à un service de
voirie, mais les résultais n'en sont pas visibles. Rien de hideux et de nauséa-
bond comme les boutiques où se débile la viande; celte viande noirâtre que le
soleil décompose si vite et qui semble faite pour des repas de cannibales. L'ar-
rière-boulique sert d'égorgeoir et, devant le seuil, s'élèvent des pyramides de
têtes de moutons coupées, les yeux tournés, la langue prise aux dents et verdie
au bout, qui fermentent au soleil. Des nuéijs de mouches s'abattent sur ces débris,
et si on les trouble, s'élèvent en tourbillons irrités, bourdonnants et tenaces. Les
viandes abattues de la veille ou de l'avant-veille noircissent à l'étal et, même j
pour ceux que le mal de mer a épargnés, ce n'est pas une entreprise sans péril
que de passer à jeun devant ces officines empestées.
« On se demande par quelle faveur du sort des épidémies de toute sorte et le
charbon ne déciment pas cette population. Les antres, où se fait une sorte de cui-
sine publique, ne sont guère d'un aspect plus engageant. Il faut y joindre une
intolérable chaleur en plus. Dans une sorte de réduit voûté, de plain-pied avec
la rue, sans cheminée, sans aération, un nègre entretient au charbon quatre ou
cinq fourneaux à flamme ardente : là cuisent, dans des flots d'huile grossière,
des foies de moulons, des courges coupées en morceaux, des pimenls rouges,
des gâteaux de farine. Chacun s'approvisionne el emporte son morceau dans
une feuille de figuier. Ce sont les heureux, les favorisés du sort.
« Pour le menu peuple, des négresses accroupies au coin des rues fabriquent
une sorte de polenta grossière ou font cuire à gros bouillon, dans une ancienne
boîte à pétrole, des fèves sèches. Toutes ces odeurs de viandes, mal cuites, de
fourneaux graisseux, d'huile surchauffée, se répandent dans les rues et les
empestent. Nul n'en paraît gêné et la vie orientale poursuit son cours uniforme
dans celte atmosphère alourdie sans renouvellement d'air, sans élément
purifiant.
« Faut-il parler des animaux abandonnés dont les cadavres se décomposent
dans les recoins écartés, que nul ne songe à enlever, qui ne gênent personne,
que nul n'évite. On parle des chiens de Constantinople : à Tunis, les chats
170 REVUE DE L'ISLAM

sont les maîtres de la rue, vivants ou morts ; bêtes malheureuses, pelées et


sauvages, qui s'enfuient au bruit des pas, ou que l'on voit pelotonnées au coin
d'une borne, derrière un tas d'ordures. 11 n'y a, hélas ! aucune fantaisie dans
cette peinture, et quiconque a vu Tunis en reconnaîtra tous les traits. »
Inutile d'ajouter que, sous l'action administrative delà France, ce pittoresque
tableau s'est grandement modifié, que les' principes sanitaires ont fini par être
compris et que le souvenir seul reste de la situation déplorable d'autrefois.
Mais continuons à puiser, dans l'excellente élude de M. J. deCrozals, quelques
pittoresques vues du vieux Tunis :
« On peut s'engager au hasard, dit-il, dans ce dédale de rues ; après avoir
longtemps erré, glissé, pataugé, on ne peut manquer d'atteindre au quartier
des bazars, aux Souks. Ils occupent, en effet, un vaste espace à peu près au
centre de la ville, à égale dislance de la partie de la mer à la Kasbah. Les
Souks 1 Ce nom seul, quand on parle de Tunis, résume tout ce qu'on peut ima-
giner de splendeur, de richesses accumulées, d'objets désirables, de convoitises
à assouvir. « Ne revenez pas sans voir les Souks ! » telle est la recommandation
suprême quand, au moment du départ, on prend conseil des rares personnes
qui ont vu Tunis. « Allez-y, revenez-y, vivez-y ) ». C'est assurément une des
plus curieuses choses qui se puissent voir.
«. Imaginez un ensemble de galeries se succédant, mais sans ordre, sous les
angles les plus divers, au hasard de la fantaisie la plus déréglée; juxtaposées,
mises bout à bout, s'entre-croisanl, hautes et basses, voûtées ou plafonnées,
complètement recouvertes ou laissant voir le ciel par endroits, en conlre-bas
avec le sol environnant ou en saillie, en bois ou en pierre, mais toutes délabrées,
sales et d'un piteux aspect.
« Dans l'épaisseur des murs s'ouvrent, par une large baie cintrée, les bou-
tiques ; elles sont toutes sur le môme plan et dans les mômes proportions. On
n'y a pas facilement accès, car elles s'ouvrent à 75 centimètres ou 1 mètre au-
dessous du sol ; mais l'acheteur n'y pénètre pas : il est comme au balcon pour
voir les marchandises qu'on lui présente. Tout autour de celte sorte de caveau,
des rayons ménagés dans l'épaisseur des murs servent de dépôt ; quelquefois,
dans le fond, s'ouvre une arrière-boutique, qui prend le jour par le haut en
dehors du souk el qui verse un (loi de lumière blanche et crue jusque vers le
milieu de la voûte. En avant des boutiques règne une sorte de marchepied en
pierre qui en facilite l'accès au propriétaire et aux familiers. Les dalles en sont
usées et luisantes : recouvertes de nattes, elles servent de bancs à la population
oisive qui remplit les souks dès le matin.
« Le visiteur défile donc entre deux galeries de boutiques el une double haie
de curieux accroupis, assoupis, attentifs, pourtant, qui jouent avec leur pipe
vidée ou avec l'ombre de leur chapelet, les jambes repliées, leurs sandales à
terre devant eux.
« Tous les souks ne sont pas voûlés : quelques-uns sont recouverts d'une
sorte de toiture en planches. Ce sont les plus misérables. 11manque une planche
sur deux ou trois, et de ces hauteurs pendent de larges toiles d'araignées comme
REVUE DE L'ISLAM 171

on n'en voit en France que dans les antiques étables des hameaux perdus.
L'effet en est bizarre : le soleil jouant dans ces lambeaux grisâtres, les colore
de reflets inattendus et leur prête un éclat singulier ; quand la brise les agite,
on dirait des drapeaux qui frémissent. On n'est qu'à demi rassuré sous cette
décoration : une de ces toilettes se détachant suffirait à envelopper un homme.
« Le pittoresque, est partout. Le pavé des souks est plus irrégulier encore
que celui de la rue. Comme on ne remplace pas les pierres qui s'ébranlent et sont
enlevées, il y a par endroits presque autant de crevasses que de traces de chaus-
sées ; on marche sur la terre battue, qui devient, à la première pluie, un vrai
bourbier. Bêtes et gens traversent les souks, en battent le sol, en pétrissent la
fange.
« C'est dans ce milieu cependantque sont accumulées les principales richesses
de l'industrie tunisienne. Chaque souk a une destination particulière; les mar-
chands d'étoffes en occupent plusieurs, les chapeliers et les marchands de
chéchias en ont une autre ; les bijoutiers el les marchands d'essences forment
l'aristocratie marchande et sont établis au centre ; les armuriers vivent avec
eux en bons voisins. Les cuirs et. les ouvrages de sellerie ont leur quartier à
part. 11y a aussi les tourneurs, les fabricants de petits mobiliers et, çà et là,
sur la lisière de ce inonde à part, quelque moulin à blé ou à huile que met en
mouvement dans une cave sombre un mulet aux yeux bandés II n'y a de vraies
richesses, à noire sens, que dans les souks réservés aux étoffes et aux soieries.
« Les Juifs régnent en maîtres dans ce monde du commerce; c'est naturelle-
ment dans leurs boutiques que s'entassent les plus riches tissus. On reconnaît
de loin la boutique juive, à l'empressement affairé du vendeur qui va au devant
du client, le presse, l'enlace, en fait sa chose. Il faut n'être plus novice pour
échapper de ses mains sans être allégé de quelques piastres. Aussi bien la ten-
tation est-elle forte souvent : les soieries de Tunis sont célèbres et elles valent
leur renommée. Il y a beaucoup de soie de Lyon dans le nombre ; cependant
l'industrie indigène produit encore, et ses tissus se reconnaissent à leur éclat.
Ce sont des burnous, des haïks, des blouses de femmes juives aux vives cou-
leurs, aux larges raies d'un très bel effet, des couvertures de laine de Djerba et
du Djerid.
« La broderie d'or et d'argent formant le complément obligé de tout vêtement
oriental, les ateliers de broderies ne sont pas éloignés des magasins où se fait
la vente. Ce sont les hommes qui brodent. Ils manient l'aiguille avec une dex-
térité admirable. Quand ils défont un écheveau de soie dont ils retiennent
l'extrémité avec le gros orteil de leur pied nu, c'est plaisir de voir l'agilité de
leurs doigts et leur jeu insaisissable. De leurs mains sortent ces lourdes et
riches broderies qui revêtent comme d'une cuirasse la veste d'intérieur des
femmes arabes, la traîne d'or qui enrichit leur toque. Le goût n'en est pas tou-
jours parfait ; c'est trop surchargé, c'est épais pour notre délicatesse française.
Il y a là néanmoins un art indigène qui mérite d'être loué.
« Il y a plus d'originalité dans le travail des cuirs et la fabrication des
ouvrages de sellerie ; c'est l'industrie vraimentafricaine ; on la retrouve partout,
172 REVUE DE L'ISLAM

depuis le littoral jusque dans le Soudan, et elle est bien représentée à Tunis.
La visite au souk des cuirs est assurément l'une des plus intéressantes. On y
trouve tous les objets de harnachement, ces sacs en cuirs de différentes couleurs,
avec plusieurs poches, qui font partie intégrante du mobilier arabe.
« L'activité s'éveille assez tard dans les souks ; avant sept heures et demie ou
huit heures, on trouve portes closes. Les industries qui, de près ou de loin,
tiennent à l'art affirment leur aristocratie en retardant; les enchères où se
vendent les métaux précieux et les pierres fines ne s'ouvrent pas avant dix
heures. On n'a rien vu des souks si on n'y est pas revenu plus d'une fois vers
le milieu du jour, de midi à trois heures. C'est alors, dans ces étroits couloirs,
un entassement et une cohue inimaginables. On est vraiment payé de sa fatigue
par le régal d'un spectacle sans pareil. Le pavé disparaît sous la multitude des
pas ; l'éclat, la variété des costumes étonne el charme le regard. Maures, Juifs,
Arabes du désert, Nègres à la peau luisante, à la jambe sèche et nue, Négresses
flétries et ridées, femmes arabes empaquetées sous leurs voiles, Juives en
maillot; tout se donne rendez-vous sous ces voûtes.
« L'activité commerciale allumée par les Beni-Lraël donne à celle population
un mouvement, un air de fièvre qu'on ne lui connaît pas. On se presse, on se
presse, on se coudoie, on se bouscule; les courtiers juifs enlèvent au passage
l'acheteur européen qui se présente ; la foule curieuse le suit. On fait cercle
autour de lui ; les marchands rivaux font bonne garde.
« N'oublions pas, pour laisser au tableau tout son caractère, que même à
cette heure d'encombrement, hôtes, chariots et portefaix ont toujours droit de
passage. On se figure le remous que produit dans ce flot humain l'arrivée d'un
cavalier. Recouvert de son large chapeau de paille rehaussé de garnitures en
cuir, orné de pompons, de ce chapeau qui n'a pas moins de un mètre dix d'en-
vergure, l'homme campé sur ses larges étriers, le fusil jeté en travers de la
selle, domine la foule d'un air superbe. Le cheval choisit ses pas, lentement,
l'oeil étonné. Le courant humain se divise, frôle les flancs de la bêle et se reforme
derrière sa croupe. On y met plus d'empressement quand un Maure passe sur
sa mule qui va l'amble. On ne saurait rien voir de plus gracieux que la mule
tunisienne : c'est la fleur du règne animal dans celte contrée. Mais elle se sait
belle, elle a ses caprices, il faut se ranger à son approche. Le petit âne passe
inaperçu ; on se sent un peu poussé par un être minuscule ; c'est un bourricot
qui s'ouvre un passage; un grand nègre le suit et cogne sans pitié.
« Le spectacle de celle activité variée, multicolore, bruyante, est chose tout à
fait nouvelle pour l'Européen ; il doit en rassasier ses yeux ; car sans doute,
nulle part ailleurs, il ne retrouvera rien de semblable, et ce flot humain s'écoule
rapidement.
« Vers quatre heures, tout reprend l'aspect calme et languissant de la mati-
née. 11faut bien entendre que cette cohue ne se produit pas dans tous les souks;
la population de Tunis n'y suffirait pas. Les souks de la soierie et de l'or sont
surtout fréquentés; le mouvement est moins intense dans les autres. 11 en est
môme qui ne perdent jamais leur physionomie de ruelle écartée de village. »
REVUE DE L'ISLAM 173

Nous allons maintenant sortir de Tunis pour jeter un coup d'oeil rapide sur
la campagne environnante, qui est pittoresque et riche. Toutes les plages du
golfe de Tunis, un des plus beaux du monde, sont couvertes de villas et de
stations d'été.
Voici d'abord la Goulette, l'ancien port de Tunis, bien délaissé, aujourd'hui
que l'on peut atterrir facilement à la capitale. La Goulette est à l'entrée du
chenal qui relie Tunis àlahaute-mer ; nous en avons parlé précédemment déjà.
Plus loin, on voit une magnifique cathédrale qui domine et se dresse sur une
colline aride, comblée de ruines avec deux petits lacs à ses pieds. C'est S. Louis
de Carthage (où repose le cardinal Lavigerie).
A côté se trouve la coquette petite ville de la Marsa, séjour d'été du Primat et
du Résident et où s'élève le Palais du bey de Tunis.
Citons encore Rhadès et Hammam-Lif avec leurs maisons aux tuiles rouges
entourées de massifs de verdure.
A l'ouest de Tunis, sur la route de l'Algérie, on rencontre le Bardo où le Bey
vient régulièrement rendre la justice à ses sujets, c'est là qu'il prononce les sen-
tences capitales ; devant le palais se dresse la potence où l'on pend encore les
indigènes condamnés à mort.
Plus loin encore, on voit une plaine agricole, l'Ariana, où la propriété est très
morcelée, très divisée entre les Français et les indigènes.
Au sud de Tunis, au pied du Djebel Zaghouan, dans une région montagneuse
à rameaux parallèles séparés par des vallées assez profondes, c'est Zaghouan.
Les dons naturels sont riches sur cette terre, jaune et d'aspect aride.
Des sources bienfaisantes y jaillissent, des mines de calamine sont exploitées
par une Compagnie Lyonnaise ; elles produisent de beaux revenus.
Les Lyonnais, qui semblent s'être donné à coeur de rendre riche et prospère la
Tunisie, possèdent encore dans cette région un établissement unique dans la
Régence, d'un intérêt de tout premier ordre, selon M. Iluédel.
La culture est particulièrement prospère dans la plaine de Mornag. La char-
rue à vapeur a défoncé le sol et permis aux Français d'y établir leurs quartiers.
Les propriétés y sont extrêmement rapprochées.
Deux agglomérations méritent surtout d'être citées, celles de Crétoville et de
Potinville. La première doit son développement à l'exploitation créée, il y a
une quinzaine d'années, par un lieutenant de chasseurs, M. Maurice Crété. Le
vin est le principal produit de ces établissements.
Le domaine de Potinville a été fondé en 1884 par M. Paul Potin, directeur de
la grande épicerie parisienne. Il se compose de 2,200 hectares dont 500 plantés
de vignes. C'est le plus grand vignoble tunisien.
(A suivre.) LUCIENHEUDEBERT.
174 REVUE DE L'ISLAM

CONVENTION INTERNATIONALE

SUR LA SURVEILLANCE SANITAIRE DU GOLFE PERSIQUE


(Suito).

