Vous êtes sur la page 1sur 86

FACULTÉ DES SCIENCES

ECONOMIQUES ET DE
GESTION DE TUNIS

Cours Data Science et détection de fraude

Mastère 2 : Ingénierie fiscale et comptabilité


internationale

Enseignante Mme Ines AKROUT

Année universitaire 2021/2022

1
Plan du cours

1er Chapitre : Présentation de la data Science et ses différentes étapes


Section 1 : Définition, source et présentation des différents intervenants de la data science

Section 2 : Présentation des différentes formes des données

Section 3 : Les principaux intervenant dans la mission de data science

2ème Chapitre : La fraude Financière

Section 1 : Définitions, caractéristiques et causes de la fraude financière

Section 2 : Le cadre réglementaire de la fraude financière

Section 3 : les dispositifs de détection et de prévention de la fraude financière

3ème Chapitre : La fraude financière un cas de blanchiment d’argent

Section 1 : La Définition du blanchiment d’argent et ses mécanismes

Section 2 : Les canaux de blanchiment d’argent et leur impact en Tunisie

Section 3 : La lutte contre le blanchiment d’argent un enjeu mondial

4ème Chapitre : L’importance de la Data Science dans la lutte contre la fraude

Section 1 : Le rôle de la data science dans la lutte contre la fraude financière

Section 2 : Les avantages de l’intelligence artificielle dans les fonctions comptables et


financières

Section 3 : Les conséquences économiques de l’intelligence artificielle.

2
1er Chapitre : Présentation de la data Science et ses différentes
étapes

L’intelligence artificielle, présentée comme la 4ème révolution industrielle, prend de


plus en plus de place dans notre vie quotidienne. Elle est supposée être largement diffusée
dans tous les domaines de notre vie. Nous commençons à voir ses véritables effets à travers
les voitures sans conducteurs, la reconnaissance vocale et faciale...

Dans un contexte économique mondial en pleine mutation, l’intelligence artificielle


ouvre des perspectives in égalisées pour les entreprises. C’est ce que révèle le cabinet de
conseil et d’audit PwC dans sa dernière étude « SIZING THE PRIZE », estimant que le PIB
mondial pourrait croître de 14 % d’ici 2030 grâce à l’intelligence artificielle. Celle-ci devrait
contribuer à hauteur de 15 700 milliards de dollars à l’économie mondiale en 2030, soit plus
que le PIB cumulé actuel de la Chine et de l’Inde. Les gains de productivité engendrés par les
technologies d’intelligence artificielle devraient représenter la moitié des bénéfices
économiques attendus.
Selon les experts, l’intelligence artificielle risque d’être une révolution aussi forte que
la téléphonie mobile ces dernières années. Les technologies appelées « cognitives » sont
issues du champ de l’intelligence artificielle, capables d’exécuter des tâches que seuls des
humains pouvaient réaliser jusqu’à maintenant.

Section 1 : Définition, source et présentation des différents intervenants de la data


science

I. Définition
 Data Science

La data science (littéralement « science des données ») est une discipline qui étudie les
Sinformations : leur source, ce qu'elles représentent et les méthodes permettant de les
transformer en ressources utiles pour la création de stratégies métier et IT.
La data science est une science interdisciplinaire s’appuyant sur des méthodes scientifiques,
des algorithmes, des processus et autres systèmes afin d’exploiter de grands ensembles de
données. Les data scientists associent ainsi plusieurs compétences, notamment des
connaissances en informatique, statistiques et commerce pour analyser des données collectées

3
auprès des clients ou bien d’autres sources à l’aide de capteurs, de leurs smartphones, de leurs
habitudes de navigation sur internet, etc

Ainsi, L'extraction d'importants volumes de données, structurées ou non, permet aux


organisations d'identifier des modèles qui les aident à maîtriser leurs coûts, à améliorer leur
efficacité, à identifier de nouveaux débouchés commerciaux et à améliorer leur avantage
concurrentiel.
La data science fait appel aux mathématiques, aux statistiques et à l'informatique et intègre
des techniques telles que l'apprentissage statistique (apprentissage automatique), l'analyse
topologique, l'exploration des données (data mining) et leur visualisation.

La data science est donc une spécialité récente, qui s’est développée avec l’essor des données
dans le monde. Elle provient du croisement des domaines de l’extraction de données, aussi
appelé forage de données ou data mining, et de l’analyse statistique. Le terme data science
est apparu en 2002, avec la publication du Data Science Journal, créé par l’International
Council for Science : Committee on Data for Science and Technology. Dès 2008, le métier de
data scientist a émergé et la profession s’est rapidement développée. De nos jours, les data
scientists manquent cruellement, malgré l’apparition de plusieurs cursus en data science
proposés par les grandes écoles et les universités.

Le but principal de la data science est de mettre à jour des tendances afin de fournir des
informations précieuses aux entreprises qui peuvent alors s’en servir pour prendre les
décisions les plus appropriées ou bien concevoir de meilleurs produits et services, plus
innovants. Les données ainsi exploitées par les data scientist ont donc une réelle valeur,
notamment dans un contexte Big Data où les grands ensembles de données n’ont jamais été
aussi importants.

En effet, la technologie moderne permettant la création et le stockage de quantités toujours


croissantes d’informations, la data science est plus que jamais sollicitée. On estime
d’ailleurs que près de 90 % des données dans le monde ont été générées au cours des deux
dernières années. Par exemple, les utilisateurs de Facebook n’importent pas moins de 10
millions de photos par heure, sans compter les autres informations qu’ils fournissent dès lors
qu’ils se connectent à leur compte. L’IoT, l’Internet des objets, joue également un rôle
fondamental dans le développement exponentiel des données dans le monde entier. On estime

4
en effet que d’ici 2025, le nombre d’appareils connectés sur la planète devrait atteindre plus
de 75 milliards.

La Data Science est un domaine en constante évolution et il en va de même de sa définition et


de ses contours.

 Machine learning

Nous pouvons définir le machine learning (littéralement « apprentissage machine », mis que
l’on traduit plus volontiers par « apprentissage automatique) comme une branche de
l’intelligence artificielle qui donne aux ordinateurs la capacité d’apprendre par eux-
mêmes à partir de données mathématiques et statistiques.

Cette capacité vise également à rendre les intelligences artificielles capables de réaliser des
prédictions en se basant sur des données issues de statistiques. Le perceptron, inventé par
Frank Rosenblatt en 1957, est l’un des premiers algorithmes d’apprentissage ayant vu le jour.
Aujourd’hui, le machine learning s’est perfectionné et a prouvé son efficacité à maintes
reprises et est notamment reconnu pour sa vitesse et sa précision. Une fraude par exemple,
peut désormais être détectée en un temps record (soit une milliseconde) grâce aux data
numériques, sociales et historiques.

5
Ainsi, l’apprentissage automatique est un véritable allié pour l’homme puisqu’il facilite
grandement la collecte de données depuis une machine industrielle puis leur analyse. Cette
technologie moderne a l’avantage de pouvoir extraire une multitude de data et ne nécessite
pas l’intervention d’un humain. Le machine learning va bien plus loin que les outils
analytiques classiques en exploitant également des données cachées et inaccessibles à
l’intelligence humaine.

Pour résumer, un système d’apprentissage automatique peut ingérer d’importantes quantités


de données et les analyser de façon rapide et qualitative. La majorité des équipements à
notre disposition comportent divers capteurs permettant de récupérer d’innombrables
informations en temps réel. Nous pouvons considérer que l’intelligence artificielle est un
assistant de maintenance fiable et pertinent. Le machine learning est particulièrement
intéressant lorsqu’il s’agit de prendre une décision lors d’une intervention, de prévoir et
anticiper de possibles défaillances techniques.

Section 2 : Présentation des différentes formes des données

Une donnée est un nombre, une caractéristique, qui m’apporte une information sur un
individu, un objet ou une observation. Par exemple, 33 est un nombre sans intérêt2 , mais si

6
quelqu’un vous dit « J’ai 33 ans », 33 devient une donnée qui vous permettra d’en savoir un
peu plus sur lui.

Généralement, on lie les données à des variables parce que le nombre/la caractéristique varie
si on observe plusieurs objets/individus/observations. En effet, si on s’intéresse à l’âge de tous
les lecteurs de ce livre, on sait qu’il est défini par un nombre compris entre, disons, 15 et 90,
et qu’il variera d’un lecteur à l’autre. Ainsi, si l’on nomme Xâge la variable « âge du
lectorat », les données mesurant cet âge sont égales à x1âge, x2âge, …, xmâge, où x1âge est
l’âge du lecteur 1, x2âge l’âge du lecteur 2, et ainsi de suite jusqu’à xmâge, où m représente le
nombre total de lecteurs. Tel est le matériau brut que va manipuler le data scientist : des
variables exprimées concrètement par des données et qui lui permettent de décrire un
ensemble d’objets/individus/observations. Ces données peuvent prendre diverses formes que
nous allons désormais détailler.

1. Les principaux types des données

On distingue généralement les données quantitatives des données qualitatives. Les


données quantitatives sont des valeurs qui décrivent une quantité mesurable, sous la forme
de nombres sur lesquels on peut faire des calculs (moyenne, etc.) et des comparaisons
(égalité/ différence, infériorité/supériorité, etc.). Elles répondent typiquement à des
questions du type « combien ». On fait parfois la différence entre :

- les données quantitatives continues, qui peuvent prendre n’importe quelle valeur
dans un ensemble de valeurs : la température, le PIB, le taux de chômage, en sont
des exemples ;
- et les données quantitatives discrètes, qui ne peuvent prendre qu’un nombre limité
de valeurs dans un ensemble de valeurs : le nombre d’enfants par famille, le
nombre de pièces d’un logement, etc.

Les données qualitatives décrivent quant à elles des qualités ou des caractéristiques.
Elles répondent à des questions de la forme « quel type » ou « quelle catégorie ». Ces
valeurs ne sont plus des nombres, mais un ensemble de modalités. On ne peut pas faire
de calcul sur ces valeurs, même dans l’éventualité où elles prendraient l’apparence
d’une série numérique. Elles peuvent toutefois être comparées entre elles et
éventuellement triées. On distingue :

7
- Les données qualitatives nominales (ou catégorielles), dont les modalités ne
peuvent être ordonnées. Par exemple : la couleur des yeux (bleu, vert, marron,
etc.), le sexe (homme, femme), la région d’appartenance (68, 38, etc.) ;
- et les données qualitatives ordinales, dont les modalités sont ordonnées selon un
ordre « logique ». Par exemple : les tailles de vêtements (S, M, L, XL), le degré
d’accord à un test d’opinion (fortement d’accord, d’accord, pas d’accord,
fortement pas d’accord).

Le tableau ci-dessous résume ces différents types de données ainsi que les opérations qu’ils
supportent :

2. Les sources des données :

Il existe deux sources de données à savoir les données privées et des données publiques

Les données privées sont tout simplement les données qui en théorie n’appartiennent qu’à
vous ou à votre organisation. Si vous travaillez en entreprise, ce pourrait être les bases de
données internes de votre société, les divers documents électroniques ou numérisés
disponibles (e-mails, fichiers informatiques, documents scannés, images et vidéos, etc.). Ce
pourrait être aussi les fichiers de logs3 générés par vos machines (serveurs informatiques,
équipements de production, etc.) et par vos applications informatiques (progiciels,
applications web, etc.), les informations remontées par les capteurs et objets connectés, et bien
d’autres. Il y a déjà beaucoup de connaissances à en tirer.

Les données publiques se sont des données accessibles à tous c'est-à-dire vous disposez d’une
source de données quasi infinie : Internet. Pour cela, trois modes de collecte de données
existent.

 Les open data, qui correspondent à la mise à disposition gratuite de données de la


société civile, sur des sites tels que www.data.gov, www.data.gouv.fr,
http://opendata.alsace.fr, etc.

8
 Les open API (Application Programming Interface), qui sont des technologies
permettant d’accéder à des données sur Internet. Elles vous permettent de
récupérer par exemple des données mises à disposition par Google, Twitter, etc.
 Le Web en tant que tel est lui aussi directement source de données. Pour cela, il
faut un minimum d’expertise en programmation pour être capable de faire ce que
l’on nomme du web scraping, qui consiste à récupérer des données directement à
partir des pages des sites Internet.
Section 3 : Les principaux intervenant dans la mission de data science

Face à l’augmentation du volume de données numériques, de nombreux métiers spécialisés


dans la data science ont fait leur apparition dans des secteurs d’activités très variés.

Au cours de ces vingt dernières années, les entreprises ont pris conscience de
l'intérêt d'analyser et d’exploiter les données. De nouveaux métiers ont vu le jour dans des
univers très variés. Responsable de haut niveau dans de grands groupes industriels, conseiller
technique dans des entreprises ou analyste dans des start-ups innovantes, le spécialiste de la
data science peut occuper différents postes.

Les délimitations entre les attributions de ces nouveaux métiers de la donnée peuvent être
parfois diverses, ou segmentées avec des dénominations particulières; mais quatre grands
groupes de fonctions peuvent être identifiés :

a. Data scientist :
Le data scientist est le spécialiste de la data science. Au sein d’une équipe
pluridisciplinaire, le data scientist a un rôle clé dans la valorisation et le partage
des données. Il est chargé de la gestion de l’information et du traitement des
données pour les transformer en informations exploitables. Ce travail d’analyse a
pour objectif d’anticiper, d’améliorer et d’orienter les décisions stratégiques de
l’entreprise. En analysant les données, le data scientist participe à l’amélioration
des services et produits proposés aux employés, aux clients et aux usagers.
Les principales missions du data scientist sont :
- Collaborer sur des projets d’analyse et  de valorisation des données ;

- Définir une stratégie d’analyse des données digitales ;

- Explorer et décrire des volumes de données numériques issus de différentes


sources ; 

9
- Développer des modèles prédictifs ;

- Interpréter les résultats provenant des analyses statistiques ;

- Rédiger des rapports statistiques et proposer des solutions ;

- Développer des solutions d’analyse et des modèles de machine learning sur


différents outils.

b. Data analyst :
Au sein d’une entreprise, le data analyst aide à la prise de décision en s’appuyant
sur les méthodes et des outils développés en data science. Il crée, administre et
modélise la base de données et s’assure de sa mise à jour régulière pour en faciliter
l’exploitation. Il joue un rôle clé dans la coordination de l’ensemble des équipes
pluridisciplinaires.
Les principales missions du data analyst sont :
- Recueillir, traiter, analyser et restituer les données relatives à l’activité ;

- Contrôler la qualité des bases de données ;

- Concevoir et déployer des outils de pilotage ;

- Contribuer aux projets d’amélioration de la qualité des bases de données ;

- Collaborer et accompagner les équipes techniques pour définir les besoins


et expliciter les résultats.

Exemples de missions des spécialistes des données :

- Prédire des tendances du marché pour augmenter les ventes d’une


entreprise en e-commerce ;

- Détecter des anomalies et des fraudes dans la cybersécurité ou pour des


groupes bancaires ;

- Optimiser des itinéraires, en fonction du trafic et de la météo, dans le


domaine de la logistique ;

- Organiser une campagne publicitaire.

c. Data manager

10
Le rôle du data manager - ou gestionnaire de données - est d'organiser l'acquisition
de données pour l'entreprise, et de veiller leur qualité en garantissant leur
conformité, leur accessibilité et leur facilité d'exploitation. Le data manager est
amené à échanger avec des professionnels de la données - data scientists, data
analysts - mais également avec d'autres fonctions de l'entreprise, rendant
indispensable sa capacité de vulgarisation.
Les principales missions du data Manager sont :
- Structurer et valider les données de l'entreprise ;

- Définir et mettre en place les procédures et les stratégies qui contrôlent la


façon dont l'entreprise collecte, stocke, exploite et utilise la donnée ;

- Convertir les données en modèles statistiques pour appuyer les prises de


décision ;

d. Data engineer
Le data engineer travaille dans des environnements multidisciplinaires en
exploitant les données pour fournir un impact réel aux organisations dans le monde
entier. Il influence les décisions stratégiques pour faire évoluer positivement les
activités et améliorer les performances d’une entreprise. Il est chargé d’extraire,
stocker, nettoyer et structurer des données numériques brutes afin de les
enregistrer dans des bases de données structurées. Dans la pratique, le data
engineer est chargé de la construction de l’infrastructure pour faciliter le travail du
data scientist. Technicien de haut niveau, il travaille avec différents langages et
outils spécifiques développés dans le big data comme Hardoop, Spark, Scala,
Oracle, Cassandra, SQL, etc. Ses objectifs principaux sont d’acquérir, analyser et
traiter des données provenant de sources et de systèmes multiples dans des
plateformes de big data.
Les principales missions du data Engineer sont :
- Comprendre, évaluer et cartographier le paysage des données ;

- Concevoir des pipelines et des outils permettant de traiter des données de


masse et construire des tableaux de modélisation ;

- Maintenir des normes de sécurité et de lisibilité de l’information des


données ;

11
- Collaborer avec les data scientists pour cartographier les champs de
données en fonction des hypothèses ;

- Préparer les données pour les utiliser dans leurs modèles analytiques
avancés.

