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I.2.

L’économie mondiale : croissances, ruptures et bouleversements (de 1945 au


début des années 1990)
I.2.2. Crises et ruptures des années 1970 au début des années 1990
Introduction

Alors que les États Occidentaux avaient pensé, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale,
avoir trouvé les secrets d'une croissance forte et régulière, ils vont devoir subir au début des
années 1970 des chocs économiques qui vont marquer une profonde rupture. Après avoir un
temps espéré que ces difficultés laissaient augurer la crise finale du capitalisme, l’URSS et les
Démocraties populaires s'inspirant du système soviétique allaient se trouver confrontées à des
blocages qui allaient conduire à la disparition de leur modèle. Le Tiers-Monde lui-même, en
partie bénéficiaire de l'internationalisation de l'économie et de l'augmentation des prix des
matières premières, se heurta à des difficultés qui ne lui laissèrent pas d'autre choix que de
tenter de s'insérer dans une économie internationale pourtant fortement perturbée.

PROBLÉMATIQUES

Comment expliquer ces perturbations qui affectent alors l'ensemble de l'économie capitaliste
mondiale ? Comment est-on alors passé d'un capitalisme fordo-keynésien à un capitalisme
libéral, financier et moins régulé ?

Comment expliquer de façon simultanée à la fois les blocages puis l'effondrement du système
soviétique ainsi que la crise multiforme du Tiers Monde ?



I. La crise du début des années 1970 a en réalité de multiples causalités

A. Les faits : de la fin du système de Bretton Woods aux chocs pétroliers

Le système de Bretton Woods s'était bâti dans l'urgence de l'après-guerre et, dans des
conditions qui donnaient aux Etats-Unis un pouvoir asymétrique, ne pouvait qu'être confronté
au paradoxe de Triffin1. La pratique du benign neglect américain, après une Première
dévaluation en 1971 conduisit à un passage aux changes flottants dès 1973 avant qu’ils ne soient
entérinés plus tard lors de la conférence de la Jamaïque en 1976. Le droit de Seigneuriage des
États-Unis, en capacité d'utiliser leur propre monnaie pour payer les déficits de leur balance des
paiements courants (BPC), s'en trouva renforcé dans la mesure où les autorités monétaires
américaines pouvaient désormais appliquer aux Etats-Unis une politique de leur taux de change
adaptée aux impératifs de leur conjoncture intérieure... Aux autres de s'y adapter selon John
Connally, le secrétaire au Trésor en 1971, qui déclara à l'époque : « le dollar est notre monnaie et
votre problème ».

C’est dans ce contexte que se produisirent les deux chocs pétroliers.

Le premier choc pétrolier, celui de 1973, eut dans les PDEM un effet inflationniste, ralentit
l'investissement, la croissance et provoqua une montée de l'endettement.

1
Le dilemme de Triffin ou paradoxe de Triffin tire son origine du système de Bretton Woods, lequel rendait
nécessaire le déficit de la balance courante des États-Unis pour alimenter le monde en moyens de paiement
internationaux. Une telle situation contribue à un affaiblissement progressif de la confiance des agents
économiques étrangers envers la monnaie de référence. Les besoins importants de l'économie mondiale en
une devise fiable aboutissent donc paradoxalement à la perte de confiance envers cette monnaie.

1 LAAROUSSI Mohamed, 1ère Année ECS –HGGMC-


Chapitre (7) : Crises et ruptures des années 1970 au début des années 1990

Il eut d'abord un effet inflationniste car il contribua à augmenter les couts de revient répercutés
par les clauses d'indexation des salaires. Il provoqua ensuite un ralentissement de la croissance
de l'investissement, divisé par 2 ou 3 sur la période 1973-1979. La baisse de la croissance fut
corrélative : en règle générale elle fut divisée par deux par rapport à la période 1968-1973. Ces
phénomènes s'accompagnèrent d'une forte augmentation du chômage : il passa de 1,5 % de la
population active (1960-1969) à 4 % pour 1970-1980... Enfin, le premier choc se traduisit par
une hausse de l'endettement des ménages, de l'Etat, des entreprises avec des répercussions sur
la balance des paiements courants qui devint négative à peu près partout sur la période 1973-
1977, à l'exception du Japon et de la RFA...