Annexe IV.
SURVEILLANCE
ET EXÉCUTION
1° La mise en pratique el la surveillance des mesures concernant les pèleri-
nages, arrêtées par la présente convention sont confiées, dans l'étendue de la
compétence du conseil supérieur de santé de Constantinophle, à un comité pris
dans le sein de ce conseil. Ce comité est composé de trois des représentants de
la Turquie dans ce conseil, et de ceux des puissances qui ont adhéré ou qui
adhéreront aux conventions sanitaires de Venise, de Dresde et de Paris. La pré-
sidence du comité est déférée à l'un de ses membres ottomans. En cas de par-
tage de voix, le président a voix prépondérante.
2° Afin d'assurer les garanties nécessaires au bon fonctionnement des divers
établissements sanitaires énumérés dans la présente convention, il sera créé un
corps de médecins diplômés et compétents, de désinfecteurs, et de mécaniciens
bien exercés et de gardes sanitaires recrutés parmi les personnes ayant fait le
service militaire, comme officiers ou sous-officiérs.
3° EB ce qui concerne les frais résultant du régime établi par la présente
convention, il y a lieu de maintenir l'état actuel au point de vue de la réparti-
tion des frais entre le gouvernement ottoman et le conseil supérieur de santé de
Constantinople, répartition qui a été fixée à la suite d'une entente entre le gou-
vernement ottoman et les puissances représentées dans ce conseil.
4° L'autorité sanitaire du port ottoman de relâche ou d'arrivée qui constate
une contravention en dresse un procès-verbal sur lequel le capitaine peut ins-
crire ses observations. Une copie certifiée conforme de ce procès-verbal est
transmise au port de relâche ou d'arrivée, à l'autorité consulaire du pays dont
le navire porte le pavillon. Cette autorité assure le dépôt de l'amende entre ses
mains. En l'absence d'un consul, l'autorité sanitaire reçoit cette amende en
dépôt. L'amende n'est définitivement acquise au conseil supérieur de santé de
Constantinople, que lorsque la commission consulaire indiquée à l'article sui-
vant aura prononcé sur la validité de l'amende.
Un deuxième exemplaire du procès-verbal certifié conforme devra être adressé
par l'autorité sanitaire qui a constaté le délit au président du conseil de santé
de Constantinople, qui communiquera cette pièce à la commission consulaire.
Une annotation sera inscrite sur la patente par l'autorité sanitaire ou consu-
laire indiquant la contravention relevée et le dépôt de l'amende.
5° Il est créé à Constantinople une commission consulaire pour payer les
déclarations contradictoires de l'agent sanitaire et du capitaine inculpé. Elle
REVUE DE L'ISLAM 175

sera désignée chaque année par le corps consulaire. L'administration sanitaire


pourra être représentée par un agent remplissant les fonctions de ministère
public.
Le consul de la nation intéressée sera toujours convoqué. Il a droit de vote.
6° Le produit des taxes et des amendes sanitaires ne peut, en aucun cas, être
employé à des objets autres que ceux relevant des conseils sanitaires.
Déclaration.
Les gouvernements signataires de la convention sanitaire internationale,
conclue à Paris, le 3 avril 1894, ayant jugé utile d'apporter certains amende*
menls à l'instrument diplomatique de ladite convention, avant l'échange des
ratifications, les soussignés, à ce dûment autorisés, sont convenus des disposi-
tions suivantes :
I. L'alinéa 5 de la section A de l'annexe I de la convention sera rédigé comme
suit :
« 5. Les pèlerins seront tenus, si les circonstances locales le permettent, de
justifier des moyens strictement nécessaires pour accomplir le pèlerinage à l'aller
et au retour et pour le séjour dans les lieux saints. »
II. L'article 13 du règlement inséré à la section B de la même annexe sera
remplacé par l'article suivant :
« Article 13, le navire doit pouvoir loger les pèlerins dans l'entrepont. »
« En dehors de l'équipage, il doit fournir à à chaque individu, quel que soit -i
son âge, une surface d'au moins 150 décimètres carrés, avec une hauteur d'en-
trepont d'au moins un mètre quatre-vingts centimètres. Pour les navires qui
font le cabotage, chaque pèlerin doit disposer d'un espace d'au moins deux
mètres de largeur dans le long des plats-bords du navire. »
III. Les Gouvernements signataires consentent à ce que les ratifications du
gouvernement de Sa Majesté Britannique ne contiennent pas l'annexe III de la
convention. Les dispositions de cette annexe ne seront pas appliquées en consé-
quence aux navires de guerre ou de commerce de la Grande-Bretagne et d'Ir-
lande et de l'Inde anglaise.
IV. La présente déclaration qui restera annexée à la convention sanitaire
internationale de Paris le 3 avril 1894, sera insérée dans les ratifications des
hautes parties contractantes et est substituée aux réserves inscrites dans le
procès-verbal de signature de la convention en date du 3 avril 1894.
En foi de quoi, les soussignés, dûment autorisés à cet effet, ont dressera pré-
sente déclaration et l'ont revêtue de leurs cachets.
Fait en treize exemplaires, à Paris, le 30 octobre 1897.
[Suivent les signatures.)
176 REVUE DE L'ISLAM

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE

Est-il rien de plus délicieux que ces Contes des Mille Nails el Une Nuit dont le
Dr C. Mardrus publie une traduction si pleine do l'âme et de la couleur arabes?
Certes, il s'y trouve des choses que...., des choses qui...., des choses, en un mot,
excessivement asiatiques.
Mais ce sont cette sincérité, ce réalisme.... angéliques, qui font le charme de
ces récits; et puis, les passages trop arabes, s'ils effarouchent notre pudeur bien
française, on peut les passer. Les pages qui restent n'en sont pas moins savou-
reuses, pleines de la lumière et de la douceur de l'Orient.
Je me souviens d'avoir entendu, il y a bien des années, sous le ciel enchanteur
de la mer des Indes, des histoires pareilles, dites par des Arabes tout pareils à ceux
dont les récits du D 1' Mardrus évoquent l'originale ligure; j'en ai entendu de
telles, encore, dans leurs villes blanches où le sable des rues ressemble, sous le
soleil, à de la limaille d'or; et dans les cafés arabes, où l'on est assis à la turque
sur l'incommode estrade, et sur le till ac des bourres, dont les flancs exhalent des
odeurs d'aromates et de poisson séché; ou encore, dans les boutiques fraîches,
étroites et sombres, où chatoient les étoffes précieuses, et reluisent les armes
rares. C'est là qu'il faut voir le vrai Arabe, l'entendre discourir, et vanter sa
marchandise, et raconter de ces histoires à la fois simples et merveilleuses qui
n'en finissent plus. La physionomie bonasse et finaude des conteurs populaires;
le gesie noble des seigneurs; l'air des marchands, importants avec leurs commis,
obséquieux avec les chalands : la ligure bourrue mais paternelle du cadi ; le défilé
interminable des convois de chameaux qui se suivent à la flle, une cloche ou une
amulette au cou ; les criailleries du bazar aux ruelles étroites, aux odeurs bizarres,
où les marchands sont assis jambes croisées sur le devant de leur boutique; elles
regards profonds, les regards noirs, pleins d'interrogations, de regrets ou de
promesses, qui tombent des nioucharabiehs sur le passant; et, le soir, le bruit
mat sur le sable des chaussures molles des femmes s'en allant par groupes en
visite, sous la conduite d'un eunuque rébarbatif.
Il y a de tout cela, dans ces Mille Nuits et Une Nuit; mais il y a autre chose
que de la poésie et de la couleur. Tels passages sont curieux aussi comme des
peintures de la vie sociale arabe : tels conciliabules de marchands nous appren-
nent comment, il y a quelques siècles, ce monde si peu connu commerçait avec le
dehors, et combien forts et organisés étaient les syndicats d'artisans et de négo-
ciants. A ce titre, sans compter les autres, la lecture de ces contes offre un vif
intérêt. On y trouve toute l'organisation sociale d'un peuple, en même temps que
l'on peut y admirer son génie et se délecter en sa littérature.
Le tome VI de, la traduction Mardrus des Mille Nuits et Une Nuit, qui vient
de paraître aux Éditions de la Revue Blanche, est fait d'histoires dont il n'y a pas
trace dans l'adaptation de G-alland, — une seule exceptée, Sindbad le Marin.
Mais, précisément, sur celle-ci, et du fait même qu'elle est familière à tout le
monde, il sera facile de vérifier en quoi consistent l'apport du Dr J.-C. Mardrus et
son génie de traducteur Malheureusement, nuls vers ne sont inclus au récit des
sept voyages du mercantile Sindbad ; mais ils abondent dans les autres contes du
volume : dans YAvenlure du Poète Abou-Nowas, ce frère de notre Villon et de
notre Verlaine, dans l'Histoire de la belle Zoumourroud avec Alischar, fils de
Gloire, voluptueuse merveille, dans la joviale Histoire des six adolescentes aux
couleurs différentes, et dans cette Histoire de la docte Sympathie, qui est tout
ensemble un compendium de la science et de la religion musulmanes et un re-
cueil de jeux de mots d'une saveur non pareille.
*
Vient de paraître à la Librairie d'Education Nationale, 11, rue Souûlot :
1. —LAVIE NAVALE,Notions générales élémentaires, de navigation théorique el
pratique (Pêche et Marine m'arcliandé), par Gaston Dujarric, capitaine au long
cours; préface de Al. Edmond Perrier, membre de l'Institut, membre du Comité
Consultatif des Pèches maritimes. 1 vol. in-8" raisin de 370 pages, plus de 400
figures (relié 2 fr. 40).
Cet ouvrage pourrait au besoin servir de mémento aux navigateurs ; mais étant
surtout destiné à répandre et à vulgariser les principales connaissances relatives à
l'art nautique et à la vie maritime, il est conçu et rédigé de manière à pouvoir
intéresser les lecteurs même les plus étrangers à la marine.
No61. Décembre 1900.

L'EXPLORATEUR DE BÉHAGLE

La presse quotidienne a publié récemment plusieurs informations desquelles


il résulterait que noire collaborateur et ami De Béhagle serait bien mort, pendu
par ordre de Rabah. A Dikoa, ou à la prise de la smala de Fadellali, on a
retrouvé son carnet de route qui est actuellement entre les mains de M. Gentil,
commissaire du gouvernement au Chari.
Ce document jette un jour tout particulier sur une série de faits qui avaient
été odieusement travestis. La conduite de de Béhagle a été du commencement
à la fin celle d'un bon et brave Français, et là-dessus tous les témoignages re-
cueillis soit dans l'entourage du puissant chef de bandes, soit auprès des servi-
teurs de notre malheureux compatriote, soit auprès du vizir de l'ancien sultan
du Bornou, sont absolument unanimes.
On a cru pouvoir dire que de Béhagle était la cause de tous les obstacles ren-
contrés par la nouvelle mission du Chari; or, de Béhagle était mort avant l'af-
faire de Niellim. Une réparation est bien due à la mémoire de ce vaillant et
malheureux explorateur, que certaines haines implacables semblent avoir pour-
suivi jusqu'au pied de l'arbre où son corps allait se balancer.
Que fera-l-on pour honorer sa mémoire?
A cette question posée par un de nos confrères, nous pourrions répondre :
On ne fera rien. Le dévouement avec lequel de Béhagle s'est jeté dans les
funestes aventures où il a peut-être trouvé la mort, était trop peu bruyant, trop
désintéressé, pour que l'on tînt beaucoup à le voir réussir.
Au surplus, de Béhagle était un civil : il n'avait pas l'oreille de l'Administra-
tion ; il avait même écrit dans les j -uniaux et (malheureusement pour lui) pas
d.ins ces journaux avec lesquels compte le pouvoir. Et puis, il avait des théo-
ries bizarres, subversives; il voulait étendre l'influence française par des moyens
pacifiques : par le commerce, par la persuasion, par les bons procédés, c'est-à-
dire sans brûler les villages, sans fusiller les nègres, sans mettre les pays à feu
et à sang : en un mot « civilement ».
11a essayé de réaliser son programme sans le secours de l'État — car, pour
ce que l'Etat lui a accordé I
Est-ce que tout cela le regardait? De quoi se môlait-il?
Aussi, la nouvelle vraie ou fausse de sa mort n'a-l-elle pas autrement affecté
les esprits : il y eut à ce propos quelques lignes çà et là dans la presse, sur le
moment. Lorsque les nouvelles de la mission Foureau-Lamy sont parvenues
en France, on y a trouvé des détails sur tout son personnel : on a aussi beau-
coup parlé à cetle occasion de tous les membres de la mission Gentil.
Certes, c'était bien justice. Mais de de Béhagle, pas un mol; pourquoi parler
de lui; c'était un civil, un isolé : une manière de mercanli. Ces gens-là, ça ne
compte pas.
12
178 REVUE DE L'ISLAM

Je me trompe, pourtant. J'ai lu je ne sais où un article où tous les malheurs


delà France en Afrique étaient imputés, à de Béhagle. 11 était notamment la
cause du massacre de la mission Gentil : ou ne lui reprochait pas tous les autres
massacres passés ou futurs de Français en Afrique, mais il s'en fallait de peu.
D'après cet article, l'arrivée de Béhagle au camp de Rabah aurait donné
l'éveil à ce chef, qui dès lors se serait tenu sur tes gardes, et aurait pu ainsi
écraser tout à sou aise la mission Genld. Par conséquent, si de Béhagle ne fût
pas allé chez Rabah, la mission aurait pu poursuivre sa route sans encombre
puis, un beau matin, tomber sur le camp de Rabah qui ne se doutait de rien
et l'exterminer avec toutes ses bandes. Or, c'est précisément le contrair-j de celle
hypothèse qui est logique. Rabah savait beaucoup mieux que qui que ce soit ce
qui se passait dans l'Afrique Centrale, el surtout ce qui se passait de menaçant
pour lui. Par conséquent, ce n'est pas parce que de Béhagle vint à son camp
qu'il massacra la mission Gentil. Mais c'est parce qu'il apprit que cette mission
se dirigeait vers ses états qu'il maltraita de Béhagle, lequel, s'étanl donné en
pénétrant chez lui comme un marchand, ne pomail plus être aux yeux du
sultan qu'un éclaireur de cette mission militaire dont ses noirs lui annonçaient
l'approche.
Quant aux insinuations que continrent d'autres articles, rien ne les justifie.
Il y a eu en Afrique des explorateurs plus brillants que de Béhagle, et surtout
de mieux soutenus : il y en a eu de plus heureux; il n'y en a eu aucun de plus
sincèrement patriote que lui: il n'y en a eu aucun de plus méritant; car son
désintéressement était complet : en cas de succès il n'attendait rien de l'État, et
n'en pouvait rien attendre; et il savait bien que commercialement son entre-
prise n'était pas de celles qui enrichissent un homme pour toujours, du premier
coup.
Bien mieux, si de Béhagle eût réussi à réaliser son projet, projet ulopique si
l'on veut, il savait très bien que sa réussite ne pouvait que lui nuire, en ce qu'elle
eût démontré publiquement l'inutilité, dans neuf cas sur dix, des missions
expéditionnaires armées jusqu'aux dents, dont les deux résultats les plus immé-
diats sont de vider les poches des contribuables de la Métropole, et d'apprendre
aux noirs que les blancs sont à l'occasion encore plus barbares, encore plus
féroces, encore plus pillards qu'eux.
Ainsi donc on ne fera rien pour « honorer la mémoire » de de Béhagle.
Si l'on devait « honorer la mémoire » de tous les mercanlisqui se font pendre
en Afrique, môme quand ils n'ont vu, en s'exposantà la mort, que l'intérêt supé-
rieur de leur pays, on aurait fort à faire. Et puis chez nous, on n'honore que
le dévouement patenté, commissionné, administratif ou militaire.
D'ailleurs il se pourrait bien que l'on n'eût pas à agiter pour de Béhagle la
question des honneurs posthumes. Il se peut que l'on ail été mal renseigné :
notre explorateur n'est peut-être pas mort.
Un ami deM. de Béhagle, qui était en môme temps son correspondant officiel,
M. Victor Flachon, n'accepte pas l'affirmation absolue de ce décès.
« L'opinion émise sur la mort de M. de Béhagle, est, dil-il dans la Politique
REVUE DE L'ISLAM 179

