Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
1/ Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupart des reproductions numériques d'oeuvres tombées dans le domaine public provenant des collections de la
BnF.Leur réutilisation s'inscrit dans le cadre de la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 :
*La réutilisation non commerciale de ces contenus est libre et gratuite dans le respect de la législation en vigueur et notamment du maintien de la mention de source.
*La réutilisation commerciale de ces contenus est payante et fait l'objet d'une licence. Est entendue par réutilisation commerciale la revente de contenus sous forme de produits
élaborés ou de fourniture de service.
2/ Les contenus de Gallica sont la propriété de la BnF au sens de l'article L.2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques.
*des reproductions de documents protégés par un droit d'auteur appartenant à un tiers. Ces documents ne peuvent être réutilisés, sauf dans le cadre de la copie privée, sans
l'autorisation préalable du titulaire des droits.
*des reproductions de documents conservés dans les bibliothèques ou autres institutions partenaires. Ceux-ci sont signalés par la mention Source gallica.BnF.fr / Bibliothèque
municipale de ... (ou autre partenaire). L'utilisateur est invité à s'informer auprès de ces bibliothèques de leurs conditions de réutilisation.
4/ Gallica constitue une base de données, dont la BnF est le producteur, protégée au sens des articles L341-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle.
5/ Les présentes conditions d'utilisation des contenus de Gallica sont régies par la loi française. En cas de réutilisation prévue dans un autre pays, il appartient à chaque utilisateur
de vérifier la conformité de son projet avec le droit de ce pays.
6/ L'utilisateur s'engage à respecter les présentes conditions d'utilisation ainsi que la législation en vigueur, notamment en matière de propriété intellectuelle. En cas de non
respect de ces dispositions, il est notamment passible d'une amende prévue par la loi du 17 juillet 1978.
' Pages
La France et l'Islam Cl NAPOLÉON NEV. . . 1
Les débuts et la fin du Khalife Abdullahi GASTON DUJAIUUC ... 8
L'Islam à Sierra-Leonc (par JUSUFF INMANN), traduit de l'anglais par LUCIENHEUDEUERT.14
Poésie populaire, Proverbes et sentences arabes. . . . HENRICARNOY .... 16
Les Chrétiens en Perse . M. S 19
La Peinture et la Sculpture chez les Musulmans. FLORIAN PHARAON ; Louis VIARDOT. 21
Revue générale ANDRÉRICAUD.... 22
Bibliographie 38
REVUEDE L'ISLAM
ANNÉE ' !i
[çiNj^ujlEMgj
( 1900)
Nts 50 et 51. Janvier et Février 1900.
REmJjEKEÉE L'ISLAM
M FRANCE ET LiSUM
Dans un précédent numéro (T. IV, p. 70), nous avons signalé, parmi les voeux
lus au Congrès des Sociétés de Géographie, à Alger, celui qui avait été formulé
par M. le commandant Napoléon Ney. Nous avons aujourd'hui la bonne
fortune de pouvoir donner m extenso ce document d'une haute importance dont
il n'a encore été, croyons-nous, publié que des extraits.
Depuis longtemps, on agite chez nous les projets les plus contradictoires sur
la conduite que la France doit tenir a l'égard du monde musulman. Nous ne
pouvons songer à en faire ici la critique. Ils offrent tous de bons et de mauvais
côtés. D'ailleurs, tout le monde prend la parole dans ce débat, surtout ceux
qui ignorent le premier mot de la question — et ceux-là, hélas, ne sont pas les
moins écoutés. Pendant que l'on discourt, les événements se succèdent. Il
est peut-être urgent d'agir. La nécessité pour la France d'avoir une * poli-
tique musulmane » est reconnue par tout le monde : il faut donc en adopter
une, et sans retard, car ce que la France ne réaliserait pas, une autre puissance
le réaliserait peut-être à notre détriment.
Cette politique, que doit-elle être? Brutale, coercitive, il n'y faut pas son-
ger, quoi qu'en disent les arabophobes et les ignorants; on ne réduira pas le
monde musulman seulement par la force ; il est même certain, pour nous, qu'on ne
le réduira jamais complètement. La politique que l'on doit adopter sera donc
conciliante tout en restant ferme. On ne veut point dire qu'il ne faut pas se
garder contre des attaques possibles de l'Islam ; on veut dire que, dans la con-
duite des peuples comme dans l'hygiène des individus, il vaut mieux prévenir
que guérir; que le moyen le plus sûr d'éviter dans l'avenir les agressions ou
les révoltes des musulmans, c'est de travailler dès maintenant à leur enlever
toute raison de nous assaillir ou de se révolter.
La France peut, elle doit, môme, tenter aujourd'hui d'achever et d'étendre,
2 REVUE DE L'ISLAM
avec l'appui du gouvernement, une institution telle que celle dont se pré-
occupe notre collaborateur.
Ce projet, le voici :
L'Europe ne peut pas, malgré ses efforts, connaître les ressorts intimes du
monde musulman, qui est resté de tout temps impénétrable pour un esprit
chrétien.
L'Islam n'est pas une simple religion. C'est une espèce de maçonnerie théo-;
cratique, une congrégation militaire, une formidable machine de guerre.
L'Islam a échoué devant l'Europe parce que certains obstacles, étrangers à
son essence, l'ont mis dans l'impossibilité d'accepter le secours des sciences
européennes.
L'Islam a été paralysé par l'absence d'une direction intellectuelle.
Pour ceux qui ont pu pénétrer dans l'âme de l'Islam, il ne peut y avoir le
moindre doute que deux cents millions d'hommes, c'est-à-dire des millions de
martyrs armés pour la cause de Dieu, dirigés par une organisation savante,
pourraient changer la face de l'Asie et de l'Afrique.
L'Islamisme vaincu par ses fautes, humilié et poursuivi sur tous les points,
a fini par découvrir le vice mortel de son organisme usé. Après de longues
et douloureuses expériences, il a trouvé dans son propre sein la formule
d'une réorganisation qui répond merveilleusement aux besoins et à l'esprit de
tous les peuples musulmans.
En ce moment, il se produit dans le monde musulman un mouvement qui ne
ressemble à rien de ce que l'histoire de l'Islamisme a enregistré jusqu'à ce jour.
Ce mouvement est dirigé vers les lumières européennes, par des prin-
cipes nouveaux.
Cet Islamisme reconstitué, qui a pris une extension rapide bien qu'il ne se
soit pas encore manifesté extérieurement, a besoin de s'appuyer sur une al-
liance européenne.
Parmi les trois grandes puissances qui ont des relations avec l'Islam, la
REVUE DE L'ISLAM
France laïque est, sans comparaison, la mieux placée pour amener une entente,
qu'une politique habile pourrait rendre la plus féconde de notre temps.
Inutile d'appuyer sur les avantages de cette alliance. La question est de
savoir comment y arriver.
Un point est certain. C'est que cette entente ne sera jamais réalisée par
aucun des moyens employés jusqu'ici.
Toute l'histoire moderne nous montre ce fait constant, extraordinaire et en-
core nullement expliqué, que l'Europe, avec toutes ses victoires, tous ses tré-
sors, toute sa diplomatie, tous ses missionnaires, n'a jamais pu amener le
moindre rapprochement sincère entre elle et l'esprit de l'Islam.
Les peuples musulmans ont été battus de toutes les manières; leurs pays
ont été tour à tour occupés, protégés, annexés, subjugués, mais l'esprit de
l'Islam est resté toujours rebelle, inébranlable, indestructible, irréductible.
Il est hors de doute, pour ceux qui connaissent l'Islam, que tous les pro-
cédés des puissances européennes vis-à-vis des peuples musulmans n'ont servi
qu'à rendre plus implacable la haine de l'Islam pour tout ce qui vient du
monde chrétien.
Malgré les abîmes qui ont séparé et qui séparent encore l'Europe du monde
musulman, les chefs du mouvement actuel sont fermement persuadés qu'au-
jourd'hui, avec l'Islamisme reconstitué, une entente entre la France et l'Islam
est parfaitement réalisable.
En étudiant quelques principes mal connus et en observant certains faits
incontestables (nous sommes prêts à indiquer les uns et les autres), on arri-
vera facilement à cette conviction que, dans les circonstances actuelles, le gou-
vernement français, sans se créer aucune espèce d'embarras, peut, dès à pré-
sent, s'assurer une alliance formidable dont les effets immédiats se feraient
sentir du Maroc à l'Extrême-Orient.
Si l'idée de cette alliance paraît digne de quelque attention, nous sommes
prêts à en exposer dans leurs détails les moyens pratiques, également adaptés
à la situation des deux parties.
Nous allons terminer cette courte note par quelques mots qui donneront,
s'il est possible, une idée plus claire et plus précise du projet.
II
Un point capital que les chrétiens perdent souvent de vue est le suivant :
Le gouvernement légitime de l'Islam est une église dont la base est essen-
tiellement démocratique.
Le grand malheur de l'Islam a été qu'ayant pris pour base la démocratie, il
n'a rien su organiser pour se maintenir sur cette base.
Dès le commencement, l'usurpation et l'absolutisme se sont emparés de
l'Islam.
Partout, à travers toute son histoire, on ne voit qu'une lutte continuelle
entre la théorie et le fait.
REVUE DE L'ISLAM
que très peu d'Européens, familiers avec les choses de l'Islam, ont eu occasion
ou besoin d'approfondir. Nous les ferons connaître à leur heure.
Aujourd'hui nous nous contentons d'affirmer une fois de plus que la France,
sans encourir aucun danger, sans s'imposer aucun sacrifice, peut rendre cette
idée aussi réelle, aussi féconde que n'importe quelle autre conception politique
de nos jours.
Par où faudra-t-il commencer?
Posons d'abord un principe. Ici rien ne doit se faire d'une manière officielle.
Tout doit se préparer par des moyens privés, indirects, strictement conformes
aux exigences dé l'orthodoxie musulmane.
On commencrait donc par former à Paris, tout à fait en dehors du gouverne-
ment, une société ayant un but philanthropique quelconque, par exemple :
l'Etude des rapports moraux et le rapprochement social entre la France et les
peuples musulmans.
Celte société, d'un petit nombre de membres, évitant au début toute publi-
cité, serait composée de personnages partisans de la politique coloniale de la
France et réputés amis des peuples musulmans.
Le premier soin de cette société serait de faire venir spontanément (nous nous
chargeons de ce résultat) cinq ou dix Cheikhs, Imans, Muljlaheds, évoques, car-
dinaux, patriarches musulmans parmi les plus réputés docteurs de l'Islam, de
Constanlinople, de Bagdad, de Bombay, etc.. choisis parmi les plus avancés
et recommandables par leur savoir orthodoxe.
Bien entendu cette première tache demanderait un tact et des procédés
extrêmement délicats que la Société philanthropique aurait à étudier en par-
ticulier.
Ces Cheikhs, ces Docteurs de la Loi musulmane arrivés à Paris forme-
raient immédiatement, mais toujours sans aucune intervention officielle, un
comité purement musulman, ayant pour objet la protection des intérêts reli-
gieux de l'Islam.
Ce Comité, avec un ou deux organes arabes, persans, turcs (imprimés en
triple langue) se mettrait directement en rapports avec le monde musulman.
Pour donner une idée du rôle de ce Comité dans l'état actuel de l'Islam, il
faudrait entrer dans de longs détails sur la constitution et sur les hiérarchies
extrêmement compliquées des églises musulmanes.
Il suffit, pour le moment, de dire que ces Cheikhs réunis à Paris dans les
conditions voulue?, se trouveraient naturellement érigés en Conseil central du
monde musulman.
Ce Conseil central, s'appuy.int sur les principes élevés de l'Islam, agissant
sur un terrain libre, élargissant à sa volonté le cercle de son action, arri-
verait bientôt à concentrer entre ses mains une autorité illimitée.
Nous hésitons à dire le mot qui paraîtra démesuré à un jugement chrétien.
Mais il est certain que ce Conseil des Cheikks réunis à Paris deviendrait néces-
sairement, par la force des choses, le sacre collège, le Concile permanent de
l'Islam.
REVUE DE L'ISLAM
Nous sommes prêts à l'aider de tous nos efforts et de toutes nos forces à
réaliser pour la France l'oeuvre présentée.
Si cette idée est bien accueillie nous sommes prêts à la mettre à exécution.
NAPOLÉON
NEY.
(,)
LES DEBUTS & LA FIN DU KHALIFE ABDULLAHI
En 1885 le Prophète sur le point de mourir le désigna pour lui succéder, pour
continuer ses conquêtes et achever son oeuvre.
Il devait régner pendant plus de treize ans sur ce Soudan que le fanatisme,
livré à son prédécesseur.
plus encore que la force des armes, avait
On sait par la presse quotidienne que Osman-Digma a été pris par les Anglo-
Égyptiens dans le courant de janvier 1900. Dans notre prochain numéro, nous
raconterons la vie mouvementée de ce personnage.
L'ÏSLAM A SÏERRA-LEOKE
Salam Alickoum!
Mon cher Sheikh el frère, — après un voyage d'une semaine je suis arrivé
ici, de Sierra-Leone, sans accident le 8 avril. Un vapeur espagnol est parti
d'ici il y quelques jours, mais j'ai préféré attendre le paquebot anglais, car je
crois que vous recevrez celte lettre plus tôt en l'envoyant ainsi.
Je vais maintenant vous donner une courte description de l'aimable accueil
que j'ai trouvé auprès des Musulmans de Sierra-Leone. Quelques minutes après
que le Niger eut jeté l'ancre, un bateau partit du rivage avec trois des frères de
l'endroit, vêtus de leurs pittoresques et gracieux habillements — la longue
robe de couleur et le fez — qui vinrent à bord, el au nom du frère Sanussi et
des Musulmans de la colonie, me souhaitèrent la bienvenue d'une façon très
fraternelle. Alors je me rendis à terre dans leur barque et fus reçu au débar-
cadère par d'autres frères musulmans. Une chaise à porteur m'attendait et
nous nous mîmes en route pour la maison du frère Sanussi, nous arrêtant à
« Wilherforce Hall » et au bureau de poste. Parmi les habitants blancs quelques-
uns avaient l'air surpris en voyant notre petite procession. Tous les Musul-
mans auprès desquels nous passâmes me rendirent le « salaam » fraternel et
beaucoup d'entre eux me donnèrent une poignée de mains.
En arrivant à la maison du frère Sanussi dans la ville de Toulah, je m'aperçus
qu'une assistance nombreuse s'y trouvait, une grande partie ne pouvant pas
entrer dans la maison. Quelques minutes après, j'eus l'inexprimable plaisir de
serrer la nmin de notre vice-président et frère, Mahomed Sanussi. Il me pré-
senta l'Imam, le Muezzin et beaucoup d'autres. Continuellement, il y avait des
frères qui arrivaient, et vous dire que je me sentais heureux ne serait qu'une
faible façon de vous exprimer ce que j'éprouvais. Beaucoup d'entre eux par-
laient anglais, el frère Sanussi el l'Imam servaient d'interprètes pour ceux qui
ne comprenaient pas. Après une longue conversation, pendant laquelle on me
posa des questions sans fin sur vous, sur la bonne cause, sur l'Asile Médina et
le Collège, frère Sanussi en quelques mots me souhaita la bienvenue d'une
façon réglementaire, exprimant la joie qu'il avait de voir encore une fois un
membre de la Mosquée de Liverpool, et disant combien tout ce qui se rappor-
tait au progrès d'Islam dans les Iles Britanniques leur tenait au coeur; « car »,
ajouta notre frère, « ii ne faut pas limiter vos efforts à Liverpool ou à l'An-
gleterre seulement, mais encore ne perdez pas de vue — au moins ceux qui
trouvent l'occasion de voyager en province — qu'il y a une grande étendue
au delà de cette cité. »
REVUE DE L'ISLAM 15
_r .
POÉSIE POPTjIkflit^E,
Tous les peuples ont eu à leur origine des poètes, des improvisateurs, qui,
doués de plus d'imagination et de mémoire que les autres, conservaient dans
leur esprit les annales des anciens et brodaient sur celte histoire toutes sortes
de poésies tour à tour martiales ou amoureuses, sauvages ou mélancoliques,
mais toujours du plus grand effet sur l'âme simple el naïve de leurs auditeurs.
Tels furent les aèdes et les rapsode, chez les Grecs, les bardes en Bretagne,
les scaldes dans les pays Scandinaves, les troubadours en France, les mein-
singer en Allemagne, et tels sont encore les chanteurs populaires des pays
musulmans.
On a pu remarquer que la poésie prend surtout un grand développement
dans les contrées ou les plus chaudes ou les plus froides, que le style est
coloré, brillant, voisin de l'emphase dans les productions des gens du Midi,
et qu'au contraire il est triste, doux, mélancolique, empreint de rêverie sous le
pâle soleil du Nord. C'est que la poésie est un miroir fidèle où le peuple vient
se refléter tel qu'il est, avec ses vertus et ses défauts, ses vices et ses qualités;
de telle sorte qu'à la simple audition d'une production populaire, on sent der-
rière le poète sa nationalité. Ainsi est-il des Arabes.
Comme tous les peuples de race sémitique, leur slyle brille surtout par les
comparaisons; chaque point amène nécessairement une image. Veut-il décrire
une femme accomplie, le poète dira :
Seslèvressontvormoilloscommolo liannali,
Sesdentssontdo l'ivoirepoli.
Soncou,c'est un drapeau
Quise drossoau jour du combat.
Lossoinsdosa poitrino
Sontcommodo l'argentmal;
REVUE DE L'ISLAM 17
C'est bien là cette même forme qu'on rencontre à chaque instant dans la
Bible et particulièrement dans le Cantique des Cantiques.
L'amour, voilà surtout le motif que le barde populaire ou que le chanteur
arabe invoque le plus souvent.
Mais c'est quatre vingt-dix neuf fois sur cent un amour de pure imagination.
L'Arabe chante souvent des charmes qu'il ne lui a pas été donné de contem-
pler, car, ainsi qu'on le sait, l'accès des harems est difficile à tout autre
homme que le mari. Et l'amoureux qui fait entendre son ardent cantique en
est maintes fois réduit à aimer... de confiance, sur la foi de descriptions sa-
vamment embellies que lui a faites quelque officieuse intéressée.
De là ces raffinements d'expression, ces préciosités de sentiment, ces abs-
tractions de quintessence, comme le dit excellemment M. Gabriel Vicaire, à
propos des Italiens; el si nous citons ici les Italiens, ce n'est pas sans raison.
Leur poésie populaire touche par bien des points à celle des Arabes. Écoulez
plutôt cette chanson d'au-delà des Alpes :
• Douxrosesrosossontvos joues,vos cils deuxpetits arcs d'amour.— Vousavoz une paire d'yeux
qui paraissentdouxlancos; — L'air et la terre on sont émerveillés.—Vousavezune paired'yeuxqui
sontsi beaux! — Commedes couteauxils m'ont traverséle coeur.— Vousavez une pairod'yeuxqui
font l'amour; — Us tirent leurs rayons du ciel, et vontau coeur!»
Quoi qu'il en soit, les bardes et les chanteurs populaires sont hautement
appréciés dans tous les pays arabes. Il se font surtout entendre dans les cafés
maures au milieu d'un cercle d'indigènes assis gravement sur des naltes et
dégustant leur café tout en fumant la pipe.
Des musiciens sont avec eux, cinq ou six. Les uns jouent du rebcb et de la
Revue de l'Islam, N° de Février 1900. 2
18 REVUE DE L'ISLAM
mandoline à deux cordes qu'ils font vibrer en les grattant avec une plume ou
un roseau ; d'autres soufflent dans une sorte de hautbois au son plaintif dont
les notes filées ne manquent pas de charme. L'orchestre est complété par le
derbouka qui ressemble assez à nos cymbales. Quelquefois, cette musique est
agrémentée du bruit de castagnettes en fer que des nègres agitent avec force
en dansant.
Le chanteur fait la joie des dilettanti indigènes que rien ne réjouit comme
les récits de ces narrateurs nomades qui célèbrent des événements ou des
sentiments cbers au souvenir des assistants.
« L'improvisateur, dit M. des Godins de Souhesmes, excelle à remuer la
fibre de l'auditoire; il se passionne, s'identifie avec son discours, montre par-
fois une véritable éloquence et captive l'assemblée par le jeu de sa physio-
nomie, ses poses, l'expression des yeux et sa mimique tour à tour triste ou
sentimentale, gaie ou véhémente, selon les phases diverses de l'épopée dont
il développe les péripéties. Ajoutons que ces déclamalcurs n'ont pas seulement
le talent de comédiens exercés, ils sont riches en imagination et possèdent sur-
tout certain esprit poétique qui les sert à merveille. »
Leurs chansons sont gracieuses, parsemées d'ingénieuses métaphores et em-
preintes d'une passion excessivement communicative.
« J'ai vu — dit le major Denham, — un cercle d'Arabes immobiles d'atten-
tion faire tout à coup entendre un bruyant éclat de rire, puis fondre en larmes
et se tordre les mains avec toute l'expression de la douleur la plus vive et la
plus sympathique. »
11 n'y a pas que des chansons d'amour chez les Arabes. Comme les autres
peuples, ils ont des lamentations funèbres pour pleurer les défunts, des chants
de danse et particulièrement pour celle des aimées, des airs pour stimuler
l'ardeur des chameaux ou des animaux de labour ou de trait, des refrains
guerriers parfois du plus grand effet.
Les enfants ont des rondes et des airs naïfs analogues à ceux que chan-
tent les petits garçons et les petites filles, le soir, à la porte de nos demeures.
Ainsi les jeunes Kabyles dansent en répétant :
Les proverbes, les dictons et autres sentences toutes faites qu'on a nommées
la Sagesse des Nations, nous ne savons trop pourquoi — ces jugements n'allant
jamais seuls, ayant toujours leurs opposés el par conséquent ne signifiant rien,
REVUE DE L'ISLAM 19
On voit que ce n'est pas toujours par la morale telle que nous l'entendons que
brillent la majeure partie de ces proverbes et de ces sentences ! Ils sont bien le
fidèle reflet du caractère et des moeurs des Arabes, grands par certains côtés,
mais qui par d'autres sont restés de grands enfants.
HENIUCAHNOY.
« Bien que la civilisation ail été portée bien plus tard en Perse qu'en Tur-
quie, bien plus voisine de l'Europe, ait reçu plus de lumière civilisatrice, ce-
pendant les Persans sont loin d'être aussi sauvages que les Turcs; bien au
contraire, les Persans sont d'un naturel très calme et très pacifique; bien fana-
tiques comme le sont tous les mahométans, cependant ce fanatisme ne va
jamais jusqu'à la barbarie. Les mushtaheds mêmes ont la réputation de ne
faire jamais que ce que les lois et l'équité demandent.
« Le gouvernement persan a toujours été le protecteur des chrétiens, et, de-
puis plus de trois cents ans que les Arméniens ont été amenés en Perse, ils
n'ont eu qu'à se louer de la bonne administration des souverains persans.
20 REVUE DE L'ISLAM
Jamais aucun acte de cruauté n'a élé commis envers eux, et les princes les
ont. toujours protégés, même contre leurs propres coreligionnaires.
« Depuis plus de trente cinq ans que je suis à Ispahan, je n'ai jamis vu un
chef quelconque agir contre les chrétiens; jamais un acte d'injustice n'a été
commis envers un Arménien. Ce sont les princes qui viennent en aide par
leurs secours d'argent pour nos églises et nos écoles. Le feu et regretté roi,
Nasser-ed-Din, se nommait lui-même le père de ses sujets chrétiens. Le roi
actuel, Mozaffer-ed-Din, s'est proposé de suivre en tout les traces de son au-
guste père. »
Ces déclarations méritent d'attirer l'attention de tous ceux qui s'intéressent à
la grave question d'Orient. Les chrétiens, en effet, jouissent, en Perse, d'une
liberté absolue; le souverain est non seulement fort bien disposé à leur égard.,
mais encore, ainsi que le dit.le P. Arakéhan, il leur accorde des subventions
pour leur permettre d'édifier des églises et d'entretenir des écoles; la popula-
tion musulmane, qui forme la grande majorité des sujets persans, ne témoi-
gne aucune hostilité envers eux el ne cherche à leur causer aucun préjudice
dans leurs personnes ou dans leurs biens.
Les Kurdes sont nombreux en Perse, leurs tribus sont en tous points sembla-
bles, au triple point de vue de la race, de la religion (1) et des moeurs, à
celles qui dépendent de l'empire ottoman. Or, tandis que ces derniers mas-
sacraient sans pitié tous les chrétiens qui leur tombaient sous la main, les
premières demeuraient calmes et pacifiques et continuaient à vivre en parfaite
harmonie avec les chrétiens répandus parmi elles.
Si en Perse rien d'anormal ne s'est produit pendant les trislcs événements
d'Arménie, c'est grâce à la sagesse et à la prévoyance du gouvernement el des
autorités persanes.
Aussitôt que le shah fut au courant des événements qui se passaient à une
petite distance de la frontière de son royaume, il s'empressa de donner des
ordres pour qu'un cordon de troupes fût placé de façon à arrêter toute tenta-
tive éventuelle d'incursion de la part des Kurdes ottomans sur le territoire per-
san; de plus, il confia à son fils et héritier présomptif, Mozaffer-ed-Dine, gou-
verneur de Tauris, le soin de prévenir tout désordre ou soulèvement de la
part des membres appartenant à des sectes fanatiques. Le prince déploya,
en ces circonstances, de brillantes qualités de militaire et d'administrateur,
son attitude ferme el énergique, les excellentes mesures prises par lui, conju-
rèrent tout danger et il n'y eut pas le moindre incident regrettable à enregistrer.
Le fils de Nasser-ed-Dine s'est montré le fidèle continuateur de sa politique
de progrès, de tolérance et de justice. 11est resté roi ce qu'il avait été comme
prince héritier, l'ami et le protecteur de ses sujets chrétiens.
Lorsqu'il répondit à la lettre que lui avait adressée Léon XIII pour le féli-
citer à l'occasion de son avènement, Mozaffer-ed-Dine lui exprima toute sa
sollicitude envers ses sujets chrétiens et catholiques en particulier, et termina
sa missive en recommandant lui et son peuple aux prières du Pontife!
M. S.
nous venons combattre le préjugé séculaire qui veut que la religion musulmane
défende la reproduction des traits humains soit par la peinture, soit par la
'
sculpture.
Une fausse interprétation de certains passages du H'aditt a pu seule pro-
hiber ces deux arts qui furent en honneur chez les musulmans au ve et au
vi° siècle de l'hégire.
C'est dans la tradition religieuse et non dans la religion qu'il faut rechercher
l'interdiction formelle de la reproduction des traits humains. Le Coran es*
muet à ce sujet et ce n'est que dans les h'aditt, conversations du Propftètecolligées
par les seKaba, ses compagnons, que l'on trouve la réprobation qui frappe les
arts de la peinture et de la sculpture. Ces Conversations, pieusement conservées
par la mémoire des compagnons du Prophète, furent transmises par ceux-ci
eux Tab'aïnn, et ce n'est qu'après avoir été reportées de bouche en bouche,
pendant deux siècles, qu'elles furent réunies en un volumineux recueil, qui
vient compléter la loi religieuse des mahométans. Quel que soit le respect que
les Tab'aïnn aient eu pour la transmission intégrale des entretiens sacrés du
Maître, il est permis de supposer que le texte primitif, confié seulement à la
mémoire humaine, a pu être parfois modifié involontairement : cela n'est pas
douteux; mais l'on rie peut nier aussi que dans une période de propagande
religieuse comme celle qui s'est écoulée pendant les deux siècles qui ont suivi
la mort du Prophète les docteurs, par suite des luttes à soutenir, n'aient été
portés à altérer de bonne foi la tradition verbale de Mahomet.
Nous prouverons plus loin que les ulémas et les princes musulmans, les
plus fidèles observateurs de la loi écrite, ont transgressé parfois la loi tradition-
nelle. Pour le moment nous fouillerons les h'aditt afin d'y trouver les textes sur
lesquels s'appuient les docteurs orthodoxes pour maintenir la prohibition de
la reproduction des traits humains par la sculpture et la peinture.
Deux fois dans sa vie, le Prophète s'est élevé d'une façon spéciale contre ces
deux arts. L'une et l'autre fois il avait pour but de combattre non l'art tel que
nous le comprenons, et qui lui était complètement inconnu, mais le métier de
confectionneur de figurines et d'enlumineur d'images dont faisaient commerce
les Arabes idolâtres.
« Malheur, s'écria la première fois Mahomet, malheur à celui qui aura peint
« un être vivant! Au jour du jugement dernier les personnages qu'il aura re-
« présentés s'élanceront hors du tombeau et viendront à lui en lui demandant
« une âme. Alors, cet homme, impuissant à vivifier son oeuvre, brûlera dans
celes flammes éternelles. »
Une autre fois il dit à ses compagnons, réunis la veille d'une course contre
une tribu idolâtre : « Dieu m'a envoyé contre trois sortes de gens pour les
« anéantir et les confondre : les orgueilleux, les polythéistes et les peintres.
« Gardez-vous donc de représenter soit le Seigneur, soit l'homme, et ne peignez
« que des arbres, des fleurs, des objets inanimés. »
Est-il possible de ne pas constater la corrélation que Mahomet établit dans
ce passage qui fait autorité entre les polythéistes et les peintres? — Est-il pos-
REVUE DE L'ISLAM
sible de croire que le Prophète avait un autre but que celui de stigmatiser les
fabricants d'idoles? — Dans l'état de barbarie dans lequel se trouvaient les
peuples qu'il voulait régénérer, est-il permis de supposer qu'il voulait atteindre
des arts qui ne florissent qu'à la suite d'une civilisation très avancée et qui
étaient complètement inconnus à cette époque?
C'est principalement sur ces deux passages que s'appuient encore de nos
jours les ulémas pour défendre la porlraicture proprement, dite. Cette interpré-
tation stricte des h'adill n'a pas toujours fait loi cependant, et des princes fer-
vents ont parfaitement compris que l'interdiction du Prophète ne s'adressait
qu'à la reproduction des traits humains appliquée, si nous pouvons nous expri-
mer ainsi, à la propagation de l'idolâtrie. A de certaines époques de leur his-
toire, les Arabes comptèrent des peintres et des sculpteurs célèbres, et la
peinture surtout atteignit chez eux un haut degré de perfection.
Dans les premières années de l'hégire, l'art était entièrement entre les mains
des Grecs et des Juifs: c'est à des artisans venus de Constantinople que Oualid,
fils d'Abdel-Malek, confia la construction de la mosquée de Damas. Parmi les
douze mille ouvriers qui concoururent à l'édification de ce monument, Ibn-Ba-
touta nous apprend qu'il y avait des peintres distingués qui l'ornèrent « par un
mélange habile de couleurs, de figures, d'autels et de représentations de toute
nature ». — Mouradja d'Ohsson rapporte que le père de ce calife, célèbre dans
les annales musulmanes, avait fait peindre l'image du Prophète sur les portes
du temple que sa piété avait fait élever à Jérusalem. Il ne faut pas oublier que
ce même calife fit frapper la monnaie à son effigie, le corps ceint de sa large
épée et les cheveux partagés sur le front, suivant la coutume des croyants du
icr siècle.
M. II. Lavoix, qui a fait une étude très intéressante sur les peintres musul-
mans, établit, par une citation irréfutable, que l'art de la peinture était en
grand honneur au ive siècle de l'hégire, et que les oeuvres arabes avaient
franchi les pays musulmans et pénétré dans les Indes et jusqu'en Chine.
ce C'est ce que nous apprend, dit M. II. Lavoix, le récit de lhn-Wahab, un
« Arabe qui, vers l'an 900 de notre ère, avait visité toute l'Asie orientale et
« pénétré dans la capitale du Céleste-Empire. Cet homme s'était établi à Bas-
ée sorah, de retour de ses longs voyages; là, il racontait qu'admis en présence
ce de l'empereur il avait été interrogé par lui sur l'état politique des royaumes
ic musulmans et sur les moeurs de ces pays lointains. Après de nombreuses
ec questions, l'empereur demanda à Ibn-Wahab s'il reconnaîtrait la figure du
Prophète.
« Le marchand répondit : Oui.
ee Un officier tira alors de la boîte où elles étaient enfermées des feuilles de
ce dessin qu'on fit passer sous les yeux du voyageur. Ibn-Wahab reconnut suc-
ce cessivement les divers prophètes de sa religion : Noé et son arche sainte,
ee Moïse armé de sa verge sacrée, et entouré des enfants d'Israël. — ce Voilà,
ce dit-il, Jésus sur son âne au milieu de ses douze apôtres; voilà la figure du
ee Prophète, mon cousin, sur qui soit la paix! »
24 REVUE DE L'ISLAM
L'article qu'on vient de lire fut bientôt suivi de celui-ci, signé par un autre critique
de grande valeur.
Je ne crois pas que l'interdiction de ces deux arts soit seulement consignée
dans le Hadijz, ou Recueil des causeries du Prophète ; et je ne crois pas non
plus que les Arabes, refusant à ce livre, pourtant canonique, la même irréfra-
gable puissance qu'au Koran, en aient interprété les paroles de manière à se
permettre, en un temps quelconque, la culture des arts plastiques. Je crois, au
contraire, que les Arabes proprements dits, ceux qui ont fondé l'Islam et
qu'on détruit ensuite les Mores en Espagne et les Turcs en Syrie, ont toujours
été de zélés iconoclastes, el n'ont jamais cultivé d'autre art que celui de l'archi-
tecture.
Le Koran dit, en effet (Sourate Y, verset 92) : ee0 croyants, le vin, les jeux
de hasard, les statues, sont une abomination inventée par Satan. Abstenez-
vous-en, de peur que vous ne deveniez pervers. » En parlant ainsi, Mahomet
ne faisait que reproduire la loi de Moïse : eeTu ne feras ni sculpture ni image
des choses qui sont dans le ciel, ou sur la terre, ou dans les eaux, ou sous la
terre; lu ne les adoreras pas et ne leur rendras aucun culte. » — eeSi tu m'é-
lèves un autel de pierre, tu ne le feras pas avec des pierres taillées; si lu y
mets le fer, il sera fouillé. » — eeTu élèveras un autel au Seigneur ton Dieu...
avec des roches informes et non polies... » (Exode, chap. XX, Deutéronome,
chap. XXVII). Et cette loi de Moïse reproduisait simplement la tradition d'A-
braham, de qui les Arabes descendaient par Ismaël, comme les Hébreux par
Israël (Jacob) : témoin la Pierre noire de la Kaaba, à la Mekke, qui passe pour
avoir été l'autel d'Abraham.
