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Document de référence sur le genre, l’innovation et la technologie en Afrique

sur le thème de la CSW67


« L’innovation, le changement technologique et l’éducation à l’ère numérique pour parvenir à
l’égalité des sexes et à l’autonomisation de toutes les femmes et les filles en Afrique. »

Ce rapport présente les opportunités à saisir et les lacunes à combler dans le secteur des technologies et
de l’innovation afin de parvenir à l’égalité des sexes pour les femmes et les filles africaines. 

Du Dr Chao Mbogho (PhD), fondateur et directeur général de KamiLimu, responsable du Défi de


l’informatique responsable de Mozilla, au Kenya

1. Introduction
La technologie a eu un impact sur la quasi-totalité des aspects de nos vies – communication, travail,
relations, économies, industries, gouvernements – et sur des communautés entières. L’invention des semi-
conducteurs et des microprocesseurs dans les années 1950 a donné naissance aux ordinateurs domestiques
dans les années 1970 et à l’Internet dans les années 1980. Dans les années 2000, les téléphones cellulaires
et les ordinateurs personnels ont fait leur apparition sur le marché et, dès les années  2010, ces appareils
étaient accessibles aux populations dans le monde entier. Aujourd’hui, depuis les villages reculés
jusqu’aux grandes villes « qui ne dorment jamais », une technologie comme le téléphone portable s’est
répandue à travers le globe, si bien que le nombre de personnes équipées d’un smartphone dépasse
probablement celui des personnes disposant d’eau courante 1. En Afrique, 88,4 % du continent bénéficie
d’une couverture cellulaire mobile2. En Afrique, par-delà les frontières, l’ère de « l’argent liquide roi » a
fait place aux paiements numériques, les transactions électroniques ayant généré jusqu’à 24 milliards de
dollars de chiffre d’affaires pour la seule année 20203. Et la pandémie de COVID-19 a accéléré la création
et l’utilisation d’innovations, numériques ou non, dans tous les secteurs, de la santé à l’éducation. Ces
progrès montrent que la roue tourne dans le paysage technologique mondial et africain, une situation
stratégique pour participer et contribuer à la quatrième révolution industrielle (4RI).
La technologie est un moteur essentiel de la quatrième révolution industrielle, étant donné la croissance
sans précédent des technologies de l’information et de la communication (TIC) qui s’immiscent
progressivement dans notre vie quotidienne. Les technologies émergentes telles que l’intelligence
artificielle (par exemple les assistants vocaux des smartphones), l’Internet des objets (comme les bracelets
connectés), le big data (comme les données utilisées dans les prévisions pour l’agriculture intelligente) et
les réseaux sans fil de cinquième génération (5G), offrent toutes la promesse de faire avancer le monde.
Comme l’a déclaré le professeur Klaus Schwab, fondateur du Forum économique mondial (FEM), ces
bouleversements technologiques ont le potentiel de connecter des milliards de personnes supplémentaires
aux réseaux numériques, d’améliorer considérablement l’efficacité des organisations, d’augmenter les
niveaux de revenus mondiaux, d’améliorer notre qualité de vie, et même de gérer les ressources d’une
manière qui peut aider à reconstruire notre environnement, en annulant potentiellement les dégâts des
précédentes révolutions industrielles4. Et comme l’affirme un rapport de la Commission économique des
Nations unies pour l’Afrique (CEA), les tendances technologiques actuelles sont en train de révolutionner
le développement et la durabilité du futur marché du travail, qui dépendent fortement des sciences, de

1
Clark, J., 2017. Cisco: By 2021 more people will have smartphones than running water
2
UIT, 2021. Digital trends in Africa 2021 (Tendances dans le domaine du numérique en Afrique pour 2021)
3
McKinsey & Company, 2022. The future of payments in Africa
4
Schaub, K., 2017. The Fourth Industrial Revolution
l’ingénierie et des mathématiques (STIM)5. Ainsi, la quatrième révolution industrielle, avec les avantages
potentiels et l’impact sur la vie humaine qui l’accompagnent, impose une reconversion et un renforcement
des compétences par l’acquisition de compétences à l’épreuve du temps, notamment des compétences
techniques élémentaires ou avancées, des compétences dans le domaine de la résolution de problèmes, de
la conception des technologies et la programmation, ainsi que de l’apprentissage actif 6. Par conséquent,
pour participer pleinement à cette révolution industrielle, il est impératif de redonner la priorité aux
connaissances, aux outils et aux politiques qui permettront aux personnes d’utiliser, de créer et
d’influencer les innovations développées. En outre, dans l’intérêt de tous et pour tenir compte des
diverses façons dont les technologies affectent les hommes et les femmes, l’inclusion du genre devrait
être au cœur de la quatrième révolution industrielle.
Si la quatrième révolution industrielle promet de grands avantages, son ampleur, sa vitesse et son rythme
risquent de creuser des fossés déjà existants, comme l’inégalité entre les sexes. Si les femmes et les filles
n’acquièrent pas les compétences nécessaires pour s’épanouir dans cette révolution, elles ne seront pas
insérées dans les futurs marchés du travail ou associées aux gains économiques et elles seront également
laissées pour compte lorsque les emplois du futur commenceront à émerger et à prendre forme 5. Cette
inégalité aurait un impact particulier sur les femmes et les filles en Afrique, où les inégalités numériques
et sociales entre les sexes sont déjà élevées. Pourtant, les femmes représentent 50 % de la population
africaine7 et méritent l’égalité des chances et des droits dans l’environnement technologique. Cependant,
les femmes et les filles d’Afrique ne bénéficient pas d’une représentation proportionnelle dans
l’utilisation et la création des technologies et subissent souvent le poids de leurs effets néfastes. Par
exemple, c’est en Asie du Sud et en Afrique subsaharienne que l’écart entre les sexes en matière
d’utilisation de l’Internet mobile est le plus important, tandis que celui lié à la possession de smartphones
a augmenté en 20228. En outre, la pandémie de COVID-19 a creusé les disparités entre les sexes dans
l’accès à l’éducation9, à la santé et à l’emploi 10. Par ailleurs, des compétences numériques insuffisantes
exposent les femmes et les filles à un risque en ligne plus élevé que les hommes et les garçons 11. De plus,
lorsque les femmes n’ont qu’un accès limité aux téléphones mobiles et à Internet ou qu’elles n’ont pas de
connaissances numériques, l’introduction de services sociaux et gouvernementaux en ligne accentue leur
exclusion et entraîne des conséquences négatives telles que des retards de paiement 12. Ainsi, le fossé
numérique entre les sexes entraîne des « innovations excluantes », une culture numérique insuffisante
chez les femmes et des coûts économiques élevés, entre autres inconvénients.

Alors que le fossé numérique entre hommes et femmes persiste en Afrique, les pays ont progressé dans la
simplification des réglementations, le soutien aux écosystèmes technologiques et la conception
d’innovations au profit de l’économie sociale. Par exemple, après la Tunisie, le Sénégal est devenu le
deuxième pays africain à promulguer une loi sur les start-ups qui soutient l’entrepreneuriat et dont
l’adoption a reposé sur un processus participatif et collaboratif entre les parties prenantes 13. En outre,
l’expertise technique des programmeurs africains a permis d’augmenter le nombre de contributions à
5
CEA, 2021. Harnessing productive jobs: equipping women and girls with the skills of tomorrow (Mise à profit des emplois
productifs : doter les femmes et les filles des compétences de l’avenir)
6
Whiting, K., n.d.. These are the top 10 job skills of tomorrow – and how long it takes to learn them
7
Banque mondiale, 2021. Population, femmes (% du total) - Afrique subsaharienne
8
GSMA, 2022. The Mobile Gender Gap Report
9
Amaro, D., Pandolfelli, L., Sanchez-Tapia, I., Brossard, M., 2020. COVID-19 and education: The digital gender divide among
adolescents in sub-Saharan Africa
10
Banque mondiale, 2022. Assessing the Damage: Early Evidence on Impacts of the COVID-19 Crisis on Girls and Women in
Africa (Évaluation des dégâts : premiers éléments factuels concernant les impacts de la crise de la COVID-19 sur les filles et les
femmes en Afrique)
11
UNICEF, n.d. What we know about the gender digital divide for girls (Ce que nous savons sur la fracture numérique entre les
sexes pour les filles)
12
Molala, T., Makhuele, J., 2021. The connection between digital divide and social exclusion
13
Création et promotion de la startup. Loi Nº2020-01, 2020
GitHub14, la plus grande plateforme d’hébergement de code au monde. Le Nigeria, l’Éthiopie, le Ghana,
le Kenya et le Maroc ont enregistré une croissance minimale de 30 % du nombre de nouveaux
développeurs sur la plateforme en 2021 15. Les approches innovantes en Afrique sont également allées au-
delà des seules formes numériques, comme le montre notamment le Programme de productivité agricole
en Afrique de l’Ouest, dans lequel 13 pays ont participé au développement de cultures adaptées au
changement climatique16. Malheureusement, malgré ces progrès réglementaires, ces innovations sur le
terrain, le développement des talents technologiques et l’attrait des investisseurs pour le secteur sur le
continent africain, les femmes et les filles accusent toujours un retard dans l’utilisation et la création de
technologies et d’innovations. Pourtant, pour atteindre les ambitieux Objectifs de développement durable
(ODD)17, les femmes et les filles d’Afrique doivent être pleinement associées à la révolution industrielle
du continent, de façon à répondre à la vision de l’Agenda 2030 selon laquelle personne ne doit être laissé
pour compte18.

L’intégration de la dimension de genre dans les innovations et les progrès technologiques est soutenue par
la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) 19,
qui appelle à la réalisation de l’égalité entre les hommes et les femmes en assurant aux femmes l’égalité
d’accès et de chances dans la vie publique et politique, la santé, l’éducation et le travail. La Déclaration et
le Programme d’action de Beijing de 1995 sont le fondement de la vision de la CEDAW et s’engagent à
faire progresser l’égalité, le développement et la paix pour toutes les femmes du monde dans l’intérêt de
l’humanité tout entière20. Vingt-cinq ans après l’adoption du Programme d’action de Beijing, la
déclaration régionale africaine Beijing+25 a affirmé l’importance de l’éducation des filles dans les
domaines des sciences, de la technologie, de l’ingénierie et des mathématiques (STIM) et a proposé de
donner la priorité à la technologie numérique et à l’innovation dans les politiques nationales de
développement21. Cet appel à l’inclusion des questions de genre au niveau des politiques et de la mise en
œuvre est également repris dans le Protocole de Maputo, qui vise à promouvoir l’éducation et la
formation des femmes à tous les niveaux et dans toutes les disciplines, en particulier dans le domaine des
sciences et des technologies 22. Les aspirations collectives de l’Agenda 206323 comme de la Stratégie pour
la science, la technologie et l’innovation en Afrique (STISA-2024) de l’Union africaine (UA) 24,25
évoquent un continent prospère doté de citoyens qualifiés, soutenus par la science, la technologie,
l’innovation et un environnement favorable à une économie fondée sur la connaissance. Ces lignes
directrices mondiales et régionales soulignent la nécessité d’une responsabilité collective et d’une
infrastructure sociale, économique, politique et juridique visant intentionnellement à faire progresser
l’égalité des sexes, et reconnaissent le rôle important que les femmes et les filles d’Afrique peuvent jouer
dans la réalisation de la vision panafricaine d’« une Afrique intégrée, prospère et pacifique, dirigée par
ses citoyens et représentant une force dynamique sur la scène internationale25 ».

14
https://github.com/
15
GitHub, 2022. A global community of developers
16
Banque mondiale, 2021. Climate-smart agriculture (L’agriculture climato-intelligente)
17
https://sdgs.un.org/fr/goals
18
Nations Unies, 2015. Agenda 2030.
19
https://www.un.org/womenwatch/daw/cedaw/cedaw.htm
20
Nations Unies, 1995. Déclaration et Programme d’action de Beijing
21
CEA, 2019. Africa Regional Conference on Women (Beijing+25)
22
UA, 2005. Protocol to the African charter on human and peoples’ rights on the rights of women in Africa
23
UA, 2015. Agenda 2063
24
Juma, C., Serageldin,I., 2016. Rebooting African Development: Science, Technology and Innovation Strategy for Africa 2024
25
UA, 2014. On the Wings of Innovation: Science, Technology and Innovation Strategy for Africa 2024 (Sur les ailes de
l’innovation : Stratégie pour la science, la technologie et l’innovation en Afrique)
En raison des engagements mondiaux et régionaux pris par les États membres dans les différents cadres
relatifs à l’égalité des sexes et aux droits des femmes, il est de la plus haute importance de combler le
fossé entre les sexes en matière de technologie et d’innovation. En effet, si la transformation numérique
doit profiter à tous, elle doit inclure les femmes dans le cycle complet de l’innovation – de la création à
l’utilisation. Dans le cadre d’un examen exhaustif des implications de l’égalité entre les sexes et des droits
des femmes 25 ans après la Déclaration de Beijing, un appel est lancé à prendre en compte les facteurs
politiques, économiques et sociaux qui déterminent la conception, le développement et l’utilisation des
technologies numériques, un processus qui devrait inclure à la fois les hommes et les femmes 26. Les
avantages de l’inclusion des questions de genre dans la transformation technologique de l’Afrique
constituent le fondement de deux des stratégies clés de l’UA – la Stratégie de transformation numérique
pour l’Afrique 2020-203027 et la Stratégie pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes
(ESAF)28 – toutes deux vouées à promouvoir et à mettre en œuvre des possibilités, des cadres, des
politiques, des lois, un leadership et un développement des compétences inclusifs pour les femmes et les
filles. En outre, le Forum régional africain 2020 sur la science, la technologie et l’innovation (ARSTI)
pour les ODD a plaidé en faveur de la nécessité de veiller à l’égalité des sexes dans le domaine des
sciences et technologies de l’information, non seulement parce qu’il s’agit d’un droit humain, mais aussi
parce que les États membres peuvent bénéficier de manière exponentielle d’une main-d’œuvre
diversifiée29. Dans ce contexte, le présent rapport explore la situation dans le domaine des technologies et
de l’innovation en Afrique en tenant compte de la dimension de genre pour mettre en évidence les
innovations, les meilleures pratiques et les cadres juridiques qui cherchent à combler le fossé entre les
sexes. Ce document de référence vise à éclairer les politiques et les processus qui placent les femmes et
les filles africaines au cœur du changement dans le domaine de la technologie et de l’innovation et de
l’inévitable transformation qui en résulte pour le développement de l’Afrique. Après tout, une économie
numérique sans la pleine participation des femmes ne peut atteindre son potentiel, car l’inclusion
numérique n’est pas seulement une bonne politique – elle est également bonne pour l’économie 30.

