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POUR UNE GESTION DURABLE DES FORÊTS TROPICALES É D I T I O N S

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Quelques éclaircissements s’imposent !
LES TRAITEMENTS DU BOIS
Pourquoi traiter le bois ?
Le traitement d’un bois vise à améliorer ses que le bois peut contenir, on parle alors de
performances de durabilité1 lorsqu’elles traitement curatif.
sont insuffisantes pour un usage ciblé, on
parle dans ce cas de traitement préventif. La performance des procédés dépendent de
Celui-ci n’est pas indispensable si la durée l’imprégnabilité2 du bois, de la technique, du
de vie attendue est faible (exemple  : piquet matériel et éventuellement du produit utili-
de tomate en peuplier). sé. Il existe différents types de traitement  :
Egalement, il peut être réalisé dans le but de chimique, thermique ou une combinaison
se débarrasser des agents de dégradation des deux.

Les traitements chimiques biocides


En général, la formulation d’un produit sés phénoliques… Mais la grande difficulté
chimique est élaborée avec  : des matières réside dans la façon de les faire pénétrer
actives biocides3, des molécules qui vont dans le bois et de les fixer. Cette tâche est
permettre de fixer ces matières actives sur beaucoup plus aisée pour l’arbre qui le fait
le bois, et un solvant (pétrolier ou eau) qui progressivement tout au long de sa vie au fur
permet de véhiculer l’ensemble dans le bois et à mesure de sa croissance.
avant de s’évaporer. Les matières actives Très souvent, les principes actifs ciblent
peuvent être des substances minérales (sels un agent de dégradation du bois  : champi-
métalliques) ou des substances de synthèse gnons lignivores4, champignons lignicoles5,
plus ou moins complexes. Plusieurs molé- insectes à larves xylophages6, termites… Les
cules ont été élaborées à partir des molé- produits de traitement peuvent combiner
cules qui sont naturellement présentes dans plusieurs principes actifs et couvrir ainsi un
les bois  : tanins, acides, terpènes, compo- large champ d’action.

1. Résistance du bois aux agents de dégradation biologique 4. Qui se nourrit du bois


2. Capacité du bois à absorber un liquide 5. Qui vit dans le bois
3. Littéralement « qui tue la vie » 6. Qui mange le bois

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L’application du produit s’effectue selon différentes techniques :

• Badigeonnage (pinceau)
• Aspersion (buse)
• Trempage (bac)
• Vide/pression (autoclave7)

Le « traitement à cœur » est souvent un 4 » est un bois à durabilité conférée adapté
abus de langage car, dans la majorité des à la classe d’emploi 4 (avec une garantie
cas, le produit de traitement ne se retrouve variant entre 3 et 5 ans seulement). Cette
pas dans tout le volume de la pièce de bois appellation erronée créée une confusion
mais en périphérie sur une profondeur chez les utilisateurs (cf. fiche durabilité).
variable. Même si ce type de matériel permet
une application plus efficace, la durabilité Ces mêmes normes prévoient que celui
conférée du bois traité dépend notamment qui effectue le traitement soit en mesure de
de son imprégnabilité, de l’humidité initiale fournir une attestation de traitement. Cette
du bois, du produit chimique utilisé, des pres- attestation est un engagement déclaratif qui
sions appliquées et de la durée des cycles. Il garantit que le bois a été traité selon des
est fréquent de voir le terme « bois autocla- caractéristiques de produit, de pénétration
vés  » utilisé par les professionnels comme et de rétention, pouvant être vérifiées à posté-
une solution miracle à des fins marketings riori dans le cadre d’un contrôle de conformité.
– ce terme se réfère à un procédé d’applica-
tion, non pas aux performances que celui-ci Depuis le 1er juin 2007, la réglementation
confère au bois. REACH (enregistrement, évaluation, autorisa-
tion et restrictions des substances chimiques)
Autre difficulté, la performance des bois trai- restreint l’utilisation des produits biocides à
tés est affichée par les professionnels, à la travers des concentrations maximale auto-
demande des normes, à travers une classe risées dans le bois, compte tenu des effets
d’emploi. Exemple  : un bois «  traité classe nocifs sur l’homme et son environnement.

