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L’ E U R O P E F A C E A L A C R I S E

La grande crise systémique de 2008 : Causes,


conséquences et mesures de politique
Meixing Dai
En automne 2008, le monde avait fait face à une aggravation de la crise
financière. Beaucoup de gouvernements se sont mobilisés pour éviter une
récession très brutale de leur économie. Cependant, l'incertitude est grande
quant à la possibilité de stabiliser efficacement l'économie mondiale. On devrait
toutefois garder l'espoir qu'une économie mondiale plus stable et moins
spéculative pourrait renaître de l'éclatement de multiples bulles qui ont émergé
depuis 2002.

Depuis le déclenchement de la crise des économique inopportunes telles que la


«subprimes» aux Etats-Unis en été 2007, le politique protectionniste et la dévaluation
choc s’est propagé rapidement dans le compétitive avaient perturbé le
monde et a pris de court les décideurs fonctionnement du système économique
politiques qui ne mesurent que mondial, contribuant ainsi à propager la crise
tardivement l’ampleur et la nature de la dans le monde. La crise japonaise a par
crise actuelle avec l’effondrement des prix contre un caractère national. L’effondrement
des différents actifs. La crise des des prix immobiliers et des cours boursiers
«subprimes» s’apparente initialement à une très surévalués avait entraîné de nombreuses
crise immobilière banale comme celles banques japonaises en difficulté. Les
que nous avons connues maintes fois dans interventions publiques (sauvetage des
le passé. Dorénavant, avec les faillites de banques mais sans restructurations brutales,
plusieurs grandes banques américaines et injection massive de liquidités, hausse des
européennes et les signaux démultipliés dépenses publiques) avaient permis de
de ralentissement brutal de l’économie maintenir l’économie japonaise à flots, mais
mondiale, on pourrait qualifier l’actuelle sans pouvoir l’aider à retrouver le chemin de
crise de grande crise systémique. la croissance pendant plus de 10 ans. Durant
La crise actuelle est souvent comparée à cette période, l’économie japonaise était
celle de 1929-32 aux Etats-Unis ou à la caractérisée par une modeste déflation, un
crise japonaise dans les années 1990. taux d’intérêt très faible et une croissance
Cependant, de nombreux aspects les quasi nulle en moyenne.1
différencient. La crise de1929-32 a Ces comparaisons historiques sont utiles et
commencé avec un krach boursier, qui a permettent d’en tirer des leçons pour gérer la
entraîné la faillite des banques ayant prêté crise actuelle. Mais elles ne permettent pas
massivement aux spéculateurs boursiers, de comprendre tous les aspects ainsi que
conduisant ainsi à une baisse importante l’ampleur de la crise actuelle. Les systèmes
du crédit et une sévère dépression économiques construits après la 2ème guerre
économique. L’absence d’assurance des mondiale ont intégré des mécanismes de
dépôts bancaires et l’inexistence de l’assu- stabilisation automatique (assurances de
rance chômage avaient sans doute crédit, sécurité sociale, politiques macroéco-
renforcé le processus cumulatif négatif en nomiques contra-cycliques, etc.). Cependant,
ruinant le pouvoir d’achat des ménages. du fait de la remise en cause des
Le peu de préoccupation de la banque 1
centrale pour la liquidité dans le système Pour une étude détaillée de ces deux crises, voir parmi d’autres
: Hautcoeur (2001), « La crise de 1929 et ses enseignements »,
bancaire avait contribué à la faillite en dans Gravereau et Trauman (eds.), Crises financières,
chaîne des banques commerciales. De Economica, pp. 153-171; Dourille-Feer et Lacu (2003), « La
même, des mesures de politique crise japonaise, ou comment un pays riche s’enlise dans la
déflation », dans L’Economie Mondiale 2003, CEPII, pp. 76-90.
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réglementations financières érigées après qui encourage la consommation2, et stimule
la crise des années 1930 et au les constructions nouvelles. Par ailleurs, la
développement tous azimuts des baisse du taux d’intérêt rapide et son
innovations financières, le risque s’est maintien à un niveau faible ont été aussi un
longuement diffusé et a grandi sans cesse stimulant très puissant pour les investisse-
jusqu’à un niveau difficilement ments des entreprises. Ce mécanisme de
supportable pour l’économie mondiale. stimulation économique a été énormément
L’émergence d’une multitude de bulles renforcé par les innovations financières
spéculatives récentes.

