Mercredi 15 mars 2023 Les Echos
FINANCE&MARCHES
Après la chute de Silicon Valley Bank,
l’inflation américaine met la Fed sous p
l L’inflation sous-jacente a encore
progressé outre-Atlantique en février.
l La banque centrale américaine
devrait, en conséquence, remonter ses
taux directeurs la semaine prochaine.
l Au risque de fragiliser un peu plus
le secteur bancaire.
BANQUES
CENTRALES
Guillaume Benoit
@gb_eco
C’était l’une des publications écono-
miques les plus attendues par les
marchés et par la Réserve fédérale
américaine. L’inflation sous-jacente
(corrigée des prix volatils de l’éner-
gie et de l’alimentation) a progressé
de 0,5 % sur un mois en février
outre-Atlantique (soit une hausse
annualisée de 5,5 %). Un niveau qui
dépasse les 0,4 % attendus par les
marchés. Et qui promet de donner
quelques maux de tête à la Fed, en
pleine tempête SVB.
Car si la hausse des prix globale a
faibli, et que celle du prix des biens
se stabilise, les services, eux, se sont
encore renchéris. Après un an de
relèvement des taux directeurs, par-
fois à marche forcée, l’économie
américaine ne donne pas vraiment
de signes de faiblesse. En toute logi-
que, la banque centrale américaine
a toutes les raisons d’annoncer un
nouveau tour de vis lors de sa réu-
nion de politique monétaire, le
22 mars.
Jerome Powell y avait préparé les
esprits la semaine dernière lors de
son audition devant le Congrès. Il
avait même fait preuve d’une telle
détermination que les marchés
s’étaient mis à tabler sur un relève-
ment des « Fed funds rates » – évo-
luant actuellement entre 4,5 % et
4,75 % – de 50 points de base. Elle est
désormais hautement improbable.
sEntre-temps, la chute de la Silicon
Valley Bank a complètement changé
la donne. Les déboires de SVB, puis
de Signature Bank, ont forcé la Fed à
mettre en place un plan de soutien
d’urgence avec le secrétariat au Tré-
sor et la FDIC – un des régulateurs
Rassurées par la Fed et le Trésor, les cryptos évitent le krach
Après avoir effacé deux
mois de gains en une
semaine à cause de la
faillite de Silvergate, SVB
et Signature Bank, le
marché crypto s’est ressaisi
de façon spectaculaire lundi
et mardi. Explications.
Thomas Pontiroli
@TPonti
La faillite de Signature Bank diman-
che, troisième et dernière grande
banque crypto à fermer après Sil-
vergate et SVB mercredi et vendredi
derniers, présageait d’un lundi noir
pour le secteur, mais il n’en a rien
été. Déjouant les pronostics, le mar-
ché s’est au contraire vivement res-
saisi, après avoir plongé vendredi.
Le bitcoin a gagné près de 30 %
depuis le week-end dernier (à plus
de 25.900 dollars mardi après-midi,
son plus haut niveau depuis juin) et
l’ether plus de 20 % (autour de
1.765 dollars).
Le marché crypto a évité un
krach comme celui vécu après la
faillite de FTX en novembre. Il a fait
preuve d’une résistance surpre-
nante, alors que les marchés mon-
diaux étaient entraînés par la tem-
26
bancaires – consistant à offrir une
liquidité peu chère aux banques. Et
cette crise a mis en lumière les con-
séquences de la hausse rapide et vio-
lente des taux américains sur les éta-
blissements bancaires les plus
fragiles. La banque centrale se
retrouve désormais tiraillée entre
deux priorités contradictoires. « La
Fed ne combat plus uniquement
l’inflation, mais aussi la menace
d’une éventuelle contagion financière
suite à la faillite de ces deux petites
b a n q u e s a m é r i c a i n e s », c o n -
firme Stéphane Monier, directeur
des investissements de Lombard
Odier.