Coloniale une opinion purement personnelle. En réalité, on ne sait rien de précis


au sujet de l'explorateur el il n'existe aucune preuve de son assassinat. J'ai vu
M. Bonnel de Mézières qui, comme vous le savez, s'est avancé fort loin dans
l'intérieur, et M. Mercuri, second de de Béhagle, qui revient de chez Snoussi.
Eh bien, tous deux m'ont formellement déclaré qu'aucune donnée sérieuse n'éta-
blissait la mort de l'explorateur. Le fait d'avoir trouvé un carnet de route ne
constitue pas une preuve de décès. De Béhagle avait usé plusieurs carnets de
roule depuis son départ, datant de 1897. 11a pu en égarer un.
« Mon courageux ami avait des appareils scientifiques, de nombreux docu-
ments, un journal qu'il écrivait au jour le jour et dont il m'envoyait les feuillets.
Que sont devenus ces objets? Quant au journal relatant la route parcourue jus-
qu'à Gribingui, je le possède et le publierai en temps utile.
« On aurait retrouvé un simple carnet de roule, c'est-à-dire un cahier d'éco-
lier de cinquante feuillets, qu'il avait l'habitude d'employer. Et c'est parce qu'on
a trouvé ce simple carnet que l'on vient déclarer sa mort certaine. Quant à moi,
j'attendrai des documents plus certains avant d'annoncer la mort de mon ami.
Je préfère m'en rapporter au témoignage du Tripolilain qui a déclaré à M. Mercuri
avoir vu de liéliagle vivant à Dikoa.
« Tant que je n'aurai pas entre les mains une preuve irréfutable, j'espérerai,
car je connaissais tous les projets de de Béhagle et rien ne me dit qu'il ne
remonte pas en ce moment vers la Méditerranée, comme il se l'était promis et
juré. »

Nous ajoutons que nous partageons pleinement l'avis de M. Flachon : car


c'est surtout lorsqu'il s'agit de choses d'Afrique que l'on peut, que l'on doit
espérer contre toute espérance.
180 REVUE DE L'ISLAM

LE NOUVEAU GOUVERNEUR DE L'ALGERIE

Une fois de plus l'Algérie a changé de gouverneur. Il faut espérer que


M.Jonnart qui vient de prendre, avec d'excellentes intentions au service d'une
grande compétence, ce poste épineux et difficile, sera plus heureux que ses
prédécesseurs : Laferrière, Lépine, Cambon, dont on sait combien le bon
vouloir a élé méconnu et mal récompensé.
M. Jonnart, qui est député du Pas-de-Calais, conserve son siège à la Chambre,
n'étant que « chargé à titre de mission temporaire », des fonctions de gouver-
neur général. Ainsi en à-t-ii été antérieurement de M. Albert Grévy en Algérie,
et de M. Paul Bert en Indo-Chine (1). M. Jonnart, outre son passage au minis-
tère des travaux publics, dans le cabinet Casimir-Perier, a été, avant d'entrer
dans la vie politique, chef de cabinet de M. Tirman, gouverneur général de
l'Algérie, puis directeur des affaires algériennes au ministère de l'intérieur.
Rapporteur en 1893 du budget de l'Algérie, il a fait l'oeuvre la plus remar-
quable qu'où ait vue sur l'avenir économique el. inoral de noire grande colonie.
L'Algérie attend de M. Jonnart une administration énergique et féconde qu'il
saura certainement lui donner. Le problème Algérien est complexe. Au point de
vue économique, il y a sans doute beaucoup à faire :
« L'administration qu'on nous inflige depuis si longtemps, disait récemment
dans la Politique Coloniale un colon algérien, M. Jules Saurin, ne semble pas
avoir jamais eu d'intentions précises. La France hésite encore sur la valeur el
sur le rôle véritable de celle colonie, dont ie développement croissant n'a été ni
envisagé ni môme soupçonné. Aujourd'hui, l'évidence s'impose : l'Algérie prend
une place de plus en plus considérable dans nos préoccupations d'avenir, et
tous les jours s'accroît son influence sur les destinées économiques de la France
inquiète. »
Il importe donc que le nouveau gouverneur s'attache de toulcs ses forces,
avec toute sa volonté, à la mise en valeur réelle, effective, de l'Algérie. Mais il
faut pour cela que les partis le lui permettent : il ne faut pas que les petits in-
térêts, les basses querelles, fassent continuellement oublier aux algériens les
intérêts de l'Algérie autant que ceux de la métropole : du pays tout entier.
L'examen de l'étal économique de l'Algérie et des réformes qu'il rend néces-
saires ne rentre pas dans le cadre de celle revue. Mais ce que l'on peut dire ici
c'est que le premier, le plus important facteur de la prospérité de ce pays est la
pacification des esprits de ses habitants.

(I) M. Laforricreest nomméprocureurgénéralprèsla courdocassation.En mémotemps,11ostélové


à la digniWdoGrand-Croix do la Légiond'honnour: « Servicesexceptionnels
dansses fonctions»,dit
le décroldu-Voctobre.C'estqu'onellut,danslos tempstroubles([uonousvenonsdo travorsor,M.La-
forrièroa joué très habilementun rôlemodéralouv.
REVUE DE L'ISLAM 181

Il semble d ailleurs que, sauf quelques exceptions, aussi rares que bruyantes,
tout le monde,.de l'autre côté de la Méditerranée comprenne enfin la nécessité
d'en finir avec les stériles agitations et les criminelles querelles dont l'Algérie
est depuis quelques années fréquemment, trop fréquemment, le théâtre.
Un fait significatif, c'est que M. Jonnart a été reçu, en débarquant en Algérie,
avec un calme, une courtoisie parfaits :-cela est de bonne augure; il semblait
que l'on sût déjà gré au gouverneur des déclarations bienveillantes, mais
fermes, presque paternelles, qu'il avait faites, quelques jours auparavant, à un
banquet que lui offrait l'Association des Etudes algériennes :
«. C'e*t une misfion d'ordre, de civilisation et dejustice que j'entends remplir
dans la plénitude de mon indépendance, complètement dégagé des coteries
locales, marchant divil devant moi, av<-c la claire vision d'une Algérie apaisée
el réconciliée, el d'une France toujours plus l'orle, plus humaine, plus aimée.
« L'ordre doit être maintenu partout, sans rigueurs inutiles, mais sans
défaillance.
« Je consacrerai tous mes efforts à la solution du problème que soulève le
développement économique du pays. »
Et M. Jonnart, après avoir passé en revue les travaux de ses prédécesseurs,
avait terminé en disant qu'il espérait que les projets conférant à l'Al-
gérie sa personnalité civile et la dotant d'un budget spécial, aboutiraient bien-
tôt.
Quel appui M. Jonnart trouvera-t-il auprès de la population? Les bons fran-
çais qui en font partie comprendront-ils enfin que l'heure de la paix a sonné,
et qu'il n'y aura de sécurité, de prospérité, que lorsque les agitateurs ne trou-
veront plus de dupes pour les écouter? A qui ont profité les derniers troubles,
et ceux qui ont précédé ceux-là? A quoi l'émeute, le pillage, les massacres, la
brutalité sous toutes ses manifestations peuvent-ils mener l'Algérie et ses
habitants?
Un des représentants les plus autorisés de la colonie, le sénateur Gérente,
a voulu exprimer les sentiments dont la meilleure partie de la colonie reste
animée; et en saluant le gouverneur à son arrivée, il lui a parlé en ces
termes :
«En France nous avons soutenu et nous soutiendrons le gouvernement
actuel que vous venez représenter ici, parce que nous trouvons en lui un gou-
vernement de défense et d'action républicaines, qui veut réaliser plus de justice
chez nous, et, par diverses réformes, introduire plus de fraternité, plus d'hu-
manité ici. En Algérie, nous sommes quelques-uns qui avons lutté et qui
lutterons toujours pour Injustice, la réclamant hier contre les puissants du
jour, la réclamant .aujourd'hui ponr les petits qu'une réaction égarée menace.
Certes, nous en voulons aux abus. Mais les localiser dans une secle, une reli-
gion, une race, est une perfidie de quelques habiles ou un acte de haine stupide
de quelques fanatiques. »
Au grand-rabbin qui l'assurait du profond attachement de ses coreligionnaires
18-2 REVUE DE L'ISLAM

à la République et aux institutions républicaines et qui lui rappelait les durs


instants que les israélites viennent de passer, M. Jonnart a dit :
« Je ne saurais mieux faire que vous rappeler les déclarations éloquentes et
autorisées du président du conseil au consistoire israélite de Toulouse. Je re-
garde avec lui comme un legs de la barbarie les guerres de race et de religion.
Le maintien de l'ordre est la garantie primordiale dont je dois assurer le bien-
fait à tous mes administrés. A ce devoir je ne faillirai pas. Je souhaite que les
divers éléments qui constituent la population algérienne se rapprochent et se
fondent. Mon voeu sera exaucé si les nouveaux venus clans la famille française
veulent bien tous se pénétrer des traditions, des moeurs et du génie de notre
race. »
Mais ce qui nous intéresse surtout, dans cette revue, fondée dans le but de
faire connaître et apprécier comme il le mérite le inonde de l'Islam, ce sont les
sentiments que professe à l'égard des représentants du gouvernement, la grande
masse de la population indigène. Or, M. Jonnart peut compter sur le loya-
lisme, sur le bon sens, sur le patriotisme des musulmans d'Algérie :
Quelques jours avant le débarquement du nouveau Gouverneur, ils ont tenu
à déclarer publiquement, par l'organe des plus autorisés d'entre eux, que, si
l'on veut mettre sérieusement leur bon vouloir à profit, la pacification des es-
prits n'aura pas d'artisans plus dévoués que ceux dont on croit aisément, en
France, qu'ils se complaisent dans le trouble et sont les plus zélés fauteurs
d'émeutes.
Le mois dernier, à l'occasion de la rentrée à Alger de M. Lutaud, préfet du
département, M. Mahy Karabaghli, oukil judiciaire, pariant au nom de la
Société musulmane, adressait à ce haut fonctionnaire le discours suivant :
« C'est un grand honneur pour nous d'apporter à votre retour sur celte terre
d'Afrique, le salut ému et respectueux des musulmans de la ville d'Alger.
Nous sommes heureux de celte occasion pour vous dire notre inaltérable
reconnaissance pour les sentiments de justice et d'équité que vous nous avez
témoignés. Tous, à quelque condition que nous appartenions, nous vous adres-
sons nos souhaits de santé, de prospérité et de grandeur. Ce sont là des voeux
très sincères, émanant de coeurs qui vous aiment, car nous savons pouvoir
compter sur votre loyauté et sur votre esprit de justice.
Et nous, Monsieur le Préfet, étrangers aux luttes stériles de la politique, pro-
fondément attachés à notre pairie d'adoption qui nous a donné tant de gages de
son amour, nous n'avons qu'un désir, celui de voir l'apaisement se faire dans
les esprits et la concorde régner. Nous n'avons qu'un but, celui d'unir notre
bonne volonté, notre dévouement et notre courage à ceux de tous sans excep-
tion de croyances; permettez-moi d'insister sur ce mot, pour la prospérité et la
grandeur de celle Algérie que nous aimons tous avec une égale ferveur. Celle
oeuvre, vous la mènerez à bonne fin, vous la parachèverez bientôt pour votre
bon renom et aussi pour la prospérité de cetle merveilleuse colonie qui plus que
jamais a le droit de se dire le prolongement de la mère-patrie.
Vive la République Française! »
REVUE DE L'ISLAM 183

On le voit : une bonne volonlé générale semble vouloir faire place dans les
esprits, dans les consciences, aux idées funestes qui ont trop souvent mis aux
prises les différents éléments de la population d'Alger. Tout porte à le croire :
les tendances sont à la paix, à la concorde, au travail. Puisse M. Jonnart con-
server longtemps, pour le bien de tous, l'autorité réelle, l'ascendant que lui
donnent la sympathie qu'il a rencontrée dès son arrivée, et les bonnes dispo-
sitions de ses nouveaux administrés. 11a d'ailleurs donné dès son arrivée, à la
cause que nous défendons, un témoignage de bienveillance dont nous le remer-
cions, en s'occupant avec sollicitude des arabes internés en Corse. G. D.

REVUE GÉNÉRALE

Juillet- Aont-Septembre.

Algérie. — Une série de coups de mains ont été tentés le lonj; de la frontière
algérienne par les tribus marocaines contre les postes, el contre les colonnes qui
les relient.
Dans les premiers jours de juillet, cinq légionnaires qui s'étaient écartés du
camp de Zoubia, ont été pris par des cavaliers de Figuig et décapités après
d'horribles tortures. Un autre, renfermé à Figuig, a pu heureusement s'échapper .
et raconter son odyssée.
Le lieutenant Lau, accompagné de son ordonnance, effectuait une reconnais-
sance dans les environs du camp d'Igli, quand ils furent surpris par des indi-
gènes et massacrés. On retrouva leurs corps hachés de coups de sabre.
Le 30 juillet, un convoi était allaquô à Moungar, par environ 400 Marocains
delà tribu Doui Mcnia. L'attaque échoua et les Doui Menia disparurent el pu-
rent échapper à la poursuite, non sans avoir laissé de nombreux cadavres sur
le terrain.
Des renforts comprenant une compagnie de tirailleurs et un peloton de spahis
ont été immédiatement envoyés de Djenan-ed-Dar.
Le l 01'août, le capitaine Boule, revenant de Timimoun avec ses bagages per-
sonnels, sous une faible escorte, fui brusquement attaqué par une bande de pil-
lards. Tous les hommes et les hôtes de charge furent capturés. Le capitaine ne
dut son salut qu'à la vitesse de son cheval et ne put que très difficilement rega-
gner le poste d'El-Abiod.
Quelques jours plus tard, des Marocains tentèrent de s'emparer des chameaux
servant aux convois du camp d'Igli. Ils furent heureusement repoussés, lais-
lant 30 des leurs sur le terrain. Nous avons eu 2 blessés. Le 1er septembre, le
poste d'Hadjerak, dans le Sud-Orànais, était attaqué par -10 individus armés qui
furent mis en fuite.
Du côté du Toual, les parties des oasis qui n'avaient pas été comprises dans
184 REVUE DE L'ISLAM

