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MODULE II : La Mondialisation contemporaine – HGGMC – ECS – 2020 - NADOR

MODULE II : La mondialisation contemporaine : rapports de force et enjeux.

Chapitre 1 : La mondialisation : acteurs, dynamiques


et espaces.

A la fin de l'année 1930, il est impossible d'ignorer la Grande Dépression : des millions de personnes sont
sans emploi, les frontières se ferment et les partis extrémistes font recette. La mondialisation, entendue au sens
de l'ouverture et de l'interdépendance des économies de marché, bat visiblement de l'aile et, à Moscou, la
Troisième Internationale annonce déjà que la dernière crise du capitalisme vient de commencer.
Le célèbre économiste anglais John Maynard Keynes est interrogé sur son sentiment quant aux perspectives
de l'économie mondiale et les journalistes s'attendent à une réponse pessimiste qui serait bien dans l'air du
temps. Keynes répond tranquillement « Le moteur a simplement calé à la suite d'une fausse manœuvre. Mais
ce n'est pas parce que nous avons des problèmes de batterie qu'il faut en conclure que nous devrons bientôt
rouler de nouveau en chariot et que l'automobile a fait son temps. ».
La mondialisation est un phénomène ancien qui connaît une accélération depuis les années 1980. C’est un
processus de mise en concurrence des territoires par le capitalisme libéral anglo-saxon. La mondialisation est
organisée par un certain nombre d’acteurs étatiques et privés. La mondialisation déchaîne les passions
notamment dans les vieilles nations industrielles d’Europe ou d’Amérique du Nord qui se sentent menacées
par la croissance économique de nouveaux pays. Elle a généré d’importants flux qui ont, à leur tour, modifié
la hiérarchie économique mondiale.
La mondialisation est donc au final un sujet de fort débat dans plusieurs aspects. Pour s’y faire il est important
d’abord de se concentrer sur l’aspect conceptuel avant de voir les acteurs, l’évolution des systèmes productifs
et les problématiques et défis des espaces dans la mondialisation.

Section I : La mondialisation concept et histoire :

I. Cadre conceptuel et historique de la mondialisation :

• Internationalisation : c’est un processus qui caractérise le développement des relations


économiques entre les nations. A l’internationalisation des échanges, caractérisée par l’accroissement
du volume des biens et des services échangés, s’est ajoutée l’internationalisation de la production.
• La mondialisation :
- Intégration économique mondiale qui va au-delà de l’internationalisation des échanges de
marchandises, de services ou de capitaux et qui se caractérise par une mobilité parfaite des capitaux et par
une concurrence accrue entre les firmes des nations.
- Expansion et l'harmonisation des liens d'interdépendance entre les nations, les activités humaines et
les systèmes politiques à l'échelle du monde. Ce phénomène touche les individus dans la plupart des
domaines avec des effets et une temporalité propre à chacun. Il évoque aussi les transferts et les échanges
internationaux de biens, de main-d'oeuvre et de connaissances.
- Processus d’intégration des nations dans un espace économiques mondial qui tend à échanger aux
régulations étatiques nationales.

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• Les facteurs favorisant l’accélération du mouvement de la mondialisation :


- La recherche d’une production à moindre coût (main d’œuvre qualifiée bon marché);
- La naissance des Paradies fiscaux ;
- L’accélération de l’internationalisation des échanges ;
- L’essor des IDE ;
- La révolution en matière des transports et de télécommunications ;
- la multiplication des accords commerciaux : accords de libre-échange.

La mondialisation donc se caractérise par une expansion des flux d'échanges, de capitaux et d'informations,
ainsi que par la mobilité internationale des personnes. Ce n'est pas un phénomène nouveau la
mondialisation, au sens défini précédemment, commence vers 1820. La fin du XIX' siècle et le début du
XXe siècle, ainsi que la seconde moitié du XXe siècle ont été les périodes de plus forte croissance soutenue
de l'histoire mondiale. Il semble que les pays qui se sont ouverts au reste du monde obtiennent de meilleurs
résultats que les autres. Il est important donc de s’intéresser aux grandes étapes historiques de
développement de ce processus de mondialisation.