Nouveau tour de vis
Alors que lundi, au plus fort de la
tourmente financière, les investis-
seurs doutaient que la Réserve fédé-
rale relève ses taux au cours des trois
prochains mois, ils anticipent
désormais avec une probabilité de
80 % une hausse de 25 points de
base lors de la réunion à venir. En
conséquence, les taux à deux ans,
très sensibles aux changements de
politique monétaire, ont continué à
faire du yoyo.
Le taux des Treasuries à deux ans
avait bondi à 5,05 % mercredi der-
nier, pour la première fois depuis
2007, après les propos de Jerome
Powell laissant entendre que le
niveau ultime des taux de la Fed
allait probablement être plus élevé
qu’anticipé auparavant. Dans le
sillage de la déconfiture de SVB, il a
perdu 100 points de base entre ven-
dredi et mardi matin, retombant à
3,84 %. La publication de l’indice des
prix lui a fait regagner la moitié
de cette chute vertigineuse, à 4,35 %.
En procédant à ce nouveau tour
de vis, indispensable au retour à sa
cible d’inflation de 2 % garantissant
la stabilité des prix, la Réserve fédé-
rale prend le risque de fragiliser
pête SVB. Pour Bradley Duke,
codirigeant d’ETC Group, cette
reprise éclair est liée à l’action con-
jointe, le week-end dernier, du Tré-
sor américain, de la Réserve fédé-
rale et de la Federal Dep osit
Insurance Corporation. « Le fait
qu’ils s’engagent à garantir tous les
fonds des déposants de SVB a rassuré
les investisseurs », assure-t-il.
L’USDC de nouveau ancré
au dollar
Pour éteindre le feu dans le secteur
bancaire et éviter la contagion, un
nouveau mécanisme temporaire
de garantie des dépôts a été créé en
urgence, avec jusqu’à 25 milliards
de dollars de garantie. Limitée en
temps normal à 250.000 dollars par
déposant, la garantie a été portée à
100 % du capital, au titre d’une
« exception de risque systémique » –
bien qu’il ne s’agisse pas de banque
systémique. Plus fort encore, cette
mesure bénéficiera aussi aux dépo-
sants de Signature Bank, une insti-
tution 100 % crypto.
Une décision assez ironique,
quand on sait que le bitcoin a été
créé par des opposants au ren-
flouage des grandes banques de
Wall Street par la Fed et le Trésor,
Le siège de la Réserve fédérale
des Etats-Unis, à Washington.
encore un peu plus la stabilité finan-
cière. Mais ce risque pourrait bien
être calculé. Car les tensions que
connaît actuellement le secteur
bancaire– tant qu’elles restent con-
tenues – font en quelque sorte les
affaires de la Fed. « Si les taux de mar-
ché se sont assouplis, les conditions
financières, en revanche, se sont con-
sidérablement resserrées », souli-
gnent les stratèges taux d’ING.
Les spreads de crédits (la prime
demandée par un investisseur pour
prêter à une entreprise plutôt qu’à
un Etat) se sont écartés à un niveau
plus vu depuis la crise du Covid. Le
après la crise de 2008. Ces garanties
ont permis à Circle, l’émetteur de
l’USDC, « d’être tiré d’affaire », selon
Bradley Duke. Ce stablecoin (crypto
adossée à une devise), censé valoir 1
dollar en toutes circonstances, avait
perdu son ancrage le week-end der-
nier, plongeant même à 0,87 dollar
samedi. La raison : 3,3 milliards de
dollars devant soutenir cette parité
de l’USDC étaient déposés chez
SVB, avec un devenir alors incer-
tain.
Le secteur crypto est
désormais amputé de
ses trois principales
banques et de
trois ponts avec les
monnaies fiduciaires.