la zone d'action des colonnes expéditionnaires faisaient successivement leur


soumission aux représentants de l'autorité française. Le général Servière, ac-
compagné d'un simple goum, a occupé Adrar, ville principale du Timmi, entre
le Tidikelt et le Gourara.
Le capitaine Falconetli, commandant l'annexe de Timimoun, accompagné du
capitaine Pein, a dû, dans les dernkrs jours d'août, engager plusieurs combats
avec des Berabers nombreux et bien armés, dans la région de Deldoul. Nos
pertes ont été sérieuses : 26 tués ou blessés, dont 2 officiers tués et 2 blessés.
Tunisie.— Une ordonnance du ministre des affaires étrangères nusfro-hon-
grois supprime l'exercice de la juridiction consulaire en Tunisie.
Maroc. — Le chef de la succursale d'une maison de commerce française de
Fez, M. Marcos Essagin, sujet américain, a été assassiné à Tanger le 2 juillet.
Etant à cheval, il rencontra dans une rue étroite un chef religieux dont il heurta
la mule. Une altercation s'éleva et la foule prit, parti contre M. Marcos. Assailli
parla populace, son corps fut brûlé, selon les uns, alors qu'il vivait eucore ;
après sa mort, suivant une autre version.
Le consul de France immédiatement prévenu, fit connaître le crime au consul
général des États-Unis.
Tous deux se sont rendus auprès de Sidi Torrès, ministre des affaires étran-
gères du sultan à Tanger, pour prolester.
; Le 20 août un navire de guerre américain est arrivé en rade de Tanger pour
appuyer la réclamation formulée par le consul américain.
Au commencement d'août un combat s'est produit entre deux tribus de l'est
marocain. Les Djad avaient entrepris de venger un de leurs chefs assassiné par
les Mehayas.
Un clvériff, en. oyé extraordinaire du Sultan, a rétabli le calme. Cet ambassa-
deur aurait eu, paraît-il, tout d'abord la mission d'exterminer les Djad ; mais
en roule un courrier lui avait apporté l'ordre de chercher à faire l'union de
toutes les tribus contre les Roumis.
Une lettre de Marakech annonce que le sultan du Maroc a nommé dix délé-
gués de Marakech, de Rabat et de Fez pour aller discuter à Tanger la question
des douanes avec la légation de France.
Soudan occidental. — Par une dépêche de Saint-Louis du 4 juillet, M. Chau-
.dié, gouverneur de l'Afrique occidentale, envoyait la nouvelle que M. Blanchet
qui conduisait une mission à travers l'Adrar, ainsi que l'interprète Bou-el-Mo-
groad, avaient été séparés Iraîlreuscmenl de leur escorte le 8 juin, el emmenés
à Alar par Moklar Ouled-Aïda.
Des estafettes étaient immédiatement envoyées et l'aviso Ardent arrivait à
- Arguin pour faire une manifestation de nature à impressionner les Maures.
.Le li) août, les émissaires revenaient de l'Adrar, rapportant des leLlrcs du
cheick Saad-Bou, qui en toutes ces circonstances s'est montré un fidèle allié de
la France, cl de Moklar Ouled-Aïda, déclarant l'un el l'autre que tous les mem-
bres de la mission Blanchet sont vivants et en pleine santé et qu'ils rentreraient
prochainement, malgré la présence d'agents marocains, venus exprès pour ré-
REVUE DE L'ISLAM 183

clamer de l'émir la livraison de la mission à l'empereur du Maroc. M. Blanchet


est parti le 23 août d'Atar pour Saint-Louis.
Un arrêté de M.. Chaudié, crée en Afrique occidentale un troisième territoire
militaire, dont le chef-lieu est établi à Zinder. Ce territoire s'étend sur les ré-
gions de la rive gauche du Niger, de Say au lac Tchad.
Le lieutenant Pallier, qui faisait partie de la mission Voulet-Chanoine, et qui
en avait commandé une partie au retour, est mort de la fièvre jaune à Saint-
Louis pendant l'enquête ouverte sur cette affaire.
Une révolte a éclaté dans le pays des Achantis. Pris au dépourvu, les Anglais
onl été longtemps assiégés dans Coumassie et ont subi d'assez graves défaites
avec de fortes pertes. Le calme semble renaître un peu, les insurgés faisant leur
soumission, et on s'attend à une forte répression.
La.mission Foureau-Lamy, la mission de l'Afrique centrale (ex-mission Vou-
let-Chanoine) sous le commandement des lieutenants Joalland et Meynier, la
mission du Chari, sous le commandement de M. Gentil, commissaire du gou-
vernement dans le Chari, effectuèrent leur jonction le 21 avril, en face deKous-
séri. Une colonne forte de 700 soldats armés de fusils, 300 chevaux, 1,500 auxi-
liaires et 4 canons, fut immédiatement formée, pour opérer contre Rabah, qui
avait concentré 5,000 hommes au nord-ouest de Kousséri.
Après un violent combat, Rabah grièvement blessé, dut s'enfuir, mais il fut
rejoint par un tirailleur qui lui trancha la tôle et la rapporta au camp. Malheu-
reusement ce grand succès coûtait la vie au commandant Lamy, au capitaine
de Cointel et à dix-huit hommes. _
Les étendards enlevés lors du massacre du détachement Bretorinet étaient
repris, de nombreuses tribus apportaient leur soumission ; cependant l'armée
de Rabah se groupait autour de Tndifallah et de Niébé, ses fils, à Dikoa.
Le capitaine Reibell occupait cette ville le l 01'mai, et se lançait à la poursuite
de l'ennemi. Il rejoignait, le 2 mai, le corps de Fadullah, dont la smala était
enlevée après un violent combat.
Le 7 mai nouvelle attaque des restes de l'armée de Rabah. Niébé était tué et
Fadellah réduit à l'impuissance.
La colonne expéditionnaire a été disloquée le 23 mai.
La capitaine Reibell ramène à Brazaville la mission Foureau-Lamy.
M. Foureau qui avait laissé sa mission aux mains du commandant Lamy
quelques jours avant la défaite de Rabah, a descendu le Chari, puis l'Oubanghi
pour rentrer en France où il est arrivé le 2 septembre.
La mission de l'Afrique centrale sous le commandement du lieutenant Joal-
land effectue son retour par Zinder.
L'explorateur Bonnel de Mézières parti en mai 1898, chargé d'une mission
scientifique el commerciale dans le Haut-Oubanghi, le M'Bomon el le Bahr-el
Ghazal, est rentré en Europe le 23 août.
M. Bonnel de Mézières s'est rencontré à Bangui avec l'explorateur Foureau qui
l'a informé que, d'après des renseignements recueillis par lui à Bomou, Kanem
186 REVUE DE L'ISLAM

et Baghirmi, M. de Béhagle aurait élé pendu à Dikoa par ordre de Rabah


vers le mois de juillet 1899. Mais de nombreuses versions circulent à ce sujet et
rien n'est encore certain.
Egypte. — Le Khédive a fait un.long voyage en Europe. 11 est allé tout d'a-
bord à Londres. Après une cure àDivonnc (France), il a visité Paris incognito,
puis il est parti pour Vienne.
Crète. — Un cuirassé russe a conduit le 25 septembre le Prince à Athènes. Ce
voyage donne lieu à de nombreux commentaires.
Suivant une opinion ce voyage avait pour but de déclarer que le prince
Georges n'est pas décidé à accepter le renouvellement de son mandat triennal
en Crète et de soutenir auprès des puissances la nécessité absolue de laisser les
Cretois maîtres de décider librement de leur sort définitif.
Dans certains milieux diplomatiques de Vienne on assure que les Cretois ont
prié l'Italie d'intervenir auprès des autres puissances pour que les autorités
élisent, par un plébicisle, le prince Georges comme prince régnant de Crète.
Turquie. —Le comité cenIrai libéral a adressé au sultan un manifeste exigeant
l'établissement d'un conseil de l'Empire tenant lieu de parlement.
Le manifeste expose les raisons « d'animadversion de la grande masse du
peuple contre le souverain et son entourage de valets, ainsi que contre le gou-
vernement imposé par une bande corrompue, qui du premier secrétaire au grand
vizir rejette loule la responsabilité sur le Sullan. »
De nombreuses arrestations ont sans cesse lieu par les soins de la police
secrète. Parmi les personnes arrêtées se trouvent un petit nombre d'ulemas el
d'officiers, mais la plupart sont des Arméniens, desquels les prisons regorgent.
On a arrêté un grand nombre de citoyens hellènes sous prétexte quo ceux-ci
avaient fait la quête pour la société Ellmiké Helairia d'Athènes qui clans la der-
nière guerre helléno-turque avait joué un certain rôle.
Le chargé d'affaires de Grèce a protesté contre celle mesure.
Damad-Mahmoud-Pacha, beau-frère du sullan el ses fils, les princes Sehahed-
dine et Loutfoulah, après avoir séjourné à Londres jusqu'au 5 juillet, sont ren-
trés ii Genève : il n'a pu, dit-on, se mettre d'accord avec le comité des Jeunes
Turcs dont le siège se trouve à Londres.
De Genève il est parti le 7 août pour l'Egypte pour y continuer ses études sur
le système de gouvernement moderne dont il réclame l'application en Turquie.
Une dépêche de Conslanlinople du 21 septembre annonçait que le bruit cou-
rait de l'arrivée de Mahmoud Pacha à Constantinople et de son internement
dans le palais.
Les affaires de Chine ont eu quelque retentissement en Turquie.
Des Mollas, auraient prêché dans toutes les mosquées que la Providence châtie
les chrétiens, el exalté les hauts faits des musulmans chinois.
D'autre pari le haut clergé musulman de Conslanlinople aurait demandé au
sultan de faire parvenir aux mahométans de Chine l'appel par lequel ils sonl
requis de se conformer aux ordres du Coran et protéger en conséquence les
REVUE DE L'ISLAM 187

chrétiens contre les Chinois idolâtres. Mais les organes du Palais semblent
approuver les Boxers et vont jusqu'à exciter le peuple contre les Européens
vivant en Turquie.
Au commencement de juillet, l'israélile Joseph et le grec Constantin étaient
enlevés par des brigands. Les gendarmes parvenaient à les délivrer près de
Larigovo.
Le 20 juillet, le docteur Camaros, drogman de l'agence consulaire française
à Kirk-Kilissé (vilayet d'Andrinople), était enlevé par des brigands qui deman-
daient une rançon de 4000 livres turques.
Le 25 juillet une rencontre avait lieu près de Seutari entre une bande de vingt
brigands et un détachement de troupe. Après plusieurs heures de fusillade, les
brigands se sont sauvés en abandonnant quatre cents lètcs de moutons qu'ils
avaient enlevées à un paysan.
D'après une nouvelle de Bitlis, les troupes du général commandant la ville,
aidées de Kurdes, auraient massacré les deux cents habitants du village armé-
nien de Spaghank, et pillé trois autres villages, sous le prétexte de rechercher
des agitateurs révolutionnaires.
Le vice-consul anglais de Aran élail attaqué vers le 10 août par des Kurdes, le
drogman était blessé, elles bagages volés.
Le vice-consul de France à Diar-Bekir se rendant à Alexandretle, a été atta-
qué par un Turc qui lui tira un coup de fusil.
A Caïfa (Syrie), des Syriens au nombre de quatre-vingts, ont altaqué les gardes
turcs parce que des Allemands avalent pris légalement possession de terrains..
Les gardes ont dû se retirer, mais les agresseurs-ont élé repoussés par les Alle-
mands accourus contre eux.
Des renforts ont été envoyés sur la réclamation de l'ambassade d'Allemagne.
Le gérant du consulat de Russie à Erzcroum el son secrétaire ont été attaqués
le 26 septembre par des Kurdes, sur le chemin d'Erzeroum à Erzinghian. Malgré
l'escorte des soldais turcs, la résislance a élé impossible. Les agents russes ont
pu s'enfuir en abandonnant tous leurs b:igages
La situation clans les Balkans continue à être très tendue.
Le gouvernement ottoman aurait l'intention de proposer aux Puissances
européennes la réunion d'une conférence qui réglerait définitivement la question
de Macédoine.
Le gouvernement ottoman a autorisé la Russie à faire passer par les détroits
un certain nombre de navires de guerre el, de transports qui se rendaient en
Chine. On considère généralement ce l'ail comme sans importance pour l'avenir.
La question de l'indemnité à accorder aux sujets français à la suite des
affaires arméniennes a été réglée. L'indemnité sera d'environ 50.000 livres
turques.
Les fêles du jubilé du Sullan, qui avaient lieu le 2 septembre, ont élé très
brillantes. La Fiance était représentée par M. Conslans et le général Branche,
l'Allemagne par le général Willieh et le comte de Mollke.
Un traité commercial entre la France et la Turquie a élé signé le 3 septembre.
188 REVUE DE L'ISLAM

Bosnie. — Les Musulmans de Bosnie ont décidé de fonder une banque pour
améliorer la condition des Musulmans au point de vue de la religion et de l'ins-
truction.
On annonce aussi l'apparition prochaine à Budapest d'un nouveau journal
dont le programme sera de défendre les inlérèls musulmans en Bosnie.
Perse. — Après avoir achevé sa cure à Conlrexéville le shah est allé à Saint-
Pétersbourg',pour revenir à Paris le 28 juillet.
De grandes fêtes ont été données en son honneur; mais le 2 août il était
''objet d'un allenlat anarchisle commis par un nommé Saison ; heureusement le
revolver de l'assassin ne partit pas. Le shah reparlait le 11 août pour Ostende.
On a beaucoup commenté sa décision de ne pas aller à Londres : on donne
comme raison le deuil causé à la cour de Londres par la mort du duc de
Cobourg, ou bien l'influence prépondérante de la Russie qui succède à celle de
l'Angleterre en Perse.
D'Oslende il est passé à Bruxelles, puis à séjourné à Marienbad du 31 août au
20 septembre. De là il a rendu visite à l'empereur d'Autriche, à Vienne.
Passant par Budapest et Sofia, il est arrivé le 30 septembre à Constantinople
et a été reçu à Yldiz-Kiosk par le Sullan.
Pendant le voyage du shah en Europe, Ali-Mohamecl-Bcy qui se dit descen-
dant de Kerim-Khan, a réuni une force armée el a tenté de s'emparer du trône
de Perse. Les troupes envoyées contre lui ont pu s'en emparer. Il est prisonnier
à Téhéran, en attendant la sentence du shah.
Le gouvernement russe aurait prêté 25 millions de francs au gouvernement
persan pour lui permettre de fortifier les ports.de lu Perse méridionale.
— L'émir d'Afghanistan, qui est sous l'influence de l'Angleterre,
Afghanistan.
aurait donné l'ordre démobiliser toute l'infanterie et toute l'artillerie de l'armée
afghane. H aurait l'intention de proclamer la guerre sahile contre la Russie.
Inde. — Une vive agitation règne parmi les musulmans de l'Inde. Le gouver-
nement anglo-indien s'est emparé de deux mosquées, à Bombay et à Madras,
pour les transformer en entrepôts. Les protestations des représentants du culte
mahométan n'ayant donné aucun résultat, les musulmans montrent une vive
irritation.

(A suivre.) ANUIIÉRICAUD.
REVUE DE L'ISLAM 189

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE

lu* i isr x> E


L'Inde est une des régions les plus attrayantes du globe. Son passé presque
fabuleux, ses mythes charmants, la diversité des races et des langues, l'immensité
de sa population en font un monde à part, monde étudié avec un égal intérêt par
le penseur et par le philosophe que par l'économiste et le géographe.
Et quand on songe que ce pays aux productions intenses, où s'agie une popu-
lation de plus de 300 millions d'habitants, aussi riche en souvenirs qu'en espé-
rances, qui représente à lui seullo cinquième du genre humain, est une possession
britannique, on est frappé tout à la fois et de la puissance productrice que ce
joyau donne à la « plus grande Bretagne » ot de notre ignorance relative à son
égard.
En effet, il existe bien des ouvrages sur l'Inde, mais la plupart traitent la ques-
tion à des points de vue particuliers, ou ne s'occupent que d'une portion restreinte
de ce vaste Empire) réduit à l'état de vassalité, de ce mastodonte traîné par la
fourmi qui s'appelle Albion.
Aussi, est-ce avec une véritable satisfaction que nous avons parcouru l'ouvrage
que vient de publier M. PAUL FERNIOT(1).
Ce nouveau livre, relatif à la géographie physique et politique de l'Inde, étudie
le pays sous ses divers aspects et, après uno courte description d'ensemble, l'au-
teur a eu l'heureuse idée do nous présenter, pour les détails, les appréciations des
meilleurs voyageurs et auteurs les plus récents. Le choix judicieux de ces extraits-
qui sont parfaitement classés, fait en quelque sorte de son travail comme la
quintessence de ce qui a été le mieux fait sur les diverses régions de l'Hindoustan.
Rehaussé par de nombreuses gravures montrant les principaux sites pittores-
ques et monuments indiens, le livre de M. Paul Ferniot débute par un aspect
général du pays; viennent en suite la description du littoral et des îles, le relief du
sol, les cours d'eau et les climats
La géographie politique est très complète. Après avoir rappelé l'organisation de
l'Inde anglaise, régie par l'acte du 2 août 1858, qui a mis fin à la Compagnie des
Indes, M. Paul Ferniot nous initie aux divisions si compliquées et à la diversité
des régimes appliquées suivant les cas ; les souverains indigènes, auxquels d'ail-
leurs il n'est laissé qu'un pouvoir illusoire, peuvent pourtant, dans certaines pro-
vinces, exercer la justice, ordonner des châtiments, lever des troupes jusqu'à une
certaine limite fixée, battre monnaie et percevoir des impôts. « L'Angleterre leur
laisse le titre d'Altesses royales » et entretient leur asservissement déguisé par
des récompenses ou la menace de la déchéance. Chaque gouvernement, chaque
province, chaque état tributaire, chaque ville un peu notable, même, sont étudiés
à part et toujours les autorités littéraires sont mises à contribution pour les
descriptions particulières, C'est ainsi que nous voyons'notamment, dans ce livre,
figurer les meilleurs extraits des livres de MM. Elisée.Reclus, Dr Gustave Le Bon,