Cette loi d'Abraham, de Moïse, de Mahomet, était celle de toute la race sémi-
tique et monothéiste. Lorsque Salomon voulut élever à Jérusalem le célèbre
temple qui porta son nom, il eut recours à dés artistes étrangers, ses voisins de
l'Assyrie et de la Phénicie; il leur emprunta jusqu'aux matériaux, ceMes ser-
viteurs, lui répond le roi de Tyr, Hiram, descendront du Liban les bois de
cèdre, et je les ferai porter dans des barques par mer, jusqu'au lieu que tu
indiqueras (Rois, chap. III). El ces lions, ces taureaux, ces chérubins ailés
chéroub), que les sculpteurs phéniciens avaient placés dans le temple de Salo-
26 REVUE DE L'ISLAM
mon, n'étaient que de simples copies des figures symboliques retrouvées au-
jourd'hui dans les temples de la Babylonie.
11faut remarquer, à la décharge de Mahomet, qu'à son époque les arts n'é-
taient cultivés que par les Byzantins, et que, depuis le triomphe de la religion
chrétienne, surtout dans le Bas-Empire, pays d'étroite superstition, presque de
fétichisme, la peinture et la statuaires étaient devenues, dans leur immobilité,
toutes symboliques, à la façon des hiéroglyphes égyptiens. On ne représen-
tait plus que des personnages de convention, types immuables, que les ar-
tistes, réduits aux rôles d'ouvriers, se transmettaient de proche en proche,
sans altération ni changements. On adorait alors, non pas Dieu, car jamais
les Byzantins n'essayèrent de reproduire l'image du Père, non pas même le
Christ ou la Vierge; on adorait telle image de Jésus ou de Marie, comme en
Italie la madone de Lorette ou de Piè-di-Grotta; en Espagne Notre-Dame d'A-
tocha ou delPilar; en Russie la Vierge de Vladimir ou de Kazan. Mahomet,
imitant les empereurs iconoclastes, proscrivit donc moins les arts plastiques
que la superstition et l'idolâtrie.
Parcourez le grand monument religieux laissé par les Arabes d'Espagne,
cette magnifique Mezquita de Cordoue qu'éleva, vers 780, l'omméyade Abdérame
1er; vous ne trouverez d'autres ornements que les fontaines d'ablution dans
la cour extérieure; et dans le temple, qui représentait symboliquement le
monde avec la forme carrée que lui croyaient tous les Sémites, vous ne trou-
verez que le Mirai, cette petite niche ou retraite obscure, qui marque, en indi-
quant la direction de la Mekke, de quel côté les fidèles doivent se tourner en
priant, et, à l'enlour des murailles, les seuls ornements permis dans un temple
d'Allah : je veux dire des versets du Koran ou du Hadyz, gravés en lettres
d'or sur du marbre blanc, et revêtus d'une fine mosaïque de cristal qui fait
étinceler à la lumière les paroles du Très-Haut ou de son Prophète. Ce sont,
comme disent les Arabes eux-mêmes, la parole édifiée. Cardonne rapporte, il est
vrai (Histoire de l'Afrique et de l'Espagne sous la domination des Arabes), qu'une
statue de Zohrah (la Fleur) fut dressée sur la porte principale du palais que le
Khalyfe Abdérame III fit bâtir sous le nom de sa favorite (Medynal-al-Zohrah).
Je ne sais à quelle source Cardonne a puisé ce fait, qui n'est point rapporté
dans les descriptions originales recueillies par don José Conde. S'il était par
hasard exact (et j'en doute absolument), il prouverait qu'Abdérame avait violé
la loi pour complaire à sa maîtresse. En tout cas, ce ne pourrait être que quel-
que statue antique de Flore, à laquelle on aurait donné le nom de Zohrah.
Je sais bien que la musique fut également défendue par le Prophète et cul-
tivée néanmoins par ses sectateurs, ceEntendre la musique, dit le Hadyz, c'est
pécher contre la foi ! y prendre plaisir, c'est pécher contre la foi, et se rendre
coupable du crime d'infidélité. » Pourtant il est certain que la musique fut
très-cultivée par les Arabes d'Espagne, qui ont laissé plusieurs traités impor-
tants sur cet art, entre autres le livre d'Abou-al-Faradj el celui d'Al-Faraby, qui
contiennent cent cinquante airs notés, les figures d'au moins trente instru-
ments divers, et les biographies d'une vingtaine de musiciens célèbres (Bibliot.
REVUE DE L'ISLAM 27
tout le vaste empire de l'Islam. C'est aux autres peuples musulmans qui, d'a-
bord vaincus et convertis par les Arabes, finirent par leur succéder en les exter-
minant, c'est aux Mores et aux Turcs, plus longtemps en contact avec les na-
tions chrétiennes de l'Occident, qu'il faut attribuer un retour fort tardif et fort
incomplet aux arts qui avaient encouru l'anathème de Mahomet après celui
de Moïse et d'Abraham.
Je n'en souhaite pas moins ardemment, avec M. Florian Pharaon, que les
musulmans intelligents, comme il le dit, se dégageant des entraves de la tradi-
tiou et de la loi religieuse, remettent en honneur les arts de la peinture et
de la statuaire. Il leur suffirait de cultiver ces deux grands arts avec autant
d'amour et de succès que le troisième, l'architecture. Quand ils auront créé des
tableaux el des statues qui puissent rivaliser avec les mosquées de Bagdad, de
Damas et du Caire, avec les palais de la Ziza et de la Cuba en Sicile, avec la
Mezquita de Cordoue, les bains de Gironne, l'Alcazar de Séville, l'Alhambrah de
Grenade, ils auront fourni largement leur part dans le trésor commun des
arts qu'on nomme libéraux, parce qu'ils ne peuvent naître et grandir que dans
la pleine indépendance de l'artiste, en dehors des dogmes de la religion, en
dehors aussi des prescriptions ou des encouragements de l'autorité civile. C'est
ce que pensaient les Grecs, c'est ce qu'exprimait Platon : ee L'art, a-t-il dit,
est un oiseau des bois ; il hait la cage et ne peut vivre qu'en liberté. »
Louis VIAIVDOT.
REVUE GÉHÉRAkE
Nous rappelons à. nos lecteurs que, la Revue paraissant seulement une fois
par mois, ?ious ?i'avo?is pas la prétention de leur donner sous celle rubrique
un article d'actualité. La Revue générale publiée dans chaque numéro, n'a.
pour but que d'enregistrer dans l'ordre chronologique les principaux faits
qui se produisent dans le monde musulman, afin que les lecteurs puissent-,
aie bout d'un certain temps, retrouver dans la collection les dates el les
grandes lignes de ces événements. N. D. L. R.
Décembre 1899.
tituer un effectif d'environ 1,300 hommes. Cette troupe fut complètement battue
et perdit 150 tués, 200 blessés et 14 prisonniers.
Le gouvernement général de l'Algérie a fortement poussé l'occupation militaire
de la route conduisant d'El-Goléah à In-Salah, où elle a concentré d'importantes
forces.
Celte occupation est un grand pas en avant de notre conquête du Sahara.
A 400 kilomètres au sud-ouest d'El-Goléah c'est un point central entre l'Al-
gérie, la Tripolitaine, le Soudan, et le Maroc; c'est un jalon sur la route directe
d'Alger à Tombouctou, et notre base d'opérations pour la prise de possession
définitive des vastes oasis du Touat. On peut aussi espérer une grande réper-
cussion sur la politique indigène dans les oasis voisins de l'Aougerout et du
Gourara.
Cette victoire française est surtout la défaite des pirales du désert qui avaient
fait d'In-Salah leur capitale, et dont l'insolence et la hardiesse avaient aug-
menté par l'impunité deleurs crimes.
Soudan Occidental. — A la fin du mois de décembre la mission Foureau-Lamy
se trouvait à Zinder à 1800 kilomètres du fort Miribel et à 500 kilomètres du
Tchad.
On ne sait si la mission se dirigera vers le Tchad à cause du trouble apporté
dans la région par llabah.
— On télégraphiait de Tunisie le 12 janvier :
ce Des nouvelles de l'intérieur annoncent que Rabah est parti du Bornou pour
le Wadaï dans la crainte des Français qui sont arrivés à Nigni sur le lac Tchad.
Cette nouvelle est confirmée par nne lettre de M. Mercuri, mais la raison cfe ce
départ du Bornou semble malheureusement plutôt être un besoin de conquête
contre le Wadaï et le Gouroussi dont le sultan nous est favorable, que la peur
des Français ».
Notre ami Ferdinand de Béhagle semble toujours être prisonnier de Rabah.
(A suivre). ANDRÉRICAUD.
M. Paul Révoil qui remplissait depuis plusieurs années avec une haute dis-
tinction les fonctions d'adjoint au Résident général de France à Tunis, vient
d'être nommé Ministre plénipotentiaire à Tanger (février 1900). M. Révoil a
derrière lui une brillante carrière diplomatique et administrative : Ses hautes
qualités permettent d'affirmer que la France sera par lui dignement représentée
au Maroc. Nous nous réjouissons de sa nomination, non seulement parce
qu'elle constitue pour M. Révoil un avancement mérité, mais parceque nous
voyons en lui l'homme qu'ils faut pour la tâche difficile, délicate, de veiller
aux intérêts de notre pays au Maroc.
Tous nos voeux accompagnent à Tanger notre nouveau Représentant.
G. D.
32 REVUE DE L'ISLAM
BIBLIOGRAPHIE
Nous publierons dorénavant dans chaque numéro toutes les indicalio?is rela-
tives à tous les ouvrages et principaux articles parus dans le mois écoulé
sur l'islamisme et les pays musulmans. Il sera fait un compte-rendu des
ouvrages déposés aux bureauv de la Revue.
(Editions de la. Revue Blanche.) Le livre des Mille Nuits et une Nuits, tra-
duction LITTÉRALE ET GOMPLÈTE DE L'AHABE,par le D 1'J. C. MAHDIUJS. Nous don-
nerons dès le numéro de mars un extrait de ce curieux ouvrage, la première
traduction sincère en français des célèbres contes. Aujourd'hui nous donnons le
sommaire des quatre premiers volumes parus.
TOMEI. — Histoires du Marchand avec l'Efrit, — du Pécheur avec l'Efrit, — du
Portefaix avec les jeunes filles, — de la Femme coupée, des Trois Pommes et
du Nègre Rihan, — du Vizir Noureddine, de son frère le Vizir Chamseddine et
de Hassan Badreddine.
TOMEII. — Histoires du Bossu avec le Tailleur, le Courtier chrétien, le Médecin
juif, l'Intendant, — du Barbier de Baghdad et de ses six frères, — d'Ali-Nour
et de Douce Amie, — de Ghanem-ben-Ayoub et de sa soeur Fetnah.
TOMEIII. — Histoire du roi Omar Àl-Nôman et de ses deux fils merveilleux Schar-
kanet Daoul'makan, où sont incluses les Paroles sur les Trois Portes, la Mort du
roi Omar et Paroles admirables des Adolescents et de la vieille, l'Histoire du Mo-
nastère et l'Histoire d'Aziz et Aziza et du beau prince Diadème.
TOMEIV. — Fin de l'Histoire du roi Omar Al-Néman, où sont incluses l'histoire
du bel Àziz, l'histoire de la princesse Donia et du beau prince Diadème et les
aventures de Kanniakan, fils de Daoul'makan, — Histoire charmante des
Animaux et des Oiseaux, — Histoire d'Ali- ben-Bekar et de la belle Scham-
sennahar.
Chaque volume in-8 carré : 7 fr.
d'autrui, sur le bien le plus proche et le plus convoité. Qui ne sait que, de
longtemps sans doute, le Touat ne cepaiera » pas ce qu'il va coûter? Quelle
apparence de cupidité dans une affaire où tous les bénéfices matériels sont,
pour nous, si aléatoires et si éloignés? Si l'on avait suivi les inspirations étroite-
ment utilitaires de la politique du cedoit et avoir » qui fait scrupuleusement
la balance des dépenses et des recettes et règle sur leur équilibre toute sa
conduite, on se fût bien gardé d'aller chercher si loin,avec des sujets de conflit
inévitables, une occasion trop certaine de grever le budget public. Mais le gou-
vernement général de l'Algérie a eu en vue d'autres intérêts supérieurs fit
permanents. Le gouvernement général a simplement continué l'oeuvre des
Clauzel, des Bugeaud, des Randon et de tous ceux qui, avec ces hommes
illustres, ont vu dans la possession incontestée de l'arrière-pays le gage de la
sécurité du Tell. M. Laferrière exprimait lui-même cette idée dans un discours
récent : ceOn n'est pas vraiment maître chez soi tant qu'on ne tient pas la clef
de sa porte de derrière. » Désormais cette clef sera entre nos mains, et les mal-
faiteurs ne seront plus tentés.
On peut affirmer, dès aujourd'hui, que l'effet moral de l'occupation du Touat
sera énorme. A travers le désert, les répercussions sont prolongées. L'écho
de nos victoires retentira, amplifié par la distance, dans tout le Sahara et le
Soudan.
Coïncidant avec un si grand nombre d'explorations en cours de route, et
notamment avec celles de MM. Joalland-Meynier et Gentil, autour du Tchad,
Foureau-Lamy à travers le Sahara central, l'occupation du Touat peut avoir un
résultat considérable pour la pacification de l'Afrique Occidentale française
et la réduction à l'impuissance de tous les dissidents. Déjà à l'ouest, en prévi-
sion des événements qui, aujourd'hui s'accomplissent, le vieux Bou-Amema qui,
depuis vingt ans, traînait après lui l'inquiétude du châtiment mérité, a offert
sa soumission et demandé l'oubli du passé. N'est-ce pas la preuve manifeste
d'un retour de l'opinion saharienne sur notre compte? Soyons également
convaincus que l'autorité et le prestige de la France vont grandir aussi dans
les autres régions d'un désert qui n'est nullement inhabité. Celles qui ont trop
longtemps vécu sur le souvenir, humiliant pour nous, de massacres laissés sans
vengeance, vont comprendre qu'un esprit de fermeté intrépide et de décision
gouverne désormais nos actes. Cette seule persuasion peut beaucoup faire pour
faciliter notre pénétration pacifique dans le Sahara et peut-ôlre pour préparer
la fusion de nos colonies de l'Ouest africain.
Cette fusion, ce rattachement du Soudan à l'Algérie est l'espérance lointaine,
peut-être moins chimérique que d'aucuns le croient encore, de tous ceux qui,
aujourd'hui, suivent de près les progrès de notre influence en Afrique, et qui
voient dans l'annexion du Touat le premier pas décisif conduisant vers la réali-
sation de ce vieux rêve. Nous ne pouvons prévoir ce qui va en advenir. Il est
sans doute timide de considérer le Touat exclusivement comme un point d'ar-
rivée, et peut-être téméraire, dans l'état de nos connaissances, de ne voir en lui
qu'un nuuvi au point de départ pour de hardies el prochaines tentatives. Nous
REVUE DE L'ISLAM 35
TRADUCTION
CHAPITRE''lll. CHAPITRE
II. CHAPITRE
I.
CHAPITRE
VI. CHAPITRE
V. CHAPITRE
IV.
IX.
CHAP1TR VIII.
CHAPITRE CHAPITRE
VII.
CHAPITRE
X.
CHAPITRE
PREMIER.
CHAPITRE
u.
Puisque le Très-Haut a dit : Nous .avons remporté pour toi une victoire écla-
tante (3), etc., réjouis-toi, ô toi qui me consultes, car Dieu te délivrera des
soucis, des angoisses et des maux de ce monde. Il te donnera le bien-ôtre dans
la situation que tu occupes. Toutefois rends grâce au Dieu suprême et sois de
ceux qui sont reconnaissants. Que tu conssultes au sujet d'un mariage, d'une
CHAPITREv.
Le Très-Haut a dit : Ce n'est pas toi qui dirigeras ceux que tu voudras (-4), etc.
La chose que tu désires dans ton coeur ne te rapportera aucun avantage ; laisse-la
donc, cela vaudra mieux pour toi; prends-y bien garde, car elle le causerait de
nombreuses peines, mais Dieu a dit : Quel est son arrêt? Lorsqu'il veut qu'une
chose soit faite, il dit : Sois, et elle est (ô). Il en sera ainsi de ton affaire; pa-
tiente, car Dieu est avec les résignés.
CHAPITREVI.
Dieu a dit : O vous qui croyez, répétez souvent le nom de Dieu (6), etc. Cette
affaire au sujet de laquelle tu m'interroges et que tu désires au fond de ton
coeur, sera bénie pour toi; si Dieu veut, elle s'accomplira et tu auras joie et
allégresse. Dieu a dit : Nous l'exauçâmes, et nous le délivrâmes de l'afflic-
tion (7), etc. Tu m'interroges sur une chose grave, difficile et pénible; Dieu t'en
délivrera en raison de ta foi et de ton repentir, il écartera de toi tous les maux.
Ne désespérez pas de la miséricorde divine (1); Dieu est près de ceux qui font
le bien. Garde-toi de croire que Dieu le Très-Haut, le Sublime, te facilitera ton
affaire; mais plus tard, tu obtiendras de grandes faveurs. Je vois que tu te ren-
dras dans un endroit où il y aura pour toi de nombreux avantages.
CHAPITRE
VII.
Toutes les fois qu'ils allumeront le feu de la guerre~(2), etc. Cette affaire sur
laquelle tu me questionnes, abandonne-la, car il n'y aura pour toi aucun profit.
Demande donc une autre chose. Dieu la fera réussir. Dieu connaît mieux que
personne le Destin et ses arrêts.
CHAPITRE
VIII.
Si tu veux quelque chose, Dieu a dit : Dieu a confirmé ce qu'a dit son pro-
phète qui a appelé la vérité (3), etc. Réjouis-toi ; si Dieu veut, ton affaire sera
bénie et la chose à laquelle, tu songes te rapportera de grands avantages et une
haute situation. Si tu interroges au sujet du mariage, tu y trouveras le bon-
heur; il sera heureux et béni pour loi, s'il plaît à Dieu. Occupe-toi donc de ton
affaire et, grâce à Dieu, elle se réalisera au mieux de tes désirs. Réjouis-toi, car
Dieu t'accordera une chose à laquelle tu ne t'attends pas; marche à Ion affaire
et, si Dieu veut, elle s'accomplira. Tu rencontreras sur ta route des difficultés,
des envieux et un homme qui sera ton ennemi, mais tu l'emporteras sur lui en
raison de ta foi. Ne crains aucune déception et agis. Dieu sait tout.
CHAPITRE
IX.
CHAPITRE
X.
Tu me consultes au; sujet de ce que tu désires et tu te demandes si oui ou
non tu dois agir. Dieu nous rendra toi et nous très heureux. 11te préservera du
mal des méchants, car, comme il l'a dit : Il se peut que vous ayez de l'éloigne-
ment pour une chose (5), etc. Quand à l'affaire au sujet de laquelle tu me con-
sultes, abandonne-la el cherche autre chose qui réussira. Dieu sait tout. Salut.
O. HOUDAS.
s. XXXIX,
(1)Coran, v. 84.
s. V, v. 69.
(2)Coran,
(3) Coran,s. XXXVII, v. 67.
s. XLH,v. 26.
(4)Coran,
(8) Coran,s. IV,v. 23.
REVUE DE L'ISLAM 39
Le pays connu actuellement sous le nom de Tunisie a été, dans le cours des
siècles, le théâtre de luttes importantes qui y ont amené la domination succes-
sive d'un grand nombre de peuplés fort différents, depuis la plus haute anti-
quité, La plupart de ces peuples ont laissé des traces de leur passage, encore
palpables aujourd'hui dans les monuments très nombreux que l'archéologie
conserve religieusement, comme tout ce qui rappelle le passé historique d'un
pays.
Les Phéniciens, qui jouèrent un si grand rôle dans l'antiquité comme véhi-
cule des civilisations orientales vers l'Occident, et dont l'accaparement com-
mercial et maritime provoqua la jalousie des autres peuples et causa finale-
ment leur perle, les Phéniciens, disons-nous, établirent le principal siège de
leur puissance sur le sol qui constitue aujourd'hui la Tunisie.
La fondation de Cartilage remonte, selon les auteurs, à 880 ou à 813 ou 814
avant Jésus-Christ. On attribue hypolhétiquement cette fondation à Didon.
Quoi qu'il en soit, la ville s'appela primitivement Byrsa (tour, forteresse) et fut
bâtie sur une colline escarpée, autour de laquelle, comme sous la protection
d'une acropole, s'établirent des maisons, des comptoirs, des ports.
Après quelques siècles d'existence, Byrsa et son faubourg Megara avaient
sept à huit lieues de tour et prirent le nom de Kart-Ladascht, ville nouvelle,
nom que les Grecs transcrivirent Carchedon, et les Romains Carthago.
Nous ne rappellerons pas ici les luttes homériques des Romains et des Car-
thaginois, les campagnes d'Annibal mettant Rome à deux doigts de sa perte et
les nombreuses vicissitudes de ces guerres puniques qui ne devaient prendre
fin que par la destruction totale de la puissance carthaginoise.
En l'an 146 avant Jésus-Christ, en effet, Scipion Emilien termina, à la tète
des légions romaines, la troisième guerre punique, incendia Carthage et fit
piller et détruire cette ville qui avait été si puissante, puisqu'elle avait fait
trembler Rome elle-même.
Les dix commissaires du Sénat romain présidèrent méthodiquement à la des-
truction de Carthage. Mais dans les décombres, qui ne furent pas réduits en
poussière, comme le dit Paul Orose, tous les habitants des villes voisines vin-
rent chercher des pierres et des matériaux de construction.
La ville de Carthage elle-même fut rebâtie sous César et sous Auguste et du-
rant la domination romaine, le sol tunisien, comme celui de l'Algérie, se cou-
vrit d'un grand nombre de monuments dont beaucoup, malgré les dévastations
provenant souvent bien plus des hommes que du temps, ont été retrouvés
presque entiers. La Tunisie fut comprise dans les provinces d'Afrique de Zingi-
tane et de Byzacône.
Lors de la chute de l'Empire romain, la Tunisie fut occupée par les Van-
dales, en 429, comme tout le Nord de l'Afrique et ils firent même de Carthage
40 REVUE DE L'ISLAM
connaissent les orientaux savent ce que cette fable cache de respect et d'admi-
ration. »
En 1574, les Turcs, commandés par Sinan pacha, renversèrent définitive-
ment la dynastie Hafside, et la Porte envoya envoya à Tunis un pacha qui gou-
verna de concert avec des deys, devenus vasseaux du sultan. Le divan, ou
conseil du vice-roi était composé des principaux officiers de la milice des janis-
saires. De môme qu'à Alger, cette milice brutale s'empara du pouvoir, un siècle
après et se rendit indépendante de la Porte.
Les pachas furent chassés, lesbeys, qui usurpèrent toute l'autorité, devaient
être élus par l'oligarchie militaire des janissaires.
ee Nulle période, dit M. Lanier (1), n'est moins féconde en événements intéres-
sants que celle des beys électifs, qui pour la plupart périrent égorgés ou étran-
glés. Le dix-huitième siècle est rempli des luttes continuelles qui éclatèrent
entre les deys d'Alger ou de Constantine et les beys de Tunis. Pourtant, en
1685, la France obtint du bey de Tunis, Mohammed, un traité de commerce
sons le nom de capitulation. »
Avant ce traité, toute la côte barbaresque s'était fait une réputation par ses
brigandages maritimes. Dans la région qui nous occupe, des bagnes chrétiens
furent installés et le premier écrivain de l'Espagne, Michel Cervantes y resta
cinq ans après son enlèvement par les corsaires. Saint Vincent de Paul, en
1607, fut pris aussi par un pirate tunisien et vendu comme esclave, mais,
ayant converti son maître au catholicisme, il revint avec lui en France au bout
de deux ans.
Mais combien d'autres victimes de celte piraterie éhontée moururent dans les
bagnes ou en esclavage sur cette terre de Tunis, où devait plus tard rayonner
à jamais la civilisation française !
Puis Ibrahim bey ayant été fait prisonnier dans un combat contre les Algé-
riens, Hassan-ben-Ali s'empara du pouvoir et fonda la dynastie des Hassenides
(1705), qui règne encore aujourd'hui. A partir de cette époque, la régence de
Tunis, bien que toujours soumise à la suzeraineté, devenue nominale de l'Em-
pire ottoman, devient indépendante de fait.
A dater de la fin du xvne siècle, de nombreux traités furent conclus entre le
bey de Tunis et la France, accordant à nos nationaux une situation privilé-
giée, notamment en 1713, à la suite d'une expédition de Duquesne et en 1770,
à la suite d'un bombardement de Bizerte, de Sousse, Porto-Farina et Monastir,
provoqués par des actes nombreux de piraterie.
En 1802, Hamouda bey traitait avec le premier consul Bonaparte, confirmant
•les prérogatives de la nation française. Dix ans après, ce prince s'émancipait
définitivement de la souveraineté ottomane qui, depuis longtemps, était toute
conventionnelle, et écrasait une révolte des milices.
En 1816, le bey Mahmoud, à la suite de l'expédition anglaise de lord
Exmouth, abolit l'esclavage des chrétiens et émancipa les Israélites.
(1) L'Afrique.
REVUE DE L'ISLAM
(i) h. Lanior.L'Afrique.
44 REVUE DE L'ISLAM
(I) L. Lanior.L'Afrique.
46 REVUE DE L'ISLAM
ranée avait ordre de s'opposer par la force au passage de tout navire de guerre
ottoman à destination de Tunis.
La presse anglaise exprima son mécontentement de notre succès avec ai-
greur, mais ce fut surtout l'opinion italienne qui se déchaîna contre la France,
sans aucune mesure.
Mais tout cela nous toucha peu et l'on dut se borner, de part et d'autre, à
d'inutiles menaces et à de vaines explosions de dépit.
Les hommes d'Etat furent naturellement plus calmes que les journalistes.
Dès le 7 août 1878, au Congrès de Berlin, où il avait déjà été question du sort
futur de la Tunisie, ainsi que nous l'avons dit ci-dessus, le marquis de Salis-
bury, alors Ministre des affaires étrangères d'Angleterre, dans une note remise
à M. Waddington, plénipotentiaire français, s'exprimait ainsi :
ce L'Angleterre n'a, dans cette partie du inonde (Tunisie), aucun intérêt spé-
cial qui puisse, d'une manière quelconque, l'induire à regarder avec méfiance
l'accroissement légitime de l'influence française, influence qui procède de sa
domination en Algérie, des forces militaires considérables qu'elle y maintient,
et de l'oeuvre civilisatrice qu'elle accomplit en Afrique à la grande admiration
du gouvernement anglais. Lors même que le gouvernement du Bey viendrait
à tomber, l'attitude de l'Angleterre n'en serait nullement modifiée. Cette puis-
sance n'a pas d'intérêts engagés à Tunis, et elle ne fera dans ce cas rien pour
troubler l'harmonie qui existe entre elle et la France. »
Le cabinet Gladstone se considéra comme lié par les promesses du cabinet
Beaconsfield et, dans la séance de la Chambre des communes du 16 mai 1881,
M. Gladstone répondait dans ce sens à une interpellation ho.stile à la France.
L'Italie seule, qui convoitait pour elle-même cette colonie fertile et admira-
blement située, annexe naturelle de l'Algérie, fit de vains efforts pour entraver
l'action de la France. Le consul Maccio qui, en toute occasion, s'était montré
notre ennemi déclaré, dut quitter la Tunisie et, à la suite du traité du Bardo, le
ministère Cairoli, mis en minorité à la Chambre des députés de l'Italie, tomba.
ce Jamais et nulle part, écrivait en 1880 M. de Tchihatchef (1), la nature ne
paraît avoir réuni plus intimement deux contrées (Algérie et Tunisie), que le
caprice des hommes a séparées, en restituant l'une à la civilisation et l'autre à
la barbarie. Ainsi, Bône, situé près de la frontière des deux pays, si semblables
sous le rapport de leur configuration physique et de leur population indigène,
paraît marquer la limite entre deux mondes complètement différents. D'un
côté, des campagnes florissantes parsemées de villes et de villages européens,
traversées par des routes qui pénètrent bien avant dans le désert, et le long de
ces routes, partout des maisons hospitalières, destinées exclusivement à l'usage
des voyageurs; tandis que de l'autre côté, des solitudes arides et déboisées
accessibles, pendant la saison des pluies, seulement au cavalier et au piéton ;
nulle part le moindre refuge pour l'étranger tant soit peu habitué aux exigences
(1) Espagne,Algérie,Tunisie.
REVUE DE L'ISLAM
Qu'il nous suffise de dire ici qu'à côté du Bey fut placé un résident général
de France ayant la haute main sur le pays, mais laissant à l'administration
locale une large part.
Les résidents généraux de France en Tunisie ont été successivement :
MM. PaulCambon, de 1882 à 1886; Massicault, de 1886 à 1891; Ch. Rouvier,
de 1891 à 1894; enfin René Millet, depuis 1894.
Le bey Mohammed-es-Sadok, qui avait succédé à Mohammed en 1857 et avait
signé le traité de protectorat avec la France en 1881, mourut le28 octobre 1882.
En vertu de l'article 3 du traité de Kasr-el-Saïd, qui garantit la succession bey-
licale dans cette famille de la dynastie des Hassenides (fondée en 1706 par
Hassan), le frère de Mohammed-es-Sadok, Sidi-Ali, fut proclamé son successeur
et immédiatement reconnu par la France.
C'est encore lui qui règne aujourd'hui.
Depuis l'occupation française, la Tunisie a été successivement étendue vers le
Sud par la fondation de postes militaires dans des régions qui n'avaient jamais
dépendu réellement du Bey. On a construit dans la région saharienne, comme
d'ailleurs dans' le sud de l'Algérie, un certain nombre de ces postes primitifs ou
bordjs, reculant sans cesse vers le Sud l'action du drapeau tricolore.
Le jour n'est plus éloigné où les postes français de l'Algérie et de la Tunisie
rejoindront ceux du Soudan français!.
Gabès, occupé par les Français en 1882, fut, pendant quelque temps, l'un de
nos postes extrêmes du Sud. En 1893, on a établi des postes à Kesseur-Méde-:
nine, dans l'intérieur des terres (à l'ouest de Zarzis) et à Bir-Berreçof, en plein
Sahara, dans la région des dunes, bien au Sud du Chott-el-Djerid. Ces créa-
tions ont été complétées par la fondation d'autres postes plus nombreux dans le
Sud-Algérien.
Malheureusement, alors que l'Algérie a le champ libre devant elle, tout au
moins au point de vue diplomatique, car la pénétration au désert n'est pas des
plus faciles, la Tunisie au contraire est à peu près arrivée aux limites extrêmes
de son extension possible, car la Tripolitaine, qui appartient aux Turcs, lui
barre le passage. Les Ottomans ont occupé Ghadamès vers 1861, et la garnison
qu'ils ont maintenue depuis en ce point empêche notre extension au delà.
Que la Tunisie se console pourtant de son exiguïté relative, car elle a une
assez belle oeuvre de colonisation à accomplir chez elle, sans qu'elle ait besoin
d'envier à l'Algérie la conquête future des immenses étendues de sables qui
s'étendent sur le Sahara.
LUCIENHEUDEDERT.
REVUE DE L'ISLAM
Aussi loin que peuvent porter mes souvenirs dans l'histoire du passé, je vois
le Musulman honni comme un lépreux, mis à l'index comme un fanatique, un
ignorant, un débauché, devant lequel les portes du ciel resteront fermées après
la mort.
Ceux qui ont porté ce jugement n'avaient sans doute jamais lu le Coran, et
encore, à l'heure actuelle, bien peu de nos contemporains connaissent ce livre
sacré des Musulmans, malgré les traductions qui en ont été faites par Gunlher
Wahl, en allemand, Maracci, en latin, Georges Sale, en anglais et du Ryerdans
notre propre langue.
Si les critiques avaient lu et médité ce livre admirable, ils y auraient appris
que le Coran enseigne la charité, la tolérance, et proclame une vie à %enir, im-
pliquant l'immortalité de l'âme, ainsi qu'une récompense ou une punition
finales.
N'avons-nous pas tous étudié, à l'Université, les classiques grecs et romains
qui étaient pourtant païens. Pourquoi l'Aima Mater néglige-t-elle de nous ensei-
gner l'histoire plus moderne, notamment celle des Arabes, dont les empires de
Bagdad et de Grenade tinrent longtemps la tèlede la civilisation, alors que l'Eu-
rope du Moyen-Age était plongée dans la barbarie?
A part quelques miettes, qui en arrivent aux élèves à travers les bruyants ré-
cits des Croisades et la victoire de Charles Martel à Poitiers, on ne connaîtrait
rien de leur histoire jusqu'au jour où les Musulmans firent la conquête de Cons-
tantinople au xve siècle.
Or, on oublie vite ce que les maîtres enseignent à la hâte sans s'y arrêter eux-
mêmes : c'est comme la bonne graine que le semeur jette dansun terrain brous-
sailleux, elle y est bien vile étouffée ; les broussailles sont représentées ici par
les préjugés de la famille, et la bonne graine y est rare. Pourtant la science
arabe est variée et profonde et la poésie de ce peuple se ressent de la majesté du
désert.
J'ai cité, dans le Livre d'Or de l'Orient, le poème d'imroulcaïs, le héros d'An-
tara, dont je me propose de rééditer l'histoire dans ce Journal.
J'ai parlé aussi du royaume de Grenade, n'était-ce pas rappeler la civilisation
de l'Espagne par les Maures? Tout le passé chevaleresque, étonnant, presque
mystique, que soulevèrent les fascinantes péripéties de la lutte autour des Lieux
Saints, passa dans nos esprits comme un éclair, comme un conte des Mille et
une Nuits, sans y laisser de traces.
Il faut être bien naïf pour croire, après un passé si glorieux, à tous les ra-
contars intéressés que certaine nation fait courir sur la cruauté des Osmanlis en
Asie. C'est par des calomnies semblables, quoique d'un autre genre, que celle
REVUE DE L'ISLAM 51
nation s'est installée dans la vallée du Nil et s'y maintient malgré ses engage-
ments formels.
L'Eglise réformée d'Angleterre voudrait-elle remplacer partout la religiou de
Mahomet?