II. Les étapes d’un projet de Data Science


Les 7 étapes clés d’un projet de data science sont schématisé comme suit :

1. 1ère étape : La Définition de la problématique

Le data scientist a pour objectif de s’assurer que l’ensemble des décisions prises dans une
entreprise repose sur des données de qualité. En d’autres termes, il a pour ambition de mettre
la donnée au cœur des décisions.

Avant de se lancer dans un projet de Data Science, il est fondamental de comprendre


l’environnement dans lequel ce professionnel va intervenir (Quelle industrie ? Quel service ?

12
Quels enjeux opérationnels ? Quelle réglementation en vigueur ? etc.) puis de définir la
problématique à résoudre.

En effet, le data scientist peut répondre à cinq types de questions :

- Quelle quantité ? (régression)


- Est-ce A ou B ? (classification)
- Comment les données sont-elles organisées? (clustering)
- Est-ce étrange ? (détection d’anomalie)
- Que devons-nous faire ensuite ? (apprentissage par renforcement)

Lors de cette étape le data scientist doit échanger avec les responsables métiers pour
comprendre la problématique à résoudre et identifier les variables à prédire : Prévisions de
ventes (régression), profil client (clustering), « Qu’est-ce qui attire le plus les clients : un
coupon de 5 € ou une remise de 25 % ? » (Classification), etc.

Nous insistons ici sur le fait que la compréhension des données et la manière de les exploiter
en se posant de bonnes questions est un processus autant essentiel que délicat. Ce processus
est, selon nous, plus un art qu’une science. Se poser les « bonnes questions » et « faire le tri
entre l’essentiel et l’accessoire » nécessitent beaucoup d’expérience. Une manière d’acquérir
cette expérience est d’échanger avec des experts métiers, des data scientists chevronnés et de

développer sa sensibilité métier à travers des lectures ou tout autre support.

2. La 2ème étape : La collecte des données

Une fois les objectifs du projet bien définis, il est alors temps de collecter les données.

Malheureusement, il est très rare de penser que l’ensemble des données est stocké à un même
endroit. En effet, la plupart du temps, la collecte de données est consommatrice de temps et
d’énergie. Ainsi, le data scientist doit avoir une vision claire et exhaustive des données à
collecter, identifier les sources où obtenir ces données, savoir y accéder et les stocker.

Une partie des données peut être regroupée dans une ou plusieurs bases de données (bdd). Le
travail est alors simplifié. Deux situations peuvent se présenter. Le data scientist dispose de
bdd accessibles, documentées et aux données structurées (data warehouse). Le data scientist
doit trouver les bdd dans son entreprise et doit récupérer des données peu structurées via des
requêtes (requêtes SQL , etc.).

13
L’extraction de données peut également passer par du Web scraping. "Beautiful Soup" est une
librairie de Web scraping qui permet d’extraire les données de pages web et de les structurer.
Si elle présente un intérêt certain, ce sont rarement des données utilisables en production
parce que cette méthode s’apparente à voler des données sur un site… sauf autorisation
explicite contraire (type Wikipedia).

La collecte de données externes peut se faire via recours à des API (interface de
programmation). Ces API sont implémentées par les développeurs de l’entreprise afin
d’effectuer des actions sur un système extérieur. Lorsque ces interfaces sont établies, le data
scientist peut requêter via un lien url. Par exemple un data scientist souhaitant collecter des
données météo peut souscrire à l’API « OpenWeatherMap ».

Enfin, si le data scientist souhaite collecter de la donnée sur un site web/ application mobile
pour obtenir des informations telles que le nombre de visites, les pages visitées, les actions
réalisées, etc. de nombreux outils existent tels que Google Analytics.

3. 3ème étape : Le nettoyage des données

Une fois la collecte de données achevée, le data scientist passe à l’étape la plus chronophage
du projet (50 à 80% du temps) : le nettoyage et la mise en forme des données.
Outre la volumétrie des données, la dimension chronophage de cette étape s’explique
notamment par de nombreux allers - retours entre le data scientist et le métier. En effet la
bonne compréhension de l’environnement étudié est primordial afin de ne pas omettre
certaines informations et ainsi ne pas biaiser l’analyse des données. Notons aussi qu’à l’ère
des projets Big Data, la volumétrie des données est de plus en plus conséquente (plusieurs
téraoctets de données).

Dès lors, il nous semble intéressant de comprendre en quoi consiste cette étape.

Les données provenant de différentes sources peuvent avoir des formats différents (csv, json,
xml,etc.) et contenir des anomalies ou des valeurs incorrectes. Les problèmes de qualité les
plus fréquents sont les suivants :

14
- Les données erronées : elles proviennent le plus souvent d’erreurs de saisie ou
d’incompatibilités entre la source de données et la base.
- Les données incomplètes : il est fréquent que les utilisateurs d’une base de données
ne renseignent que les champs obligatoires ou ceux qui les concernent dans leur
activité. Des autres données, pourtant pertinentes, passent ainsi à la trappe.
- Les données non normées : plusieurs utilisateurs renseignent une donnée identique
sous des formats différents. Par exemple, un individu de sexe masculin sera renseigné
M., Mr ou Monsieur.
- Les données obsolètes : une entreprise a fermé, a déménagé, ou encore Mr X a
remplacé Mr Y, etc. et la qualité de la base se détériore.
- Les doublons : un même contact se retrouve plusieurs fois dans la base. Et le data
scientist s’arrache les cheveux pour retrouver la fiche-source et fusionner les données.

L’ensemble de ces problèmes peut engendrer des erreurs dans la détermination des
hypothèses et des biais dans la construction du modèle prédictif.
Lors de cette phase, le data scientist a majoritairement recours à pandas (pour python) ou
Dplyr/ Data.table (pour R). Ces librairies permettent de manipuler les données (filtrer, trier,
regrouper, fusionner, pivoter, etc.). L’objectif de cette manipulation est de les mettre à un «
meilleur » format pour faciliter l'exploration des données (et la formulation des hypothèses)

ou même l’apprentissage du modèle de machine learning.

4. 4ème étape : La formulation des hypothèses


En possession d’un jeu de données complet, correctement retraité et fidèle à l’activité/ au
problème à résoudre, le data scientist peut débuter l’analyse des données. Il rentre alors dans
une phase de travail qui peut s’associer à un exercice de brainstorming.
L’objectif est de croiser les différentes natures de données et d’établir des liens de corrélation
entre ces dernières. Ces liens doivent se matérialiser par la formulation d’hypothèses. Par
exemple, dans le cas d’une estimation d’un prix de vente d’un bien immobilier, un jeu de
données pertinemment choisi inclura la localisation, la superficie, le rendement locatif, l’âge
et la qualité de la construction, les équipements, etc. Une hypothèse pouvant être établie est la
relation prix de vente/ localisation.

15
Cette analyse de données peut être facilitée par la mise en place d’histogrammes et/ ou de
courbes de distribution, diagrammes de dispersion permettant de dégager des tendances. Par
ailleurs des outils de restitutions tels que Power BI ou Qlickview peuvent faciliter ce travail
de brainstorming via des visualisations interactives.
Rappel : Cette phase très descriptive se fait de façon itérative avec l’étape 3 : c’est en
nettoyant les données que l’on s’aperçoit des incohérences.

5. 5ème étape : Détermination des variables synthétiques


Après avoir établi des hypothèses et ainsi identifié les variables (données brutes) qui
impactent la variable à expliquer (variable cible), le data scientist entre dans une phase de
« feature engineering ».
Cette étape consiste à concevoir et sélectionner des variables synthétiques : des combinaisons
de données brutes sur lesquelles tourneront les algorithmes. Les variables synthétiques ont
pour objectif de mieux représenter le problème à résoudre et donc d’améliorer la performance
du modèle.

Le processus de "Featuring engeniring" peut consister en :


 La sélection des variables pertinentes ("Feature selection")
L’idée est de sélectionner les variables qui expliquent/ impactent le problème à
résoudre. A l’inverse les variables à faibles intérêts sont retirées du jeu de données.
Cette sélection contribue à la simplification des modèles, à la réduction de la phase
d’apprentissage des modèles et à la réduction de la dimensionnalité.
Notons que la complexité du modèle dépendra de l’objectif métier. Le Data scientist
choisira un modèle simple avec peu de variables pour qu’il soit très intuitif et
compréhensible. A l’opposé un modèle très complexe permettra une analyse très fine
et précise de la problématique donnée.
 La transformation des variables ("Feature construction")
Cela consiste à créer de nouvelles variables à partir des variables brutes du jeu de
données. Cette méthode s’applique très souvent aux variables continues (le nombre de
possibilités est infini) et lorsque les experts métiers préconisent que le problème à
prédire dépend d’une valeur seuil. Par exemple si une variable brute est l’âge mais que
le modèle de prédiction serait plus performant en se basant sur un indicateur de
majorité, le data scientist pourrait fixer un seuil à 18 ans et ainsi créer deux nouvelles
variables ("majeur" ou "mineur") selon l’occurrence.

16
6. 6ème étape : Construction du modèle
Cette étape correspond à la phase de machine learning à proprement parler du projet
de Data Science.
Il s’agit de choisir les différents modèles de machine learning qui permettent de
modéliser au mieux la variable cible à expliquer (problématique métier). De manière
générale, les modèles les plus utilisés sont :

- Les modèles GLM (Logit en classification , régression linéaire en


régression) : Ces modèles ont le mérite d’être simples, interprétables et
ils sont souvent de bons proxys dans des cas simples.
- Les modèles Deep Learning

Ces modèles sont spécifiquement adaptés lorsque les données sont du


texte ou des images. Ils performent bien mieux que les méthodes citées
précédemment.

Afin de sélectionner le « modèle le plus adéquat », il est d’usage de


diviser le jeu de données retraité en deux parties. La première partie -
70% du jeux de données - participera à la conception du modèle et la
seconde partie à le tester. Dans le cadre de modèles complexes qui
nécessitent de tuner des paramètres afin de ne pas apprendre
indirectement sur le jeu de test, les données peuvent être divisées en
trois parties afin de concevoir, tester et valider le modèle.

7. 7ème étape : Présentation & Communication


Une fois le modèle prédictif établi et validé, il est temps de communiquer sur ses
résultats.
La restitution des travaux aux Métiers ou tout autre interlocuteur (régulateurs,
management, etc.) est aussi important que le modèle en lui-même. En effet lors de
cette étape, le data scientist doit être en mesure de restituer ses travaux de manière
claire, pédagogue et dynamique.
La visualisation des données (Data visualisation) permet de tirer rapidement des
informations grâce à des représentations graphiques pertinentes et dynamiques.
Les décideurs et les gens du métier sont des personnes à l’aise avec des outils comme
Microsoft Excel qui permettent de produire aisément des Dashboard et des graphiques.

17
Par conséquent, le Data scientist a intérêt de profiter de ce terrain de compréhension
commun pour véhiculer ses conclusions et ses idées.
Cette étape peut également être l’occasion de proposer des méthodes pour expliquer
les décisions prises (par exemple pour se justifier auprès du régulateur).
Les travaux de data visualisation peuvent s’opérer directement sous Python (Jupyter)
ou des outils de BI plus souples tels que Power BI ou Qlick view.
Une fois la visualisation des données terminée et le modèle validé, le data scientist
devra, avec l'aide des équipes IT, industrialiser sa solution et l'intégrer dans
l'infrastructure existante de l'entreprise.

18
2ème Chapitre : La fraude Financière
Section 1 : Définitions, caractéristiques et causes de la fraude financière

I. Définition
Il existe plusieurs définitions de la fraude toutefois nous allons citer quelques-unes :
1. Définition économique de la fraude financière
Le dictionnaire Larousse défini le terme fraude comme étant « un acte malhonnête fait dans
l’intention de tromper en contrevenant à la loi ou aux règlements ». Cette définition,
considère la fraude comme un acte intentionnel de tromperie, effectué dans le but de porter
atteinte aux droits et aux intérêts d’autrui. C’est là en effet que réside la principale différence
avec les erreurs et les actes non intentionnels, qui résultent essentiellement de la négligence
humaine, des manquements au respect des procédures et des lacunes dans le processus de
formation et d’encadrement1.
Selon l’Institue of Internal Auditors (IIA), la fraude est « tout acte illégal caractérisé par la
tromperie, la dissimulation ou la violation de la confiance sans qu’il y ait eu violence ou
menace de violence. Les fraudes sont perpétrées par des personnes et des organisations afin
d'obtenir de l'argent, des biens ou des services ou de s'assurer un avantage personnel ou
commercial 2».

L’Institut Canadien des Comptables Agréés (ICCA), définit la fraude comme étant :

« … les actes frauduleux revêtent une double caractéristique : d’une part, ils procèdent d’une
intention manifeste et sont donc accomplis sciemment et, d’autre part, ils ont pour objectif de
tromper et visent à porter atteinte aux droits ou aux intérêts d’autrui. En comptabilité, les
fraudes peuvent se perpétrer soit par des détournements, soit par une présentation erronée de
renseignements financiers dans le but de dissimuler les détournements ou pour d’autres fins,
par des moyens comme la manipulation, la falsification ou la modification des registres ou
documents, la suppression de renseignements, d’opérations ou de documents, la
comptabilisation d’opérations fictives ou l’application fautive des principes comptables 3».

1
Nasiri (M), « L’audit de la fraude et la délinquance financière : le guide pratique des auditeurs et des
entreprises », juillet 2012.
2
Institut français de l’audit et de contrôle interne, cadre de référence International des pratiques professionnelles
de l’audit interne, édition 2011, disponible sur le site web : www.chapters.theiia.org
3
Nasiri (M), « l’audit de fraude et la délinquance financière », Edition Emerit Publishing, Juillet 2012,
disponible sur le site web : www.i-expertcomptable.com

19
La définition de la fraude donnée par le parlement européen est comme suit :

o « en matière de dépenses, comme tout acte ou omission intentionnels relatifs :


- à l’utilisation ou à la présentation de déclarations ou de documents faux,
inexacts ou incomplets, ayant pour effet la perception ou la rétention indue de
fonds provenant du budget général des Communautés européennes ou des
budgets gérés par celles-ci ou pour leur compte ;
- à la non-communication d’une information en violation d’une obligation
spécifique, ayant le même effet ;
- au détournement de tels fonds à d’autres fins que celles pour lesquelles ils ont
initialement été octroyés
o en matière de recettes, tout acte ou omission intentionnel relatif :
- à l'utilisation ou à la présentation de déclarations ou de documents faux,
inexacts ou incomplets, ayant pour effet la diminution illégale de ressources
du budget général des Communautés européennes ou des budgets gérés par
les Communautés européennes ou pour leur compte, à la non-communication
d'une information en violation d'une obligation spécifique, ayant le même
effet,
- au détournement d'un avantage légalement obtenu, ayant le même effet.
Le caractère intentionnel d'un acte ou d'une omission (…) peut résulter de circonstances
factuelles objectives 4».
Par ailleurs, toutes ces définitions mettent l’accent sur la notion d’intention. En effet, puisque
cette notion distingue la fraude de l’erreur.

2. Définition juridique de la fraude financière


Il n’y a pas de définition juridique de la fraude, cependant elle est traitée par ses
manifestations qui correspondent à des différents types d’infractions, délits et crimes. Ainsi,
ce terme est utilisé quand la tromperie a une conséquence financière pour le fraudeur et sa
victime. En effet, la fraude est souvent utilisée comme étant une tromperie intentionnelle
visant à retirer un gain financier.
3. Définition de la fraude financière selon les normes professionnelles
Selon la norme internationale d’audit ISA 240 de l’IFAC relative aux obligations de l’auditeur
en matière de fraude lors d’un audit d’états financiers, la fraude est un « acte intentionnel

4
L’article premier de la Convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés
européennes : la lutte contre la fraude, du 26 juillet 1995.

20
commis par un ou plusieurs membres de la direction, par une ou plusieurs personnes
constituant le gouvernement d’entreprise, par un ou plusieurs employés ou tiers à l’entité,
impliquant des manœuvres dolosives dans le but d’obtenir un avantage indu ou illégal.5»
A travers cette définition résulte trois éléments principaux à savoir :
o « Un mode opératoire : un acte qui implique le fait de faire quelque chose ou
d'omettre de faire quelque chose ;
o Un élément intentionnel : le fraudeur doit avoir agi en connaissance de cause,
sciemment et avec l'intention de tromper, c'est à dire être de mauvaise foi ;
o Une volonté de dissimulation qui implique l’utilisation des manœuvres trompeuses
pour perpétrer et camoufler l'acte frauduleux. Ces manœuvres doivent avoir pour but
de procurer au fraudeur un avantage, le plus souvent financier. Cet avantage doit être
indu ou illégal6 ».
Selon la Compagnie Nationale des Commissaires aux Comptes (CNCC), la fraude
est un «acte volontaire commis par une ou plusieurs personnes faisant partie de la
Direction ou des employés de l’entité, ou par des tiers, ayant pour objectif de déroger
à des règles ou des procédures prescrites, à des fins illégitimes, ayant pour
conséquence d’altérer les comptes ou encore de dissimuler le non-respect des textes
légaux et réglementaires7».