La crise actuelle est la nième crise parmi Dans le système économique et financier mo-
celles qu’on a connues dans le système de derne, les banques jouent un rôle important
Bretton Woods établi après la 2ème guerre dans la création de liquidités à côté de la
mondiale. Elle résulte d’un ensemble de banque centrale. Dans un système bancaire
facteurs microéconomiques et macro- classique, les banques absorbent les dépôts et
économiques, plus particulièrement les font des crédits. Les innovations financières
innovations financières et les dérégle- introduites depuis les années 1980 ont
mentations irréfléchies opérées depuis les considérablement bouleversé le paysage du
années 1980. Prônant la libéralisation marché des crédits. Le fait que les entreprises
financière, les banques et les entreprises puissent accéder facilement au marché
financières ont sans cesse poussé la limite financier via les émissions directes de titres a
de leur exercice. Beaucoup de pays émer- poussé les banquiers à inventer de nouveaux
gents libéralisant leur compte de capital instruments financiers qui leur permettent de
ont connu des crises de changes et diminuer la consommation de fonds propres
financières importantes dans les années et d’augmenter la rentabilité du capital. Dans
1990 avec des conséquences écono- un métier de crédit où la marge a été
miques parfois dramatiques. Face à considérablement réduite par le développe-
l’incapacité du FMI et de la communauté ment des marchés financiers, les banques ont
internationale pour les aider à sortir de la trouvé le moyen d’augmenter la rentabilité en
crise financière, certains pays émergents transformant les créances en titres pour être
ont modifié radicalement leur comporte- revendus à d’autres institutions et investi-
ment en accumulant de plus en plus de sseurs financiers. Ce procédé, appelé «titris-
réserves de changes et en adaptant une ation», peut être plus ou moins complexe
politique budgétaire prudente. Ces selon les créances rassemblées et la manière
réserves accumulées impliquent que ces de découper le risque. En cédant les cré-
pays ne sont plus dépendants des ances, les engagements sont donc inscrits
financements des banques occidentales et hors bilan. Les banques d’investissement sont
que celles-ci doivent trouver d’autres les premières à s’engouffrer dans ce créneau
marchés pour augmenter sans cesse leurs et sont imitées progressivement par les autres
profits et les bonus de leurs dirigeants. banques. Grâce à l’abandon des réglementa-
tions érigées pour éviter les crises du type des
Une crise financière importante peut se années 1930, beaucoup de banques commer-
déclencher lorsqu’une bulle spéculative se ciales ont pu créer des filiales appelées SPV
dégonfle sur un ou plusieurs marchés. Les (special purpose vehicule) dotées de peu de
bulles récentes sont étroitement liées à la capital.
politique monétaire pratiquée par la Fed.
Suite à l’éclatement de la bulle spéculative La titrisation est susceptible d’améliorer le
sur les valeurs Internet en 2000, pour fonctionnement des marchés financiers et de
contrer ses effets dépressifs sur l’économie crédit à condition que les créances initiales
ainsi que ceux liés à l’attaque du 11 soient de bonne qualité. Cependant, le proce-
septembre, la Fed dirigée alors par Alan ssus s’est avéré exposé aux sévères pro-
Greenspan, a baissé rapidement son taux blèmes d’aléa moral qui ne sont pas pris très
directeur et a maintenu ensuite pendant au sérieux par les régulateurs nationaux. La
une période prolongée celui-ci à 0,75%. banque qui titrise les créances n’est pas
Le transfert massif de liquidité s’est opéré nécessairement celle qui les a distribuées et
à partir de l’an 2000 vers le marché
2
immobilier. La hausse du prix de l’immo- Ceci est particulièrement vrai aux Etats-Unis, où les banques
prêtent plus aux ménages en contrepartie de la hausse de valeur
bilier nourrit un sentiment de richesse, ce de leurs logements (home equity).
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elle n’est pas responsable des risques de d’augmenter, les ménages empruntent pour
défauts une fois les titres vendus. investir afin de profiter de sa hausse future ou
Certains titres adossés aux créances en par crainte que celui-ci continue à
tous genres sont extrêmement complexes augmenter. Certains ménages à revenu faible
et les agences de notation, auxquelles les sont incités par les distributeurs de crédits à
investisseurs font une confiance aveugle, le faire. Pour les convaincre, ces derniers
ne peuvent pas les évaluer correctement. aménagent de faibles mensualités à payer
En augmentant le nombre d’intermédiaires pour la première année et comptent sur la
dans le processus d’intermédiation entre hausse du prix immobilier pour leur prêter
les emprunteurs finaux et les agents à davantage. Les crédits de mauvaise qualité
capacité de financement, on crée l’illusion (subprimes) sont principalement accordés en
que le risque est bien dilué et devient fin de cycle haussier du prix immobilier,
source de profits considérables. Les inter- notamment en 2005-2006. L’expansion
médiaires, motivés uniquement par les exubérante du marché de crédits et de
bonus liés aux profits astronomiques titrisation connaît la fin de la gloire lorsque,
générés par cette formidable machine à aveuglées par le succès passé ou rencontrant
distribuer des crédits et non tenus respon- des difficultés à vendre des titres de long
sables des pertes éventuelles au cas où la terme adossés aux crédits immobiliers, les
conjoncture sectorielle ou macroécono- banques vendent de plus en plus de titres de
mique se retourne, pourraient ne pas se court terme pour financer les créances
soucier des aléas moraux des emprunteurs immobilières de long terme, ce qui limite le
et des autres intermédiaires. Les investi- transfert de risque. Ces pratiques expliquent
sseurs, qui sont eux-mêmes des pourquoi beaucoup de banques sont
intermédiaires et à la recherche des lourdement touchées lorsque la crise des
surplus de gain par rapport aux actifs sans «subprimes» se déclenche. Une quantité non
risque tels les obligations d’Etat des pays négligeable de titres adossés aux mauvaises
industrialisés, se sont précipités sur l’occa- créances est restée dans les banques
sion pour acquérir des titres présentés d’investissement ou filiales des banques
comme peu risqués et bien notés par les commerciales.