L'humanité, c'est-à-dire l'ensemble des nations civilisées, ne saurait, cons-
ciencieusement, admettre qu'une idée religieuse, parquant les uns en commu-
nautés destinées à être exploitées et les autres en catégories privilégiées, s'érige
en doctrine politique universelle. L'humanité ne se compose-t-elle pas de tous
les êtres créés par Dieu et à son image? Lisez la Bible, l'Evangile et le Coran,
vous verrez que tous ces livres enseignent que l'humanité doit être l'émanation
de la justice, de la liberté, sans exception de croyance ni de doctrine, et le bou-
dhisme lui-môme ne prêche pas autre chose.
C'est à ce point de vue là, seulement, que, sans jamais méconnaître les pré-
ceptes que nous venons d'invoquer, il est permis à de puissantes nations d'agir
en leur nom pour amener les différentes races de l'Afrique à un modus vivendi
en harmonie avec l'utopie grandiose de la fraternité des peuples.
C'est ainsi que la France, devenue maîtresse de l'Algérie, eût pu, avec plus
de précision qu'elle ne l'a fait, entreprendre et accomplir, depuis 1830, l'oeuvre
humanitaire coloniale esquissée dans les lignes qui précèdent.
La marche était toute indiquée : ici le centre algérien et les contrées qui s'y
rattachent; là le bassin du Sénégal et le Soudan qui lui fait suite. Plus loin, la
côte de Guinée, le Dahomey et toute la rive droite du Congo et de l'Oubangui, ;
jusqu'au lac Tchad.
L'Algérie est un pays musulman, moins homogène de race que le Maroc et la
Tunisie, mais où règne l'Islam dans toute sa pureté. Belliqueuses et fières sont
ses populations ; soupçonneux est leur esprit, d'autant plus mal disposé à l'égard
de la chrétienté, que celle-ci, dans les régions peu accessibles de l'Atlas, traita
toujours l'islamisme comme un culte maudit qu'il fallait extirper du sol, et elle
donna droit de cité aux Juifs que les Arabes, les Maures et les Berbères mépri-
saient.
Pourtant, par ses possessions mêmes, la France est une nation musulmane,
et elle doit aide et protection à ses sujets musulmans comme aux autres.
Nous avons donc le droit de nous demander si on a procédé envers le pays
conquis comme on avait le devoir et comme il était d'ailleurs de notre intérêt de
le faire?
La France s'est-elle demandé, en entrant en Algérie, par la force des armes,
ce qu'elle devait y faire?
S A-t-elle soigné la culture du palmier, qui était une des richesses du pays
avant la conquête? A-t-elle protégé et respecté l'islamisme, qui était la religion
des habitants?
Charles X, ne voyant à Alger qu'un nid de forbans, l'a détruit, et Louis-
Philippe continua l'oeuvre de son prédécesseur, quoique plus libéral que lui.
Au lieu de se dire : ceCe peuple était oppressé, nous l'avons fait libre, donc
il peut devenir pour nous un allié. Pour cela, que la justice nous suive comme
52 REVUE DE L'ISLAM
notre ombre à travers notre tâche délicate qui consiste à rallier à notre drapeau
un peuple musulman en le rendant prospère et en le faisant notre ami. »
Les Arabes, en effet, n'avaient jamais fait cause commune avec les gouver-
neurs turcs qui les exploitaient ; néanmoins, comme ils étaient les uns et les
autres des sectateurs de l'Islam, il n'était guère possible d'attendre des Arabes
un accueil fraternel, au moins au début.
Mais, si on avait agi envers eux comme notre intérêt conseillait de le faire, la
lutte se fût prolongée moins longtemps, et bien du sang eût été épargné de part
et d'autre. Mais les vexations des bureaux arabes, la nécessité de prolonger le
système des razzias et des expéditions afin d'entretenir notre armée et par-des-
sus tout la protection accordée aux Israélites par le décret Crémieux, ainsi que
les dénis de justice commis aux dépens des sectateurs du Prophète, avaient en-
tretenu dans l'Algérie la haine des Roumis.
Aujourd'hui, qu'il s'agit de conquérir aux relations pacifiques de la colonisa-
tion et du commerce, les nègres du Soudan et du reste de l'Afrique où s'exerce
notre influence, qui sont, pour le dire en passant, ou païens ou fétichistes, j'es-
time, si on ne veut pas recommencer à nos dépens une nouvelle expérience,
qu'il n'y a que l'islamisme qui puisse être le civilisateur par excellence. Mieux
que le christianisme de telle ou telle confession, il est à la portée intellectuelle
des populations noires de l'Afrique, dont le tempérament, soupçonneux à l'égard
du blanc, ne diminue cependant chez elles ni l'hospitalité native, ni la confiance
enfantine.
Le pasteur anglican, en distribuant ses Bibles, vend de l'eau-de-vie de traite
et des armes, il fait oeuvre anti-civilisatrice. Le missionnaire catholique, beau-
coup plus dévoué pour le noir et moins mercantile, a dans sa religion des
dogmes beaucoup trop compliqués pour le cerveau encore primitif du noir.
Cependant ce dernier aime ses cérémonies, admire ses pompes, mais sans les
comprendre ni se convertir. C'est par l'éducation et la moralisation des enfants
que le catholicisme s'insinue peu à peu dans les masses. Encore, dès que l'en-
fant est renlréau milieu des siens, il retourne vite aux superstitionsde ses ancêtres.
Il n'y a que l'islamisme qui soit réellement à même de porter, au sein des
populations de l'intérieur de l'Afrique, l'idée de Dieu qui implique celle du de-
voir et de l'amour de l'humanité.
Le Coran défend l'usage des boissons fermentées, alors que les prédieants
anglais en font le commerce, et, s'il maintient la polygamie et l'esclavage, il
faut savoir que ces deux institutions sont dans les moeurs des noirs. La pre-
mière sert à l'entretien d'une population que les guerres et les maladies n'épar-
gnent pas. — Que de nations en Europe pourraient profiter d'une institution
analogucl — La seconde, l'esclavage, n'a jamais été que l'esclavage de case, où
l'esclave est traité sur le même pied, ou peu s'en faut, que l'enfant de la maison.
L'Islam a toujours répudié la traite etc'est encoreune calomnie quedel'en accuser.
Quant à la polygamie, si elle n'est pas dans nos lois, pourrait-on dire, hélas!
qu'elle n'est pas dans nos moeurs, au moins dans les grandes villes où le vice
est si facile à cacher?
REVUE DE L'ISLAM 53
n'y a pas inconvénient à laisser des torpilleurs en réserve, puisqu'ils sont pla-
cés au centre même du recrutement, mais il n'en est pas de même en Algérie,
où l'inscription maritime ne fournirait que des éléments insuffisants, en Tuni-
sie, où aucun lien n'unit les marins indigènes au service de la marine française.
Il y a donc urgence à organiser autour des centres de défense mobile une
réserve d'hommes préparés à l'armement du matériel qui y a été placé; cette
question a été envisagée, il est vrai. Dans le voyage que fit M. Loekroy en Tu-
nisie, on étudia les moyens de tirer des ressources en hommes des pêcheurs de
Kerkenna et de Djerba, car on voulait créer une station de torpilleurs à Sfax,
mais aucune disposition n'a été prise à ce moment. La proposition de M. Rozet
vient en temps opportun ; elle rappelle qu'il y a des nécessités de défense dont
on ne peut éloigner la réalisation.
REVUE GÉNÉRALE
Février-
L'émir d'Afghanistan aurait donné l'ordre de détruire toutes les routes allant
de Hérat vers Kustchk, et aurait fait renforcer les garnisons de la frontière.
On ne sait pas exactement le but de ce mouvement russe.
on pense tout au moins qu'il créera à celle-ci de grandes difficultés pour le tracé
des frontières entre l'Abysssinie et le Soudan égyptien.
— Le 19 janvier Osman Digma dernier soutien de la puissance mahdiste, a
été capturé près de Tokar.
Mars
place les généraux Edib Pacha et Sabih Pacha avec l'intention de proclamer la
loi martiale; mais, revenant sur sa décision et donnant satisfaction aux révoltés,
il a rappelé, le 15 mars, Hafiz Pacha, gouverneur de Kossovo, aAec l'espoir que
l'ordre se rétablira ainsi plus rapidement.
Perse. — On annonce de Saint-Pétersbourg qu'une société pour la construc-
tion d'un chemin de fer en Perse va se constituer dans le plus bref délai, et
qu'en outre le gouvernement russe va prendre à bail un des ports du golfe
Persique dans des conditions analogues à celles de Port-Arthur.
LITTÉRATURE ARABE
Dans le dernier numéro, nous avons annoncé l'apparition des quatre pre-
miers volumes de la traduction littérale et complète, par le Dr J.-C. Mardrus,
de ce curieux ouvrage.
Cette traduction a le mérite peu commun d'avoir été faite par un lettré qui,
d'une part, connaît à la fois toutes les ressources de la langue arabe et de la
langue française, et d'autre part possède à fond le génie arabe. C'est que, pour
exécuter parfaitement une traduction de ce genre, il ne saurait suffire d'avoir
appris la langue arabe seulement en Europe : il est nécessaire d'avoir vécu
62 REVUE DE L'ISLAM
longtemps dans le monde arabe, si différent du nôtre, mais qui a peu changé
depuis le temps où se racontaient les histoires dont le Dr Mardrus nous donne
aujourd'hui la traduction. Pour rendre convenablement l'esprit et la lettre de
telles histoires, il faut les avoir entendu dire avec l'accent du terroir, le geste
de la race, les inflexions de circonstance, par un conteur pénétré de son sujet :
il faut avoir partagé et surtout observé les impressions de l'auditoire pour le-
1'
quel elles sont faites : il faut, suivant l'expression du D Mardrus, avoir cecultivé
amoureusement les bancs ajourés des adorables cafés populaires dans les vraies
villes musulmanes et arabes, le vieux Caire aux rues pleines d'ombre et si fraî-
ches, les Souks de Damas, Sana du Yèmen, Mascate ou Baghdad; dormi sur
la natte immaculée du bédouin de Palmyre; rompu le pain et goûté fraternel-
lement, dans la gloire du désert, avec Ibn Raehid somptueux, ce type net de
l'arabe authentique. »
11faut enfin avoir ce que possède à un haut degré le traducteur des Mille Nuits
et une Nuit dont nous parlons — le talent de rendre sensibles pour le lecteur
européen toute la couleur de la langue arabe, toute la magie du style des orien-
taux. Les contes des Mille Nuits et une Nuit, produits de l'imagination populaire
arabe sont curieux à bien des titres : tout y est merveilleux, et cependant on ne
trouverait nulle part ailleurs des tableaux aussi fidèles, aussi réalistes, de la vie
et des moeurs des anciens Arabes, et presque, des Arabes d'aujourd'hui qui par-
tant de côtés ressemblent à ceux d'autrefois. Réaliste aussi est le langage;
mais d'un réalisme sain et naïf, auquel toute intention pornographique reste
étrangère, comme toute idée d'impudeur aux tahitiennes qui, à la face de toute
leur tribu, se baignent nues.
Il a été fait de ces comtes arabes plusieurs traductions qu'il nous paraît inté-
ressant de signaler. Dans ce but nous reproduisons ci-après la notice bibliogra-
phique que les éditeurs de l'ouvrage du Dr Mardrus ont placée en tête de sa tra-
duction.
Pour la première fois en Europe, une traduction complète et fidèle des Alf
Lailah Oua Lailah (Mille Nuits et une Nuit) est offerte au public (1). Le lecteur
y trouvera le mot à mot pur, inflexible. Le texte arabe a simplement changé de
caractères : ici il est caractère français, voilà tout.
ORIGINEETDATE.— Les Mille Nuits et une Nuit sont un recueil de contes popu-
laires. Deux documents, l'un (2) du ixe siècle, l'autre (3) établissant que ce mo-
nument de la littérature imaginatrice arabe a eu pour protopype un recueil per-
san, le Hazar Assanah. A ce livre, aujourd'hui perdu, sont empruntés les dispo-
sitifs des Mille Nuits el une Nuit (c'est-à-dire l'artifice de Shahrazade) et le sujet
d'une partie des histoires. Les conteurs qui s'évertuèrent sur ces thèmes les
transformèrent au gré de la religion, des moeurs et de l'esprit arabes, au gré
aussi de leur fantaisie. D'autres légendes d'origine nullement persane, d'autres
encore purement arabes se constituèrent dans le répertoire des au leurs. Le
monde musulman sunnite tout entier, de Damas au Caire et de Bagndad au
Maroc, se réfléchissait enfin au miroir des Mille Nuits et une Nuit. Nous sommes
donc en présence non pas d'une oeuvre consciente, d'une oeuvre d'art propre-
ment dit, mais d'une oeuvre dont la formation lente est due à des conjonctures
très diverses et qui s'épanouit en plein folklore islamite. OEuvre arabe, malgré
le point de départ persan, et qui, traduite de l'arabe en persan, turc, hindous-
tani, se répandit dans tout l'Orient.
Vouloir assigner à la forme comme définitive de telle de ces histoires une ori-
gine, une date, en se fondant sur des considérations linguistiques, est une
entreprise décevante, puisqu'il s'agit d'un livre qui n'a pas d'auteur et qui,
copié et recopié par des scribes enclins à faire intervenir leur dialecte natal
dans le dialecte des manuscrits d'après lesquels ils opéraient, est le réceptacle
confus de toutes les formes de l'arabe. Par des considérations tirées principale-
ment de l'histoire comparée des civilisations, la critique actuelle semble avoir
imposé quelque chronologie à cet amas des contes.
Voici les résultats qu'elle propose :
Seraient, en majeure partie, du x° siècle, ces treizes contes, qui se retrouvent
dans tous les textes (au sens philologique du mot) des Alf Lailah Oua Lai-
lah, — savoir, les histoires : 1° du roi Schahriar et de son frère le roi Schahza-
man (soit l'introduction); 2° du Marchand avec l'Efrit; 3° du Pêcheur avec
l'Efrit; 4° du Portefaix avec les Jeunes Filles; 5° de la Femme coupée; des
Trois Pommes et du Nègre Rihan; 6° du Vizir Noureddine; 7° du Tailleur, du
Bossu...; 8° de Nar Al-Din et Anis Al-Djalis; 9° de Ghamin ben Ayoud;
10° d'Ali ben Bakkar et Shams Al-Nahar; 11° de Kamar Al-Zaman; 12° du
Cheval d'ébène; 13° de Djoulnar, fils de la mer. L'histoire de Sindbab le Marin
et celle du Roi Djiliad seraient antérieures.
La grande masse des contes se situeraient, entre le xe et le xvi° siècle.
L'histoire de Kamar Al-Zaman II et celle de Maarouf seraient du xvi° siècle.
Les Italiens, qui progressent sans cesse, sont les plus nombreux Européens
de Tunisie... On les trouve partout, à la ville comme à la campagne ; ils s'em-
ploient surtout en qualité de terrassiers, maçons et menuisiers.Une grande partie
de cette population n'est pas encore attachée au pays. Ce sont des ouvriers atti-
rés par les grands travaux publics et privés exécutés dans la Régence. Ils quit-
teront le pays une fois les grand travaux terminés. Les Italiens n'ont formé
îi la campagne que dix à douze groupes de cultivateurs exploitant le sol d'une
REVUE DE L'ISLAM 67
GOUVERNEMENT — PROGRÈS
ET ADMINISTRATION. sous LE PROTECTORAT
ACCOMPLIS
FRANÇAIS.
La Tunisie est restée en principe une régence qui est la possession d'un bey,
autrefois vaguement vassal du sultan de Constantinople, et désormais, depuis
le traité du Bardo ou de Kasr-el-Saïd, signé le 12 mai 1881, sous le protectorat,
incontesté maintenant par les autres puissances civilisées, de la République
française. Le traité primitif a été complété par celui de la Marsa, en date du
8 juin 1883, qui a établi et précisé les rapports entre le gouvernement indigène
et celui de la France.
La monarchie tunisienne appelée beylik est héréditaire. C'est toujours l'aîné
de la famille qui succède au bey défunt, fils, frère, neveu ou cousin, pourvu
qu'il soit prince du sang. L'héritier présomptif se nomme bey de camp, parce
qu'il commandait autrefois les expéditions du camp, qui avaient lieu deux fois
par an pour aller recevoir l'impôt auquel sont soumises les tribus de l'inté-
rieur.
Sous l'ancien régime, les ministres du Bey étaient le Khasnadar (gardien du
trésor, le Saheb-el-Zaghaïa (porteur de zagaie, ministre de la guerre), le Saheb-el-
Djebira (porteur de portefeuille, garde des sceaux), le Bachi-kasak (gardien de
la garde-robe, interprète). Nous verrons tout à l'heure comment est constitué
maintenant le ministère tunisien.
Le.bey Mohammed avait doté la Régence d'un pacte fondamental promulgué
le 20 moharrem 1274 (c'est-à-dire en 1857 de l'ère chrétienne). Ce pacte ren-
ferme onze articles qui garantissent la sécurité des sujets et habitants des États
tunisiens, soumettent les sujets à l'impôt, proclament l'égalité devant la loi, la
tolérance et la liberté d'un tribunal international de commerce, la liberté et la
protection du commerce el de l'industrie, autorisant l'achat de propriétés par
les étrangers. Une loi organique ou code politique et administratif de la Régence,
divisée en cent quatorze articles, réglait la situation des princes hassenides,
l'organisation des services publics, des tribunaux, des finances, etc.
Mais si tout avait marché en Tunisie selon le pacle fondamental et la loi orga-
nique, nul doute que la France n'aurait pas eu à intervenir pour rétablir l'ordre
troublé et mettre la justice là où il y avait surtout les fonctionnaires prévarica-
70 REVUE DE L'ISLAM
teurs et le bon plaisir des chefs. En réalité, les lois promulguées étaient peu ou
point appliquées et la Tunisie n'a pu que végéter sous un régime où les habi-
tants n'avaient aucune garantie de sécurité réelle.
La Tunisie est en quelque sorte maintenant une possession française à peine
déguisée, dans laquelle on a maintenu l'administration et l'organisation primi-
tives — adaptées aux moeurs des habitants — mais sous la tutelle protectrice
et toujours bienveillante de la métropole française. Le reste d'indépendance
laissé aux Tunisiens se rencontre jusque dans les timbres-poste, qui sont spé-
ciaux au pays et ne sont pas du type uniforme adopté pour les colonies fran-
çaises proprement dites. Ces timbres portent l'inscription «Régence de Tunis ».
Disons en passant que le pavillon national tunisien comporte cinq bandes
horizontales placées dans l'ordre suivant : bleu, rouge, vert, rouge, bleu.
Le bey actuel, considéré comme possesseur du royaume de Tunis, est S. A.
Sidi-Ali, né en 1817, et dont l'avènement au trône date du 28 octobre 1882, peu
après, par conséquent, l'occupation française.
L'héritier présomptif du trône est Sidi-Mohamed-Taïb-bey, né en 1821, frère
cadet du bey actuel.
Mais le véritable ceroi » de la Tunisie, celui qui concehlre tous les rouages du
gouvernement, est le Résident général de la République française, qui, malgré
ce titre modeste, a un pouvoir considérable, et ne relève que du gouvernement
français. Notre Résident général est de droit, d'ailleurs, ministre des affaires
étrangères du gouvernement tunisien. C'est actuellement M. René Millet, mi-
nistre plénipotentiaire, qui remplit ces hautes et si délicates fonctions, et cela à
la satisfaction générale de la France el de la Tunisie, car il a su concilier les
intérêts locaux avec ceux de la métropole— qui sont en somme les mêmes pour
un esprit clairvoyanlet sans parli-pris M. René Millet a étéactivement secondé
jusqu'au commencement de 1900 dans sa noble lilchcdc conciliation etd'aulorïté,
à la fois énergique etjusle, par M. Paul Révoil, Résident général adjoint.
Le premier ministre du Bey est le général Mohamcd-el-Aziz-bou-Alour, et le
ministre de la plume est le général Mohamed-Djellouly, dévoués sincèrement à
la politique bienfaisante de la France el au bien-être du peuple.
La dix i-ion d'occupation française a pour commandant en chef le général'de
division de Cabanel, baron de Sermet, qui est en même temps le minisire de la
guerre du gouvernement tunisien.
Par l'organisation dont la Tunisie a été dotée aux divers points de vue, on a
pu éviter lous les tiraillements qui se produisent quelquefois dans les pays de
protectorat entre eeprotecteurs » trop zélés et eeprotégés » se croyant parfois
humiliés. On a laissé à chacun la place qu'il doit logiquement occuper, et tout
en donnant à la métropole française la haute main sur tous les services, puisque
c'est elle qui en assume la responsabilité, on a laissé à l'élément indigène une
place prépondérante qui permet de connaître sans cesse ses besoins el ses
désirs cl par suile donne le 11103en^e 'es satisfaire le plus qu'il esl possible.
On a aussi modifié le moins possible cl surtout le moins vite possible les insti-
tutions politiques el sociales du pays, mémo les plus critiquables, pour mieux
REVUE DE L'ISLAM 71
ménager les transitions et éviter, par des changements trop brusques et des
progrès incompris, que la Régence ne soit profondément troublée.
Les résultats de la méthode adoptée ont été magnifiques. La Tunisie n'a
jamais bougé depuis près de vingt ans que nous dirigeons ses destinées et elle
est administrée de la façon la plus économique.
(A suivre.) LUCIENHEUDEUERT.
LES (1)
FRANCIS A ÏH-SALAH
ROUTE SUIVIE.— INCIDENTS ETCOMBATS. —ce Ouargla » avait été choisi comme
point de départ de la mission. MM. Flamand et Joly s'y rendirent parBiskraet
Touggourt.
REVUE DE L'ISLAM 78
Les Capitaines Germain et Pein sortirent au-devant d'eux avec 192 combat-
tants.
Le Capitaine Pein embusqué derrière les murs des jardins de ceDeghamcha »
(un des Ksour du groupe d'In-Salah) attendit l'attaque, tandis que le Capitaine
Germain évoluait sur les flancs.
Le combat, commencé vers 9 heures par des feux de tirailleurs, se dessinait
une heure après par une vigoureuse offensive des spahis et du goum qui désor-
ganisaient les assaillants par des feux de salve et les poursuivaient en leur fai-
sant perdre 150 tués, 200 blessés, 14 prisonniers, une centaine de mehara, un
drapeau. L'escorte a eu un spahi tué, deux spahis et deux goumiers blessés.
Le lendemain, la partie de la population d'In-Salah qui se tenait encore sur
la réserve et attendait les événements faisait sa soumission.
Le combat d'Iguesten, livré le 28 décembre, n'a été connu à Alger que le
6 janvier.
Dès le 7, un premier renfort de goum était expédié avec des munitions. Il a
dû arriver à destination le 13.
Il a été suivi de près par le Commandant Baumgarten, Commandant supé-
rieur d'El-Goléa, amenant de nouveaux et puissants renforts.
Enfui une colonne en formation à El-Goléa doit se porter à In-Salah dès
qu'elle sera organisée, c'est-à-dire très incessamment.
Une ligne télégraphique va être installée eed'El-Goléa » à Fort Miribel, avec
les crédits disponibles. Elle sera prolongée jusqu'à eeIn-Salah » aussitôt que les'
fonds le permettront.
miers rangs français; la lutte, très vive, pendant dix minutes, tourna vite à
notre avantage et se termina par la défaite lamentable des Arabes. 75 morts
gisaient sur le sable, parmi lesquels les deux fils d'Abd el Selam, chef des Ouled-
Moktar ; la famille entière des Badjouda étaitdétruite. En outre, 70prisonniers, dont
une vingtaine de grands chefs, restèrent entre nos mains. Enfin tout le convoi de
l'ennemi, ses chameaux, et quantité de sacs vides dans lesquels cette troupe
pillarde comptait entasser et emporter les richesses de la mission. — Dans ce
premier combat d'Ingosten, on n'eut à déplorer du côté français que la mort
d'un seul homme tué ; un autre, le fils du caïd de Touggourt, blessé mortelle-
ment, mourut quelques jours après ; enfin 7 blessés mais peu grièvement furent
relevés.
Le combat avait pris fin à 10 heures. In-Salah n'était qu'à 18 kilomètres.
Néanmoins on résolut d'attendre les renforts amenés par le capitaine Germain,
renforts qui ne devaient pas larder à rejoindre la colonne; ils arrivèrent à
2 heures de l'après-midi. La troupe, ainsi complétée, était en toute sécurité; le
capitaine Pein et M. Joly partirent pour In-Salah où ils arrivèrent à la tombée
de la nuit. Ils entrèrent en pourparlers avec les notables de Ksar-el-Kebir et,
s'élant assurés de leurs intentions pacifiques, ils rallièrent après minuit le gros
de nos forces.
Le lendemain quelques heures de marche suffirent pour amener toute la co-
lonne devant l'oasis ; elle fit une entrée triomphale dans la Kasbahdes Badjouda.
Précédée par les prisonniers de la veille qui étaient entourés par le goum du
naïb, escortée des Kebar ou notables de la ville, elle se groupa dans la Kasbah'
et là, en présence de toute la troupe, et tandis que les deux uniques trompettes
sonnaient au drapeau, M. le capitaine Pein déploya le drapeau français et le
planta fièrement comme signe de prise de possession de l'oasis par la France.
In-Salah, la forteresse et la clef du désert, était devenue terre française !
Pendant les premiers jours de l'occupation, on s'installa tant bien que mal,
plutôt mal, car la Kasbah des Ouled-Boussada était un logis peu commode et
une citadelle peu redoutable; les murs d'enceinte tombaient en ruines. Le 3, le
lieutenant Soudant, à la tête de quelques spahis, partit en reconnaissance et
poussa un raid audacieux jusque sous les murs d'In-Rhar à 45 kilomètres au
Sud-Ouest. Bien lui en prit, car il rencontra une troupe ennemie, forte de 1.500
hommes environ, qui s'avançait vers In-Salah pour reprendre aux Français la
citadelle et venger sa défaite d'Ingosten. Tournant bride immédiatement, il
revint avertir les noires : quelques préparatifs furent faits à la hâte, la Kasbah
des Ouled-Boussada fut abandonnée elon se transporta dans celle des Bajouda,
dont les murs crénelés et les tourelles fortifiées pouvaient être plus facilement
défendus. La journée du 4 avait été entièrement prise par ces mesures de pru-
dence. Le 5, les spahis se portèrent à la rencontre des bandes, dont l'approche
était signalée du côté de Deghamcha, petit Ksar situé au Sud. Les arabes avaient
choisi de préférence ce terrain, parce qu'il était tout parsemé de bouches
de puits et d'ouvertures de galeries où il leur était facile de se mettre à
l'abri de nos balles. Cependant les spahis sahariens el les goumiers prirent
76 REVUE DE L'ISLAM
l'offensive, ils infligèrent à mille mètres des pertes cruelles à ces bandes qui,
effrayées de la portée de nos armes et décimées à chaque instant par des salves,
prirent enfin la fuite, non sans avoir opposé une énergique et opiniâtre résis-
tance. La victoire de Deghamcha avait été aussi complète, aussi écrasante que
celle d'Ingosten ; elle fut aussi meurtrière pour les Arabes et aussi peu pour
nous. De notre côté un spahi soudanais tué et six hommes blessés. Pendant le
second combat, MM, Flamand et Joly et quelques-uns des hommes restés à In-
Salah contenaient les habitants du Ksar dont l'altitude était encore hostile. Un
tel succès amena toutefois une prudente transformation dans les sentiments des
habitants à notre égard et s'ils se tinrent pendant quelque temps encore sur
une réserve politique, ils furent réellement conquis, quand les troupes de ren-
fort, conduites par le commandant Baumgarten. vinrent renforcer la petite gar-
nison. De ce jour, 13 janvier, les magasins s'ouvrirent, les esprits se tranquilli-
sèrent et les relations entre les indigènes et nos troupes devinrent moins ten-
dues. Ce n'était pas encore la pacification des esprits, c'était du moins une
crainte prudente, commencement de la sagesse pour ces peuplades remuantes
qui nous estimeront d'autant plus que nous serons plus forts.
(A suivre.) J. J.
L'AKGLETERRE AU SOUDAK
RECITD UNTEMOIN.
M. Thruston, frère de l'ancien major de ce nom qui fut tué par ses troupes
au Soudan publie, chez l'éditeur Murray, d'après les notes laissées par l'ancien
major, un très intéressant ouvrage intitulé African Incidents.
Qu'il nous soit permis, avant d'entrer dans l'analyse de cet ouvrage, de rendre
hommage à la loyauté de ce soldat qui, mettant de côté celte espèce de pudeur
nationale qui consiste, chez nos voisins, à cacher le plus possible les fautes et
les lâchetés commises, se propose à son retour de saisir l'opinion publique des
atrocités perpétrées au Soudan par des officiers anglais.
Ce livre nous entretient des incidents qui accompagnèrent la conquête du
royaume de l'Unyoro et de la révolte des Soudanais de l'Ouganda. Le tableau
qu'il nous fait des résultats auxquels les Anglais sont arrivés au Soudan n'est
pas encourageant pour eux.
Le major Thruston reçut d'abord l'ordre d'envahir l'Unyoro, ce qui consti-
tuait un raid non autorisé par le gouvernement anglais. 11explique avec une
complète franchise, — et c'est là ce qui donne un si grand intérêt à son oeuvre
— que les habitants de l'Ouganda sont toujours enchantés de faire la guerre aux
habitants de l'Unyoro, car c'est là une source de richesses et une occasion de
regarnir leurs harems. Aussi, pour les entretenir dans ces bonnes dispositions,
REVUE DE L'ISLAM
REVUE GÉNÉRALE
Avril.
— Une assez forte expédition s'est réunie à El Golea et est partie le 25 avril
pour Timmimoun et le Gourara.
— La colonne qui opère sur la frontière marocaine, a occupé Igli, comme
nous l'avons annoncé, mais elle a été très éprouvée par la sécheresse et elle a
perdu une grande partie de ses chameaux.
Un convoi est parti le 26 de Djenan-el-Dar au Sud-Ouest de Duveyrier pour
ravitailler celle colonne.
— Le 15 avril est mort en Algérie l'émir Hachem fils d'Abd-el-Kader.
Nous avions réussi à nous en faire un véritable ami, qui avait su empêcher
son frère aîné Mustapha de profiter de notre faiblesse en 1870 pour faire éclater
une révolution en Algérie.
Il laisse deux fils, tous deux sont dans notre armée l'aîné; sort de Saint-Cyr.
Soudan Oriental. — D'assez grandes difficultés ont surgi pour les Abyssins
dans l'Ougaden. Le cheik arabe Mohammed ben Abdallah qui se fait passer
pour mahdi, avait envahi l'Ougaden. Une bataille a été livrée, le 19 mars h
Digdiga.
Le grasmatch Benti, gouverneur du Harrar a été vainqueur des mahométans
qui ont perdu trois mille hommes.
Ménélick a envoyé immédiatement des renforts, mais le calme s'est rétabli
dans ces régions.
nommé récemment vali de Tripoli, poste équivalent à l'exil, s'est enfui avec ses
trois fils, malgré la surveillance de la police turque.
Il s'est rendu à bord de la canonnière anglaise Salamander et de là à bord du
Rubattino en partance pour l'Europe.
— De nombreux Arméniens du district de Van ont embrassé l'islamisme
pour
échapper aux persécutions.
— Le patriarche arménien a envoyé sa démission au
gouvernement turc
qui ne veut pas l'accepter. On croit cependant que ce dernier cédera.
— Le gouvernement ottoman envoie en Allemagne de nombreux officiers
pour y parfaire leurs études militaires.
— La Porte a remis au commencement d'avril une déclaration écrite à l'am-
bassade de Russie portant acceptation des demandes russes de concessions de
chemins de fer en Asie Mineure. On ne savait si l'ambassade se contenterait
de cette simple déclaration.
— Osman Pacha, le célèbre
vainqueur de Plewna, grand maréchal du palais,
est mort le 5 avril.
Perse. — On organise en ce moment une brigade de cosaques persans, compo-
sée de 200 officiers et 1.500 hommes d'infanterie sans compter la cavalerie et
l'artillerie. Ce sont des officiers russes, soumis aux ordres de l'état-major gé-
néral russe qui ont été chargés de ce soin.
— Mozaft'er-Eddin fera une cure à Contrexéville au lieu de la faire à Bourgeon
dans le Caucase. C'est de France que les souverains et chefs d'Etat seront offi-
ciellement avisés de la date de la visite du shah de Perse.
(A suivre). ANDRÉRICAUD.
BIBLIOGRAPHIE
fétichiste, l'esprit de l'Islam n'est pas enraciné assez profondément pour que
nous devions en redouter sérieusement les effets. Nous trouvons là, surtout, les
peuples qui défendent contre le conquérant leurs territoires; contre les concur-
rents, leurs monopoles commerciaux de fait : ce qu'ils défendent contre le
chrétien, ils le défendaient de môme contre d'autres musulmans.
La guerre qu'ils nous font n'a rien de commun avec la guerre sémite, il y a
certainement des fanatiques parmi eux, comme il y en a parmi nous; mais
parmi eux personne encore n'attend avec impatience un maître de l'heure.
Un soulèvement musulman parti d'Algérie pourrait s'étendre à l'Afrique
noire : il est douteux qu'un pareil mouvement, né sur le Sénégal ou le Niger,
entraîne les populations du Nord. D'ailleurs c'est du Nord qu'a rayonné l'islami-
sation : c'est du Nord que part ce fameux mot d'ordre qui — dit-on — circule
sans trêve dans le inonde musulman ; c'est donc du Nord, c'est-à-dire de l'Al-
gérie, que devront partir les paroles de paix, les encouragements à la concilia-
tion et à la concorde.
Ne parlons pas pour le moment de La Mecque ni de Stamboul ; Stamboul est
noble, mais elle est turque : La Mecque est sainte, mais elle est loin.
Quant à la Tunisie, M. Hanotaux n'y voit aucun symptôme alarmant : les
musulmans et les chrétiens y coexistent dans la paix et la cordialité ; c'est la
Bétique des possessions françaises. Enfin le Maroc est le laboratoire d'où peu-
vent sortir tous les explosifs ; malheureusement, nous ne pouvons aller y faire
la police : mais on sait que le Sultan, s'il y est khalife, n'y est souverain qu'à
l'état précaire, et il n'est pas assez puissant comme souverain, pour y être très
écouté comme khalife. En supposant que les Français envahissent un jour le
Maroc, chaque tribu se défendrait ou se soumettrait sans en référer au Maghzen :
'
mais là encore ce ne serait pas la guerre sainte que nous trouverions : ce serait
la guerre tout simplement, que nous feraient des gens jaloux — avec raison —
de leur indépendance.