Ce recollage de l’USDC au dollar
est aussi une bonne nouvelle pour
la finance décentralisée (DeFi en
anglais). Comme l’explique aux
« Echos » Clara Medalie, directrice
de recherche au cabinet d’analyse
Kaiko, « l’USDC est utilisé partout
dans l’écosystème DeFi : un “de-peg-
ging” [une perte d’ancrage au dollar,
spread FRA-OIS, qui mesure la diffé-
rence entre deux modes courants de
financement interbancaire aux
Etats-Unis et qui est considéré
comme un indicateur de la difficulté
des banques à accéder à la liquidité,
a bondi de plus de 50 points de base.
Il évolue, lui aussi, à son plus haut
niveau depuis la pandémie.
« D’une certaine manière, cette
situation a bien plus d’impact que
l’annonce d’une forte hausse des taux
d’intérêt », estime la banque néer-
landaise. A tel point qu’il pourrait
presque, selon ING, ne pas être
nécessaire de relever les taux dans
NDLR] aurait été une catastrophe
pour les cryptos ». Pour l’analyste, la
reprise du marché, lundi, doit aussi
être mise au crédit d’une annonce
de Binance, le numéro un mondial
des plateformes d’échange de cryp-
tomonnaies. Dans la nuit de diman-
che à lundi, son patron, Changpeng
Zhao, a annoncé sur Twitter qu’il
utiliserait son fonds de secours de
1 milliard de dollars (en BUSD, le
stablecoin de Binance) mis en place
après la faillite de FTX, afin d’inves-
tir dans le bitcoin, l’ether et le BNB
(la crypto de Binance). « Cette
annonce a déclenché un rapide mou-
vement de marché qui pourrait conti-
nuer quand Binance commencera à
vendre des BUSD », indique Clara
Medalie.
Il n’en reste pas moins que le sec-
teur crypto est désormais amputé
de ses trois principales banques, et
de trois ponts avec les monnaies
fiduciaires, comme l’euro et le dol-
lar. En créant le réseau Silvergate
Exchange Network (SEN) en 2017,
un système de transaction 24 heu-
res sur 24 et 7 jours sur 7, Silvergate
avait mis de l’huile dans les rouages,
au point d’atteindre 563 milliards
de dollars de transactions en 2022.
Sa disparition, ainsi que celle de
l’immédiat. La hausse des anticipa-
tions d’inflation « à cinq ans dans
cinq ans » – un indicateur très prisé
des banques centrales –, mardi
après-midi, montre qu’une action de
la Fed est nécessaire. Mais elle ne
sera pas obligée de frapper trop fort
pour parvenir à ses fins. Elle devra,
en revanche, veiller à ce que l’effet
combiné de son action et des ten-
sions bancaires ne plonge pas les
Etats-Unis dans une récession
sévère.
Lire l’éditorial de Jean-
( Marc Vittori page 14
Signet chez Signature Bank, pour-
rait faire bondir les coûts de conver-
sion entre les monnaies classiques
et les cryptos de 40 %, selon Bloom-
berg.
A ce stade, le marché ne semble
pas s’inquiéter de cette éventualité,
d’autant que d’autres banques ont
signalé leur soutien à l’écosystème.
D’après CoinDesk, Santander,
HSBC, Deutsche Bank, BankProv,
Bridge Bank, Mercury, Multis ou
encore Series Financial sont tou-
jours disposés à se connecter avec
des sociétés cryptos. Pour Clara
Medalie, les faillites de ces derniers
jours posent néanmoins la question
« des partenariats entre les banques
classiques et la crypto ».
4
À NOTER
Binance suspend les services de
dépôt et de retrait par vire-
ment bancaire et paiement par
carte pour ses clients britanni-
ques après que son partenaire
bancaire local, Paysafe, a cessé
de prendre en charge les tran-
sactions en livres sterling,
refroidi par l’environnement
réglementaire.
La tempête
En réagissant promptement
et en mettant en place
des mesures fortes, les
autorités ont semble-t-il
circonscrit l’incendie.