agences de notation. En effet, pour tous Celles-ci ont trop long temps négligé le risque
ces intermédiaires, la tentation (ou même de marché systémique et les implications de
la pression) est grande de participer à un l’application des nouvelles normes comp-
marché où le profit semble infini et qui tables internationales qui imposent l’évalu-
leur apporte un gain immédiat important ation des actifs et des passifs au prix de
sans que le risque de perte les concerne marché (marking-to-market). Lorsque le prix
personnellement. immobilier s’effondre, le marché de ces titres
Le crédit immobilier est particulièrement et par ricochet celui de leurs dérivés
adapté pour ce type de pratiques : Il y a un n’existent plus. Les pertes latentes révélées
actif réel qui a de la valeur, qui comme on par l’application de ces règles comptables
a constaté ne cesse d’augmenter dans le déséquilibrent rapidement le bilan des
temps aux Etats-Unis sur le long terme. banques impliquées dans ce type de transac-
L’emprunteur peut hypothéquer son actif, tions et sapent la confiance des investisseurs
ce qui donne une certaine assurance aux et épargnants. Il convient de noter que le
prêteurs. Le faible niveau du taux d’intérêt développement du marché des contrats
au début des années 2000 et son maintien d’échanges sur les défaillances de crédit
pendant une période prolongée ont (credit default swaps ou CDS) offrant des
stimulé des achats importants dans garanties en cas de défaillance des débiteurs
l’immobilier, ce qui engendre une hausse a accompagné l’expansion du marché de
régulière et forte des prix immobiliers. crédits titrisés et des dettes obligataires
Comme dans tout marché haussier traditionnelles. La taille du marché de CDS
d’actifs, la hausse du prix alimente la est estimée à 47 trillions de dollars
spéculation à la hausse. Les distributeurs américains. Ces outils, conçus comme une
de crédits peuvent accorder plus de crédits sorte de police d’assurance de risque de
quand la valeur nominale de l’actif immo- crédit, sont devenus des objets de
bilier hypothéqué augmente. Observant spéculation et constituent un véritable trou
que le prix immobilier ne cesse noir de la finance.

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La bulle immobilière, via ses effets de nombreux pays développés et émergents, à
richesse, a permis à l’économie améri- l’exception de l’Allemagne et du Japon. Ces
caine de se redresser vigoureusement bulles ont stimulé la croissance aux Etats-
après la court récession due à l’éclatement Unis et dans le reste du monde et ont
des bulles Internet. Les taux de croissances renforcé l’illusion d’une croissance
sont supérieurs au potentiel pendant durablement forte tirée par la demande
plusieurs années, notamment en 2006 et américaine, les effets de richesse virtuelle et
2007. De ce fait, elle a permis aux une expansion de crédits rapides partout dans
entreprises américaines de générer des le monde. La croissance exceptionnelle
profits exceptionnellement élevés à la fin nourrit à son tour la spéculation et la
du dernier cycle de croissance, justifiant formation des bulles partout dans le monde
ainsi des valorisations des actions large- dans tous les classes d’actifs financiers. Elles
ment supérieures à la norme historique sont entretenues pendant un certain temps
dans la mesure où les analystes financiers par l’illusion que les pays émergents peuvent
forment les prévisions optimistes sans voir soutenir durablement la croissance et donc la
venir la crise immobilière et la crise hausse des prix des matières premières et des
financière. actifs. Or, la demande forte pour les matières
L’émergence fracassante des sociétés premières dans les pays émergents résulte
d’investissement privé (private equity) et pour une grande partie de la politique
des fonds spéculatifs (hedge funds) ont monétaire laxiste des pays développés, qui
contribué à augmenter considérablement stimule leur demande globale pour les biens
la liquidité dans le système financier importés des pays émergents. Il convient
mondial. Les premières utilisent des également de souligner le rôle de la politique
emprunts afin de doper le rendement de monétaire japonaise durant cette période. La
leurs investissements dans les sociétés politique du taux d’intérêt zéro a favorisé
cotées ou non cotées. Les seconds utilisent considérablement l’accroissement de la
différentes stratégies pour tirer profits des liquidité dans le monde. Beaucoup
mouvements sur tous les marchés finan- d’investisseurs ont emprunté en yens pour
ciers, la plupart du temps avec des effets investir dans les monnaies qui offrent un taux
de levier. Dans la période de croissance d’intérêt élevé (carry trade).
mondiale forte, ces fonds spéculent sur la Les nouveaux instruments financiers
hausse des prix des matières premières permettent de diffuser le risque dans l’en-
industrielles et agricoles, considérée semble du système financier mondial, endor-
comme permanente du fait de la montée mant les esprits critiques vis-à-vis de ceux
en puissance des pays émergents. Sur ces qu’appelle Warren Buffet, le célèbre inves-
marchés, la faible élasticité des offres et la tisseur américain, « l’arme financière de
forte croissance de la demande font que destruction massive ».