2. Situation technologique en Afrique du point de vue du genre


2.1 Cadre
Le rapport intitulé « Plan d’action de coopération numérique » publié en 2020 par le Secrétaire général
des Nations Unies présente cinq recommandations qui optimisent l’utilisation des technologies
numériques et atténuent les risques associés 31. Ces directives consistent à : construire une économie et une
société numériques inclusives ; renforcer les capacités humaines et institutionnelles ; protéger les droits de
la personne et l’agentivité humaine ; promouvoir la confiance, la sécurité et la stabilité numériques ;
favoriser la coopération numérique mondiale. Ces recommandations reflètent les quatre piliers fondateurs
sur lesquels un continent transformé par le numérique peut prospérer, comme nous le rappelle par ailleurs
la stratégie de transformation numérique de l’Union africaine30, à savoir un environnement favorable, une
infrastructure numérique, des compétences numériques et des capacités humaines, et l’innovation
numérique et l’entrepreneuriat. En outre, les cinq recommandations contribuent aux Objectifs de
développement durable (ODD) axés sur l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes notamment
26
Wacman, J., Young, E., Fitzmaurice, A., 2020. The Digital Revolution: Implications for Gender Equality and Women’s Rights
25 years after Beijing.
27
UA, 2020. Stratégie de transformation numérique pour l'Afrique (2020-2030)
28
UA, 2022. AU Strategy for Gender Equality and Women’s Empowerment (Stratégie de l’UA pour l’égalité des sexes et
l’autonomisation des femmes)
29
CEA, 2020. 2020-2030: A Decade to Deliver a Transformed and Prosperous Africa through the 2030 Agenda and Agenda 2063
(2020-2030 : une décennie pour bâtir une Afrique transformée et prospère grâce à l’Agenda 2030 et l’Agenda 2063)
30
A4AI, 2021. The cost of exclusion: economic consequence of the digital gender gap
31
ONU, 2020. Report of the Secretary-General: Roadmap for Digital Cooperation (Rapport du Secrétaire général : Plan d’action
de coopération numérique).
présentés dans le Gros plan publié par ONU Femmes en 2022 sur les progrès vers la réalisation des ODD
sous l’angle de l’égalité des sexes 32 dont on peut citer la bonne santé et le bien-être, l’éducation de qualité,
l’égalité entre les sexes, et l’industrie, l’innovation et l’infrastructure. Par conséquent, cette section fera
référence aux recommandations du Plan d’action de coopération numérique pour encadrer les analyses et
la discussion quant à la situation technologique en Afrique, plus particulièrement selon la perspective de
genre. Chaque section se concentrera sur les disparités actuelles entre les sexes en matière de technologie
et d’innovation, ainsi que sur leurs causes possibles. Les meilleures pratiques régionales seront ensuite
présentées dans quatre secteurs : les entités gouvernementales (y compris les cadres juridiques), les
partenaires du développement, la société civile et le secteur privé. En outre, nous discuterons
succinctement de la contribution potentielle de chaque recommandation à la réalisation des ODD.
2.2 Construire une économie et une société numériques inclusives
Cette section présente les lacunes et les meilleures pratiques en deux sous-rubriques  : l’accès aux
technologies numériques (équipement, Internet, et contenu), et les innovations en matière de données
ouvertes au service des femmes et des filles.
2.2.1 Accès aux dispositifs numériques, à l’Internet et au contenu adapté aux femmes et aux
filles
« Plus de la moitié de la population mondiale dispose d’Internet, mais… » titre un article sur l’inclusion
numérique dans le Health Report 2019 de Mozilla33. Cette constatation témoigne des inégalités qui
existent dans le monde par rapport à l’utilisation et à la possession des outils numériques. Si la parité
entre les sexes au niveau de l’utilisation d’Internet a augmenté en Afrique, passant d’un score de 0,58 en
2018 à un score de 0,67 en 202034, des disparités subsistent encore au niveau de l’accès et de la possession
des équipements numériques par les femmes. Le rapport 2022 de l’Association du système mondial de
communications mobiles (GSMA) sur les inégalités entre hommes et femmes dans la téléphonie mobile 35
souligne que les femmes des pays à revenu intermédiaire inférieur sont 16 % moins susceptibles d’utiliser
l’Internet mobile. Ce chiffre s’élève à 37 % en Afrique subsaharienne, mais varie d’un pays à l’autre. En
Égypte, par exemple, l’écart entre les sexes dans l’utilisation de l’Internet s’élève à 12 %, tandis qu’au
Kenya, la proportion monte à 38 %38. Dans certaines zones rurales, le fait de posséder un téléphone
portable ne signifie pas forcément qu’il peut être utilisé à tout moment, notamment dans les régions qui
ne sont pas raccordées au réseau électrique. Dans ces endroits, les propriétaires de téléphones doivent
marcher jusqu’aux centres les plus proches pour les recharger 36. De plus, certaines régions d’Afrique ne
sont pas couvertes par le réseau mobile, ce qui complique encore l’accès aux avantages des dispositifs
numériques. Même si la couverture 4G de l’Afrique a connu une augmentation de 21 % depuis 2020,
18 % de la population reste privée de réseau mobile à haut débit, et 11  % n’est couverte que par des
réseaux 2G37.
En ce qui concerne la possession d’un téléphone portable, l’Union internationale des télécommunications
(UIT) observe des fluctuations de la parité entre les sexes à travers le continent, où certains pays affichent
une égalité de possession supérieure à d’autres. Par exemple, l’Afrique du Sud et l’Égypte atteignent des
scores de 1,04 et 1,03, respectivement, ce qui indique qu’une forte proportion de femmes, à l’instar des
hommes, possèdent des téléphones portables 38. Par contre, la Guinée obtient un score de 0,80 qui
s’explique par le fait qu’une plus grande proportion d’hommes que de femmes possèdent un téléphone
32
ONU Femme, Les Femmes Comptent ; 2022. Progrès vers la réalisation des Objectifs de développement durable  : Gros plan
sur l’égalité des sexes. ‌
33
Mozilla, 2019. Internet Health Report.
34
UIT, 2020. Gender digital divide (Fracture numérique entre les sexes).
35
GSMA, 2022. Mobile Gender Gap report (Rapport 2022 sur les inégalités entre hommes et femmes dans la téléphonie mobile).
36
Forsund H., 2019. The Next Big Revolution: Off-Grid Solar Powering Mobile Phones.
37
UIT, 2021. Mobile network coverage (Couverture du réseau mobile).
38
UIT, 2022. Mobile phone ownership (Possession d’un téléphone portable).
portable. Cependant, la distribution de la possession parmi les femmes africaines n’est pas homogène : les
femmes les plus susceptibles de ne pas posséder de téléphones portables sont au chômage avec des
revenus modiques, vivent dans des zones rurales, sont peu alphabétisées, sont porteuses de handicap, ou
sont âgées de plus de 55 ans39.
L’utilisation et la possession de téléphones portables restent omniprésentes, contrairement à d’autres
équipements informatiques tels que les ordinateurs de bureau et les ordinateurs portables, et ce malgré des
difficultés inhérentes à l’accessibilité financière et à la qualité. Par exemple, seulement 7,7 % des foyers
africains possèdent un ordinateur à la maison 40. Mais, même lorsqu’un ordinateur est présent, les garçons
utilisent ce périphérique et l’Internet plus fréquemment que les filles 41. Pendant la pandémie, de
nombreux cours ont été dispensés en ligne. Des millions de filles n’y ont eu qu’un accès limité du fait de
la moindre utilisation qu’elles faisaient des outils numériques avant la pandémie, ce qui a creusé
davantage l’écart.
Pour les femmes handicapées, les obstacles associés à l’utilisation d’Internet et à la possession d’appareils
numériques sont renforcés par une navigation en ligne et des appareils essentiellement conçus pour des
utilisateurs valides, par des stéréotypes et des stigmates sociétaux, ainsi que par une exclusion de la vie
quotidienne. En Ouganda, l’écart entre les sexes en situation de handicap (l’écart entre les femmes
handicapées et les hommes handicapés) en matière de possession de téléphones portables est de 51 %,
tandis qu’au Kenya, cette disparité dans la possession de smartphones pour cette catégorie de la
population atteint les 72 %42. Les obstacles les plus importants à la possession d’un téléphone portable par
les femmes ougandaises souffrant d’un handicap proviennent de la perception selon laquelle elles ne
tireraient aucun avantage d’un téléphone portable et des inquiétudes concernant la sécurité de leurs
informations42. Ces obstacles peuvent conduire à une méconnaissance de la façon d’utiliser les fonctions
d’accessibilité des téléphones portables, telles que la conversion de texte par la synthèse vocale, le texte
de remplacement ou les réglages de l’écran et du volume.
L’accès et la possession des outils numériques par les femmes et les filles constituent l’une des facettes de
la problématique de l’accès au numérique, l’accès à du contenu pertinent en étant une autre. Par exemple,
dans une étude de la Fondation World Wide Web (WWWF) réalisée dans 23 pays et portant sur les droits
des femmes en ligne43, la Namibie a obtenu un score de 3,5 et l’Ouganda un score de 7 sur 10. En effet, le
contenu relatif aux droits en matière de santé reproductive et sexuelle en Ouganda est accessible mais
incomplet, et souvent uniquement en anglais. Le Kenya a obtenu un score plus élevé de 8, car jusqu’à
55 % des femmes ont accès aux services financiers numériques, ce qui montre que l’accès à l’économie
numérique permet aux femmes d’être des utilisatrices plus actives de contenu numérique. En fait, la santé
sexuelle et reproductive et les services financiers numériques sont deux domaines identifiés comme
particulièrement importants pour les droits et les perspectives des femmes 43. En Égypte, les utilisatrices
recommandent la mise en ligne de sites Internet adaptés aux femmes ou qui leur sont exclusivement
consacrés44. L’une des raisons de l’accès limité au contenu est le manque d’information et de
sensibilisation sur le type de renseignements que l’on peut trouver en ligne. Par exemple, nombreuses

39
GSMA, 2021. The mobile gender gap report (Rapport 2021 sur les inégalités entre hommes et femmes dans la téléphonie
mobile).
40
Statista, 2021. Share of households in Africa with a computer at home from 2005 to 2019.
41
Amaro D., Pandolfelli L., Sanchez-Tapia I., Brossard M., 2020. COVID-19 and education: The digital gender divide among
adolescents in sub-Saharan Africa (Éducation et COVID-19 : La fracture numérique entre les sexes chez les adolescents
d’Afrique subsaharienne).
42
GSMA, 2020. Digital exclusion of women with disabilities (Exclusion numérique des femmes handicapées).
43
World Wide Web Foundation, 2016. Women’s rights online: report cards.
44
Intel, n.d. Women and the Web
sont les femmes et les filles qui confondent l’Internet et les médias sociaux. Ainsi, Facebook, aujourd’hui
Meta, était souvent appelé « Internet » par de nombreux utilisateurs africains45.