II. Les principales phases de la mondialisation


Le phénomène de mondialisation est intrinsèquement lié au développement du capitalisme dans le monde.
La mondialisation n’est pas linéaire et on la divise traditionnellement en trois phases.
• La première mondialisation commence sous la forme d’un capitalisme marchand. A la
fin du XVe siècle les Européens se lancent dans des voyages d’exploration et ils se constituent des empires
coloniaux. Ces premiers empires se disloquent au
XVIIIe et au début du XIXe siècles.
• La seconde mondialisation débute au XIXe siècle pour accompagner l’essor du
capitalisme industriel. Les pays européens se lancent dans l’industrialisation. Les entreprises recherchent
des matières premières à bas prix et des débouchés. Les
États font la conquête de nouvelles colonies en Afrique et en Asie du sud. Les flux commerciaux s’exercent
désormais à l’échelle mondiale. Deux économies-monde se succèdent : anglaise (vers 1850) puis
américaine (à partir de 1918).
Entre 1929 et 1945, la mondialisation subit un coup d’arrêt en raison de la dépression mondiale, de la
montée des totalitarismes et de la Seconde Guerre mondiale. Après la guerre, les États-Unis réorganisent
le monde (Conférence de Bretton Woods qui crée le FMI et la Banque mondiale) et imposent en 1947, le
libre-échange par les Accords du GATT : les pays signataires baissent leurs droits de douanes pour relancer
le commerce. Le GATT devient en 1995 l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce).
• La troisième mondialisation commence à la fin des années 1960 quand les colonies
deviennent indépendantes et elle s’accélère à partir des années 1990 quand le communisme disparaît. On
parle alors de « globalisation ». Tous les pays adoptent le modèle capitaliste libéral, même ceux qui
conservent une référence au communisme (Chine...). Le capitalisme prend une forme financière car le
secteur de la finance qui a été dérégulé (réformes de Margaret Thatcher au Royaume-Uni et de Ronald
Reagan aux Etats-Unis) impose désormais ses règles aux autres secteurs de l’économie (rentabilité très
forte, publication régulière de résultats, primauté de la rémunération de l’actionnaire).

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Encadré : Aspect historique de la mondialisation