Les éléments indésirables suivants sont notamment recherchés par les instances de contrôle : 

• Pentachlorophénol (PCP) ;
• Polychlorobiphényles (PCB) ;
• Carbendazine, chlorothalonil…
• Métaux lourds : plomb, cadmium, mercure… ; 
• Substances faisant l’objet de restrictions dans l’annexe XVII de REACH
(composés de la créosote, de l’arsenic, du chrome et du cadmium
et les composés du bore et de ses dérivés).

La DGCCRF considère que les bois de couleur ganique ou à base d’oxyquilonéate de cuivre.
verte (couleur dans la masse) pourront faire en Remarque  : cette couleur verte se retrouve
particulier l’objet d’une recherche de traces parfois dans les nouvelles formulations sous
d’un traitement à base de cuivre, comme avec la forme de colorant, uniquement pour
les produits de type CCA (Cuivre Chrome Arse- rappeler au consommateur la performance
nic), CCB (Cuivre Chrome Bore), Cuivre-or- des produits désormais interdits en Europe.

7. L’autoclave est une enceinte dans laquelle des cycles de vide et pression (procédé Béthell) amènent le
produit de chimique à pénétrer dans le bois sur une profondeur plus importante que par trempage.

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Aussi, dans un défi permanent les chimistes des bois les plus durables naturellement
sont contraints d’élaborer de nouvelles (exemple : Azobé, Ipé, Teck…), et tout usinage
solutions le moins biocide possible selon les ultérieur au traitement met à nu une zone
exigences réglementaires et le plus biocide de bois dont la durabilité est plus faible que
possible selon les exigences industrielles. A celle attendue. Aucun moyen ne permet de
cela, l’efficacité reste à démontrer en labora- lui rendre le niveau de protection initial sur
toire à défaut de retour d’expérience terrain. le terrain. (Les techniques de trempage et
d’autoclave sont réservées aux traitements
Ces techniques permettent de conférer préventifs industriels, non applicables en
une durabilité plus importante aux bois de retraitement des coupes, qui peut se faire
faible durabilité naturelle ou de moindre uniquement par pulvérisation et badigeon-
valeur. Cependant cette durabilité conférée nage et qui confère un niveau de protection
n’atteint jamais sur le long terme le niveau moindre.)

Le traitement à la créosote
La créosote est un produit d’usage courant pas de solvant, tout le produit introduit est
réservée exclusivement à des utilisations appelé à rester dans le bois traité, pendant
spécifiques  : préservation des traverses de la durée de service requise.
chemin de fer et des poteaux de ligne. Elle
diffère des autres produits chimiques par L’efficacité de la créosote est essentiel-
deux particularités. D’une part, les subs- lement due à la formation de molécules
tances actives sont un ensemble de très toxiques et certaines hautement-cancéri-
nombreuses molécules issues de la distil- gènes (phénols solubles et benzo-a-pyrènes
lation de la houille (entre 100 et 500°C). notamment). Le traitement à la créosote est
D’autre part, son application ne nécessite réglementé.

Le traitement ISMP/NIMP 15
Les «International Standards for Phytosani- pendant 30 minutes au moins. Ces condi-
tary Measures» (ISPM/NIMP) sont établies tions sont létales pour les insectes sous
par la «  Convention internationale pour la toutes leurs formes (œufs, larves, nymphes,
protection des végétaux » (IPPC), rattachée imagos8). Le séchage à l’étuve (KD - kiln-dry,
à l’Organisation des Nations Unies pour cf. fiche humidité), est considéré satisfaisant
l’alimentation et l’agriculture (FAO). Cette à cette disposition, à condition que les valeurs
norme prévoit des mesures pour limiter prescrites d’humidité ciblées soient atteintes.
le risque d’apparition et de dissémination
d’organismes nuisibles présents dans les Il s’agit d’un traitement curatif sans garantie
emballages en bois. dans le temps (non préventif). La fumigation
Le traitement consiste à chauffer le bois à est une autre technique répondant à cette
une température à cœur minimale de 56°C exigence.