II. Les caractéristiques de la fraude


Un élément essentiel de distinction entre l’erreur et la fraude réside dans le
caractère intentionnel ou non de l’acte qui est à l’origine de l’erreur générée
dans les comptes.
Pour les besoins des normes ISA, l’auditeur n’est concerné que par la fraude
qui en résulte en une anomalie significative dans les états financiers.

Deux types d’anomalies intentionnelles sont d’intérêt pour l’auditeur : les


anomalies résultant de l’élaboration d’informations financières mensongères et
les anomalies résultant d’un détournement d’actifs.
1. La présentation d’information mensongère

5
ISA 240 : « Les obligations de l’auditeur en matière de fraude lors d’un audit d’états financiers », révisée en
2012.
6
Gallet (O) et LECLERC (G), « Fraudes : Quels remèdes pour quels maux », Revue Française de comptabilité,
Juillet /Août 2004.
7
Kante (S), « La lutte contre la fraude en entreprise », Revue &Finance Internationale, n°5 Juillet 2016.

21
7L’information financière mensongère se concrétise par des anomalies intentionnelles
comprenant des omissions de chiffres ou d’informations dans les états financiers de façon à
induire en erreur les utilisateurs de ces états8.

Selon les termes de l’ISA 240, la présentation d’une information financière frauduleuse peut
découler des faits suivants :

o « La manipulation, la falsification (y compris les faux) ;


o L’altération de la comptabilité ou de pièces justificatives à partir desquels les états
financiers sont établis ;
o La fausse présentation des faits dans les états financiers, ou d’autres informations
importantes ;
o L’application volontairement incorrecte de méthodes comptables relatives à
l’évaluation des postes, leur classification, leur présentation ou à l’information fournie
les concernant ».
Par ailleurs, la présentation d’états financiers mensongers peut être commise par la direction
qui outrepasse les contrôles en utilisant certaines techniques telles que : «
o L'enregistrement d'écritures fictives, en particulier à une date proche de la fin d'une
période comptable, pour manipuler le résultat d'exploitation ou pour atteindre d'autres
objectifs ;
o La modification inappropriée des hypothèses et un changement dans le jugement porté
relatifs à l'évaluation de certains soldes de comptes ;
o L'omission, l'anticipation ou le report de la comptabilisation dans les états financiers
d'événements et d’opérations survenus durant la période couverte par les états
financiers ;
o L’omission, l’inexactitude ou le fait d’occulter des informations exigées par le
référentiel d’information financière applicable ou des informations nécessaires pour
que les états financiers soient présentés sincèrement ;
o La dissimulation de faits pouvant avoir une incidence sur les montants inscrits dans les
états financiers ;
o La conclusion d’opérations complexes, structurées de façon à fausser la situation
financière de l'entité ou ses performances ; et

8
Op cit, ISA 240, « Les obligations de l’auditeur en matière de fraude lors d’un audit d’états financiers ».

22
o L'altération des enregistrements comptables et des termes relatifs à des opérations
importantes et inhabituelles 9».
2. Détournement d’actifs

Un détournement d’actifs implique le vol de biens appartenant à la société. Cet acte peut être
commis par un simple employé de la société ou bien par un cadre de la direction. Cependant,
il peut s'effectuer de différentes manières et s'accompagne souvent d'enregistrements
comptables falsifiés ou trompeurs, ou de documents destinés à dissimuler la disparition des
dits actifs. Les différentes manières dans lequel le détournement d’actifs peut être perpétré
sont à titre indicatif.

o « L’appropriation des recettes de la société comme, par exemple le détournement sur


un compte bancaire personnel du fraudeur des encaissements des créances de
l’entreprise
o Le vol des actifs corporels tels que les stocks et les immobilisations pour une
utilisation personnelle ou pour la revente
o L’atteinte à la propriété intellectuelle, telle que l’entente avec des concurrents pour
leur fournir les secrets technologiques de la société en échange d’une rémunération ;
o L’utilisation des actifs de la société à des fins personnelles, comme par exemple
l’octroi des actifs de la société en gage d’un prêt personnel du fraudeur ; et
o Faire payer par la société des biens ou des services dont elle n’a pas bénéficié tels que
des règlements à des fournisseurs à des acheteurs de l’entreprise en contrepartie d’une
augmentation des prix10 ».

III. Les causes de la fraude


Le mécanisme de la fraude se déclenche dans la plus part des cas, par une personne motivée
qui, d’une part, détecte une faille dans le système et d’autre part, elle est persuadée que le
profit qu’elle retirera de son acte sera vraisemblablement plus important que le risque d’être
sanctionnée.
Ainsi, tous les fraudeurs pensent la même chose : quelle est la possibilité d’être pris ? La
présentation ci-dessous synthétise le schéma de pensée d’un fraudeur potentiel

9
Op cit, ISA 240.
10
Op cit, ISA 240.

23
1. La théorie du triangle de la fraude de Donald Cressey
Le criminologue American Donald Cressey, dans les années soixante a interviewé un
échantillon de 200 personnes condamnés pour fraude. A travers l’étude et l’analyse de cet
échantillon a développé la théorie du triangle de fraude.

D’après cette théorie, il existe trois facteurs propices au passage à l’acte de la fraude. Ces
facteurs sont les suivants :
a. Motivations, Pressions :

Il s’agit du motif, mobilisateur ou raison qui poussent les personnes à commettre des fraudes.

24
En effet, l’environnement personnel comme (l’envie de réussir, l’envie d’être reconnu), ou
bien l’environnement externe comme (l’alcoolisme, la baisse du niveau de vie,..) ainsi que
l’environnement professionnel comme (la nécessité de respecter les délais imposés par ses
responsables hiérarchiques, pression pour atteindre les objectifs de chiffres d’affaires, peur
d’être licencié), influencent les individus et peuvent les amener à frauder.

b. Opportunités, Occasions :

Les opportunités de commettre des fraudes sont, dans la plus part des cas, dépendants de la
qualité du système de contrôle interne. En effet, lorsque les contrôles sont inexistants ou bien
ils sont insuffisant ceci constitue un terrain favorable pour frauder.

Par ailleurs, la position de l’individu au sein de l’entreprise, son ancienneté ainsi que sa
connaissance de système de contrôle interne, peuvent constituer une opportunité pour la
commission d’une fraude au sein de l’entreprise.

c. Rationalisation, Attitude :

La prédisposition de commettre une fraude est souvent liée aux valeurs et à l’éthique propre
de la personne. Le fraudeur a une conscience, et pour qu’il soit bien l’aise, il se justifie à lui-
même ses méfaits. Par exemple, lorsqu’il soulage le banquier de quelques milliers d’euros, le
fraudeur se dira à titre d’exemple que le banquier est un homme riche, qu’il s’enrichit en
utilisant son argent et qu’il n’y a aucun mal à reprendre ou récupérer une partie de ces
bénéfices11.

Ainsi, malgré le caractère théorique de cette approche, l’apport de cette analyse est très
important pour l’auditeur dans son appréciation du risque de fraude.

2. Les mécanismes de la fraude


Les fraudes élaborées concernent aussi bien les opérations les plus simples que les plus

complexes en ayant recours à des moyens et à des mécaniques plus ou moins développés.

Nous distinguons trois mécanismes différents de la fraude :

11
Wintgens ( C) et Llorente (G), Ernst&Young Luxembourg, « Qu’est ce qui explique la fraude ? », Décembre
2011, disponible sur le site web : www.ey.com

25
a. La fraude manuelle

Ce mécanisme de fraude consiste à forcer les comptes en intégrant des faux justificatifs dans
la chaîne comptable de l’entreprise. Cette technique est souvent utilisée car elle est

assez simple et facile à effectuer, mais l’impact financier qu’elle engendre est variable en

fonction des caractéristiques du montage frauduleux. En effet, une personne seule dispose

d’une capacité de détournements limitée comparée à un réseau qui possède plus de moyens

et de facultés.

b. La fraude organisée

Afin, d’augmenter leurs gains financiers, dissimuler et sécuriser au mieux leurs actes, les

fraudeurs ont organisé des montages professionnels avec des moyens et des objectifs

beaucoup plus importants, et ceci à travers la maitrise des différents processus budgétaires,

commercial ou de comptabilité de l’entreprise.

Le recours à des sociétés « écran », reste le cas le plus illustratif de cette mécanique de

fraude. Cette technique permet d’organiser les montages et leur donne une image

documentaire presque réelle.

c. La fraude informatisée

Le système informatique est devenu l’un des vecteurs essentiels de fraude. Désormais, la

dématérialisation des documents offre une multitude d’opportunités supplémentaires aux

fraudeurs. Selon le code pénal, la fraude informatique est « le fait d’accéder ou de se

maintenir frauduleusement, dans tout ou partie d’un système de traitement automatisé de

données ».

Ces montages frauduleux sont favorisés par une absence de séparation des tâches et des

contrôles de base. Ils peuvent consister également à modifier, par le développement d’un

programme spécifique, l’ensemble des montants qui doivent être versés en retirant

quelques centimes ou euros, ensuite ces montants retirés sont ajoutés aux comptes d’un ou

de plusieurs complices ou au compte même du fraudeur. Cette technique a été utilisée

26
notamment en matière de fraude sur les salaires.

3. Le coût de la fraude en entreprise


Le risque de fraude est un des plus importants auxquels l’entreprise est confrontée. Ce risque
est devenu une réalité professionnelle et économique puisqu’il concerne tous les secteurs
d’activité et ce, quelle que soit la taille de l’entreprise.
Ainsi, la fraude est un risque assez coûteux puisqu’elle a d’une part, un impact direct sur
l’entreprise en termes de pertes pécuniaires et d’autre part, un impact indirect à travers le
risque d’altérer l’image de l’entreprise et de toutes les conséquences qui peuvent survenir.
a. Les pertes financières directes
D’après un » sondage réalisé par Grant Thornton en septembre 2015, auprès d’un échantillon
de 3000 entreprises, échantillon diversifié à la fois en termes de secteur d’activité et de taille
des entreprises, plus de ¾ d’entre elles ont subi un cas de fraude au cours des 5 dernières
années (77%) ». La fraude est un phénomène particulièrement coûteux puisqu’il peut conduire
à la faillite d’une entreprise, ruiner des familles et même coûter des milliards à certains
investisseurs, Comme c’était le cas de l’affaire Enron où ses trois éléments ont été réunis
simultanément.
b. Les pertes financières indirectes
Les pertes financières peuvent être indirectes et de par leur nature sont plus difficiles à les
évaluer. En effet, parmi les conséquences de fraude nous pouvons citer à titre indicatif :
o Le manque à gagner : celui-ci peut résulter de plusieurs facteurs tels que : de
détournement de clientèle, à des ventes réalisés à faible marge dont le but de
favoriser un client complice, ou bien le cas contraire des achats réalisés avec un
fournisseur complice.
o L’atteinte à l’image de marque : lorsque la fraude est connue par le grand public
alors elle aura un impact négatif supplémentaire sur l’activité et par conséquent sur
le résultat de l’entreprise. En effet, pour certains secteurs d’activité l’image de
marque est une question très sensible puisque la perte de confiance est difficile à
reconstituer après un incident majeur.

Section 2 : Le cadre réglementaire de la fraude financière

I. Les textes de lois applicables en matière de fraude

27
1. La loi de de Sarbanes Oxley
Le législateur américain a adopté la loi Sarbanes-Oxley Act (SOX) du 30 Juillet 2002, suite à
plusieurs scandales financiers qui ont fait bouleverser les Etats Unis (l’affaire d’Enron et de
World Com). Ces deux grands scandales ont d’une part, coûté des centaines de milliards de
dollars pour les investisseurs et d’autre part, ébranlé la confiance dans les marchés financiers
du monde entier.
Le contenu de cette loi s’articule autour de trois principaux axes qui sont comme suit
a. L’indépendance des organes vérificateurs
L’indépendance des organes vérificateurs se réalise à travers :
o Institution du Public Company Accounting Oversight Board (PCAOB): l’objectif de
cet organisme est de développer des normes comptables applicables en Amérique,
contrôler les auditeurs des sociétés cotées et à réaliser des enquêtes et à prononcer des
sanctions ;
o Indépendance des auditeurs externes, ceci dans le but de réduire le conflit d’intérêt. En
effet cette loi Sox a prévu la rotation de ces auditeurs ;
o La création d’un comité d’audit composé uniquement d’administrateurs. Ainsi, chaque
administrateur reçoit seulement de rémunération de la société qu’à titre de ses
fonctions de ce comité. Ces administrateurs ont un rôle de supervision de
l’instauration et de fonctionnement du système de contrôle interne. Ce comité est
responsable entièrement de la politique comptable de l’entreprise.

b. Exactitude et accessibilité des informations


L’exactitude et l’accessibilité des informations se réalisent à travers les deux éléments
suivants à savoir :
o Le renforcement des obligations d’information des entreprises ceci se traduit d’une
part, par l’imposition aux sociétés cotées à fournir des rapports détaillés avec les
indications suivantes (les engagements hors bilans, les principes comptables régissant
la présentation des comptes…) et d’autre part, par l’établissement d’un rapport sur le
contrôle interne ;

28
o Le contrôle de la Securities and Exchange Commission (SEC), ceci se traduit par un
contrôle régulier des sociétés cotées au moins une fois tous les trois ans.

c. La Responsabilisation des gestionnaires


Cette responsabilisation se manifeste à travers les trois éléments suivants :
o L’obligation d’établir une structure de contrôle interne, selon l’article 404 de la loi
SOX exige d’une part, que chaque rapport annuel effectué conformément à l’article
1934 de Securities Exchange doit inclure un rapport sur le contrôle interne et d’autre
part, que la direction générale engage sa responsabilité dans l’établissement d’une
structure de contrôle interne comptable et financière ainsi que elle doit évaluer
annuellement l’efficacité du système de contrôle interne par rapport au modèle de
contrôle interne reconnu ;
o Certification des comptes et du contrôle interne par les dirigeants de l’entreprise :
selon l’article 302 de cette loi impose à toutes les sociétés cotées aux Etats Unis de
certifier leurs rapports financiers par les dirigeants qui sont le Directeur Général
(CEO) et le directeur Financier (CFO) ;
o Renforcement des sanctions envers les dirigeants : la loi SOX dans le cadre de lutte
contre les pratiques comptables et financières frauduleuses a instauré des sanctions à
l’encontre des dirigeants CEO et CFO qui peuvent entraver la certification des
comptes.
2. Les textes de lois applicables en matière de fraude en France
a. La Loi sur la Sécurité Financière (LSF)
La France a adopté le 1er Aout 2003, la loi n° 2003-706, dite Loi de Sécurité Financière.
Cette loi a été instaurée après les nombreux scandales financiers et l’effondrement de grandes
entreprises multinationales.
La loi sur la sécurité financière a trois principaux objectifs :
o Réduction des sources de conflits d’intérêts
o La loi sur la sécurité financière a mis en place plusieurs mesures afin de
réduire les conflits d’intérêts des commissaires aux comptes. Parmi ces
mesures nous pouvons citer :
- Le renforcement des garanties d’indépendance des commissaires aux
comptes ;
- La distinction entre les activités d’audit et celles du conseil.