(1) Vlnde,locturesdo géographieet d'histoire,accoinpagnéos d'analysos.do résumés,do noteset


noticesexplicatives,etc; et do nombreusesgravures.1" partio : Géographiephysique et politiquo
(Paris, éditionde la Maisond'Art,23, ruedo Vaugirard — ) volumodo 620 pagos.— Prix : cinq
francs.
190 REVUE DE L'ISLAM

Vivien de Saint Martin, Goblet d'Alviella, E, Cotteau, A. Chcvrillon, comte de


Hubner, L. Rousselet, Mme cle Ujfalvy-Bourdon, etc., etc.
En dehors de son intérêt universel l'Inde a un intérêt tout particulier pour la
Revue de l'Islam, car les musulmans y sont nombreux. C'est le souverain du
Nizam, dont la capitale est Haïderabad, qui est le premier prince rnahornélan de
l'Inde; il a droit à une salve cle 21 coups cle canon.
Nous espérons que l'ouvrage de M. Paul Ferniot aura le suceès qu'il mérite.
C'est le résumé, à la fois le plus condensé et le plus complet que nous connaissions
sur le monde indien ; avec le second volume, qui est sous presse, et qui traitera
surtout cle géographie économique, des races, des religions et cle l'histoire, nous
aurons une véritable monographie de la péninsule des Hindous, que la reine
Victoria tient en suffisante estime pour avoir pris, depuis 18715,le titre « d'Impé-
ratrice des Indes »,
PAULBARRÉ.
*
* *
A la Librairie H. Daragon, 10, rue Notre-Dame-de-Lorelte, lo livre de C. BENE-
DIS'I'TI,Trois ans en A llemagne. (Usages, moeurs, coutumes des Allemands).
L'auteur sait rendre chaque récit intéressant grfice à de nombreux faits personnels
qui lui sont arrivés au cours de ces trois dernières aimées, Ses entrevues célèbres,
ses impressions personnelles sont décrites d'une façon charmante et pleine d'in-
térêt. Ses interviews avec le Fûrst Bismark et avec Guillaume II sont fort instruc-
tives, Bref, ouvrage à lire et surtout à méditer, Il doit figurer dans la bibliothèque
du patriote, du diplomate, du voyageur, du philosophe, de l'économiste. — Prix :
3 fr. 50, franco.
*
Occident, un volume in-18 cavalier : 3 fr. 50, édition de la Revue .Blanche.
C'est là un livre de poèmes qui marque une date dans l'histoire littéraire du
siècle nouveau : Occident, par M 1"0 Lucie Delarue-Mardrus, la jeune femme du
savant et poète auquel nous devons ces prestigieuses Mille Nuits el Une Nuit qui
font les délices du monde lettré.
De même que l'Orient, dans toute sa magnificence, nous est évoqué par l'art
subtil et savant du Docteur, cle même, dans l'oeuvre de M»10 Mardrus, toute l'at-
mosphère de l'Occident, ses paysages, ses ciels, sa mer, ses coins de villes, l'idée
de ses foules, ses espoirs et ses errements, en un mot l'âme même et la vie de
notre civilisation, apparaissent dans leur exactitude et leurs plus intimes
profondeurs, condensés en des vers splendidcs d'inspiration, de forme, d'ampleur,
de naturel, de sincérité et de beauté.
*
VERS LESGRANDS LACSDE L'AFRIQUEORIENTALE.— L'Afrique, dit-on, tient tou-
jours du nouveau en réserve. Attaquée de tous côtés depuis plus d'un siècle, elle a
largement justifié cette opinion. Qui ne se rappelle les anciennes cartes d'Afrique ou
d'Amérique et ces immenses places blanches où se détachaient en noir ces mots :
« Région inconnue » au milieu des lions accroupis, des bisons massifs et. des rhi -
nocéros en arrêt, que le dessinateur avait figurés naïvement d'un trait fin, comme
pour avertir les hommes des dangers auxquels ils s'exposeraient en tentant de
remplacer par des données précises et des tracés exacts l'horreur mystérieuse
émanée de ces grands espaces vides ?
REVUE DE L'ISLAM 191

Quels changements, aujourd'hui! Le centre de l'Afrique est peuplé d'oasis et


chacune a son nom; des traits bleus, des lignes pointillées, des hachures compli-
quées, sillonnent les anciennes « Régions inconnues », et il faut assez d'attention
pour découvrir encore cle ci de là, une hésitation dans les courbes, un arrêt brusque
dans les tracés, une place blanche avec cette mention : « Territoire inexploré ».
Et ce territoire inexploré, exerce sur chacun une fascination particulière; on
voudrait partir pour là-bas, s'arracher aux étroites coutumes cle la vie des villes,
fuir les banalités du déjà vu, du déjà entendu; on voudrait aller là-bas, on ne sait
où : parcourir des forêts, des prairies, que nul blanc n'aurait parcourus avant soi,
et lutter furieusement contre la nature, contre les bêtes, mener une existence
toute d'action, cle dépense, de souffrances et de dangers, une existence pleine de
mépris pour la mort, pleine de mépris pour la vie,..
N'est-ce pas cette pensée qui hantait Georges Revoil lorsqu'il entreprit sa nou-
velle exploration vers les grands Lacs de l'Afrique Orientale? Esprit d'initiative,
Georges Revoil joignait à l'intrépidité, à l'activité d'un soldat, les nombreuses
connaissances scientifiques nécessaires à un explorateur. Il partit, plein d'enthou-
siasme et plein d'espoir, pour ces pays mystérieux que des explorateurs avaient
traversés avant lui, à vrai dire, mais sans les parcourir attentivement, sans les
étudier comme il voulait le faire,
En visitant cette vaste région cle 77.000 kilomètres carrés environ, placée entre
l'Etat du Congo et les territoires qui étaient appelés à devenir l'Afrique Orientale
Allemande.
L'intention du voyageur était de profiter do sa mission en ces pays à peine
connus, aux points de vue géographique et ethnographique, pour servir les intè-
rêts de la France en signant un traité d'amitié avec le roi Mùango, fils du défunt
roi M'Tésa, ami de la France.
Si, malgré son obstination et son énergie, Georges Revoil, vaincu parles fièvres,
dut rebrousser chemin avant d'avoir atteint le but qu'il s'était proposé, il rapporta
du moins, de cotte expédition des documents du plus grand intérêt.
Le narrateur de son intéressant voyage, M. Lucien Heudebert, a JJUpénétrer
dans cette existence, ennemie de toute banalité; et en compulsant le journal de
route du voyageur, il a su mettre au jour des pages attendrissantes, qui nous
donnent la sensation d'une vie intense faite d'émotions inconnues. C'est une tâche
ardue que celle d'historiographe. M. Lucien Heudebert a su s'en acquitter avec
beaucoup de talent.
11s'est plu à nous montrer l'homme aux prises avec la nature, avec la fièvre,
avec le désespoir, l'homme luttant malgré tout et malgré tous, par son intelligence
et une énergie peu commune.
11est des pages où cette relation de voyages a l'attrait puissant d'un roman.
Ce beau volume, édité avec le soin et le luxe que la maison Picard et Kaan
apporte à toutes ses publications, est orné de jolies gravures,/d'|ipi'ès,les
' *
docu-
ments de l'explorateur, /Cv BASSILAN. l'/\
C. MALLAT/DE -3. \
192 REVUE DE L'ISLAM

TABLE DES MATIERES

Contenues dans xïès -t,è>rns V (Année 1900)


/S' VA
/s" h /°P 3\
l --///' ri J
DE LAVREVUE DE L'ISLAM

LA FRANCEET L'ISLAM: C1 Napoléon Ney 1


L'ISLAM..., L'ISLAM...,ENCOREL'ISLAM: Gaston Dujarric 81
L'ISLAM: .S'.E. Ahmed Midhal E/fendi 97
LESFRANÇAISAUTOUAT 33
Lus FRANÇAISA IN-SALAH 71, 86
PROPAGANDE MUSULMANE EN AFRIQUE(Devons-nous la redouter?). l'J'E.
Verrier 50
LA VÉRITÉSURLES KHOUAND'ALGÉUIE:E. Mercier 145
UNEFORGENAVALEDANSL'AFRIQUEDU NORD 54
LE NOUVEAU GOUVERNEUR DEL'ALGÉRIE: G. D 180
L'EXPLORATEUR DE BÉHAGLE 17S
TUNISIE(Notes sur la) : Lucien Heudebert 39,65,113,130,149 166
LES DÉBUTSET LA,FIN DUKHALIFEABDULLAHI:Gaston Dujarric 8
L'ANGLETERREAU SOUDAN: Lucien Morel 76
GOLFE PBUSIQUE:Convention internationale pour la surveillance sanitaire
136,151, 174
LES CHRÉTIENSEN PERSE: M. S 19
LIASANGLAISEN OMÛN: Via/or ; 105
LES PROTÉGÉS FRANÇAISDE SOUR (Oman) : liahel . .- 124
LES MARCHANDISES PROHIBÉESEN TURQUIE 126
LA FEMMEOTTOMANE 125
LES MUSULMANS DE BOSNIE-HERZIÎGOVINE; leurs doléances, leurs vcoux. . . 161
L'ISLAMA SIERRALEONE:lusuff Inmann, traduit de l'Anglais par Lucien,
Heudebert 14
LITTÉRATURE ARABE:Le livre des millenuitscl une nuit, t.ivid.par C. Mardrus 61
UN CONTEDESMILLENUITSur UNENUIT,trad. par C. Mardrus 102, -122
LA DJAMADE CORDOUE:C. Mallal de Bassilan 100
LA MONTAGNE DE ZEHHOUNET LACHAÎNEMERVEILLEUSE: Cheihh Ennader. 159
POÉSIEPOPULAIRE. — Proverbes et sentences arabes : Henry Carnoy . . . . 16
UNE TABLEDIVINATOIRE ARABE: O. Hondas 35
'LA PEINTUREET LA SCULPTURECHEZ LES MUSULMANS : Florian Pharaon.
— Louis Yiardol 21
UNE NOUVELLE SALLED'ARTMUSULMAN AULOUVRE:Th'aibaull-Sisson. . . . 134
BiRLioGKAPHiic 32, 80, 92, 1-11,128, 176, 189
REVUEGÉNÉRALE:André Ricaud 22, 55, 77, 92,'107, 188
Sommaire des Nos m et 53 (Mars et Avril*900)

Pages
'
Les Français au Touat. 33
Une table divinatoire O.Houdas ... 33
Notes sur l'Histoire de la Tunisie Lucien Heudebert . 39
Devons-nous redouter la propagande musulmane en Afrique? Dr E. Verrier. . . 50
Une force navale de l'Afrique du nord . 55
Bévue générale André Ilicaud. . . 55
Littérature Arabe. — Le livre des mille nuits et une nuit 61
Sommaire du > S^ (Mai 1900)

Pages
Notes sur l'Histoire de la Tunisie. Lucien Heudebert . 65
Les Français à ln-Salah 71
L'Angleterre au Soudan Lucien Morel . . 76
Bévue générale , André Ricaud. . . 77
Bibliographie 80
Sommaire du N° 55 (Juin 1900)

Pages
L'Islam... l'Islam... encore l'Islam. . . . . . ... Gaston Dujarric. . 81
Les Français à In-Salah. ... . . . ... . . .-.,'. . . . - 86
Revue générale. . . . . , . . , . . . . . 92
Bibliographie. .'-.. . . . . ..... ... . . ... .... 92
BUT
"
" Archivesllomatipes
de la Revue de l'Islam Recueil Mensuel International

de Diplomatie et d'Histoire
Bien que la France compte aujourd'hui
parmi ses sujets un nombre considérable PUBLIÉ
SOUS DE
LADIRECTION
de mahométans, et qu'elle ait de grands
intérêts communs avec les peuples qui sui- M. LOUIS RENAULT
vent la Loi du Coran, le public français est Professeurde Droitdes gens à la Facultéde Droit
peu ou mal renseigné sur l'islamisme et se Paris et à l'Ecolelibre desSciencespolitiques,
fait généralement l'idée la plus fausse des Présidentde l'Institutde Droitinternational.
musulmans.
C'est pourquoi la Revue de l'Islam s'atta-
che a faire connaître le monde islamique : Fondéesen 1861dans le but de recueillir et de
moeurs, religion, traditions, littérature, grouper tous les documents officielsrelatifs aux
arts,' institutions, politique, etc., en pu- grandes questions' internationales, les' Archives
bliant des voyages, des chroniques, des Diplomatiques ont enregistré une quantité, pres-
études, rédigés par des orientalistes, des qu'inealculable de pièces diplomatiques.
voyageurs, des publicistes chrétiens et Ce qui caractérise les Archives Diplomatiques,
musulmans. c'est le soin que la Directiona pris de rapprocher
La Revue de l'Islam est la seule publi- les documents similaires émanés des divers gou-
cation au monde qui soit exclusivement vernements et, dans une même négociation, de
mettre en corrélation les prétentions et les vues
consacrée à la vulgarisation de l'islamis- des divers intéressés.
me : elle a été fondée en 1895 et s'adresse
chez nous à tous ceux qui souhaitent Les Archives Diplomatiques paraissent régu-
voir la cordialité et l'estime régner entre lièrement tous les mois en une livraison grand
in-8* de 128 pages qui forment 4 forts volumes
français et musulmans. par an. ..
La Revue de l'Islam paraît tous les mois
et contient de nombreuses illustrations. Le prix de l'abonnement est de 50 fr. pour la
France et l'Algérie, de 55 fr. pour l'Union pos-
Elle paraîtra incessamment deux fois par tale et de 00 fr. pour les autres pays.
mois sans augmentation de prix. Un numéro spécimen est envoyé sur demande.
FRANGE : Un.an 6 fr.
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Édition de luxe : France et Etranger. 20 fr. Administration; 89, rue de Grenelle, Paris