Le second choc pétrolier eut des effets déflationnistes et provoqua une nouvelle envolée du
chômage et des taux d'intérêts. A la suite de la chute du Shah en Iran en 1979 et la baisse
drastique de la production iranienne de pétrole, le pétrole passa de 13,30 dollars le baril en
1978 à 24 $ (1979) et 34 $ (1980). L'approche internationale fut différente de celle de la crise
pétrolière : le G7 réuni à Tokyo en juin 1979 décida à la fois de développer de nouvelles sources
d'énergie et de limiter la demande à court terme. Presque partout la déflation fut à l'ordre du
jour avec au menu de la rigueur budgétaire, une restriction du crédit, une restauration des
profits au détriment des salaires. Ces politiques eurent pour effets de provoquer de nouveau un
effondrement de la croissance, un recul de l'investissement et de la production industrielle, une
accentuation du chômage, l'envol des taux d'intérêt réel.

Au total, on peut dire que la crise qui éclata à l'automne 1973 avec le quadruplement des prix du
pétrole (de 3 $ le baril à plus de 12 en quelques mois), fut, selon l'expression de Jean Bouvier,
une « crise inattendue » après 28 ans de prospérité même si ses prodromes étaient largement en
place dans la mesure où l'inflation et le chômage étaient déjà présents.

B. La fin de la régulation monopolistique et de la croissance de type tayloro-fordiste

Si l'on suit l'Ecole de la régulation, la haute croissance des années 1945-1973 reposait sur une
régulation devenue monopolistique dans la mesure où elle s'opérait grâce à un petit nombre
d'acteurs : SMI, GATT, Etats et partenaires sociaux. Les deux organisations internationales
assuraient la régulation monétaire et financière ainsi qu'un développement du commerce
international supérieur à la croissance. Les État mettaient en œuvre les policy mix
contracycliques qui permettaient de stabiliser la croissance au prix d'une inflation raisonnable
et plutôt bénéfique. Les partenaires sociaux enfin redistribuaient les fruits de la croissance qui
autorisaient un haut niveau de vie et évitaient les crises de surproduction fréquentes comme
jusque dans les années 1930. L'organisation du travail industriel (le travail à la chaine)
permettait quant à lui de mettre sur le marché de grandes quantités de produits et de dégager
les gains de productivité générant à la fois des salaires et profits élevés autorisant en retour un
fort investissement et une demande importante. Dans les années 1970, l'ensemble du système se
trouva remis en cause parce que les politiques de relance non seulement ne permettaient plus,
dans le cadre d'une économie plus ouverte qui faisait peser désormais une contrainte extérieure,
de créer des emplois, mais contribue à accentuer les déséquilibres : inflation, déficit budgétaire,
déficit de la balance des paiements courants, fragilisation de la monnaie... De même, la
conjonction de la fin de la discipline du travail fordiste (la remise en cause du travail à la chaine)
et de la saturation relative de la demande conduisit à la fois à la baisse de la productivité et de la
demande finale ainsi qu'à un endettement croissant des entreprises.

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II. Une transformation du capitalisme qui devient libéral, financier et de moins en moins
régulé

A. Un changement de paradigme

Dans les années 1970, les insuffisances des politiques keynésiennes furent à l'origine du retour
en force des politiques néoclassiques avec le monétarisme illustré par Milton Friedman, la
théorie de l'offre (Arthur Laffer), la théorie des anticipations rationnelles (Thomas Sargent,
Robert Lucas, John Muth). Tous ces courants développent avec des nuances les mêmes thèmes :
le facteur moteur de l'économie est l'offre et non la demande ; le désengagement de l'Etat est
une nécessité parce qu'il opère un effet d'éviction sur l'économie privée et parce que les
prélèvements sociaux dissuadent les individus de travailler ou de produire.

Ils préconisèrent donc de diminuer les prélèvements obligatoires, de privilégier l'offre par la
baisse des impôts des particuliers et des entreprises, de favoriser l'investissement et de
privilégier le profit par rapport aux salaires, de déréguler en brisant le carcan dans lequel l’offre
est emprisonnée.

Le programme passait ainsi par la remise en cause du moteur des Trente Glorieuses avec le
démantèlement de l'État-providence, la déréglementation du marché du travail pour tendre
l'emploi plus flexible, la baisse des dépenses publiques et de l'impôt...