29
- La rotation des commissaires aux comptes signataires qui ne peuvent
certifier durant pas plus de six exercices consécutifs pour les sociétés
cotées.
o La loi sur la sécurité financière a apporté des modifications à quelques
dispositifs de la loi dont le but de réduire les sources de conflits d’intérêts et
l’amélioration de la gouvernance d’entreprise. Parmi ces modifications nous
citons :
- Le cumul de mandats : L’article L.225-94-1 stipule que l’exercice de la
direction générale par un administrateur est décompté pour un seul
mandat ;
- Les conventions réglementées : Selon l’article L225-38 du code de
commerce, le seuil de détention des droits de vote exigeant de
soumettre au conseil d’administration les conventions réglementées
entre la société et un actionnaire passe de 5% à 10% ;
- Les conventions libres : les conventions courantes selon l’article L225-
39 du code de commerce échappent à l’obligation de communication au
conseil d’administration ;
- La rémunération des mandataires sociaux : l’obligation de publication
d’un rapport détaillant le montant des rémunérations de chaque
mandataire social est n’est obligataire que pour les sociétés anonymes
cotées ou bien pour les sociétés non cotées mais contrôlées par une
société cotée.
o Renforcement des obligations d’informations :
Le renforcement des obligations d’informations a pour objectif de renforcer la
transparence financière afin de protéger les intérêts des épargnants et des investisseurs.
Parmi les mesures adaptées nous citons :
- « Institution de nouvelles obligations d’information pour le président du
conseil d’administration et du conseil de surveillance ;
- Observations des commissaires aux comptes sur les procédures de contrôle
interne et de gestion des risques qui sont relatives à l’élaboration et au
traitement de l’information comptable et financière ».
o Le renforcement du contrôle interne : la loi sur la sécurité financière a imposé au
président du conseil d’administration ainsi qu’au président du conseil de surveillance
d’établir un rapport sur les procédures de contrôle interne et de gestion des risques

30
mises en place par la société. Ainsi, ce rapport doit être joint au rapport annuel de
gestion.
b. La nouvelle loi n°2018-898 du 23 octobre 2018 relative à la lutte
contre la fraude
L’Etat Français a adopté une nouvelle loi relative à la lutte contre la fraude il s’agit de la loi
n°2018-898 du 23 octobre 2018. Cette nouvelle loi est parue pour atteindre deux objectifs,
d’une part, pour mieux détecter et appréhender la fraude et d’autre part, pour mieux la
sanctionner. Ainsi, les deux objectifs sont présentés comme suit :
o Le 1er objectif : Mieux détecter et appréhender la fraude
Cette nouvelle loi comporte des innovations très importantes. En effet, elle renforce les
moyens de détection et de caractérisation de la fraude, ceci se traduit par :
o « La création d’une police fiscale au sein du ministère chargé du budget
o Le renforcement des pouvoirs de la douane en matière de lutte contre les logiciels
frauduleux
o Le renforcement des échanges d’informations utiles à l'accomplissement des missions
de contrôle et de recouvrement entre agents chargés de la lutte contre la fraude ;
o la précision des obligations fiscales des plateformes d’économies collaboratives pour
permettre une meilleure exploitation des données collectées par l'administration et
améliorer ses capacités de détection des revenus non déclarés »12.
o Le 2ème objectif : Renforcer les moyens de sanction de la fraude
La loi n°2018-898 du 23 octobre 2018 renforce les moyens de sanction de la fraude à travers :
o La publication des sanctions administratives « name and shame ». En fait, il s’agit
d’une logique de publicité plus large des sanctions. Ainsi, l’administration est
autorisée après avoir aviser la commission des infractions fiscales à publier sur son
site d’internet les infractions fiscales appliquées aux personnes morales en raison de
leurs manquements graves13. La pratique « Name and Shame » est une pratique anglo-
saxone qui se traduit par l’application d’une peine complémentaire de publication et
de diffusion des décisions de condamnation pour fraude fiscale. Cependant, cette
procédure ne peut avoir lieu que si seulement si les deux critères suivants doivent se
produire simultanément d’une part, il faut que le montant des droits fraudés doit être
au minimum de 50000 € et d’autre part le recours à une manœuvre frauduleuse
consistant à produire une déclaration ou un acte comportant des inexactitudes ou des

12
Site Web Le portail de l'Économie, des Finances, de l'Action et des Comptes publics : www.economie.gouv.fr
13
Article 1729 A bis du Code français général des impôts.

31
omissions relatives à l’assiette et la liquidation de l’impôt doit être établi14. Toutefois,
cette pratique elle reste aujourd’hui facultative car elle dépend de l’avis du juge pénal.
o L’instauration d’une sanction administrative complémentaire par rapport aux sanctions
financières existantes ;
o La création d’une nouvelle sanction administrative, exclusive des sanctions pénales à
l’égard des intermédiaires complices ;
o L’augmentation des montants des amendes pour fraude fiscale. Selon l’article 1741 du
code général des impôts français qui prévoit que le montant des amendes puisse être
porté au double du produit tiré de l’infraction ;
o L’extension de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de
culpabilité à la fraude fiscale ;
o L’extension de la procédure de convention judiciaire d’intérêt public en matière de
fraude fiscale.
3. Le cadre juridique applicable en Tunisie pour la prise en compte de la
fraude dans l’audit des états financiers

A l’instar du législateur Français, une loi sur le renforcement de la sécurité des relations
financières a été promulguée en Tunisie. Il s’agit de la loi n°2005-96 du 18 octobre 2005,
relative au renforcement de la sécurité des relations financières. Ainsi, les principaux apports
de cette loi se rapportent principalement aux points suivants :

o Le renforcement d’indépendance des commissaires aux comptes des sociétés :


La loi prévoit une limitation du nombre de mandats de commissariat aux comptes à
trois mandats si le commissaire aux comptes est une personne physique et à cinq
mandats si le commissaire aux comptes revêt la forme d’une société d’expertise
comptable comportant au moins trois experts comptables membres de l’OECT et à
condition de changer le professionnel signataire et l’équipe intervenante une fois au
moins, après trois mandats.
o Le renforcement de la transparence des sociétés :
Cette loi oblige les commissaires aux comptes de communiquer à la BCT une copie
des rapports remis aux assemblés générales des actionnaires pour les sociétés faisant
appel public à l’épargne, les sociétés ayant l’obligation d’établir des états financiers

14
Recours à une manœuvre frauduleuse, au sens des b et c de l'article 1729 Article 1729 du Code général des
impôts français.

32
consolidés et les sociétés ayant des engagements financiers importants dépassant un
montant fixé par décret.
Par ailleurs, les commissaires aux comptes des sociétés faisant appel public à
l’épargne doivent informer sans délai, le CMF de tout fait de nature à mettre en péril
les intérêts de la société ou des actionnaires. Ils doivent communiquer également une
copie de tout rapport adressé à l’assemblée générale des actionnaires.
o Le renforcement de la responsabilité des organes de contrôle et de direction :
Cette loi prévoit deux obligations à la charge de la direction, d’une part, l’obligation
de convoquer le commissaire aux comptes à toutes les réunions du conseil
d’administration ou du directoire et du conseil de surveillance appelés à statuer sur
l’arrêté des comptes annuels ou intermédiaires, ainsi qu’à toutes les assemblées
d’actionnaires et d’autre part, l’obligation des organes de direction ainsi que les
responsables financiers et comptables de fournir annuellement au commissaires aux
comptes une déclaration signée dans laquelle ils attestent avoir fourni les diligences
nécessaires pour assurer le caractère complet des informations communiquées et la
conformité des états financiers aux principes comptables en vigueur.
o Le renforcement de la politique de divulgation financière des sociétés et de leur bonne
gouvernance :
Cette loi a prévu, la création d’un comité permanent d’audit pour les sociétés faisant
appel public à l’épargne, les sociétés ayant l’obligation d’établir des états financiers
consolidés et pour les sociétés ayant des engagements financiers importants auprès
établissements de crédits. Par ailleurs, ce comité a pour rôle de veiller au respect, par
la société, de la mise en place de système de contrôle interne permettant d’assurer la
fiabilité des informations financières, de protéger les actifs et de respecter les lois et
réglementations en vigueur. Le comité surveille aussi les travaux des organes de
contrôle, propose la nomination des commissaires aux comptes et ratifie la nomination
des auditeurs internes.
o Renforcement de la qualité de l’information financière publiée par les sociétés faisant
appel public à l’épargne et des sociétés cotées en bourse :
Ces sociétés doivent communiquer au CMF et BVMT les éléments suivants :
- les ordres du jour, les projets de résolutions des assemblées générales des
actionnaires et les résolutions définitives ;
- les états financiers ;
- les rapports de gestion ou rapports du directoire ;

33
- Les rapports du commissaire aux comptes ;
- Le tableau des variations des capitaux propres, compte tenu de la décision
d’affectation du résultat de la période et le bilan après affectation.

II. Les cadres normatives spécifiques en matière de fraude financière

Dans le cadre d’une mission d’audit, l’auditeur externe Tunisien est amené à utiliser les
normes internationales d’audit ainsi que les normes étrangères comme les normes
américaines;

1. Le référentiel d’audit international traitant la fraude financière : ISA 240


Le référentiel d’audit international traitant la fraude financière est la Norme Internationale
D’audit ISA 240 qui s’intitule : « la responsabilité de l’auditeur dans la prise en considération
de fraudes dans l’audit d’états financiers ». Toutefois, cette norme d’audit ISA 240 fait
référence à d’autres normes internationales d’audit dans beaucoup de ces paragraphes. En
effet, elle explicite notamment la façon dont la norme ISA 315 (révisée) qui s’intitule
compréhension de l’entité et de son environnement aux fins de l’identification et de
l’évaluation des risques d’anomalies significatives ainsi que la norme ISA 330 qui s’intitule
réponses de l’auditeur aux risques évalués.
L’objectif de la norme ISA 240 est de mettre en place les règles et des normes pour fixer la
responsabilité de l’auditeur pour prendre en considération de la fraude au cours de son
accomplissement de sa mission d’audit des états financiers. Au niveau de cette norme bien
qu’elle met l’accent sur la responsabilité de l’auditeur en matière de fraude financière
cependant, elle précise que la responsabilité première de la prévention et de la détection de la
fraude incombe à la fois aux personnes constituant le gouvernement d’entreprise au sein de
l’entité et à la direction.
Toutefois, cette norme ISA 240 constitue un recueil riche en recommandations, puisqu’elle
présente au niveau de ses annexes des outils pratiques ayant pour objectif d’aider l’auditeur à
bien mener ses travaux dans le cadre de prise en compte du risque de fraude. En effet, ces
annexes présentent des exemples de risque de fraude, des exemples de procédures d’audit
possibles en réponse aux risques évalués d’anomalies significatives provenant de fraudes et
des exemples de situations qui indiquent la possibilité de fraudes.

34
2. Le cadre professionnel applicable en Tunisie

En Tunisie, c’est l’ordre des experts comptables de Tunisie qui est chargé de la normalisation
en matière d’audit et à chaque fois lorsqu’il est nécessaire l’OECT, élabore une note
d’orientation.
Le conseil de l’OECT a adopté par résolution n°10/2016, la version clarifiée des normes ISA
telles qu’approuvées par l’IAASB et traduites, dans la langue française, par l’Institut
Canadien des Comptables Agréés (ICCA). Cette version des normes ISA entre en vigueur en
Tunisie pour l’audit des états financiers des exercices clos à partir du 15 décembre 201515.
Parmi les Normes internationales d’audit applicables en Tunisie, on trouve la norme ISA 240
« responsabilité de l’auditeur concernant les fraudes lors d’un audit d’états financiers ».
Section 3 : les dispositifs de détection et de prévention de la fraude financière

La criminalité économique et financière est en forte croissance et affecte chaque année de


plus en plus les entreprises, et ce, indépendamment de leur secteur d’activité. Cette croissance
est la conséquence de la mondialisation des échanges, la dématérialisation des transactions
financières ainsi que la vulnérabilité des systèmes d’information.
La fraude a des effets néfastes aussi bien en termes opérationnels qu’en termes d’image de
marque. Par ailleurs, de nos jours, plusieurs pratiques criminelles financières sont la source de
nouveaux risques pénaux pour les dirigeants. D’où la nécessité de les prévenir et de les
détecter les plus rapidement possible.
L’auditeur externe dans le cadre de sa prise de connaissance de l’entreprise et de son
environnement y compris de son contrôle interne doit procéder à l’identification des
circonstances et des faits qui favoriseraient, les pratiques frauduleuses.
1. La discussion entre les membres de l’équipe d’audit
La norme internationale d’audit ISA 240 exige de procéder, systématiquement et à l’occasion
de chaque mission d’audit, à la tenue de réunions de discussions, ou session de
« brainstorming », avec les membres de l’équipe affectée à la mission portant sur la possibilité
que les états financiers de l’entité auditée comportant des anomalies significatives provenant
de fraudes.

Cette procédure poursuit principalement les objectifs suivants :

- Discuter des risques potentiels d’existence d’inexactitudes significatives provenant de


fraudes ; et

15
Site de l’ordre des experts comptables de Tunisie : www.oect.org.tn

35
- Développer une culture basée sur l’esprit critique et d’une attitude de scepticisme
professionnel par tous les membres de l’équipe et de tout au long de déroulement de la
mission.
L’un des avantages de cette procédure est de permettre aux membres les moins expérimentés
ainsi que les nouveaux d’entre eux de partager l’expérience qu’auraient les membres les plus
expérimentés relative au business de l’entité, à ses systèmes de contrôle et à ses dirigeants.
Par ailleurs, il faut rappeler aux membres de l’équipe qu’une fraude pourrait être toujours
commise indépendamment de leurs expériences.
Par ailleurs, lors de la tenue de réunion de discussion, il est nécessaire que certains documents
clés de la mission soient mis à la disposition de tous les membres de l’équipe de la mission.
Parmi ces documents nous citions à titre indicatif :
- La lettre de mission
- La lettre de direction
- Les rapports des exercices précédents
- Les dossiers des exercices précédents

Toutefois, le résultat de la réunion doit être documenté dans le dossier de travail.

2. Les entretiens
Les entretiens occupent une place importante dans l’audit notamment en présence de fraude
en raison de la dimension relationnelle et psychologique élevée dans ces affaires.
L’auditeur doit avoir une attitude ouverte et doit adopter son style à son interlocuteur, ceci
dans le but d’amener la personne auditée à confier librement les informations dont elle
dispose.
Ainsi, pour le bon déroulement de son entretien l’auditeur doit bien préparer à l’avance ses
questions qui doivent suivre un ordre précis.
a. Les entretiens avec la direction
Les entretiens effectués avec la direction doivent être menés par une personne la plus
expérimenté de l’équipe d’audit, puisque le sujet traité est assez délicat et sensible. Le cycle
d’entretien doit débuter avec le haut degré de la pyramide hiérarchique. Toutefois, il est
préférable d’effectuer des entretiens individuels avec chaque membre de la direction, dans la
mesure où les échanges seront beaucoup plus efficaces et plus spontanées dans un entretien
individuel que dans le cadre d’un entretien en présence de plusieurs personnes.

36
Par ailleurs, l’auditeur doit garder l’esprit critique, dans le traitement des réponses de par les
organes de la direction puisque ces derniers sont les mieux placés pour dissimuler les
pratiques frauduleuses. C’est pour cette raison que l’auditeur doit toujours corroborer les
réponses obtenues par des procédures de contrôles complémentaires.
b. Entretien avec le personnel de l’audit interne
L’entretien avec le personnel de l’audit interne peut être un excellent moyen pour obtenir une
piste d’identification du risque de fraude. Ainsi, l’entretien avec le personnel de l’audit interne
présente plusieurs avantages à savoir :
- Vise à obtenir auprès de ces derniers leur stratégie envers les risques de fraude ;
- Vise à déterminer s’ils ont mis en place des procédures de contrôle pour détecter les
risques de fraudes ;
- Déterminer s’ils ont connaissance de fraudes avérées, suspectées ou alléguées.
c. Les entretiens avec les personnels constituant le gouvernement
d’entreprise
Selon ISA 240 révisée, les personnels constituant le gouvernement d’entreprise de l’entité
supervisent les systèmes de suivi des risques, le contrôle financier et le respect des textes
législatifs. Dans plusieurs pays, les personnels constituant le gouvernement d’entreprise
jouent un rôle actif de surveillance, dans l’évaluation, par l’entité, des risques de fraudes ainsi
que des contrôles relatifs à ces risques16.
Vue l’importance de cet organe au sein de l’entité, l'auditeur doit connaitre la manière dont
ces derniers exercent leur supervision sur les processus mis en œuvre par la direction dont le
but d’identifier et répondre aux risques de fraudes dans l'entité, ainsi que sur le contrôle
interne mis en place par la direction pour réduire ces risques.
L’objectif de cette compréhension est d’avoir une idée claire :
- sur l’exposition de l’entité à des fraudes provenant de la direction ;
- sur le caractère adéquat des contrôles internes mis en place ;
- et sur la compétence et l'intégrité de la direction.