Une telle méconnaissance (ou connaissance limitée) d’Internet réduit la fréquentation de certains sites et
débouche sur la création de contenu sur une multitude d’autres plateformes sur la toile. Par exemple, une
étude menée dans les universités d’Afrique du Sud montre qu’en 2020, seulement 36,8 % des publications
de recherche ont été rédigées par des femmes 46. Dans une étude réalisée dans quatre pays, dont l’Ouganda
et le Ghana, la WWWF a remarqué un écart entre les sexes dans la publication de contenus tels que des
vidéos, des articles de blogue, des commentaires sur des questions sociales, et la vente de produits en
ligne, les internautes de sexe féminin étant moins susceptibles de contribuer à ces types de contenus 46.
Une femme interrogée dans l’étude a cité comme obstacle à la création de contenu les normes de genre
qui existent dans le monde hors ligne et qui sont ensuite transposées en ligne, comme les attentes
culturelles selon lesquelles les femmes ne doivent pas se faire remarquer. Sur Wikipédia, l’une des plus
grandes plateformes d’informations collaboratives au monde, de toutes les biographies de personnalités
africaines, seulement 17,9 % sont des biographies de femmes 47. En outre, moins de 20 % de tous les
contributeurs sur la plateforme sont des femmes 47. Ces données confirment le fait que lorsque les femmes
ne contribuent pas elles-mêmes en ligne, le contenu électronique consacré aux femmes sera moins
important.
Parmi les causes de ces écarts entre les sexes, citons une alphabétisation et des compétences limitées, la
peur de perdre de l’argent en essayant de nouvelles fonctionnalités, le manque d’incitations à apprendre,
l’accessibilité financière, la pertinence des contenus pour les femmes, les barrières et les normes sociales,
l’absence de documents d’identification pour s’authentifier sur un périphérique, et des inquiétudes quant à
la sûreté et la sécurité48,49,50. L’abordabilité reste l’un des obstacles les plus importants à la possession et à
l’utilisation d’un téléphone portable. Comme l’a souligné l’Alliance pour un Internet abordable (A4AI)
dans son enquête auprès de 9 000 personnes dans les pays à revenu intermédiaire inférieur, nombreuses
sont les personnes obligées de dépenser plus de 30 % de leur revenu mensuel pour acheter le smartphone
le moins cher51. La situation professionnelle peut également déterminer l’accessibilité financière. Ainsi,
ceux qui touchent un revenu peuvent se permettre d’acheter un téléphone portable. Par exemple, au
Nigeria, on observe un écart entre les sexes de 9 % du point de vue de la possession d’un téléphone
portable chez les chômeurs, alors qu’aucun écart de genre n’est à signaler chez les salariés 38. Aussi, dans
une étude menée au Kenya48, les femmes ont contacté des vendeurs de téléphones pour se former à
l’utilisation de leur téléphone, mais ont souvent dû payer pour ce service. Et dans certaines communautés
africaines, les cultures patriarcales font que les hommes contrôlent l’accès des femmes aux téléphones,
comme le démontre une étude menée auprès des femmes Massaï dans le nord de la Tanzanie 52. Une étude
réalisée par l’UNICEF a également souligné que les terminaux mobiles mal conçus et les contenus qui ne
sont pas localisés dans les langues locales constituent un obstacle plus important à l’utilisation du
numérique pour les femmes et les filles que pour les hommes et les garçons 53.

45
Malik N., 2022. How Facebook took over the internet in Africa – and changed everything.
46
Mouton J., Van Lill M., Prozesky H., Redelinghuys H., 2022. Trends in the publication output of women at South African
universities.
47
https://pro.europeana.eu/post/women-in-culture-and-tech-isla-haddow-flood
48
GSMA, 2019. The mobile gender gap: Africa (Inégalités entre hommes et femmes dans la téléphonie mobile en Afrique).
49
GSMA, 2015. Digital Literacy (Alphabétisation numérique).
50
GSMA, 2021. Digital identity access to mobile services and proof of identity (Identité numérique : accès aux services
mobiles et preuve d’identité).
51
A4AI, 2022. The cost of smartphones falls, but they remain unaffordable for billions around the world.
52
Summers K., Baird T., Woodhouse E., Christie M., 2019. Mobile phones and women’s empowerment in Maasai communities:
How men shape women’s social relations and access to phones.
53
UNICEF, n.d. What we know about the gender digital divide for girls (Ce que nous savons de la fracture numérique entre
garçons et filles).
Meilleures pratiques
Pour combler les lacunes et exploiter les possibilités qui stimulent l’innovation dans le domaine de
l’accessibilité, certains gouvernements et certaines organisations ont mis en place des programmes et créé
des mouvements exemplaires.
Au Rwanda, en 2020, le ministère du Commerce et de l’Industrie, par le biais de l’initiative Connect
Rwanda, s’est engagé à distribuer plus de 30 000 smartphones à ceux qui ne peuvent pas se les offrir 54. En
2022, 900 smartphones ont été donnés aux femmes commerçantes transfrontalières pour soutenir leur
accès aux transactions scripturales et aux services gouvernementaux 55. En 2019, le président du Rwanda a
inauguré Mara Group, une usine de smartphones de haute technologie destinée à créer des emplois et à
développer des compétences56. En 2019, l’usine employait 200 personnes, dont 60 % étaient des
femmes54. L’usine a ensuite produit les téléphones Mara X et Mara Z, les premiers smartphones
entièrement fabriqués en Afrique. Le gouvernement rwandais a par ailleurs rédigé le plan directeur
SMART Rwanda 2020 (dans le cadre de son projet d’accélération du numérique), financé à hauteur de
100 millions de dollars par la Banque mondiale57.

L’un des objectifs du plan numérique est de généraliser l’accès au numérique en finançant les foyers pour
qu’ils acquièrent des dispositifs intelligents et de former trois millions de personnes à la culture
numérique, en ciblant tout particulièrement les femmes et les filles 55. Ces initiatives promeuvent l’ODD 9
en améliorant l’accès des femmes à l’infrastructure des TIC, l’ODD 8 en améliorant les débouchés dans
l’industrie des TIC pour les femmes, et l’ODD 5 en utilisant les TIC pour autonomiser les femmes.

Les partenariats avec les agences de développement, la société civile et le secteur privé aident également
à combler les lacunes en matière d’accessibilité et de contenu. Le partenariat entre l’UIT et l’UNICEF
visant à concrétiser l’initiative Giga dont l’objectif est de connecter chaque école à l’Internet 58 a permis de
raccorder au moins 1 500 écoles en Sierra Leone, au Rwanda et au Kenya 59. Pour mettre en œuvre le
programme, Giga évalue les demandes de connectivité des écoles avant de fournir un Internet haut débit ;
un processus reconnu comme contribuant au projet de connectivité globale30. Les données concernant
l’état de l’accès et les besoins sont ensuite cartographiées et affichées en direct grâce au projet Connect de
Giga60. Par exemple, en Sierra Leone, la carte montre que 11 088 écoles ont été cartographiées, et que
165 sont connectées61. Parmi les avantages de la connexion par l’intermédiaire de Giga, citons un accès
accru des écoliers aux ressources. Dans une communauté rwandaise où Giga a permis l’acheminement
d’Internet, le raccordement de l’école locale au réseau bénéficie aux membres de la communauté, certains
utilisant la connexion pour postuler à des emplois 62. Une telle initiative promeut l’ODD 9 en renforçant
l’infrastructure des TIC qui peut être utilisée par tous.
Les technologies numériques sont utilisées pour répondre aux besoins des agricultrices africaines, en
améliorant leur accès à l’information et aux pratiques agricoles. Par exemple, le partenariat entre
ONU Femmes et le Fonds d’équipement des Nations Unies (FENU) a permis d’adopter une approche
d’innovation sensible au genre au Mali et au Sénégal 63. Grâce à ce programme, les petites exploitantes
54
Ntirenganya E., 2020. Over 30,000 smartphones pledged under Connect Rwanda challenge.
55
Nzabonumoa P., 2022. Connect Rwanda: MINICOM donates 900 smartphones to cross-border women traders.
56
Monks K., 2019. Rwanda opens ‘first entirely homemade’ smartphone factory in Africa.
57
Banque mondiale, 2021. Rwanda : la Banque mondiale apporte 100 millions de dollars pour accélérer la transformation
numérique.
58
https://giga.global/about-us/
59
UNICEF, 2021. Rapport annuel [en anglais].
60
https://giga.global/about-us/
61
https://projectconnect.unicef.org/map/country/sl
62
UIT, 2022. Giga transforms lives in rural Rwanda, one school at a time. (Giga métamorphose la vie des populations
rurales du Rwanda, une école à la fois)
63
Gender-responsible innovation: what, how, and why?
agricoles ont accès à des solutions de microassurance par téléphone portable, à des connaissances
financières, à des services climatiques et à des systèmes d’alerte précoce adaptés à leurs besoins
spécifiques. Au Mali, par exemple, ONU Femmes s’est associée à OKO pour remédier aux pertes de
revenus subies par les agricultrices, causées par la sécheresse, les inondations, les fortes précipitations et
une approche indifférente au genre dans le choix des récoltes à vendre. La solution proposait un modèle
pluridimensionnel : former une équipe de commerciales pour vendre à d’autres femmes, et concevoir un
produit d’assurance pour les cultures qui ont été semées par des femmes, comme les arachides 64. Grâce à
un tel processus d’innovation tenant compte du genre, OKO a réduit de 15 % l’écart entre les sexes dans
la souscription d’une assurance avec plus de 1 000 nouvelles agricultrices inscrites. Cette initiative
favorise les ODD 1 et 2 en utilisant les TIC pour augmenter la production alimentaire des agricultrices et
améliorer leurs niveaux de revenus, et l’ODD 5 en utilisant des innovations sensibles au genre pour
combler le fossé entre les agriculteurs et les agricultrices.

Des approches innovantes en matière d’énergie propre sont utilisées pour accroître l’accès des femmes
aux technologies numériques, contribuant ainsi à la réalisation de l’ODD 7. Par exemple, Solar Sister
permet aux femmes d’accéder à une énergie propre qui stimule l’entrepreneuriat et l’agriculture 65. Le
programme a permis à des femmes comme Patricia, qui vit déconnectée du réseau dans une communauté
rurale de Tanzanie, d’acquérir des compétences et de bénéficier d’un mentorat en énergie propre, qui lui
ont permis de fabriquer et de vendre de la farine nutritive. Les solutions de Solar Sister comprennent une
lanterne solaire et un chargeur de téléphone portable, ce qui se traduit par des économies cumulées se
chiffrant à 225 dollars sur la consommation de kérosène et les frais de recharge des téléphones portables
au cours de la même période66.
Grace Health est une application d’assistant sanitaire pour les femmes lancée en 2018 qui compte déjà
3,7 millions d’utilisatrices au Kenya, au Ghana et au Nigeria 67. Grace Health fournit aux femmes des
informations sanitaires telles que des prédictions sur leur cycle, des réponses aux questions portant sur la
santé sexuelle et reproductive. Cette application est conçue pour un usage peu intensif en données. Les
médias sociaux ont également servi à sensibiliser davantage à la problématique du harcèlement sexuel. Le
mouvement #EnaZeda en Tunisie par exemple, une appropriation locale du mouvement #metoo, a offert
une plateforme numérique aux victimes d’abus sexuels qui ont ainsi pu briser le silence. Plus de
500 témoignages y ont été publiés68. Ces initiatives ont assuré la promotion de l’ODD 3 qui plébiscite
l’utilisation des TIC pour améliorer la bonne santé et le bien-être, physiquement et mentalement.

Outre les contenus qui bénéficient directement aux femmes, il semble y avoir une pénurie de contenus
électroniques dans les langues locales, ce qui exclut les femmes qui ne parlent pas l’anglais et nuit à la
préservation de la culture locale. Mozilla comble cette lacune par ses Common Voice Kiswahili Awards,
en attribuant à huit projets 50 000 dollars chacun pour donner une impulsion au kiswahili et profiter de la
technologie vocale en vue d’accroître les perspectives socioéconomiques des communautés marginalisées
au Kenya, en Tanzanie et en République démocratique du Congo (RDC) 69. Parmi les bénéficiaires de
Mozilla qui mettent au point des innovations centrées sur les femmes, citons « Kiazi Bora », en Tanzanie,
qui s’adresse aux femmes vivant dans les zones rurales en les informant sur la valeur nutritionnelle des
patates douces ; « Wezesha na Kabambe », au Kenya, qui propose aux petites agricultrices un téléphone
portable équipé d’un agent conversationnel ; et « Haki de femmes », en RDC, qui vise à exploiter la
technologie vocale pour offrir des informations et un soutien juridiques aux femmes. Ces initiatives

64
https://microinsurancenetwork.org/resources/oko-for-un-women-and-uncdf-case-study
65
https://solarsister.org/
66
ONU Climat, n.d. Solar Sister.
67
https://www.grace.health/about-us
68
https://cmestunisia.fas.harvard.edu/event/enazedathe-birth-movement-against-sexual-harassment-tunisia
69
https://foundation.mozilla.org/en/what-we-fund/awards/common-voice-kiswahili-awards/
augmentent les revenus des femmes grâce à l’agriculture (ce qui contribue aux ODD 1 et 2) et améliorent
le contenu local et la collaboration (ce qui contribue à l’ODD 11).