les prix de ces matières sont très sensibles Ces instruments ont permis à l’économie
à une demande supplémentaire, d’autant mondiale de marcher de plus en plus vite
plus que les demandes spéculatives ne dans une boucle très fragile. La croissance
sont pas négligeables. Les bulles formées économique et les surplus commerciaux du
sur les matières premières permettent de reste du monde reposent sur la demande
gonfler des bulles immobilières et bour- surdimensionnée des américains, celle-ci est
sières dans les économies émergentes de financée par les banques mais en réalité
différents continents. indirectement financée par les capitaux du
Durant la même période, les banques reste du monde. La rupture de cette boucle
centrales en Europe et dans le reste du implique des ajustements qui ont consé-
monde ont suivi le même type de stratégie quences négatives importantes pour la
que la Fed en adoptant une politique croissance mondiale, d’autant plus que tout
monétaire accommodante. Celle-ci est le monde a aperçu que des excès extrêmes
favorisée par le fait que beaucoup d’entre ont été commis. Il est catastrophique de
elles ont adopté ce qu’on appelle le constater au final que l’objet tant poursuivi,
ciblage d’inflation, qui ne prête pas la demande finale insatiable et solvable,
l’attention à l’accroissement du crédit et à n’existe pas.
la hausse des prix des actifs. Les bulles Les effets économiques du gonflement et du
immobilières se sont développées dans de dégonflement des bulles
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En présence d’une multitude de bulles très et son effet rétroactif sur la stabilité du
gonflées sur de nombreux marchés, on système bancaire et financier.
s’attend à ce qu’on appelle les effets L’ampleur de la crise actuelle est à la hauteur
positifs de richesse sur la demande de la globalisation accélérée de la finance et
agrégée et donc la croissance économique de l’économie. La gravité de la situation est
jouent pleinement tant que les bulles ne longtemps cachée par la diffusion opaque des
commencent à se dégonfler. En période de risques dans l’économie mondiale grâce aux
gonflement de bulles, les ménages développements des produits financiers
consomment davantage qu’ils devraient en innovants sous les regards bienveillants des
dépensant une part plus importante de régulateurs nationaux. La diffusion des
leurs revenus disponibles ou en puisant risques n’immunise pas la finance et
dans les revenus futurs grâce aux l’économie mondiales contre ceux-ci. Elle
emprunts, et les entreprises investissent pourrait augmenter l’ampleur de la crise à
pour répondre à la croissance de la venir si tout le monde croît que le risque a
demande. Lorsque l’effet de richesse disparu. La course aux profits a encouragé les
illusoire disparaît, un contre choc banques à s’engager de plus en plus dans des
d’ampleur similaire devrait se produire du opérations de qualité médiocre voire
fait des contraintes de financement qui se mauvaise, qui ont fini par intoxiquer le
serrent. Un ralentissement de la croissance système bancaire lui-même. Pour les banques
économique entraîné par l’éclatement de ayant gardé, dans leur bilan ou hors bilan,
bulles fait perdre la confiance aux chefs des positions de titres toxiques, achetés ou
d’entreprises et les amène à baisser invendus, le retournement du marché
immédiatement l’investissement et les financier leur est fatal. Les pertes évaluées au
effectifs, ce qui entraîne la hausse du prix de marché pour l’ensemble de ces
chômage et la perte de confiance des banques pourraient avoir atteint 2 800
consommateurs. Certaines entreprises milliards de dollars américains selon une
seront soumises à des contraintes de estimation de la Banque d’Angleterre réalisée
financement fortes si elles n’ont pas su en octobre 2008.
accumuler suffisamment de trésoreries
grâce aux profits des bonnes périodes. La Ces pertes réalisées et latentes pourraient
crise financière devrait être d’autant plus entraîner un nombre important de grands et
grave que les bulles étaient importantes. petits établissements bancaires et financiers
En étudiant les conditions des marchés en faillite. Ayant des bilans affaiblis par les
financiers durant la période 2003-2007 et chocs successifs sur le marché immobilier,
en les comparant avec celles précédant les boursier et d’autres instruments financiers, les
crises historiques, certains chercheurs3 banques ne font plus confiance à leurs
annoncent que le monde connaîtra une congénères. La situation sur le marché inter-
dépression comparable à celle de bancaire se détériore depuis l’été 2007 et
1929-32, ou une stagdéflation comparable s’aggrave ponctuellement lorsqu’une grande
à celle du Japon dans les années 1990. Les banque fait faillite. Le dysfonctionnement du
dettes publiques et privées, excluant les marché interbancaire, renchérit les coûts de
produits dérivés, ont atteint dans un refinancement des banques et donc les coûts
certain nombre de pays développés un d’emprunts pour les emprunteurs finaux. Plus
record jamais connu dans l’histoire. Le grave encore, les banques cherchant à
dégonflement de la dette dans un consolider leur bilan pourraient ne plus
processus auto-renforçant aurait des effets accorder de crédits, entraînant une baisse
dévastateurs pour l’économie comme l’a brutale de la consommation et de l’investisse-
montré Irving Fisher4. Le maintien de la ment, conduisant ainsi à une récession
dette à un niveau élevé ou un économique grave, et par conséquent à une
désendettement maitrisé permet d’atténuer anticipation d’une plus grande difficulté pour
l’ampleur de la crise économique à venir le secteur financier du fait de la hausse du
taux de défaillances des emprunteurs
existants. La crise sur le marché interbancaire
3
Voir par exemple le site de Europe2020
affecte négativement aussi les marchés
(http://www.europe2020.org) ou celui de Nouriel Roubini boursiers et immobiliers via les anticipations
(http://www.rgemonitor.com). et du fait du resserrement des contraintes de
4
Fisher, I. (1933), “The Debt-deflation Theory of Great crédit pour les acheteurs immobiliers et les
Depressions”, Econometrica, Vol 1, pp. 337-57.