16
ISA 240 « Les obligations de l’auditeur en matière de fraude lors d’un audit d’états financiers »

37
3. Les Procédures analytiques
Il ne s’agit pas de développer des procédures analytiques spécifiques à la détection de fraudes
mais de réagir à des variations anormales en se demandant si elles ne constituent pas un indice
de fraude17. Les procédures analytiques font partie du déroulement normal de la mission.
Les procédures analytiques consistent en des appréciations de l’information financière à partir
de l’étude de corrélations plausibles entre des données aussi bien financières que non
financières. Ces procédures comprennent aussi l’examen des variations et des corrélations qui
sont incohérentes avec d’autres informations pertinentes ou qui présentent un écart significatif
par rapport aux montants attendus18.
La norme ISA 520 « Procédures analytiques », donne des exemples de procédures analytiques
comportant l’examen de comparaison des informations financières de l’entité avec :
- « Les informations comparables des périodes précédentes ;
- Les résultats anticipés de l’entité tels que les budgets, les prévisions, les estimations et
dépréciations ;
- Des données similaires du secteur d’activité, telles qu’une comparaison du ratio des
ventes de l’entité par rapport aux comptes de créances avec les ratios moyens du
secteur d’activité ou avec ceux d’entité de taille comparable dans le même secteur
d’activité19 ».
Par ailleurs les procédures analytiques comprennent aussi l’examen des corrélations existant,
par exemple :
- « Au sein des éléments des données financières dont on peut s'attendre à ce qu'ils
confirment un modèle prévisible basé sur l'expérience de l'entité, par exemple des
pourcentages de marge brute ;
- Entre des données financières et des données non financières pertinentes, telles que les
coûts salariaux par rapport au nombre de salariés20 ».

17
Gallet (O), « Halte aux fraudes : Guide pour manageurs et auditeurs », 3ème édition, Dunod, Mars 2014.
18
Abdelwahed (H), « Guide pour l’utilisation des Normes Internationales d’Audit, dans l’Audit des Petites et
Moyennes Entreprises », SMPC, décembre 2007, disponible sur le site web : www.ifac.org
19
ISA 520 « Procédures Analytique », révisée en 2017.
20
Idem ISA 520.

38
3ème chapitre : La présentation du phénomène de blanchiment
d’argent

Section 1 : La Définition du blanchiment d’argent et ses mécanismes

I. Définition du blanchiment d’argent


1. définition empirique

L'expression « blanchiment d'argent » vient du fait que l'argent acquis illégalement est
appelé finance noire et provient souvent de trafics d'armes, de drogue, d'êtres humains ou
d'autres activités mafieuses. Le blanchiment permet à cet argent de sembler propre, c'est-à-
dire de prendre une apparence honnête.

Le terme blanchiment d’argent est utilisé pour transformer l’argent sale en argent propre.
Ainsi, contrairement à l'argent "propre" qui est gagné de manière honnête, l’argent "sale"
provient d’activités criminelles. On comprend par les produits d'origines criminelle les
activités telles que : le commerce illégal et les activités de la criminalité organisée à titre
d’exemple on peut citer : les ventes d'armes, la contrebande de produits, le trafic de
stupéfiants, les réseaux de prostitution, traite d’êtres humains, le trafic illégal d’organes,
l'escroquerie, la corruption, la fraude, le chantage et le kidnapping, la fabrication de fausse
monnaie, le vol d’objets d’art, etc.

2. Définition juridique

De point de vue juridique plusieurs définitions ont été accordées pour expliquer la notion de
blanchiment d’argent. Toutefois, toutes ces définitions ont un point commun qui est l'intention
du criminel de déguiser les produits de son activité pour leur donner une apparence légitime.
Cette dernière, se trouve initialement précisée dans des textes conçus par des organisations
internationales, qu’il s’agisse des Nations Unies et de l’Union Européenne, puis transposée au
droit pénal national. Les principales définitions sont les suivantes :

 Les Nations Unies

Les Nations Unies ont contribué à la lutte contre le blanchiment dès 1988 via la Convention
de Vienne du 20 décembre 1988 contre le trafic de stupéfiants et de substances psychotropes
qui incrimine le blanchiment de capitaux issus du trafic de stupéfiants.

39
Elles21 définit le blanchiment d’argent « comme étant la conversion ou le transfert de biens
dont celui qui s’y livre sait qu’ils sont le produit du crime, dans le but de dissimuler ou de
déguiser leur origine illicite ou d’aider toute personne qui est impliquée dans la commission
de l’infraction principale à échapper aux conséquences juridiques ». Aussi, « la participation,
l’association, l’entente, la tentative, ou la fourniture d’assistance, d’une aide ou de conseils en
vue de la commission de l’acte du blanchiment » sont considérées comme une opération de
blanchiment selon les conventions onusiennes.

 Le GAFI
D’après le GAFI organisme international spécialisé dans la lutte contre le blanchiment « le
blanchiment de capitaux consiste à retraiter des produits d’origine criminelle pour en masquer
l’origine illégale. Ce processus revêt une importance essentielle puisqu’il permet aux
criminels de profiter de ces bénéfices tout en protégeant leurs ressources ».

 Le droit tunisien
Le droit tunisien a défini le blanchiment dans l’article 92 de la loi n° 2015-26 relative à la
lutte contre le terrorisme et la répression du blanchiment des capitaux, qui précise que : « Est
considéré blanchiment d’argent, tout acte intentionnel qui vise par tout moyen à la
justification mensongère de l'origine illicite des biens meubles ou immeubles ou des revenus
résultant directement ou indirectement de tout crime ou délit passible d’une peine
d’emprisonnement de trois années ou plus ainsi que tout délit sanctionné en vertu du Code des
douanes.
Est considéré également un blanchiment d’argent, tout acte intentionnel ayant pour but le
placement, dépôt, dissimulation, administration, intégration ou conservation du produit
résultant directement ou indirectement des infractions prévues par l’alinéa précédent de tout
crime ou délit passible d’une peine d’emprisonnement de trois années ou plus ainsi que tout
délit sanctionné en vertu du Code des douanes ou d'apporter son concours à ces opérations.
L’infraction de blanchiment d’argent est indépendante quant à son établissement de
l’infraction principale.
Les dispositions des alinéas précédents sont applicables même si l'infraction dont proviennent
les fonds, objet du blanchiment, n'a pas été commise sur le territoire tunisien ».

21
La convention de Palerme contre la criminalité organisée transnationale du 15 novembre 2000

40
 Le conseil de l’Europe
La définition adoptée par le conseil de l’Europe22 est : « il s’agit de la transformation de fonds
illicites en argent licite, que l’on peut donc réinvestir dans des secteurs légaux ou utilisables à
des fins personnelles ».

II. Les processus de blanchiment d’argent dans un contexte hors bancaire


Le processus du blanchiment de l’argent a pour but de donner une apparence légale aux
profits provenant des activités criminelles. Dans un processus plus ou moins sophistiqué, les
organisations criminelles font circuler les produits du crime dans l’économie informelle, ou
mieux, tentent de les intégrer en tout ou partie dans l’économie légale.
Comme, il existe une panoplie de processus utilisés pour le blanchiment de l’argent sale, nous
allons essayer d’en citer les plus courants. Nous allons présenter les processus traditionnels en
1er lieu puis en 2ème lieu les nouveaux processus appelés également les processus dynamiques.
1. Le processus traditionnel du blanchiment d’argent

Le processus de blanchiment d'argent sale est un processus dynamique qui se déroule en


trois étapes. Dans la première étape, il s'agit tout d'abord de dissocier l'argent du délit.
Dans la deuxième, il faut effacer la trace pour faire échouer les poursuites, et dans la
troisième et dernière étape, il s'agit de faire en sorte que l'auteur des actes criminels puisse
récupérer son argent sans que l'on soit en mesure d’en trouver les origines économiques et
géographiques.
a. Le prélavage ou le placement

C’est la phase initiale du blanchiment, le blanchisseur introduit ses bénéfices illégaux dans le
système financier. Ceci se réalise, en fractionnant de fortes sommes d’espèces pour obtenir
des sommes plus petites et moins suspectes qui sont alors déposées directement sur un compte
bancaire ou en se procurant divers instruments monétaires qui sont ensuite collectés et
déposés sur des comptes en d’autres lieux.
Il s’agit là, de la phase la plus délicate, en effet selon Thierry Crétin23 « c'est à ce stade que le
processus de blanchiment d’argent est le plus vulnérable puisqu’il est facilement décelable
après quoi il est très difficile de dissocier l’argent propre de l’argent sale ».

22
Site officiel du Conseil de l’Europe : www.coe.int

23
« Thierry Cretin, il est Ex- procureur de la République à Lyon, en charge des affaires économiques et
financières (en 1997) et Ex-conseiller à l'Office de lutte anti-fraude de la Commission européenne (en 2003) »

41
b. Le lavage ou l’empilage ou la dissimulation

Une fois que les fonds sont entrés dans le système financier, intervient alors une deuxième
phase, l’empilement également appelé le lavage ou la dissimulation c’est alors que le
blanchisseur procède à une série de conversions ou déplacements des fonds pour les éloigner
de leur source.
Dans cette étape, on efface l'origine criminelle de l’argent et on essaie de lui donner
l’apparence d’une origine vraisemblable sur le plan économique. En effet, le blanchisseur
essaie de camoufler des virements par des transactions financières complexes pour rendre
difficile toute traçabilité et interdisent toute possibilité de remonter à l’origine illicite des
fonds et pour faire croire que l’argent est légal.
Ce système utilise de nombreux transferts entre les banques qui sont de plus en plus
renommées. Le transfert passe par les paradis fiscaux et c’est pour cette raison qu’il est
difficile pour un vérificateur de faire le lien entre le dépôt final et l’origine des sources. Cette
technique tire son avantage de la rapidité du système bancaire entre des pays différents. Ce
qui rend très difficile de distinguer entre les clients honnêtes et malhonnêtes.

a. Le recyclage ou l’intégration ou l’essorage

Cette dernière phase du processus de blanchiment, également appelé recyclage ou essorage est
l’étape la plus payante pour le blanchisseur. Au cours de cette phase, l’argent blanchi est
investi dans l’économie de manière traditionnelle.
En effet, c’est à ce stade, que l’investissement des fonds d’origine illicite dans des activités
économiques légitimes, qu’il s’agisse d’investissements commerciaux, de l’acquisition
d’immeubles ou de l’achat de produits de luxe. C’est dans cette dernière phase que le
blanchiment est le plus difficile à détecter car l’argent sale a pris une apparence licite et s’est
confondu à d’autres capitaux provenant d’opérations légales.
Bien que, ces trois phases sont clairement distinctes, il peut arriver qu’elles se produisent
simultanément ou plus fréquemment, cela dépendra des mécanismes de blanchiment
disponibles et des besoins des organisations criminelles.
Le schéma suivant synthétise les trois phases du processus traditionnel du blanchiment
d’argent.

42
2. Le nouveau processus dynamique de blanchiment
Afin d’introduire l’argent illicite dans l’économie légale, les délinquants font recours à
plusieurs méthodes qui varient selon l’ingéniosité poussées par ces trafiquants. La variété des
montages mis au point par les blanchisseurs rend l'étude des opérations de blanchiment très
fastidieuses et difficiles. En conséquence, plus les fonds à recycler sont trop importants plus les
criminels ont tendance à contourner les circuits traditionnels à travers des montages de plus en
plus créatifs.
Selon Jean De Maillard, dans son fameux ouvrage « « Un monde sans loi » (Maillard, 2000, p.
98-100) distingue au-delà de la typologie dynamique trois types de blanchiment détaillés
comme suit :
a. Le blanchiment élémentaire
Le blanchiment élémentaire vise à transformer, par un circuit très court, des liquidités sales en
argent propre dans des zones de faible pression légale en mettant en œuvre des techniques
simples visant à blanchir des sommes peu importantes.
Les délinquants, qui auront recours au blanchiment élémentaire, sont ceux qui ne sont pas
obligés de justifier l’ensemble de leurs revenus illicites, du fait qu’ils opèrent dans un pays où
ils arrivent à détourner facilement la réglementation.
En réalité, il peut s’agir à titre d’exemple, de l’introduction des recettes fictives dans les recettes
liquides d’un commerce, échange de devises dans un bureau de change, les faux gains aux jeux,
etc.

43
b. Le blanchiment élaboré
Le blanchiment élaboré correspond au désir de réinvestir le produit de l’argent criminel dans
les circuits légaux de l’économie. Ce mode nécessite des montants importants et de
périodicité régulière, ce qui justifie des circuits stables de recyclage. Par ailleurs, il concerne
des zones de pression légale élevée ou des utilisations requérant une forte crédibilité.
Cette méthode exige contrairement au blanchiment élémentaire des techniques plus élaborées
telles que les spéculations immobilières, la fausse vente aux enchères, la création de sociétés
commerciales, ouvrir des comptes bancaires dans des paradis fiscaux, etc.

c. Le blanchiment sophistiqué
Le blanchiment sophistiqué est applicable lorsque les délinquants, opérant dans des pays où la
réglementation est sévère, et se trouvent obligés de justifier les énormes sommes générées par
leurs activités illicites et ce, dans des délais très courts. En conséquence, ils seront obligés de
recourir à des techniques de blanchiment les plus complexes possibles afin qu’il serait
difficile de les justifier par les moyens de l'économie traditionnelle.
Ce qui résulte, qu’ils font choisir l’option qui consiste à disperser leurs fonds illicites sur les
marchés financiers, où personne ne leur demande d'où viennent leurs liquidités. Ceci peut être
effectué à travers la mise en place d'un réseau dense de sociétés criminalisées à travers le
monde, nous pouvons citer à titre indicatif : les sociétés d'import-export, les holdings
financiers, les compagnies aériennes, les banques ou des compagnies d'assurances, etc.

III. Les techniques de blanchiment d’argent auprès des banques :

Les techniques de blanchiment d’argent à travers les banques sont nombreuses. Nous pouvons
les classer en deux catégories, la première relative à des techniques traditionnelles alors que la
deuxième s’intéresse aux techniques modernes.
1. Les techniques traditionnelles

a. L’utilisation des techniques financières bancaires

Les techniques financières bancaires sont :

 L’opération des dépôts bancaires fractionnés


Dans un contrat de dépôt, une personne remet à un établissement de crédit une certaine
somme d’argent, et la remise de dépôt est précédée par l’ouverture d’un compte bancaire.
Par ailleurs, le dépôt d’argent dans les banques représente la technique la plus courante et la
plus utilisée par les blanchisseurs d’argent. En effet, ces derniers leur critère de choix dépend

44
du degré de sévérité et de laxité de la législation des Etats. C’est pour cette raison que l’argent
sera placé dans des banques ou dans des paradis fiscaux où la réglementation des Etats était
beaucoup plus laxiste et même inexistante.
Le placement dans un établissement bancaire, peut être détourné à travers l’opération des
dépôts fractionnés. Cette opération consiste à fractionner la somme globale d’argent à d’autres
sommes dont le montant est inférieur au seuil du déclenchement de la déclaration obligatoire.
Ainsi, cette opération constitue la technique la plus utilisée dans le cadre de blanchiment
d’argent puisqu’elle permet d’utiliser les outils du système bancaire en faveur des opérations
de placement des capitaux illégaux ainsi que leur transfert à l’étranger suite au fractionnement
des dépôts en petites sommes, par multiplication des prête-noms pour éviter les contrôles.
Toutefois, l’efficacité de cette méthode dépend essentiellement de l’implication des personnes
qui déposent les sommes en espèces dans des comptes bancaires. Ces acteurs sont des
individus d’apparence commune réalisant un grand nombre de petites sommes dans plusieurs
établissements bancaires, ainsi, ils parviennent à injecter dans les banques des sommes
importantes sans attirer l’attention.
 L’opération de virement bancaire
Les blanchisseurs d’argent dans le but de camoufler l’origine illicite de leurs revenus
recourent souvent à virer les fonds à plusieurs comptes dans différents pays à travers la
multiplication des opérations financières complexes.
L’utilisation du virement bancaire s’est progressivement développée, il se place actuellement
au premier rang des modes de paiement, du fait de la vulgarisation des comptes bancaires et
de l’élaboration électronique de leur traitement.
Selon M. Cabrillac : « le virement est ainsi dans le domaine de la monnaie scripturale ce
qu’est la tradition dans le domaine des espèces. Le jeu d’écritures qui se réalise s’apparente
étroitement à une remise matérielle des billets de banque ».
Le camouflage de l’origine des fonds se réalise par le fait de virer l’argent de banque en
banque et chaque banque se couvre par la responsabilité plus forte de la banque précédente.
 Le prêt adossé
Cette technique a vu le jour dans les années cinquante par le financier de la mafia New
Yorkaise Mayer Lansky qui a tiré profit du secret bancaire des banques suisses pour blanchir
à moindre risque l’argent du crime organisé américain.
Cette méthode classique consiste d’abord à déposer les fonds illicites dans une banque se
trouvant dans un paradis fiscal, ensuite à déposer une demande de crédit auprès d’une autre
banque de ce pays en proposant les dits fonds en garantie du concours sollicité.