2.2.2 Disponibilité des données pour des innovations tenant compte des questions de genre
« Une disponibilité limitée des données revient à naviguer sans instrument »33. L’absence de données
mesurées, concrètes, précises et disponibles freine les démarches des innovateurs et des décideurs
politiques. Malheureusement, la plupart des pays ne collectent pas les données dont ils ont besoin pour
prendre des décisions éclairées ou concevoir des solutions innovantes destinées à compenser les inégalités
entre les sexes31. Par exemple, en 2016, seuls 64 pays soumettaient des données ventilées par sexe à
l’UIT70. Dans l’étude menée en 2016 par le WWWF dans 10 pays, dont 6 pays africains, seule l’Égypte
présentait des données ventilées par sexe 43. La fondation a également analysé et rédigé des fiches de
synthèse pour divers pays africains, y indiquant la disponibilité des données ventilées par sexe, la plupart
des pays obtenant un score inférieur à 5 sur 10.
Une pénurie de données ventilées par sexe présente un certain nombre d’inconvénients : la difficulté à
proposer des politiques, la difficulté à assurer le suivi des progrès réalisés, une moindre transparence des
processus, et un manque de données pour concevoir des innovations qui visent à réduire les inégalités
entre les sexes. De surcroît, le perfectionnement des données de genre se traduira par une amélioration
des statistiques des pays en général, notamment pour les populations socialement exclues. 71 Pendant une
pandémie comme celle de COVID-19, le manque d’indicateurs de genre fiables rend les femmes et les
enfants plus vulnérables et les expose au risque d’être laissés pour compte pendant la phase de
relèvement. Dans certains pays, si des données de genre sont présentes, elles se caractérisent
généralement par leur rareté, leur sporadicité et leur obsolescence, ce qui aboutit à des informations peu
fiables90.
L’obtention de données genrées implique une participation impérative des femmes à l’ensemble du
processus. Elles ne doivent pas être uniquement considérées comme de simples sources de données. Au-
delà de la conception de mesures de sécurité dans l’accès et l’utilisation des données, la dimension genrée
des données ouvertes implique la collecte de données pour différents types d’utilisateurs. Pour les femmes
actives dans le domaine de l’agriculture, il peut s’agir, par exemple, de fournir des données sur les
agricultrices, recueillies par les femmes et pour les femmes. Cela signifie de rapprocher la définition des
priorités et la collecte des données primaires des réalités des femmes et de veiller à leur implication 72. En
outre, cela peut également consister à attribuer des responsabilités de leadership à des femmes travaillant
sur des projets de collecte de données qui concernent d’autres femmes.
De toute évidence, certaines des causes de l’insuffisance des données ouvertes, y compris les données
ventilées par sexe, sont associées au manque de campagne de collecte de ces données 73, au fait que les
gouvernements ne procèdent pas à des évaluations des besoins au niveau local qui permettraient de
générer des données, à une implication minimale des femmes dans l’ensemble du processus de création
d’innovations relatives aux données ouvertes, à des compétences ou des ressources limitées pour sécuriser
les données, à des compétences ou des ressources limitées pour collecter et organiser les données
ventilées par sexe, et à des données verrouillées derrière des droits d’auteur et de licences. En outre, si le
big data a été reconnu comme une source de données de genre 74, les protections inhérentes à la vie privée
et aux données doivent être mises en place. Pour endiguer ces défis, les pays peuvent utiliser les systèmes

70
World Wide Web, 2016. Gender Report Card.
71
Buvinic M., Badiee S., 2021. Gender Data Systems: Better Data for All.
72
CTA, 2017. Gender and open data: Is there an app for that? (Le genre et les données ouvertes : Y a-t-il une application
pour cela ?)
73
EQUALS, n.d. Lack of data on ICT access, skills, and leadership risks holding back gender equality in Africa.
74
https://data2x.org/resource-center/big-data-and-gender-brief-series/
mondiaux de données de genre tels que l’Observatoire des données ouvertes (Open Data Watch) 75, No
Ceiling76, Data2X77, et l’Alliance pour les biens publics numériques (Digital Public Goods Alliance) 78.

Meilleures pratiques
Pour se rendre compte de l’importance des données ventilées par sexe pour le développement de
l’Afrique, divers programmes ont été lancés par plusieurs gouvernements et organisations.
Le Sénégal a posé des bases solides au moment de se constituer un corpus de données de genre, avec un
bilan exceptionnel du nombre de séries de données nationales produites ., notamment grâce à 5 enquêtes
sur la population active, 2 dans le secteur de l’agriculture, 4 relatives à la santé et au bien-être, et 1 sur les
revenus. Par l’intermédiaire de l’Agence nationale de la statistique et de la démographie, le Sénégal a
adopté une stratégie nationale en 2019 visant à développer le secteur des statistiques et a pour la première
fois défini un axe « genre »79. Le ministère des Femmes du pays a également institutionnalisé un service
consacré aux statistiques et aux données, qui rendra compte des indicateurs de genre. Le Sénégal a par
ailleurs mené une enquête inédite sur l’emploi du temps des femmes, révélant que 90  % d’entre elles
contribuent au travail non rémunéré 97, des informations qui peuvent aider le gouvernement à comprendre
comment encourager le travail non rémunéré et évaluer la part du travail non rémunéré dans le PIB du
pays. Au vu de ces jalons, le Sénégal a été le théâtre d’une collaboration entre PARIS21 et ONU  Femmes
destinée à aider les pays à incorporer des statistiques de genre dans leur système national de statistiques 80.
Les efforts du Sénégal contribuent à l’ODD 9 en améliorant l’infrastructure des données, dont les
résultats peuvent être utilisés pour concevoir des politiques et des innovations fondées factuellement et
destinées à soutenir les femmes.

Les partenariats avec les agences de développement, la société civile et le secteur privé aident également
à combler les lacunes en matière de disponibilité des données de genre. Par exemple, le portail de données
de genre de la Banque mondiale permet d’accéder gratuitement à des données et à des visualisations 81. Le
portail est divisé en thèmes, tels que les données sur la participation des femmes au marché du travail et la
violence faite aux femmes. Par exemple, le portail montre qu’au cours des 12 derniers mois, 36 %, 29 %,
28 %, et 27 % des femmes ont subi des violences de la part d’un partenaire intime en République
Démocratique du Congo, en Guinée équatoriale, en Zambie et au Liberia, respectivement 82. De telles
données peuvent aider les gouvernements et les sociétés civiles à agir en créant des politiques de
protection des victimes de violences au sein du couple. L’importance d’un suivi de l’égalité entre les
sexes centré sur les données est promue par l’UNESCO dans son projet STIM et égalité des genres
(SAGA), dont l’objectif est de proposer des outils de suivi de l’égalité entre les sexes et la collecte de
données ventilées par sexe83. Sur les 300 décideurs politiques formés dans le cadre du projet SAGA, 75 %
sont des femmes. De même, le Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (GCRAI)
recueille dans divers pays des données ventilées par sexe dans le domaine de l’agriculture afin
d’améliorer la sécurité alimentaire et d’accroître la productivité agricole. Par exemple, en utilisant un
ensemble de données issues de 9 pays d’Afrique subsaharienne, le GCRAI montre que les rapports de

75
https://opendatawatch.com/
76
http://www.noceilings.org/
77
https://data2x.org/
78
https://digitalpublicgoods.net/
79
ONU Femmes, 2019. Making every women and girl count in Senegal (Faire en sorte que chaque femme et chaque fille compte
au Sénégal).
80
Paris21, 2020. Making Gender Statistics a Top Priority in the Senegalese National Strategy for Development of Statistics
(Donner aux statistiques de genre une priorité absolue dans la stratégie nationale de développement de la statistique au Sénégal).
81
https://genderdata.worldbank.org/
82
https://genderdata.worldbank.org/data-stories/overview-of-gender-based-violence/
83
https://fr.unesco.org/saga
genre affectent les pratiques agricoles et leur adaptation, les agricultrices exerçant un contrôle moindre
sur les terres saines et arables, et se révélant moins enclines à utiliser des semences améliorées et des
engrais. Enfin, les travaux d’ONU-Habitat montrent que les données ventilées par sexe sur la sûreté et la
sécurité aux alentours des villes créent des environnements plus sûrs 84.
Les technologies numériques peuvent être utilisées pour impliquer la communauté dans l’identification et
la réduction des défis liés au genre. Par exemple, la plateforme USHAHIDI 85, fondée à Nairobi en 2008,
est un outil collaboratif permettant de collecter des données auprès des utilisateurs, de créer des solutions
et de mobiliser les communautés. USHAHIDI a été utilisée pendant la période de violence post-électorale
2007/2008 au Kenya pour cartographier ce qui se passait sur le terrain. La plateforme a également
contribué à aider les femmes à lutter contre la violence sexuelle en Égypte 86. Pour finir, le Portail africain
de données ouvertes87 contient un nombre impressionnant de jeux de données axés sur le genre. Par
exemple, un ensemble de données évaluant 60 grandes entreprises du Kenya sur l’égalité au travail a
permis de constater que l’entreprise kenyane présentant les meilleurs résultats est la Standard Chartered
Bank, avec un score d’égalité de genre de 63 %88. Un autre ensemble de données a permis d’évaluer les
besoins et les demandes en matière de planification familiale des femmes tanzaniennes 89.
Ces initiatives montrent que l’utilisation de données issues du numérique pour en déduire les tendances
des problèmes qui concernent les femmes peut déboucher sur des solutions quant à la violence basée sur
le genre (contribuant ainsi à l’ODD 3), aux pratiques agricoles (contribuant ainsi à l’ODD 2), à la sécurité
des femmes (contribuant ainsi à l’ODD 11), et au leadership féminin au sein des organisations (ODD 16).

2.4 Renforcer les capacités humaines et institutionnelles


« Celle qui apprend enseigne » est un dicton adapté d’un proverbe éthiopien qui laisse entendre que les
avantages de l’éducation des femmes et des filles se répercutent en cascade sur leurs communautés. Par
exemple, une fille qui fréquente l’école pendant une année supplémentaire voit ses revenus à l’âge adulte
augmenter de 12 %, le rendement de ces investissements étant plus élevé dans les pays subsahariens 90. En
outre, les femmes et les filles plus instruites ont tendance à être mieux informées sur la nutrition et les
soins de santé, et sont donc plus susceptibles de mener des vies saines et productives 91. Malheureusement,
malgré les avantages exponentiels de l’éducation des femmes et des filles, l’Afrique subsaharienne
compte le plus grand nombre de filles non scolarisées 92, une crise qui a encore été aggravée par la
pandémie de COVID-19. Pour celles qui vont à l’école, des données prometteuses montrent que le
pourcentage de filles qui achèvent leur scolarité primaire a rattrapé le pourcentage de garçons au même
niveau93. Dans l’enseignement des sciences, de la technologie, de l’ingénierie et des mathématiques
(STIM), 47 % des étudiants qui obtiennent un diplôme de l’enseignement supérieur dans le domaine des

84
ONU-Habitat, 2010. Gender for smart cities (Le genre au service des villes intelligentes).
85
https://www.ushahidi.com/
86
https://www.ushahidi.com/features/
87
https://africaopendata.org/dataset/gender-equality-in-kenya
88
Equileap, 2019. Assessing 60 leading companies on workplace equality.
89
USAID, 2020. Need and Demand for Family Planning among Women in Tanzania.
90
Montenegro C., Patrinos H., 2021. New comparable dataset finds that investments in education, tertiary in particular, lead to
higher earnings. (Un nouveau corpus de données comparables révèle que les investissements dans l’éducation, notamment dans
l’enseignement supérieur, entraînent une hausse des revenus)
91
UNICEF, Girls’ Education : Gender equality in education benefits every child (L’éducation des filles : Chaque enfant bénéficie
de l’égalité des sexes dans l’éducation).
92
UNESCO Institut de statistiques, 2019. New Methodology Shows that 258 Million Children, Adolescents and Youth Are Out
of School. (Une nouvelle méthodologie montre que 258 millions d’enfants, d’adolescents et de jeunes ne sont pas
scolarisés)
93
Armstrong M., 2022. Education: Girls are catching up with boys in sub-Saharan Africa (Éducation : Les filles rattrapent les
garçons en Afrique subsaharienne).
STIM sont des femmes. Incidemment, l’Afrique contribue au plus grand nombre de femmes diplômées
dans les STIM à l’échelle mondiale94.
Si l’on se limite au domaine de la technologie, on constate une situation prometteuse dans certains pays et
moins encourageante dans d’autres. Par exemple, la Tunisie et l’Algérie totalisent respectivement 55,6 %
et 48,9 % de la part des femmes diplômées de l’enseignement supérieur dans les TIC 95. En revanche, le
Ghana, et le Mozambique affichent respectivement 19,9 % et 21 % de la part des femmes diplômées du
supérieur dans les TIC118. Toutefois, un taux élevé d’obtention de diplômes par les étudiantes dans
l’enseignement supérieur ne se traduit pas par un taux élevé de participation au marché du travail. Par
exemple, le taux de participation des femmes au marché du travail en Algérie s’élève à 17,1 %, alors
qu’en Tunisie il est de 26,5 %96. Les raisons de cette déperdition proviennent notamment des difficultés à
trouver du travail, qui touchent davantage les jeunes femmes que les jeunes hommes 97. Parmi les autres
facteurs, citons la faiblesse des processus de recrutement et de recherche d’emploi, les préjugés de genre
sur le marché du travail, ainsi que l’instabilité politique et économique.
Pour certaines femmes africaines, l’entrepreneuriat est une option qui se démarque de l’emploi formel,
mais qui n’est pas sans poser de problèmes. Les créatrices d’entreprises africaines sont confrontées à des
difficultés telles que l’accès au financement. Par exemple, entre 2013 et 2021, moins de 5 % de la totalité
du financement alloué à l’Afrique a été accordé à des entrepreneures 98. Cette tendance est confirmée par
une étude menée par la Fondation Bayer dans 35 pays africains auprès des femmes entrepreneurs 99, qui
ont toutes utilisé des technologies telles que l’IA, la biotechnologie, l’impression 3D, le big data et les
plateformes de marché en ligne dans leurs activités commerciales. 66,9 % des personnes interrogées ont
indiqué que le manque de fonds constitue un obstacle fondamental auquel leur entreprise est confrontée,
23,3 % ont évoqué une culture discriminatoire, 17,7 % ont mentionné le fait de ne pas être prises au
sérieux, et 15,2 % ont cité un manque de compétences et de formation 71. Ces inconvénients auxquels sont
confrontées les entreprises dirigées par des femmes peuvent limiter la possibilité de consulter des mentors
(surtout lorsque l’on constate le peu de femmes sur le terrain), entraver les résultats commerciaux, voire
conduire à la fermeture de leurs entreprises.
Ces facteurs, qui contribuent à la diminution du nombre de femmes arrivant sur le marché du travail après
avoir fait des études, ainsi que leur peu de motivation à rester dans le secteur des technologies, font que le
nombre de femmes occupant des emplois liés aux technologies est faible. Par exemple, l’Afrique du Sud
est le seul pays du continent classé parmi les 20 premiers pour la proportion de professionnels possédant
des compétences en intelligence artificielle (IA) parmi lesquels seuls 28 % sont des femmes118.
Néanmoins, si l’IA est au cœur des avancées technologiques, la moitié de la population africaine ne
profite pas de cette révolution numérique. Un tel déséquilibre entre les sexes dans le domaine de l’IA
risque de voir émerger une intégration technologique des biais et des préjugés de genre négatifs, et ce
d’autant plus que les femmes ne sont pas conviées au processus de conception. Par exemple, en 2016,
Microsoft a lancé un agent conversationnel qui utilisait l’IA pour dialoguer avec les utilisateurs de
Twitter. Mais en l’espace de quelques heures, le robot s’est mis à répéter les mêmes messages sexistes
que ceux que les utilisateurs lui envoyaient, comme « le féminisme est un cancer »100, ce qui montre à quel
point un monde virtuel violent peut être le reflet du monde réel violent.