C'est donc l'Algérie surtout qui pour le moment nécessite notre attention
comme elle mérite notre sollicitude.
M. Hanolaux voudrait que l'on procédai à une vaste enquête dans le but de
savoir quelle ligne de conduite le gouvernement comme les particuliers doivent
en fin de compte adopter à l'égard de l'Islam, non seulement en Algérie, mais
dans tout notre domaine africain. Pour ce qui n'est pas l'Algérie, ni la Tunisie,
je viens de dire mon humble avis : l'Islamisme n'y est pas brûlant. Pour l'Al-
.gérie, il me semble qu'il y a déjà eu pas mal d'enquêtes de faites. Toutes n'ont
pas eu en vue, certainement, l'objet spécial dont s'occupe M. Hanotaux : mais
toutes ont touché plus ou moins la question de nos relations avec la population
indigène, ainsi que la situation qui lui a été faite par suite de la conquête. Ou-
tre le résultat des diverses enquêtes officielles, il ne manque pas, Dieu merci,
de mémoires, d'articles de revues, de livres, etc. sur cette délicate matière. On
ne voit pas trop quel jour nouveau jetterait là-dessus une enquête nouvelle.
Il est vrai que celle que réclame M. Hanolaux ne ressemble pas tout à fait
aux autres : l'on y entendrait des musulmans. Mais encore faudrait-il ne pas se
84 REVUE DE L'ISLAM
égard, avec nos idées plus libérales, notre instruction plus générale, notre
indifférence en matière religieuse, nous sommes beaucoup plus coupables que
les musulmans. L'administration, personne n'en cloute, est animée des meilleures
intentions : mais elle est, là comme ailleurs, prisonnière de ses traditions routi-
nières, et d'ailleurs gênée par les exigences d'une législation aussi peu en rap-
port que possible avec les besoins, le caractère et les moeurs de la population.
Quant aux particuliers, ils sont trop souvent disposés à ne voir dans tout indigène
qu'un ennemi naturel, et à régler en conséquence leurs rapports avec lui. Ils ne
se rappellent pas assez en général que, en tout pays conquis où ils s'établissent,
ils représentent la France et que, à ce titre, ils ont individuellement le devoir
de concourir, de fait et d'intention, à l'oeuvre pacificatrice, conciliatrice et
humanitaire que la France prétend accomplir partout où elle domine.
Et cela leur serait singulièrement plus facile si, en venant s'établir dans telle
ou telle colonie, ils possédaient à l'a. ance quelques notions justes sur les popu-
lations qu'ils y trouveront : sur les origines, les traditions, les moeurs et la
religion de gens en face desquels ils sont appelés à vivre et dont en somme c'est
l'héritage, qu'ils viennent cultiver à leur profit. Au lieu de cela, il est trop cer-
tain que la plupart des Européens ignorent tout (y compris la langue) de la
société musulmane, pour ne parler que de celle-là, et qu'ils ne cherchent à en
apprendre que ce qui est nécessaire pour l'exploiter. De là, dès le début des rela-
tions particulières dès l'origine de nos conquêtes, des froissements, des conflits
sans nombre qui, en se généralisant, prennent le caractère ou l'aspect d'une
querelle de race. Au fond de ce qu'on appelle le panislamisme, dans nos pos-
sessions, il n'y a peut être pas autre chose que cela.
11est certain que l'indigène de son côté viendrait plus franchement à nous
s'il nous connaissait mieux, ou plutôt s'il connaissait de nous autre chose que nos
mauvais côtés. Mais l'indigè.ne nous connaît peu; non seulement il ignore en
général les qualités que notre race pourrait si utilement mettre en oeuvre dans
ses rapports avec lui, mais encore il ne se rend nullement compte, c'est fort
probable, de la puissance réelle de notre nation Car, s'il la comprenait bien, il
comprendrait du môme coup que, quelles que soient ses qualités guerrières et
le ressort, de sa propre race, ses révoltes finiront toujours par ôtre domptées
et par tourner contre lui.
S'il est donc très nécessaire de modifier chez nous, l'esprit public — et peut
être l'éducation nationale— en vue de l'expansion, au dehors, de noire race, il
serait non moins utile de travailler à instruire les musulmans (pour ne parler
que de ceux-là) de ce que nous sommes en réalité : de ce dont nous sommes
capables, même pour leur bien. En d'autres termes, il faut refaire l'esprit des
populations musulmanes,'au moins dans le mesure où cela peut être fait. Mais
ce n'est pas à l'aide des moyens seulement administratifs que l'on réalisera
dans le monde de l'Islam une réforme quelconque : de cela, la preuve est faite
surabondamment. La persuasion est le seul instrument à mcllre en oeuvre, cl
encore doit-il ôtre employé d'une certaine manière. Un de nos collaborateurs,
M. Napoléon Ney, a récemment fait, au Congrès des Sociétés de Géographie,
86 REVUE DE L'ISLAM
Dans une ville arabe, en plein désert, on rencontre même de petits édicules pour
satisfaire aux besoins de première nécessité. Faut-il ajouter que les habitants
très pratiques de ces oasis n'onteu garde de ne pas profiter des engrais humains
qui s'y amassent? Les maisons, aux portes basses, ressemblent aux construc-
tions arabes de l'Algérie; elles s'en distinguent cependant par des incrustations
en ossements de gazelle et de boeuf, placées au-dessus des portes, sans doute
pour conjurer le mauvais sort.
Dans cette description de l'oasis, le géologue ne laisse pas de reprendre ses
droits. M. Flamand est géologue de tempérament et d'éducation. Ce qui l'inté-
resse avant tout, c'est la nature des roches, la formation des dunes, la disposi-
tion des couches de terrains qui facilitent le creusement des feggaguir. On n'a
pas consacré des années à des études géologiques sans que l'esprit consciem-
ment ou inconsciemment ne s'attache plutôt à des observations de cet ordre. Et
le géologue nous parle de ces cebaies profondes qui découpent brusquement en
falaises ses strates gréseuses, de couleur rouge lie de vin et amarante, formant
le socle de la Chebka du Tademaït » — de la eeRaba, constituée par une série
de petites plaines et de dépressions à sous-sol argilo-gréseux rutilant, recouvert
par un manteau de sable de peu d'épaisseur » — de ceces terrains argileux qui,
dans la suite des temps, ont retenu les sables et donné naissance à des accu-
mulations de dunes, dont la direction générale Nord-Sud est toujours fonction
du modèle sous-jacent ». C'est aussi le géologue qui nous découvre l'existence
de roches primitives granitiques dans le Sahara, et celle d'anticlinaux gréseux
très relevés. Mais la partie la plus curieuse de ses observations, celle du moins
qui intéresse particulièrement dans une oasis saharienne, c'est la recherche,
l'adduction et la répartition de l'eau. M. Flamand a renouvelé en partie les
connaissances que l'on possédait sur ce sujet. L'eau est amenée dans les oasis
à l'aide de feggaguir. Jusqu'ici, on se figurait ces feggaguir comme des puits à
galeries; ce sont au contraire cede très longues galeries de captation d'eau,
comprenant souvent un grand nombre de digilations, où les puits ne jouent
d'autre rôle que celui de permettre l'évacuation des matériaux de creusement ou
d'éboulemenl ». Ces galeries sont forées à un niveau argileux qui relient les
eaux : elles ont une longueur considérable, quelquefois plusieurs kilomètres ;
leur orifice n'est situé qu'à une faible hauteur au-dessus des jardins à irriguer
et l'eau qu'elle donne est courante, limpide, abondante, d'une température de
27°, très bonne pour l'alimentation. Toutes ces feggaguir, du moins dans la
région parcourue par l'explorateur, ont une direction unique, Est-Ouest, per-
pendiculaire à celle des dunes et des oasis. Quant au mode d'irrigation et de
distribution des eaux, il est réglé avec le plus grand soin comme dans lotis les
pays où la moindre goutte d'eau est utilisée et appréciée.
La grande richesse agricole de ces régions consiste dans les dattes. Tout le
long des oasis, s'étend un long ruban verl de palmeraies, qui tranche singuliè-
rement sur le jaune fauve des dunes environnantes. Les palmiers, plantés à
REVUE DE L'ISLAM
L'impression au Maroc.
un livre vieux d'une quinzaine d'années, mais qui est resté vrai dans presque
toutes ses parties, l'auteur rapporte l'invariable réponse des Marocains auxquels
ii demandait pourquoi leurs plus belles terres restaient absolument incultes,
ceNous cultivions autrefois, et la dîme nous a ruinés. L'amin venait sur nos
champs qui étaient superbes ; il nous imposait 40 almuds de blé, alors quenous
n'en avions au battage que 30, et nous étions forcés d'apporter ces 30 almuds,
à nos frais, au port d'embarquement et de vendre nos boeufs pour payer le res-
tant; depuis cette époque, nous ne travaillons plus ». Et montrant le ciel, ils
ajoutaient: ceNous attendons des temps meilleurs ».
Et ce sont ces temps qui leur paraissent venus : se trompent-ils ?
J. J.
REVUE GÉNÉRALE
BIBLIOGRAPHIE
Un travail de ce genre n'avait jamais été fait. Nous souhaitons à cette publica-
tion tout le su ces qu'elle mérite.
Chaque très fort vol. in-8° avec nombreuses illustrations, cartes, etc., broché :
5 fr. (Librairie Larousse, à Paris.)
-La Hollande, par divers auteurs, in-8», 222 gravures, 9 cartes, broché : 5 fr.,
relié : 7 fr. 50.
La Librairie Larousse avait déjà publié, avec un légitime succès, deux remar-
quables volumes sur la Russie et l'Italie; elle nous donne aujourd'hui la Hol-
lande, qui ne mérite pas moins l'attention de ceux qu'intéressent les publications
vraiment sérieuses et substantielles. Rédigé par les spécialistes les plus autorisés,
richement illustré, cet excellent ouvrage est incontestablement l'étude d'ensemble
la plus documentée et la plus complète qui ait encore paru sur un pays particu-
lièrement curieux et original, et pourtant généralement mal connu de nous.
Aie pays de l'esclavage nous transporto en pleine Afrique centrale, parmi des
populations absolument primitives sur lesquelles le Lecteur trouvera d'intéres-
santes descriptions ethnographiques. Que de renseignements curieux en ce livre!
Que de chapitres attachants! Ce sont là de vraies pages de vie africaine où la psy-
chologie à la fois compliquée et simpliste des Noirs se révèle admirablement. C'est
un tableau fidèle de leurs moeurs, de leurs coutumes, de leurs traditions, de leurs
procédés commerciaux, de leurs modes, de leurs chants et de leurs danses, de leurs
défauts et de leurs vices, en un mot de leur vie privée et de leur vie sociale. Au
pays de l'esclavage a été rédigé par M. Félix CHAPISEÂU,en partie d'après des
notes inédites que l'explorateur Ferdinand DE BÉHAGLEavait prises durant un
long voyage en Afrique (1892-95).
Un tel ouvrage vient bien à son heure. La locomotive — il faut l'espérer — jet-
tera bientôt sa fumée sur la brousse africaine. Or, partout où la civilisation s'est
tant soit peu implantée, le Noir s'est déjà transformé et, clans un avenir relative-
ment court, il aura perdu son caractère primitif, et, comme le Noir ne garde rien,
ne se souvient de rien, on ignorerait bientôt chez nous ce qu'étaient nos nouveaux
sujets au temps de leur barbarie.
Il est donc intéressant de recueillir dès maintenant toutes les notions possibles
sur l'état actuel des Sociétés africaines : c'est pourquoi ces pages crue nous offre
M. CHAPISEÂU seront des documents précieux pour l'histoire de tant de peuples et
pour l'histoire de la civilisation, du progrès social dans le Continent noir (J. MAI-
SONNEUVE, éditeur, Collection des Littératures populaires de toutes les Nations,
tome xxxvn).
L'ISLAM
l'Ait S E. AU MED MIDHAT EFFEIVIH (t).
importance aux yeux des penseurs pour qui la Divinité n'est point une façon
d'anoblissement ou de promotion en grade, mais bien une qualité innée de
l'Être Suprême, si toutefois Ton peut imaginer une naissance pour l'Être
Suprême, l'Être Idéal.
Cette déification s'explique d'ailleurs par le peu de différence que les contem-
porains de ces héros voyaient entre l'humanité et la divinité ; aussi dès qu'un
homme se distinguait des autres par son génie, on n'avait pas de peine à lui
accorder un titre divin ou semi-divin dans la hiérarchie Olympienne. En réalité
la déification, telle que l'histoire nous l'apprend, ne pouvait être l'élévation de
l'homme vers la divinité, mais bien plutôt l'abaissement de celle-ci vero l'homme.
Mais est-ce à dire que la Divinité, comme nous l'entendons, cette puissance
absolue et abstraite, cette sagesse éternelle et impersonnelle, enfin la Divinité
quasi scientifique et éminemment philosophique, puisse être attribuée à de
mortelles créatures à qui l'existence est donnée et reprise en dehors de leur
volonté, qui sont créées, qui sont détruites sans môme pouvoir y consen-
tir?
Un autre sujet détonnement pour moi est la définition que donne M. Hano-
taux du Christianisme et surtout du Mahométisme. La religion Chrétienne, dit-il,
liéritière plus directe de l'Antiquité aryenne et en rupture violente avec le Sémitisme
dont pourtant elle était fille, tend à relever l'homme en le rapprochant de Dieu!
Qu'aurait dit l'éminent professeur Draper d'une telle asseition? Draper qui
n'épargne aucun reproche à ceux qui commirent le crime de faire rompre les
liens étroits qui unissaient le Christianisme au Judaïsme — rupture d'une
fille avec sa mère.
Historiquement parlant, le Christianisme n'est qu'une Réforme dans le
Judaïsme; rompre avec celui-ci, et cehériter plus directement du Paganisme »
serait sortir de la religion du Christ et se jeter dans celle des Païens. Or, en
ses premiers temps, le Christianisme s'est efforcé, de toute son énergie, h
détruire non pas le Judaïsme mais le Paganisme. Drôle d'héritière en tout cas,
que cette religion qualifiée de Chrétienne par M. Hanotaux et qui détruit ses
ascendants pour profiter de leur fortune!
D'après moi, et avant d'esquisser un parallèle entre l'Islam et le Chris-
tianisme, il convient de fixer ce qu'est le Christianisme.
Après le concile de Nicée où fut proclamée la divinité d'un homme et avant
celui de Rome où fut proclamée l'infaillibilité d'un autre homme, des centaines
de conciles promulguèrent, des lois dogmatiques qui, si elles étaient acceptées
toutes comme Chrétiennes, feraient douter que ce Christianisme soit la religion
des Évangiles.
Qu'entend donc M.llanotaux par le mot : Christianisme? Est-ce la religion de
Rome? Est-ce celle de l'église Orthodoxe? Est-ce celle de la Réforme? pour ne
citer que ces trois parmi les nombreuses religions dites Chrétiennes. Mais encore
ces trois religions Chrétiennes se démentent l'une l'autre avec une telle haine
et une telle véhémence qu'un observateur impartial n'oserait en prendre aucune
pour la vraie religion du Christ. On doit demander là-dessus l'avis d'un Unitaire
REVUE DE L'ISLAM 99
d'Angleterre qui condamne toules les autres croyances Chrétiennes et qui est
condamné à son tour par toutes ces autres églises du Christ!
Toujours en vue du parallèle à établir, il est nécessaire également de déter-
miner le Mahométisme. Cette lâche ne sera point aussi difficile que l'autre.
Quoique l'Islam ne put, lui aussi, conserver sa complète unité primitive, l'anta-
gonisme des sectes Musulmanes est très loin de revêtir le caractère de celui qui
divise les églises Chrétiennes; leurs divergences sont même de beaucoup moin-
dres que celles existant entre les sectes du Protestantisme; aucune secte Musul-
mane ne peut considérer les autres, de la façon dont les trois grandes religions
Chrétiennes se considèrent mutuellement. Point de schisme, point d'hérésie
dans l'Islam. Point de clergé détenant le droit d'accepter dans son giron ceux
qui lui plaisent et d'en chasser ceux qui lui déplaisent; enfin personne n'y a le
droit d'imposer sa forme de Croyance aux autres. En matière de foi, chaque
Musulman est son propre prêtre, il n'a à rendre compte qu'à Dieu seul, direc-
tement et sans intermédiaire, de ses idées comme de ses actes. Mouhammed
lui-même n'eut et ne prélendit jamais assumer les pouvoirs que se donnèrent
les divers clergés du Christianisme. Rien, au contraire, ne le distingua des
autres hommes devant la justice du Seigneur, ainsi que l'atteste le Coran.
Il s'ensuit donc qu'à cette question : Qu'est l'Islam? toutes les sectes Musul-
manes donneront la même réponse : Le fait de se conformer aux prescriptions
du Coran, et à aucune autre chose qu'au Coran ! Il faut remarquer de plus que
le Livre saint Musulman n'a pas une histoire perdue dans les ténèbres comme
celle du Nouveau et surtout de l'Ancien Testament.
Les copies du Coran amassées par Mouhammed et par ces disciples sont entre
nos mains, et il ne s'est pas rencontré un seul mot de différence dans le texte
confronté de millions d'exemplaires de manuscrits répandus dans tout le monde
Musulman.
Ur celte religion Coranique ne tend nullement, comme le croit M. Hanotaux,
à abaisser l'homme en reculant Dieu au fond de l'infinité.
Car d'après le Coran : « Dieu est plus près de l'homme que ses veines jugu-
laires ». Cette religion distinguant nettement l'homme moral de l'homme maté-
riel, fixe l'état de chacun d'une manière très satisfaisante pour l'entendement
humain.
L'homme moral est ce moi qui a conscience de son néant devant celui qui
est l'Auteur de Tout. L'Islam indique à ce moi sa position vis-à-vis de Celui
devant l'infinie majesté et l'infinie lumière de qui les soleils ne sont que misé-
rables étincelles. L'homme matériel est cet autre moi qui a conscience de ses
facultés et qui doit tout espérer d'elles : cePour l'homme, dit le Coran, il n'y a
rien autre chose que le produit de sa lâché ». Donc l'homme moral n'a point
de libre arbitre : rien ne dépend de lui; par contre, l'homme matérielle possède
pleinement : tout dépend de lui. Ainsi, quand un sultan seldjoukide enivré de
triomphe veut piétiner l'impérial adversaire qu'il a vaincu, c'est sa matérialité
qui l'y pousse, révoltée un moment contre sa moralilé; mais cette dernière
reprend aussitôt le dessus et le héros turc, repenti de son orgueilleuse intention,
100 REVUE DE L'ISLAM
(d)
LA DJAMA DE CORDOUE
pareilles à des étendards gonflés par le vent de l'a fortune : enfin une toiture en
bois de mélèze recouvrira l'édifice. »
Pendant deux années Abd-el-Rhaman suivit la construction de l'oeuvre mys-
tique qui devait l'immortaliser. Mais il était écrit que celui qui avait conçu
une aussi magnifique entreprise ne la verrait achever.
La mort surprit Abd-el-Rhaman avant qu'il ait pu voir briller les mille
lampes de bronze et de cristal, il n'entendit jamais les entretiens du Taleb, ni
la voix du mufti quand du haut des minarets celui-ci criait : et Dieu est grand,
prier est mieux que dormir! » ou bien encore : ee Déjà luit le jour, louons
Dieu! » II ne vit pas les croyants arriver d'Orient en pèlerinage vers la Mecque
d'Occident. II ne devait pas compter les pèlerins attendant leur tour pour,
après ablutions faites, pénétrer purifiés dans le Temple et y faire leur zalahl...
Mais son fils Ilixen continua et termina en 796 l'oeuvre paternelle, ensuite,
l'édifice fut embelli successivement par les Emirs Abd-el-Rhaman III, Al-
Haken II, Mohammed y Addallah, jusqu'à Almanzor-le-Grand qui l'augmenta
et construisit toute la partie orientale...
Cordoue ayant été reconquise par San Fernando, l'évèque Mesa bénit le
temple et éleva dans la Caaba un autel privilégié. Don Alonzo le sage fit cons-
truire le Maîlre-Autel et en 1521, l'évèque Don Alonzo Manrique obtint de
l'Empereur Charles Quint, l'autorisation d'élever au centre de la mosquée une
église gothico-mudijar. Ce temple chrétien qui, au point de vue artistique, est
considéré comme un outrage au monument arabe, symbolise dans sa forme le
triomphe de la Croix sur l'Islam et paraît être au bout de sept siècles comme
une représaille à la pensée d'Abd-el-llhaman : ceII faut qu'au dessus des débris
de la Croix surgisse le Croissant. »
L'empereur d'esprit plus cultivé pensa : <eAu-dessous du bosquet de palmiers,
des colonnes et des voûtes, élevons la Croix victorieuse et l'ogive gothique
dressée vers le ciel. »
L'illustre orientaliste Contreras dit de la mosquée : ceUne immense forêt de
rigides pilastres ^'alignant en de symétriques allées reproduites à l'infini el
toujours de forme semblable, éveille dans l'âme du croyant l'idée de la fatalité
inexorable qui le pousse dans la vie el la vision du sort implacable, qui l'attend
dans son paradis.
El ce tissu de courbes revenant sur elles-mêmes évoque chez un esprit
impur, troublé et rempli de fausses espérances, l'idée des eaux d'un étang
soulevées par le vent. Aussi, rien ne doit-il être plus impressionnant pour une
Conscience musulmane que l'intérieur de celte mosquée. »
|C. MALI.AT DRUASSIL.VN.
102 REVUE DE L'ISLAM
("
m GOKTE DES MILLE KUÏTS & UKE HUÏT
HISTOIRE DE BACBOUCK
LE PREMIER FRÈRE I>U BARBIER
ceAinsi! sache, Commandeur des Croyants, que le plus âgé de mes frères, le
devenu boiteux, s'appelait El-Babouck, ainsi nommé parce que, lorsqu'il se met-
tait à bavarder, on croyait entendre le glouglou d'une cruche. De son métier, il
était tailleur à Bagdad.
Il exerçait son métier de tailleur dans une petite boutique, qu'il avait louée
d'un homme très farci d'argent et de richesses. Cet homme habitait au haut de
la maison môme où était située la boutique de mon frère Bacbouck, el, tout
à fait dans le bas de la maison, il y avait un meunier et aussi le boeuf du meu-
nier.
Un jour que mon frère Bacbouck était assis à. coudre dans sa boutique, sou-
dain, en levant la tête, il aperçut au-dessus de lui, à la lucarne supérieure, une
femme comme la lune a son lever, et qui s'amusait à regarder les passants.
C'était l'épouse du propriétaire de la maison.
A sa vue, mon frère Bacbouck sentit son coeur s'éprendre passionnément, et il
lui fut impossible découdre ou de faire autre chose que de regarder la lucarne; et
ce jour-la il resta ainsi hébété et en contemplation jusqu'au soir. Et le lende-
main malin, dès le point du jour, il se remit à sa place et, tout en cousant un
peu, il levait la tète vers la lucarne et, h chaque point qu'il faisait avec l'aiguille,
il se piquait les doigls, car chaque fois il dirigeait son regard vers la lucarne.
Il resta dans cet état pendant plusieurs jours, durant lesquels il ne travailla et
ne fit d'ouvrage même pas pour un drachme.
Quant à l'adolescente, elle comprit tout de suite les sentiments de Bacbouck,
mon frère, el résolut de les mettre à profil el de s'en divertir beaucoup. Un jour
donc, que mon frère était encore plus hébété que de coutume, elle lui jeta un
regard rieur qui aussitôt transperça Bacbouck; et Bacbouck regarda l'adoles-
cente, mais si drôlement qu'elle rentra aussitôt pour rire à son aise. El le sot
Bacbouck fut au comble de la joie, ce jour-là, en pensant combien on l'avait
regardé avantageusement.
Aussi, le lendemain, Bacbouck ne fut point considérablement étonné en voyant
venir dans sa boutique, avec, sous le bras, une belle pièce d'étoffe recouverte
d'un foulard de soie, le propriétaire de la maison qui lui dit : ce Je t'apporte
une pièce d'étoffe pour que tu m'en tailles des chemises. » Alors Bacbouck ne
douta plus que le propriétaire fût envoyé par son épouse, et il lui dit : ce Sur
mon oeil et sur ma tête! ce soir même les chemises seront prêtes. »
En effet, mon frère se mit à travailler avec tant d'activité, se privant même
de toute nourriture, que le soir, à l'arrivée du propriétaire, les chemises, au
nombre de vingt, étaient cousues et pliées dans le foulard de soie.
Et le propriétaire lui demanda : ee Combien dois-je te payer? » Mais juste à
ce moment, à la lucarne furtivement apparut la jeune femme, qui lança une
oeillade à Bacbouck et lui fit signe de ne point demander de rémunération. Et
mon frère ne voulut rien accepter du propriétaire, quoiqu'il fût en ce moment
dans une très grande gène et qu'une seule obole lui eût été d'un grand secours.
Mais il s'estima fort heureux de travailler et d'obliger le mari pour les beaux
yeux de l'épouse.
Mais ce n'était que le commencement des tribulations de ce Bacbouck de folie.
En effet, le lendemain, à l'aube, le propriétaire vint avec, sous le bras, une
nouvelle pièce d'étoffe, et dit à mon frère : ee Voici ! chez moi on m'a dit qu'il
fallait que j'eusse des caleçons neufs pour les porter- en môme temps que mes
chemises neuves. Et je t'apporte une nouvelle pièce pour que tu m'en tailles
des caleçons. Et qu'ils soient bien amples! Et n'épargne point les plis ni
l'étoffe! » Mon frère répondit : eeJ'écoule el j'obéis! » EL il fut durant trois
jours entiers à l'ouvrage, et il ne prenait comme nourriture que le strict néces-
saire pour ne pas perdre de temps, cl surtout parce qu'il n'avait plus un seul
drachme d'argent pour acheter le nécessaire.
Lorsqu'il eut fini le travail des caleçons, il les plia dans le grand foulard, el,
tout heureux et ne se possédant plus de joie, il monta lui-même les porter au
propriétaire.
Il est superflu de te dire, Commandeur des Croyants, que la jeune femme
s'était entendue avec son mari pour se moquer de mon benêt de frère et pour
lui faire les tours les plus surprenants.
En effet, lorsque mon frère eut remis au propriétaire les caleçons neufs, le
propriétaire fit mine de vouloir les payer. Mais aussitôt, dans l'embrasure de la
porte, la jolie tète de la femme apparut, ses yeux lui sourirent el ses sourcils
lui firent signe de refuser. El Bacbouck se refusa absolument à recevoir n'im-
porte quoi du mari. Alors le mari s'absenta un instant pour rejoindre son
épouse qui avait disparu et revint bientôt auprès de mon frère el lui dit : ceMoi
et mon épouse avons résolu, pour reconnaître les bons services, de te donner en
mariage notre esclave blanche, qui est très gentille et 1res belle; et de la sorte
tu seras de la maison ! » Et mon Bacbouck pensa aussitôt que c'élait là une
excellente ruse de la jeune femme pour lui procurer ses entrées libres dans la
maison, et il accepta aussitôt; et aussitôt on fit venir la jeune esclave et on la
maria avec Bacbouck, mon frère.
Lorsque, le soir venu, Bacbouck voulut s'approcher de l'esclave blanche, elle
lui dit : ceNon, non, pas ce soir! » et il ne put, malgré tout son désir, prendre
même un baiser de la jolie esclave.
104 REVUE DE L'ISLAM
mier jour, sut à quoi s'en tenir. Et, pour mieux dire, tout le monde le savait
d'avance, el le complot était percé à jour et les Souriens prévenus.
Quand le capitaine Cox arriva à Sour avec son docile compagnon, et qu'ils
descendirent la main dans la main, avec des airs de monarques aimables, ils ne
rencontrèrent que des mines bienveillantes, des sourires de sympathie, des pa-
roles de bienvenue. Les enfants ne faisaient plus : Hou! Hou ! derrière l'Anglais,
comme à ses visites précédentes.
(l'était très beau, presque touchant. Le sultan distribua des écus d'Autriche.
Le consul anglais, plus riche, puisant dans le coffre des meurt-de-faim de l'Inde,
0
répandait à profusion les manteaux de laine soutachés d'or, les robes de soie
brodées, les turbans majestueux, les ceintures ondoyantes. Le peuple de Sour
nageait dans l'allégresse, comprenant que bien décidément, comme on le leur
avait annoncé, les gros canons était muselés, qu'ils aboyaient, mais qu'ils ne
mordraient pas.
Ce furent des heures indicibles, pour les madrés Souriens surtout, que
submergeaient les largesses de leurs deux seigneurs, et qui attendaient quiète-
ment la fin.
La fin, ce fut la demande insidieuse. Le consul, expliqua de la façon la
plus congrue l'objet de cette visite désintéressée. Ses Souriens reçurent la
demande de pied ferme, avec les plus aimables sourires. Ils exposèrent à leur
tour que les pavillons, à leurs yeux, ne signifiaient rien du tout; qu'ils étaient
le plus disposés du monde à les rendre; que cependant un tel était absent, et
puis un tel aussi, et que c'étaient des personnages à ménager, qui seraient
peut-être mécontents qu'on eût agi sans leur participation, el pourraient
prendre le contre-pied de leur décision ; que, pour le succès même de la dé-
marche, ou du moins pour qu'il fût total, il convenait d'attendre le retour des
absents : que toutefois ils étaient prêts à souscrire l'engagement de rendre
leur pavillon au consul de France aussitôt qu'ils en seraient requis parle sul-
tan.
Le consul d'Angleterre s'était éloigné discrètement pendant les pourparlers.
Quand son ami lui apporta les engagements souscrits par les protégés, son
nez s'allongea outre mesure.
ceMais, maladroit, ne put-il s'empêcher de dire au sultan, comment pouvez-
vous soutenir devant le Gouvernement français que la renonciation des protégés
a été librement accomplie, quand vous leur en avez fait prendre l'engage-
ment? »
ce Bah! répliqua le sultan, avec les Français il ne faut pas tant se gêner; et
vous-même me l'avez souvent dit. Ils ne réclameront rien du tout. Ils ont bien
trop peur de l'Angleterre ! »
VIATOR.
REVUE DE L'ISLAM 107
REVUE GÉKÉRAl-E
Mai-Juin.
grand agitateur de 1881, qui est maître des oasis de Figuig, au nord du Tafilet.
Des précautions ont été immédiatement prises pour rester toujours en com-
munication avec le corps d'occupation d'Igli et pour le ravitailler. Des postes
ont été échelonnés sur la route depuis Djenien-bou-Rezg, à Djenien-ed-Dar, à
Zoubia-Duveyrier, et des renforts envoyés à Igli.
Déplus, noire ministre à Tanger signalait au maghzen ces rassemblements
belliqueux aux environs de notre frontière et le prévenait que toute agression
serait vigoureusement repoussée.
Celte attitude énergique a tenu jusqu'ici en respect les Marocains, tant régu-
liers qu'irréguliers, qui n'ont pas osé attaquer nos colonnes malgré tout leur
désir, et tout danger semble conjuré, puisque, aux dernières nouvelles, les
troupes remontaient vers le nord, en ne laissant dans les postes que des garni-
sons d'été, suffisantes cependant pour toute éventualité.
Maroc. — Outre les faits que nous venons de rapporter ci-dessus, la frontière
d'Algérie a été troublée par une nouvelle lutte entre les Djads el les Mehaya.
Profitant de l'absence d'un certain nombre de Djads, les Mehayas sont tombés à
l'improvisle sur leurs douars, en massacrant les hommes, les femmes et les
enfants. Quatorze mille moulons ont été razzies.
— Le eeLibéral » de Madrid annonçait, sur la foi de son correspondant de
Tanger, que la France et l'Espagne étaient d'accord au sujet de la politique au
Maroc. Le ministre d'Espagne à Marrakesh avait reçu des instructions dans ce
sens.
D'autre part, une dépèche de Rome annonçait quelques jours plus tard qu'une
entente s'était produite contre l'Allemagne, l'Italie et la Grande-Bretagne pour
le maintien du statu quo au Maroc.
— Le grand-vizir Ahmed-ben-Mussa, dont les journaux annoncent la mort Au
moins une fois par mois, est définitivement mort le 13 mai, après une longue
maladie.
Le sultan, qui n'avait jusqu'alors aucune autorité, a pris en main la direction
des affairés et a choisi pour conseiller principal MouIey-el-Amin.
Hadj-Mohammed-ben-el-Arbi-el-Tores, représentant du sultan pour les affaires
étrangères, a informé les puissances qu'à l'avenir les correspondances pour la
cour du Maroc doivent lui être adressées et que c'est lui qui est chargé d'y ré-
pondre.
— Il aurait envoyé, le 19 juin, une note au Ministre de France pour protes-
ter contre l'envahissement par les troupes françaises d'un territoire qu'il consi-
dère comme étant sous la dépendance du sultan.
— Le prince Mouley-Mohammed, frère du sultan, qui avait été mis en prison
par l'ancien grand-vizir, aurait obtenu sa grâce et devait être mis à la tète des
troupes chargées de pacifier les tribus rebelles. Mais., quelques jours après, on
annonçait que le sultan avait donné l'ordre de l'interner à Méquinez.
Soudan Occidental. — Notre vieil ennemi Samory est mort le 2 juin, à Njole
(Congo français), des suites d'une pneumonie.
REVUE DE L'ISLAM 10<J
n'ayant pas abouti à aies résultats satisfaisants. Les ambassadeurs ont reçu des
instructions de leurs gouvernements et se sont réunis le 5 juin.
— Le gouvernement ottoman a
imposé des droits prohibitifs sur les marchan
dises provenant de Grèce, la Roumanie et la Bulgarie à partir du 14 juin.
A cette date, le ministre de Grèce a remis à la Porte une note protestant
contre l'application du tarif différentiel qui est contraire à l'article 4 du proto-
cole de Londres de 1830. Elle estime qu'en qualité d'État à capitulations, elle
doit bénéficier du traitement de la nation la plus favorisée.