45
Par ailleurs, les fonds prêtés par la banque seront par la suite rapatriés dans le pays d’origine,
Ce qui permet d’achever le processus de blanchiment d’argent.
Dans la plupart des cas, la demande de crédit est faite par une société commerciale contrôlée
par les blanchisseurs et bénéficiant d’une couverture légale et dans ce cas la société
emprunteuse se prête à elle-même.
Cependant, cette technique ne garantit pas une discrétion totale dans la mesure ou les
montages effectués font intervenir une ou plusieurs sociétés écran titulaires de comptes dans
des paradis réglementaires.
 Les comptes ouverts
Parmi les méthodes traditionnelles du blanchiment dans le secteur bancaire, on trouve
l’utilisation des différents comptes ouverts qui ont pour but de faciliter le dépôt ou le transfert
des fonds illégaux :
- Les comptes numérotés : il s’agit des comptes codés et dont le titulaire est désigné
par un simple numéro. Ce genre de compte est tout simplement un symbole, celui de la
discrétion à l’intérieur de la banque, ce qui réserve son identité à un cercle restreint
d’employées. Dans ce cas, le banquier traite toutes les opérations courantes de ces
comptes sous un code et non sous le nom du client. Ce procédé permet aux clients de
préserver davantage la confidentialité.
Celui-ci n’est véritablement pas anonyme, mais simplement connu du directeur de
banque et d’un fondé de pouvoir, gestionnaire d’un certain nombre de comptes
numérotés. Ce qui signifie que la banque connait le propriétaire du compte, mais
s’engage à ne pas dévoiler son nom. Ces comptes sont proposés par des banques dans
les refuges fiscaux aux clients non-résidents, comme garantie supplémentaire de la
dissimulation de leur identité.
- Les comptes anonymes : Les blanchisseurs de capitaux recourent à ce genre de
comptes par souci de confidentialité puisque nul employé de la banque ne peut
reconnaitre le bénéficiaire s’il ne relève pas son identité.
Généralement ces comptes se trouvent dans les paradis fiscaux ou bien dans des pays
qui ne sont pas réputés être des galaxies fiscaux comme le cas de l’Autriche.
- Les comptes collectifs : Ce genre des comptes sont généralement utilisés par les
ressortissants étrangers. En effet, les immigrants de pays étrangers versent de
nombreuses petites sommes sur un compte en commun. Ces sommes sont par la suite
transférées dans leur pays d’origine. Selon le rapport annuel du GAFI juin 1997, le

46
compte étranger reçoit des paiements d’un certain nombre de comptes apparemment
non lié dans le pays d’origine.
 Le crédit documentaire
Le crédit documentaire est réglementé par les articles 720 à 727 du code de commerce
tunisien. Ainsi l’article 720 de ce code, définit ce crédit comme étant : « un crédit
ouvert par une banque à la demande d’un donneur d’ordre en faveur d’un
correspondant de celui-ci et garanti par la possession des documents représentatifs de
marchandises en cours de transport ou destinées à être transportées ». Cet article
ajoute que « le crédit documentaire est indépendant du contrat de vente qui peut en
former la base et auquel les banques restent étrangères ».
L’objectif du crédit documentaire est de faciliter le commerce international. En effet,
il s’agit d’une opération qui donne lieu à l’existence de deux rapports juridiques, le
premier, concerne la relation de la banque et de son client appelé donneur d’ordre ; le
second, a trait au rapport né de l’engagement pris par la banque envers le bénéficiaire
en vertu du crédit ouvert à son profit.
Ainsi, le crédit documentaire est un arrangement vis-à-vis de l’exportateur de la
banque de l’importateur sous conditions de réception des documents conformes
prouvant l’expédition des marchandises convenues.
Généralement les intervenants dans le cadre de crédit documentaire sont les suivants :
o Le donneur d’ordre : c’est l’importateur acheteur, qui donne les instructions
d’ouverture du crédit documentaire ;
o La banque émettrice : c’est la banque de l’acheteur, qui procède à l’ouverture
du crédit documentaire ;
o La banque notificative : c’est la banque correspondante de la banque émettrice
qui avise le bénéficiaire de l’opération du crédit documentaire, sans prendre
aucun engagement de paiement vis-à-vis de celui –ci ;
o Le bénéficiaire : il s’agit de l’exportateur (vendeur), c’est le bénéficiaire de
l’engagement bancaire ;
o La banque confirmatrice : C’est la banque qui donne sa confirmation à ce
crédit conformément à l’autorisation ou à la demande de la banque émettrice.
Le crédit documentaire est un moyen de paiement universellement admis, il permet d’asseoir
un équilibre entre les intérêts de l’acheteur et ceux du vendeur, si, toutefois l’opération est
bien maitrisée de négociation du contrat commercial jusqu’à la mise en place du crédit
documentaire. Pour cela, l’activité commerciale internationale exige de l’opérateur de

47
disposer de connaissances et d’aptitudes techniques, commerciales et financières et de
connaitre la réglementation nationale et internationale.
Ainsi, le crédit documentaire est d’une part, un instrument de paiement par l’intermédiaire
d’une banque et d’autre part, un instrument de garantie en assurant la sécurité aux deux
parties.
Cependant, cette technique peut être détournée par les criminelles dans le but de blanchir leurs
profits illicites. En effet, cette technique favorise le blanchiment d’argent puisque les banques
n’ont pas la possibilité de vérifier le contenu des cotes ou si la livraison a eu lieu réellement à
cause de la présence d’un formalisme parfaitement rempli et qui ne donne aucun indice à
l’opération de blanchiment. De ce fait, cette technique permet le transfert de l’argent vers des
sociétés qui appartiennent aux blanchisseurs et situées dans différents pays.

b. L’utilisation des techniques financières non bancaires :

Les blanchisseurs d’argent utilisent des techniques financières non bancaires dans le but
d’échapper aux contrôles rigoureux des banques. Parmi ces techniques nous citons :
 Les marchés financiers
Les marchés financiers représentent aujourd’hui la pierre angulaire des montages des
opérations de blanchiment d’argent. En effet, les institutions financières sont de plus en plus
soupçonnées de complicité de raffinage des fonds illicites. Parmi, les opérations financières
les plus courantes on trouve le change manuel de devises et les paiements internationaux.
Le rôle des bureaux de change dans la phase de recyclage n’est pas négligeable. Le recours
aux bureaux de change s’accroit dans le cas où la réglementation des institutions financières
n’est pas stricte et complexes. Comme, les bureaux de change leur activités est internationale
alors ne sont pas dotés de système de contrôle rigoureux qui les protège des cas de
blanchiment d’argent et d’autant plus que la plupart de leur clients sont occasionnels.
Les bureaux de change interviennent dans trois niveaux : en premier lieu, lors de la
conversion de l’argent liquide de petites coupures à de grosses sommes ou bien dans le cas
d’échange des instruments de paiements. En deuxième lieu, lors de transfert de cash à
l’étranger. Les blanchisseurs d’argent peuvent à travers ces bureaux, falsifier les documents
de transfert internationaux brouillant la destination réelle des fonds. En troisième lieu, ces
bureaux peuvent jouer le rôle d’interface entre fournisseurs et demandeurs de devises,
permettant aux délinquants d’écouler leur fond illicite et de supprimer l’opération sous
couvert d’une opération commerciale légitime.

48
 Les marchés dérivés
La norme IFRS 9 définit le marché dérivé ou le produit dérivé comme étant : un instrument
financier :
o Dont la valeur fluctue en fonction de l'évolution du taux ou du prix d'un autre produit
appelé sous-jacent ;
o qui requiert peu ou pas de placement initial ;
o dont le règlement s'effectue à une date future.
Ce produit consiste en un contrat entre deux parties, un acheteur et un vendeur, qui fixe des
flux financiers futurs fondés sur ceux d’un actif sous-jacent, réel ou théorique, généralement
financier.
Les produits dérivés ont été créés à l’origine dans le but de se couvrir contre différents types
de risques financiers. Toutefois, aujourd’hui les prises de position pour des fins spéculatives
sont importantes, ce qui explique le fait que ces marchés attirent de plus en plus des
opérateurs dont l’unique but est de générer des profits. Ainsi, suite au volume de transactions,
de liquidité et le montant en jeu font des marchés très anonymes à forte volatilité ce qui donne
une protection efficace aux opérations illicites et encourage les criminels à investir leurs fonds
sur ces marchés.
2. Les techniques modernes
Outre les techniques traditionnelles de blanchiment d’argent, évoquées précédemment, il
existe des nouvelles techniques dues au développement technologique. En effet, le secteur des
services bancaires et des services financiers se développe rapidement grâce à l’utilisation de
nouvelles technologies.
a. Les moyens de communication électroniques
Le développement des moyens de communication électronique induit « un facteur de rapidité
important, tout en assurant un système anonymat pour les utilisateurs, notamment pour le
biais des messageries électroniques qui facilitent la coordination entre les acteurs du
blanchiment, ou l’utilisation de clés cryptographiques ».
Les virements électroniques demeurent un instrument primordial, dans toutes les étapes du
processus de blanchiment, grâce à la célérité à laquelle les transferts sont effectués, d’où la
détection des fonds illicites par les autorités sera difficile.
Les virements interbancaires internationaux sont généralement gérés par deux organismes à
savoir SWIFT et CHIPS

49
o SWIFT :
Le SWIFT c’est l’abréviation de Society for Worldwide Interbank Financial
Télécommunications (Compagnie de télécommunications mondiale pour les transactions
financières interbancaires), ce système peut être défini comme étant, un instrument moderne
de communication disposant d’un langage propre, support de la technique juridique de
virement.

Le SWIFT est un outil perfectionné composé de quatre commutateurs reliés entre eux et
recevant des messages et des communications dès l’ouverture des installations terminales de
réception : il s’agit d’ordinateurs disposant de logiciels appropriés, utilisés par une ou
plusieurs banques.

Cette méthode permet de transférer les fonds d’une ville à une autre ville ou d’un pays à
l’autre afin d’éviter le transport physique de l’argent, c’est pourquoi, ce système bancaire des
payements internationaux effectués par une série de transferts électroniques assurant les
virements internationaux est devenu, par la suite, l’instrument privilégié du commerce
international et le canal le plus utilisé qui permet de transférer en un temps réel n’importe quel
montant à l’aide d’un ordinateur connecté à un réseau.24

Le SWIFT présente plusieurs avantages c’est pour cette raison que les blanchisseurs d’argent
recourent à ce système en vue de dissimuler l’origine de leur fonds illicites.

La formule SWIFT, telle qu’elle est mise en œuvre par les banques, constitue une
dissimulation active de l’identité du donneur d’ordre et facilite l’empilage de l’argent sale.

Ainsi, le GAFI dans son rapport annuel 1996/1997 insiste sur l’intérêt que représentent les
virements électroniques pour les blanchisseurs : « le problème posé par les transferts
électroniques du type SWIFT connait un regain d’acuité. Il s’agit là, en effet, de mouvements
de capitaux portant l’identité du donneur d’ordre »25.

o CHIPS :
Le CHIPS c’est Clearing House Interbank Payements System (chambre de compensation des
systèmes de paiement interbancaires), « traite plus ou moins 950 milliards de dollars de
mouvements de fonds par jour, pour le compte de 122 banques. Le CHIPS reste utilisée aux

24
Mirelle Delmas (M), « Vers les principes directeurs internationaux du droit pénale », 2ème rapport de l’équipe
européen, le cadre juridique international, P 9.
25
Le site officiel du GAFI : rapport annuel du 1996/1997.

50
Etats-Unis où il est le principal opérateur. On estime que 95% environ des transferts
interbancaires en dollars passent par CHIPS. A peu près 80% des transferts effectués par
CHIPS sont initiés par des messages de SWIFT ».
b. Les systèmes de monnaies électroniques : Les cyberpaiements
On utilise une panoplie d’appellations, dans le cas où les systèmes utilisent des cartes
prépayées, des cartes à mémoire ou Internet tels que : monnaie électronique, monnaie
numérique, cyber-paiement ou bien cyber-monnaie.
L’élément fondamental des cyber-paiements c’est l’utilisation d’une cartes à puces, cartes à
crédit, à piste magnétique ou optique ou contenant un microprocesseur sur lequel est chargé
un certain montant. La valeur des transactions est alors déduite du montant du crédit par un
distributeur automatique ou un terminal spécifique. Lorsque la carte est vide, elle peut être
soit rechargée ou jetée (cartes téléphoniques).
Cependant, le terme cyber-paiement recouvre aussi les systèmes développés sur internet tels
que les systèmes bancaires électroniques grâce auxquels les actifs disponibles sont détenus
par un ordinateur personnel. Leur transfert se fait réellement sur internet. De ce fait, l’internet
élimine le besoin de présence physique et permet à quiconque de réaliser une opération avec
n’importe qui dans le monde.
Par ailleurs, d’autres systèmes exigent la tenue d’un compte dans un établissement financier,
par lequel le règlement est effectué. Cependant, d’autres systèmes prévoient l’utilisation d’une
valeur numérique ou de jetons numériques : la valeur est achetée à un émetteur puis stockée
dans l’ordinateur, sans être conservée dans un compte.
La monnaie électronique peut permettre aux criminels de brouiller aisément la provenance de
leurs revenus illicites sans que l’opération ne puisse être détectée. Les nouvelles technologies,
comme le portefeuille électronique, facilitent les transferts anonymes.
Selon le rapport de GAFI de l’année 1997, retient trois catégories des technologies de la
cyberpaiement à savoir : les cartes prépayées, les systèmes fondés sur les réseaux et les
systèmes hybrides.

o Les cartes prépayées


Ces cartes sont des cartes à puces magnétique ou bien optique, cependant elles peuvent être
dépassées vu que leur sécurité est limitée. « De nos jours, les cartes les plus utilisées sont les
cartes à microprocesseur puisqu’elles se caractérisent par la complexité de leur contrefaçon ou
de leur falsification. Ces cartes sont un substitut du numéraire. De ce fait, le transfert de la
valeur s’effectue au moment et sur le lieu de l’opération et ne nécessite aucune autorisation

51
immédiate. Selon le GAFI, il existe plusieurs systèmes de monnaie électronique s’appuyant
sur un ensemble de dispositifs dans le but de créer un réseau décentralisé de paiement.
Cependant, certains systèmes comportent un relevé de chaque opération, mais d’autres
systèmes accordent l’avantage pour l’usager d’autoriser le transfert de la valeur d’une carte à
une autre hors ligne, sans autorisation».

o Les systèmes fondés sur les réseaux


Ce sont les systèmes qui utilisent l’Internet comme réseau de télécommunication. Le réseau
facilite aux cyber-mafias le détournement des fonds électroniques surtout à travers
l’utilisation de l’internet. Le blanchiment d’argent devient très facile puisqu’il suffit tout
simplement de transférer l’argent d’un ordinateur personnel grâce aux jetons numériques
stockés dans sa mémoire vers un autre ordinateur pour échapper au contrôle mis en place par
le système bancaire. Ainsi, l’internet accorde plusieurs avantages pour les blanchisseurs
d’argent d’une part, elle offre l’anonymat et d’autre part, elle offre la possibilité de faire un
monde Virtuel.
Par ailleurs, les banques virtuelles sont, dans la plus part des cas, installées dans des paradis
extraterritoriaux qui intéressent les blanchisseurs d’argent. Ainsi, dans le cadre de ces
établissements le transfert des fonds s’effectue sous forme numérique.

o Les systèmes hybrides


Selon le rapport de GAFI 1997, ces systèmes de monnaie électronique utilisent des
technologies sophistiquées pour répondre à des besoins de base de consommateurs. Pour ces
systèmes, leur distinction est difficile à cause de l’interdépendance de leurs éléments
constitutifs. Actuellement on s’achemine vers la mise au point de systèmes qui rendent les
cartes prépayées interchangeables indépendamment de l’émetteur. Par contre, dans d’autres
systèmes, il est possible d’utiliser les cartes en combinaison avec des systèmes fondés sur un
réseau.

Section 2 : Les canaux de blanchiment d’argent et leur impact en Tunisie


Les canaux de blanchiment sont variés, multiples et cumulatifs. Toutefois, nous pouvons les
classer en deux grandes catégories à savoir la première est relative aux canaux de
blanchiment d’argent adossés à des entités à but lucratif alors que la deuxième concerne les
canaux de blanchiment et adossés à des entités à but non lucratif.