B. Le libéralisme installé dans les pays anglo-saxons avant de gagner l'ensemble des
PDEM

Ce furent d'abord au Royaume-Uni et aux États-Unis que furent conduites des politiques de
transformations structurelles faisant les choix de donner la priorité à l'équilibre monétaire et de
désengager l'Etat pour libérer l'initiative individuelle. Au Royaume-Uni, à partir de 1979, Mme
Tchatcher, Premier ministre de 1979 à 1990, conduisit ainsi, outre une politique monétariste,
une politique de privatisations qui la conduisit à privatiser 40 sociétés dont BP, Sealink, British
Gas, British Telecom, British Airways, British Steel, les compagnies des eaux, le chemin de fer...
Une réforme des impôts supprima le barème à 83 % et diminua le nombre de tranches
d'imposition qui passèrent de 6 à 2; en contrepartie le poids de l'Etat providence fut allégé grâce
à une diminution des retraites et des aides sociales alors qu'un million de logements sociaux
étaient vendus par les collectivités locales aux locataires. Elle engagea enfin le combat contre la «
dictature syndicale : le droit de mettre des piquets de grève fut réduit, le closed shop entamé, la
vie interne des syndicats réglementée, la possibilité fut enfin donnée au patronat d'attaquer les
syndicats en justice... Aux Etats-Unis, à partir de 1981, la Révolution conservatrice et les «
Reaganomics » conduisirent à « une sorte de new Deal à l'envers » illustrant l'aphorisme du
président Reagan (1981-1989) selon lequel « l'Etat n'est pas la solution de nos problèmes, l'État
est le problème », cette période fut marquée en particulier par une politique de compression des
dépenses sociales (logement social, dépenses d'éducation), par une réforme fiscale drastique
ainsi que par une politique de déréglementation du transport aérien, du secteur bancaire, ou
encore l'abandon des lois antitrust... La plupart des pays membres de la CEE adoptèrent eux
aussi à la fin des années 1980 et au début des années 1990, dans le cadre de l'Acte unique puis
de la préparation de l'UEM, une policy mix combinant une politique monétaire restrictive et une
politique budgétaire menant la réduction conjointe des dépenses publiques et des impôts. Dans
le même temps et pour les mêmes raisons des directives européennes préparèrent la mise en
place de marchés concurrentiels avec la libéralisation des marchés de capitaux, l'harmonisation

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des conditions de la concurrence sur le marché des biens, des incitations à la flexibilité des
salaires et de l'emploi sur le marché du travail...

C. Un capitalisme financier débridé à l'aval de la révolution libérale

Si l'on occulte la révolution des NTIC, deux faits préalables se révélèrent essentiels. Le premier
fut le développement considérable des eurodollars depuis les années 1950 et qui se trouva
accentué par l'essor encore plus considérable des pétrodollars (expression forgée en 1973 par
l'économiste Ibrahim Oweis) qui, par le truchement des banques, se recyclèrent dans les
économies occidentales et financèrent les déficits de leurs balances de paiements ainsi d'ailleurs
que ceux de nombre de pays du Tiers-Monde non producteurs de pétrole. Le second tint au «
coup de 1979 »: la politique monétariste aux États-Unis fit monter les taux d'intérêts dans le
monde à un niveau très élevé (de l'ordre de 17 %) qui contribua à un renversement du rapport
de force entre créanciers et débiteurs au profit des premiers. En conséquence, au cours des
années 1980, un nouveau système financier se mit en place (Big Bang de Londres de 1986, Mini
Bang de Paris en 1988) dans lequel le marché des capitaux prit de l'importance par rapport au
financement bancaire traditionnel au rythme de deux séries de réformes. La première consista à
créer un vaste marché des capitaux couvrant le court et le long terme avec la création
d'instruments de plus en plus sophistiqués dans le domaine des opérations à terme et destinées
à assurer une couverture contre les risques liés aux fluctuations des taux d'intérêt ou de change.
La seconde consista au cours des années 1980 à une libéralisation financière radicale avec la
réduction des taux d'intérêts administrés, la suppression de l'encadrement du crédit, la levée
des contrôles des changes... Toutes ces mesures ont eu des effets considérables sur le
développement de la finance internationale et furent à l'origine de la globalisation financière qui
conduisit à la création d'un marché unique de l'argent au niveau planétaire... Le phénomène a
profité pour l'essentiel aux pays développés, à leurs banques, bourses, et à leurs investisseurs
institutionnels (zinzins) parmi lesquels les fonds de pension, les sociétés d'investissement, les
sociétés d'assurances...