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PARIS — 27, Rue Bonaparte, 27 — PARIS
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dans l'Afrique septentrionale et cen- In-8 br l »
trale, pendant les années 4849à 1S55,Trad.
de l'allemand par Hier, i vol. in-8 bi\, planches, CAJVAI» —Les villes «le l'Algérie. Nemours.-
portraits et cartes 24 » In-8 hr 1 50
BÉlIAWIiE (de). — Mes moyens (le com- CI*OXEL,
battre la dépopulation en Afrique. In-8 br. (F.-«;.). — Ilaute-Sangha, Bas-
1 25 sin du Tchad. ÏJCS Bayas. Notes ethnogra-,
phiques et linguistiques. In-8 br., cartes et
HÇJSSIDON. — Ahyssinic et Angleterre grav 2 »
(THÉODOnps). Perfidies et intrigues anglaises
dévoilées, souvenirs et preuves. In-12br. 1 50 COMBES
(Paul). — Exploration de l'île
CARRÈBE (Frédéric) et MOE.ÏJE d'Anticosti avec une carte, 1 vol. in-12 br.
— Oe la Scnégambic française, (Paul). gr. in-8 2 »
br.... 7 »
COMBES (Pnin.1).- L'Abyssinie en 4SOB.
CHAWiliÉ-IiOWG-llEV(eofonel).—I/Égypte Le pays, les habitants, la lutte Halo-Abyssine
et ses provinces perdues. Ia-12 br 3 SO avec une carte. In-12 br 3 50
CAIX de St-AYMOUR (Vte de). — — -Petit vocabulaire français-
Arabes et KaJiyles. Questions algé- DAYAPV.
riennes. In-12 br 2 25 nègre et nègre-français. (Idiome de Tom-
bouctou) à l'usage de là colonne expédition-
CAIX de St-A YMOIJU (Vte de). —France naire. Pet. in-S .' i 50
et Ethiopie. — Histoire des relations de la
France avec l'Abyssinie chrétienne. In-12• 3br. — Partage
50 DEVILUE (V.).
— Exploratiou, colonisation,
de
CAIX (R. de). —Fachoda. La France l'Afrique.
état politique. Un fort vol. in-12de 464 pages,
et l'Angleterre, lvol. in-12 br. cartes. 3 50 avec 6 cartes 5
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BOULIOT (H.) — Journal du rique et t'escriptivel. Un vol. in-8 br. avec


voyasrêfait à là côte Ouest de Ma- carte... 1.25
dagascar (1891-92).In S br,, carte ... i » MÂTTJEi (Commandant). — BâS-Nî-
DUJARRIC (Gaston). —. Souve- ger, Réiioué, Dahomey. In-8 br., illust.
nirs (î'fist'itles «t «Se traversées. '--.'. 5 :>
'.lri-12. 3 50 MIÎBONJ(lioiiis). —Une question Africaine.
Iil 8br......... ..,:. ........... ^ 1 50
FAliEiOT..' — fc'otice administrative, éco-
nomique et commerciale sur la Tunisie. MOUliIÉRAS (A.), -I* Maroc inconnu.
In-S.br.., ,...........:. 2 s ire partie: Exploration du Rif (Marocsepten-
EO;tt. — Voyage en Afrique, 1™série, album trional) avec cartes inédites du Rifet de chaque
de lo phototypies. Afrique centrale. In-4°, toile. tribu au l/250,Opo'o.In-8 br...-...;..... 7 »:
- .3 » PAVï. (A). — L'Expédition de Mores.
EOSÏESÏ (el. Aîné). - L'autruche à tra- i vol. iu<L2br. avec caries, portraits et gra-
vers l'Afrique. In-12 br. 1 50 vures...... 2 »
e*VMjïi,»r. (Aristide). — Ei'Angleterre JPEMSA. (Cli.), ingénieur agricole, chargé de
épuise' l'Egypte. Les finances Egyptiennes mission par le Ministère de l'Agriculture. —
sous l'occupation auglaise. Gr. in-4? br. A >• tics cultures de l'Egypte. In-8 br. avec
Guide du. colon et du planche .- 2
pratique
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par MM. E.
GAUTIER, Juu.Y,,Dr ROUIBE et I'. COMUKS. In-12 VOUMS&'-A.C[ColonelAe). — Désastre Flat-
relié, contenant 4 caries de MM.Grandidier ters. Trois rapports de notre consul général à.
et du, R. P. Roblet et 9 tableaux synoptiques. Tripoli. Lettres de personnages Sahariens à,
5 » l'appui. In-8 br.. 1 50
GUYOT (P.). — Voyage au Zam- FOMKSAC(COÎOMIIIC). - Etude prélimi-
naire sur la réorganisation de lAlgériè. In-8
ljè«e. In-8 br. caries et planches., i. S » br.. ..:..... 1 25.
HOCBAS (©.), professeur à l'Ecole.des B'ttïjKK.VfcC (Colonel de). —France et Bsla-
langues orientales vivantes. —Préeis de misoie. In-S br 1
g («annuaire arabe. Elude de l'arabe B»OL.fl«m\AC(Colonelle). — ta France vas-
régulier et de l'arabe vulgaire. Iu-S, cartonné. sale de l'Angleterre. Tanger donné aux
6 » AuglaU. In-8 br 1 50
1IOUI6.ÏS (O..), professeur à l'Ecole des HAl.Vt.UE). — ïia l'cntapole CjrémViiiie
langues orientales vivantes. — Premières et la colonisation. In-8 br 1 »
Notions de langue arabe. (Extrait du pré- RABB1ÎAUB».(«9.-1*., capitaine). — Gram-
cis de grammaire arabe). In-8 br 2 »' maire dé la langue Mandé. In-8 br. 5 »
HKIiOTT (Ei.-Iiï.). — Dictionnaire de pnche
français-arabe et arabi;-fraiiçais.> à l'u- SAttiMA-(t. de). — Obock. Exploration du
sage des militaires, des voyageurs et des négo- golfede 'l'ailjoura, etc. In-12 br -.. 2 »
ciants en Algérie.Alger, in-12rel. toile.. 8 50 SOSEIBSTEIAY (E.), vice-résident, chargé
lilE.» EUSSES(R. S».).- EMctionnaire fran- de cours à l'Ecole coloniale. — Annaui
çais-fang ou paîiouîn. In-12 br 12 » et Tcutlkïn. Organisation du Protec-
l,EXOS5»IE*'D (.1.). — «Questions algé- torat. Cours de législation et d'administration
riennes. IJC péril étranger, i fort in-S br. »nuamiles. Un vol. in-12,br. 353 pages. 6 »
3 SO VEESBME5λ(A.). — Trente-cinq années de
MACQBAR1B. — Voyage à Mada- lut Je aux Colonieslcô te occidentale d'Afrique).
•gasear, In-12 br. Planches i » 1 vol. in-8 ill ... 7 50
M AïjÏjEgSOtV — BBistoire des français dans VIVAEBB2S. — B'our les venger. Un raid sur
l'Inde. In-8 br 7 50 l'Ahoggar (Sahara). 1 vol. in-8 carte.... 2 25i
HARÏI SIÈRE (M.-S5. P. de ta). - No- VOUSJSÏSIE (docieur). — I*e Congo Fran-
tice sur le Maroc. Un vol. in-8 avec carte.
2 » çais, le l.oaugo et la vallée du Kouiioii. 1 vol.
in-12 br. avec 2 caries et un vocabulaire
MABÎTIXBÈIRE (SB. de la), chargé de mis- Fiote 2 50
sion par le Ministre de l'Instruction publique.
— Itinéraire de FCK à Oud.ida suivi en W©LÏ?RO!H (G.) — lie Maroe. Etude
•1891.(Exlrail du bulletin de géographie histo- commerciale et agricole. In-8 br.,.'.... 2 25
BUT
" " Archives Biploiatipes
de la Revue de l'Islam Recueil Mensuel International

de Diplomatie et d'Histoire
Bien que la France compte aujourd'hui
parmi ses sujets un nombre considérable . PUBLIÉ LADIBECT10N
SOUS DE
de mahométans, et qu'elle ait de grands
intérêts communs avec les peuples qui sui- M, LOUIS RENAULT
vent la Loi du Coran, le public français est
Professeurde Droitdes gens à.la Facultéâe Droit
peu ou mal renseigné sur l'islamisme et se Paris et &l'Ecolelibre des -Sciencespolitiques;
^ la plus fausse dès
fait généralement l'idée Présidentde l'Institutde Droitinternational.
musulmans.
C'est pourquoi la. Revue de l'Islam s'atta-
che à faire connaître le monde islamique : Fondéesen 1861dans le but de recueillir et de
moeurs, religion, traditions, littérature, grouper tous les documents officielsrelatifs aux
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cation au monde qui soit exclusivement vernements et, dans une même négociation, de
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BABTII (B>rH.).—Voyages et découvertes CAIVAIJ. — Les -villes de l'Algérie, Marnia.
dans l'Afrique septentrionale et cen- In-8 br. , 1 »
trale, pendant les années 481!)à 1S55.Trad.
de l'allemand par Hier. 4 vol. in-8 br., planches, CAïVAl.. —BL.es Tilles de l'Algérie. Nemours.
portraits et cartes 24 » In-8 br 150
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battre la dépopulation en Afrique. In-8 br. CLOZEL (F.-U.). — Ilautc-Sangha, Bas-
1 25 sin du Tchad. lies Bayas. Notesethnogra-
BUSSIDON. — Abyssinic et Angleterre phiques et linguistiques. In-8 br., cartes et
Perfidies et intrigues anglaises grav 2 s
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nirs ci'escales. et de traversées. .''-.• 5 »
In-12. 3 50' MliKON (liOiiis). —Une question Africaine.
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nomique et commerciale sur lï Tunisie. JBIOIJL.IISRAS (A.). - L.e Maroc inconnu.
In-Sbr... 2 B ire partie: Exploration du Kif (Marocsepten-
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tribu au 1/250,000°.In-8 br............ -7 »
de lo photoiypies.
' Afrique centrale. In-4%toile.
3 * I»AW (A.). — L'Expédition de Mores.
.
FOÏïEST (.1. Aîné). - Xi'autruclie à tra- 1 vol. in-12 br. avec cartes, portraits et gra-
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épuise l'Egypte. Les finances Egyptiennes mission par le Ministère de l'Agriculture. —
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sous l'occupation auglaise. Gr. in-4° br. i » l'Egypte. In-8 br. avec
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soldat à Madagascar, PIESSE. - La femme arabe, [n-8 br. 1 50
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langues orientales vivantes. — Premières et la colonisation. In-8 br 1 »
Notions de langue arabe. (Extrait du pré- BBAMBEABLID (.I.-B., capitaine). — <>rnm-
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tice sur le Maroc. Un vol. in-8 avec carte. '
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de la Revue de l'Islam Recueil Mensuel International

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-de mahométans, et qu'elle ait de grands
intérêts communs avec les peuples qui sui- M. LOUIS RENAULT
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peu ou mal renseigné sur l'islamisme et se Paris ot à l'Ecololibre dés-Sciences
fait généralement l'idée la plus fausse des politiques,
Présidentda l'Institutde Droitinternational.
musulmans.
C'est pourquoi la Revue de l'Islam s'atta-
che à faire connaître le monde islamique : Fondéesen 1861dans le but de recueillir et dé
moeurs, religion, traditions, littérature, grouper tous les documents officielsrelatifs aux
arts, institutions, politique, etc., en pu- grandes questions' internationales, les Archives
bliant des voyages, des chroniques, des Diplomatiques ont enregistré une quantité pres-
-études, rédigés par des orientalistes, dés qu'incàlculable de pièces diplomatiques.
voyageurs, des publicistes chrétiens et Ce qui caractérise les Archives Diplomatiques,
musulmans. c'est le soin que la Directiona pris de rapprocher
La Revue de l'Islam est la seule publi- les documentssimilaires émanés des divers gou-
cation au monde qui soit exclusivement vernements et, dans une même négociation, de
consacrée à la vulgarisation de l'islamis- mettre eu corrélation les prétentions et les vues
me : elle a été fondée en 4895 et s'adresse des divers intéressés.
chez nous à tous ceux qui souhaitent Les Archives Diplomatiques paraissent régu-
voir la cordialité et l'estime régner entre lièrement tous les mois en une livraison grand
in-8' de 128 pages qui forment 4 forts volumes
français et musulmans.
La Revue de l'Islam paraît tous les mois par an.
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'1311eparaîtra incessamment deux fois par France et l'Algérie, de 55 fri pour l'Union pos-
mois sans augmentation de prix. tale et de 00 fr. pour les autres pays.
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FOBESï (.1. Aîné). - It'autruchc à tra- I vol. in-12 br. avec cartes, portraits et gra-
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soldat à Madagascar, PIES8SB. - La femme arabe. In-8 br. 1 50
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langues orientales vivantes. — Précis de misme. Iu-8 br 1
grammaire arabe. Etude de l'arabe POLIGNAC (Colonel de). — La France vas-
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IIOUHA§.(O.J, professeur à l'Ecole des RAINACD-. — lia Pentapolc Cyrénécnnc
langues orientales vivantes. — Premières et la colonisation. In-8 br 1 s
Notions île langue arabe, (lîxlrait du pré- RAMRAUB (.1.-11., capitaine). — «ram-
cis de grammaire arabe). In-8 br 2 » maire de la langue Mandé. In-8 br. 5 »
HÉliOT (Ii.-H.). — Rictioniiaire de poche
et arabe-français, à l'u- SAIiMA (L. de). — «bock. Exploration du
français-arabe 2 »
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ciants en Algérie. Alger, in-12rel. toile.. 3 50 SOMRSTIIAY (E.), vice-résident, chargé
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VERRIER (A.). — Trente-cinq années de
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sion par le Ministre de l'Instruction publique.
Itinéraire de FCSBa Oudjda suivi eu WOL.FROM (G.) — lie Maroe. Etude
1891.(Extrait du bulletin de géographie histo- commerciale et agricole. In-8 br 2 25
«*• : Sommaire du N° 56 (Juillet 1900)

1>«es
L'Islam, par S. E. Ahmed Midhal. Effendi 97
La Djama de Gordoue G. Mallai de Bassilan. . 100
Un Conte des mille nuits et une nuit 102
Les Anglais en Oman Viator 10S
Revue générale , André Ricaud 107
Bibliographie 111
Sommaire du N° 57 (Août 1900)

P|cos
i pîoies,sur la Tunisie (suite) Lucien Jleudebeit. . . 113
Un Gbjite'des mille nuits et une nuit (fin) . . : 122
Les protégés français de Soum (Oman) Bahel 124
La Femme Ottomane 125
Marchandises prohibées en Turquie 126
Bibliographie 128
Sommaire du N° 58 (Septembre 1900)

Pago»
Notes sur la Tunisie (suite) Lucien Heudebert. . . 130
Une nouvelle d'art Musulman au musée du Louvre. . Thiébault Sisson. . . 134
Convention internationale sur la surveillance du Golfe Persique 136
BUT
" " Archives llomtipes
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Bien que la France compte aujourd'hui
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libre des Sciencespolitiques,
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moeurs, religion, traditions, littérature, grouper tous les documents officielsrelatifs aux
arts, institutions, politique, etc., en pu- graudes questions internationales, les Archives
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études, rédigés par des orientalistes, des qu'incalculable de pièces diplomatiques.
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BARTII (IV H.):—Voyages et découvertes t'A!V4l>. — Les -villes de l'Algérie, Marnia.
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battre la dépopulation en Afrique. Iu-8 br. CLOXEL, (F.-Ci.). — Hautu-Sangha, Bas-
1 25 sin dn Tchad, lies Kayas. Notesethnogra-
BUSSinO.V. — Abyssinie et Angleterre phiques et linguistiques. Iu-8 br., cartes el
(THÉODOKOS). Perfidies et intrigues anglaises grav 2 »
dévoilées, souveuirset preuves.In-12br. i 50 COMI1F.S
CARRÈRE (FrétlértcV el HOIil.E (Paul). (Paul). — Exploration de l'île
— I»e la Sén'-gambie française, gr. iu-8 d'Auticosti avec une carte, 1 vol. iu-12 br.
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br ;... 7 »
CIMIBES (l'aul). - 1/Abyssinie en 1806.
CWA%IitjK-ljUXG-VK\T(colonel).—[/Egypte Le pays, les habitants, la lutte Italo-Abyssine
et ses provinces perdues. In-12-br 3 50 avec une carte. In-12 b:-. 3 50
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Arabes et Kabyles. Questions algé- DAV.4K. — 'etit vocabulaire français-
riennes. In-12 br 2 25 nègre et iiègrc-fraiiçaîs. (Idi.ime de Tom-
bouctou) à l'usage de Ja colonne expédition-
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et Ethiopie. — Histoire des relations de la
France avec l'Abyssinie chrétienne. In-12 br. DE VILLE — Partage
3 S0 (V.). de
l'Afrique. — Exploration, colonisation,
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'dngfesca-r (1891-92).In 8 br., carte .. (Commandant).
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FAÏiliOTP. — fVotice administrative, éco- In 8 br.......... ..,. 150
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In-8 br 2 » lro partie : Exploration du Rif (Maroc septen-
FOJ1>. — Voyage en Afrique, 1'° série, album trional) avec cartes inédites du Uif et de chaque
tribu au 1/280,000».In-8 br 7 »
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GUYOT (P.). — Voyage au Zau-
naire sur la réorganisation de lAlgérie. In-8
bèze. In-8 br. cartes el planches.... a » br 1 25
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HOUDAS (O.), professeur à l'Ecole des 'PWEilCiNÀC (ColonelAn).— Fronce,et Isla-
langues orientales vivantes. —Précis de misme. fn-8 br 1
grammaire arabe. Etude de l'arabe POLBCtNAC (Colonel de). — La France vas-
régulier et de l'arabe vulgaire. Ia-S, cartonné. sale de. l'Angleterre. Tanger donné aux
G » Anglais. In-8 tir 1 50
OOUB»AS (O...), professeur h l'Ecole des BilINAU». — lia G'eHtapole Cyrénécnne
langues orientales vivantes. — Premières et la colonisation. Iu-8 br 1 i
Notions de langue arabe. (Extrait du pré-
cis de grammaire arabe). In-8 br 2 »
RAMRAU» (J.-ll., capitaine). — Gram-
maire de la langue Haiidô. In-8 br. îi »
HÉLiOT (Li.-BI.). — Dictionnaire de poche
franeais-arabe et arabe-français, à l'u- SAILiIHA (L. fie). — ttbock. Exploration du
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LIBRAIRIE AFRICAINE, COLONIALE & ORIENTALE