94
Times Higher Education, 2022. The Gender Equality Report – Part 1.
95
UNESCO, 2021. UNESCO Science report: the race against time for smarter development (Rapport de l’UNESCO sur la
science: une course contre la montre pour un développement plus intelligent).
96
Organisation internationale du travail, Profils des pays.
97
Dimova R., Elder S., Stephan K., 2016. Labour market transitions of young women and men in the Middle East and North
Africa (Transition vers le marché du travail des jeunes femmes et hommes en Afrique subsaharienne).
98
Bhalla N., 2021. Move over ‘tech bros’: Women entrepreneurs join Africa’s fintech boom.
99
Fondation Bayer, 2022. Accelerating Change in Sub-Saharan Africa By Supporting Female Entrepreneurs.
100
Tennery A., Cherelus A., 2016. Microsoft’s AI Twitter bot goes dark after racist, sexist tweets.
Alors que les compétences en IA sont indispensables à la transformation numérique, rares sont les
femmes éducatrices qui dispensent cette formation dans les établissements d’enseignement supérieur. Par
exemple, au Kenya les données de la Commission pour l’éducation universitaire (CUE), une agence
gouvernementale, montrent qu’il n’y a que 1,32 % de professeurs, 2,44 % de professeurs associés et
7,93 % de maîtres de conférences qui enseignent dans le domaine des TIC dans les universités publiques
et privées101. Sachant que les femmes représentent seulement 30 % du personnel enseignant dans les
universités kenyanes, on peut en déduire que ces dernières ne comptent qu’une poignée de femmes
universitaires et chercheurs de haut niveau enseignant dans le domaine des TIC, si tant est qu’il y en ait.
Pourtant, un rapport de 2021 préparé par Coursera, une plateforme mondiale d’apprentissage en ligne, a
montré que les femmes apprenantes s’inscrivent plus souvent que les hommes à des cours dispensés par
des femmes instructeurs75. Cette représentativité dans l’enseignement et l’apprentissage peut atténuer la
connotation masculine des domaines technologiques et contribuer ainsi à combler la fracture numérique
entre les sexes.

Meilleures pratiques
Certains gouvernements et organisations ont montré la voie en associant les femmes et les filles aux
formations aux compétences numériques, à la conception d’outils pédagogiques et au travail dans les
domaines technologiques, pour le bénéfice de tous.
Le ministère égyptien du Plan et du Développement économique a lancé le programme de formation
« She is for a digital future » (Elle est en faveur d’un avenir numérique) en coopération avec le
Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et l’entreprise Cisco. Cette initiative vise à
doter au moins 5 000 femmes issues des universités et des secteurs gouvernementaux égyptiens de
compétences numériques, d’une éducation financière et d’une sensibilisation à la dimension de genre. Le
programme entend donner aux femmes des compétences leur permettant de contribuer à la transformation
numérique du pays. Le gouvernement du Mali, en collaboration avec l’UNESCO, a lancé le concours
Miss Science en 2018102. Depuis lors, 340 filles ont gagné le concours. Dans un modèle similaire, Miss
Geek Afrique, qui a été lancé sous le nom de Miss Geek Rwanda en 2014, offre une plateforme
permettant aux filles de 13 à 21 ans de présenter une idée assortie d’une approche technologique 103. Parmi
les solutions proposées dans le cadre du concours, citons une application permettant d’aider les victimes
d’accidents créée par Salissou qui vient du Niger 104. Au niveau politique, les gouvernements ont
également travaillé sur des plans inclusifs visant à améliorer la culture numérique des femmes et des
filles. Par exemple, au Nigeria, le Plan national pour le haut débit 2020–2025 105 exige que les femmes
soient initiées à l’utilisation et aux avantages des TIC et que 100 % des femmes dans les programmes
nationaux d’investissement social bénéficient d’un accès au numérique. Au Kenya, la programmation a
récemment été introduite dans les programmes de l’enseignement primaire et secondaire. Il devient ainsi
le premier pays africain à enseigner la programmation à ces niveaux 106, sachant que 5 millions de filles
sont inscrites dans le primaire 107. Ainsi, s’il est effectivement mis en œuvre, le programme bénéficiera à
des millions de filles.
Ces initiatives menées par les gouvernements contribuent à l’ODD 4 en améliorant la qualité de
l’enseignement des compétences numériques destiné aux femmes et aux filles, à l’ODD 9 en donnant aux

101
CUE, 2017. University Data.
102
http://www.miss-sciences-mali.net/
103
https://girlsinict.rw/msgeekafrica
104
Gambino L., 2018. Brilliance overtakes beauty as Ms Geek Africa spotlights tech genius.
105
https://www.ncc.gov.ng/documents/880-nigerian-national-broadband-plan-2020-2025/file
106
Kiunguyu K., 2022. Kenya becomes the first African country to teach coding in primary and secondary school.
107
Statista, 2020. Primary school enrollment in Kenya from 2015 to 2020, by gender.
filles les moyens d’utiliser les TIC pour mettre au point des innovations socioéconomiques, et l’ODD 16
en incluant la dimension du genre aux formations numériques dans les politiques nationales.
Les partenariats avec les agences de développement, la société civile et le secteur privé aident également
à combler les lacunes dans le développement des capacités humaines et institutionnelles. Par exemple,
l’initiative « African Girls Can Code » (Les jeunes filles africaines peuvent coder – AGCCI) a été lancée
par ONU Femmes en collaboration avec l’UA et l’UIT. Des jeunes femmes ont pu en bénéficier comme
l’Éthiopienne Yordanos Genenaw, 20 ans, dont la participation à l’initiative lui a permis d’acquérir des
compétences du 21e siècle comme la prise de parole en public et la conception de jeux et l’a amenée à
rencontrer Malala Yousafzai. Depuis sa création en 2018, l’AGCCI a achevé la première phase du
programme, dont ont bénéficié 600 filles issues de plusieurs pays africains. Désormais dans sa deuxième
phase, l’initiative espère toucher 2 000 filles d’ici 2023 et leur procurer des compétences numériques, leur
fournir des équipements technologiques, et les guider grâce à un système de mentorat vers des
compétences polyvalentes. L’UIT a également établi un partenariat avec le Cadre intégré amélioré qui
utilise une démarche numérique pour élargir les perspectives entrepreneuriales des femmes au Burundi,
en Éthiopie, et en Haïti108. Entre 2019 et 2021, 88 000 femmes ont été formées dans les compétences de la
chaîne de valeur, 10 000 ont adopté de nouvelles technologies, et 809 ont participé à des salons
commerciaux. En outre, l’UIT a lancé la Journée des filles dans les TIC, qui se déroule chaque année au
mois d’avril à l’échelle mondiale et régionale 109. Le programme travaille avec des mentors et des
partenaires pour donner aux filles les moyens d’acquérir des compétences et des connaissances en matière
de TIC, les sensibiliser aux études et aux carrières dans le domaine des STIM, et organiser des séances
thématiques sur divers sujets numériques. Depuis sa création en 2011, le programme a aidé plus de
370 000 filles et jeunes femmes dans le cadre des célébrations de la Journée des filles dans les TIC dans
171 pays110. Dans le but de renforcer les compétences et la sensibilisation des jeunes aux technologies
numériques, le Groupe pour la jeunesse en Afrique relevant de l’initiative Generation Connect (GC-AFR)
de l’UIT propose une plateforme virtuelle permettant aux jeunes Africains de discuter des possibilités et
des défis auxquels ils sont confrontés lorsqu’ils utilisent et créent des technologies numériques 111.

La Coalition d’action Technologie et Innovation pour l’égalité des genres, l’une des coalitions qui font
partie du Forum Génération Égalité, est un mouvement cocréé axé sur l’impact qui contribue à faire
avancer l’instauration de l’égalité des genres dans le monde numérique 112 en travaillant avec des
partenaires de divers pays, dont la Tunisie et le Rwanda. L’approche de la coalition comprend la création
de centres transformateurs des rapports de genre, un travail sur les politiques en vue de renforcer le
leadership des femmes et des filles, le financement des compétences du XXI e siècle et l’accessibilité des
outils numériques. Au Liberia, ONU Femmes s’est associée avec la Fondation Orange pour lancer les
Maisons Digitales, où les femmes bénéficient de formations en alphabétisation de base, à l’acquisition de
compétences financières et sur le développement d’entreprise 113. Des bénéficiaires du projet telles que
Satta Flomo ont grandement apprécié d’avoir pu apprendre à lire et à écrire, ainsi qu’à calculer les

108
UIT, 2020. L’UIT et le CIR unissent leurs forces pour réduire la fracture numérique entre les hommes et les femmes au
Burundi, en Éthiopie et en Haïti
109
https://www.itu.int/women-and-girls/girls-in-ict/fr/
110
https://www.itu.int/women-and-girls/girls-in-ict/fr/girlsinict-2021-connecter-les-jeunes-filles-ameliorer-les-perspectives-
davenir/historique/
111
https://www.itu.int/generationconnect/fr/groupe-pour-la-jeunesse-en-afrique-relevant-de-linitiative-generation-connect-gc-afr/
112
https://techforgenerationequality.org/fr/about/
113
ONU Femmes, 2022. Liberia: UN Women, Orange Foundation’s Digital Inclusion for Women’s Economic Empowerment
(D4WEE) Project Set to Become a Game Changer for Women (Liberia : ONU Femmes et le projet d’inclusion numérique de
l’autonomisation économique des femmes (DAWEE) de la Fondation Orange sur le point de changer la donne pour les femmes)
finances de leur entreprise114. Il est également possible d’utiliser les technologies numériques pour
enrichir l’éducation à la santé. Au Mozambique, l’Agence des États-Unis pour le développement
international (USAID), en partenariat avec Viamo, a créé des messages avec des donnée s mobiles pour
changer les comportements et fournir des formations numériques destinées aux professionnels des soins
de santé, en faveur de la réduction des cas de VIH – une maladie dont les impacts sur les femmes et les
jeunes sont disproportionnés115. Ces initiatives renforcent les informations sur la santé (celles promouvant
l’ODD 3) et améliorent l’acquisition par les femmes et les filles de compétences numériques à l’échelle
régionale (promouvant ainsi l’ODD 4), et leur nature collaborative accroît l’impact et la portée des efforts
visant à combler le fossé numérique (promouvant donc l’ODD 17).
Au Maroc, plus de 500 filles et 100 mentors ont été appuyés par eSTEM, une organisation qui transforme
la perspective des filles et des femmes marocaines à l’égard des sciences, de la technologie, de
l’ingénierie et des mathématiques (STIM) 116, promouvant ainsi l’ODD 4. L’une des principales activités
de cette organisation consiste à soutenir le concours mondial « Technovation », où les filles travaillent en
équipe pour créer une solution mobile et un plan commercial. eSTEM a ainsi soutenu la création de
40 applications mobiles par des filles qui avaient découvert le codage pour la première fois. Ces
mouvements communautaires se sont avérés extrêmement prometteurs en matière de réduction du fossé
entre les sexes dans les domaines technologiques avancés tels que l’intelligence artificielle (IA). Par
exemple, divers chapitres de l’organisation des femmes dans l’apprentissage machine et les sciences des
données (Women in Machine Learning and Data Science – WiMLDS) se sont étendus dans des villes
telles que Nairobi, Dakar, Yaoundé, Gaborone, Kinshasa et Khartoum 117. À Khartoum au Soudan, Safilia
et Aisha dirigent le chapitre de WiMLDS, en vue d’utiliser l’apprentissage machine dans le secteur de la
sécurité et pour le traitement automatique de la langue naturelle 118.
Pour renforcer les capacités institutionnelles permettant aux femmes entrepreneures et leaders de
s’épanouir dans la technologie, le Prix de l’autonomisation des femmes de la Fondation Bayer, lancé en
2021, offre jusqu’à 25 000 dollars de financements aux femmes entrepreneures d’Afrique subsaharienne
dont les entreprises se consacrent à résoudre les problèmes dans les secteurs de l’agriculture et de la
santé119. Certaines des solutions numériques qui ont été créées au travers de cette initiative comprennent
Vetsark, créée par la Nigériane Cynthia Mene, qui soutient les agriculteurs dans la numérisation de leur
entreprise120. Cette approche promeut l’ODD 8 en permettant aux femmes d’accéder à des emplois
décents où elles créent des solutions technologiques, promouvant ainsi l’ODD 9.
2.5 Protection des droits et du pouvoir d’action des personnes
L’Internet est un espace qui doit être régi, sans quoi il risque d’être inaccessible et dangereux pour les
personnes qui sont déjà exclues et de présenter un risque élevé pour les internautes, dont les femmes et les
filles. Dans le cadre de la protection des droits des femmes et des filles en ligne, cette section couvre les
aspects suivants : i) la violence facilitée par la technologie, qui découle de la nature omniprésente de la
violence basée sur le genre à l’égard des femmes et des filles, et le fait que le monde numérique est le
nouvel espace où la violence basée sur le genre est perpétrée ; ii) l’identité numérique, car l’absence
d’accès aux technologies numériques limite l’accès aux services sociaux et gouvernementaux, excluant
ainsi les femmes et les filles de l’inclusion financière, de l’indépendance financière, du pouvoir d’action
personnel et de l’identité nationale.