Le traitement par fumigation


La fumigation est un traitement du bois à France, cette opération doit être effectuée
l’aide de gaz toxiques : Bromure de méthyle, par une entreprise agréée par le Ministère
acide cyanhydrique, phosphure d’hydrogène, de l’Agriculture (liste disponible après des
oxyde d’éthylène, gaz carbonique, etc. En DRAAF).

8. Insecte à l’état adulte

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Le traitement thermique
Le bois doit en premier lieu être séché avant La durabilité est d’autant améliorée que les
d’être placé dans une enceinte sous atmos- molécules préférentiellement consommées
phère contrôlée, avec des gaz inertes (prin- par les agents xylophages sont dégradées.
cipalement de l’azote) et sans oxygène pour
éviter la combustion du matériau (oxyda- Dans cette dégradation, la densité, la dureté
tion). Ensuite la température est augmentée et les propriétés mécaniques sont amoin-
progressivement jusqu’à une température dries, ce qui permet parfois l’infestation par
maximale comprise entre 180°C à 250°C. Le des organismes lignicoles.
traitement modifie les constituants les plus Les singularités (fentes, nœuds, poches de
hydrophiles. Enfin, le bois est refroidi jusqu’à la résine…) provoquent durant le traitement des
température ambiante. La durée totale du trai- détériorations (déformations ou fentes) très
tement varie entre 10 et 25 heures selon l’es- importantes. De ce fait, les bois sans aucun
sence, l’épaisseur et le type de procédé utilisé. défaut et droit de fil sont généralement sélec-
tionnés. Lorsque les cernes d’accroissement
Par ce type de traitement, les molécules de sont très marqués, des décollements de
cellulose, l’amidon et les différents sucres, cernes et des fentes sont possibles.
qui sont les principaux aliments des cham- La maitrise de l’homogénéité de la densité
pignons de pourriture, sont cassés. Egale- des bois est un facteur fondamental, sans
ment, les reprises d’humidité sont fortement lequel les bois les plus denses ne seront pas
réduites et les variations dimensionnelles assez « cuits » et les bois les moins denses
(retrait-gonflement) sont très atténuées. seront trop « cuits ».
Pour ces raisons, le développement des Enfin les radicaux permettant l’accroche des
champignons lignivores ou lignicoles est molécules d’eau sont beaucoup plus rares,
généralement plus limité voire quasi absent ce qui fait que le collage ou l’application des
(selon le procédé de traitement thermique finitions deviennent très difficiles.
mis en œuvre). Le bois est plus brun avec
une odeur de cuisson. Le traitement ther- Certains industriels utilisent par ce procédé
mique ne protège par contre pas le bois les appellations (parfois protégées) de « bois
contre les attaques de termites souterrains. rétifiés » ou « bois torréfiés ».

Le traitement par acétylation


L’acétylation consiste en une substitution des traitement. L’acétylation est un processus
atomes d’hydrogène actifs (groupes hydroxyles lent qui peut être accéléré par l’utilisation
libres) par des groupes acétyle. L’anhydride d’un solvant et/ou d’un catalyseur.
acétique est couramment utilisé comme Les essences susceptibles d’être traitée
agent d’acétylation. Il est également utilisé par acétylation doivent présenter une bonne
dans la synthèse de l’aspirine et de l’héroïne. imprégnabilité. Les essences de faible densi-
té (et faible durabilité naturelle) se prêtent
La réaction du bois à l’anhydride acétique plus facilement à l’acétylation  : peuplier,
est un processus exothermique9. La tempé- aulne, certains pins (radiata)…
rature du bois doit être contrôlée pour éviter
une altération thermique. Egalement la Certains industriels commercialisent le
réaction génère de l’acide acétique comme bois traité sous un nom masquant les proprié-
sous-produit qui doit être extrait en fin de tés originelles de l’essence, exemple : Accoya.