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entreprises ayant besoin urgent de problème de bilan du fait des pertes déjà
financement. En touchant le système comptabilisées et à venir liées aux actifs
bancaire, la crise actuelle perturbe toxiques. Le plan initial de Henry Paulson,
gravement et durablement le secrétaire au Trésor américain, en mobilisant
fonctionnement du système économique. 750 milliards de dollars consiste principale-
Les mesures de politique pour sauver le ment à acheter les actifs toxiques. La
système financier difficulté est de pouvoir le mettre en œuvre
rapidement et de déterminer un prix auquel
Dans une société d’information, tout se le Trésor public achète ces actifs toxiques de
déroule très vite. Dans le cas d’une sorte que les banques restaurent leurs bilans
banque cotée en bourse, une chute forte sans qu’il en résulte à moyen terme une perte
et soudaine du cours entraîne le soupçon trop importante pour les contribuables.
des clients et des partenaires qui L’aggravation de la crise boursière a obligé
diminuent rapidement leur exposition à la certains pays Européens à réagir plus
banque en question, le sauvetage ou la rapidement et vigoureusement. La garantie de
faillite deviendrait inévitable. Durant la tous les dépôts annoncée par l’Irlande a
semaine précédant le 15 septembre, entraîné une annonce similaire en
Lehman Brothers (une grande banque Allemagne. En France, l’Etat annonce qu’il ne
d’investissement américaine) et AIG (un laissera aucune banque faire faillite. Le plan
grand assureur américain qui a développé anglais consiste à injecter des capitaux dans
au cours des années une filiale importante les banques et offre des garanties pour les
spécialisées dans la commercialisation des nouveaux prêts interbancaires. Il a beaucoup
CDS) ont connu ce type de situation. Suite inspiré les mesures adoptées par la suite en
au refus de sauvetage de Lehman Brothers Europe et aux Etats-Unis.
par les autorités des Etats-Unis, le système
financier international est au bord de La crise financière n’est pas réglée pour
l’effondrement complet. Constatant cette autant par des interventions publiques de
conséquence désastreuse et étant cons- plus en plus importantes menées jusqu’à
cient que le refus de sauver AIG aurait présent. Il en faudra sans doute beaucoup
constitué un choc financier plus important encore dans les prochains mois. Le dégonfle-
que la faillite de Lehman Brothers, le ment de bulles sur toutes les classes d’actifs
gouvernement américain a soutenu massi- continuera à causer des pertes pour les
vement AIG. Pour minimiser la transmi- banques ou institutions financières. Un autre
ssion des effets dévastateurs de cette crise danger important menaçant les banques est la
financière à l’économie, il est nécessaire récession économique qui entraînera une
d’intervenir très vite pour éviter la réaction hausse plus ou moins forte du taux de
en chaîne et l’effondrement complet du défaillances des débiteurs. Une hausse du
système bancaire et financier, au risque de taux de défaillance des grandes firmes
courir plus de risque d’aléa moral dans le pourrait affecter sévèrement des opérateurs
futur lié notamment au phénomène de « spécialisés dans les CDS. Les autorités
trop grand pour échouer » (too big to fail). américaines et européennes devraient dès
La priorité est de faire fonctionner de maintenant prévoir des mesures pour
nouveau le système financier et le temps prévenir l’explosion du système financier du
de punir les responsables des catastrophes fait de leurs défaillances. Le sauvetage de ces
financières devrait être repoussé à plus opérateurs peut coûter très cher aux Etats
tard. Le sauvetage des banques et des comme le démontre le montant déjà englouti
sociétés financières n’est donc pas dans le sauvetage d’AIG par les Etats-Unis et
exempté des critiques traditionnelles selon profite en effet surtout aux spéculateurs qui
laquelle on privatise les gains et socialise ont parié sur la faillite de telle ou telle firme.
la pertes. Une critique plus sévère encore Il convient d’assainir le secteur en dénouant
consiste à dire que les banquiers ont rapidement les CDS qui ne sont pas destinés
privatisé les Trésors publics. Les mesures à assurer les risques réellement pris sur le
de court terme sont destinées à soutenir marché de crédit et de dette.
les structures principales du système L’éclatement des bulles spéculatives constitue
financier pour qu’il ne s’effondre pas un énorme défi pour les décideurs en
totalement. Les banques américaines et politique monétaire. Les banques centrales
européennes sont confrontées à un disposent des instruments de politiques

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standards et non-orthodoxes pour gérer au perte de confiance dans l’avenir. Toute
mieux l’inflation, l’output et la stabilité mesure de relance d’un montant faible ne
financière. La situation est complexe car semble pas pourvoir redonner la confiance
elle est caractérisée simultanément par un aux marchés et aux agents économiques.