114
Mehnpaine.T. S., 2022. Liberia: UN Women, Orange Foundation Digital Project Beneficiaries Extols Support .
115
Viamo. La formation numérique soutient un projet dans l’atteinte d’une réduction de 95 % des cas de VIH au Mozambique.
116
https://estem-morocco.org/
117
http://wimlds.org/chapters/
118
http://wimlds.org/about-the-khartoum-team/
119
https://www.bayer-foundation.com/wea
120
https://vetsark.com/
2.5.1 La violence facilitée par la technologie
« La violence virtuelle est de la violence. Les abus en ligne sont des abus » – tels sont les propos figurant
sur le site Internet immersif, « The Virtual is Real 121 » du Fonds des Nations Unies pour la population
(FNUAP). Ces mots reflètent l’étrange réalité pour de nombreuses femmes en ligne. Une réalité qui sous-
tend la résolution des Nations Unies sur le droit à la vie privée à l’ère du numérique et qui montre que les
violations de ce droit dans l’espace numérique peuvent avoir des incidences spécifiques sur les femmes,
les enfants, les personnes handicapées et les communautés marginalisées 122. En effet, les femmes sont
inquiétées, de façon plus marquée et plus fréquente que les hommes, au sujet de la confidentialité de leurs
données à caractère personnel123. D’après une étude féministe menée dans cinq pays d’Afrique (Afrique
du Sud, Éthiopie, Kenya, Ouganda et Sénégal), cette préoccupation est bel et bien justifiée, car parmi les
femmes ayant participé au projet, une sur trois avait subi des violences en ligne basées sur le genre, dont
36 % étaient du harcèlement sexuel en ligne 124. Pourtant, seulement 36 % des femmes interrogées ont
indiqué qu’elles avaient pris des mesures actives en vue de renforcer leur sécurité en ligne, peut-être parce
que certaines ne savaient pas où trouver des informations sur la sécurité en ligne. Dans les États arabes,
49 % des femmes et filles internautes ont confié qu’elles ne se sentaient pas en sécurité en ligne – parmi
les femmes qui avaient subi des violences en ligne, 36 % ont été encouragées à les ignorer, 23 % ont subi
des reproches à ce propos et 21 % ont été incitées à supprimer leur compte sur les médias sociaux 125. En
Égypte, l’organisation pour le Centre d’orientation et de sensibilisation juridique des femmes reçoit
jusqu’à 70 % de plaintes liées à du harcèlement en ligne – un taux qui a augmenté de 45  % lors de la
pandémie de COVID-19126. En raison de ces tendances, il arrive malheureusement que les femmes soient
moins susceptibles de contribuer au contenu lorsqu’elles vont en ligne 127, et elles ne bénéficient donc
absolument pas des avantages de l’Internet.
Bien que des efforts soient déployés dans de nombreux pays en vue d’augmenter le nombre de femmes
occupant des postes publics, ces efforts deviennent contreproductifs si des femmes politiciennes sont
ciblées par du harcèlement en ligne – quand elles sont candidates ou assument déjà un mandat. Par
exemple, une étude de Poliicy a montré que, par rapport à leurs homologues masculins, les femmes
candidates aux élections de 2021 en Ouganda avaient davantage été exposées à des trolls, à de la violence
sexuelle et à des critiques sur leur apparence physique sur les médias sociaux 128. De plus, l’Union
interparlementaire (UIP) a mené une étude auprès de 123 femmes parlementaires qui a conclu que 46 %
avaient été ciblées par des remarques sexistes en ligne 129. La majorité des femmes parlementaires qui ont
subi de telles violences ne les ont pas signalées et n’en ont pas parlé, de crainte qu’on leur reproche de
provoquer le harcèlement, qu’on mette en doute leur grief ou qu’on les perçoive comme gênantes pour
leurs partis politiques42. En conséquence, il n’est pas rare que les femmes candidates dont la réputation est
ternie en ligne par des attaques ciblées ou des images altérées abandonnent leur campagne, subissent des

121
FNUAP, The Virtual is Real (Le virtuel est réel).
122
Nations Unies, 2019. Le droit à la vie privée à l’ère du numérique : résolution adoptée par le Conseil des droits de l’homme, le
26 septembre 2019
123
Chair, C., Brudvig, I., Cameron, C., 2020. Women’s rights online: closing the digital gender gap for a more equal world
124
Iyer, N., Nywamwire, B., Nabulega, S., 2020. Alternate Realities, Alternate Internets: African Feminist Research for a
Feminist Internet (Des réalités alternatives, des Internets alternatifs : étude féministe en Afrique pour un Internet féministe).
125
ONU Femmes, 2021. Nearly half of female internet users in the Arab States fear online harassment (Près de la moitié des
femmes et filles internautes dans les États arabes craignent le harcèlement en ligne)
126
Cuthbert, C., 2021. "I blamed myself’: how stigma stops Arab women reporting online abuse
127
Chair, C., Brudvig, I., Cameron, C., 2020. Women’s rights online: closing the digital gender gap for a more equal world
128
Poliicy, 2021. Understanding Violence against Women in Politics and Leadership: A study on the 2021 Uganda General
Elections
129
UIP, 2021. Sexisme, harcèlement et violence à l’égard des femmes dans les parlements d’Afrique
répercussions psychologiques et émotionnelles négatives, voire qu’elles découragent d’autres femmes de
se porter candidates.
Malheureusement, l’impact négatif des technologies ne cesse pas quand les femmes vont en ligne, mais il
se prolonge parfois hors ligne par des abus domestiques, des violences, voire la mort. Par exemple, des
violences physiques et sexuelles graves ont été signalées dans des cas où cinq femmes nigérianes avaient
rencontré des partenaires romantiques sur Facebook 130. De plus, les cas de sextortion (extorsion de faveurs
sexuelles), où un partenaire menace de diffuser des photos explicites ou intimes à moins qu’une exigence
de sa part ne soit satisfaite131, ont été documentés en Ouganda et au Malawi 132. Selon une étude menée
dans trois pays d’Afrique, même dans de tels cas extrêmes de violence hors ligne facilitée par la
technologie, aucune des personnes interrogées ayant subi ce type de violence ne l’a signalé à la police ou
à d’autres agences de sécurité 45. L’hésitation des victimes à signaler des cas de violence découle de
l’absence de lois visant explicitement la protection des données selon le genre pour les femmes, de
l’ignorance de l’existence de telles lois lorsqu’elles sont en place, et des connaissances limitées parmi les
utilisateurs des technologies quant à savoir où trouver des informations sur la sécurité en ligne. Par
exemple, dans le cadre de l’étude féministe multipays, respectivement 86 % et 95 % des femmes au
Sénégal et en Ouganda ne savaient pas que des réglementations existaient pour les protéger contre la
violence en ligne basée sur le genre dans leur pays37. Cela montre peut-être que la création de lois ne
suffit pas nécessairement pour assurer une protection et atténuer la violence de genre facilitée par la
technologie, mais que ces efforts doivent spécifiquement inclure une diffusion des informations dans les
contextes locaux.
Meilleures pratiques
Ces lacunes dans la protection des droits des femmes afin qu’elles puissent utiliser l’Internet en toute
sécurité et les résultats horrifiques qui en découlent ont amené un certain nombre d’entités à établir des
cadres et des solutions juridiques qui visent à renforcer les droits en vue d’une inclusion numérique et
sociétale.
En mars 2022, le gouvernement sud-africain a modifié le projet de loi sur les films et les publications
pour y inclure de nouvelles interdictions concernant le partage d’images et de vidéos intimes d’une
personne sans son consentement et la publication de contenu incitant à la violence 133. De plus, la ministre
de la Justice en Namibie, Yvonne Dausab, fait partie des hauts fonctionnaires du pays à dénoncer
publiquement la violence en ligne. En juin 2022, par exemple, elle a prononcé un discours au sujet de la
violence en ligne basée sur le genre, annonçant que le gouvernement travaillait à la formulation d’une loi
sur la cybercriminalité, y compris la violence en ligne basée sur le genre 134. En Tunisie, la Loi 58 de 2017
sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes est devenue la première loi nationale de ce type à être
introduite135. Par ailleurs, 13 pays arabes ont mis en œuvre des lois contre la cybercriminalité, y compris
la cyberviolence à l’égard des femmes et des filles 136. Ces pays comprennent l’Algérie, l’Égypte, la Libye
et le Soudan. Ces exemples montrent qu’il est possible d’actualiser les politiques et les lois existantes
130
Makinde, O., Olamijuwon, E., Kokomma, N., Onyemelukwe, M., Ilesanmi, M., 2021. The Nature of Technology-Facilitated
Violence and Abuse among Young Adults in Sub-Saharan Africa
131
Patchin, J., Hinduja, S., 2018. Sextortion Among Adolescents: Results From a National Survey of U.S. Youth
132
Chisala-Tempelhoff, S., Kirya, M. T., 2016. Gender, law and revenge porn in subSaharan Africa: A review of Malawi and
Uganda
133
The Films and Publications Amendment. Act 11 of 2019
134
Ministère de la Justice de la République de Namibie, 2022. Understanding online gender-based violence in Southern Africa
135
ONU Femmes, 2017. La Tunisie adopte une loi historique pour mettre fin à la violence envers les femmes
136
ONU Femmes, 2022. Mapping of laws and services for online and ICT-facilitated violence against women and girls in Arab
States (Cartographie des lois et des services contre la violence en ligne et facilitée par les technologies à l’égard des femmes et
des filles dans les États arabes)
pour tenir compte des nouvelles réalités du monde numérique (promouvant ainsi l’ODD 11) et donc de
renforcer les connaissances et la confiance relativement aux processus juridiques (promouvant ainsi
l’ODD 16). En conséquence, quand les femmes et les filles sont protégées contre la violence en ligne
basée sur le genre et que la justice est de leur côté, leur bien-être s’améliore (promouvant ainsi l’ODD 3).
Les partenariats avec des agences de développement, la société civile et le secteur privé contribuent
également à combler les lacunes en matière de violence facilitée par la technologie. En août 2022, la
Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) a adopté une résolution visant à
protéger les femmes contre la violence en ligne, appelant également les États membres à prendre des
mesures telles que l’adoption de lois, la conduite de recherches sur la violence numérique à l’égard des
femmes, la mise en œuvre d’actions de sensibilisation à la violence numérique auprès des praticiens, y
compris les organismes chargés de l’application des lois, et la mise en place de mesures de protection des
femmes journalistes contre la violence numérique 137. Au premier plan de ce mouvement se trouve la
plateforme en ligne du FNUAP, « The Virtual is Real 34 », qui renforce la sensibilisation à la violence en
ligne basée sur le genre, avec le slogan Virtual violence is violence. Online abuse is abuse (La violence
virtuelle est de la violence. Les abus en ligne sont des abus). La plateforme présente les expériences de
femmes qui ont subi de la violence numérique – par exemple, la Gambienne Ndey Ngoneh Jeng, qui a été
attaquée en ligne après y avoir publié un billet – une expérience qui a ensuite renforcé sa détermination à
travailler en tant qu’avocate spécialisée dans les droits de l’homme. De plus, la Coalition d’action
Technologies et innovation plaide pour l’éradication de la violence en ligne, en promouvant une approche
sensible au genre dans la conception d’outils de suivi, en établissant un système de réponse judiciaire
réparatrice et en sensibilisant les jeunes, les pourvoyeurs de soins et les éducateurs aux mécanismes de
prévention et d’atténuation de la violence en ligne basée sur le genre 140. Ces exemples montrent que les
agences internationales peuvent être en tête des efforts complémentaires déployés par les gouvernements
et les personnes en soutien aux initiatives de lutte contre la violence en ligne basée sur le genre, créant
ainsi des communautés sûres pour les femmes et promouvant les ODD 3 et 11.
En 2020, le Réseau des femmes ougandaises (WOUGNET) a dirigé une campagne en ligne
#SayNoToOnlineGBV (Dites non à la violence en ligne basée sur le genre) qui a permis de sensibiliser le
public à la violence en ligne basée sur le genre, assortie d’une formation sur la sécurité numérique pour
les victimes et les personnes ayant survécu à la violence 138. Plus tard en 2021, WOUGNET s’est associé
avec l’Université de Makerere pour mener une étude couvrant plusieurs districts en Ouganda sur les
types, la propagation et les effets de la violence en ligne basée sur le genre 139. Le réseau et l’Université se
sont appuyés sur les résultats de l’étude pour créer des supports de formation et des jingles radio dans
cinq langues, en vue de sensibiliser davantage aux droits des femmes en ligne. En République
démocratique du Congo dans la région de l’Afrique centrale, l’association féministe Si Jeunesse Savait
forme les femmes et les personnes ayant été les victimes de la violence sur la sécurité en ligne, le
plaidoyer en ligne et la manière de créer du contenu en ligne et d’accéder à des services en ligne 140. Au
Kenya, l’Association des femmes parlementaires du Kenya (KEWOPA) s’est associée avec Google pour
lancer « Heshimu Dada », une vidéo de sensibilisation visant à réduire la violence en ligne contre les
femmes politiciennes141. En Tunisie, l’application mobile SafeNes a été développée pour sensibiliser

137
CADHP, 2022. Résolution sur la protection des femmes contre la violence numérique en Afrique – CADHP/Res. 522 (LXXII)
2022
138
Aceng, S., 2020. Online GBV – why it is crucial to raise awareness
139
WOUGNET, 2021. Enhancing Women’s Rights Online through Inclusive and Effective Response to Online Gender-Based
Violence in Uganda
140
APC, 2016. Exploring technology-related violence against women in the Democratic Republic of Congo and Kenya (Examen
de la violence liée aux technologies à l’égard des femmes en République démocratique du Congo et au Kenya)
141
KeWoPa, 2022. Heshimu Dada [Vidéo sur YouTube]
davantage au harcèlement sexuel dans les lieux publics et relier les victimes avec des ONG spécialisées 142,
en vue de créer des espaces sûrs pour les femmes et les filles, promouvant ainsi l’ODD 11.