9. Qui libère de la chaleur

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Ces mêmes industriels prétendent par le Les produits traités par acétylation n’ont
traitement d’acétylation de conférer à « des été introduit sur le marché européen depuis
essences à croissance rapide, des proprié- moins d’une dizaine d’années. Il est donc
tés égales ou supérieures aux essences encore trop tôt pour garantir des perfor-
tropicales ». Cependant, le traitement n’est mances dans le temps supérieures à cette
pas effectif dans toute la masse (sauf faibles durée ; la stabilité des groupes acétyles face
épaisseurs et bois reconstitués), sa stabi- aux variations de température, aux UV ou
lité dans le temps reste à démontrer et les des sollicitations mécaniques (érosion de
propriétés mécaniques des bois acétylés l’eau, passage des piétons…) doit encore être
n’atteindront jamais celles des bois tropicaux. démontrée dans la durée de l’utilisation.

Le traitement par furfurylation


La furfurylation est une technique qui choisi de commercialiser le bois furfurylé sous
consiste à imprégner le bois d’une solu- un nom masquant les propriétés originelles de
tion d’alcool (et de polyalcools) furfurylique l’essence, exemples : VisorWood ou Kebony.
qui est ensuite polymérisée sur la paroi des Egalement ces produits ont été récem-
cellules. L’alcool furfurylique est un dérivé ment mis sur le marché et la durabilité dans
obtenu à partir de nombreuses plantes (dont le temps ne peut pas encore être garantie.
le son qui porte le nom latin de furfur). Même si les propriétés mécaniques du
Les molécules d’alcool furfurylique se bois traité par ce procédé soient augmen-
fixent sur le bois dans des conditions de tées, elles n’atteignent pas celles des bois
pH acide et sous une température élevée tropicaux les plus résistants. Bien que les
(entre 100°C et 150°C). Dans ces conditions alcools furfuryliques soient obtenus par des
la lignine et la cellulose qui vont recevoir plantes, la notion de « chimie verte » utilisée
le polymère se dégradent. Le bois furfurylé dans le but de rassurer commercialement
devient hydrophobe et plus durable vis-à- le consommateur nécessite cependant des
vis des agents de dégradation biologiques. procédures et des contrôles soignés.
Ce traitement génère parallèlement une Par ailleurs, l’évolution dans le temps de
augmentation de la masse volumique (WPG : ces produits (furfurylés et acétylés) n’est
Weight Percent Gain) de 0 à 125 % qui s’ac- pas encore suffisamment maitrisée, on peut
compagne d’une dureté et de propriétés donc s’interroger sur les risques sanitaires à
mécaniques accrues et d’une meilleure stabi- moyen ou long terme (contact direct avec la
lité (réduction des coefficients de retrait). peau des utilisateurs, dégagement progres-
Tout comme l’acétylation, les industriels ont sif de composés volatiles…)

L’évaluation de la durabilité
Le principe des essais en laboratoire est de milieux sévères (chaleur, humidité, sec, UV…)
mettre en contact direct un matériau et un en alternance et par cycle. Ces deux modes
agent de dégradation biologique dans des d’évaluation peuvent donner une idée du
conditions optimum de développement et comportement réel du bois en service, mais
de mesurer la dégradation du matériau (par les agents biologiques sont des organismes
perte de masse). Les essais sont répétés vivants qui nécessitent du temps pour se
avec différents agents mais ils ne peuvent développer. La performance évaluée en labo-
pas être exhaustifs ni prendre en compte des ratoire n’est pas toujours à la hauteur de celle
effets synergiques entre agents ou avec le attendue sur le terrain. La durabilité des bois
milieu environnant. Le « vieillissement accé- tropicaux est connue à travers une expérience
léré » consiste à placer le matériau dans des d’utilisation sur plusieurs siècles.

Fair&Precious recommande Document réalisé par Patrick MARTIN.


l’achat de bois tropical certifié
FSC® et PEFC-PAFC.

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