En attendant qu'elle obtienne satifaction, elle usera de représailles et appli-
quera aux produits turcs un tarif double du tarif général laissant à la Turquie
toute la responsabilité de la situation.
Le même jour, le ministre de Roumanie a remis une note dans le même sens.
Le prince Ferdinand de Bulgarie s'est adressé personnellement au Sultan
pour lui demander d'empêcher que le tarif différentiel soit appliqué à la Bulga-
rie. Le Sultan aurait répondu favorablement parce qu'il tient à ce que le prince
vienne à Constantinople avant d'aller en Russie.
— Un important contrat aurait été passé avec la maisson
Krupp pour la
fourniture de 16 batteries de canons à tir rapide.
Un autre contrat serait intervenu avec une maison de Gènes pour la réfec-
tion de six cuirassés.
— Un iradé a approuvé la convention pour le chemin de fer de Damas à
Hamma, qui est construit par une Société française. Mais on annonce que les
gouverneurs de province ont reçu des ordres formels pour refuser dorénavant
tout permis de recherche de mines à tout demandeur indigène ou étranger.
BIBLIOGRAPHIE
Le tome troisième du Livre des Mille Nuits et une nuit, traduction littérale
et complète du texte arabe, par le docteur J.-G. MARDKUS.Un vol. in-8° carré,
7 fr. (Edition de la Revue Blanche).
Au contraire de la lointaine adaptation qu'en lit Galland, cette transcription lit-
térale du chef-d'oeuvre de la littérature islamite n'est pas destinée à la jeunesse.
Mais les lettrés l'accueillirent avec joie. Anatole France, en a dit : « C'est l'Ara-
bie avec tous ses parfums. »
Les tomes déjà parus contenaient des récits dont Galland nous avait, fait con-
112 REVUE DE L'ISLAM
naître sinon le caractère, du moins l'affabulation. Un avis placé en tête du tome III
nous avertit qu'il inaugure une nouvelle série d'histoires jamais traduites, même
fragmentairement, en français. Un roman héroïque l'occupe tout entier : l'histoire
du roi Omar Al Neman et de ses deux fils merveilleux, Scharkan et DaoulMakan.
Ce sont les croisades vues dans une lumineuse bruine d'imagination qui sem-
blent fournir le thème de ces prouesses guerrières et galantes où sont aux prises
les croyants avec les chrétiens, avec les chrétiennes aussi, car la reine Abuja
commande une horde d'amàzones aux muscles de lutteurs et à l'esprit fleuri.
Dans un des délicieux poèmes qui étoilent le texte, le poète dit en parlant d'elle :
ecEt voici que le pelouse luit! Et c'est de tout ce qu'elle contient de blanches
.filles à la chair candide, de filles candides et blanches à la haute lueur! Et la
pelouse en tressaille et frémit.
eeDe belles filles surnaturelles. Une taille mince, pliante. Une démarche souple
et savante et mélodieuse. Et la pelouse en tressaille et frémit.
« Éparse, la chevelure; retombante sur le col, la chevelure, telle la grappe sur
le cep. Blondes ou brunes, grappes blondes, grappes brunes, ô chevelures !
« Attrayantes filles, ô séductrices! Et vos yeux! La tentation de vos yeux, les
flèches dé vos yeux, et ma mort! »
Les héros de ce roman séduisent tous par quelque qualité portée à son pa-
roxysme : les uns par leur sagesse, Scharkan par sa verve dans les massacres et
sa chevalerie, la Mère des Calamités par son industrie, Azig et Diadème par leur
beauté... Leurs aventures prodigieuses et naïves nous révèlent une civilisation et
une littérature que les seuls orientalistes connaissaient jusqu'à présent. — P. S
Notre ami Narcisse Quellien, le dernier barde, nous promet depuis plusieurs
années un ouvrage sur l'Islam dans la Celtibérie; il ne laissera probablement
pas s'écouler le siècle prochain sans nous le donner. Nous prions donc ceux de
nos lecteurs que ce savant article intéressera de patienter encore quelques lustres
— en considération de celui... que le bel article de notre barde jettera sur la Revue
de l'Islam.
En attendant que nous arborions en première cet article, objet de notre espoir,
nous sommes heureux de signaler au public un ouvrage très remarquable du
Sceau des bardes : c'est un recueil de « Contes et nouvelles du pays de Tréguier »
qui n'a, comme on le voit par ce titre, que des rapports plutôt lointains avec la
littérature musulmane: Aussi nous abstiendrons-nous d'en parler plus longue-
ment : chacun peut d'ailleurs se procurer ce livre chez l'éditeur J. Maisonneuve,
au prix de 16 piastres tarif ; par poste, 1 talari.
N. D. L. R.
Nu57. Août 1900.
dans le pays, ayant des caïds indépendants et ne relevant que de l'autorité mi-
litaire.
L'administration locale indigène a été maintenue dans ses grandes lignes.
Les caïds ont les mômes attributions que par le passé, mais des contrôleurs
civils français installés a la Goulette, le Kef, Nabeul, Sousse, Sfax, Gafsa, etc.
surveillent et conseillent les caïds et les chefs indigènes. Us ont le droit de
prendre connaissance de toute la correspondance d'arrivée et de celle de départ
et peuvent annoter cette dernière. Ils ont aussi le droit de haute police et la
gendarmerie indigène (oudjak) est placée sous leurs ordres directs.
Les caïds sont rétribués sur des sommes qu'ils perçoivent com:ae collecteurs
d'impôts à raison de 5 0/0 de leurs encaissements. Avant le protectorat, il y en
avait qui se créaient des ressources irréguliêres par des perceptions illégales et
par des exactions. Ces abus ont été réprimés par la France avec la sévérité
qu'ils méritaient.
L'administration du protectorat a cherché surtout à attirer aux affaires les
grands propriétaires fonciers el les représentants des familles anciennes et
respectées des indigènes.
Les attributions des caïds ont été déterminées par des textes précis el ils ont
été invités à tenir un journal notant tous les actes de leur gestion.
La délimitation des caïdats était nécessaire.
Il arrivait souvent, en effet, que les fractions d'une tribu étant dispersées
par toute la Régence, son caïd pouvait difficilement surveiller des administrés
établis à de grandes distances les uns des autres. On a travaillé à réunir ces
fractions éparses aux caïdats sur les territoires desquels elles sont fixées. Au
statut personnel suivant lequel les indigènes avaient vécu jusque-là, on substi-
tua aussi une sorte de statut territorial.
Il y avait aussi de grandes anomalies au point de vue de la dimension ter-
ritoriale des caïdats. Pour rétablir l'équilibre, on a sectionné les caïdats trop
grands, et réunis en un seul certains caïdats trop petits.
Des territoires contestés entre des tribus voisines ont été soigneusement déli-
mités par l'administration du protectorat.
Le service de gendarmerie était fait à notre arrivée par des hambas ou des
spahis résidant à Tunis et, dans l'intérieur par des cavaliers attachés à la per-
sonne des caïds. Ces hommes avaient droit à certaines rétributions, mais
comme il était convenu qu'ils vivaient aux dépens des justiciables, ils se
faisaient donner bien davantage.
On a mis fin à ces abus en organisant une gendarmerie indigène, à laquelle
on a conservé le nom d'oudjak, dont les pelotons sont sous l'autorité des contrô-
leurs civils français.
La police indigène devenant insuffisante dans les agglomérations où l'élé-
ment européen prenait de l'importance, des commissaires de police français ont
été installés dans les centres les plus importants. Un corps de gendarmerie fran-
çaise a élé également créé.
REVUE DE L'ISLAM 117
POLICE.
AKMÉE.
comptait sur le papier dix mille hommes, dont trois mille Kourouglis, descen-
dants des anciens janissaires turcs, cinq mille zouaves à pied, mille cinq cents
spahis à cheval, etc.
L'équipement et l'armement de cette armée étaient dans un état déplorable.
On sait qu'aujourd'hui l'occupation militaire de la Tunisie est réalisée par
10,000 hommes de troupes françaises.
ORGANISATION
MUNICIPALE
Avant l'arrivée des Français, il n'y avait pas d'organisation municipale en
Tunisie elles affaires des villes étaient traitées au Bardo,par le ministère d'Etat.
Dans ces conditions, on pense avec quelle lenteur étaient étudies les besoins
locaux 1
Tunis seul avait une sorte de corps municipal veillant surtout au nettoyage
de la ville. Mais les ressources, fondées sur des taxes mal établies et mal recou-
vrées, étaient modiques, et la police était restée à la charge de l'Etat.
La France a donc commencé par mettre de l'ordre dans celte municipalité
embryonnaire et par étendre ses pouvoirs.
Puis des municipalités ont été successivement créées à la Goulelte, au Kef, à
Sfax, à Sousse, à Bizerle, à Mahedia, etc.
Dans les localités qui ne comportaient point de municipalités de plein exer-
cice, on a constitué des commissions municipales chargées de pourvoir au ser-
vice de la voirie et à la police locale. C'est ce qui a été fait à Monaslir, h Gabès,
à Kairouan, à Béjà, à Nabeul, à Souk-el-Arba, h Tozeur, h Zarzis, à Tebourba,
a Gafsa, etc.
Les recettes des communes de plein exercice proviennent de taxes locales
établies par ces communes, d'impôts dont le produit a été concédé par l'Etal et
de subventions du gouvernement. Ces recettes sont employées à des travaux
d'intérêt communal, aux améliorations des conditions sanitaires et de la
sécurité.
Un premier corps de sapeurs-pompiers a été constitué par la municipalité de
Tunis en 1890.
Certaines municipalités subventionnent des services publics de voilures et
elles subviennent au loyer des écoles, au logement des instituteurs et aux dé-
penses des distributions de prix.
Disons en passant que, pendant la première période de l'occupation française,
des officiers constituant le « service des renseignements » surveillaient seuls les
autorités indigènes. A mesure que la pacification s'est faile, les contrôleurs civils
les ont remplacés.
Actuellement, l'action de l'autorité militaire ne s'exerce plus que dans les
régions habitées par certaines tribus remuantes voisines des frontières.
JUSTICE
C'était la justice des pays de Capitulations qui existait en Tunisie avant 1882.
Les tribunaux indigènes avaient une compétence bornée aux musulmans et les
REVUE DE L'ISLAM 119
I'ItOri'IlîTIÎFONCIÈ1UÏ
Au point de vue de la propriété foncière, la France a beaucoup amélioré la
situation de la Régence.
D'après la législation tunisienne, le droit de propriété se transmet par acte
ciuthenliquc, et le notaire chargé de dresser l'acte est tenu d'établir préalable-
ment la consistance du domaine et le droit du vendeur. Mais, par suite de l'ab-
sence de cadastre et d'enregistrement, l'usage s'était introduit de procéder aux
constatations exigées par la loi en dressant un acte de notoriété publique
(outika), rédigé après enquête, sur les lieux, et au bas duquel était inscrit l'acte
de vente.
En cas de nouvelle cession de l'immeuble, le second contrat était écrit à la
suile du premier, et il était admis qu'une outika suivie de trois contrats de
vente au moins constituait un titre de propriété.
Ce système créait beaucoup d'incertitude. En effet il pouvait arriver qu'un
propriétaire, détenant un litre régulier, le dissimulât et vendit sur une outika;
REVUE DE L'ISLAM 121
il pouvait Arendre ensuite sur son titre une seconde fois et, le titre prévalant sur
Poutika, le premier acheteur se trouvait évincé.
Si l'on considère en outre que des insurrections, des confiscations sont
venues encore ajouter à ces causes d'incertitude dans l'assiette de la propriété,
et qu'à l'intérieur du territoire de certaines provinces, il n'est pour ainsi dire
point d'immeuble pour lequel il n'existe plusieurs titres de propriété réguliers
aux mains d'individus différents, on apercevra facilement les difficultés contre
lesquelles eurent à lutter les premiers colons venus en Tunisie.
La loi du let juillet 1885 sur la propriété foncière a emprunté son principe
fondamental à YAd, Torrens, qui a rendu tant de services en Australie.
« Un titre doit-être créé pour chaque immeuble, qui contiendra, indépendam-
ment d'une description exacte de la contenance et d'un plan détaillé du terrain,
l'indication du nom du propriétaire actuel, l'énonciation de tous les droits ou de
toutes les charges dont il est grevé. Ce titre, qui représente l'immeuble et lui
donne ainsi une sorte de personnalité, doit suivre et enregistrer toutes les mo-
difications qui peuvent survenir dans.sa consistance matérielle ou dans son état
juridique. »
Moyennant une faible redevance, on fait inscrire sa propriété sur le registre
de la propriété foncière ; tous les ayants droit ont un délai de deux mois pour
faire valoir leur prétentions. Passé ce délai, aucune réclamation n'est plus ad-
mise. La propriété est donc assise sur des bases indiscutables. Le titre de pro-
priété est toujours accompagné du plan de l'immeuble dressé par un géomètre
assermenté.
Le régime hypothécaire est aussi très favorable au crédit, car toutes les
charges et hypothèques non inscrite sur le titre sont absolument nulles par rap-
port aux tiers.
Le domaine public et le domaine de l'Etat, en Tunisie, étaient, avant l'éta-
blissement de notre protectorat, dans l'abandon le plus complet. Un arrêté du
1er décembre 1881 dut en indiquer les principaux éléments et rappeler les droits
de l'Etat sur les forêts et les mines.
Le Gouvernement a surveillé aussi les biens de main morte ou biens habous.
Au chapitre de la colonisation, nous parlerons en détail de ces derniers, qui
sont inaliénables, mais dont la cession perpétuelle de la jouissance est autorisée
moyennant une rente annuelle (contrat A'enzel).
(A suivre.) LUCIENHEUDEBERT.
122 REVUE DE L'ISLAM
d'ailleurs, toutes les ruses et toutes les embûches dont sont capables les femmes.
Aussi, le soir venu, la jeune esclave le conduisit auprès de sa maîtresse, qui
aussitôt se leva, le salua, lui sourit et lui dit : « Par Allah ! 0 mon maître, comme
j'arde de te voir enfin auprès de moi! » Et Bacbouk lui dit : « Moi aussi ! mais
vite, et avant tout, un baiser ! Et, ensuite... » Mais il n'avait pas encore achevé
de parler que la porte de la salle s'ouvrit, et entra le mari de la jeune femme,
suivi de deux esclaves noirs qui se précipitèrent sur mon frère Bacbouk, le gar-
rotèrent, le jetèrent à terre, et, pour commencer, lui caressèrent le dos de leurs,
fouets. Puis ils le chargèrent sur leurs épaules et le transportèrent chez le Wali,
qui aussitôt le condamna à la peine suivante : après une administration de deux
cents coups de lanières, on le hissa sur le dos d'un chameau, on l'y lia et on le
promena par toutes les rues de Bagdad ; et un crieur public criait à haute voix :
« Voilà comment sera puni tout homme qui assaille les femmes de ses sem-
blables! »
Or, pendant qu'on le promenait de la sorte, soudain le chameiiu devint fu-
rieux et se mit à faire de grands écarts. Et Bacbouk ne put que tomber à terre,
et du coup il se cassa la jambe. Et, depuis ce temps, il est devenu boiteux
comme il Test. De plus le Wali le condamna à l'exil, et Bacbouk, la jambe cas-
sée, sortit de la ville. Mais, juste à temps, je fus prévenu de tout cela, 0 com-
mandeur des Croyants, moi son frère, et je courus derrière lui, et je le ramenai
ici secrètement, je dois te l'avouer, et je me chargeai de sa guérison, de ses dé-
penses et de tous ses besoins. Et je continue 1 »
A celte histoire de Bacbouk, que je racontai, ô mes maîtres, au Kalifat Mon-
tasser-Billah, il se mit à rire aux éclats et me dit : « Commes tu racontes bien !
et quel joli récit ! »
Je lui répondis : « En vérité je ne mérite pas encore ces louanges de ta part !
Car alors que diras-tu lorsque tu auras entendu l'histoire de chacun de mes
autres frères ! Mais j'ai bien peur que tu me croies un bavard ou un indiscret ! »
Et le Kalifat répondit : Loin de moi ! hâte-toi au contraire de me raconter ce
qu'il est advenu de les autres frères, pour orner mes oreilles de cette histoire
comme de boucles d'or, et ne crains pas de me la détailler longuement, car je
prévois qu'elle sera délicieuse et pleine de saveur ! »
124 REVUE DE L'ISLAM
La ville de Sour a une population d'environ 12.000 âmes. C'est la plus impor-
tante de l'Oman après Mascate, ou plutôt le groupe des deux villes Mascate-
Matrah.
Elle est située non loin du cap Ras-el-IIedd, sommet de l'angle oriental du
quadrilatère allongé que dessinent lés contours de ce pays. Placé au fond d'une
anse largement ouverte au nord-ouest, son mouillage, d'ailleurs bien abrité, n'a
qu'un accès étroit au nord, à travers les hauts fonds. La ville est composée de
deux parties principales sur les deux rives d'un long chenal que les marées ont
creusé entre le port et un bassin intérieur, accessible pendant les hautes marées
aux mêmes petits voiliers que reçoit le port.
Le nom de Sour, avec Ys forte sémitique, pourrait avoir pour origine le mot
Sowr, qui signifie rive d'un fleuve. Actuellement il a la môme forme que le
nom arabe de la ville de Tyr. Des deux quartiers de la ville, celui qui est de
beaucoup le principal, Oumm-Coreymteyn, occupe l'embouchure du chenal sur
sa rive occidentale ; l'autre quartier, sur la rive opposée, s'appelle El-Ayjâ
(qu'on écrit El-Aycâ).
L'anse de Sour correspond à une puissante dépression de la chaîne côtière
qui commence â Mascate et borde le rivage de toute la moitié méridionale de
l'Oman. Par cette dépression les deux provinces de laCharquia et deJâlancom-
muniquent avec la mer, ayant à Sour le marché de leurs relations extérieures.
Telle est, oulre l'existence d'un havre suffisant aux anciens navires, la raison
d'existence de la ville de Sour. Avec les instruments modernes des communica-
tions terrestres et avec la dimension des nouveaux navires, c'est au Khawr-
Jerama, non loin de là, et plus près du Ras-el-IIedd, que la ville aurait sa place;
et déjà, depuis que les constructeurs arabes ont élevé leur art jusqu'à la cons-
truction de la baghla « mule » de 150 tonneaux, le Jerama est utilisé pour ces
navires, relativement énormes, que la ville de Sour, seule dans tout l'Oman,
sait construire, et dont elle est très fière de posséder une centaine.
D'ailleurs, il n'en faut pas tant à ses hardis marins pour affronter les typhons
de l'Océan Indien et ils osent, en longeant le plus possible les côtes il est vrai,
aller jusqu'aux Comores et au canal de Mozambique sur de simples embarca-
tions non pontées, d'une quinzaine de tonneaux.
La facilité relative des communications par voiliers entre l'Oman et l'Afrique
sud-orientale, grâce à l'alternance des moussons, attire de temps immémorial
dans cette direction les marins arabes et notamment ceux de l'Oman méridional,
qui se trouve tout près de la région des vents alises. Il en résulte qu'un grand
nombre d'habitants de ce pays séjournent et souvent même se fixent sans espritj
de retour dans nos colonies de Djibouti, des Comores et de Madagascar. Dès
l'époque où nous avons eu un pied dans celte partie de l'Océan Indien, quelques
habitants de Sour ont ainsi obtenu, non pas la naturalisation française, à
REVUE DE L'ISLAM 125
LA FEMME OTTOMANE
Le cadre restreint de notre Revue ne nous permet pas, à notre grand regret, de
publier m-extenso, l'éloquent discours que MmoAvierino, l'intelligente directrice de la
revue Anis-el-Galis a prononcé, lu 17 août, à la salle des Conférences coloniales,
à l'Exposition Universelle. Nous allons donc en donner quelques extraits :
tioti féminine en fondant, non seulement dans les grandes villes de Son Empire,
mais même dans les plus petits villages, des écoles de jeunes filles. D'ailleurs,
mon cher et vénéré Maître, le Cheikh Abou Naddara, a visité ces écoles à Cons-
tantinople, par ordre de Sa Majesté, et vous en a rendu compte dans ses journaux
et dans ses conférences...
Je n'ai jamais ambitionné la richesse, mais aujourd'hui je voudrais être
Rothschild pour vous inviter, Mesdames et Messieurs, à m'accompagner dans le
les
voyage que j'entreprends demain. Nous dirigerions ensemble nos pas vers
rives du Bosphore, où pour mieux dire, nous nous laisserons transporter sur
les ailes de l'Express-Orient jusqu'à Constantinople.
Mais hélas, je ne suis pas assez riche pour payer ce coûteux voyage à mes
nombreux auditeurs. Je prie donc Dieu de leur accorder la chance de visiter
Constantinople pour se persuader que les Ottomanes sont dignes des sympa-
thies de leurs soeurs de France. (Extrait du Journal à'Abou Nailara).
BIBLIOGRAPHIE
INSTRUCTION
PUBLIQUE.
L'instruction publique, si importante dans les pays d'Europe, est aussi l'un
des services qui méritent le plus l'attention des pouvoirs publics dans les colo-
nies. Sans prétendre vouloir assimiler à nos moeurs et à nos idées des popula-
tions qu'une civilisation différente, une religion spéciale et un long passé sépa-
rent de nous encore profondément, il est certain qu'en propageant l'instruc-
tion, telle que nous la comprenons, c'est "comme si nous semions là-bas l'amour
de la France !
La propagation de la langue française surtout doit être l'objet de toutes les
sollicitudes. C'est en apprenant à parler notre langage que les indigènes pour-
ront mieux nous apprécier et que pourront tomber une à une les barrières entre
chrétiens ut musulmans, si chacun veut bien y mettre un peu du sien, si tout
le monde accepte surtout ce grand principe : la tolérance.
Malheureusement, malgré les efforts faits, quoique des résultais notables
aient cependant été déjà acquis, les progrès de l'instruction française sont lents
en Tunisie, et cela, malgré l'aide empressé que donne au gouvernement rési-
dentiel l'Alliance française, cetle utile association qui cherche à répandre par-
tout notre belle langue française! i
L'enseignement public français a été créé en Tunisie en mai 1883. Le direc-
teur de l'enseignement public est chargé de toutes les questions relatives à
l'instruction publique. Bes inspecteurs sont chargés d'inspecter l'enseignement
arabe donné dans les mosquées, dans les madraças, et aux collèges Sadiki et
Alaoui ; etc.
En 1883, au moment où fut créée la direction de l'enseignement public, la
Tunisie comprenait 24 établissements dans lesquels l'instruction était donnée
en français, dont 2 collèges; 20 de ce» établissements, parmi lesquels le collège
Saint-Charles, étaient dirigés par les congréganistes (frères de la doclrine chré-
tienne, missionnaires d'Afrique, soeurs de Saint-Joseph, etc.); les quatre autres
(le collège Sadiki et les écoles dé l'Alliance israélite) étaient dirigées par dés
laïques.
En 1890, on comptait 75 établissements scolaires publics et 8 privés, soit en
tout 83 établissements dans lesquels la langue française servait de base à l'en-
seignement.
Les sommes totales affectées à l'enseignement public étaient de 728,000 francs
en 1889-90, sans eompler les traitements des professeurs musulmans des mos-
des biens habous.
quées et des madraças, qui sont payés par l'administration
Le lycée, ancien collège Saint-Charles, fondé en 1880 par le cardinal Lavi-
gerie, a été cédé en 1889 à la direction de l'enseignement public. Il reçoit des
élèves européens et musulmans.
9
130 REVUE DE L'ISLAM
Le collège Sadiki, fondé en 1876, reçoit 150 élèves musulmans admis au con-
cours et qui s'y préparent, sous la direction de maîtres musulmans et français,
aux carrières libérales et administratives. Plusieurs ont été envoyés en France
pour y terminer leurs éludes.
Le collège Alaoui ou Ecole normale de garçons a été fondé à Tunis en 1884.
Il comprend des élôves-maitres ainsi que des élèves qui ne se destinent pas à
l'enseignement. Cette école est la pépinière des institutions scolaires de la Tunisie.
Une école secondaire avec cours normal a été organisée pour les jeunes filles.
A la fin de l'année 1895, le nombre des établissements d'instruction de la
Tunisie était de 109, y compris le lycée Carnot, le collège Alaoui, le collège
Sadiki et l'école secondaire de jeunes filles. Parmi les écoles primaires, 63 sont
destinées aux garçons, 29 aux filles, et 13 reçoivent des enfants des deux sexes.
A celte époque, l'enseignement public comptait 95 écoles (78 laïques e
17 congréganistes); l'enseignement privé en possédait 14 (6 laïques et 8 con-
gréganistes).
Le nombre des élèves des écoles publiques, qui était de 10,312 en 1894, a été
de 10,881 en 1895, soit une augmentation de 566 unités.
Les écoles privées ont reçu 3,060 élèves en 1895; la population des établisse-
ments scolaires de la Régence a atteint, par suite, en 1895, le chiffre total de
13,941 élèves (9,207 garçons et 4,734 filles).
A ce propos, il est bon de rappeler que le chiffre de la population scolaire
n'était que de 4,390 en 1885 et de 10.749 en 1890.
L'augmentation du nombre des élèves étrangers dans certaines écoles a été
considérable; on a môme dû refuser des enfants faute de place pour les recevoir.
Mais que sont, ces chiffres pour une population totale de plus d'un million et
demi d'habitants! Quel progrès considérable reste à accomplir encore!
Au point de vue des nationalités, les élèves se répartissent de la manière sui-
vante :
•1894 189S •
en Tunisie(1882),mûnoiropubliépar la lleiwcinternationale
(1) L'enseignement île l'Enseignement.
132 REVUE DE L'ISLAM
l'Université de France. 11admet les internes et les externes et a été cédé à l'Etat
en 1889, comme nous l'avons précédemment indiqué.
M. Machuel, inspecteur général de l'instruction publique, a dirigé avec éclat
la réorganisation de l'enseigement en Tunisie sous le protectorat.
L'enseignement italien existe en Tunisie depuis longtemps. Dès 1864, un
collège italien pour les garçons, appelé Ecole nationale, fut fondé par le gou-
vernement de Rome sur un terrain donné par le Bey et subventionné par
l'Italie. Ce collège a environ trois cent élèves et onze professeurs; on y ensei-
gne l'italien, le français, l'arabe, la géographie, l'histoire, l'arithmétique, l'al-
gèbre, la géométrie, la tenue des livres, le dessin. Tous les professeurs sont
italiens.
Les Italiens ont organisé en Tunisie, pour les filles, avant l'occupation fran-
çaise, un collège de deux cent cinquante élèves.
Les Italiens ont encore fondé à Tunis une Ecole nationale des arts et métiers,
comptant cent vingt élèves, subventionnée par le gouvernement italien; cette
école est gratuite et donne un enseignement pratique; ses professeurs sont
exclusivement italiens et elle fonctionne d'octobre à avril.
Les Italiens ont encore installé : à La Goulette, une école nationale et laïque
subventionnée de quatre vingts élèves; à Sousse, une école nationale laïque de
garçons et une école nationale de filles de cent élèves; à Sfax, deux écoles de
filles et de garçons, subventionnées comme les précédentes, et ayant cent cin-
quante élèves.
Pour maintenir son influence intellectuelle en Tunisie, la France a eu surtout !
et aura encore surtout à lutter contre les Italiens, très entreprenants qui savent
profiter habilement de la moindre hésitation et de la plus petite lenteur. Mais
les résultats déjà obtenus montrent le terrain que gagne chaque jour désormais
l'enseignement français et, le nombre de nos nationaux s'accroissant là-bas, il
arrivera un moment où l'influence que peut encore conserver l'élément italien
se perdra tout à fait ou restera dans une proportion acceptable.
On sait que le principal culte de la Tunisie est l'islamisme, mais tous les
cultes y sont libres; le culle des catholiques, celui des israélites et celui des
grecs sont exercés dans des églises, des synagogues et des écoles.
LUCIENHEUDERKUT.
134 REVUE DE L'ISLAM
On ne connaît l'art musulman que depuis peu : j'entends par là que, tout en
goûtant, comme il convenait, la noblesse et la haule distinction de cetle forme
d'art, on ne l'avait pas étudiée jusqu'ici avec le sérieux, la méthode et l'esprit
de suite nécessaires. On n'avait pas songé à se fixer d'une manière précise ni
sur ses origines, ni sur son développement, et les diverses façons dont il se ma-
nifeste n'étaient ni nettement classées, ni rigoureusement définies.
On est mieux outillé à présent. Depuis une dizaine d'années des spécialistes
ont commencé le déblayage, et le fil conducteur apparaît. M. Emile Mobilier,
conservateur des objets d'art au Musée du Louvre, et M. Georges Migeon, son
adjoint, ont jugé le moment favorable pour mettre en valeur, dignement, les
précieux spécimens d'art musulman ou arabe renfermés dans leurs collections.
Ils y ont joint quelques pièces nouvelles, et ils ont réparti avec infiniment de
goût cet ensemble dans deux salles qui se sont ouvertes aujourd'hui au pu-
blic. Nous ne saurions trop conseiller aux curieux la visite et l'examen attentif
de ces salles. Un plaisir délicat les y attend et ils y prendront avec les étiquettes
dont chaque pièce est munie, un supplément d'instruction point banal.
Toutes les catégories de produits qui ont été marquées par l'art musulman
d'une empreinte vraiment personnelle sont représentées là par des morceaux de
premier ordre, en petit nombre, il est vrai, mais uniques el d'une valeur inappré-
ciable dans le travail. H faut admirer sans réserves, parmi les enivres ouvragés,
les deuxpiôces qui représentent d'une façon magistrale l'art arabes du xinc siècle,
le vase Barberini et le bassion d'ablutions dit de saint Louis.
Le premier fut offert au pape Urbain VIII par des pèlerins qui l'avaient rap-
porté de Terre sainte. 11 était resté, depuis la mort du pontife, dans la famille
Barberini à laquelle appartenait Urbain VIII. Il n'en est sorti que l'an dernier
pour entrer au Louvre. 11 est orné sur la partie médiane de sa panse, d'une
inscription qui en fixe la date. Le sultan d'Alep, Abdoul Mozbaffcr Yousouf, dont
il porte le nom, régna de 1238 à 1200. Le travail exécuté sur ses ordres fait
honneurà son goût. J'avouerai pourtant une préférence pour le bassin de saint
Louis, où l'artiste a damasquiné, en même temps que les motifs ornemen-
taux habituels, une lutte entre cavaliers bardés de fer du style et de l'effet le
plus larges. Ce bassin, qui provient du trésor de Saint-Denis, a fait partie de
l'ancien musée des souverains, d'où il était passé, dans la section d'objets d'art
du Louvre. On le met pour la première foison belle place.. C'est une révélation.
Aux ivoires, autre pièce d'exception, enlevée à une grande collection espa-
gnole, une pyxide de forme ronde, exécutée sur des modèles byzantins, sous la
domination des rois maures, par un artiste arabe dont le travail ne se reconnaî-
trait pas de celui de ses modèles sans l'inscription qui fait le tour de la boîte,
sous le couvercle. Parmi les motifs répartis suivant la mode byzantine, dans un
encadrement de feuillages très finement ouvragés, on retrouvera les éternels
motifs orientaux que la Grèce ancienne s'est appropriés dès ses origines ou que
ensuite, Byzance, adopta : le griffon asssyrien ou susien, les taureaux égorgés par
des lions, le type fortement stylisé de l'aigle. Tout cela fouillé et taillé avec
autant de décision que d'ampleur. Une boîte de la même époque, plus petite mais
d'un travail non moins raffiné, provenant de la collection Davillier, a, par la
même occasion, revu le jour. Elle vaut un sérieux examen.
Les beaux plats hispano-arabes, dont les reflets métalliques irradient la
grande pièce dont ils occupent le fond, sont pour nous d'anciennes connais-
sances; ils font partie depuis longtemps des collections du Louvre, mais on ne
s'était pas préoccupé jusqu'ici de mettre en évidence leur charme. Pour goûter
la splendeur de ces pièces, il est indispensable de les voir face au jour. Mainte-
nant que cetle condition nécessaire est remplie, la jouissance du connaisseur est
doublée.
Non loin d'eux, dans la vitrine centrale, considérez attentivement ces grands
bols en faïence vernissée dont la forme, en soi des plus simples, est caractérisée
par un aspect fruste et rude que les verts profonds du décor accentuent. On y sent
je ne sais quelle grandeur sauvage et barbare. C'est le premier cri de l'art per-
san. Ces précieux restes ont été retrouvés, il y a peu,, dans la vallée de l'Eu-
phrate. Ils sont de même famille, et de même provenance peut-être que les
beaux vases pansus par lesquels s'est manifesté à ses débuts l'art arabe, et dont
on trouvera également, dans la même vitrine, de puissants et rares spécimens.
A noter la forme d'un de ces vases, identique h à celle des albarelli italiens qui
en sont évidemment inspirés.
Un coup d'oeil encore, dans une des vitrines latérales, à un débris, très proba-
blement sassanide, antérieur par conséquent à l'ère musulmane, mais qui, pour
être un débris, n'en est pas moins introuvable. C'est un fond de coupe repré-
sentant un cavalier imberbe sur son cheval. Le fond de la pièce, gaufré, porte
encore des traces de dorure. M. Migeon croit y voir un produit de Rhagès.
L'exécution en remonterait, dans ce cas au xm 0 siècle. Je serais plus porté à
faire remonter sa fabrication à six ou sept siècles plus haut, à l'époque où la
Perse vivait encore sur le fond qui lui avait été légué en art par les Grecs. Le
dessin porte manifestement ce caractère, et la nature spéciale du décor me rap-
pelle des objets de même provenance entrevus, l'an dernier, dans les collec-
tions russes.
Le travail du bois n'est représenté que par des pièces de médiocre valeur au
milieu desquelles, pourtant, se détache un bout de panneau fatimite de
haute importance et d'une extrême rareté. Il est d'un très joli goût, par sur-
croît.
Et voilà, sur ce petit embryon de musée, de quoi documenter, pour une ra-
pide visite, nos lecteurs. Ajoutons à ces quelques lignes un renseignement utile
sur la nouvelle salle des Rubens dont quelques-uns de nos confrères, déjà, ont
136 REVUE DE L'ISLAM
parlé avec tant de détails que le public croit l'agrandissement du musée ter-
miné 11n'en est rien encore. Les travaux de déplacement sont commencés seu-
lement depuis huit jours. L'inauguration du nouveau local n'est donc pas près
d'avoir lieu. Nous en en reparlerons quand le moment sera venu, pas avant.