2.5.2 Identités numériques


« Les femmes s’appuient sur les hommes pour leur carte d’identité », a déclaré une participante à une
étude menée au Rwanda par le GSMA 143. La Banque mondiale indique qu’une femme sur deux dans les
pays à faible revenu ne possède pas de carte d’identité, ce qui limite leur accès à des services essentiels
tels que la connectivité mobile, les services financiers numériques et la participation à la vie politique et
économique144. Environ 500 millions de personnes sans carte d’identité vivent en Afrique. Dans les pays à
faible revenu, 45 % des femmes n’ont pas de carte d’identité, contre 28 % des hommes145. Par exemple,
au Nigeria, le nombre de femmes possédant une carte d’identité nationale est inférieur de 8 millions à
celui des hommes146. En conséquence, certaines femmes sans carte d’identité s’appuient sur leur
partenaire masculin ou des membres de leur famille afin qu’ils accèdent à des services à leur place, ce qui
limite le pouvoir d’action et les droits numériques de ces femmes. Selon une étude menée au Nigeria et au
Rwanda, il est considéré que les hommes ont davantage besoin d’une carte d’identité que les femmes, car
ces dernières sont tenues de rester à la maison ou à proximité145. L’impossibilité d’accéder à ces services
ne fait qu’exclure encore plus les femmes de la transformation numérique. Le manque d’accès à des
cartes d’identité découle notamment du coût d’obtention d’une carte d’identité et de documents
justificatifs, et de la perception selon laquelle la carte d’identité n’est pas requise 143.
Meilleures pratiques
Lors de la pandémie de COVID-19, plusieurs pays d’Afrique ont assoupli les réglementations exigeant
l’utilisation de cartes d’identité pour obtenir des services publics. De plus, les gouvernements ont
également augmenté les coûts de transaction des transferts d’argent mobile et désigné les téléphones
mobiles en tant que service essentiel. En Afrique subsaharienne, 50 changements politiques ont été
apportés aux réglementations147 afin de simplifier l’accès des consommateurs aux services numériques.
Au Ghana, par exemple, cela a permis de renforcer la sensibilisation à l’argent mobile et son adoption. De
plus, certains opérateurs mobiles ont assoupli les exigences de contrôle de l’identité – une décision qui a
été utile pour intégrer les groupes désavantagés149. Dans certains pays où les femmes n’ont pas de carte
d’identité, celles-ci peuvent obtenir une lettre du chef local pour accéder à des services 145. Dans des pays
tels que le Togo, le Gabon, l’Éthiopie et la Guinée, l’exigence de preuve de nationalité ou de résidence
légale pour obtenir une carte d’identité officielle a été supprimée 148. Ces initiatives gouvernementales
améliorent l’inclusion financière (promouvant ainsi l’ODD 1), élargissent l’accès aux services
numériques (promouvant l’ODD 9) et renforcent les cadres réglementaires (promouvant ainsi l’ODD 16).
Les partenariats avec des agences de développement, la société civile et le secteur privé contribuent
également à augmenter les identités numériques pour les femmes et les filles. Au Nigeria, un partenariat
entre la Banque mondiale, ID4D Nigeria et la Commission nationale de gestion des identités prévoit de
mettre en œuvre de bonnes pratiques d’inclusion de l’identité numérique telles que l’établissement d’un
cadre juridique et réglementaire qui protège de manière adéquate les données à caractère personnel et la
142
ONU Femmes, 2018. Où je me tiens : « Notre monde serait meilleur si les femmes pouvaient se sentir en sécurité dans les
espaces publics »
143
GSMA, n.d. Digital identify opportunities for women
144
https://id4d.worldbank.org/global-dataset/visualization
145
ID4D, n.d. Global ID Coverage, Barriers, and Use by the Numbers: Insights from the ID4D-Findex Survey (Couverture des
cartes d’identité dans le monde, obstacles et utilisation par les chiffres : informations issues de l’enquête IDFD-Findex)
146
Jarrahi, J., 2021. Massive gender disparities in digital ID systems persist
147
GSMA, 2021. Digital Identity Access to Mobile Services and Proof of Identity
148
https://id4d.worldbank.org/node/2096
vie privée des personnes, d’un cadre juridique et réglementaire qui promeut un accès non discriminatoire,
inclusif et universel à une carte d’identité, et de formations sur les procédures de recrutement et les
technologies, y compris les compétences numériques 149, promouvant ainsi l’ODD 4 en renforçant une
éducation de qualité dans les droits numériques.
Au Burkina Faso, iCivil150 procède à l’enregistrement des naissances des enfants en utilisant un bracelet
d’hôpital que les professionnels de santé mettent aux nouveau-nés. Une identité unique est utilisée pour
chaque bracelet et les informations du bébé sont ensuite intégrées dans une appli., avec la possibilité d’y
ajouter de nouvelles informations ultérieurement. Cette innovation pallie le faible taux d’enregistrements
des enfants dû aux longues distances à parcourir jusqu’aux hôpitaux, tout en préservant les coutumes
locales et religieuses telles que le fait de nommer un enfant au moins une semaine après sa naissance.
2.6 La sécurité numérique pour les femmes et les enfants
« Un grand nombre d’enfants au Kenya n’avaient dit à personne la dernière fois qu’ils avaient été
exposés à des actes d’exploitation sexuelle et à des abus sur des enfants en ligne 151 ». L’utilisation de
l’Internet pose un risque de vol de données, de violation de données à caractère personnel, de
surveillance, d’abus sur des enfants et de fraude. Par exemple, la cybercriminalité coûte à l’Afrique quatre
milliards de dollars chaque année 152. Les technologies numériques doivent être mises en œuvre de
manière sûre et fiable afin de combler le fossé numérique. Malheureusement, l’engagement de l’Afrique
en faveur de la cybersécurité – ainsi que ses capacités à répondre aux menaces – demeure faible par
rapport aux autres continents. Par exemple, sur les 54 pays d’Afrique analysés sur la base de l’Indice de
cybersécurité dans le monde de l’Union internationale des télécommunications (UIT) en 2020, seulement
29 avaient adopté une loi promouvant la cybersécurité 153. De plus, seulement 6 pays d’Afrique ont mis en
place des mesures d’encouragement au développement de capacités en matière de cybersécurité.
Les femmes sont confrontées à des risques supérieurs en ligne compte tenu de lacunes préexistantes telles
qu’un faible niveau d’alphabétisation numérique et de préoccupations au sujet de la sécurité personnelle
et de la vie privée. Pourtant, seulement deux femmes sur dix travaillent dans la cybersécurité à l’échelle
mondiale154. Par conséquent, la contribution des femmes aux défis en matière de sécurité numérique est
minime. Même quand les femmes et les filles sont exposées à des crimes numériques, la plupart ne
connaissent pas les lois ou les mécanismes de signalement existant(e)s. Malheureusement, la plupart des
lois sur la protection des données en Afrique sont inadéquates en raison de facteurs – par exemple, la mise
en œuvre limitée de solutions contre divers problèmes tels que les violations de données, les ressources
limitées des autorités chargées de la protection des données et le faible niveau de compréhension des
données dans la population générale et parmi les responsables politiques 155. De plus, la plupart des lois sur
la protection des données en Afrique sont largement influencées par la Réglementation générale sur la
protection des données (GDPR), ce qui accroît le risque de lois non adaptées aux divers contextes de
l’Afrique186. Par exemple, une analyse des lois sur la sécurité numérique au Kenya a montré que certaines
des lois existantes n’offrent pas une protection adéquate contre la violence en ligne, qu’il n’y a pas
suffisamment d’experts judiciaires du numérique et que les connaissances au sujet des lois existantes sont
limitées156.

149
https://projects.banquemondiale.org/fr/projects-operations/project-detail/P167183
150
https://icivil.org/
151
Disrupting harm in Kenya
152
TechCabal, 2022. Africa must act now to address cybersecurity threats. Here’s why
153
https://www.itu.int/en/ITU-D/Cybersecurity/Pages/global-cybersecurity-index.aspx
154
Banque mondiale, 2022. Women and Cybersecurity: Creating a More Inclusive Cyberspace (Les femmes et la cybersécurité :
création d’un cyberespace plus inclusif)
155
Pisa, M., Nwankwo, U., 2021. Are Current Models of Data Protection Fit for Purpose? Understanding the Consequences for
Economic Development
156
Muya, C., 2021. The law should work for us
Les enfants qui accèdent à l’Internet sont exposés à un risque grave. Selon une étude menée au Kenya
auprès de plus de 1 000 enfants (de 12 à 17 ans), la plupart des enfants accédaient à l’Internet depuis chez
eux, et au moins 30 % l’utilisaient pour regarder des vidéos, aller sur les médias sociaux, envoyer des
messages instantanés, jouer à des jeux en ligne, regarder une diffusion en continu et faire leurs devoirs 151.
Pourtant, malgré le sentiment de sécurité qu’ils peuvent avoir au sein de leur foyer, les enfants sont
exposés à d’énormes risques tels que des contacts avec des inconnus en ligne et en personne ou la
visualisation d’images à caractère sexuel en ligne. Malheureusement, au moins 30 % des enfants qui
avaient été confrontés à ces problèmes ne l’avaient dit à personne, ce qui pourrait exacerber le préjudice
qu’ils ont subi et leur détresse psychologique. L’enquête montre également que des images à caractère
sexuel de certains des enfants avaient été partagées sans leur autorisation et que 27 % des auteurs de ces
partages étaient des connaissances des victimes 151. Parmi les enfants interrogés dont les cas ont été
signalés à la justice, la majorité ont indiqué qu’ils ne souhaiteraient pas interagir à nouveau avec la justice
pénale à l’avenir pour diverses raisons – par exemple, un sentiment d’exclusion, le fait de revivre un
traumatisme, les barrières linguistiques et le blâme imputé à la victime. Ces obstacles juridiques
exacerbent encore la réticence des mineurs ou de leurs responsables légaux à signaler des cas de violence
numérique.

Meilleures pratiques
En 2020, l’île Maurice occupait la première place sur l’Indice de cybersécurité dans le monde (GCI)
parmi tous les pays d’Afrique 157, avec des classements élevés pour les mesures juridiques (telles que les
notifications de violations de données), les mesures techniques (par exemple, disposer d’une équipe
d’intervention en cas d’incident informatique), les mesures organisationnelles (telles que des stratégies à
jour sur la cybersécurité) et les mesures de renforcement des capacités (telles que des initiatives de
sensibilisation du public). Certaines des interventions de l’île Maurice comprennent la CERT, une
division du Conseil national de l’informatique qui vise à éduquer les citoyens aux problèmes en ligne tels
que les risques de l’Internet et qui mène des recherches pour garder une longueur d’avance 158. De plus, le
pays dispose d’un portail pour les utilisateurs sur la cybersécurité avec une section consacrée à la sécurité
des enfants, qui propose des conseils utiles aux parents. L’île Maurice a également lancé un système de
signalement en ligne pour la cybercriminalité 159, qui permet au public de dénoncer des cybercrimes en
toute sécurité. Dans d’autres parties de la région, les gouvernements utilisent les technologies pour
protéger les femmes et les enfants contre la violence – l’une des cibles de l’ODD  9. En 2021, par
exemple, le ministère des Femmes, de la Famille et des Personnes âgées de la Tunisie s’est associé avec
Internet Watch et l’UNICEF en vue de lancer un portail en ligne pour signaler les abus sexuels sur les
enfants160. Ces initiatives promeuvent l’ODD 9 en améliorant l’utilisation des TIC pour renforcer la
sécurité numérique.
Les partenariats avec des agences de développement, la société civile et le secteur privé contribuent
également à combler les lacunes en matière de sécurité numérique. La Convention de l’UA sur la
cybersécurité et la protection des données à caractère personnel est un engagement des États membres à
protéger les informations et les données, à réglementer les domaines technologiques et à promouvoir la
cybersécurité161. Jusqu’ici, 15 pays ont ratifié le traité162. Cette convention offre un cadre fiable que les
États membres peuvent intégrer dans leurs lois nationales, promouvant ainsi l’ODD 16. En août 2022, la
157
https://www.sovereigngroup.com/news/news-and-views/mauritius-the-most-cyber-secure-country-in-africa/
158
ADF, 2021. Une nation insulaire s’attaque à la cybersécurité
159
https://maucors.govmu.org/maucors/
160
https://www.tap.info.tn/en/Portal-Society/14086751-online-reporting
161
UA, 2014. Convention de l’Union africaine sur la cyber sécurité et la protection des données à caractère personnel
162
https://au.int/sites/default/files/treaties/29560-sl-
AFRICAN_UNION_CONVENTION_ON_CYBER_SECURITY_AND_PERSONAL_DATA_PROTECTION.pdf
Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) a consolidé le droit à la liberté
d’expression et à l’accès à l’information, avec des directives supplémentaires pour l’ère numérique et des
principes pour la protection des informations à caractère personnel167.