III. Le système socialiste, incapable de se réformer, s'effondre

A. Les carences du modèle soviétique hérité du stalinisme

Les carences, dont l'Occident n'avait pas véritablement conscience à l'époque, étaient assez
largement inhérentes au modèle mis en place dans les années 1920.

D'abord parce que l'économie centralisée reposait sur une mobilisation et une coercition de type
militaire qui étaient peu favorables à la productivité et laissaient peu de possibilités de
souplesse, en dépit des débats et marchandages divers, tout en ouvrant un large champ à une
économie informelle et parasite, Ensuite parce que le choix du développement de l’industrie
lourde se fit au détriment de l'agriculture et des biens de consommation, provoquant le sous-
développement du secteur primaire et la mise en place d'une économie de pénurie qui ne
pouvait que contraster avec la consommation de masse de l'Occident. Les économistes marxistes
János Kornai, Oscar Lange, Włodzimierz Brus) en prirent eux-mêmes conscience avant les
tentatives de réformes de N. Khrouchtchev au début des années 1960 et surtout de Leonid
Brejnev (1965-1982) qui autorisa un temps, à partir de 1965, la réforme Liberman cependant
vite enterrée à la suite des événements de Tchécoslovaquie et qui ne fut à peu près appliquée
qu'en Hongrie dans les années 1970.

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Au total, lorsque Leonid Brejnev disparait au début des années 1980, l'URSS connait une
stagnation qui est autant économique que politique. Non seulement alors que le personnel
politique n'avait pas été renouvelé et le pays était enlisé dans la guerre d'Afghanistan (1979-
1989) mais la production de biens stagnait et la pénurie s'accroissait, l'écart technologique et
que la structure des échanges entre l'URSS et les pays occidentaux augmentait et devenait de
plus en plus défavorable...

B. Le « moment Gorbatchev » (F. Thom) : la démonstration que le système était sans


doute irréformable

La tentative menée par Mikhaïl Gorbatchev (1985-1991) pour sauver le régime soviétique, était
sans doute irréformable avec la Glasnost (transparence) et la Perestroïka (restructuration), fut
la dernière de l'histoire de l'URSS.

Ainsi, et alors que la Chine de Deng Xiaoping avait introduit une série de réformes dès 1979,
l'URSS engagea un plan de réformes ambitieux après 1985.

La réforme politique se traduisit par l'établissement d'un Etat socialiste de droit (libération en
1986 d'Andreï Sakharov et de nombreux dissidents, réhabilitation des victimes du stalinisme,
réforme judiciaire de 1988 avec restriction du champ d'application de la peine de mort, fin de la
pratique de l'exil intérieur), la mise en place d'une relative liberté de la presse et un début de
démocratisation du régime (Premières élections semi démocratiques en mars 1989, création de
la charge de Président de l'URSS élu au suffrage universel dès 1990, suppression de l'article 6 de
la constitution affirmant le caractère dirigeant du PCUS...). La réforme économique qui se voulait
progressive tendait, au prix d'une souplesse plus grande du plan, à responsabiliser (loi sur le
travail individuel de 1986) les acteurs économiques et à donner aux entreprises plus
d'autonomie (loi sur les joint-ventures de 1987, loi sur les entreprises de 1988) pour les rendre
plus performantes.

Les résultats ne furent pas au rendez-vous (déficits budgétaires, mauvais résultats macro
économiques avec une production industrielle en baisse, un endettement extérieur croissant) et
suscitèrent une assez large incompréhension de la population (grèves dans les mines) qui
dénonça pêle-mêle les prix élevés, les réformes, les profiteurs... Toutefois, contrairement à ses
prédécesseurs M. Gorbatchev fit pourtant le choix, en dépit d'un isolement politique croissant,
de ne pas revenir sur les réformes mais au contraire de les accélérer à travers une succession de
plans, qui du plan Abalkine de novembre 1989 au plan Iavlinski-Chataline de décembre 1990,
donnaient une part plus grande au marché. Le dernier plan prévoyait en particulier de privatiser
70 % des entreprises d'État entre 1991 et 1995

C. L'implosion du système en URSS et dans les démocraties populaires

L'implosion du système vint des échecs économiques mais aussi de la montée de nationalismes
qui retrouvèrent de la vigueur après leur apparente mise entre parenthèses depuis plusieurs
décennies.