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PARIS — 27, Rue Bonaparte, 27 — PARIS
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CAHKÈItE (Frédéric! el. IHHjl.E (l»aul). (ï-aul). — Exploration, de Vile
— De la Sén<'gambie française, gr. in-8 d'Auticosli avec une carte, 1 vol. iu-12br.
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CHAI I^MS-I^ONe-BE Y (cofoneJ).—I/li&vpte COMBES (l'aul). - lvAbyssinie en 1896.
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CAIX de St-AYMOUR (Vte de). —
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France avec l'Abyssinie chrétienne. In-12 br. IlEVILLIS
3 50 ( V. ). — Partage de
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J. ANDRÉ, EDITEUR
^T, Rue — PARIS.
Bonaparte

BOULIOT (H.) — Journal du rique et descriptive). Dn vol. in-8 br. avec


voyage l'ait à la côte Ouest de Ma- carie.. •'• 1 25
dagascar (-1891-92). In 8 br., carte .. A » MATTEI (Commandant). — Ras-Ni-
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Iu-12......;.. 3 50 miSÊOIV(liouis). —Une question Africaine.
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vers l'Afrique. In-12br 1 50 vures , 2 »
.,«3ft'Vll^l;WS., (Aristide). — L'Angleterre l»EI%.'SA(Ch.), ingénieur agricole, chargé de
épuise l'Egypte. Les finances Egyptiennes mission par le Ministère de VAgriculture. —
sous l'occupation auglaisé. Gr. in-/i<> br. 4 > lies cultures de l'Egypte. In-8 br. avec
Guide tïu colon et du planche 2
pratique
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et du R. P. Roblet et il tableaux synoptiques. Tripoli. Lettres'de personnages Sahariens à.
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GIIYOT (P.). — Voyage au Zam-
naire sur la réorgauisation de lAIgérie. In-8
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grainmaîre arabe, Elude do l'arabe I»OL,l«3SiAC,(CofoMcJdc).— Ln France vas-
régulier et de l'arabe vulgaire. Iu-8, curtonué. sale d<- l'Angleterre. Tanger donné aux
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langues orientales vivantes. — l*re<a.ières et la colonial ion. Iu-8 br 1. s
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HliliOT-(-li.-M.). — Dictionnaire de ]><>che
frnnçais-arabe et arabe-français, à l'u- SAliMA (I-. île). — Obuck. Exploration du
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ciants eu Algérie. Alger, inl2rcl. toile... 8 50 SOiMRSTÎïAY. (JE.), vice-résident, chargé
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sion par le Ministre de l'Instruction publique.
— Itinéraire dcFtz à Oudjda.suivi en WOLFBOSI (G.) — lie Maroc. Elude
1891.(Extrait du bulletin de géographie hislo- commerciale et agricole. In-8 br 2 25
BUT
" Ârcïiies
" Diplomatiques
de la Revue de l'Islam Recueil Mensuel International

de Diplomatie et d'Histoire
Bien que la France compte aujourd'hui
parmi ses sujets un nombre considérable SOUS
PUBLIÉ t* DIRECTION
DE
de mahométans, et qu'elle ait dé grands
intérêts communs avec les peuples qui sui- M. LOUIS RENAULT
vent la Loi dû Coran, le public français est
Professeurde Droitdes gens à la Facultédo Droit
peu ou mal renseigné sur l'islamisme et se Paris et à l'Ecolelibre dès Sciencespolitiques^
fait généralement l'idée la plus fausse des Présidentde l'Institutde Droitinternational.
musulmans.
C'est pourquoi la Revue de l'Islam s'atta-
che a faire connaître le monde islamique : Fondéesen 1861dans le but de recueillir et de
moeurs, religion, traditions, littérature, grouper tous les documents officielsrelatifs aux
arts, institutions, politique, etc., en pu- grandes questions internationales, les Archives
bliant des voyages, des chroniques, des Diplomatiques ont enregistré une quantité prês-
études, rédigés par des orientalistes, dés qu'incalculable de pièces diplomatiques.
voyageurs, des publicistes chrétiens et Ce qui caractérise les Archives Diplomatiques,
musulmans. c'est le soin que la Direction a pris de rapprocher
La Revue de l'Islam est la seule publi- lesdoeumeuts similaires émanés des divers gou-
cation au monde qui soit exclusivement vernements et, dans une même négociation, de
consacrée à la vulgarisation de l'islamis- mettre en corrélation les prétentions et les vues
me : elle a été fondée en 1895 et s'adresse des divers intéressés.
chez nous à tous ceux qui souhaitent Les Archives Diplomatiques paraissent régu-
voir la cordialité et l'estime régner entre lièrement tous les mois en une livraison grand
in-8" de 128 pages qui forment 4 forts volumes
français et musulmans.
La Revue de l'Islam paraît tous les mois par an.
et contient de nombreuses illustrations. Le prix de l'abonnement est de SOfr. pour la
Elle paraîtra incessamment deux fois pai. France et l'Algérie, de 53 fr. pour l'Union pos-
tale et de 60 fr. pour les autres pays.
mois sans augmentation de prix. Un numéro spécimen est envoyé sur demande.
FRANCE : Un an 6 fr.
ÉTRANGER : Un an 9 fr.
Édition de luxe : France et Etranger. 20 fr. Administration: 89, rue de Grenelle, Paris

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PARIS — 27, Rue Bonaparte, 27 — PARIS
HARTH (IV «I.).—%7«yagesct découvertes CAîlîAL. — Les villes de l'Algérie, Marnia.
dans l'Afriqut! septentrïonnle et cen- Iu-8 br 1 »
trale, pendant les aimées 181!)à. 1SS5.Trnd.
de l'allemand par Hier. 4 vol. iu-8 br., planches, CiV.lL. —Les villes de l'Algérie, Nemours.
portraits et cartes 24 » In-8 br . 1 50
ItEII.MiiI.iE (de). — Des moyens «1»com- CLOXEL
battre la dépopulation eu Afrique. In-8 br. (F.-«.). — Haute-Sangha, Bas-
1 25 sin du Tchad. Les Itajaw. Notesethnogra-
ItIJSSM»!»*. — Abyssinie et Angleterre phiques et linguistiques. In-8 br., cartes2 et»
(ÏUÉODOUOS). Perfidies et intrigues anglaises grav
dévoilées, souvenirset preuves.In-12br. 1 50 COMBES (H'aulV — Exploration de l'île
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CAIX do St-AT?M«UR (Vte de). —
Arabes et Kabyles. Questions algé- OAYAUi.et — -"etît vocabulaire français-
riennes. In-12 br 2 25 nègre nègre-français. (Idi.iuie de Tom-
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houctou) l'usage de la colonne expédition-
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et Ethiopie. — Histoire des relations de la
France avec l'Abyssiuie chrétienne. In-12 br. DEVILLE — Partage de
3 50 (V.).
l'Afrique. — Kxploralion. colonisation,
CAIX (R. de). —Fachoda. La France état politique. Uu fort vol. in-12 de 404pages,
et l'Angleterre. 1vol. in-12 br. cartes. 3 50 avec 6 caries 5
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J. ANDRÉ, EDITEUR
Rue Bonaparte — 1»AJR.XS.
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BOUMOT (H.) — .Journal dti rique el «irsuriptivel. Un vol. in-8 br. avec
carte 1&
voyage ffaîÉ à îa, côte Ouest de Ma-
^lagaaenr (1891-32).In 8 br., earle .. A » 'MATTKI (Commandant). — Bas-Ni-
'D.tiïFA'feBMC (Gaston). — Souve- ger, ISénoilté, Dahomey. In-8 br., illusl.
nirs «2'eseales et de traversées. :"3 >
'-In-12 3 50 MIÎBOrV(Louis).— Une question Africaine.
FAIJIWS 1. — Notice administrative, lu 8 br J 50
«eo-
muniiiuc et commerciale sur la Tunisie. MOULI.B5RAS (A.). - Le Maroc inconnu.
In-8 br 2 » Ira partie: Exploration du Rif (Marocsepten-
FO*. — Voyage en Afrique, l«'osérie, album trional) avec CM ries inédites du ltif et de chaque
tribu au 1/25(1,000". Iu-8 br 7 »
de 16 pbototypies. Afrique centrale, ln-4", toile.
3 » I*AW (A.). — L'Expédition de Mores.
FOK8EST (.?. Aîné). — L'autruche à tra- I vol. iu-12 br. avec caries, poitrails el gra-
Ttrs l'Afrique. In-12br 1 50 vures, 2 »
«aVILEJ5ï.,5, (Aristide). - L'Angleterre PBCiïSA (Cli.), ingénieur agricole, chargé de
épuise l'Eg-ypte. Les finances Egyptiennes mission par le Ministère de l'Agriculture. —
sous l'occupation auglaise. Gv. in-'i0 br. K » Les cultures de l'BSgypte. In-8 br. avec
Ciuitle dn colon et du planche. 2
pratique -
par MM. K. MESHSBï. La. femme arabe.
soldat à Madagascar, lu-S br. I S0
GAUTIRR, .lULl.Y,I)"'RoUJBK et l\ COMDKS. Iu-12 l»OH«:«AC;Cotowcide). — SSésastrc Flat-
relié, contenant i caries de MM.Grandidier ter». Trois rapports dn notre consul général à
el du R. P. Roblet el 9 tableaux synoptiques. Tripoli. Lcllres de personnages Sahariens à
5 » l'appui. In-S lu- 1 50
ïBOLS««XAC (Coloiul de). — B'".tudcprélimi-
GCYOT (P.). — Voyage au Zam-
naire sur la réorganisation do lAl^érie. Iu-8
bêise. In-8 br. caries et planches ii » br I 25
IIOUI>AS (».), professeur à l'Ecole des B^LBtii.V&C {Coloneldel. — B.'rance et ïsla-
langues orientales vivantes. —Précis «le j»is.«ic iu-8 lir I
graseBEçiaife arabe, liluile «le l'arabe E'OLfiffiiXAC(Colonclde). — La France vas-
régulier el «lel'arabe vulgaire. lu-S, cartonné. sale «l<' l'Angleterre. Tangir donné aux
(5 J, Anglai-. In-S br. ...... 1 50
MOUS».SS (O.), professeur h l'Ecole des BtAB."S ABJStt.— La S'cuJapoIe Cyréiiécmtt;
langues orientales vivantes. — RBre«iières cl. la colonial ion. Iu-8 hr 1 »
Notions fit-,langue arabe. (ICxlraildu pré- BBASEBEAUBJ»
cis de siraii'uiiuirearabe). Iu-8 br 2 » <«fi.-!B., capitaine). — ï.raisi-
mairede la laug'iie Staudé. In-8 br. :i »
MBSLO'fi'(L.-Ei.). — Blietioniiaire de poche
franeain-ara.he et arahe-francais, à l'u- SALMA (L. de). — «bock. Kxploralion <\\\
sage îles mililaircs, «lesvoyageurs el «lesnégo- goll'cdi: 'i'a.'joiira, etc. In-lâ br. 2 »
ciants eu Algérie. Alger, iu-12ici. toile.. M00 SO.V3SSST3B.AV (US.), vice-résidani, chargé
LE'IrfSCU.'fcfii(II. E».).— gt>ic<iounaii'C fra.ii- de cours à I.Ecole coloniale. — Abattant
çais-faug on pahouin. Iu-12 lu 12 » et 'JTa&SSÊiiis!. Organisation du E'rotcc-
LEXOEtSEE'KE* '(«S.). — «Questions algé- torat. Cour- de lé^islaliou l'Ld'.idminifIralion
l'icimcti. B.«epéril étranger. I fort in-8 br. aiiiiamilcs. lits vol. iu-12, br. 35:!p;iges. (i »
:) 30 ¥ïïBBE*HB53î
— (A.). — 'EVJnie-cinq année» de
MAC(JUA.5SLSE. Voyage à Kttada- lut le at» O>l«inJ«'s(côli!0(.-i;iilenti!li!d'Afrii|ii(:).
gaseac In-12 br. Planches A > 1 vol. iu-8 ili 7 50
AIAL-H^E^O^'.— sSistuire des français «ïans VBVABBE'ïW. — E'oiiî- li-n vciijfcr. L*aîaid sur
l'Inde. In-8 br 7 50 l'Abogg.ir(Sahara). I vol. in-8 carie 2 25
MAB'fi'B KSB5ERK [BB.-16I.S», de La). - No- VOHIB^««n'âE
tice. s«r Ï<Î SEaroe. lin vol. in-8 avec carte. (daiteur). — Le Cong-» B'ran-
2 » çuis, le l.-oang'icl la vallée du Kooilou.I vol.
iu-12 br. avec 2 c:irtcs el un vocabulaire
MAEîTBXÏKBBÎ (SB. de la), chargé de mis- Fiole 2 :i0
sion par la Ministre de l'Instruction publique.
— Btinérairc de t?er. à Oiuljda suivi en WWL.FROXI (G.) — L,e Maroc. Ki.ude
1801.(Extrait du bulletin de géographie histo- commerciale et asricolc. Iu-8 hr 2 25
Sommaire du N° 89 (Octobre 1900)

Pages
La vérité sur les Khouan|d'Algérie E. Mercier 145
Noies sur la Tunisie (suite) Lucien Heudebert. . . 149
Convention internationale sur la surveillance du Golfe Persique 151
La montagne de Zerhoun el la chaîne merveilleuse . . Cheik Ennader.. c. . 159
Sommaire du N° 60 (Novembre 1900)