Pour doter les femmes de compétences en sécurité numérique, l’UIT a lancé le programme de mentorat « 
Les femmes dans la cybersécurité » (Women in Cybersecurity), qui vise à former davantage de femmes et
à les encourager à assumer des rôles de leadership dans la cybersécurité 163. Le programme inclut des
femmes mentores telles qu’Abeer Khedr, la directrice de la sécurité de l’information à la Banque
nationale d’Égypte. De plus, la Defenders Coalition 164, un groupe de femmes d’Afrique de l’Est qui
promeuvent la sécurité et les droits numériques, comprend actuellement 8 pays d’Afrique. En outre,
l’édition 2022 de la Journée internationale des jeunes filles dans le secteur des TIC de l’UIT, sur le thème
« Accès et sécurité », était consacrée aux formations des filles à l’acquisition de compétences numériques
et sur les informations pour assurer leur sécurité en ligne 137. Children Online Africa165 est une organisation
à but non lucratif qui propose des services d’éducation à l’information et d’alphabétisation numérique sur
la sécurité et un programme de leadership (African Digital Leaders) aux enfants de 8 à 16 ans. Depuis sa
création, le programme a organisé 500 rencontres et 30 000 filles en ont bénéficié. Ces approches ont
promu l’ODD 4 en améliorant la qualité de l’éducation à la sécurité numérique pour les femmes et les
filles.
Les technologies numériques ont également été utilisées pour créer du contenu sur les solutions
permettant de rester en sécurité en ligne, promouvant ainsi l’ODD 9 en renforçant les innovations qui
traitent les risques en ligne. SafeSisters est une plateforme d’Afrique de l’Est qui a été fondée en 2017
afin d’élargir l’accessibilité de la sécurité numérique pour les femmes et les filles africaines 166. Composé
de membres basés dans 11 pays d’Afrique, le programme propose une assistance pour les formateurs dans
la sécurité numérique et des directives en matière de sensibilisation aux risques de l’Internet. Un autre
exemple d’outil numérique est le jeu interactif Digital Safetea, créé par Poliicy et Paradigm, qui vise à
donner des conseils aux femmes africaines pour maintenir leur sécurité en ligne 167.
4.5 Promouvoir la coopération numérique régionale
La Stratégie de transformation numérique de l’UA souligne la nécessité de mobiliser une coopération
efficace entre les parties prenantes et les institutions, aux niveaux régional et national 27 – une vision que
partage le Plan d’action du Secrétaire général pour la coopération numérique31. Une harmonisation
accrue entre les États membres et les organisations permet de mettre en œuvre les stratégies et les
politiques et d’en assurer un suivi à l’échelle régionale. Une nouvelle coopération numérique au niveau
régional soutiendra les pays d’Afrique dans leur transition collective vers la révolution numérique, en
veillant à ne laisser aucun d’entre eux de côté, et elle promouvra le transfert des connaissances, des
meilleures pratiques et des innovations par-delà les frontières 168. De plus, bien que des contextes non
réglementés puissent offrir une forme d’innovation et de transformation numérique, les innovations non
réglementées peuvent représenter une entrave majeure aux progrès et compromettre les besoins en termes
de politiques publiques168. Par exemple, les questions telles que la protection des données, la propagation
de la désinformation utilisant des innovations, les investissements dans le continent par de grandes
sociétés technologiques, la fuite des compétences professionnelles dans le numérique et les technologies
financières comportent toutes des risques. De plus, bien que la 4IR puisse faire avancer la transformation

163
UIT, 2021. Women in Cyber mentorship program (Programme de cybermentorat pour les femmes)
164
https://defenderscoalition.org/call-for-applications-the-womens-digital-safety-fellowship-for-east-africa/
165
https://www.childonlineafrica.org/
166
https://safesisters.org/about/#Harnessing-Digital-Safety
167
https://digitalsafetea.com/
168
https://ecdpm.org/work/digital-geopolitics-africa-moving-strategy-action
numérique du continent, en l’absence d’infrastructures physiques et sociales de base, son impact sur la
plupart des Africains ne sera probablement pas positif, et elle pourrait même creuser les inégalités
numériques. Enfin, la dépendance excessive à l’égard de solutions numériques importées peut entraîner
une surdépendance aux innovations créées à l’extérieur. Ainsi, l’établissement d’une approche commune
en matière de résolution des problèmes numériques est un aspect important de la
gouvernance numérique168, avec une collaboration entre les pays et entre les agences et organisations.
Meilleures pratiques
Les partenariats avec des agences de développement, la société civile et le secteur privé contribuent
également à combler les lacunes en matière de coopération numérique. La Stratégie de transformation
numérique de l’UA constitue une stratégie globale pour la transformation numérique du continent et
soutient le développement d’un marché unique numérique27. D’autres stratégies de l’UA qui ont
également été élaborées récemment comprennent la Stratégie 2023-2028 d’éducation numérique169, qui
établit un cadre pour l’adoption des technologies numériques au sein de la stratégie de l’éducation de
l’Afrique. De plus, le Cadre stratégique en matière de données 170 établit un modèle commun pour les
données numériques sur le continent. En outre, la Stratégie sur l’égalité entre les hommes et les femmes et
l’autonomisation des femmes171 offre une approche multisectorielle en matière d’amplification des voix
des femmes et de mise en œuvre efficace d’une législation sur l’égalité des sexes. Ces exemples montrent
qu’une approche multipartite peut fournir des cadres applicables à différentes nations. Toutefois, un
soutien en faveur de l’établissement de ces cadres ferait passer la mise en œuvre des politiques à l’échelle
des pays. Les organisations intergouvernementales telles que Smart Alliance Africa 172 pourraient aider à
accélérer la vision unifiée de la mise en œuvre, du suivi et de l’évaluation des engagements numériques
pris par les États membres. Regroupant 32 pays, dont le Soudan est le plus récent, Smart Africa
Alliance173 constitue un formidable partenariat de promotion de la transformation numérique de l’Afrique
pour tous.

5. Enseignements tirés
a) Accomplissements : les investissements dans les infrastructures numériques, les politiques nationales,
les cadres juridiques et le développement de talents contribuent à combler la fracture numérique entre
les sexes.
b) Lacunes en termes d’accès : il ne suffit pas de permettre aux femmes et aux filles d’accéder à des
appareils numériques. Les autres problèmes à régler comprennent la qualité de l’Internet, la
disponibilité de sources d’énergie et la pertinence du contenu pour les femmes et les filles.
c) Lacunes dans les capacités humaines et institutionnelles : l’appui à l’éducation numérique des
femmes et des filles doit tenir compte de l’intégralité de leur parcours – depuis l’école primaire
jusqu’au monde du travail et le leadership.
d) Lacunes dans les droits humains et le pouvoir d’action : la conception de technologies numériques et
de lois doit tenir compte du facteur de risque que représente la violence en ligne basée sur le genre et
prévoir des ressources et des cadres.
e) Lacunes en matière de sécurité numérique pour les femmes et les enfants : l’autonomisation des
femmes et des filles en leur donnant des compétences en sécurité numérique ne doit pas passer au
second plan, mais représenter un aspect essentiel des innovations numériques.
f) Lacunes en matière de coopération numérique mondiale : les cadres régionaux doivent inclure des
processus de suivi et d’évaluation et des modèles.

169
https://au.int/sites/default/files/documents/42416-doc-1._DES_FR_-_2022_09_14.pdf
170
https://au.int/sites/default/files/documents/42078-doc-AU-DATA-POLICY-FRAMEWORK-FR.pdf
171
https://au.int/en/articles/au-strategy-gender-equality-and-womens-empowerment
172
https://smartafrica.org/
173
https://smartafrica.org/sudan-joins-the-smart-africa-alliance/
6. Recommandations
Sur la base des meilleures pratiques et des enseignements tirés, les points d’action suivants sont
recommandés.
6.1 Accès aux outils numériques, à l’Internet et à du contenu pertinent pour les femmes et les
filles
 Mettre en œuvre des initiatives qui équipent les femmes et les filles d’appareils numériques
gratuitement ou pour un coût subventionné.
 Créer des opportunités d’emploi où les femmes peuvent développer des technologies.
 Accorder une place centrale aux formations numériques pour les femmes et les filles dans le
cadre d’accords de partenariats et de politiques visant à élargir l’accès aux outils numériques et à
l’Internet.
 Mener une évaluation sur le terrain pour comprendre les besoins en termes de connectivité et
d’appropriation.
 Utiliser et fournir des données pour orienter les plans de connectivité.
 Créer des technologies qui fournissent des informations sur les finances, l’agriculture et la santé
sexuelle et reproductive.
 Créer des technologies qui soutiennent les femmes handicapées dans leur quotidien.
 Établir des partenariats avec d’autres acteurs en soutien à une durabilité numérique à l’échelle des
pays.
 Permettre aux femmes d’assumer la responsabilité de dossiers sur les TIC au niveau
gouvernemental.
 Fournir un accès à des énergies propres.
 Établir des infrastructures pour élargir l’accès des communautés désavantagées aux technologies,
y compris les femmes et les filles dans des zones rurales et reculées et des camps de réfugiés.
 Intégrer l’utilisation des TIC dans une politique qui promeut une bonne santé et le bien-être.
6.2 Disponibilité de données aux fins d’innovations tenant compte des questions de genre
 Collecter des données pour comprendre les besoins et les tendances dans l’ensemble des secteurs.
 Impliquer les femmes tout au long du cycle des données ouvertes, depuis les activités de collecte
jusqu’aux rôles de leadership.
 Utiliser les données pour renforcer les pratiques agricoles.
 S’associer avec des organisations qui fournissent des solutions de données sûres pour protéger les
données ouvertes.
 Sensibiliser davantage le public à l’importance de données ouvertes pour assurer un suivi des
progrès réalisés relativement aux ODD et à l’atteinte de leurs cibles.
 Créer des unités gouvernementales dédiées pour obtenir et diffuser les données ouvertes
provenant de diverses agences.
 Mettre en œuvre des fonctions et des étapes de contrôle pour assurer l’intégrité des données.
 Équiper les communautés d’outils numériques pour surveiller les crimes et l’instabilité.
 Créer des mécanismes et des canaux permettant de demander des comptes aux gouvernements en
matière d’utilisation de données ouvertes.

6.3 Capacités humaines et institutionnelles

 Utiliser les technologies numériques pour dispenser des formations à l’acquisition de


compétences en santé, finances, entrepreneuriat et numériques.
 Permettre aux femmes et aux filles d’apprendre à utiliser les compétences numériques acquises
pour créer des innovations.
 Améliorer l’accès des gouvernements aux financements et mettre en œuvre des compétences en
formation numérique dans le cadre du programme d’enseignement national.
 Améliorer les efforts visant spécifiquement à établir des salles de classe paritaires.
 Équiper les femmes de compétences pour démarrer une entreprise ou pour devenir employables
dans le secteur des technologies et de l’innovation.
 Apporter un soutien financier aux femmes entrepreneures dans le secteur des technologies.
 Employer davantage de femmes pour développer des innovations tenant compte de la dimension
du genre.
 Équiper les communautés et les institutions d’une expertise et de ressources et assurer leur
leadership afin de former les femmes et les filles à l’acquisition de compétences pour la 4IR.
 Privilégier les formations numériques des femmes et des filles en tant qu’aspect central des
politiques nationales sur les services.

6.4 Droits et pouvoir d’action des personnes

 Privilégier la santé mentale des femmes, en plus de leur santé physique.


 Améliorer les compétences et les connaissances relativement aux lois existantes liées à
l’utilisation d’espaces en ligne.
 Créer un environnement de travail et des espaces publics sûrs pour les femmes et les filles.
 Impliquer la communauté pour améliorer la sécurité des femmes et des filles.
 Utiliser les compétences numériques pour créer des innovations qui améliorent les droits des
femmes à participer en ligne.
 Développer des outils numériques qui sont accessibles et pertinents pour les utilisatrices.
 Concevoir de nouvelles méthodes et approches en vue de fournir une identité juridique aux
groupes désavantagés de femmes et de filles.
 Établir la prestation de services publics numériques accessibles à toutes les femmes et les filles et
à tous les hommes et les garçons.
 Actualiser les lois et les politiques existantes pour tenir compte de tous les types de violences
facilitées par la technologie.

6.5 La sécurité numérique pour les femmes et les enfants


 Apporter un soutien psychosocial aux femmes et aux filles dont les droits en ligne ont été violés.
 Dispenser des formations aux praticiens juridiques et sécuritaires sur le traitement des affaires de
violence en ligne basée sur le genre.
 Améliorer les connaissances des femmes et des filles sur les compétences liées à la sécurité
numérique.
 Employer des approches numériques pour réduire les risques numériques.
 Renforcer les systèmes juridiques pour protéger pleinement les enfants et les femmes en ligne.

6.6 Coopération numérique régionale


 Renforcer les partenariats et les stratégies à l’échelle régionale pour résoudre les problèmes liés
au genre dans la transformation numérique.
 Donner aux agences nationales les moyens de mettre en œuvre les partenariats proposés.
 Mettre en œuvre des cadres de suivi et d’évaluation des projets.

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