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Faillite de Silicon Valley Bank (SVB) :

quels sont les risques de contagion ?


Bourse, banques… La faillite de Silicon Valley Bank (SVB)
provoque des turbulences sur les taux et les actions, en
particulier sur les cours des établissements financiers. Les
craintes sont-elles exagérées ou faut-il redouter une contagion
accrue ?

Par Nicolas GALLANTJournaliste économie, finance, bourse


Publié le 13/03/2023 à 16h48 & mis à jour le 13/03/2023 à 21h53

La faillite de Silicon Valley Bank (SVB), 16ème banque des Etats-Unis par
le total des actifs, a fait des remous, sur les marchés de taux et
d’actions, ces derniers jours. Les taux des obligations à long terme
(considérées comme des valeurs refuge) ont plongé (ils évoluent à
l’inverse des cours), de même que les cours des actions en Bourse, tant à
Wall Street qu’en Europe (le CAC 40 a plongé). Comment en est-on arrivé
là ? Et quels sont les risques de contagion pour les banques
européennes et américaines et la Bourse ? Patrick Artus, conseiller
économique de Natixis, et Roni Michaly, PDG de Financière Galilée,
interrogés par Capital, reviennent sur les origines et les conséquences de
cet événement.

L’origine de la crise actuelle est un bank run (fortes demandes


simultanées de retraits d'argent par les clients d'une banque, alors mise
en difficulté). Les épargnants ont vu que SVB avait accusé de fortes
pertes sur ses portefeuilles d’obligations et se sont dépêchés de retirer

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leur argent de l’établissement. “Dans le cas d’une banque normale, la
hausse des taux est positive car les crédits bancaires sont mieux margés.
En revanche, quand un établissement détient d’importants placements en
obligations, la donne change”, fait valoir Patrick Artus. D’autant que les
obligations américaines à long terme “ont fondu de 26% depuis le début
de la hausse des taux en 2020”, observe l’expert.

Prenant peur du fait de la fragilité perçue de SVB, les déposants ont


accéléré leurs retraits de dépôts. “En général, on ne prend pas ses pertes
sur un portefeuille d’obligations, mais SVB a dû les concrétiser car elle
devait faire face en parallèle aux demandes de retraits de dépôts (ce qui
nécessitait des liquidités, NDLR)”, explique l’économiste. Patrick Artus
rappelle que toutes les crises financières viennent de ventes forcées
d’investisseurs, dont les actifs maigrissent et qui doivent être cédés à
perte du fait des retraits des épargnants.

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Quels sont les risques de contagion ?

Selon Patrick Artus, garantir les dépôts de SVB, même ceux non-couverts
par la garantie des dépôts, a été une “sage décision” de la Fed. “Les
déposants ne perdront rien, car ils seront remboursés à hauteur de leurs
dépôts. Le mouvement de contagion observé sur les banques en Bourse
pourrait donc bientôt prendre fin”, selon l’économiste, qui dit ainsi ne

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“pas avoir d’inquiétudes pour les banques américaines et européennes”, à
ce stade.

Pour les sociétés clientes de SVB (où elles avaient des comptes) “se pose
la question du paiement des salaires (payés de façon hebdomadaire et
non mensuelle, aux Etats-Unis) de leurs salariés”, même si,
“heureusement, le fonds américain de garantie des dépôts prend le relais
à court terme”, relève de son côté Roni Michaly.

A l’instar de Patrick Artus, l’expert se veut néanmoins rassurant, jugeant


que nous ne vivons pas actuellement un mauvais remake de la crise
financière de 2008. “Lors de la crise des subprimes, des actifs toxiques
avaient contaminé tout le système bancaire, avec des produits dérivés
adossés à eux et dont on ne parvenait pas à calculer la juste valeur
théorique. Or, actuellement, il ne s’agit pas d’un problème d’actifs
toxiques. Il s’agit de banales obligations d’Etat à long terme (dont le
mécanisme est parfaitement connu des investisseurs), achetées quand
leurs cours étaient au plus haut et dont la valeur a fortement chuté du
fait des relèvements de taux directeurs de la Fed”, explique Roni Michaly,
qui souligne que contrairement à SVB, “tout le monde n’a pas acheté des
obligations d’Etat quand les cours étaient proches de leurs pics”.

Il y a une autre différence majeure avec la crise de 2008. A l’époque, les


autorités avaient tergiversé avant de se décider à intervenir en
catastrophe, “quand les premières faillites de fonds liées à l’immobilier
s’étaient multipliées. Inversement, dans le cas présent, Janet Yellen,
ancienne patronne de la Fed et actuelle secrétaire du Trésor des Etats-
Unis, a pris très vite au sérieux les déboires de SVB”, fait valoir Roni
Michaly.

Janet Yellen a demandé aux banques américaines de reprendre les


activités de SVB, à l’instar de ce qu’avaient fait les Etats-Unis il y a 15 ans
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(rachat de Merrill Lynch par Bank of America, reprise d’une partie des
activités de Lehman Brothers par Barclays, rachat de Chase par
JPMorgan). Déjà, la branche britannique de SVB a été reprise par HSBC
pour une livre Sterling symbolique. “Aux Etats-Unis, les banques
commerciales sont actionnaires des Fed locales. Quand il y a un
problème, la tradition est de réunir tout le monde autour de la table pour
répartir les bijoux de famille de la banque mal gérée entre les différentes
forces en présence”, relève Roni Michaly.

Pendant la crise de 2008, les investisseurs avaient du mal à se couvrir du


fait de la complexité des produits en présence. Inversement, depuis 2021,
de nombreuses banques américaines ont pu aisément se couvrir face au
risque (qui s'est spectaculairement concrétisé depuis) de remontée des
taux d’intérêt. “Actuellement, ce n’est pas un problème de valorisation
comme du temps de la crise des subprimes. C’est la conjonction de la
mauvaise gestion d’une banque isolée, SVB, et des déboires du secteur
des cryptomonnaies, qui a été le théâtre de mouvements marqués de
retraits de fonds ces derniers trimestres”, juge Roni Michaly, pour qui si
le problème SVB devait être circonscrit assez rapidement, la crise
actuelle ne serait “certes pas un non-événement mais devrait rester un
épiphénomène”.

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