THIBBAULT-SISSON.
CONVENTION INTERNATIONALE
CONVENTION
. S. M. le roi de Portugal et des Algarves; S. M. l'empereur d'Allemagne, roi
de Prusse, au nom de l'empire d'Allemagne; S. M. l'empereur d'Autriche, roi
de Bohème, etc., etc., et roi apostolique de Hongrie; S. M. le roi des Belges ;
S. M. le roi de Danemark, S. M. le roi d'Espagne et en son nom S. M. la reine
régente du royaume; le président de la République française; S. M. la reine du
Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et d'Irlande, impératrice des Indes;
S. M. le roi des Hellènes; S. M. le roi d'Italie ; S. M. la reine des Pïiys-Bas et en
son nom S. M. la reine régente du royaume; S. M. le Schah de Perse; et S. M.
l'empereur de toutes les Russies.
Ayant décidé de se concerter en vue de régler les mesures à prendre pour la
prophylaxie du pèlerinage de la Mecque et la surveillance sanitaire à établir au
golfe Persique, ont nommé pour leurs plénipotentiaires, savoir :
S. M. le roi de Portugal et des Algarves :
M. Gabriel José de Zoghcb, consul général, agent diplomatique du Portugal
en Egypte.
S. M. l'empereur d'Allemagne, roi de Prusse :
M. de Sehoen, son conseiller de légation à l'ambassade d'Allemagne à Paris.
S. M. l'empereur d'Autriche, roi de Bohème, etc., etc., et roi apostolique
de Hongrie :
M. le comte Cbarles deKuefstein, son chambellan cl conseiller intime, envoyé
extraordinaire et ministre plénipotentiaire, membre de la chambre des Seigneurs
d'Autriche, chevalier de 2° classe de l'ordre de la Couronne de Fer.
S. M. le roi des Belges :
M. le baron Eugène Beyens, conseiller de la légation do Belgique à Paris,
chevalier de l'ordre de Léopold ;
M. le docteur Alfred Devaux inspecteur général du service de santé civil et de
l'hygiène au ministère de l'agriculture, de l'industrie et des travaux publics,
officier de l'ordre de Léopold ;
M. le docteur E. van Ermengem, professeur d'hygiène et de bactériologie à
l'université de Gand, chevalier de l'ordre de Léopold;
REVUE DE L'ISLAM 137
S. M. le roi de Danemark :
M. le comte Gebhard Léon de Moltke Hvifeldt, son chambellan et son envoyé
extraordinaire et ministre plénipotentiaire près le gouvernement de la Républi-
que française, grand-croix de l'ordre du Danebrog et décoré de la croix d'hon-
neur du même ordre;
S. M. le roi d'Espagne, et en son nom, S. M la reine régente du royaume :
M. Fernand Jordan deUrries, marquis de Novallas, son chambellan, premier
secrétaire de l'ambassade d'Espagne à Paris, commandeur de l'ordre de
Charles III ;
M. Amalio Jimeno y Cabanas, sénateur du royaume, professeur à la faculté
de médecine de Madrid, commandeur avec plaque de l'ordre d'Isabelle la
Catholique.
Le Président de la République française :
M. Camille Barrère, ministre plénipotentiaire de 1'° classe, chargé d'affaires
de la République française à Munich, officier de l'ordre national de la légion
d'honneur;
M. Gabriel Hanotaux, minisire plénipotentiaire de 1™ classe, directeur des
consulats et des affaires commerciales, officier de l'ordre national de la Légion
d'honneur;
M. le professeur Brouardel, président du comité consultatif d'hygiène publi-
que de France, doyen de la faculté de médecine de Paris, membre de l'académie
des sciences, commandeur de l'ordre national de la Légion d'honneur;
M. Henri Monod, conseiller d'État, directeur de l'assistance et de l'hygiène
publique du ministère de l'intérieur, membre de. l'académie de médecine,
officier de l'ordre national de la Légion d'honneur;
M. le professeur Proust, inspecteur général des services sanitaires, profes-
seur à la Faculté de médecine de Paris, membre de l'académie de médecine,
commandeur de l'ordre national de la Légion d'honneur.
S. M. la reine du Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et d'Irlande, impé-
ratrice des Indes :
M. Phipps, ministre plénipotentiaire;
M. le docteur Thorne, chef du département sanitaire du Local Goverment
Board, compagnon de l'ordre du Bain ;
M. le chirurgien général J. M. Cuningham, ancien chef du département médi-
cal au gouvernement de l'Inde, compagnon de l'ordre de l'Etoile des Indes.
S. M. le roi des Hellènes :
M. Criésis, chargé d'affaires de Grèce à Paris;
M. le docteur Vafiadès, délégué grec au conseil sanitaire de Constantinople.
S. M. le roi d'Italie :
M. le marquis Malaspina di Carbonara, premier secrétaire de l'ambassade
d'Italie à Paris, officier de l'ordre des Saints Maurice et Lazare.
S. M. la reine des Pays-Bas et enson nom S. M. la reine régente du royaume :
M. le chevalier de Stuers, son envoyé extraordinaire et ministre plénipoten-
138 REVUE DE L'ISLAM
Annexe I
A. — Police sanitaire dans les ports de départ des navires à pèlerins venant de l'Océan
Indien et de l'Océanie.
1. Visite médicale obligatoire, individuelle, faite de jour, à terre, au moment
de l'embarquement, pendant le temps nécessaire, par un médecin, délégué de
l'autorité publique, de toutes personnes prenant passage à bord d'un navire à
pèlerins.
2. Désinfection obligatoire et rigoureuse, faite à terre, sous la surveillance du
médecin délégué de l'autorité publique, de tout objet contaminé ou suspect dans
les conditions de l'article 5 du premier règlement inséré dans l'annexe IV de la
convention sanitaire de Vienne.
3. Interdiction d'embarquement de toute personne atteinte de choléra, d'affec-
tion cholériforme et de toute diarrhée suspecte.
4. Lorsqu'il existe des cas de choléra dans le port, l'embarquement ne se fera
à bord des navires à pèlerins qu'après que les personnes réunies en groupes
auront été soumises pendant cinq jours à une observation permettant de s'assurer
qu'aucune n'est atteinte du choléra.
H est entendu que, pour exécuter cette mesure chaque gouvernement pourra
tenir compte des circonstances et possibilités locales (I).
5. Les pèlerins seront tenus de justifier des moyens strictement nécessaires
pour accomplir le pèlerinage à l'aller et au retour et pour le séjour dans les
Lieux Saints.
11.— Mesures à prendre à bord des navires à pèlerins.
Règlement.
TITREPREMIER. — DISPOSITIONS
GÉNÉRALES.
ARTICLEPREMIER. — Ce règlement est applicable aux navires à pèlerins qui
transportent au Iledjaz ou qui en ramènent des pèlerins musulmans.
(I) La eonférencoa décidépar voio d'interprétationd'uno part, que l'observationde cinq jours
pourraitêtre pratiquéeà borddosnaviresentro l'inspectionmédicaleeffectuéeau départ des Indes
britanniquesot la socondovisilopasséoà Aden,ot d'autropart, quo danslosIndesnéerlandaisescette
observationpourraitavoirlieuà borddosnaviresen partance,
140 REVUE DE L'ISLAM
ART.2. — N'est pas considéré comme navire à pèlerins, celui qui, outre ses
passagers ordinaires, parmi lesquels peuvent être compris les pèlerins des classes
supérieures, embarque des pèlerins de la dernière classe en proportion moindre
d'un pèlerin par cent tonneaux de jauge brute.
ART.3. — Tout navire à pèlerins, à l'entrée de la mer Rouge et à la sortie,
doit se conformer aux prescriptions contenues dans le « Règlemenent spécial
applicable au pèlerinage du Hedjaz, qui sera publié par le conseil de santé de
Constantinople, conformément aux principes édités dans la présente convention.
ART. 4. — Les navires à vapeur sont seuls admis à faire le transport des pè-
lerins au long cours Ce transport est interdit aux autres bateaux.
Les navires à pèlerins faisant le cabotage, destinés aux transports de courte
durée, dits « voyages au cabotage », sont soumis aux prescriptions contenues
clans le règlement spécial mentionné à l'article 3.
estoatuolloment
(2) L'autorité'compétento dans les Indesanglaisos,un » office» désignéà cet effet
par lo gouvornoment local(Aa«repassengershipsad, 1887,art. 7); dans les Indos néorlandaisos, lo
maîtredu port; on]Turquie,l'autoritésanitaire;on Autriche-Hongrio, l'autorité sanitaire;on Italie.
lo capitaineduport;on Franco,en Tunisieot en Espagno(îles Philippines),l'autoritésanitaire
REVUE DE L'ISLAM 141
d) Que l'eau potable embarquée est de bonne qualité et a une origine à l'abri
de toute contamination; qu'elle existe en quantité suffisante; qu'à bord les ré-
servoirs d'eau potable sont à l'abri de toute souillure et fermés de sorte que la
distribution de l'eau ne puisse se faire que par les robinets ou les pompes.
e) Que le navire possède un appareil distillatoire pouvant produire une quan-
tité d'eau de 5 litres au moins par tôte et par jour, pour toute personne embar-
quée, y compris l'équipage ;
fj Que le navire possède une étuve à désinfection pour laquelle il aura été
constaté qn'elle offre sécurité et efficacité ;
!l) Que l'équipage comprend un médecin et que le navire possède des médica-
ments, conformément à ce qui sera dit aux articles 11 et 23;
h) Que le pont du navire est dégagé de toutes marchandises ef objets encom-
brants;
i) Que les dispositions du navire sont telles que les mesures prescrites par le
titre III pourront être exécutées.
ART.8. — Le capitaine est tenu de faire afficher à bord dans un endroit ap-
parent et accessible aux intéressés des affiches rédigées dans les principales
langues des pays habités par les pèlerins à embarquer, et indiquant :
1. La destination du navire;
2° La ration journalière en eau et en vivre allouée à chaque pèlerin ;
5" Le tarif des vivres non compris dans la distribution journalière et devant
être payés à part.
ART.9. — Le capitaine ne peut partir qu'autant qu'il a en main :
1° Une liste, visée par l'autorité compétente et indiquant le nom, le sexe et
le nombre total des pèlerins qu'il est autorisé à embarquer;
2° Une patente de santé constatant le nom, la nationalité et le tonnage du
navire, le nom du capitaine, celui du médecin, le nombre exact des personnes
embarquées : équipages, pèlerins et autres passagers, la nature de la cargaison,
le lieu du départ, celui de la destination, l'état de la santé publique dans le
lieu de départ;
L'autorité compétente indiquera sur la patente si le chiffre réglementaire des
pèlerins est atteint ou non; et dans lé cas où il ne le serait pas, le nombre
complémentaire des passagers que le navire est autorisé à embarquer dans les
escales subséquentes.
ART.10. — L'autorité compétente est lenue de prendre des mesures efficaces
pour empêcher l'embarquement de toute personne ou de tout objet suspect (1),
suivant les prescriptions faites sur les précautions à prendre dans les ports.
TITREIII. — PRÉCAUTIONS
A PRENDRE
PENDANT
LATRAVERSÉE. J
ART.11. — Chaque navire embarquant 100 pèlerins ou plus doit avoir à bord
un médecin régulièrement diplômé et commissionné par le gouvernement du
pays auquel le navire appartient. Un second médecin doit être embarqué dès
que le nombre des pèlerins portés par le navire dépasse 1,000.
ART. 12. — Le médecin visite les pèlerins, soigne les malades et veille à ce
que, à bord, les règles de l'hygiène soient observées. Il doit notamment :
1° S'assurer que les vivres distribués aux pèlerins sont de bonne qualité, et
que leur quantité est conforme aux engagements pris, qu'ils sont convenable- "
ment préparés ;
2° S'assurer que les prescriptions de l'article relatives à la distribution de
l'eau sont observées;
3° S'il y a doute sur la qualité de l'eau potable, rappeler par écrit au capi-
taine les prescriptions de l'article 21 ci-dessous;
4° S'assurer que le navire est maintenu en étal constant de propreté, et spé-
cialement que les latrines sont nettoyées conformément aux prescriptions de
l'article 18 ci-dessous;
5° S'assurer que les logements des pèlerins sont maintenus salubres, et que,
en cas de maladie transmissible, la désinfection est faite comme il sera dit à
l'article 19 ci-dessous ;
6° Tenir un journal de tous les incidents sanitaires survenus au cours du
voyage, et présenter ce journal à l'autorité compétente du port d'arrivée.
ART. 13. — Le navire doit pouvoir loger les pèlerins dans l'entrepont.
En dehors de l'équipage, le navire doit fournir à chaque individu, quel que
soit son âge, une surface d'au moins deux mètres carrés, soit un mètre sur
deux mètres, avec une hauteur d'entrepont d'au moins un mètre quatre-vingts
centimètres.
Pour les navires qui font le cabotage, chaque pèlerin doit disposer d'un
espace d'au moins deux mètres de largeur dans le long des plats-bords du na-
vire.
ART.14. — Le pont doit, pendant la traversée, rester dégagé des objets en-
combrants ; il doit être réservé jour et nuit aux personnes embarquées et mis
gratuitement à leur disposition.
ART. 15. — Les gros bagages des pèlerins sont enregistrés, numérotés et
placés dans la cale. Les pèlerins ne peuvent garder avec eux que les objets
strictement nécessaires. Les règlements faits pour ses navires par chaque gou-
vernement en détermineront la nature, la quantité et les dimensions.
ART.16. — Chaque jour, les entreponts doivent être nettoyés avec soin et
frottés au sable sec avec lequel on mélangera des agents désinfectants convena-
bles pendant que les pèlerins seront sur le pont.
ART. 17. — De chaque côté du navire, sur le pont, doit être réservé un en-
droit .dérobé à la vue et pourvu d'une pompe à main de manière à fournir de
l'eau de mer pour les besoins des pèlerins. Un local de cette nature doit être
exclusivement affecté aux femmes.
ART.'18. — Le navire doit être pourvu, outre les lieux d'aisances à l'usage
de l'équipage, de latrines à effet d'eau, dans la proportion d'au moins une
latrine pour chaque centaine de personnes embarquées.
REVUE DE L'ISLAM 143
A l'occasion dît premier des articles publiés dans le Journal par M. Hanotâux, et
dont nous avons entretenu nos lecteurs, M. Mercier, maire de Conslanline, a adressé les
observationssuivantes à la Réunion d'Etudes Algériennes, au Bulletin de laquellenous
les empruntons :
. Il est difficile, quand on visite pour la première fois les pays musulmans, de
se faire une opinion juste de ce qui s'y passe. On court risque de tomber dans
l'erreur.
C'est ce qui est arrivé à M. Hanotâux. Il fait connaître que la société musul-
mane est entre les mains des confréries religieuses; que cet instrument de do-
mination est d'autant plus dangereux qu'il agit en secret et dans l'ombre; que
le mot d'ordre, parti de l'Orient, se répand sur le monde islamique et est stric-
tement obéi sur tous les points et que nos musulmans d'Algérie y sont soumis
comme les autres. Enfin, il annonce une vaste insurrection des sectateurs de
l'Islam, véritable cataclysme prêt à éclater.
Voilà des nouvelles peu rassurantes et il est urgent d'examiner de près la
situation.
Cette question des confréries musulmanes a déjà été traitée; depuis plus de
40 ans, MM. de Neveu et Brosselard ont décrit, leur organisation et signalé les
dangers qu'elles peuvent faire naître; puis M. Duveyrier a étudié la secte des
Senoussïa et n'a pas ménagé, à son sujet, lès sinistres prophéties; M. Rinn a
groupé ensuite tous les éléments recueillis, dans ses Marabouts el Khouan, et enfin
a paru le gros livre de MM. Depont el Coppolani (1).
Avant M. Hanotâux, tous ces auteurs ont émis les mômes craintes el présenté
l'organisation de ces sociétés secrètes comme formidable. On les a crus sur pa-
role (2); mais il est temps de se demander s'ils ne se sont pas laissé entraîner
par leur sujet au delà des limites de la réalité, si la force de ces associations
est aussi grande et si leur existence constitue un tel danger pour notre domi-
nation.
Examinons d'abord comment leur hostilité et leur puissance se sont révélées
depuis 60 ans.
Plusieurs mouvements insurrectionnels ont été provoqués par les-Khouan,
mais, en général, ces révoltes suscitées par quelque Mokkadcm, appelant aux
armes les gens de la Zaouia et leurs adeptes sont demeurées localisées dans un
cercle plus ou moins restreint, souvent aussi les tentatives de ces agitateurs ont
été écrasées dans l'oeuf.
(4) On pourraitcilorbiend'autresétudos;nousnoparlonsquodesprincipalos
(2) Nouscommeles autresot l'on pourraitnousopposoraujourd'huicoquonousavonspubliéil y a
quoiquevingtans. Colaprouvoune foisdoplus qu'onmatiôroalgérienne,il faut so défiordosopinions
diroctoot prolongéeest indispensable,
toutesfaitesot quol'expérience
10
146 REVUE DE L'ISLAM
Telles sont les raisons de l'isolement dans lequel se trouvent les fauteurs de
troubles et c'est pour cela que les ambitieux sont Obligés d'aller exercer leur ac-
tion sur d'autres théâtres.
Tchad a été pour lui très heureuse et qu'ils lui ont rendu d'inappréciables ser-,
vices.
. Nous espérons avoir démontré que les craintes manifestées par M. Hanotâux
sont singulièrement exagérées. 11 semble de mode, depuis quelque temps, de
prédire nous ne savons quelle grande insurrection de l'Islam contre la chré-
tienté. Sur quels faits précis fonde-t-on ces prophéties de malheur? 11 y a un
véritable danger à les accréditer imprudemment. Ce qu'il faut, c'est surveiller
les confréries musulmanes. Le meilleur moyen consiste à nous immiscer dans
leur direction et il se trouve que leurs chefs eux-mêmes nous le demandent,
leurs rivalités sont le plus grand obstacle à leur action nuisible; en les aidant
et les dirigeant, nous pouvons en faire les plus solides auxiliaires de notre
domination 1
E. MERCIER.
cheuses jetées en regard de la côte; peu à peu, on voit émerger de l'horizon les
terres qui les soutiennent et les relient; le profil du littoral se dessine; le massif
puissant du Zaghoùan ferme le passage vers le sud, et tandis que l'oeil suit les
jeux de la lumière sur les flancs du mont et contemple les arêtes vives de son
sommet découpé en forme de croissant, l'esprit se reporte au temps où cette
même montagne, le mont Zengitamis, encore aujourd'hui riche en sources, ver-
sait un fleuve aux citernes de Carthage
« Le trajet est long du paquebot à la côte (1). Il faut confier son bagage et
sa personne à de petits bateaux manoeuvres à grands cris par des façons de
pirates maltais ou maures. On vantait autrefois, comme une scène d'un pitto-
resque achevé, la prise d'assaut du navire à son entrée dans le port d'Alger, par
les Maures et les Biskris. Les choses ont déjà bien changé à Alger; la police
s'en môle et le pittoresque est en déroute devant elle. A La Goulette, la police
beylicale ne met rien en fuite et se ferait scrupule de gêner quelqu'un. Il faut
voir ce mouvement tumultueux de canots, manoeuvrant autour de l'échelle de
bord, pour happer au passage le voyageur trop pressé. Entre bateliers, la con-.
currence la plus déloyale est ici la règle; c'est un tumulte inimaginable; cla-
meurs dans toutes les langues, sont gutturaux el âpres ; l'oreille en est déchirée.
« Le voyageur est la proie promise à ces descendants de forbans. Il est là
sur la plate-forme de l'échelle, à un demi-mètre au-dessus de la vague : avance-
t-il le pied pour s'embarquer? Le canot glisse sous lui et soudain s'écarte vigou-
reusement repoussé par la main d'un batelier rival qui s'avance en hurlant de
joie; retour offensif du premier; les yeux s'animent; les gestes deviennent fu-
rieux ; on croit à un massacre et, comme il convient entre Italiens cl Maures,
tout finit par d'étonnants jurons, des vociférations assourdissantes; ils s'en
poursuivent jusqu'au quai. Là, ces hommes, dont la colère semblait défier tout
apaisement se calment soudain; rien ne reste de leur fureur, pas même un fré-
missement de surface. Ils ont satisfait à leur instinct, au besoin de vomir l'in-
jure; la hôte est contente. Bien prend au voyageur de ne pas lâcher la chaîne
du bord avant d'avoir enfin trouvé un canot fixé sous lui; s'il tombait à l'eau,
le moins qu'il eût à craindre serait d'être écarlelé par ses sauveteurs.
« A mesure que l'on approche de la Goulette, loule idée de grandeur s'éva-
nouit, et au choc de la réalité, l'atmosphère d'impressions graves dans laquelle
on s'était complu se dissipe entièrement.
« Ce port de Tunis, dont le nom féminin et coquet Halle l'oreille, n'est, en
réalité, vu de la mer, qu'un village dont les batteries avancées el le fort de
Charles-Quint cachent mal l'insignifiance.
(A suivre.) LUCIEN
HEUDEBERT.
CONVENTION INTERNATIONALE
TITREIV. — PÉNALITÉS.
SURVEILLANCE
SANITAIRE
DESPÈLERINAGES
DANSLA MERROUGE
En ce qui concerne les vivres et l'eau, les règles adoptées pour Camaran sous
la lettre E sont applicables aux campements d'Abou-Saad, de Vasta et d'Abou-
Ai.
I. — VOYAGE
D'ALLER.
Si la présence du choléra n'est pas constatée dans le port de dépait ni dans
ses environs et aucun accident cholérique ne s'étant produit pendant la tra-
versée, le navire est immédiatement-admis à la libre pratique.
Si la présence du choléra est constatée dans le port de départ ou dans ses
environs, ou si un accident cholérique s'est produit pendant la traversée, le
navire sera soumis, à Djebel-Tor, aux règles instituées pour les navires qui vien-
nent du Sud et qui s'arrêtent à Camaran.
11. — VOYAGE DE RETOUR.
Si la présence du choléra n'est pas constatée au Hedjaz et ne l'a pas été au cours
du pèlerinage, les navires sont soumis à Djebel-Tor aux règles instituées à Cama-
ran pour les navires indemnes.
Les pèlerins seront débarqués, prendront une douche-lavage ou un bain de
mer; leur linge sale, la partie de leurs effets à usage et de leurs bagages qui
peut être suspecte, d'après l'appréciation de l'autorité sanitaire, seront désinfec-
tés ; la durée de ces opérations, en y comprenant le débarquement et l'embar-
quement, ne devra pas dépasser quarante-huit heures.
Si la présence du choléra est constatée au Hedjaz ou l'a été an cours du pèle-
rinage, les navires sont soumis à Djebel-Tor aux règles instituées à Camaran
pour les navires infectés.
Les personnes atteintes de choléra ou d'accidents cholériformes seront débar-
quées et isolées à l'hôpital. La désinfection sera pratiquée d'une façon complète.
Les autres passagers seront débarqués el isolés par groupes, aussi peu nombreux
que possible, de manière que l'ensemble ne soit pas solidaire d'un groupe par-
ticulier, si le choléra venait à s'y développer.
Le linge sale, les objets à usage, les vêtements de l'équipage et des passagers,
seront désinfectés ainsi que le navire.
L'autorité sanitaire locale décidera si le déchargement des gros bagage-; et des
marchandises est nécessaire, si le navire entier doit être désinfecté, ou si une
partie seulement du navire doit subir la désinfection.
Tous les pèlerins sont soumis à une observation de sept jours pleins à partir
de celui où ont été terminées les opérations de désinfection. Si un accident cho-
lérique s'est produit dans une section, la période de sept jours ne commence
pour cette section qu'à partir de celui où le dernier cas a été constaté.
Mesures sanitaires à appliquer aux départs des pèlerim des ports du Hedjaz.
Les mesures à adopter pour le départ de Djeddah et Yambo des pèlerins qui
vont vers le Sud sont les mêmes que celles édictées pour le départ des ports,
situés au-delà du détroit de Bab-el-Mandeb, en ce qui concerne la visite médicale
et la désinfection, soit :
REVUE DE L'ISLAM 157
1» A Faô ou à proximité de ce point : grand lazaret sur terre ferme avec ser-
vice sanitaire complet, ayant sous sa direction les postes sanitaires du golfe
Persique mentionnés ci-dessous ;
2» Petit lazaret dans l'un des deux îlots ottomans Sélahiyé ou Yilaniyé, si-
tués près de Bassorah, pour surveiller les individus qui auraient échappé à la
visite de Faô ;
3° Maintien du poste sanitaire existant actuellement à Bassorah ;
4° Installation d'un poste sanitaire dans la baie de Koveit ;
REVUE DE L'ISLAM 159
pris ses précautions. Aussi, dès que Driss fut parti, elle courut vers la boutique
de son amant et lui fit part de l'événement. Le négociant se montra fort inquiet,
mais Amina le tranquillisa de suite en lui disant : « Ne crains rien; mon pro-
jet est tout préparé, trouve-toi vendredi prochain à la porte de la ville et dé-
guise-toi en ânier; je dirai à mon mari de te prendre pour nous conduire à
Zerhoun. Le reste, tu le verra après. »
Le vendredi à l'aube du jour, les deux époux se dirigèrent vers Bab Derbeilan
pour louer une monture; le fidèle amant ne manqua pas de s'y trouver. On dé-
battit le prix de location de l'âne, la femme grimpa dessus et l'on se dirigea
vers Zerhoun.
Arrivés au pied de la montagne, la courageuse femme, en descendant du
bourriqùot, fit intentionnellement un faux mouvement et se laissa tomber sur le
dos, dételle sorte qu'une brise indiscrète souleva tous ses vêtements Elle se releva
précipitamment, eh accablant d'injures le faux ânier, que celte scène auquel
il ne s'attendait pas rendit muet; puis, d'un pas ferme, elle s'approcha de la
chaîne merveilleuse, en prit les extrémités entre ses doigts et s'exprima ainsi :
« Je jure par celte chaîne sacrée et par celui qui l'a créée que personne au
monde n'a vu ce que ma chemise doit cacher, si ce n'est mon mari ici présent
et ce vilain ânier. »
A ces mots, un coup de tonnerre éclata au sommet de la montagne et la chaîne
disparut dans l'espace.
CHEIKENNADER.
N° 60. Novembre 1900.
mettre la moindre observation. Et comme une partie des revenus des vakoufs
servent à entretenir les enfants musulmans qui fréquentent les écoles secon-
daires gouvernementales, des sommes importantes sont ainsi distraites, chaque
année, des buts pieux et charitables pour lesquels les vakoufs furent institués
par leurs fondateurs.
« En ce qui concerne les conversions, j'ai déjà dit qu'elles remontent à l'an-
née 1880. Rien que pour l'Herzégovine, j'ai connaissance d'une vingtaine de
cas, et je ne sais si ma statistique est complète. Quoi qu'il en soit, ce n'est pas
le fait que des Musulmans se convertissent au Christianisme qui constitue notre
grief principal à cet égard, mais nous sommes indignés devoir que la loi y rela-
tive promulguée en 1892 par le gouvernement n'est pas respectée par les autorités.
« D'après cette loi, en effet, qui s'applique à tous les cultes, personne ne
peut changer de religion s'il n'a pas atteint sa majorité. Remplit-il cette condi-
tion absolument indispensable et veut-il embrasser une autre foi que celle de
ses pères, il est tenu de se rendre chez le chef spirituel de sa communauté qui,
pendant un délai de deux mois, essaye de le faire revenir sur sa détermination.
Ce temps écoulé, le chef spirituel prévient les autorités et celles-ci délivrent
enfin au requérant l'autorisation qu'il demande. Or, dans aucune des vingt
conversions dont je parlais tout à l'heure, cette procédure n'a été suivie.
« Je citerai comme exemple tout à fait typique, celui d'une femme de Lu-
buchka qui fut amenée en Dalmatie avec sa fille âgée de 6 ans et là, convertie
à la religion catholique. Lorsque la jeune fille grandit et qu'elle apprit ce qui
s'était passé, elle prit la fuite et rentra àLubuchka chez son oncle, afin d'embras-
ser de nouveau la foi de ses pères. Mais les autoritée locales ayant eu vent de la
chose, la tirentarrêter par les gendarmes et rarrïener chez sa mère manu militari.
« Passant sur le cas de la veuve de Béchir Rokitch, du village de Stolza en
Herzégovine, qui fut convertie en 1894, avec sa fille âgée de 13 ans et son petit
garçon de 1 an 1/2, je m'étendrai davantage sur l'affaire de Fata Omanovitch
que, dans ses discours à la récente session des Délégations, M. de Kâllay n'a
pas exposée avec toute la clarté désirable. Cette jeune fille a quitté la maison
paternelle sur les instigations d'un kmète catholique et du domestique de
l'évèque de Mostar. Quelque temps après sa disparition, on apprit qu'elle
avait été baptisée dans un couvent catholique et qu'on l'y retenait de force.
Les Musulmans de Mostar se rendirent chez le baron Pittner, chef du district,
qui s'exprima en termes peu élogieux sur le compte de Fala, bien que ce fût
une brave et honnête fille. Finalement, il promit d'intervenir et de faire quel-
que chose, mais il ne tint pas sa promesse. Lorsqu'une nouvelle députation de
50 Musulmans alla lui rappeler ses assurances, il répondit qu'il s'en occupait
sérieusement; mais, peu après, il fit savoir aux intéressés que le gouvernement
était impuissant, malgré sa bonne volonté. En octobre 1899, une députation se
présenta chez l'Empereur et Roi et présenta à Sa Majesté une supplique, mais
à peine était-elle rentrée en Herzégovine que de nouvelles conversions eurent
lieu, de la façon la plus illégale. On voulut enlever, entre autres, les deux
enfants du propriétaire Ibranévitch, dans un village des environs de Mostar,
164 REVUE DE L'ISLAM
mais les Musulmans en furent informés à temps et purent empêcher les bapti-
seurs de réaliser leurs plans.
« Je ne veux pas clore le chapitre des conversions sans parler de la femme
Gulsumé, fille de Mouharrem-Arabzadé, de Mostar qui a été enlevée de force, il
y a trois ans, par des individus demeurés inconnus et amenée en Dalmatie, où
on l'a probablement obligée à se faire catholique. Toutes les démarches faites
pour la retrouver ont été vaines, et personne ne sait ce qu'elle est devenue.
« Passant à l'instruction publique, qui constitue également une des condi-
tions fondamentales de notre existence, je vous dirai que les Musulmans de la
Bosnie-Herzégovine désirent que leurs enfants de 6 à 9 ans soient lais es libres
de ne fréquenter.durant trois années que les écoles primaires confessionnelles,
où ils n'ont à apprendre que les principes de la religion musulmane, laquelle
est, pour nous, la base fondamentale de toute éducation.
« Nous insistons aussi pour que renseignement de la religion soit mieux cul-
tivé qu'à présent, dans les écoles gouvernementales. Les deux heures que l'on y
consacre par semaine sont tout à fait insuffisantes et les enfants n'apprennent
rien, absolument rien.
« En outre, les maîtres d'école musulmans ne reçoivent que des appointe-
ments dérisoires : 15 à 30 florins par mois, lorsque les simples kapoudjis (por-
tiers) des gymnases gouvernementaux toucbent des 50 et 60 florins.
« Pour résumer, en trois lignes, les voeux de la population mahométane de
l'Herzégovine — car c'est elle seulement qui est entrée en scène pour le mo-
ment—je vous dirai que nous demandons l'autonomie aussi bien en ce qui
concerne nos affaires religieuses que pour ce qui est de l'instruction publique.
Nous voudrions qu'on confie à. des conseils d'arrondissement élus par la popu-
lation tout ce qui a trait à ces deux questions ; quant aux affaires intéressant la
province toute entière, elles seraient réglées par un conseil central comprenant
des délégués de tous les conseils d'arrondissement et se réunissant à Mostar
sous la présidence du mufti d'Herzégovine.
« Je passe maintenant à la députation mahométane qui se trouve depuis un
mois et demi à Budapest (1), et au sujet de laquelle les journaux magyars ont
écrit tant d'inexactitudes.
« Il doit être bien établi, tout d'abord, que cette députation ne parle qu'au
nom des Musulmans de l'Herzégovine et que c'est pour eux seulement qu'elle a
demandé à qui de droit l'autonomie dont je viens de parler. Toutefois, le mou-
vement s'est déjà fortement propagé en Bosnie et des délégués de la population
mahométane de Travnik el environs sont sur le point de partir pour la capitale
hongroise, afin de joindre leurs efforts à ceux des délégués de Mostar et d'indi-
quer par là que, quoi qu'en disent les agents et les organes du gouvernement,
tous les Musulmans des provinces occupées sont bien d'accord sur ces questions
vitales pour eux.
« En parlant de la députation mahométane, un ou deux journaux de Buda-
( SUITE
)
Il se développe des deux côtés de l'étroit canal qui relie la mer au lac de Tu-
nis. Ce canal fut peut-être l'oeuvre de Carthage ; mal entretenu depuis l'anti-
quité, jamais élargi, il n'a pas plus de vingt-cinq mètres de largeur; quand
deux balancelles sont amarrées de chaque côté du quai, il ne reste plus guère
que le passage suffisant pour un canot. L'embouchure du canal sur la mer est
à peine moins étroite (1); elle mérite bien le nom que les Arabes lui ont donné,
Halk-el-Qued, le gosier du canal ; les Italiens, dont la langue est une charmeuse,
en ont fait la Goletta.
« Tout le mouvement et toute la vie semblent avoir abandonné le bord méri-
dional du canal pour se concentrer sur le groupe septentrional, à l'extrémité de
la langue de terre qui tient aux ruines de Carthage. Une rue animée et plantée
d'arbres, c'est une gaieté de plus sur ces rivages par un soieil de juin, conduit
du canal à la gare italienne de Tunis (2) ; elle est bordée de cabarets, de misé-
rables auberges, de pauvres boutiques; çà et là, une construction qui ac-
cuse l'inlluenee européenne, une maison précédée d'un jardin où la végétation
africaine déploie sa splendeur. Quelques rues perpendiculaires à celte avenue
principale et se développant parallèlement au quai vers l'ouest reliées entre
elles.par d'étroites ruelles, constituent le bourg de La Goulette.