Après deux séances
totalement chaotiques, les
marchés étaient nettement
plus calmes mardi.
Bastien Bouchaud
@BastienBouchaud
et Sophie Rolland
@Sorolland
La banqueroute de la Silicon Valley
Bank, plus importante faillite ban-
caire depuis 2008, et de deux autres
banques régionales américaines,
devrait rester au centre des préoc-
cupations des investisseurs encore
un moment. Pas forcément en rai-
son de ses conséquences sur la sta-
bilité du système financier, mais
plutôt pour ses effets à long terme
sur l’économie américaine. En réa-
gissant promptement et en mettant
en place des mesures fortes, les
autorités ont, semble-t-il, circons-
crit l’incendie. Après deux séances
totalement chaotiques, les marchés
étaient nettement plus calmes
mardi.
A Wall Street, l’indice VIX de
volatilité (vu comme l’indice de la
peur), qui était monté à 30 points au
plus haut de l’année, a diminué de
moitié. Le S&P 500 et le Nasdaq pre-
naient tous les deux plus de 1,5 % en
fin de séance européenne. Et de ce
côté-ci de l’Atlantique, soulagées
par l’éloignement d’un risque de
contagion, les Bourses regagnaient
une partie du terrain perdu, Paris
reprenant 1,86 % (après avoir perdu
2,90 % la veille), Francfort progres-
sant de 1,83 % et Londres s’adju-
geant 1,17 %.
Autre facteur de reprise, la spec-
taculaire détente des rendements
obligataires de ces derniers jours a
 27 Les Echos Mercredi 15 mars 2023
ression
boursière s’apaise
redonné de l’air aux marchés. La
fuite vers les valeurs refuge, ven-
dredi et lundi, et l’anticipation d’un
resserrement monétaire moins
agressif de la part de la Fed, a
entraîné une baisse des taux extrê-
mement violente, en particulier à
court terme.
« Sur certains marchés, comme
sur l’emprunt d’Etat américain à 2
ans, les évolutions ont été plus fortes
que durant la crise financière de
2008 », observe Jim Reid de Deuts-
che Bank. Ainsi même après être
remontés de plus de 30 points de
base mardi, les taux américains à
deux ans ont, au final, quasiment
annulé le mouvement de hausse de
février et de début mars.
Les conséquences de
la banqueroute de la
Silicon Valley Bank
devraient continuer
d’inquiéter les
investisseurs encore
un moment.
Il est impossible,
à ce stade, d’exclure
de nouvelles faillites
de banques.
Les mesures d’ampleur prises
par l’administration Biden pour
renforcer la stabilité du système
bancaire américain « diminuent
significativement la probabilité
d’une crise systémique », jugent Sté-
phane Déo et Cynthia Voorhees
d’Ostrum AM. Les difficultés des
plus petites banques américaines
en Bourse pourraient persister, du
fait « d’une activité atone sur les mar-
chés de capitaux et d’un probable
renforcement de la supervision »,
renchérit Mark Haefele d’UBS.
Mais les perspectives sont meilleu-
res pour les grandes banques uni-
verselles, notamment européen-
nes, « qui sont bien capitalisées et
disposent de liquidités suffisantes
pour servir leurs clients sans avoir à
cristalliser des pertes sur les porte-
feuilles de titres », estime-t-il.
Il n’empêche. Les valeurs finan-
cières dans leur ensemble sont fra-
gilisées. Pendant les deux séances
les plus violentes de la crise SVB –
vendredi et lundi – elles ont effacé
plus de 465 milliards de dollars de
capitalisation boursière, en addi-
tionnant les pertes des indices
MSCI Financials sur les marchés
développés et émergents.