risque d’inflation élevée jusqu’en été Comme le démontrent les chèques de 168
2008, un risque de ralentissement et un milliards de dollars envoyés aux ménages par
risque de crise financière. La Fed a le gouvernement des Etats-Unis au printemps
commencé par baisser rapidement le taux 2008, ils n’avaient qu’un effet transitoire sur
d’intérêt directeur. Par contre, la Banque la croissance économique. Si des dépenses
centrale européenne a jugé nécessaire publiques sont engagées, elles doivent en
d’augmenter son taux directeur en été priorité aider les ménages les plus démunis
2008 pour juguler l’inflation malgré son pour diminuer les conséquences sociales de
origine exogène afin d’éviter ce qu’elle la crise, sauver les entreprises saines qui sont
appelle les effets de second tour. Par en difficulté de trésorerie du fait de la crise et
contre, elle privilégie dans un premier investir dans des projets qui augmentent le
temps l’injection massive et directe de potentiel de croissance future. Toutefois,
liquidité dans le système bancaire pour l’expérience japonaise suggère qu’il ne faut
gérer le risque de crise bancaire. Face à la pas trop recourir aux dépenses publiques
paralysie du marché interbancaire, la Fed pour relancer l’économie, qui perdent de leur
a ensuite utilisé des mesures monétaires efficacité lorsque le secteur privé n’est plus
non-orthodoxes pour débloquer le marché habitué à prendre des initiatives.
interbancaire, le marché des billets de Dans le contexte actuel de la fuite vers la
trésorerie (commercial papers) et élargir qualité, le taux d’intérêt sur les emprunts
l’éventail des titres qu’elle peuvent d’Etat des pays développés les plus
recevoir comme garantie en contrepartie importants ne cesse de diminuer. Cela fournit
de la liquidité centrale tout en incluant des une occasion aux gouvernements de ces pays
établissements qui auparavant n’en ont de se financer à un coût financier très réduit.
pas l’accès direct. Ces mesures sont Pour la zone euro, la plupart des
destinées d’une part à ramener le calme gouvernements nationaux ont déjà buté en
sur les marchés financiers et d’autre part à période de forte croissance sur la contrainte
aider les entreprises qui reposent sur le du déficit budgétaire imposée par le Pacte de
marché de billets de trésorerie pour leur stabilité et de croissance (PSC). Ils n’ont
financement courant et n’ont plus d’autres actuellement pas ou peu de marge de
alternatives dans une situation de crise. manœuvre pour jouer la politique de
Ces mesures ne permettent pas de régler stabilisation via une augmentation massive
les problèmes de financement des des dépenses publiques ou une baisse
entreprises de moindre importance et des d’impôts. Une relance budgétaire implique
ménages qui subissent de plein fouet la inévitablement un relâchement temporaire de
crise financière. Si la crise persiste et l’application du PSC. Par contre, les Etats-
s’aggrave rapidement pour devenir une Unis ne sont pas contraints par ce type de
crise de déflation, certains économistes pacte. Cependant, la crédibilité du dollar en
suggèrent que les banques centrales tant que principale monnaie de réserve du
recourent à l’émission massive de la monde et tous les avantages en termes de
monnaie pour l’éviter. Cette mesure revenu de seigneuriage et de financement
exceptionnelle est difficile à manier car bon marché dépendent de la façon avec
une reflation non contrôlée peut nous laquelle ils gèrent leurs déficits budgétaires.
conduire à une situation d’inflation élevée Un montant de déficit trop important
et même hyperinflation, qui pourrait avoir nécessite une émission massive de titres
des coûts économiques non moins élevés publics qui pourraient ne pas trouver preneur
que la déflation. étant donné que les pays qui ont connu des
Pour diminuer l’ampleur de la récession à excédents commerciaux importants
venir, des relances budgétaires massives risqueraient de les voir diminuer en raison de
sont à prévoir pour pallier à la forte baisse la crise en cours. Un financement par
de consommation et d’investissement du l’émission trop massive de la monnaie
fait des difficultés de financement des remettra en cause immédiatement la position
ménages et des entreprises ou de leur du dollar dans le système monétaire et

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financier international et entraînera des de long terme sur le dollar américain. En
turbulences importantes sur les marchés outre, la réglementation bancaire et
de changes et financiers. financière laisse trop de liberté aux banques
Le sommet des dirigeants de 20 pays pour apprécier leur propre risque en utilisant
développés et émergents les plus leur propre modèle qui s’avère inadapté en
importants le 15 novembre, organisé à cas de crise systémique. Il y a par ailleurs une
l’initiative du Président français, Nicolas absence de réglementation du système
Sarkozy, à Washington ne constitue pas en bancaire de l’ombre utilisant des effets de
soi une réponse aux crises actuelles. Sans levier extrêmement importants.