Pages
Les musulmans de Bosnie-Herzégovine. . , Un musulman 161
Notes sur la Tunisie (suite) Lucien Heudebert. . . 166
Convention internationale sur la surveillance du Golfe Persique 174
Bulletin bibliographique 176
Sommaire du N° 61 (Décembre 1900)
/ ...
- P,ages
L'explorateur de Béhagle. . . . ... . . . . . . 177
Le nouveau Gouverneur de l'Algérie . . . . . . . G. D. ...... 180
Revue générale. ....... ....... André Ricàud. . . . 183
Bulletin bibliographique. C. Mallat de Bassilan, 189
Table des matières 192
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" " Archives lijloMîipes
de la Revue de l'Islam Recueil Mensuel International

de Diplomatie et d'Histoire
Bien que la France compte aujourd'hui
parmi ses sujets un nombre considérable SOUS
PUBLIÉ LADIRECTION
DE
de mahométans, et qu'elle ait de grands
intérêts communs avec les peuples qui sui- M. LOUIS RENAULT
vent la Loi du Coran, le public français est
Professeurde Droitdes gens à la Facultéde Droit
peu ou mal renseigné sur l'islamisme et se Paris et à l'Ecolelibre des Sciencespolitiques,
fait généralement l'idée la plus fausse des
musulmans: Présidentdo l'InstitutdoDroitinternational.
C'est pourquoi la Revue de l'Islam s'atta-
che à faire connaître le monde islamique : Fondéesen 1861dans le but de recueillir et de
moeurs, l'eligion, traditions, littérature, grouper tous les documeuts officielsrelatifs aux
arts, institutions, politique, etc., en pu- grandes questions internationales, les Archives
bliant des voyages, des chroniques, des Diplomatiques ont enregistré une quantité pres-
études, rédigés par des orientalistes, des qu'inealeulable de pièces diplomatiques.
voyageurs, des publicistes chrétiens et Ce qui caractérise les Archives Diplomatiques,
musulmans. c'est le soin que la Directiona pris de rapprocher
La Revue de l'Islam est la seule publi- les documents similaires émanés des divers gou-
cation au monde qui soit exclusivement vernements et, dans une même négociation, de
consacrée à la vulgarisation de l'islamis- mettre en corrélation les prétentions el les vues
me : elle a été fondée en 1895 et s'adresse des divers intéressés.
chez nous à tous ceux qui souhaitent Les Archives Diplomatiques paraissent régu-
voir la cordialité et l'estime régner entre lièrement tous les mois en une livraison grand
in-8* de 128 pages qui forment 4 forts volumes
français et musulmans.
La Revue de l'Islam paraît tous les mois par nu.
et contient de nombreuses illustrations. Le prix de l'abonuemeut est de SOfr. pour la
Elle paraîtra incessamment deux fois pai France et l'Algérie, de S5 fr. pour l'Union pos-
mois sans augmentation de prix. tale et de GOfr. pour les autres pays.
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FRANCE : Un an ...... . 6 fr.
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«T. A. IM DRÉ, EDITEUR
PARIS — 27, Rue Bonaparte, 27 — PARIS
II&RTIl (g»r M.).—Voyages et découvertes CArVAli. — Les Tilles «le l'Algérie, Marnia.
dans l'Afrique septentrionale et cen- Iu-8 br 1 »
trale, pendant les années à
18i!) 1355.Trad.
de l'allemand par Hier, i vol. iu-8 br., planches, ÇA1*Al,. —Ees villes de l'Algérie. Nemours.
portraits et cartes 24 » In-8 br 1 50
BKII.44.iC.iE (île). — Ocs moyens «!• com-
battre la dépopulation en Afrique. Iu-8 br. CEOXEL, (F.-Ci.). — nautt-.-Sangha, Bas-
1 25 sin du Tchad. Kics Bayas. Notesethnogra-
BUSS1DOX. — Abyssïnie et Angleterre phiques et linguistiques. In-8 br., cartes et
(THi'soDonos).Perfidies et intrigues anglaises grav 2 >
dévoilées, stjuvenirset preuves. In-12br. 1 50
COMBES (il'aul). — Exploration de l'île
CAttBKRE (Frédéric! el HObLG (Paul). d'AntieuKti avec une carte, 1 vol. iu-12br.
-7 l>e la Séiu-gambie française, gr. in-8 2. »
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COMBES (ï»aul). - L'Abyssinie en I8O6.
CBTAtljIiïS-iiOrVCJ-BEV(coJonei).—I/Égypte Le pays, les habitants, la lutte ltalo-Abyssine
et ses provinces perdues. In-12 br 3 50 avec une carte. In-12 br 3 50
CAIX de St-AYilIOUR (Vte «le). —
Arabes et Ktibyles. Questions algé- ttAYArY. — 'Petit vocabulaire français-
riennes. In-12 br,. 2 25 nègre et nègre-français. (Idiome de fom-
à
houctou) l'usage de la colonne expédition-
CAIX de St-AYMOIJK (Vte de). —France naire. Pet. in-8 1 50
et Ethiopie. — Histoire des relations «le la
France avec l'Abyssinie chrétienne. In-12 hr. DEVH.L.E — Partage
3 50 (V.). «le
l'Afrique. —
CAIX (R. de). — Faclioda. La France Exploration, colonisation,
état politique. Un fort vol. in-12 de 464pages,
et l'Angleterre. 1 vol. in-12 br. cartes. 3 50 avec 6 cartes !i
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XSLiie — PARIS
«¥, Bonaparte

DOUL.IOT (M.) — Journal du rique et descriptive). Un vol. in-8 br. avec


carte 125
Voyagre fait à la côte Ouest de Ma-
dagascar (1891-92).In S br., carte .. 4 » MA.TTEI (Commandant). '—. Bas-BJi-
DUJARRIC (Gaston). — Souve- ger, Bénoué, Dahomey. In-8 br., illust.
nirs d'escales et de traversées. 5 >
In-12 3 50 MIÎKOBÎ(Louis). —Une question Africaine.
lu 8 br. 1 50
FALLOV. — fïotïce administrative, éco-
nomitjuc et commerciale sur la Tunisie. MOUJLIÉBAS (A.). - Le Maroc inconnu.
In-8 br 2 » lro partie : Exploration du Rif (Marocsepten-
FOA. — Voyage en Afrique, 1>'°série, album trional) avec cartes inédiles du Rif et de chaque
tribu au 1/250,000».In-8 br 7 »
de 10 pbototypies. Afrique centrale. In-4.°,toile.
3 s PAYY (A.). — L'Expédition de Mores,
FOBEST (,1. Aîné). - L'autruche à tra- I vol. in-12 br. avec cartes, portraits et gra-,
vers l'Afrique. In-12br 1 50 vures 2 »
«%VIfc.BJ«rïl (Aristide). - L'Angleterre PEWSA (Ch.), ingénieur agricole, chargé de
épuise l'Egypte. Les ûnances Egyptiennes mission par le Ministère de l'Agriculture. —
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relié, contenant 4 caries de MM.Grandidier
et du 11.P. Roblet el.9 tableaux synoptiques. Tripoli. Lettres de personnages Sahariens k
l'appui. In-8 br l 50
au Zam- POLIGWAC (Colonelde). - Etude prélimi-
GVYOT. (P\),.—^,oy»so naire sur la réorganisation de lAlgérie. In-8
bèxe. In-8 br. carte^tM planches.... 5 » br 1 25
HOÏJDAS (O.), professeur à l'Ecole des POLMiirVAC (Colonelde). --France et Isla-
langue*'orientales vivantes. —Priscis de misnic. Iu-8 br 1
grammaire arabe. ICtudi!de l'arabe POLIONAC (Colonelde). — La France vas-
régulier et de l'arabe vulgaire. Ia-8, cartonné. sale de l'Angleterre. Tanger donné aux
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cis de grammaire arabe). In-8 br 2 » maire de la langue Mandé. In-S hr. 5 »
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et à l'u- SALUA (L. de). — Obock. Imploration du
français-arabe arabe-français,
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çais-fang oit iiahouin. Iu-12 br 12 » et Tonkin. Organisation du Protec-
[iËSOitlUE.V» (••-)• — Questions algé- torat. Cours de législationetd'administration
riennes, lie péril étranger. 1 fort in-8 ' br. auuamites. tin vol. iu-12,br. 353pages. G »
3 50 VEBDIEBl
(A.). — Trente-cinq années de
MACQUAB.IE. — Voyage à Mada- lutte aux Colonies(côte occidentaled'Afrique).
gascar. In-12 br. Planches A » 1 vol. in-8 ill. 7 50
MAE-iLESOrV.— Histoire des français dans VI VARIÉS. — Pour les venger. Un raid sur
l'Inde. In-8 br 7 50 l'Alioggar(Sahara). 1 vol. in-8 carte.... 2 25
HAUTS %IÈBE (H.-M. P. de La). - No- VOWJLGRE
Maroc. vol. in-8 avec (docteur). — Le Congo Fran-
tice sur le Un carte.
2 ;> çais, le Loaugo et la vallée du Kouilou.1 vol.
in-12 br. avec 2 cartes et un vocabulaire;
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sion par le Ministre de l'Instruction publique.
— Itinéraire de Fesr. à Oitdjda suivi en WOLFROM (G.) - Le Maroc. Etude
1891.(Extrait du bulletin de géographie histo- commerciale et agricole. In-8 br....... 2 25
BUT
" Archives
" Diplomtips
de la Revue de l'Islam Recueil Mensuel International

de Diplomatie et d'Histoire
Bien que la France compte aujourd'hui
parmi ses sujets un nombre considérable PUBLIÉ LADIRECTION
SOUS DE
de mahométans, et qu'elle ait de grands
intérêts communs avec les peuples qui sui- M. LOUIS RENAULT
vent la Loi du Coran, le public français est
Professeurde Droitdos gensà la Facultédo Droit
,peu ou mal renseigné sur l'islamisme et se Paris et à l'EcoleIibro desSciencespolitiques,
fait généralement l'idée la plus fausse des
Présidentdol'InstitutdoDroitinternational.
musulmans..
C'est pourquoi la Revue de l'Islam s'atta-
che à faire connaître le monde islamique : Fondéesen 1861dans le but de recueillir et de
moeurs, religion, traditions, littérature, grouper tous les documents officielsrelatifs aux
•arts, institutions, politique, etc., en pu- grandes questions internationales, les -Archives
bliant des voyages, des chroniques, des Diplomatiques ont enregistré une quantité pres-
études, rédigés par des orientalistes, des qu'inealculable de pièces diplomatiques.
voyageurs, des publicistes chrétiens et Ce qui caractérise les Archives Diplomatiques,
musulmans. c'est le soin que la Directiona pris de rapprocher
La Revue de l'Islam est la seule publi- les documentssimilaires émanés des divers gou-
cation au monde qui soit exclusivement vernements et, dans une même négociation, de
consacrée à la vulgarisation de l'islamis- mettre eu corrélation les prétentions et les vues
me : elle a été fondée en 1895 et s'adresse des divers intéressés.
-chez nous à tous ceux qui souhaitent Les Archives Diplomatiques paraissent régu-
voir la cordialité et l'estime régner entr» lièrement tous les mois en une livraison grand
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La Revue de l'Islam paraît tous les mois par an.
et contient de nombreuses illustrations. Le prix de l'abonnement est de SOfr. pour la
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«!t Ethiopie. — Histoire des relations de la
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sion par le Ministre de l'Instruction publique.
— Itiiiéraii-it «SeFer à CV.HÏ.filasuivi en WOLFSLOM (G.) — Le Maroc. Elude
1891.(Extrait du bulletin de géographie liislo- commerciale et agricole. Iu-8 br 2 25-
Sommaire des N<SUP>os</SUP> 50 et 51 (Janvier et Février 1900)
La France et l'Islam
Ct NAPOLEON NEY
Les débuts et la fin du Khalife Abdullahi
GASTON DUJARRIC
L'Islam à Sierra-Leone (par JUSUFF INMANN), traduit de l'anglais par
LUCIEN HEUDEBERT
Poésie populaire, Proverbes et sentences arabes
HENRI CARNOY
Les Chrétiens en Perse
M. S.
La Peinture et la Sculpture chez les Musulmans
FLORIAN PHARAON; LOUIS VIARDOT
Revue générale
ANDRE RICAUD
Bibliographie
TABLE DES MATIERES Contenues dans le tome V (Année 1900) DE LA REVUE DE L'ISLAM
LA FRANCE ET L'ISLAM: Ct Napoléon Ney
L'ISLAM..., L'ISLAM..., ENCORE L'ISLAM: Caston Dujarric
L'ISLAM: S. E. Ahmed Midhat Effendi
LES FRANCAIS AU TOUAT
LES FRANCAIS A IN-SALAH
PROPAGANDE MUSULMANE EN AFRIQUE (Devons-nous la redouter?). Dr E. Verrier
LA VERITE SUR LES KHOUAN D'ALGERIE: E. Mercier
UNE FORCE NAVALE DANS L'AFRIQUE DU NORD
LE NOUVEAU GOUVERNEUR DE L'ALGERIE: G. D.
L'EXPLORATEUR DE BEHAGLE
TUNISIE (Notes sur la): Lucien Heudebert
LES DEBUTS ET LA FIN DU KHALIFE ABDULLAHI: Gaston Dujarric
L'ANGLETERRE AU SOUDAN: Lucien Morel
GOLFE PERSIQUE: Convention internationale pour la surveillance sanitaire
LES CHRETIENS EN PERSE: M. S.
LES ANGLAIS EN OMâN: Viator
LES PROTEGES FRANCAIS DE SOUR (Omân): Bahet
LES MARCHANDISES PROHIBEES EN TURQUIE
LA FEMME OTTOMANE
LES MUSULMANS DE BOSNIE-HERZEGOVINE; leurs doléances, leurs voeux
L'ISLAM A SIERRA LEONE: Iusuff Inmann, traduit de l'Anglais par Lucien Heudebert
LITTERATURE ARABE: Le livre des mille nuits et une nuit, trad. par C. Mardrus
UN CONTE DES MILLE NUITS ET UNE NUIT, trad. par C. Mardrus
LA DJAMA DE CORDOUE: C. Mallat de Bussilan
LA MONTAGNE DE ZERHOUN ET LA CHAINE MERVEILLEUSE: Cheikh Ennader
POESIE POPULAIRE. - Proverbes et sentences arabes: Henry Carnoy
UNE TABLE DIVINATOIRE ARABE: O. Houdas
LA PEINTURE ET LA SCULPTURE CHEZ LES MUSULMANS: Florian Pharaon. - Louis Viardot
UNE NOUVELLE SALLE D'ART MUSULMAN AU LOUVRE: Thiébault-Sisson
BIBLIOGRAPHIE
REVUE GENERALE: André Ricaud
Sommaire des N<SUP>os</SUP> 52 et 53 (Mars et Avril 1900)
Les Français au Touat
Une table divinatoire
O. Houdas
Notes sur l'Histoire de la Tunisie
Lucien Heudebert
Devons-nous redouter la propagande musulmane en Afrique?
Dr E. Verrier
Une force navale de l'Afrique du nord
Revue générale
André Ricaud
Littérature Arabe. - Le livre des mille nuits et une nuit
Sommaire du N° 54 (Mai 1900)
Notes sur l'Histoire de la Tunisie
Lucien Heudebert
Les Français à In-Salah
L'Angleterre au Soudan
Lucien Morel
Revue générale
André Ricaud
Bibliographie
Sommaire du N° 55 (Juin 1900)
L'Islam... l'Islam... encore l'Islam Gaston Dujarrie
Les Français à In-Salah
Revue générale.
Bibliographie.
Sommaire du N° 56 (Juillet 1900)
L'Islam, par S. E. Ahmed Midhat Effendi
La Djama de Cordoue
C. Mallat de Bassilan.
Un Conte des mille nuits et une nuit
Les Anglais en Oman
Viator
Revue générale
André Ricaud
Bibliographie
Sommaire du N° 57 (Août 1900)
Notes sur la Tunisie (suite)
Lucien Heudebert
Un Conte des mille nuits et une nuit (fin)
Les protégés français de Soum (Oman)
Bahet
La Femme Ottomane
Marchandises prohibées en Turquie
Bibliographie
Sommaire du N° 58 (Septembre 1900)
Notes sur la Tunisie (suite)
Lucien Heudebert
Une nouvelle d'art Musulman au musée du Louvre
Thiébault Sisson
Convention internationale sur la surveillance du Golfe Persique
Sommaire du N° 59 (Octobre 1900)
La vérité sur les Khouan d'Algérie
E. Mercier
Notes sur la Tunisie (suite)
Lucien Heudebert
Convention internationale sur la surveillance du Golfe Persique
La montagne de Zerhoun et la chaîne merveilleuse
Cheik Ennader
Sommaire du N° 60 (Novembre 1900)
Les musulmans de Bosnie-Herzégovine
Un musulman
Notes sur la Tunisie (suite)
Lucien Heudebert
Convention internationale sur la surveillance du Golfe Persique
Bulletin bibliographique
Sommaire du N° 61 (Décembre 1900)
L'explorateur de Béhagle
Le nouveau Gouverneur de l'Algérie
G. D.
Revue générale
André Ricaud
Bulletin bibliographique
C. Mallat de Bassilan
Table des matières

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