52
I. Les canaux de blanchiment adossés à des entités à but lucratif

La majorité des opérations de blanchiment d’argent sale nécessitent, à un moment donné


l’intervention d’une banque, compte tenu des services techniques qu’elle offre. Nous pouvons
citer à titre indicatif les utilisations les plus courantes qui sont les suivantes : les dépôts en
espèce (des fonds d’origine criminelle), des virements effectués sur plusieurs comptes, de
l’utilisation des comptes d’entreprises (fantômes ou écrans), de l’exploitation frauduleuse de
facilités du commerce international, de l’achat d’instruments financiers ou du détournement
de prêts, etc…
Nous énumérons ainsi, les canaux les plus risqués :

1. Les bureaux de change


Le rôle des bureaux de change dans le processus de recyclage des fonds n’est pas négligeable.
Le GAFI a mentionné dans son rapport de 1997 sur l’étude des typologies du blanchiment
que : « Presque toutes les délégations ont fait état d’une augmentation sensible du nombre
d’affaires de blanchiment effectives ou soupçonnées impliquant ce type d’établissement. Ils
offrent une gamme de services intéressants pour les criminels :
- des services de change qui peuvent servir à acheter ou vendre des devises, ainsi
que l’échange de paquets de billets de banque de faible valeur faciale contre
des billets de gros montants,
- l’échange d’instruments financiers comme les chèques de voyage, les
eurochèques, les mandats et les chèques de particuliers
- les mécanismes de virements télégraphiques »26
2. Les sociétés d’assurance
Selon l’OCDE, le secteur des assurances génère des primes mondiales de l’ordre de 2400 à
2600 milliards de dollars américains. En effet, les sociétés d’assurance ont un risque croissant
dans le domaine de blanchiment d’argent car d’une part, leur activité est internationale et
d’autre part, leur secteur est beaucoup moins réglementé par rapport aux banques, ce qui attire
en conséquence les blanchisseurs. Elles offrent une large gamme de services : l’assurance
risques divers, l’assurance-vie et la réassurance.
Comme le bénéficiaire d’un produit d’assurance n’est pas toujours le souscripteur de la police
d’assurance, il est parfois difficile de déterminer à quel moment il est nécessaire d’accomplir
26
Source Rapport Annuel de GAFI, 1997.

53
le devoir de vigilance vis-à-vis de la clientèle ou à l’encontre de quelle personne. Etant donné,
que les produits d’assurance sont souvent vendus par des courtiers, cherchant à obtenir des
commissions, ceci présente un terrain favorable pour les blanchisseurs qui profitent de cette
situation. L’éventualité de la corruption de ces courtiers est très élevée, puisque les
ressources financières dont disposent les groupes de la criminalité organisée sont énormes.

3. Le secteur de jeu
Les blanchisseurs recourent de plus en plus aux activités liées au secteur de jeu pour blanchir
leurs capitaux. Parmi ces activités nous pouvons citer à titre d’exemple : les casinos, les
courses de chevaux, les loteries, etc…
En effet, les casinos et les autres établissements de jeux intéressent de plus en plus les
blanchisseurs d’argent car ils constituent un véhicule parfait pour blanchir de l’argent sale,
puisqu’ils permettent d’une part, d’expliquer immédiatement une fortune récemment acquise
sans aucune justification et d’autre part, l’introduction et la manipulation d’une quantité
importante de liquidités.
A noter, qu’une grande partie des salles de jeux offrent des services quasi-bancaires telles que
les possibilités de transfert de fonds, les facilités de change, etc….

4. Le marché financier
Le marché financier représente un mécanisme attractif pour les blanchisseurs de capitaux
d’origine criminelle cherchant à écouler des énormes sommes puisque certains opérateurs
autorisés tels que sociétés de bourse, banques, conseillers financiers indépendants sont aptes
d’effectuer des transactions sur les marchés des valeurs mobilières. Comme les professionnels
du marché des valeurs mobilières qui sont des courtiers et agents leur rémunération dépend
principalement des commissions à la vente, alors ils sont fortement incités à ne pas trop
vérifier l’origine des fonds de leurs clients. Ceci favorise et facilite le recyclage de l’argent
sale puisque cette commission représente leur source de revenus.
5. Le marché de l’or et des diamants

Plusieurs de métaux précieux et les diamants sont utilisés dans le but de recycler des fonds
sales. Cependant, la seule matière première comparable à la monnaie est l’or qui a la faveur
des blanchisseurs. En effet, l’or est un moyen d’échange universellement accepté, toujours
échangeable et convertible sur les marchés mondiaux. Par ailleurs, en période d’incertitude, il

54
joue le rôle d’une valeur refuge et il a la possibilité de modifier ses formes. Ainsi, ses prix
sont fixés quotidiennement et de ce fait il possède une valeur relativement prévisible.

6. L’immobilier

L’immobilier joue un rôle très important dans la dissimulation des sources des fonds d’origine
illicites. C’est pour cette raison, qu’il est souvent utilisé par les blanchisseurs d’argent. Ainsi,
L’immobilier plus précisément l’immobilier commercial diversifié tel que (les restaurants, les
hôtels, les cinémas…) fournit aux capitaux d’origine illicite toute l’apparence de la légitimité.

7. Le système informel de transfert de capitaux et des valeurs

Les comptes de recouvrement de banques étrangères permettent les transferts de capitaux à


l’étranger. Cependant, à part les banques, il existe d'autres possibilités pour ce genre de
transfert.

En effet, il peut avoir lieu à travers des sociétés de transfert de fonds possédant des réseaux
séparés tels que la Western Union, des systèmes de transfert d’argent liés à des banques
clandestines, ou Underground Banking désignés comme les services alternatifs de remise de
fonds ou des systèmes bancaires souterrains ou encore parallèles, ou les transmetteurs de
fonds.

Le système informel de transfert de capitaux ou de valeurs, ITCV System est un système dans
lequel de argent est reçu afin que ces fonds ou leur contre-valeur puissent être payés à un tiers
dans un autre lieu, que ce soit ou non sous la même forme. Ce transfert intervient
généralement en dehors du système bancaire classique par l’intermédiaire d’institutions
financières non bancaires. En général, ils servent la partie non bancarisée des populations,
notamment les nouveaux immigrants, ou toute autre personne n’ayant pas de compte en
banque. Ce canal attire de plus en plus l’attention des délinquants qui l’exploitent pour les
raisons suivantes : Il permet aux délinquants de faire parvenir des fonds à des destinataires
complices se trouvant dans des lieux éloignés ou dans les régions qui ne disposent pas d’autre
type de services financiers. Ce canal est utilisé par des criminels ne laisse pas de trace des
opérations, puisque ces systèmes opèrent en dehors du système financier classique. Ils sont
aussi efficaces que confidentiels.

55
II. Les canaux de blanchiment adossés à des entités à but non lucratif
Certes, l'appel à la charité publique a toujours été, un levier d'action efficace pour les nobles
causes, mais également pour les criminels (vol, prostitution, escroquerie, drogue, abus de
confiance,) et ses formes modernes se sont les organisations à but non lucratif. Ces dernières
constituent un terrain propice pour les blanchisseurs d’argent. Par ailleurs, leur action dans ces
organismes peut être habilement et parfaitement complétée à travers l’utilisation des sociétés
écrans ou bien des sociétés fantômes qui constituent autant d'éléments également privilégiés.

1. Les organisations à but non lucratif

Les organisations à but non lucratif jouent un rôle important d'accompagnement social et
financier essentiel dans tous les pays de monde, puisqu’elles jouissent de la confiance du
public, d’une implantation internationale, de la circulation des personnes, et de la circulation
de liquidités.

Ce canal caritatif est de plus en plus exploité par les blanchisseurs puisqu’il permette la
collecte et la circulation des fonds présentés comme des fonds recueillis en toute légitimité à
des fins caritatives. Par conséquent, il sert à faciliter l’intégration des produits d’activités
criminelles dans le système financier légal. Cependant, les fonds peuvent être collectés à
travers plusieurs manières telles que par tradition manuelle, par dons anonymes ou par quête
sur la voie publique ouvrant ainsi une voie large à une opacité certaine des ressources de
financement.

Les organisations à but non lucratif présentent plusieurs avantages pour les criminels d’une
part, elles constituent un appui logistique direct aux blanchisseurs et servent de couverture à
leurs activités, surtout si elles possèdent plusieurs succursales opérant dans de nombreux pays
ou territoires sensibles et d’autre part, elles permettent le camouflage et des fonds mal acquis.

2. Les sociétés écrans ou de façades

Une société écran est une société fictive, créée pour dissimuler les transactions financières
d'une ou de plusieurs autres sociétés. Un des motifs recherchés lors de la création de sociétés
écrans est le blanchiment d’argent. Par ailleurs, une société écran est dans la plupart du temps
une société offshore, mais servant uniquement à dissimuler des transactions financières ou à
blanchir de l’argent. Dans le cas où la création de ce genre de société dans l’unique motif est
de blanchir de l’argent puisque son fondateur s’intéresse, au fort secret bancaire de certains

56
paradis fiscaux. En effet, grâce à certaines tractations financières, il possible de réinjecter
dans le circuit légal, de l’argent issu d’activités criminelles, tout en étant anonyme.

3. Les sociétés de domiciles


C’est une autre forme de sociétés écrans, elles sont définies par la 13ème recommandation du
GAFI comme étant : « des institutions, des sociétés, des fondations, des fiducies, et qui ne se
livrent pas à des opérations commerciales ou industrielles ou toute autre forme d’activité
commerciale, dans le pays où est situé le siège social, interviennent dans le processus de
blanchiment pour procéder à l’empilage des gains d’origine illicite. Elles ne servent pas,
comme les sociétés de façade, à placer les gains directement dans le système financier global,
mais à masquer les mouvements de fonds d’origine criminelle, à brouiller les pistes ».

4. Les sociétés fantômes

La société fantôme c’est l’opposé de la société écran et elle est purement fictive. En effet, il
existe seulement son Nom et par conséquent aucun document d’enregistrement n’a jamais été
établi. Il s’agit des sociétés qui apparaissent généralement sur les ordres de transfert de fonds
et les documents d’expédition en tant que consignataires ou bien transitaires dont le but est de
cacher le bénéficiaire final des fonds d’origine criminelle.

III. L’impact de blanchiment d’argent sur la Tunisie

D’après les estimations récentes de l’Organisation des Nations Unies (ONU), les produits des
activités criminelles blanchis représentent chaque année entre 2% et 5% du PIB mondial, soit
1600 à 4000 milliards de dollars par an.
Par conséquent, le blanchiment de capitaux peut avoir des conséquences économiques et
sociales néfastes pour les Etats, et plus précisément pour les pays en voie de développement et
ceux ayant des systèmes financiers fragiles. Comme, la Tunisie est classée parmi les pays en
voie de développement, alors nous allons aborder l’impact du phénomène du blanchiment sur
l’Etat Tunisien.

Par ailleurs, nous citons, quelques exemples de la manière dont les flux de blanchiment
d’argent peuvent affecter l’économie et les institutions des pays :

- « Les institutions financières qui acceptent les fonds illicites ne peuvent pas compter
sur ces capitaux en tant qu’une base de dépôt stable, puisque les capitaux blanchis
peuvent à tout moment être virés à d'autres marchés financiers. En conséquence, la

57
liquidité et la solvabilité de l’institution financière est menacée d’une part, et d’autre
part, sa réputation et son intégrité risquent d’être irrévocablement lésée du fait de son
implication dans le blanchiment de capitaux.
- L’instauration de la concurrence déloyale, ainsi les entreprises et commerces locaux
risquent d’être incapables de faire concurrence avec les sociétés écrans constituées
pour blanchir et cacher des fonds illégaux puisque ces dernières offrent leurs services
et leurs marchandises à des prix au-dessous au prix du marché et même parfois ils
vendent à perte. En effet l’objectif principal de ces sociétés écrans est de blanchir
d’argent et non pas de réaliser des bénéfices.
- Les devises et les taux d’intérêt risquent d’être perturbés par les pratiques
d’investissement des blanchisseurs de capitaux, puisqu’elles sont fondées sur des
facteurs autres que le rendement du marché.
- Le blanchiment de capitaux et le financement de terrorisme ont un impact non
négligeable sur la réputation et l’image des pays mais surtout son climat d’affaires.
En effet, la perte de confiance des investisseurs qui suit les révélations d’une
implication à grande échelle risque sévèrement de diminuer les occasions de
croissance.
- Le blanchiment de capitaux risque de nuire à certains secteurs de l’économie et de
rendre leurs marchés fragiles. Les blanchisseurs de capitaux risquent de diriger des
capitaux vers des secteurs ou domaines où il est peu probable que ceux-ci soient
découverts, que l’investissement soit nécessaire ou non et qu'un rendement réel soit ou
non offert. Les départs, souvent brusques, d’investissements dans ces secteurs risquent
d’affaiblir les industries impliquées »27.

Ainsi, les comportements liés au blanchiment de capitaux menacent la solidité des économies
des pays et constituent un frein puissant à la croissance.

Pour ce qui est de la Tunisie, dans un pays où plus de 50% de l’économie est informelle28, où
quelques banques ont pendant des années ouvertement, accueilli l’argent de la contrebande, et
surtout où le profil des criminels évolue avec l’évolution des techniques de détection de ceux-
ci. Ainsi, la Tunisie constitue un terrain favorable pour les blanchisseurs d’argent. En effet,

27
La Banque Mondiale et FMI : « La lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement de terrorisme»,
2003, disponible sur le site web : www.imf.org
28
L’Union Tunisienne de l’Industrie, du Commerce et de l’Artisanat. Intervention de M. Mohsen Hassen,
ministre du commerce, disponible sur le site web : commerce.gov.tn

58
l’absence de contrôle rigoureux et la multiplicité des avantages fiscaux accordés dans le cadre
d’encouragement à l’investissement ont incité les investisseurs étrangers à créer des sociétés
fictives.

A cela, s’ajoute le fait que , la Tunisie depuis février 2018 figure sur la liste grise « des pays
sous surveillance » du groupe d’action financière (GAFI), organisme intergouvernemental qui
lutte contre le blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme ainsi que sur la liste
noire de l’Union européenne des pays fortement exposés au blanchiment de capitaux et au
financement du terrorisme.

Ainsi, les répercussions de ce classement constituent une menace pour l’économie tunisienne,
parmi ces principales répercussions nous pouvons citer :

- La répercussion sur la sortie sur les marchés internationaux : l’Etat a besoin de


ressources pour alimenter son budget. En effet, outre les recettes fiscales et non
fiscales, la Tunisie a besoin de ressources d’emprunts intérieur et extérieur. Par
ailleurs, une sortie sur le marché international peut être très couteuse pour la Tunisie
avec une prime de risque importante.

- Une répercussion sur la réputation de la Tunisie, en effet la crédibilité du pays est


entachée suite à deux classements successifs sur deux blacklists différentes en deux
mois. Ceci a un impact négatif sur les transactions avec l’étranger et d’une manière
générale sur la croissance économique du pays.

- Une répercussion sur les investissements directs étrangers. En effet, les investisseurs
hésiteraient à investir dans un pays susceptible d’être exposé au blanchiment de
capitaux et au financement de terrorisme.

Face à cette situation, une alerte est déclenchée. En effet, le gouvernement tunisien s’est
mobilisé d’une manière sans précèdent afin de régulariser la situation. C’est dans ce contexte,
qu’il y a eu l’adoption par le Parlement de la loi sur le Registre national des entreprises et
l’amendement de la loi relative à la lutte contre la corruption et le blanchiment d’argent, outre
la publication de sept décrets gouvernementaux relatifs essentiellement au registre national
des entreprises et à l’interdiction du blanchiment d’argent.

59
Ainsi, la modification de la loi organique oblige les banques à faire des investigations
supplémentaires et des vérifications poussées sur ses futurs clients (personnes physiques,
sociétés et associations).

Par ailleurs, cette règlementation n’est pas limitée uniquement aux établissements de crédit
mais elle touche d’autres acteurs économiques tels que (l’administration fiscale, le conseil du
marché financier, les professions libérales, les agents immobiliers, les bijoutiers, les
organismes de contrôle…).

La commission Tunisienne des analyses financières CTAF a enregistré début de l’année 2019
à 22 décisions de gels de compte pour une saisie de 3,5 millions d’euros, 2 millions de francs
suisse, 104 millions de dollars et 58000 dinars tunisiens selon le gouverneur de la Banque
centrale de Tunisie (BCT), Marouane El Abassi. Par ailleurs cette commission a enregistré
jusqu’au mois d’avril 2019, près de 2000 opérations d’accès aux listes nationales et
internationales, sans compter l’accès des banques, des établissements financiers et des
sociétés d’assurances avec l’enregistrement de 2 300 déclarations sur les bénéficiaires réels
enregistrés dans le registre national des entreprises.

Section 3 : lutte contre le blanchiment d’argent un enjeu mondial

Avec la mondialisation et les échanges de capitaux qui sont de plus en plus importants et
fréquents, la lutte contre le blanchiment d'argent devient une nécessité à l'échelle
internationale. En effet, de nombreuses actions ont été menées par différents organismes au
plan international pour lutter contre le phénomène du blanchiment d'argent afin de se protéger
et d'empêcher les trafiquants de réaliser des gains illicites.
I. les instruments de lutte contre le blanchiment d’argent
Le phénomène de blanchiment d’argent fait l’objet d’une attention croissante depuis ces
dernières années. Ainsi, la communauté internationale agit sur de nombreux fronts par la mise
en place des organismes à l’échelle internationale ou régionale, pour combattre et limiter les
dégâts de ce phénomène.
1. Les moyens internationaux
Les principales organisations productrices de normes internationales relatives à la lutte contre
le blanchiment d’argent sont les suivantes :

60
a. Le groupe d’Action Financière contre le blanchiment d’argent
(GAFI)
Le Groupe d'action financière (GAFI) ou Financial Action Task Force (FATF) est
un organisme intergouvernemental de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement
du terrorisme. « Il a été créé par le Groupe des sept (G7)29, lors du sommet de
l'Arche à Paris en 1989, en réponse à des préoccupations croissantes au niveau international
concernant la lutte contre le blanchiment de capitaux. C'est un groupe d'action rassemblant
des représentants des États membres du G7, de la Commission européenne et de sept autres
pays. Il n'a pas de structure définitive. Jusque-là, aucune organisation internationale n'avait été
créée afin de mettre en place une coopération pour lutter contre le blanchiment de capitaux ».