Le mouvement toucha d'abord les démocraties populaires qui n'avaient pas été épargnées par
les maux dont souffrait l'URSS: inefficacité économique, démobilisation des acteurs
économiques, pénuries persistantes, grèves violentes comme en Roumanie en 1977 et 1981,
manifestations ouvrières comme en Pologne (1976) qui conduisirent à la légalisation de

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Solidarnosc en 1980. Un peu partout aussi s'étaient mis en place circuits économiques parallèles
et forums démocratiques alors que le contrôle politique et militaire de l'URSS se relâchait lors de
la Perestroïka. Dans tous ces pays le système politique et social s'écroula comme un véritable
château de cartes en quelques mois de juin 1989 à décembre: en Pologne, Hongrie, Allemagne de
l'Est, Tchécoslovaquie (révolution de velours)... en Roumanie et Bulgarie, plus difficilement et de
façon plus ambiguë pour finir. Le Conseil d'aide économique mutuelle (CAEM) fut dissous
officiellement à Budapest le 28 juin 1991 et le Pacte de Varsovie lors d'une réunion à Prague le
10 juillet 1991.

En URSS même, les élections régionales de 1990 concoururent à l'arrivée au pouvoir de fronts
populaires dans les pays baltes, en Ukraine et en Russie elle-même avec la victoire de Boris
Eltsine qui devint président de la Fédération de Russie en mai 1990.

L'échec du putsch des 18 et 19 août fut la dernière tentative des conservateurs pour restaurer
l'ordre ancien. Son échec conduisit à la mise sous tutelle de M. Gorbatchev ainsi qu'un peu plus
tard à la conférence d'Alma-Ata, au cours de laquelle, le 21 décembre 1991 11 présidents de
pays de l'URSS décidèrent de sa dissolution et de la création d'une nouvelle confédération, la
Confédération des États indépendants (CEI)...

M. Gorbatchev devenu le président d'un pays qui n'existait plus démissionna le 25 décembre
1991 alors que la Russie était reconnue comme successeur de l'URSS et occupa à ce titre son
siège de membre permanent du Conseil de sécurité...

IV. Le Tiers-Monde dans l'impasse ? (P. Bairoch)

A. Des modèles socialistes qui s'essoufflent

Les pays du Tiers- Monde non producteurs de pétrole et qui n'appartenaient pas aux nouvelles
économies industrialisées (NET) furent confrontés à la fois aux impasses du modèle socialiste et
à celles du nouvel ordre économique international (NOEI).

Le modèle soviétique ou le modèle maoïste ont pu un temps influencer les pays en voie de
développement (PED) Cambodge, Birmanie, Corée du Nord (Asie) ; Algérie, Guinée, Ghana,
Tanzanie, Madagascar, Ethiopie (Afrique), Cuba (Amérique latine)...

Chaque fois l'expérience se traduisit au mieux, comme en Algérie, par un gaspillage des
ressources et un véritable fiasco sur le plan économique et du développement. Au pire, les
dirigeants purent, comme dans le Cambodge de Pol Pot (1976-1979), sombrer dans un délire
meurtrier au nom d'une volonté de régénération.

Le désir de fonder un nouvel ordre économique international (NOEI) date de 1974 lorsqu'il a été
défini par le président algérien Houari Boumediene lors de la Conférence d'Alger des pays non
alignés avant d'être repris la même année par la VIe session extraordinaire de L'ONU (février
mars) dans un programme d'action. La Charte d'Alger énumérait 20 principes destinés à inspirer
les relations économiques internationales et qui avaient par une refonte des organisations
internationales existantes, de satisfaire les besoins essentiels des hommes (alimentation, santé,
éducation, emploi), de garantir l'indépendance économique et politique des PED, de promouvoir
des relations plus égalitaires entre le Nord et le Sud... La fin des années 1970 et le début des
années 1980 furent un temps fort de cette démarche avec la conférence de Paris sur la

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coopération économique internationale (CCEI) au titre du dialogue Nord-Sud ouvert en 1975, ou


encore celle de Cancún (1981).