« Les Italiens y sont en grand nombre, ils fraternisent avec les Maltais, race
hybride el de nationalité douteuse, se réclamant de l'Angleterre quand leur in-
térêt les y invile, Italiens par l'irascibilité et le bavardage, Arabes par l'àprelé
de leur langage et leur type nerveux et hâté, ils font penser à ce qu'un grand
écrivain dit de leur patrie, quand il l'appelle « une hôtellerie », où toutes les
races méditerranéennes, depuis les Phéniciens jusqu'aux Anglais se sonl croisés
et confondus. »
La ville de Tunis a été baptisée par les Arabes de plusieurs petits noms doux ;
nous pouvons citer ceux de Blanche, de Sainte, de Glorieuse et de « Burnous du
Prophète».
Le blanc est en effet la couleur caractéristique de la capitale des Beys.
lottes de fourrure des Maltais, une mer de chéchias rouges, de vestes et de tur-
bans multicolores ; à travers la cohue la culotte rouge d'un zouave ou le dolman
bleu d'un chasseur d'Afrique; des chevaux aux longues selles arabes, des cha-
meaux, des bourricots chargés d'oranges, des voitures, des tramways ; bref un
mélange étrange de civilisation el de vie primitive, un diminutif de la tour de
Babel et tout cela, marchant, courant, gesticulant, criant dans tous les idiomes
connus et inconnus. Au fond, au-dessus de la foule, une porte mauresque déta-
chait vigoureusement sur le blanc des maisons ses créneaux brunis par le temps
et son plein cintre monumental. C'était la Porte de France (primitivement Bab
el Bahr, porte de la mer) celle qui jadis fermait la ville arabe du cùLôde la mer,
avant que l'occupation française eût pris sur le lac l'emplacement du quartier
européen.
« Je restai quelque temps à savourer ce délicieux tableau, je compris alors
celte incomparable lumière d'Afrique, inconnue à l'Europe, qui enveloppe et
adoucit les couleurs les plus disparates et donne aux ombres des reflets et une
transparence incompréhensibles pour ceux qui ne l'ont pas vue. »
On compte 150.000 habitants environ à Tunis, dont 70.000 Arabes, 50.000 Is-
raélites, 12.000 Italiens, 12.000 Mallais, 13.000 Français (y compris la troupe)
400 Grecs et quelques centaines de Suisses, d'Espagnols, d'Anglais, etc.
Depuis dix-huit ans, la ville européenne est sortie de terre avec une prodi-
gieuse rapidité.
Les deux principaux monuments européens de la ville : la cathédrale et le pa-
lais de la Résidence, se trouvent en face l'un de l'autre, sur la même place.
Dans la ville arabe, ce sont la Kasbah et la grande Mosquée qui attirent plus
particulièrement l'attention par la finesse de leur forme et l'originalité de leur
architecture.
Les Français établis à Tunis sont presque tous commerçants ou fonction-
naires. Des capitalistes de Paris, de Lyon, de Marseille, de Grenoble y ont,
avec une extrême célérité, fait de toutes parts surgir des maisons. L'une d'entre
elles a coûté à un avocat bien connu à Tunis la somme de 12.000 francs el lui
rapporte jusqu'à. 8.000 francs par an : c'est un placement hors de pair. Une
autre maison connue de Tunis rapporte 12 0/0 à son propriétaire. Ce ne sont
là, évidemment, que des exceptions, mais la moyenne du rapport de la pro-
priété bâtie, à Tunis, varie entre 7 el 10 0/0, ce qui est très joli. Il y a donc de
l'avenir en Tunisie pour les propriétaires!
Chose curieuse, le prix des loyers est presque aussi élevé à Tunis qu'à Paris,
malgré cette abondance de bâtisses (1).
Le haut commerce est représenté à Tunis par trois grandes maisons de nou-
veautés françaises : le Magasin général, grand bazar où l'on vend un peu de
tout, el qui rend environ 5 0/0 de bénéfices avec 700.000 francs d'affaires an-
nuelles; les Galeries parisiennes, dont le chiffre d'affaires est un peu moindre,
(1) D'aprèsM.MarcelRuédol.Bulletindel'Uniongéographique
dunorddela France(Douai),2° tri-
mcslro1S99.
REVUE DE L'ISLAM 169
on n'en voit en France que dans les antiques étables des hameaux perdus.
L'effet en est bizarre : le soleil jouant dans ces lambeaux grisâtres, les colore
de reflets inattendus et leur prête un éclat singulier ; quand la brise les agite,
on dirait des drapeaux qui frémissent. On n'est qu'à demi rassuré sous cette
décoration : une de ces toilettes se détachant suffirait à envelopper un homme.
« Le pittoresque, est partout. Le pavé des souks est plus irrégulier encore
que celui de la rue. Comme on ne remplace pas les pierres qui s'ébranlent et sont
enlevées, il y a par endroits presque autant de crevasses que de traces de chaus-
sées ; on marche sur la terre battue, qui devient, à la première pluie, un vrai
bourbier. Bêtes et gens traversent les souks, en battent le sol, en pétrissent la
fange.
« C'est dans ce milieu cependantque sont accumulées les principales richesses
de l'industrie tunisienne. Chaque souk a une destination particulière; les mar-
chands d'étoffes en occupent plusieurs, les chapeliers et les marchands de
chéchias en ont une autre ; les bijoutiers el les marchands d'essences forment
l'aristocratie marchande et sont établis au centre ; les armuriers vivent avec
eux en bons voisins. Les cuirs et. les ouvrages de sellerie ont leur quartier à
part. 11y a aussi les tourneurs, les fabricants de petits mobiliers et, çà et là,
sur la lisière de ce inonde à part, quelque moulin à blé ou à huile que met en
mouvement dans une cave sombre un mulet aux yeux bandés II n'y a de vraies
richesses, à noire sens, que dans les souks réservés aux étoffes et aux soieries.
« Les Juifs régnent en maîtres dans ce monde du commerce; c'est naturelle-
ment dans leurs boutiques que s'entassent les plus riches tissus. On reconnaît
de loin la boutique juive, à l'empressement affairé du vendeur qui va au devant
du client, le presse, l'enlace, en fait sa chose. Il faut n'être plus novice pour
échapper de ses mains sans être allégé de quelques piastres. Aussi bien la ten-
tation est-elle forte souvent : les soieries de Tunis sont célèbres et elles valent
leur renommée. Il y a beaucoup de soie de Lyon dans le nombre ; cependant
l'industrie indigène produit encore, et ses tissus se reconnaissent à leur éclat.
Ce sont des burnous, des haïks, des blouses de femmes juives aux vives cou-
leurs, aux larges raies d'un très bel effet, des couvertures de laine de Djerba et
du Djerid.
« La broderie d'or et d'argent formant le complément obligé de tout vêtement
oriental, les ateliers de broderies ne sont pas éloignés des magasins où se fait
la vente. Ce sont les hommes qui brodent. Ils manient l'aiguille avec une dex-
térité admirable. Quand ils défont un écheveau de soie dont ils retiennent
l'extrémité avec le gros orteil de leur pied nu, c'est plaisir de voir l'agilité de
leurs doigts et leur jeu insaisissable. De leurs mains sortent ces lourdes et
riches broderies qui revêtent comme d'une cuirasse la veste d'intérieur des
femmes arabes, la traîne d'or qui enrichit leur toque. Le goût n'en est pas tou-
jours parfait ; c'est trop surchargé, c'est épais pour notre délicatesse française.
Il y a là néanmoins un art indigène qui mérite d'être loué.
« Il y a plus d'originalité dans le travail des cuirs et la fabrication des
ouvrages de sellerie ; c'est l'industrie vraimentafricaine ; on la retrouve partout,
172 REVUE DE L'ISLAM
depuis le littoral jusque dans le Soudan, et elle est bien représentée à Tunis.
La visite au souk des cuirs est assurément l'une des plus intéressantes. On y
trouve tous les objets de harnachement, ces sacs en cuirs de différentes couleurs,
avec plusieurs poches, qui font partie intégrante du mobilier arabe.
« L'activité s'éveille assez tard dans les souks ; avant sept heures et demie ou
huit heures, on trouve portes closes. Les industries qui, de près ou de loin,
tiennent à l'art affirment leur aristocratie en retardant; les enchères où se
vendent les métaux précieux et les pierres fines ne s'ouvrent pas avant dix
heures. On n'a rien vu des souks si on n'y est pas revenu plus d'une fois vers
le milieu du jour, de midi à trois heures. C'est alors, dans ces étroits couloirs,
un entassement et une cohue inimaginables. On est vraiment payé de sa fatigue
par le régal d'un spectacle sans pareil. Le pavé disparaît sous la multitude des
pas ; l'éclat, la variété des costumes étonne el charme le regard. Maures, Juifs,
Arabes du désert, Nègres à la peau luisante, à la jambe sèche et nue, Négresses
flétries et ridées, femmes arabes empaquetées sous leurs voiles, Juives en
maillot; tout se donne rendez-vous sous ces voûtes.
« L'activité commerciale allumée par les Beni-Lraël donne à celle population
un mouvement, un air de fièvre qu'on ne lui connaît pas. On se presse, on se
presse, on se coudoie, on se bouscule; les courtiers juifs enlèvent au passage
l'acheteur européen qui se présente ; la foule curieuse le suit. On fait cercle
autour de lui ; les marchands rivaux font bonne garde.
« N'oublions pas, pour laisser au tableau tout son caractère, que même à
cette heure d'encombrement, hôtes, chariots et portefaix ont toujours droit de
passage. On se figure le remous que produit dans ce flot humain l'arrivée d'un
cavalier. Recouvert de son large chapeau de paille rehaussé de garnitures en
cuir, orné de pompons, de ce chapeau qui n'a pas moins de un mètre dix d'en-
vergure, l'homme campé sur ses larges étriers, le fusil jeté en travers de la
selle, domine la foule d'un air superbe. Le cheval choisit ses pas, lentement,
l'oeil étonné. Le courant humain se divise, frôle les flancs de la bêle et se reforme
derrière sa croupe. On y met plus d'empressement quand un Maure passe sur
sa mule qui va l'amble. On ne saurait rien voir de plus gracieux que la mule
tunisienne : c'est la fleur du règne animal dans celte contrée. Mais elle se sait
belle, elle a ses caprices, il faut se ranger à son approche. Le petit âne passe
inaperçu ; on se sent un peu poussé par un être minuscule ; c'est un bourricot
qui s'ouvre un passage; un grand nègre le suit et cogne sans pitié.
« Le spectacle de celle activité variée, multicolore, bruyante, est chose tout à
fait nouvelle pour l'Européen ; il doit en rassasier ses yeux ; car sans doute,
nulle part ailleurs, il ne retrouvera rien de semblable, et ce flot humain s'écoule
rapidement.
« Vers quatre heures, tout reprend l'aspect calme et languissant de la mati-
née. 11faut bien entendre que cette cohue ne se produit pas dans tous les souks;
la population de Tunis n'y suffirait pas. Les souks de la soierie et de l'or sont
surtout fréquentés; le mouvement est moins intense dans les autres. 11 en est
môme qui ne perdent jamais leur physionomie de ruelle écartée de village. »
REVUE DE L'ISLAM 173
Nous allons maintenant sortir de Tunis pour jeter un coup d'oeil rapide sur
la campagne environnante, qui est pittoresque et riche. Toutes les plages du
golfe de Tunis, un des plus beaux du monde, sont couvertes de villas et de
stations d'été.
Voici d'abord la Goulette, l'ancien port de Tunis, bien délaissé, aujourd'hui
que l'on peut atterrir facilement à la capitale. La Goulette est à l'entrée du
chenal qui relie Tunis àlahaute-mer ; nous en avons parlé précédemment déjà.
Plus loin, on voit une magnifique cathédrale qui domine et se dresse sur une
colline aride, comblée de ruines avec deux petits lacs à ses pieds. C'est S. Louis
de Carthage (où repose le cardinal Lavigerie).
A côté se trouve la coquette petite ville de la Marsa, séjour d'été du Primat et
du Résident et où s'élève le Palais du bey de Tunis.
Citons encore Rhadès et Hammam-Lif avec leurs maisons aux tuiles rouges
entourées de massifs de verdure.
A l'ouest de Tunis, sur la route de l'Algérie, on rencontre le Bardo où le Bey
vient régulièrement rendre la justice à ses sujets, c'est là qu'il prononce les sen-
tences capitales ; devant le palais se dresse la potence où l'on pend encore les
indigènes condamnés à mort.
Plus loin encore, on voit une plaine agricole, l'Ariana, où la propriété est très
morcelée, très divisée entre les Français et les indigènes.
Au sud de Tunis, au pied du Djebel Zaghouan, dans une région montagneuse
à rameaux parallèles séparés par des vallées assez profondes, c'est Zaghouan.
Les dons naturels sont riches sur cette terre, jaune et d'aspect aride.
Des sources bienfaisantes y jaillissent, des mines de calamine sont exploitées
par une Compagnie Lyonnaise ; elles produisent de beaux revenus.
Les Lyonnais, qui semblent s'être donné à coeur de rendre riche et prospère la
Tunisie, possèdent encore dans cette région un établissement unique dans la
Régence, d'un intérêt de tout premier ordre, selon M. Iluédel.
La culture est particulièrement prospère dans la plaine de Mornag. La char-
rue à vapeur a défoncé le sol et permis aux Français d'y établir leurs quartiers.
Les propriétés y sont extrêmement rapprochées.
Deux agglomérations méritent surtout d'être citées, celles de Crétoville et de
Potinville. La première doit son développement à l'exploitation créée, il y a
une quinzaine d'années, par un lieutenant de chasseurs, M. Maurice Crété. Le
vin est le principal produit de ces établissements.
Le domaine de Potinville a été fondé en 1884 par M. Paul Potin, directeur de
la grande épicerie parisienne. Il se compose de 2,200 hectares dont 500 plantés
de vignes. C'est le plus grand vignoble tunisien.
(A suivre.) LUCIENHEUDEBERT.
174 REVUE DE L'ISLAM
CONVENTION INTERNATIONALE
Annexe IV.
SURVEILLANCE
ET EXÉCUTION
1° La mise en pratique el la surveillance des mesures concernant les pèleri-
nages, arrêtées par la présente convention sont confiées, dans l'étendue de la
compétence du conseil supérieur de santé de Constantinophle, à un comité pris
dans le sein de ce conseil. Ce comité est composé de trois des représentants de
la Turquie dans ce conseil, et de ceux des puissances qui ont adhéré ou qui
adhéreront aux conventions sanitaires de Venise, de Dresde et de Paris. La pré-
sidence du comité est déférée à l'un de ses membres ottomans. En cas de par-
tage de voix, le président a voix prépondérante.
2° Afin d'assurer les garanties nécessaires au bon fonctionnement des divers
établissements sanitaires énumérés dans la présente convention, il sera créé un
corps de médecins diplômés et compétents, de désinfecteurs, et de mécaniciens
bien exercés et de gardes sanitaires recrutés parmi les personnes ayant fait le
service militaire, comme officiers ou sous-officiérs.
3° EB ce qui concerne les frais résultant du régime établi par la présente
convention, il y a lieu de maintenir l'état actuel au point de vue de la réparti-
tion des frais entre le gouvernement ottoman et le conseil supérieur de santé de
Constantinople, répartition qui a été fixée à la suite d'une entente entre le gou-
vernement ottoman et les puissances représentées dans ce conseil.
4° L'autorité sanitaire du port ottoman de relâche ou d'arrivée qui constate
une contravention en dresse un procès-verbal sur lequel le capitaine peut ins-
crire ses observations. Une copie certifiée conforme de ce procès-verbal est
transmise au port de relâche ou d'arrivée, à l'autorité consulaire du pays dont
le navire porte le pavillon. Cette autorité assure le dépôt de l'amende entre ses
mains. En l'absence d'un consul, l'autorité sanitaire reçoit cette amende en
dépôt. L'amende n'est définitivement acquise au conseil supérieur de santé de
Constantinople, que lorsque la commission consulaire indiquée à l'article sui-
vant aura prononcé sur la validité de l'amende.
Un deuxième exemplaire du procès-verbal certifié conforme devra être adressé
par l'autorité sanitaire qui a constaté le délit au président du conseil de santé
de Constantinople, qui communiquera cette pièce à la commission consulaire.
Une annotation sera inscrite sur la patente par l'autorité sanitaire ou consu-
laire indiquant la contravention relevée et le dépôt de l'amende.
5° Il est créé à Constantinople une commission consulaire pour payer les
déclarations contradictoires de l'agent sanitaire et du capitaine inculpé. Elle
REVUE DE L'ISLAM 175
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE
Est-il rien de plus délicieux que ces Contes des Mille Nails el Une Nuit dont le
Dr C. Mardrus publie une traduction si pleine do l'âme et de la couleur arabes?
Certes, il s'y trouve des choses que...., des choses qui...., des choses, en un mot,
excessivement asiatiques.
Mais ce sont cette sincérité, ce réalisme.... angéliques, qui font le charme de
ces récits; et puis, les passages trop arabes, s'ils effarouchent notre pudeur bien
française, on peut les passer. Les pages qui restent n'en sont pas moins savou-
reuses, pleines de la lumière et de la douceur de l'Orient.
Je me souviens d'avoir entendu, il y a bien des années, sous le ciel enchanteur
de la mer des Indes, des histoires pareilles, dites par des Arabes tout pareils à ceux
dont les récits du D 1' Mardrus évoquent l'originale ligure; j'en ai entendu de
telles, encore, dans leurs villes blanches où le sable des rues ressemble, sous le
soleil, à de la limaille d'or; et dans les cafés arabes, où l'on est assis à la turque
sur l'incommode estrade, et sur le till ac des bourres, dont les flancs exhalent des
odeurs d'aromates et de poisson séché; ou encore, dans les boutiques fraîches,
étroites et sombres, où chatoient les étoffes précieuses, et reluisent les armes
rares. C'est là qu'il faut voir le vrai Arabe, l'entendre discourir, et vanter sa
marchandise, et raconter de ces histoires à la fois simples et merveilleuses qui
n'en finissent plus. La physionomie bonasse et finaude des conteurs populaires;
le gesie noble des seigneurs; l'air des marchands, importants avec leurs commis,
obséquieux avec les chalands : la ligure bourrue mais paternelle du cadi ; le défilé
interminable des convois de chameaux qui se suivent à la flle, une cloche ou une
amulette au cou ; les criailleries du bazar aux ruelles étroites, aux odeurs bizarres,
où les marchands sont assis jambes croisées sur le devant de leur boutique; elles
regards profonds, les regards noirs, pleins d'interrogations, de regrets ou de
promesses, qui tombent des nioucharabiehs sur le passant; et, le soir, le bruit
mat sur le sable des chaussures molles des femmes s'en allant par groupes en
visite, sous la conduite d'un eunuque rébarbatif.
Il y a de tout cela, dans ces Mille Nuits et Une Nuit; mais il y a autre chose
que de la poésie et de la couleur. Tels passages sont curieux aussi comme des
peintures de la vie sociale arabe : tels conciliabules de marchands nous appren-
nent comment, il y a quelques siècles, ce monde si peu connu commerçait avec le
dehors, et combien forts et organisés étaient les syndicats d'artisans et de négo-
ciants. A ce titre, sans compter les autres, la lecture de ces contes offre un vif
intérêt. On y trouve toute l'organisation sociale d'un peuple, en même temps que
l'on peut y admirer son génie et se délecter en sa littérature.
Le tome VI de, la traduction Mardrus des Mille Nuits et Une Nuit, qui vient
de paraître aux Éditions de la Revue Blanche, est fait d'histoires dont il n'y a pas
trace dans l'adaptation de G-alland, — une seule exceptée, Sindbad le Marin.
Mais, précisément, sur celle-ci, et du fait même qu'elle est familière à tout le
monde, il sera facile de vérifier en quoi consistent l'apport du Dr J.-C. Mardrus et
son génie de traducteur Malheureusement, nuls vers ne sont inclus au récit des
sept voyages du mercantile Sindbad ; mais ils abondent dans les autres contes du
volume : dans YAvenlure du Poète Abou-Nowas, ce frère de notre Villon et de
notre Verlaine, dans l'Histoire de la belle Zoumourroud avec Alischar, fils de
Gloire, voluptueuse merveille, dans la joviale Histoire des six adolescentes aux
couleurs différentes, et dans cette Histoire de la docte Sympathie, qui est tout
ensemble un compendium de la science et de la religion musulmanes et un re-
cueil de jeux de mots d'une saveur non pareille.
*
Vient de paraître à la Librairie d'Education Nationale, 11, rue Souûlot :
1. —LAVIE NAVALE,Notions générales élémentaires, de navigation théorique el
pratique (Pêche et Marine m'arcliandé), par Gaston Dujarric, capitaine au long
cours; préface de Al. Edmond Perrier, membre de l'Institut, membre du Comité
Consultatif des Pèches maritimes. 1 vol. in-8" raisin de 370 pages, plus de 400
figures (relié 2 fr. 40).
Cet ouvrage pourrait au besoin servir de mémento aux navigateurs ; mais étant
surtout destiné à répandre et à vulgariser les principales connaissances relatives à
l'art nautique et à la vie maritime, il est conçu et rédigé de manière à pouvoir
intéresser les lecteurs même les plus étrangers à la marine.
No61. Décembre 1900.
L'EXPLORATEUR DE BÉHAGLE
Il semble d ailleurs que, sauf quelques exceptions, aussi rares que bruyantes,
tout le monde,.de l'autre côté de la Méditerranée comprenne enfin la nécessité
d'en finir avec les stériles agitations et les criminelles querelles dont l'Algérie
est depuis quelques années fréquemment, trop fréquemment, le théâtre.
Un fait significatif, c'est que M. Jonnart a été reçu, en débarquant en Algérie,
avec un calme, une courtoisie parfaits :-cela est de bonne augure; il semblait
que l'on sût déjà gré au gouverneur des déclarations bienveillantes, mais
fermes, presque paternelles, qu'il avait faites, quelques jours auparavant, à un
banquet que lui offrait l'Association des Etudes algériennes :
«. C'e*t une misfion d'ordre, de civilisation et dejustice que j'entends remplir
dans la plénitude de mon indépendance, complètement dégagé des coteries
locales, marchant divil devant moi, av<-c la claire vision d'une Algérie apaisée
el réconciliée, el d'une France toujours plus l'orle, plus humaine, plus aimée.
« L'ordre doit être maintenu partout, sans rigueurs inutiles, mais sans
défaillance.
« Je consacrerai tous mes efforts à la solution du problème que soulève le
développement économique du pays. »
Et M. Jonnart, après avoir passé en revue les travaux de ses prédécesseurs,
avait terminé en disant qu'il espérait que les projets conférant à l'Al-
gérie sa personnalité civile et la dotant d'un budget spécial, aboutiraient bien-
tôt.
Quel appui M. Jonnart trouvera-t-il auprès de la population? Les bons fran-
çais qui en font partie comprendront-ils enfin que l'heure de la paix a sonné,
et qu'il n'y aura de sécurité, de prospérité, que lorsque les agitateurs ne trou-
veront plus de dupes pour les écouter? A qui ont profité les derniers troubles,
et ceux qui ont précédé ceux-là? A quoi l'émeute, le pillage, les massacres, la
brutalité sous toutes ses manifestations peuvent-ils mener l'Algérie et ses
habitants?
Un des représentants les plus autorisés de la colonie, le sénateur Gérente,
a voulu exprimer les sentiments dont la meilleure partie de la colonie reste
animée; et en saluant le gouverneur à son arrivée, il lui a parlé en ces
termes :
«En France nous avons soutenu et nous soutiendrons le gouvernement
actuel que vous venez représenter ici, parce que nous trouvons en lui un gou-
vernement de défense et d'action républicaines, qui veut réaliser plus de justice
chez nous, et, par diverses réformes, introduire plus de fraternité, plus d'hu-
manité ici. En Algérie, nous sommes quelques-uns qui avons lutté et qui
lutterons toujours pour Injustice, la réclamant hier contre les puissants du
jour, la réclamant .aujourd'hui ponr les petits qu'une réaction égarée menace.
Certes, nous en voulons aux abus. Mais les localiser dans une secle, une reli-
gion, une race, est une perfidie de quelques habiles ou un acte de haine stupide
de quelques fanatiques. »
Au grand-rabbin qui l'assurait du profond attachement de ses coreligionnaires
18-2 REVUE DE L'ISLAM
On le voit : une bonne volonlé générale semble vouloir faire place dans les
esprits, dans les consciences, aux idées funestes qui ont trop souvent mis aux
prises les différents éléments de la population d'Alger. Tout porte à le croire :
les tendances sont à la paix, à la concorde, au travail. Puisse M. Jonnart con-
server longtemps, pour le bien de tous, l'autorité réelle, l'ascendant que lui
donnent la sympathie qu'il a rencontrée dès son arrivée, et les bonnes dispo-
sitions de ses nouveaux administrés. 11a d'ailleurs donné dès son arrivée, à la
cause que nous défendons, un témoignage de bienveillance dont nous le remer-
cions, en s'occupant avec sollicitude des arabes internés en Corse. G. D.
REVUE GÉNÉRALE
Juillet- Aont-Septembre.
Algérie. — Une série de coups de mains ont été tentés le lonj; de la frontière
algérienne par les tribus marocaines contre les postes, el contre les colonnes qui
les relient.
Dans les premiers jours de juillet, cinq légionnaires qui s'étaient écartés du
camp de Zoubia, ont été pris par des cavaliers de Figuig et décapités après
d'horribles tortures. Un autre, renfermé à Figuig, a pu heureusement s'échapper .
et raconter son odyssée.
Le lieutenant Lau, accompagné de son ordonnance, effectuait une reconnais-
sance dans les environs du camp d'Igli, quand ils furent surpris par des indi-
gènes et massacrés. On retrouva leurs corps hachés de coups de sabre.
Le 30 juillet, un convoi était allaquô à Moungar, par environ 400 Marocains
delà tribu Doui Mcnia. L'attaque échoua et les Doui Menia disparurent el pu-
rent échapper à la poursuite, non sans avoir laissé de nombreux cadavres sur
le terrain.
Des renforts comprenant une compagnie de tirailleurs et un peloton de spahis
ont été immédiatement envoyés de Djenan-ed-Dar.
Le l 01'août, le capitaine Boule, revenant de Timimoun avec ses bagages per-
sonnels, sous une faible escorte, fui brusquement attaqué par une bande de pil-
lards. Tous les hommes et les hôtes de charge furent capturés. Le capitaine ne
dut son salut qu'à la vitesse de son cheval et ne put que très difficilement rega-
gner le poste d'El-Abiod.
Quelques jours plus tard, des Marocains tentèrent de s'emparer des chameaux
servant aux convois du camp d'Igli. Ils furent heureusement repoussés, lais-
lant 30 des leurs sur le terrain. Nous avons eu 2 blessés. Le 1er septembre, le
poste d'Hadjerak, dans le Sud-Orànais, était attaqué par -10 individus armés qui
furent mis en fuite.
Du côté du Toual, les parties des oasis qui n'avaient pas été comprises dans
184 REVUE DE L'ISLAM
chrétiens contre les Chinois idolâtres. Mais les organes du Palais semblent
approuver les Boxers et vont jusqu'à exciter le peuple contre les Européens
vivant en Turquie.
Au commencement de juillet, l'israélile Joseph et le grec Constantin étaient
enlevés par des brigands. Les gendarmes parvenaient à les délivrer près de
Larigovo.
Le 20 juillet, le docteur Camaros, drogman de l'agence consulaire française
à Kirk-Kilissé (vilayet d'Andrinople), était enlevé par des brigands qui deman-
daient une rançon de 4000 livres turques.
Le 25 juillet une rencontre avait lieu près de Seutari entre une bande de vingt
brigands et un détachement de troupe. Après plusieurs heures de fusillade, les
brigands se sont sauvés en abandonnant quatre cents lètcs de moutons qu'ils
avaient enlevées à un paysan.
D'après une nouvelle de Bitlis, les troupes du général commandant la ville,
aidées de Kurdes, auraient massacré les deux cents habitants du village armé-
nien de Spaghank, et pillé trois autres villages, sous le prétexte de rechercher
des agitateurs révolutionnaires.
Le vice-consul anglais de Aran élail attaqué vers le 10 août par des Kurdes, le
drogman était blessé, elles bagages volés.
Le vice-consul de France à Diar-Bekir se rendant à Alexandretle, a été atta-
qué par un Turc qui lui tira un coup de fusil.
A Caïfa (Syrie), des Syriens au nombre de quatre-vingts, ont altaqué les gardes
turcs parce que des Allemands avalent pris légalement possession de terrains..
Les gardes ont dû se retirer, mais les agresseurs-ont élé repoussés par les Alle-
mands accourus contre eux.
Des renforts ont été envoyés sur la réclamation de l'ambassade d'Allemagne.
Le gérant du consulat de Russie à Erzcroum el son secrétaire ont été attaqués
le 26 septembre par des Kurdes, sur le chemin d'Erzeroum à Erzinghian. Malgré
l'escorte des soldais turcs, la résislance a élé impossible. Les agents russes ont
pu s'enfuir en abandonnant tous leurs b:igages
La situation clans les Balkans continue à être très tendue.
Le gouvernement ottoman aurait l'intention de proposer aux Puissances
européennes la réunion d'une conférence qui réglerait définitivement la question
de Macédoine.
Le gouvernement ottoman a autorisé la Russie à faire passer par les détroits
un certain nombre de navires de guerre el, de transports qui se rendaient en
Chine. On considère généralement ce l'ail comme sans importance pour l'avenir.
La question de l'indemnité à accorder aux sujets français à la suite des
affaires arméniennes a été réglée. L'indemnité sera d'environ 50.000 livres
turques.
Les fêles du jubilé du Sullan, qui avaient lieu le 2 septembre, ont élé très
brillantes. La Fiance était représentée par M. Conslans et le général Branche,
l'Allemagne par le général Willieh et le comte de Mollke.
Un traité commercial entre la France et la Turquie a élé signé le 3 septembre.
188 REVUE DE L'ISLAM
Bosnie. — Les Musulmans de Bosnie ont décidé de fonder une banque pour
améliorer la condition des Musulmans au point de vue de la religion et de l'ins-
truction.
On annonce aussi l'apparition prochaine à Budapest d'un nouveau journal
dont le programme sera de défendre les inlérèls musulmans en Bosnie.
Perse. — Après avoir achevé sa cure à Conlrexéville le shah est allé à Saint-
Pétersbourg',pour revenir à Paris le 28 juillet.
De grandes fêtes ont été données en son honneur; mais le 2 août il était
''objet d'un allenlat anarchisle commis par un nommé Saison ; heureusement le
revolver de l'assassin ne partit pas. Le shah reparlait le 11 août pour Ostende.
On a beaucoup commenté sa décision de ne pas aller à Londres : on donne
comme raison le deuil causé à la cour de Londres par la mort du duc de
Cobourg, ou bien l'influence prépondérante de la Russie qui succède à celle de
l'Angleterre en Perse.
D'Oslende il est passé à Bruxelles, puis à séjourné à Marienbad du 31 août au
20 septembre. De là il a rendu visite à l'empereur d'Autriche, à Vienne.
Passant par Budapest et Sofia, il est arrivé le 30 septembre à Constantinople
et a été reçu à Yldiz-Kiosk par le Sullan.
Pendant le voyage du shah en Europe, Ali-Mohamecl-Bcy qui se dit descen-
dant de Kerim-Khan, a réuni une force armée el a tenté de s'emparer du trône
de Perse. Les troupes envoyées contre lui ont pu s'en emparer. Il est prisonnier
à Téhéran, en attendant la sentence du shah.
Le gouvernement russe aurait prêté 25 millions de francs au gouvernement
persan pour lui permettre de fortifier les ports.de lu Perse méridionale.
— L'émir d'Afghanistan, qui est sous l'influence de l'Angleterre,
Afghanistan.
aurait donné l'ordre démobiliser toute l'infanterie et toute l'artillerie de l'armée
afghane. H aurait l'intention de proclamer la guerre sahile contre la Russie.
Inde. — Une vive agitation règne parmi les musulmans de l'Inde. Le gouver-
nement anglo-indien s'est emparé de deux mosquées, à Bombay et à Madras,
pour les transformer en entrepôts. Les protestations des représentants du culte
mahométan n'ayant donné aucun résultat, les musulmans montrent une vive
irritation.
(A suivre.) ANUIIÉRICAUD.
REVUE DE L'ISLAM 189
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE
Pages
'
Les Français au Touat. 33
Une table divinatoire O.Houdas ... 33
Notes sur l'Histoire de la Tunisie Lucien Heudebert . 39
Devons-nous redouter la propagande musulmane en Afrique? Dr E. Verrier. . . 50
Une force navale de l'Afrique du nord . 55
Bévue générale André Ilicaud. . . 55
Littérature Arabe. — Le livre des mille nuits et une nuit 61
Sommaire du > S^ (Mai 1900)
Pages
Notes sur l'Histoire de la Tunisie. Lucien Heudebert . 65
Les Français à ln-Salah 71
L'Angleterre au Soudan Lucien Morel . . 76
Bévue générale , André Ricaud. . . 77
Bibliographie 80
Sommaire du N° 55 (Juin 1900)
Pages
L'Islam... l'Islam... encore l'Islam. . . . . . ... Gaston Dujarric. . 81
Les Français à In-Salah. ... . . . ... . . .-.,'. . . . - 86
Revue générale. . . . . , . . , . . . . . 92
Bibliographie. .'-.. . . . . ..... ... . . ... .... 92
BUT
"
" Archivesllomatipes
de la Revue de l'Islam Recueil Mensuel International
de Diplomatie et d'Histoire
Bien que la France compte aujourd'hui
parmi ses sujets un nombre considérable PUBLIÉ
SOUS DE
LADIRECTION
de mahométans, et qu'elle ait de grands
intérêts communs avec les peuples qui sui- M. LOUIS RENAULT
vent la Loi du Coran, le public français est Professeurde Droitdes gens à la Facultéde Droit
peu ou mal renseigné sur l'islamisme et se Paris et à l'Ecolelibre desSciencespolitiques,
fait généralement l'idée la plus fausse des Présidentde l'Institutde Droitinternational.
musulmans.