Repli et réouverture des économies au XXe siècle manufacturés entre pays avancés (européens notamment) qui
forment la composante la plus dynamique du commerce
L'équilibre dynamique du XIX' siècle - formation d'économies mondial. Puis la mise en place d'une division internationale
nationales dominantes autocentrées, mais de plus en plus des processus de production, sous l'égide des multinationales,
ouvertes - subit une première rupture avec la guerre de 1914 accélère l'érosion des avantages comparatifs et entraîne, pour
et la mise en place d'économie de circuit totalement contrôlée nombre de biens industriels, l'inversion des soldes
par des États qui entament une montée en puissance. D'autres commerciaux au profit des économies émergentes. Les réseaux
ruptures suivront, encore plus marquées : la crise de 1929, la des firmes multinationales transcendent les frontières,
Seconde Guerre mondiale. échappant aux régulations nationales.
D'une mise en perspective historique, ressort d'emblée LA COMPARAISON DES DEUX MONDIALISATIONS
l'extrême violence des chocs du XXe siècle. Le protectionnisme CONTEMPORAINES
radicalement nouveau des années 1930 (contingentements,
contrôle des changes, dépréciations monétaires volontaires...) De nombreux auteurs se sont attachés à mettre en rapport la
provoque, contrairement à celui des années 1880, une mondialisation d'avant la Première Guerre mondiale et la
dislocation de l'économie internationale, une véritable crise de mondialisation contemporaine. Dans quelle mesure notre
la mondialisation. La contraction des échanges, presque aussi mondialisation est-elle plus forte que celle d'avant 1913 ?
brutale pour la France que pour les pays qui ont choisi l’« Laquelle des deux phases de globalisation est la plus intense ?
autarcie », annule en quelques années toute la progression du Ce débat est apparemment ouvert.
demi-siècle précédent. Les flux migratoires, les flux de
capitaux (émissions internationales ou crédits bancaires) à Les appréciations qualitatives - inévitablement fondées sur des
l'exception partielle des investissements directs, se sont représentations - éclairent en définitive assez peu la question.
quasiment taris au cours des années 1930. L'intégration Certains auteurs font ressortir le caractère radicalement
financière internationale atteint un creux à partir de 1929 et nouveau de l'actuelle globalisation, d'autres le nient tout aussi
dans le même temps les échanges commerciaux se farouchement. Ainsi Henri Bourguinat insiste-t-il sur le
restreignent. Ces mouvements simultanés traduisent la caractère révolutionnaire des technologies actuelles capables
multiplication des obstacles et contrôles. Les politiques de de réduire les contraintes de temps et d'espace ; il met en avant
relance cherchent une issue à la dépression dans le cadre le cybermonde « ce fait intrinsèquement nouveau qui
national. Mais leur succès limité, surtout aux États-Unis et en disqualifie pour l'essentiel la thèse niant la nouveauté de la
France, où les pics d'activité de 1929 ne sont toujours pas globalisation » (1998). Mais Bourguinat va curieusement
retrouvés en 1938, conduit à faire de la réouverture sur beaucoup plus loin en dénonçant « le négationnisme » érudit
l'extérieur une priorité pour les gouvernements occidentaux mais un peu daté de ceux qui veulent analyser la situation
dès la fin de la Seconde Guerre mondiale. d'aujourd'hui ô la lumière des réalités d'hier » : la
comparaison aurait-elle si peu de sens que l'historien-
La nouvelle expansion du commerce international se économiste perdrait son temps à vouloir déceler les
singularise, depuis la fin des années 1940, par sa durée et sa enseignements de ce passé ?
régularité. Le rebond de l'immédiat après-guerre est suivi
d'une accélération continue, avec une croissance moyenne du Daniel Cohen défend la thèse contraire avec la même force : «
volume des exportations mondiales de 6,1 % par an sur 1953- La révolution des communications, présentée aujourd'hui
1958, 7,4 % sur 1958-1963, 8,3 % sur1963-1968, 9,2 % sur comme la grande nouveauté du XX!' siècle, s'est en effet déjà
1968-1973, presque le double du taux de croissance (pourtant produite une première fois au XIX' siècle. Le télégraphe, le
exceptionnel) du PIB mondial durant les Trente Glorieuses ; chemin de fer, le téléphone ont, en leur temps, bouleversé les
et cet écart de 2 à 1, synonyme d'ouverture croissante, se distances de manière beaucoup plus radicale qu'internet
maintiendra par-delà le ralentissement global des années aujourd'hui » (2004). Et Cohen de retrouver le monde d'avant
1970. La continuité du processus implique qu'on ne peut 1913 décrit par Keynes dans Les conséquences économiques
assigner sans arbitraire une date précise au début de la de la paix : « un habitant de Londres pouvait en dégustant son
seconde mondialisation ». Mais il est clair que la reprise du thé du matin, commander, par téléphone, les produits variés
commerce international a devancé celle des investissements de toute la terre en telle quantité qui lui convenait, et s'attendre
directs (notamment américains) dans les années 1960 et la à les voir bientôt déposés à sa porte ; (...) il pouvait décider
libération des flux de capitaux au seuil des années 1980. d'unir sa fortune à la bonne foi des habitants d'une forte cité,
L'essor global des échanges s'accompagne de mutations d'un continent quelconque (...). Il pouvait, sur le champ, s'il le
structurelles. Ce sont d'abord les échanges de produits voulait (...) aller dans un pays ou une région quelconque, sans
passeport ni aucune formalité (...). Il se serait considéré
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comme grandement offensé et aurait été fort surpris du transformations qualitatives dans le domaine du «
moindre obstacle » (1920, pp. 20-21). concernèrent », de la mobilité des acteurs, dans la diffusion de
l'information doivent inévitablement avoir des répercussions
Dans quelle mesure les approches quantitatives peuvent-elle quantitatives : si la mondialisation est partout, on doit la
éclairer le débat, à défaut de le trancher ? Car ces retrouver dans les chiffres de l'ouverture !
Trois dimensions mesurables de l'ouverture économique sont traditionnellement distinguées (elles sont déjà en filigrane dans le texte de
Keynes) : une dimension humaine, une dimension financière et une dimension commerciale.
Les historiens économistes font ressortir l'intensité exceptionnelle des mouvements migratoires de l'Europe vers l'Amérique entre les
années 1840 et 1910 et notamment le pic record de la période 1895-1910. Jamais de tels niveaux n'ont été retrouvés sur la période récente
caractérisée par un contrôle des flux migratoires Sud-Nord (Leboutte (2002)).
De même, ils insistent sur le haut niveau de l'intégration financière internationale en régime d'étalon-or classique. En combinant plusieurs
indicateurs Obstfeld et Taylor (2004) tendent à confirmer la vision d'une intégration financière internationale très forte fin 19' début
vingtième qui n'aurait été retrouvée que très récemment dans les années 1990. Paul Bairoch (2002) insiste sur l'importance du stock
d'investissements directs étrangers à la Belle Epoque, il culmine en 1913 pour les pays d'Europe occidentale à 20-22 %, ce maximum
historique n'a pas été retrouvé dans les années 1990. Sur la base des seules dimensions humaines et financières, la « balance » pencherait
plutôt en faveur de l'avant 1914... Mais évidemment d'un point de vue analytique, comme d'ailleurs sur celui des effets réels
d'entraînement, la dimension commerciale de l'ouverture est la plus décisive. En pourcentages du PIB les exportations atteignent des
niveaux élevés à la veille de la Première Guerre mondiale qui, eux aussi, ne seront dépassés qu'assez tard à la fin du XXe siècle. Notre
ouvrage privilégie cet angle d'attaque de la mesure de l'intensité de la mondialisation. Nous proposons de mettre successivement en
perspective historique les dimensions commerciale et financière de la mondialisation entre le début du XIX' siècle et le début du XXI'
siècle.
Bertrand BLANCHETON, Histoire de la mondialisation, Debeock, 2008.

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Les effets sur l’aspect culturel de la mondialisation :

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