Les résultats, à quelques exceptions près (création d'un fonds international de développement
agricole, FIDA, en 1974, et d'un fonds commun de stabilisation des cours des produits de base
qui vit le jour en 1989), restèrent très modestes en raison du blocage des Etats-Unis et surtout
des difficultés de financement liées aux problèmes financiers des PDEM.

B. Le recours contraint aux institutions internationales

Au début des années 1970 et dans les années 1980, le financement du Tiers-Monde relevait des
banques et non plus du FMI ou de la Banque mondiale en raison de l'existence de capitaux
flottants considérables (recyclage des pétrodollars) et des bas taux d'intérêts de la fin des
années 1970. Les pays en voie de développement qui avaient accru de façon très importante leur
endettement se trouvèrent pris dans une spirale de la dette et dans un véritable piège qui se
referma sur eux au début des années 1980 au moment du contre-choc pétrolier lorsque les
marchés du Nord se ferment (les premiers accords multifibres, ou AMF, datent de 1974) dans un
contexte de forte baisse du prix des matières premières, baisse alors qu'au contraire les taux
d'intérêts mondiaux augmentaient fortement et que le dollar s'appréciait.

C'est alors qu'éclata en août 1982, le « choc mexicain »: confronté à de fortes difficultés
financières, le Mexique annonça qu'il suspendait les remboursements de sa dette extérieure. La
crise devait être en partie solutionnée par les grandes institutions financières internationales
alors que les solutions mises en œuvre pour le Mexique allaient être étendues aux autres PVD
endettés (Plan Baker de 1985 et Plan Brady de 1989).

C. La seule alternative : s'insérer dans l'économie mondialisée

En contrepartie, le Tiers-Monde dut au nom du libéralisme ambiant (concepts du trade, not aid
américain et du Consensus de Washington en gestation) s'insérer dans l'économie
internationale. Le tournant fut officiellement pris en février 1992 lors de la 8e conférence de la
CNUCED à Carthagène en Colombie...

L'exemple le plus emblématique de ce retournement stratégique fut celui du Mexique où le choc


de 1982, dans un pays où l'économie était largement étatique, allait marquer un tournant libéral
(privatisations, accueil d'IDE) et conduire au choix de l'insertion dans le commerce international
par l'adhésion au GATT, l'accueil des maquiladoras et, surtout en août 1992 à la signature du
traité de San Antonio à l'origine de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA, janvier
1994)... Comme l'écrit Alain Musset dans Le Mexique, économies et sociétés, la nouvelle politique
économique eut des résultats concrets et visibles pour l'ensemble des Mexicains qui eurent
l'illusion (avant la crise de 1994) de passer brutalement du Tiers-Monde au premier monde,
celui des pays développés avec des transports, des services, un secteur bancaire modernisés...

La démocratisation accompagna souvent la libéralisation que ce soit en Amérique latine, en Asie


(Corée du Sud en 1987), voire en Afrique (fin de l'apartheid après 1991). Pourtant, en raison des
difficultés économiques et sociales liées aux privatisations, à la lutte contre l'inflation, à la forte
augmentation des inégalités sociales, la vie politique de ces pays se révéla assez chaotique
comme au Pérou lors de la présidence Fujimori (1990-2000), en Argentine lors de la présidence
de Carlos Menem (1989-1999), en Algérie à partir de 1991 où éclata une guerre civile.

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Chapitre (7) : Crises et ruptures des années 1970 au début des années 1990

Dans le même mouvement, par effet d'imitation de la CEE mais aussi par l'incitation des
organisations internationales, les PVD créèrent des regroupements régionaux. L'ANSEA OU
ASEAN (Association des nations du Sud-est asiatique) née en 67 autour de cinq pays (Indonésie,
Malaisie, Philippines, Singapour, Thaïlande) avec pour objectif initial de s'opposer au
communisme, se recentrait dès 1992 sur des objectifs économiques comme la libéralisation des
échanges et la coopération industrielle, avec pour horizon de passer en 2008 à l'ASEAN Free
Trade Area (AFTA)...Le MERCOSUR, qui naquit en 1991, regroupait le Brésil, l'Argentine, le
Paraguay, l'Uruguay... avec pour perspective la création d'un espace de type CEE... Ailleurs on
peut retenir aussi la naissance du CARICOM (73), de l'Union du Maghreb arabe ou UMA en
1989... de la Communauté économique africaine ou CEA de 1991 qui prévoyait la réalisation d'un
marché commun à l'horizon 2025...