Et dans la mesure où ce sont les
déposants qui ont été sauvés, mais
pas les porteurs de dette ni les
actionnaires, « les primes de risque
sur le secteur financier pourraient
rester durablement plus élevées »,
explique Stéphane Déo. « Restent
les séquelles, la profitabilité des ban-
ques, ou tout au moins la capacité des
banques à allouer du crédit qui sera
inévitablement affectée. » Autre-
ment dit, il est impossible, à ce
stade, d’exclure de nouvelles failli-
tes de banques, en particulier
parmi les banques régionales.
Dans ces conditions, la quantité de
crédit risque fort de se réduire d’elle-
même et son coût a toutes les chan-
ces de continuer à augmenter, de
quoi refroidir l’économie et servir
les objectifs de la Fed. Comme le
déclare Frederik Hildner, PDG et
fondateur de Confluente Capital, à
Bloomberg, « nous commençons
enfin à ressentir les effets du resserre-
ment monétaire et l’accident SVB a
joué un rôle d’accélérateur dans la
marche de l’économie américaine
vers la récession ».
Lire « Crible »
( Page 32
Répit pour les banques régionales américaines,
sous tension depuis l’effondrement de SVB
Les investisseurs s’interro-
gent sur la solidité de
certains établissements
financiers américains,
dont le profil pourrait
ressembler à celui de la
banque californienne en
faillite. Après un plongeon
vendredi et lundi, les
valeurs rebondissaient
mardi à Wall Street.
Romain Gueugneau
@romaingueugneau
A qui le tour ? Après l’effondre-
ment successif de Silvergate, de
Silicon Valley Bank (SVB) et de
Signature Bank, les marchés
s’interrogent sur l’identité de la
prochaine victime de la crise qui
secoue la planète finance. Depuis
vendredi, le secteur des banques
régionales américaines est parti-
culièrement chahuté en Bourse.
Lundi, le groupe californien
First Republic a vu son action
plonger de 62 %, après avoir déjà
chuté de plus de 25 % en fin de
semaine dernière. Sa rivale Wes-
tern Alliance, basée dans l’Ari-
zona, a abandonné 47 %, quand
PacWest Bancorp reculait de 21 %.
Mardi, les cours de ces mêmes
banques rebondissaient très forte-
ment à l’ouverture de Wall Street,
Ces banques qui ont
semé la panique
sur la planète finance
Trois banques américaines
– Silvergate, SVB et
Signature – ont fait faillite
en l’espace de quelques
jours. Portrait de ces
établissements qui
déstabilisent la finance
mondiale.
Un effet domino qui rappelle les
pires heures de la crise de 2008. En
l’espace de quelques jours, trois
banques américaines ont fait
faillite ou ont dû être sauvées par
les autorités financières.
•DESILVERGATE, VICTIME
LA CRISE DES CRYPTOS
C’est la première à avoir capitulé.
Mercredi 8 mars, Silvergate Bank a
annoncé sa liquidation, une
semaine après avoir prévenu d’un
risque de cessation de paiements
dans l’année. Le groupe califor-
nien a été victime de la crise des
cryptos et plus particulièrement
de la faillite de la plateforme FTX
en novembre dernier, qui était l’un
de ses principaux clients. La ban-
que a subi une ruée sur ses dépôts,
qui ont été divisés par quatre en
quelques mois, la forçant à vendre
des titres à perte, ce qui a accéléré
sa chute.
Au départ, rien ne prédestinait
cet établissement à une telle fin.
Créée en 1988 dans la région de San
Diego, Silvergate était au départ
spécialisée dans le crédit immobi-
lier. La petite banque régionale, au
profil peu risqué, avait plutôt bien
traversé la crise des subprimes en
2008, profitant d’un bilan solide
pour continuer à prêter quand ses
concurrents étaient en difficulté.
C’est en 2013 que Silvergate a
commencé à s’intéresser aux cryp-
tomonnaies. Elle a rapidement
percé sur un marché jugé trop
petit et trop risqué pour les gran-
des banques. Elle a notamment
mis sur pied un système de paie-
ment en dollars devenu une réfé-
rence dans le milieu.
