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Faillite de la Silicon Valey Bank.

Les banques haïtiennes vont-elles aussi s'effondrer dans les jours qui viennent ?

Le monde a été secoué le 10 mars dernier par l'effondrement spectaculaire de la


Silicon Valley Bank (SVB), une grande institution financière américaine classée 16e,
qui gérait plus de 212 milliards de dollars d'actifs. Depuis cet événement, la
crainte d'une contagion s'est répandue, alimentée par les interconnexions entre
les banques. En effet, la faillite d'une banque peut entraîner de grandes difficultés
pour les autres et même provoquer leur chute. C'est ce qui a commencé à se
produire avec l'effondrement de deux autres banques aux États-Unis, la Signature
Bank et la Silvergate Bank, ainsi que la faillite d'une banque suisse, le Crédit Suisse.
Dans ce contexte, une question légitime se pose : nos banques sont-elles
également menacées d'effondrement ?

Avant de répondre à cette question, il est essentiel d'analyser les causes de la


faillite de la Silicon Valley Bank, qui a été le déclencheur de ces événements. En
d'autres termes, examinons les raisons qui ont conduit à cette situation. À la base
de cette faillite, on trouve un problème de liquidité. Ce n'est pas que l'argent des
clients a disparu, mais la banque l'a investi dans l'achat d'obligations pour
plusieurs milliards de dollars, une pratique courante dans toutes les banques. Ces
investissements sont généralement considérés comme sûrs, mais leur valeur a
chuté en raison de la hausse des taux d'intérêt de la Réserve fédérale américaine
(la Fed).

Pour comprendre pourquoi la hausse des taux d'intérêt a fait chuter la valeur des
obligations, il est nécessaire d'expliquer le concept même d'obligation. Les
obligations sont des instruments financiers émis par des gouvernements, des
entreprises ou des institutions financières pour emprunter de l'argent auprès
d'investisseurs. L'acheteur de l'obligation prête de l'argent à l'émetteur pendant
une période spécifiée, et en retour, il reçoit des intérêts réguliers et le
remboursement du montant initial à l'échéance. Cependant, le détenteur d'une
obligation peut décider de la vendre avant l'échéance pour récupérer son capital.
Cela crée un marché secondaire des obligations.

Lorsque la banque centrale augmente les taux d'intérêt, les anciennes obligations
émises à un taux plus bas deviennent moins rentables que les nouvelles émises à
un taux plus élevé. Les détenteurs d'anciennes obligations sont alors incités à s'en
débarrasser en les vendant pour acheter les nouvelles obligations. Cela crée une
offre abondante d'obligations sur le marché financier, ce qui entraîne une
diminution des prix selon les lois de l'offre et de la demande. Il arrive que les
détenteurs d'anciennes obligations soient contraints de les vendre à un prix
inférieur à leur valeur nominale, subissant ainsi une perte.

C'est exactement ce qui s'est produit avec la Silicon Valley Bank. Étant en
possession d'un grand nombre d'obligations, elle s'est retrouvée contrainte de les
vendre à perte pour répondre aux retraits de ses clients, qui paniquaient suite aux
rumeurs de pertes. Les entreprises, prises de panique, ont également commencé à
retirer massivement leurs dépôts de la banque. Dans le système bancaire, la
confiance joue un rôle essentiel, et aucune banque ne peut survivre si tous ses
clients ou une grande majorité d'entre eux décident de retirer leurs dépôts en
même temps. La perte de confiance crée un effet psychologique important.

Dans la faillite de la Silicon Valley Bank, les réseaux sociaux, en particulier Twitter,
ont joué un rôle majeur en amplifiant la panique et en provoquant une ruée vers
les guichets de la banque. Contrairement aux précédentes crises bancaires, il n'y
avait pas de files d'attente devant les succursales, car les transactions se faisaient
en ligne d'un simple clic. Il est également important de souligner le manque de
communication de la banque envers ses clients. La banque n'avait pas réellement
de problème de liquidités et elle aurait pu éviter la faillite si elle avait
communiqué efficacement pour rassurer ses clients.

Après avoir analysé cette situation, il est légitime de se demander si les banques
haïtiennes sont sur le point de subir le même sort. En effet, certains signes
inquiétants laissent présager une possible crise de liquidité concernant le dollar.
Nous avons tous en mémoire les images de clients se déshabillant devant les
guichets des principales banques commerciales du pays, protestant pour avoir
accès à leurs dépôts en dollars, ainsi que des actes de vandalisme perpétrés par
des clients en colère pour la même raison. Tout cela mine la confiance des clients,
et la perte de confiance a toujours été fatale pour les banques, car les gens
hésitent alors à déposer leurs dollars et ceux qui en ont déjà font la queue pour
les retirer.

Cependant, il est important de noter que ces signes d'inquiétude concernent


principalement le dollar et non la monnaie nationale. Il n'y a aucun problème à
retirer ses dépôts en gourdes. Tout comme pour la Silicon Valley Bank, les réseaux
sociaux tels que Facebook, Instagram, Twitter et TikTok ont contribué à partager la
panique des clients et à la rendre contagieuse. En ce qui concerne la confiance
dans les banques haïtiennes, qui peut dire qu'il a réellement confiance en elles ?
De plus, la communication de ces banques est catastrophique, et aucun
communiqué n'explique aux clients ce qui se passe avec leurs dépôts en dollars.
Malgré ces signes d'inquiétude, on ne peut pas conclure qu'une de ces banques
fera faillite et entraînera les autres dans sa chute, et c'est heureux. Pourquoi ?
Parce que le marché bancaire haïtien est très restreint, avec environ une dizaine
de banques. Lorsque les clients retirent massivement leur argent, ils le déposent
généralement dans une autre banque du pays. Étant donné que les alternatives
sont limitées, les clients sont contraints de s'y conformer.

Il convient également de souligner que la Silicon Valley Bank gérait des dépôts
importants pour certaines startups. Il suffit que quelques-unes de ces grandes
entreprises décident de retirer leurs économies pour mettre sérieusement en péril
la banque. En revanche, les banques haïtiennes sont souvent confrontées à de
petits épargnants, dont la réunion en masse est peu probable.

Il est important de noter que le système bancaire haïtien présente des différences
significatives par rapport à celui des États-Unis. Les banques haïtiennes sont moins
exposées aux investissements risqués, et la réglementation est plus stricte en
termes de liquidité et de gestion des risques. De plus, les banques haïtiennes ont
des niveaux de capitalisation plus élevés par rapport à leurs actifs, ce qui les rend
plus résilientes en cas de crise.

Bien sûr, il est essentiel de rester vigilant et de surveiller attentivement la


situation. Les autorités financières haïtiennes devraient prendre des mesures
préventives pour renforcer la confiance des clients et prévenir toute crise
potentielle. Une communication transparente et efficace de la part des banques
est également nécessaire pour rassurer les déposants et dissiper les craintes.

En conclusion, bien que des signes d'inquiétude se manifestent dans le système


bancaire haïtien, il est peu probable que les banques connaissent une faillite
similaire à celle de la Silicon Valley Bank. Les différences structurelles, la
réglementation plus stricte et le contexte spécifique du marché limitent les
risques de contagion. Cependant, il est crucial de prendre des mesures
préventives pour maintenir la confiance des clients et assurer la stabilité du
secteur bancaire en Haïti.

Article écrit par Sony DAVID


Économiste et professeur d'économie

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