Conclusion

Les années 1980 et le début des années 1990 s'avérèrent des années particulièrement heurtées
pour les trois mondes, qu'il s'agisse des PDEM, des pays à économie socialiste, des pays en
développement.

Dans les PDEM, le contre-choc pétrolier et les politiques de relance aux États-Unis relancèrent la
croissance après 1985 mais les déséquilibres financiers, nés de l'émergence du capitalisme
financier, qui se manifestèrent avec le Krach de 1987 (Black Monday), l'éclatement de la bulle
boursière au Japon, les désordres monétaires en Europe en 1992 provoquèrent des rechutes (si
l'on excepte l'Allemagne où la croissance fut tirée par la réunification), après la reprise illusoire
de 1988. Ce fut en particulier le cas au tout début des années 1990 avec la guerre du Golfe qui
provoqua une hausse spéculative des cours du prix du pétrole. Dans ce contexte, l'urgence
semblait être, à l'époque, de conclure l'Uruguay Round, ouvert depuis 1986, afin de discipliner le
commerce international et de l'ouvrir à des domaines nouveaux comme l'agriculture, la
propriété intellectuelle et les services. De fait, les négociations débouchèrent bientôt sur l'Acte
final signé à Marrakech en avril 1994.

Avec le passage à l'économie de marché, les économies de l'ex-bloc socialiste connurent une
situation désastreuse. Sous l'effet des thérapies de choc, partout la production s'y effondra
d'environ 20 %, à l'exception de la Pologne où le redémarrage s'effectua dès 1991. Les salaires
ainsi que l'espérance de vie étaient partout en baisse. Alors que le communisme survivait à Cuba
ou en Corée du Nord, la République populaire de Chine engageait après 1992 sa Grande
transformation qui devait la conduire à s'insérer dans la mondialisation. L'espoir pour les ex-
démocraties populaires d'Europe consista à intégrer une Europe qui dans l'immédiat était,
jusqu'à la conclusion du traité de Maastricht, entièrement tournée vers la conclusion de l'Union
économique et monétaire.

Ce que l'on appelait, il y a peu encore, le Tiers-Monde n'existait plus : les NPIA connaissaient une
forte croissance et une embellie qui allait durer jusqu'à la crise asiatique de 1997, les pays
producteurs de pétrole engrangeaient les pétrodollars mais étaient affectés par le contre-choc
pétrolier qui les empêchait de résoudre leurs problèmes de développement et s défis sociétaux,
l'Amérique latine semblait enfermée dans le piège de la dette et de la restructuration de ses
économies, les pays les moins avancés (PMA) d'Afrique restaient enfin face à des défis pour
lesquels on ne voyait guère de solution.

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Chapitre (7) : Crises et ruptures des années 1970 au début des années 1990

Au total donc la période fut bien celle des ruptures.

Le monde du début 1990 est dépourvu de système international crédible, l'Etat-nation semble
en perte de vitesse au profit des grandes constructions régionales, les dernières mythologies du
XX° siècle se sont effondrées avec l'écroulement du socialisme réel, les révolutions de
l'information, de l'écologie (le sommet de la terre à Rio date de 1992) sont en marche. La
polémologie elle aussi est en cours de révolution avec l'émergence et le succès des guerres
asymétriques comme en Afghanistan où les Soviétiques sont empêtrés.

Au total, selon le général de La Maisonneuve, dans La violence qui vient (1997) en deux ou trois
décennies, le monde aurait plus changé que les pendant les trois siècles précédents, et sans
doute autant que lors de la Renaissance, lors du basculement de nos sociétés du système féodal
aux Temps modernes.

9 LAAROUSSI Mohamed, 1ère Année ECS –HGGMC-

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