Si son ascension a suivi celle de
l’univers crypto, sa chute a égale-
ment été précipitée par les déboi-
res de certains acteurs. Fin 2022,
alors que le risque d’une ruée sur
les dépôts s’éloignait compte tenu
des mesures de soutien apportées
par les autorités financières. La
très forte volatilité témoigne néan-
moins d’une réelle nervosité des
marchés, alors que les valorisa-
tions restent encore très inférieu-
res à la semaine dernière.
La prochaine victime
Les interrogations des investis-
seurs, échaudés par la fermeture
surprise de la new-yorkaise Signa-
ture dimanche, se concentrent sur
les banques dont le profil peut res-
sembler, de près ou de loin, à SVB.
Avec une taille de bilan qui n’est
pas négligeable, une clientèle peu
diversifiée et des risques en termes
de liquidités.
Basée à San Francisco, First
Republic compte 212 milliards de
dollars d’actifs à fin 2022 et des
dépôts qui s’élèvent à 176 milliards,
selon son rapport annuel. Fondée
en 1985, elle n’est pas directement
exposée au secteur de la tech, con-
trairement à SVB, qui était la ban-
que de référence des start-up.
Elle fournit essentiellement des
services de banque privée et de
gestion de fortune pour les parti-
culiers et les entreprises.
Mais elle est aussi active dans le
financement du capital-risque.
Silvergate accusait une perte de
près d’un milliard de dollars, après
la fuite de très nombreux clients.
Son pari sur les cryptos aura duré
dix ans.
•LASILICON VALLEY BANK,
BANQUE PRÉFÉRÉE
DE LA TECH
L’annonce de sa prise de contrôle
vendredi par les autorités améri-
caines a créé un vent de panique
sur la planète financière. Avec un
bilan de 210 milliards de dollars
d’actifs, la Silicon Valley Bank
(SVB) est en effet la seizième ban-
que américaine par sa taille. Il
s’agit de la plus grosse faillite pour
un établissement bancaire aux
Etats-Unis depuis Washington
Mutual en 2008.
Créée il y a quarante ans par un
professeur de l’université de Stan-
ford (Californie) dont les étudiants
cherchaient des financements
pour leurs futures activités, et
deux amis banquiers chez Wells
Fargo, la banque s’est tout de suite
positionnée sur le secteur de la
tech, que les établissements tradi-
tionnels ont longtemps boudé.
Peu connue du grand public,
elle comptait plus de 35.000
clients, dont de très nombreuses
start-up et des fonds de capital-ris-
que, totalisant 175 milliards de dol-
lars de dépôts fin 2022. Elle a
financé des entreprises stars
comme Beyond Meat et Shopify ou
encore le fonds Andreesen
Horowitz. Elle s’est également
développée à l’étranger, au Royau-
me-Uni, en Allemagne et en Israël,
et comptait l’an dernier 8.500 sala-
riés. Après avoir vu ses dépôts tri-
pler en deux ans et enregistré des
profits record, la banque a subi la
brutale remontée des taux d’inté-
rêt entamée en 2022, qui a fragilisé
ses clients, et a dans le même
temps plombé la valeur de son
portefeuille obligataire.
Contrainte de vendre des titres
en urgence, elle est partie en quête
d’argent frais, alertant ainsi sur la
fragilité de sa situation... et semant
la panique chez ses clients comme
chez ses investisseurs.
FINANCE & MARCHES
Surtout, la part de ses dépôts qui ne
sont pas garantis atteint 70 %. C’est
moins que Signature et SVB, qui
étaient respectivement à 89 % et
96 % de dépôts non garantis, mais
supérieur à la moyenne de 55 %
pour les banques régionales, selon
une note de Bank of America. Ce
qui signifie qu’en cas de problème,
elle pourrait avoir du mal à assurer
les retraits de cash de ses clients.