C'est pourquoi la Revue de l'Islam s'atta-
che a faire connaître le monde islamique : Fondéesen 1861dans le but de recueillir et de
moeurs, religion, traditions, littérature, grouper tous les documents officielsrelatifs aux
arts,' institutions, politique, etc., en pu- grandes questions' internationales, les' Archives
bliant des voyages, des chroniques, des Diplomatiques ont enregistré une quantité, pres-
études, rédigés par des orientalistes, des qu'inealculable de pièces diplomatiques.
voyageurs, des publicistes chrétiens et Ce qui caractérise les Archives Diplomatiques,
musulmans. c'est le soin que la Directiona pris de rapprocher
La Revue de l'Islam est la seule publi- les documents similaires émanés des divers gou-
cation au monde qui soit exclusivement vernements et, dans une même négociation, de
mettre en corrélation les prétentions et les vues
consacrée à la vulgarisation de l'islamis- des divers intéressés.
me : elle a été fondée en 1895 et s'adresse
chez nous à tous ceux qui souhaitent Les Archives Diplomatiques paraissent régu-
voir la cordialité et l'estime régner entre lièrement tous les mois en une livraison grand
in-8* de 128 pages qui forment 4 forts volumes
français et musulmans. par an. ..
La Revue de l'Islam paraît tous les mois
et contient de nombreuses illustrations. Le prix de l'abonnement est de 50 fr. pour la
France et l'Algérie, de 55 fr. pour l'Union pos-
Elle paraîtra incessamment deux fois par tale et de 00 fr. pour les autres pays.
mois sans augmentation de prix. Un numéro spécimen est envoyé sur demande.
FRANGE : Un.an 6 fr.
ÉTRANGER : Un an ..... 9 fr.
Édition de luxe : France et Etranger. 20 fr. Administration; 89, rue de Grenelle, Paris
J. ANDRÉ, EDITEUR
S7, Hue Bonaparte - PARIS.
de Diplomatie et d'Histoire
Bien que la France compte aujourd'hui
parmi ses sujets un nombre considérable . PUBLIÉ LADIBECT10N
SOUS DE
de mahométans, et qu'elle ait de grands
intérêts communs avec les peuples qui sui- M, LOUIS RENAULT
vent la Loi du Coran, le public français est
Professeurde Droitdes gens à.la Facultéâe Droit
peu ou mal renseigné sur l'islamisme et se Paris et &l'Ecolelibre des -Sciencespolitiques;
^ la plus fausse dès
fait généralement l'idée Présidentde l'Institutde Droitinternational.
musulmans.
C'est pourquoi la. Revue de l'Islam s'atta-
che à faire connaître le monde islamique : Fondéesen 1861dans le but de recueillir et de
moeurs, religion, traditions, littérature, grouper tous les documents officielsrelatifs aux
arts, institutions, politique, etc., en pu- grandes questions internationales, les Archives
bliant des voyages, des chroniques, des Diplomatiques ont enregistré une quantité pres-
études, rédigés par des orientalistes, des qu'inealculable de pièces diplomatiques.
voyageurs, des publicistes chrétiens et Ce qui caractérise les Archives Diplomatiques,
musulmans. c'est le soin que la Directiona pris de rapprocher
La Revue de l'Islam est la: seule publi- les documents similaires émanés des divers gou-
cation au monde qui soit exclusivement vernements et, dans une même négociation, de
consacrée à la vulgarisation de l'islamis- mettre en corrélation les prétentions et les vues
me : elle a été fondée en 1895 et s'adresse des divers intéressés.
chez nous à tous ceux qui souhaitent Les Archives Diplomatiques paraissent régu-
voir la cordialité et l'estime régner entre lièrement tous les mois en une livraison grand
in-8' de 128 pages qui forment 4 forts volumes
français et musulmans.
La Revue de l'Islam parait tous les mois par an.
et contient de nombreuses illustrations. Le prix de l'abonnement est de 50 fr. pour la
Elle paraîtra, incessamment deux fois par France et l'Algérie, de 5b fr. pour l'Union pos-
tale et de 00 fr. pour les autres pays.
mois sans augmentation de prix.
Un numéro spécimen est envoyé sur demande.
FRANCE : Un an 6 fr.
ÉTRANGER : TJn an 9 fr.
Édition de luxe ; Franceet Étranger. 20 fr. Administration: 89, rue de Grenelle, Paris!
J. ANDRÉ, EDITEUR
BUie> — I*AJEtÏ!S.
«f, Bonaparte
de Diplomatie et d'Histoire
Bien que la France compte aujourd'hui
parmi ses sujets un nombre considérable PUBLIÉ
SOUS
LADIRECTION
DE
-de mahométans, et qu'elle ait de grands
intérêts communs avec les peuples qui sui- M. LOUIS RENAULT
vent la Loi du Coran, le public français est
Professeurde Droitdes gens à la Facultéde Droit
peu ou mal renseigné sur l'islamisme et se Paris ot à l'Ecololibre dés-Sciences
fait généralement l'idée la plus fausse des politiques,
Présidentda l'Institutde Droitinternational.
musulmans.
C'est pourquoi la Revue de l'Islam s'atta-
che à faire connaître le monde islamique : Fondéesen 1861dans le but de recueillir et dé
moeurs, religion, traditions, littérature, grouper tous les documents officielsrelatifs aux
arts, institutions, politique, etc., en pu- grandes questions' internationales, les Archives
bliant des voyages, des chroniques, des Diplomatiques ont enregistré une quantité pres-
-études, rédigés par des orientalistes, dés qu'incàlculable de pièces diplomatiques.
voyageurs, des publicistes chrétiens et Ce qui caractérise les Archives Diplomatiques,
musulmans. c'est le soin que la Directiona pris de rapprocher
La Revue de l'Islam est la seule publi- les documentssimilaires émanés des divers gou-
cation au monde qui soit exclusivement vernements et, dans une même négociation, de
consacrée à la vulgarisation de l'islamis- mettre eu corrélation les prétentions et les vues
me : elle a été fondée en 4895 et s'adresse des divers intéressés.
chez nous à tous ceux qui souhaitent Les Archives Diplomatiques paraissent régu-
voir la cordialité et l'estime régner entre lièrement tous les mois en une livraison grand
in-8' de 128 pages qui forment 4 forts volumes
français et musulmans.
La Revue de l'Islam paraît tous les mois par an.
et contient de nombreuses illustrations. Lé prix de l'abonnement est de SOfr. pour la
'1311eparaîtra incessamment deux fois par France et l'Algérie, de 55 fri pour l'Union pos-
mois sans augmentation de prix. tale et de 00 fr. pour les autres pays.
Un numérospécimen est envoyé sur demande.
FRANCE : Un an ...... . 6 fr.
ÉTRANGER : Un an 9 fr.
Édition de luxe : Franceet Étranger. 20 fr. Administration: 89, rue de Grenelle, Parjf
J. ANDRÉ, EDITEUR
Hue — I»AJR,l!S.
«T, Bonaparte
1>«es
L'Islam, par S. E. Ahmed Midhal. Effendi 97
La Djama de Gordoue G. Mallai de Bassilan. . 100
Un Conte des mille nuits et une nuit 102
Les Anglais en Oman Viator 10S
Revue générale , André Ricaud 107
Bibliographie 111
Sommaire du N° 57 (Août 1900)
P|cos
i pîoies,sur la Tunisie (suite) Lucien Jleudebeit. . . 113
Un Gbjite'des mille nuits et une nuit (fin) . . : 122
Les protégés français de Soum (Oman) Bahel 124
La Femme Ottomane 125
Marchandises prohibées en Turquie 126
Bibliographie 128
Sommaire du N° 58 (Septembre 1900)
Pago»
Notes sur la Tunisie (suite) Lucien Heudebert. . . 130
Une nouvelle d'art Musulman au musée du Louvre. . Thiébault Sisson. . . 134
Convention internationale sur la surveillance du Golfe Persique 136
BUT
" " Archives llomtipes
de la Revue de l'Islam Recueil Mensuel International
de Diplomatie et d'Histoire
Bien que la France compte aujourd'hui
parmi ses sujets un nombre considérable PUBLIÉ
SOUS
LADIRECTION
DE
de mahométans, et qu'elle ait de grands
intérêts communs avec les peuples qui sui- M. LOUIS RENAULT
vent la Loi du Coran, le public français est
Professeurde Droitdes gens à la Facultéde Droit
peu ou mal renseigné sur l'islamisme et se Paris ot à .l'Ecole,
libre des Sciencespolitiques,
fait généralement l'idée la plus fausse des
musulmans. Présidentdo l'InstitutdoDroitinternational.
C'est pourquoi la Revue de l'Islam s'atta-
che à faire connaître le monde islamique : Fondéesen 1861-dansle but de recueillir et de
moeurs, religion, traditions, littérature, grouper tous les documents officielsrelatifs aux
arts, institutions, politique, etc., en pu- graudes questions internationales, les Archives
bliant des voyages, des chroniques, des Diplomatiques ont enregistré une quantité pres-
études, rédigés par des orientalistes, des qu'incalculable de pièces diplomatiques.
voyageurs, des publicistes chrétiens et Ce qui caractérise les Archives Diplomatiques,
musulmans. c'est le soin que la Directiona pris de rapprocher
La Revue de l'Islam est la seule publi- les documents similaires émanés des divers gou-
cation au monde qui soit exclusivement vernements et, dans une même, négociation, de
consacrée à la vulgarisation de l'islamis- mettre en corrélation les prétentions el les vues
me : elle a été fondée en 1895 et s'adresse des divers intéressés.
chez nous à tous ceux qui souhaitent Les Archives Diplomatiques paraissent régu-
voir la cordialité et l'estime régner entre lièrement tous les mois en une livraison grand
in-8* de 128 pages qui forment 4 forts, volumes
français et musulmans.
La Revue de l'Islam paraît tous les mois par an.
et contient de nombreuses illustrations. Le prix de l'abonnement est de 50 fr. pour la
Elle paraîtra incessamment deux fois pat France et l'Algérie, de 55 fr. pour l'Union pos-
mois sans augmentation de prix. tale et de 60 fr. pour les autres pays.
Un numéro spécimen est envoyé sur demande.
FRANCE : Un an 6 fr.
ÉTRANGER : Un an 9 fr.
Édition de luxe : France et Etranger. 20 fr. Administration: 89, rue de Grenelle, Paris
J. ANDRÉ, EDITEUR
ffiue — PARIS.
&V9 Bonaparte
de Diplomatie et d'Histoire
Bien que la France compte aujourd'hui
parmi ses sujets un nombre considérable PUBLIÉ SOUSLADIRECTION DE
de mahométans, et qu'elle ait de grands
intérêts communs avec les peuples qui SuU M. LOUIS RENAULT
vent la Loi du Coran, le publie français est
Professeurde Droitdes gensà la FacultédoDroit
peu ou mal renseigné sur l'islamisme et se Paris et à I'Eeololibre dèsSciencespolitiques,
fait généralement l'idée la plus fausse des
musulmans. Présidentdo l'Institutde Droitinternational.
C'est pourquoi la Revue de l'Islam s'atta-
che à faire connaître le monde islamique ; . Fondéesen 1861dans le but de recueillir et de
moeurs, religion, traditions, littérature, grouper tous les documents officielsrelatifs aux.
arts, institutions, politique, êtq.., en pu- grandes questions internationales, les Archivés
bliant des voyages, des chroniques, des Diplomatiques ont enregistré une quantité près-',
études, rédigés par des orientalistes, des qu'ineaiculablede pièces diplomatiques.
voyageurs, des publicistes chrétiens et Ce qui caractériseles Archives Diplomatiques,
musulmans. c'est le soin que la Directiona pris de rapprocher
La Revue de l'Islam est la seule publi- les documentssimilaires émanés des divers gou-
cation au monde qui soit exclusivement vernements et, dans une même, négociation, de
consacrée à la vulgarisation de l'islamis- mettre en corrélation les prétentions et lès vues:
me : elle a été fondée en 1895 et s'adresse des divers intéressés.
chez nous à tous ceux qui souhaitent Les Archives Diplomatiques paraissent régu-
voir la cordialité et l'estime régner entre lièrement tousles mois en une livraison grand
in-8* de 128 pages qui forment 4 forts volumes
français et musulmans.
La Revue de l'Islam.; paraît tous les mois par an.
et contient de nombreuses illustrations. Le prix de l'abonnement est de 50 fr. pour la
Elle paraîtra incessamment deux fois pat France et l'Algérie, de 55 fr. pour l'Union pos-
mois sans augmentation de prix. tale et de 00 fr. pour les autres pays.
Un numérospécimen est envoyé sur demande.
FRANCE : Un an T. 6 fr. ' ;i"
ÉTRANGER : Un an .... . 9 fr.
Édition de luxe : Franceet Etranger. 20 fr. Administration: 89, rue de Grenelle, Paris
J. A.3MZDR.DÉÎ, EDITEUR
PARIS — 27, Rue Bonaparte, 27 — PARIS
HlR'ril (l»r B.).—Voyages et découvertes CAKAIi. — tes ville» de l'Algérie, Marnia.
dans l'Afrique, septentrionale et cen- Iu-8 br. 1 »
trale, pendant les années 1849à 1S55.T rad.
de l'allemandpar Hier, i vol. in-8 br., planches, C.4.1%Al.. —Ees villes de l'Algérie Nemours.
portraits et cartes 24 » In-8 br 1 50
BKBACïliE (de). — Des moyens d« com-
battre la dépopulation en Afrique. Iu-8 br. CLOKEL, (F.-«.). — HautK-Sang-ha, Bas-
1 25 sin dul'chad. lies Bayas. Notesethnogra-
BUSSIUO.V. — Abygsinic et Angleterre phiques et linguistiques. In-8 br., cartes et
(TnÉODOiios). Perfidies et intrigués anglaises grav 2 s
dévoilées, souvenirset preuves.In-12br. 1 50 COMBE»
CAHKÈItE (Frédéric! el. IHHjl.E (l»aul). (ï-aul). — Exploration, de Vile
— De la Sén<'gambie française, gr. in-8 d'Auticosli avec une carte, 1 vol. iu-12br.
2 »
br : 7 »
CHAI I^MS-I^ONe-BE Y (cofoneJ).—I/li&vpte COMBES (l'aul). - lvAbyssinie en 1896.
et ses provinces perdues. Iu-12br Le pays, les habitants, la lutte llalo-Abyssine
3 SO avec une carte. In-12 br.. 3 50
CAIX de St-AYMOUR (Vte de). —
Arabes et Kabyles. Questions algé- DAYAN. — S'etit vocabulaire français- -
riennes. In-12br 9 25 nègre et nègre-français. (Idiome de Total
CAIX de St-AYHOUR (Vte de). —France bouctou)à l'usage de la coionue expédition-
naire. Pet. in-8 i 50
et Ethiopie. — Histoire des relations de la
France avec l'Abyssinie chrétienne. In-12 br. IlEVILLIS
3 50 ( V. ). — Partage de
l'Afrique. — ICxplonilion,colonisation,
CAIX (R. de). —Fachoda La France état politique. Uu fort vol. iu-12de AGipiges,
et l'Angleterre, lvol. in 12 br. cartes. 3 50 avec 6 cartes 5
LIBRAIRIE AFRICAINE, COLONIALE & ORIENTALE
J. ANDRÉ, EDITEUR
^T, Rue — PARIS.
Bonaparte
de Diplomatie et d'Histoire
Bien que la France compte aujourd'hui
parmi ses sujets un nombre considérable SOUS
PUBLIÉ t* DIRECTION
DE
de mahométans, et qu'elle ait dé grands
intérêts communs avec les peuples qui sui- M. LOUIS RENAULT
vent la Loi dû Coran, le public français est
Professeurde Droitdes gens à la Facultédo Droit
peu ou mal renseigné sur l'islamisme et se Paris et à l'Ecolelibre dès Sciencespolitiques^
fait généralement l'idée la plus fausse des Présidentde l'Institutde Droitinternational.
musulmans.
C'est pourquoi la Revue de l'Islam s'atta-
che a faire connaître le monde islamique : Fondéesen 1861dans le but de recueillir et de
moeurs, religion, traditions, littérature, grouper tous les documents officielsrelatifs aux
arts, institutions, politique, etc., en pu- grandes questions internationales, les Archives
bliant des voyages, des chroniques, des Diplomatiques ont enregistré une quantité prês-
études, rédigés par des orientalistes, dés qu'incalculable de pièces diplomatiques.
voyageurs, des publicistes chrétiens et Ce qui caractérise les Archives Diplomatiques,
musulmans. c'est le soin que la Direction a pris de rapprocher
La Revue de l'Islam est la seule publi- lesdoeumeuts similaires émanés des divers gou-
cation au monde qui soit exclusivement vernements et, dans une même négociation, de
consacrée à la vulgarisation de l'islamis- mettre en corrélation les prétentions et les vues
me : elle a été fondée en 1895 et s'adresse des divers intéressés.
chez nous à tous ceux qui souhaitent Les Archives Diplomatiques paraissent régu-
voir la cordialité et l'estime régner entre lièrement tous les mois en une livraison grand
in-8" de 128 pages qui forment 4 forts volumes
français et musulmans.
La Revue de l'Islam paraît tous les mois par an.
et contient de nombreuses illustrations. Le prix de l'abonnement est de SOfr. pour la
Elle paraîtra incessamment deux fois pai. France et l'Algérie, de 53 fr. pour l'Union pos-
tale et de 60 fr. pour les autres pays.
mois sans augmentation de prix. Un numéro spécimen est envoyé sur demande.
FRANCE : Un an 6 fr.
ÉTRANGER : Un an 9 fr.
Édition de luxe : France et Etranger. 20 fr. Administration: 89, rue de Grenelle, Paris
J. ANDRÉ, EDITEUR
PARIS — 27, Rue Bonaparte, 27 — PARIS
HARTH (IV «I.).—%7«yagesct découvertes CAîlîAL. — Les villes de l'Algérie, Marnia.
dans l'Afriqut! septentrïonnle et cen- Iu-8 br 1 »
trale, pendant les aimées 181!)à. 1SS5.Trnd.
de l'allemand par Hier. 4 vol. iu-8 br., planches, CiV.lL. —Les villes de l'Algérie, Nemours.
portraits et cartes 24 » In-8 br . 1 50
ItEII.MiiI.iE (de). — Des moyens «1»com- CLOXEL
battre la dépopulation eu Afrique. In-8 br. (F.-«.). — Haute-Sangha, Bas-
1 25 sin du Tchad. Les Itajaw. Notesethnogra-
ItIJSSM»!»*. — Abyssinie et Angleterre phiques et linguistiques. In-8 br., cartes2 et»
(ÏUÉODOUOS). Perfidies et intrigues anglaises grav
dévoilées, souvenirset preuves.In-12br. 1 50 COMBES (H'aulV — Exploration de l'île
CARBURE (Frédéric^ et IIOLLE (l'atil). d'Aiiticosti avec une carte, 1 vol. iu-12br.
— Itc la $én<-gaml>ic française, gr. in-8 2 »
br 7 »
COMBES (l»aul). - L'Abyssiuie en 4896.
CHAILLÉ-LOA'ft-BKY (colonel).—L'Egypte Le pays, les habitants, la lutte Italo-Abyssine
et ses provinces perdues Iu-12 br 3 50 avec une carte. I n-12 br 3 50
CAIX do St-AT?M«UR (Vte de). —
Arabes et Kabyles. Questions algé- OAYAUi.et — -"etît vocabulaire français-
riennes. In-12 br 2 25 nègre nègre-français. (Idi.iuie de Tom-
à
houctou) l'usage de la colonne expédition-
CAIX «le St-IVIIOIIK (Vie de). —France naire. Pet. iu-S l 50
et Ethiopie. — Histoire des relations de la
France avec l'Abyssiuie chrétienne. In-12 br. DEVILLE — Partage de
3 50 (V.).
l'Afrique. — Kxploralion. colonisation,
CAIX (R. de). —Fachoda. La France état politique. Uu fort vol. in-12 de 404pages,
et l'Angleterre. 1vol. in-12 br. cartes. 3 50 avec 6 caries 5
LIBRAIRIE AFRICAINE, COLONIALE & ORIENTALE
J. ANDRÉ, EDITEUR
Rue Bonaparte — 1»AJR.XS.
»T,
BOUMOT (H.) — .Journal dti rique el «irsuriptivel. Un vol. in-8 br. avec
carte 1&
voyage ffaîÉ à îa, côte Ouest de Ma-
^lagaaenr (1891-32).In 8 br., earle .. A » 'MATTKI (Commandant). — Bas-Ni-
'D.tiïFA'feBMC (Gaston). — Souve- ger, ISénoilté, Dahomey. In-8 br., illusl.
nirs «2'eseales et de traversées. :"3 >
'-In-12 3 50 MIÎBOrV(Louis).— Une question Africaine.
FAIJIWS 1. — Notice administrative, lu 8 br J 50
«eo-
muniiiuc et commerciale sur la Tunisie. MOULI.B5RAS (A.). - Le Maroc inconnu.
In-8 br 2 » Ira partie: Exploration du Rif (Marocsepten-
FO*. — Voyage en Afrique, l«'osérie, album trional) avec CM ries inédites du ltif et de chaque
tribu au 1/25(1,000". Iu-8 br 7 »
de 16 pbototypies. Afrique centrale, ln-4", toile.
3 » I*AW (A.). — L'Expédition de Mores.
FOK8EST (.?. Aîné). — L'autruche à tra- I vol. iu-12 br. avec caries, poitrails el gra-
Ttrs l'Afrique. In-12br 1 50 vures, 2 »
«aVILEJ5ï.,5, (Aristide). - L'Angleterre PBCiïSA (Cli.), ingénieur agricole, chargé de
épuise l'Eg-ypte. Les finances Egyptiennes mission par le Ministère de l'Agriculture. —
sous l'occupation auglaise. Gv. in-'i0 br. K » Les cultures de l'BSgypte. In-8 br. avec
Ciuitle dn colon et du planche. 2
pratique -
par MM. K. MESHSBï. La. femme arabe.
soldat à Madagascar, lu-S br. I S0
GAUTIRR, .lULl.Y,I)"'RoUJBK et l\ COMDKS. Iu-12 l»OH«:«AC;Cotowcide). — SSésastrc Flat-
relié, contenant i caries de MM.Grandidier ter». Trois rapports dn notre consul général à
el du R. P. Roblet el 9 tableaux synoptiques. Tripoli. Lcllres de personnages Sahariens à
5 » l'appui. In-S lu- 1 50
ïBOLS««XAC (Coloiul de). — B'".tudcprélimi-
GCYOT (P.). — Voyage au Zam-
naire sur la réorganisation do lAl^érie. Iu-8
bêise. In-8 br. caries et planches ii » br I 25
IIOUI>AS (».), professeur à l'Ecole des B^LBtii.V&C {Coloneldel. — B.'rance et ïsla-
langues orientales vivantes. —Précis «le j»is.«ic iu-8 lir I
graseBEçiaife arabe, liluile «le l'arabe E'OLfiffiiXAC(Colonclde). — La France vas-
régulier el «lel'arabe vulgaire. lu-S, cartonné. sale «l<' l'Angleterre. Tangir donné aux
(5 J, Anglai-. In-S br. ...... 1 50
MOUS».SS (O.), professeur h l'Ecole des BtAB."S ABJStt.— La S'cuJapoIe Cyréiiécmtt;
langues orientales vivantes. — RBre«iières cl. la colonial ion. Iu-8 hr 1 »
Notions fit-,langue arabe. (ICxlraildu pré- BBASEBEAUBJ»
cis de siraii'uiiuirearabe). Iu-8 br 2 » <«fi.-!B., capitaine). — ï.raisi-
mairede la laug'iie Staudé. In-8 br. :i »
MBSLO'fi'(L.-Ei.). — Blietioniiaire de poche
franeain-ara.he et arahe-francais, à l'u- SALMA (L. de). — «bock. Kxploralion <\\\
sage îles mililaircs, «lesvoyageurs el «lesnégo- goll'cdi: 'i'a.'joiira, etc. In-lâ br. 2 »
ciants eu Algérie. Alger, iu-12ici. toile.. M00 SO.V3SSST3B.AV (US.), vice-résidani, chargé
LE'IrfSCU.'fcfii(II. E».).— gt>ic<iounaii'C fra.ii- de cours à I.Ecole coloniale. — Abattant
çais-faug on pahouin. Iu-12 lu 12 » et 'JTa&SSÊiiis!. Organisation du E'rotcc-
LEXOEtSEE'KE* '(«S.). — «Questions algé- torat. Cour- de lé^islaliou l'Ld'.idminifIralion
l'icimcti. B.«epéril étranger. I fort in-8 br. aiiiiamilcs. lits vol. iu-12, br. 35:!p;iges. (i »
:) 30 ¥ïïBBE*HB53î
— (A.). — 'EVJnie-cinq année» de
MAC(JUA.5SLSE. Voyage à Kttada- lut le at» O>l«inJ«'s(côli!0(.-i;iilenti!li!d'Afrii|ii(:).
gaseac In-12 br. Planches A > 1 vol. iu-8 ili 7 50
AIAL-H^E^O^'.— sSistuire des français «ïans VBVABBE'ïW. — E'oiiî- li-n vciijfcr. L*aîaid sur
l'Inde. In-8 br 7 50 l'Abogg.ir(Sahara). I vol. in-8 carie 2 25
MAB'fi'B KSB5ERK [BB.-16I.S», de La). - No- VOHIB^««n'âE
tice. s«r Ï<Î SEaroe. lin vol. in-8 avec carte. (daiteur). — Le Cong-» B'ran-
2 » çuis, le l.-oang'icl la vallée du Kooilou.I vol.
iu-12 br. avec 2 c:irtcs el un vocabulaire
MAEîTBXÏKBBÎ (SB. de la), chargé de mis- Fiole 2 :i0
sion par la Ministre de l'Instruction publique.
— Btinérairc de t?er. à Oiuljda suivi en WWL.FROXI (G.) — L,e Maroc. Ki.ude
1801.(Extrait du bulletin de géographie histo- commerciale et asricolc. Iu-8 hr 2 25
Sommaire du N° 89 (Octobre 1900)
Pages
La vérité sur les Khouan|d'Algérie E. Mercier 145
Noies sur la Tunisie (suite) Lucien Heudebert. . . 149
Convention internationale sur la surveillance du Golfe Persique 151
La montagne de Zerhoun el la chaîne merveilleuse . . Cheik Ennader.. c. . 159
Sommaire du N° 60 (Novembre 1900)
Pages
Les musulmans de Bosnie-Herzégovine. . , Un musulman 161
Notes sur la Tunisie (suite) Lucien Heudebert. . . 166
Convention internationale sur la surveillance du Golfe Persique 174
Bulletin bibliographique 176
Sommaire du N° 61 (Décembre 1900)
/ ...
- P,ages
L'explorateur de Béhagle. . . . ... . . . . . . 177
Le nouveau Gouverneur de l'Algérie . . . . . . . G. D. ...... 180
Revue générale. ....... ....... André Ricàud. . . . 183
Bulletin bibliographique. C. Mallat de Bassilan, 189
Table des matières 192
BUT
" " Archives lijloMîipes
de la Revue de l'Islam Recueil Mensuel International
de Diplomatie et d'Histoire
Bien que la France compte aujourd'hui
parmi ses sujets un nombre considérable SOUS
PUBLIÉ LADIRECTION
DE
de mahométans, et qu'elle ait de grands
intérêts communs avec les peuples qui sui- M. LOUIS RENAULT
vent la Loi du Coran, le public français est
Professeurde Droitdes gens à la Facultéde Droit
peu ou mal renseigné sur l'islamisme et se Paris et à l'Ecolelibre des Sciencespolitiques,
fait généralement l'idée la plus fausse des
musulmans: Présidentdo l'InstitutdoDroitinternational.
C'est pourquoi la Revue de l'Islam s'atta-
che à faire connaître le monde islamique : Fondéesen 1861dans le but de recueillir et de
moeurs, l'eligion, traditions, littérature, grouper tous les documeuts officielsrelatifs aux
arts, institutions, politique, etc., en pu- grandes questions internationales, les Archives
bliant des voyages, des chroniques, des Diplomatiques ont enregistré une quantité pres-
études, rédigés par des orientalistes, des qu'inealeulable de pièces diplomatiques.
voyageurs, des publicistes chrétiens et Ce qui caractérise les Archives Diplomatiques,
musulmans. c'est le soin que la Directiona pris de rapprocher
La Revue de l'Islam est la seule publi- les documents similaires émanés des divers gou-
cation au monde qui soit exclusivement vernements et, dans une même négociation, de
consacrée à la vulgarisation de l'islamis- mettre en corrélation les prétentions el les vues
me : elle a été fondée en 1895 et s'adresse des divers intéressés.
chez nous à tous ceux qui souhaitent Les Archives Diplomatiques paraissent régu-
voir la cordialité et l'estime régner entre lièrement tous les mois en une livraison grand
in-8* de 128 pages qui forment 4 forts volumes
français et musulmans.
La Revue de l'Islam paraît tous les mois par nu.
et contient de nombreuses illustrations. Le prix de l'abonuemeut est de SOfr. pour la
Elle paraîtra incessamment deux fois pai France et l'Algérie, de S5 fr. pour l'Union pos-
mois sans augmentation de prix. tale et de GOfr. pour les autres pays.
Un numéro spécimen est envoyéisur demaiide.
FRANCE : Un an ...... . 6 fr.
ÉTRANGER : Un an 9 fr.
Édition de luxe : France et Étranger. 20 fr. Administration : 89, rue de Grenelle, Paris
J. ANDRÉ, EDITEUR
XSLiie — PARIS
«¥, Bonaparte
de Diplomatie et d'Histoire
Bien que la France compte aujourd'hui
parmi ses sujets un nombre considérable PUBLIÉ LADIRECTION
SOUS DE
de mahométans, et qu'elle ait de grands
intérêts communs avec les peuples qui sui- M. LOUIS RENAULT
vent la Loi du Coran, le public français est
Professeurde Droitdos gensà la Facultédo Droit
,peu ou mal renseigné sur l'islamisme et se Paris et à l'EcoleIibro desSciencespolitiques,
fait généralement l'idée la plus fausse des
Présidentdol'InstitutdoDroitinternational.
musulmans..
C'est pourquoi la Revue de l'Islam s'atta-
che à faire connaître le monde islamique : Fondéesen 1861dans le but de recueillir et de
moeurs, religion, traditions, littérature, grouper tous les documents officielsrelatifs aux
•arts, institutions, politique, etc., en pu- grandes questions internationales, les -Archives
bliant des voyages, des chroniques, des Diplomatiques ont enregistré une quantité pres-
études, rédigés par des orientalistes, des qu'inealculable de pièces diplomatiques.
voyageurs, des publicistes chrétiens et Ce qui caractérise les Archives Diplomatiques,
musulmans. c'est le soin que la Directiona pris de rapprocher
La Revue de l'Islam est la seule publi- les documentssimilaires émanés des divers gou-
cation au monde qui soit exclusivement vernements et, dans une même négociation, de
consacrée à la vulgarisation de l'islamis- mettre eu corrélation les prétentions et les vues
me : elle a été fondée en 1895 et s'adresse des divers intéressés.
-chez nous à tous ceux qui souhaitent Les Archives Diplomatiques paraissent régu-
voir la cordialité et l'estime régner entr» lièrement tous les mois en une livraison grand
in-8* de 128 pages qui forment 4 forts volumes
français et musulmans.
La Revue de l'Islam paraît tous les mois par an.
et contient de nombreuses illustrations. Le prix de l'abonnement est de SOfr. pour la
'Elle paraîtra incessamment deux fois pat Frauce et l'Algérie, do 55 fr. pour l'Union pos-
mois sans augmentation de prix. tale et de 00 fr. pour l«ssautres pays.
Un numéro spécimen est envoyé sur demande.
FRANCE : Un an ". 8 fr.
ÉTRANGER : Tin an 9 fr.
Édition de luxe : Franceet Étranger. 20 fr. Administration: 89, rue de Grenelle, Paris'
J. ANDRÉ, EDITEUR
PARIS — 27, Rue Bonaparte, 27 — PARIS
ItARTIl (B»rBI.).—-Voyageset découvertes CArVAC — I>cs -villes «le l'Algérie, Marnia.
«tans l'.lfri<iUR septentrionale et cen- In-8 br 1 n
trale, pendant les années 18i!)a ISoK.Triid.
de l'allemainlpar Hier. 4 vol. iu-8 br., planches, C1>AL. —Vea villesde l'Algérie. Nemours.
portraits et caries '2A » In-S hr 1 50
•BKiIA<«I.<E(ile). — Dca moyen» «1"com-
battre la dépopulation en Afrique. Iu-8 br. CEOKEL. (V.-«.). — limite Snngliu, Bas-
1 25 sin «lu Tchatl. l»es Itayas. Notesethnogra-
:BUSS30M».\. — Abyssinie et Angleterre pliiijues et linguisthiues. Iu-8 br., curies et
(Tllfionoitos).Perfidies el inlrijjmjs anglaises grav 2 »
dévoilées, somrenirsct preuves.In-12br. i HO COMBES
CARUÈIIE (broderie! et IIUIJI.E (S'aul). (^aulV — Exploration «le l'île
— B»e la Sén^gamhie française, 'gr. in-8 «l'Anticititli avec une carte, 1 vol. iu-1-2hr.
-i »
br 7 »
COMBES (Paul). - L'Abyssinie en 1890.
cnjYnAAi-li**XG-JlK\ 7(colonel).—tSKgyvU: Lé les habitants, la ItiLielialo-Aliyssine
et ses provinces perdues. Iu-12br 8 HO avecpays,
une carte. In-12br 3 50
•CAIX de St-iVYMOUR (Vte i«e). — — vêtit vocabulaire français-
Araln»siet Kt&tteyles. Questions alm;- IIAYAJÏ.et
sienues. In-12 br 2 25 nègre nègre-français. (Idiome de Tom-
liouctou) l'usage de la colonne expéclilinu-
A
CAIX «le SI-.4VMOUB(Vle «le). —France îviire. tVl. iu-S i 50
«!t Ethiopie. — Histoire des relations de la
France avec l'Abyssinie chrétienne. In-12 hr. DEVILI^ — g>»rt»g«
3 50 (V.). «le
— exploration. .•ol«niisalioi),
-CAIX (R. de). —Fachoda. Lu France j l'Afrique.
étal polilnjne. Un fort vol. in-12de 461pages,
el l'Angleterre. 1vol.in-12 br. caries. 3 50 ! avrec6 .••nies.... H
LIBRAIRIE AFRICAINE, COLONIALE & ORIENTALE
J. ANDRÉ, EDITEUR .
^T, Urne Bonaparte — ï*iUR.ISk