avoir donné lieu à des mesures concrètes, A chacun de ces facteurs, on pourrait
il ne permet pas de redonner de la proposer des solutions qui sont plus ou
confiance aux opérateurs de marché et au moins difficiles à être mises en œuvre et qui
grand public. Par ailleurs, les propositions suscitent des débats et de multiples
de réforme du FMI ou d’instauration des controverses. Au niveau microéconomique,
régulations financières plus strictes ne on propose d’imposer une traçabilité des
constituent qu’une réponse à moyen terme produits financiers comme ce qui est pratiqué
pour éviter des crises futures semblables à dans l’agroalimentaire et des tests des
celle qu’on connaît actuellement. nouveaux produits financiers avant leur mise
Les fondations d’une économie globalisée sur le marché. Ces mesures impliquent sans
plus stable doute des coûts élevés et des difficultés
pratiques liées à leur mise en œuvre
Il est encore trop tôt pour comprendre effective. Par contre, la proposition
tous les aspects de la crise financière et d’accroître la transparence dans le
économique actuelle. Un nombre fonctionnement des marchés des nouveaux
important de facteurs microéconomiques instruments financiers, notamment ceux qui
et macroéconomiques semblent avoir ont pris beaucoup d’importance tels les CDS,
contribué à la formation des bulles et puis est assez consensuelle. La solution passe par
leur éclatement. Au niveau exemple par un système de règlement
microéconomique, on peut citer la centralisé, permettant ainsi une surveillance
négligence des règles de base dans la accrue des comportements risqués des
distribution de crédits ou la prise de acteurs du marché. Pour diminuer le risque
positions excessives sur les marchés des pesant sur le bilan des banques, certains
instruments financiers simples ou décideurs de politique et acteurs financiers
complexes, l’utilisation excessive des prônent l’assouplissement des nouvelles
effets de levier, la complaisance des règles comptables imposées après la crise du
agences de notation, les produits début des années 2000, qui consiste à
financiers nouveaux non testés, le mauvais valoriser la valeur des actifs et des
modèle de rémunération des opérateurs engagements au prix du marché. Or, ce
financiers, la négligence du risque dernier pourrait ne plus exister en cas de
systémique ou évènement grave et rare crise systémique. D’autres considèrent que
dans les modèles d’évaluation du risque, ces règles ne sont pas responsables de la
une dépendance trop grande de la crise. Pour réduire les aléas moraux dans les
liquidité de court terme pour financer des institutions bancaires et financières, il
prêts de long terme, des objectifs de convient de responsabiliser les acteurs, d’une
rendement trop ambitieux qui ne peuvent part en limitant via de nouvelles régulations
être atteint qu’en jouant un effet de levier le risque global pris, et d’autre part en liant
élevé et donc risque incontrôlable en cas leur compensation plus étroitement avec le
de forte turbulence de marché, ainsi que risque pris en étalant le paiement des primes
la manque de transparence concernant la sur un horizon où les effets de cycle
distribution du risque dans le système économique et financier sont lissés. Cette
financier. Au niveau macroéconomique, même idée pourrait être appliquée aux
les taux d’intérêt directeur des banques dirigeants des entreprises cotées qui prennent
centrales sont maintenus à un niveau trop trop souvent trop de risque pour doper les
bas pendant trop long temps et les profits dans le court terme et donc les cours
déséquilibres des comptes courants entre des actions dans une optique de maximiser
le reste du monde et les Etats-Unis ont leur rémunération personnelle sans se
favorisé la baisse durable du taux d’intérêt
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préoccuper de la solidité économique et économistes ont intégré des bulles des prix
financière à moyen et long terme des d’actifs dans leur analyse mais concluent en
entreprises qu’ils gèrent. Par ailleurs, une général à la non-nécessité de leur prise en
réglementation améliorée et une compte tant qu’elles n’affectent pas les
surveillance accrue des agences de anticipations inflationnistes. D’autres études
notation constituent des moyens de ont cependant conclu qu’il est nécessaire de
diminuer le risque systémique en répondre à la formation des bulles
permettant aux investisseurs d’avoir des spéculatives et à l’évolution des chocs sur les
informations les plus fiables et marchés monétaires et financiers. Dans
transparentes possibles. l’avenir, les banquiers centraux devraient
An niveau macroéconomique, il convient prêter une attention particulière à ce que la
de redéfinir les ratios de solvabilité des politique monétaire ne favorise un
banques en fonction de la conjoncture gonflement incontrôlé des bulles. Comme on
économique. Dans une phrase de l’a vu dans la crise récente, les banques
croissance, il convient d’augmenter centrales se préoccupent de la liquidité en
progressivement le ratio de solvabilité en cas de crise, il convient dans l’avenir, pour
fonction de la durée de la croissance, du éviter ce type de crise majeure, de surveiller
taux de croissance cumulé ainsi que du et réguler également la liquidité dans le
prix des actifs et du taux de change. système monétaire et financière dans la phase
d’expansion de l’économie6. Laisser aux seuls
Alternativement, les pondérations de banquiers et autres acteurs économiques la
risque des différents engagements détermination de manière autonome et non-
devraient évoluer en fonction de coordonnée le niveau de liquidité comme le
l’amplitude et de la durée des cycles des préconisent les théories du ciblage d’inflation
expansions économiques. Ces mesures, en est une pratique trop risquée car chaque
permettant de lisser la croissance de opérateur individuel ne prend pas en compte
crédits, favorisent une croissance les effets d’externalité macroéconomiques
économique plus stable dans le temps. négatifs générés par ses propres actions.