Les dirigeants de First Republic
ont tenté de rassurer les investis-
seurs dimanche en déclarant que
la « situation de capital et de liquidi-
tés de la banque demeurait forte ».
Elle a notamment eu accès dans le
week-end à de nouvelles sources
de liquidités auprès de la Fed et de
JPMorgan, avec un total de 70 mil-
liards de dollars.
Transfert de dépôts vers
les grandes banques
Après les frayeurs de lundi, les
marchés tentaient de reprendre
leur souffle ce mardi. « Une fois que
l’on s’éloigne du choc initial et que
l’on ne met pas tout le monde dans le
même sac, on a tendance à exami-
ner un peu plus les modèles, les
bases de dépôts des banques et
l’accès aux liquidités », explique
Gary Schlossberg, stratégiste chez
Wells Fargo, interrogé par Bloom-
berg.
Devant les locaux de Signature Bank à New York. Jusqu’à janvier
2021, Ivanka Trump était administratrice de la banque et son
père Donald y possédait un compte. Photo Eduardo Munoz/Reuters
•LIÉESIGNATURE BANK,
À LA FAMILLE TRUMP
Deux jours après SVB, quatre jours
après Silvergate, la Federal Deposit
Insurance Corporation (FDIC) a
pris le contrôle, dimanche, de
Signature Bank, dont les actifs
s’élevaient à 110 milliards de dol-
lars, et les dépôts à près de 89 mil-
liards. Il s’agit de la troisième plus
grosse faillite bancaire aux Etats-
Unis, après Washington Mutual et
SVB. La banque, créée en 2001, a
fait les frais de la panique finan-
cière qui a suivi la prise de contrôle
de SVB. Basée à New York, avec des
bureaux en Californie, dans le
Nevada et en Caroline du Nord,
d’abord spécialisée dans l’immobi-
lier commercial, elle s’est tournée
vers la tech et les cryptos à partir de
2018. Elle avait d’ailleurs récupéré
de nombreux clients (Coinbase,
Dans les jours et les semaines à
venir, l’attention se portera sur les
transferts de dépôts des banques
régionales vers les grands établis-
sements comme Bank of America,
JPMorgan et Citi, jugés plus sûrs
en cas de crise. « Il y a en ce moment
une fuite vers la qualité. Cela sera
d’ailleurs aussi un indicateur
important sur la poursuite de la
consolidation dans le secteur aux
Etats-Unis », prévient un banquier
qui connaît bien le marché.
Les rapprochements entre ban-
ques régionales, historiquement
très nombreuses aux Etats-Unis,
se sont multipliés depuis la sortie
de crise sanitaire, avec des opéra-
tions à plusieurs milliards de dol-
lars. L’objectif de cette consolida-
tion est de pouvoir accompagner
les évolutions technologiques et
résister aux mastodontes du sec-
teur. Les tensions actuelles pour-
raient aiguiser les appétits. n
70 %
LA PART DES DÉPÔTS
de First Republic qui ne sont
pas garantis. Leur montant total
est de 176 milliards de dollars,
selon son rapport annuel.
Bitstamp) de SVB après l’appari-
tion des premières difficultés de la
banque californienne.
L’an dernier, près d’un quart de
ses dépôts provenaient du secteur
des cryptos. Mais la banque avait
annoncé en décembre, après la
chute de la plateforme FTX, qu’elle
réduirait ses dépôts liés au secteur
à 8 milliards de dollars. Comme
SVB, elle possédait une proportion
bien trop importante de dépôts
non garantis. Réputée dans l’uni-
vers crypto, Signature Bank était
aussi connue pour ses liens avec
Donald Trump. L’ancien président
américain y possédait un compte
et sa fille Ivanka était administra-
trice de la banque. La banque avait
néanmoins coupé les ponts avec la
famille Trump en janvier 2021, au
lendemain de l’assaut du Capitole.
— R. G.