Certains reprochent aux banquiers Seule la banque centrale peut avoir une
centraux d’être des pompiers pyromanes. vision globale et dispose des moyens de
Il est donc temps de repenser la pratique contrôle.
de la politique monétaire qui, depuis un Une politique monétaire plus réactive à
certain temps, s’oriente de plus en plus l’évolution des prix des actifs implique qu’il y
vers le régime du ciblage d’inflation dont aura moins de possibilité de gonflement de
l’instrument de politique monétaire est le bulles des prix des actifs financiers et réels,
contrôle du taux d’intérêt nominal.5 Les ce qui diminue l’effet de richesse (et de bilan)
fondements théoriques de ce régime et donc l’efficacité apparente de la politique
monétaire négligent en général le marché monétaire. En réalité, le bien-être social
monétaire dont l’effondrement récent pourrait être amélioré grâce à une meilleure
prouve son importance ainsi que les stabilisation des activités dans le sens d’un
marchés financiers. Ils supposent lissage du taux de croissance au cours d’un
également que les agents privés forment cycle économique. Ce genre de politique
des anticipations rationnelles d’inflation monétaire aurait un levier moins puissant
de sorte que lorsque la banque centrale pour réamorcer la croissance en cas de crise,
est transparente, indépendante et crédible, il est nécessaire donc de l’accompagner par
le taux d’inflation anticipée est égal à la des mesures de politique budgétaire et
cible annoncée par la banque centrale. La fiscale. Toutefois, il convient de moduler
conduite de la politique monétaire devient l’intensité d’utilisation des instruments de
relativement aisée car elle peut être politique budgétaire afin d’éviter de stimuler
formulée en termes de règle du taux la croissance au-delà de son potentiel, car
d’intérêt nominal qui réagit à l’inflation cela risquerait également de créer des bulles
anticipée, aux chocs affectant la demande dans les prix des actifs.
des biens et le potentiel de croissance etc..
Après la crise de bulle Internet, certains
6
5
Pour une critique sévère de ce régime, voir Joseph Stiglitz Voir Dai (2007), “A two-pillar strategy to keep inflation
(2008), « L'échec du ciblage d'inflation », Idées et Débats, expectations at bay: A basic theoretical framework”;Working
26/05/08, les Echos. Paper du BETA n°2007-20.
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La politique budgétaire ne doit plus être l’accent sur le rééquilibrage des échanges
utilisée comme la panacée pour régler commerciaux entre les différentes zones
des petits problèmes ici et là, souvent au économiques, ce qui oblige chaque pays de
service des objectifs électoraux. Les mener des politiques macroéconomiques
engagements explicites et implicites de plus responsables avec moins de risque de
l’Etat augmentent actuellement à un crise systémique au niveau mondial.
niveau représentant plusieurs fois le PIB
annuel dans beaucoup de pays
industrialisés. Ces engagements limitent
les moyens d’intervention publique et
pourraient constituer à terme des facteurs
à l’origine des crises financières,
économiques et même politiques
majeures si des mesures appropriées ne
sont pas prises à l’heure actuelle et dans le
proche avenir. Disposant des moyens
financiers limités, les Etats se doivent
d’être de bons gestionnaires en
investissant en priorité dans des projets
qui ont un effet de levier puissant et
durable sur la croissance économique
future. Il est irresponsable de jeter des
milliards dans des interventions publiques
non réfléchies qui n’ont qu’une efficacité
limitée ou même douteuse. Les
économistes ne cessent de préconiser aux
gouvernements de dégager des excédents
budgétaires pendant les périodes de
croissance économique forte pour pouvoir
intervenir dans les périodes de crise. Il est
important que les décideurs politiques
retiennent la leçon tirée de cette crise
pour mieux gérer la politique budgétaire
lorsqu’on retrouvera la croissance
économique.
Au niveau international, les Européens
préconisent de réformer le Fonds
monétaire international (FMI) et de lui
attribuer de nouveaux rôles pour aboutir à
une sorte de Bretton Woods II. Les pistes
de réflexion sont nombreuses. Il s’agit
notamment de permettre aux pays
émergents d’avoir une plus grande
représentation au FMI en fonction de leur
poids économiques et d’augmenter les
moyens d’intervention financière du FMI.
Ce dernier pourrait jouer le rôle de
régulateur financier international,
surveiller et prévoir les risques de crise, et
proposer des mesures pour prévenir les
crises. Cependant, les Américains
pourraient s’opposer à un changement
radical du système monétaire et financier
international, qui risquerait de laisser ce
dernier échapper à leur contrôle. Le
nouveau système devrait aussi mettre

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Conclusion économique ne viennent à son tour aggraver


La crise financière actuelle, du fait de la crise financière. Les décideurs de politique
l’éclatement simultanée de multiples doivent être réactifs et imaginatif dans leur
bulles importantes des prix d’actifs et des prise de décision. Ils doivent non seulement
matières premières, pourrait avoir des se soucier de soulager des maux dans le court
conséquences négatives graves pour terme, mais également penser à stimuler le
l’économie mondiale. La mesure de potentiel de croissance de long terme tout en
politique monétaire consistant à baisser le inspirant la confiance aux opérateurs des
taux d’intérêt perd son efficacité et des marchés, aux entreprises et aux ménages. A
mesures non orthodoxes audacieuses sont la sortie de la crise, des réformes
nécessaires pour gérer la crise bancaire et réglementaires, institutionnelles et politiques
le risque de restriction de crédit qui sont nécessaires pour rendre le système
s’ensuit. Les mesures de politique monétaire et financier international plus
budgétaire d’une ampleur sans précédent stable. Toutefois, il faut être conscient qu’il
sont nécessaires afin de diminuer l’effet de est illusoire d’espérer de retrouver une
la crise financière sur l’économie réelle et croissance économique aussi robuste
d’éviter que les effets de récession qu’avant l’éclatement des bulles multiples.

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