Le GAFI a pour mandat d’élaborer des normes et de promouvoir la mise en œuvre efficace de
mesures législatives, réglementaires et opérationnelles pour lutter contre le blanchiment de
capitaux, le financement du terrorisme, le financement de la prolifération ainsi que les autres
menaces connexes pour l’intégrité du système financier international. En collaboration avec
les autres acteurs au niveau international, le GAFI identifie également les vulnérabilités
nationales dans le but de protéger le système financier international contre les utilisations
abusives30.
Parmi, les missions permanentes du GAFI, sont d’une part, de déterminer et d’analyser les
menaces de blanchiments de capitaux dans le monde et d’autre part, de contrôler la mise en
œuvre par les Etats membres de ses recommandations. Le contrôle des Etats membres
s’effectue à travers l’envoi d’un groupe d’expert dans le pays audité. Ainsi, le GAFI joue le
rôle d’observateur du phénomène du blanchiment.
Les quarante recommandations du GAFI sont apparus en Avril 1990, comportant une série de
mesures ayant trait au système juridique pénal et aux autorités de poursuites pénales, au
système financier et à sa réglementation ainsi qu’à la coopération internationale.
Cependant, suite aux attentats terroristes du 11 Septembre 2001, le GAFI a élargi le champ
d’application de son mandat pour comprendre la lutte contre le financement terroriste.
Par conséquent, le groupe a ajouté huit autres recommandations pour répondre à cette
nouvelle situation. Ces dernières ont été préparées et adoptées par le GAFI dès Octobre 2001.

29
Le G7 est un groupe de discussion et de partenariat économique sept pays réputés en 1975 les plus grandes
puissances du monde qui détient environ 2/3 de la richesse mondiale puis 45% en 2019 : Allemagne, Canada, les
Etats-Unis, France, Italie, Japon et Royaume-Uni.
30
GAFI « Normes internationales sur la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement de terrorisme
et de la prolifération », recommandations du GAFI, Mise à jour Novembre 2017, disponible sur le site web :
www.fatf-gafi.org

61
En 2004, il y a eu l’apparition de la neuvième recommandation spéciale sur les mouvements
transfrontaliers d’espèce qui viendra compléter et renforcer l’arsenal de lutte contre le
financement du terrorisme.
Ainsi, les recommandations du GAFI d’une part, constituent des normes internationales que
les pays devraient mettre en œuvre au moyen de mesures adaptées à leur situation particulière
et d’autres part, définissent les mesures essentielles que les pays devraient mettre en place
dans le but de :
- « identifier les risques et développer des politiques et une coordination au niveau
national ;
- agir contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et le financement
de la prolifération ;
- mettre en œuvre des mesures préventives pour le secteur financier et les autres
secteurs désignés ;
- doter les autorités compétentes des pouvoirs et des responsabilités nécessaires et
mettre en place d’autres mesures institutionnelles ;
- renforcer la transparence et la disponibilité des informations sur les bénéficiaires
effectifs des personnes morales et des constructions juridiques ;
- faciliter la coopération internationale »31.
Le GAFI met régulièrement à jour ses recommandations afin qu’elles restent d’actualité et
pertinentes. En outre, parmi les objectifs du GAFI figure la mise à jour annuelle des
réglementations implantées dans chaque pays membre mais également la détermination de
nouvelles techniques de blanchiment d’argent qui peuvent y avoir lieu. Ainsi, suite à la
détermination et le rassemblement de ces nouvelles techniques de recyclage de l’argent sale,
le GAFI continuait sa lutte et tente de les remédier.
Cependant, pour les pays membres, cette évaluation annuelle leur permet d’être
continuellement à jour vis-à-vis des nouvelles techniques de blanchiment et les moyens de
lutte. Ces évaluations, aident le GAFI à actualiser en permanence la liste noire et par
conséquent ce qui incite les pays membres d’être à jours avec les recommandations de cet
organisme. De ce fait, chaque pays membre a donc le devoir de créer au sein de son territoire
une cellule de contrôle pour la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du
terrorisme et d’être en adéquation avec les recommandations du GAFI. En effet, les pays

31
GAFI « Normes internationales sur la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement de terrorisme
et de la prolifération », recommandations du GAFI, Mise à jour Novembre 2017, disponible sur le site web :
www.fatf-gafi.org

62
membres doivent en premier lieu, identifier, évaluer et comprendre les risques de blanchiment
d’argent et financement de terrorisme auxquels ils sont confrontés et en deuxième lieu,
d’adopter les mesures nécessaires afin de répondre à ces risques.
A noter, que le GAFI travaille en étroite collaboration avec d’autres organisations
internationales telles que le Fonds Monétaire International (FMI), la banque Mondiale (BM),
l’interpole…
b. Le comité de Bâle

Le comité de Bâle est une institution créée en 1974 par les gouverneurs des banques
centrales du groupe de dix (G10)32 ainsi que par les autorités prudentielles de treize Pays,
Canada, qui sont (l’Allemagne, Belgique Espagne, Etat-Unies, France, Italie, Japon,
Luxembourgs, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suède et Suisse). Il est hébergé par la Banque des
règlements internationaux à Bâle en Suisse. La création du comité suivait de quelques mois un
incident survenu à la suite de la liquidation d’une société allemande (Herstatt), cet incident a
eu un impact sur certaines autres banques.
Le comité était initialement appelé comité Cooke, du nom de Peter Cooke, un directeur de la
banque d’Angleterre qui avait été le premier à proposer sa création et fut son premier
président. C’est également lui qui a donné son nom au ratio Cooke.
Ce comité a pour mission de renforcer la régulation des banques et de promouvoir et de
diffuser les meilleurs pratiques. De ce fait, son objectif principal est d’assurer la stabilité
bancaire à l’échelle mondiale. Ainsi, afin d’atteindre cet objectif, ce comité établit des normes
internationales dans le domaine de contrôle prudentiel des banques et constitue une instance
de coopération internationale sur ces questions.
Les premiers accords de Bâle sont apparues en 1988 qui sont appelés « Bâle I », ces derniers
ont un dispositif principal qui est d’obliger les banques actives à l’international à détenir un
minimum de fonds propres par rapport au montant de leurs engagements.
Suite à la crise financière dans les années 1990, les membres de comité de Bâle ont été
amenés à redéfinir, enrichir et améliorer les normes de régulation. De plus, suite à la
croissance explosive des produits dérivés de gré à gré, cette croissance a entrainé des risques
dits hors bilan qui sont non captés par ce cadre réglementaire en vigueur. Par ailleurs, afin de
remédier à ces insuffisances, le comité de Bâle a publié en 2004 un nouveau cadre

32
C’est un groupement informel des dix pays souverains réunis pour la première fois à la Banque des règlements
internationaux à Bâle en Suisse, pays hôte. Il est né dans les années 1960 et a pour but à l'origine de fournir des
ressources supplémentaires (les Accords généraux d'emprunt, puis les Nouveaux accords d'emprunt) au Fonds
monétaire international.

63
réglementaire appelé Bâle II. Cette nouvelle réforme de Bâle II est plus complète par rapport
à l’ancienne et définit une mesure plus pertinente du risque.
Cependant, la crise financière en 2008, a mis en évidence les lacunes de Bâle II avec une
couverture insuffisante de certaines grandes natures de risque inhérentes à l’activité bancaire.
C’est notamment le cas du risque de liquidité pour lequel le cadre réglementaire en place ne
définissait pas d’exigences en matière de seuil.33 Ceci a donné lieu à la mise en place d’une
nouvelle réforme qui est le Bâle III. Cette dernière est entrée en vigueur en Juillet 2013, vise à
stabiliser le système financier dans son ensemble, et à renforcer la stabilité et la solidité des
banques. Cette nouvelle réforme s’articule sur quatre principaux axes à savoir :
o « Le renforcement de la structure de capital des banques, avec l’amélioration de la
qualité et du niveau des fonds propres ;
o L’amélioration de la gestion de la liquidité, avec l’introduction des ratios de liquidité à
court et long terme ;
o La maîtrise de l’effet de levier, avec l’introduction d’un ratio de levier permettant
d’encadrer la taille du bilan des banques ;
o La couverture des risques du portefeuille de négociation34 » ;
L’engagement du Comité en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le
financement du terrorisme est en parfaite adéquation avec son mandat, qui est de « renforcer
la réglementation, le contrôle et les pratiques des banques à travers le monde en vue
d’améliorer la stabilité financière35». Ainsi, une saine gestion des risques de blanchiment de
capitaux est particulièrement importante pour la sûreté et la solidité globale des banques et du
système bancaire, premier objectif du contrôle bancaire. En effet :
o « elle contribue à protéger la réputation des banques et des systèmes bancaires
nationaux en empêchant que les banques soient utilisées pour blanchir des profits
illicites ou pour lever ou faire circuler des fonds de soutien au terrorisme ;
o elle préserve l’intégrité du système financier international et protège le travail des
États en matière de lutte contre la corruption et le financement du terrorisme36 ».

33
Finance & Strategy, « de Bâle 1 à Bâle 4 chronique d’une Saga règlementaire », Aout 2018, disponible sur le
site web : www.finance.sia-partners.com
34
Idem, Finance & Strategy : www.finance.sia-partners.com
35
Comité de Bâle sur le contrôle bancaire, charte, Janvier 2013, disponible sur le site web : www.bis.org
36
Comité de Bâle sur le contrôle bancaire : Saine gestion des risques de blanchiment de capitaux et de
financement de terroriste, Janvier 2014, disponible sur le site web : www.bis.org

64
c. Le groupe Egmont

Le groupe Egmont ou Egmont Group of Financial Intelligence Units est un organe composé
de 164 unités de renseignement financier (CRF). Il est créé à l'initiative de la CTIF37
(Belgique) et de Fin CEN (Etats-Unis), qui réunit, au niveau mondial, les services chargés de
recevoir et de traiter les déclarations de soupçon de blanchiment et de financement du
terrorisme. Ainsi, ce groupe fournit une plate-forme pour l'échange sécurisé d'expertise et de
renseignements financiers afin de lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement
du terrorisme.
Ceci est particulièrement pertinent dans la mesure où les CRF sont particulièrement bien
placées pour coopérer et soutenir les efforts nationaux et internationaux de lutte contre le
financement du terrorisme et constituent une passerelle de confiance pour le partage
d'informations financières aux niveaux national et international, conformément à la
Convention mondiale de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme.
Les principaux objectifs du groupe Egmont sont :
o développer la coopération internationale par l’échange d’information ;
o promouvoir l’autonomie opérationnelle des cellules de renseignements financiers ;
o accroitre l’effectivité des cellules de renseignement financier par des programmes
d’échange et de formation de personnel ;
o promouvoir la création de cellules de renseignement financier qui respectent les
mêmes standards internationaux et une même approche opérationnelle des dossiers de
blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme.
Dans le but de faciliter l’échange des données entre les CRF, le groupe Egmont a développé
un outil de communication sécurisé qui s’intitule « Egmont Secure Web », qui vient
compléter le système européen FIU-NET.
2. Les instruments Européens
a. La Commission Européenne

La Commission Européenne est l'une des principales institutions de l'Union européenne, avec
le Conseil de l'Union européenne, le Parlement européen et le Conseil européen. Elle a été
instituée par le traité de Rome de 1957, elle se compose d'un commissaire européen par État
membre, soit 28 commissaires38. La fonction principale de la Commission européenne est de

37
La cellule de traitement des informations financières (CTIF), c’est une autorité administrative indépendante
belge créée en 1993 pour lutter contre le blanchiment d’argent et financement de terrorisme.

65
présenter l’initiative législative, de mettre en œuvre les politiques communautaires ainsi
qu'elle veuille à leur application. Cette commission jouit d’un quasi-monopole du droit
d’initiative dans le domaine des compétences exclusives de l’Union Européenne.
Ainsi, cette commission joue un rôle de garante par rapport à l’intérêt général de l’Union
Européenne, ce qui fonde son monopole de l’initiative législative. Cette commission est à
l’origine des cinq directives européennes se rapportant à la lutte contre le blanchiment
d’argent.
b. Europol

Europol « European Police Office », est une agence européenne de police criminelle qui
facilite l'échange de renseignements entre polices nationales en matière de stupéfiants,
de terrorisme, de criminalité internationale et de pédophilie au sein de l'Union européenne39.
Il a été créé après la signature et la ratification de la convention par tous les Etats membres de
l’Union Européenne. Il a commencé à exercer sa mission à partir du 1er Juillet 1999.
Le rôle principal de l’Europol est d’apporter un soutien aux services de police de l’Union
Européenne, ceci s’effectue à travers l’échange et l’analyse des renseignements en matière de
crime organisé et terrorisme.
Les trois principales activités de l’Europol sont les suivantes :
o Echange des données : ceci s’effectue à travers la transmission simplifiée et en direct
des renseignements nécessaires aux enquêtes. L’Europol coordonne et centralise les
enquêtes à l’encontre d’organisations criminelles de dimension européenne et
internationale. En effet, ceci se réalise grâce à la mise en place des plateformes
d’information telles que le système d’information Europol (SIE) et l’application du
réseau d’échange sécurisé d’information SIENA permettent aux Etats membres et aux
partenaires de communiquer avec l’Europol ainsi que l’accès et l’analyse de
données.40
o Analyse et rapport : Les renseignements, les investigations, analyses opérationnelles et
rapport de type stratégique sont communiqués aux Etats membres dans le respect des
législations nationales et européennes.
o Assistance technique : ceci se réalise à travers l’envoi sur place des experts, des
enquêteurs (policiers, gendarmes et douaniers).

39
Idem, Source site Web Wikipédia : www.wikipedia.org
39
Quillé (M), Deputy Director, Europol Unclassified –Basic Protection Level.

66
3. Les instruments Tunisiens
a. La commission Tunisienne des Analyses Financières (CTAF)

La Commission Tunisienne des Analyses Financières (CTAF) est instituée par l'article 118 de
la loi n° 2015-26 du 7 août 2015 relative à la lutte contre le terrorisme et à la répression du
blanchiment d’argent, auprès de la Banque Centrale de Tunisie. Elle représente la cellule
administrative de renseignements financiers en Tunisie41. De ce fait, la CTAF est un centre
national unique responsable de la réception et de l’analyse des déclarations concernant les
opérations et transactions suspectes. Par ailleurs toutes les personnes assujetties telles que
définies par l’article 107 de la loi précité doivent informer cette commission à travers une
déclaration écrite sur toute opération ou transaction suspecte susceptible d’être liée
directement ou indirectement au produit d’actes illicites ayant la qualification de crime, de
délit ou de financement de personnes ou bien des organisations ayant un rapport avec des
infractions terroristes et de même que les tentatives de ces opérations et transactions.
La CTAF dispose d’un droit de communication qui lui permet de demander toutes
informations utiles à l’accomplissement de ses missions, à l’ensemble des personnes
assujetties à la déclaration de soupçon ainsi qu’aux autorités publiques chargées de
l’application de la loi. Celles-ci sont tenues de lui communiquer les informations requises.
Cependant, le secret professionnel n’est pas opposable à la CTAF et les dépositaires desdits
secrets ne peuvent être poursuivis de leur divulgation42.
CTAF peut ordonner le gel provisoire des fonds objet de la déclaration de soupçon. Dans ce
cas, elle dispose d’un délai de cinq jours à partir de la date de l’ordre de gel pour clôturer ses
travaux.
La composition de la CTAF a été prévue par l’article 119 de la loi 2015-26 du 07 aout 2015
comme suit :
o « Le gouverneur de la banque centrale ou son représentant, président
o Un magistrat de troisième grade
o Un expert du ministère de l'intérieur
o Un expert du ministère des finances de la direction générale des douanes
o Un expert du comité du marché financier ;
o Un expert du ministère chargé des télécommunications ;
o Un expert du comité général des assurances ;

41
Disponible sur le site web de la CTAF : www.ctaf.gov.tn
42
Rapport d’activité de la CTAF de l’année 2015, disponible sur le site web : www.ctaf.gov.tn

67
o Un expert spécialisé en matière de lutte contre les infractions financières ;
o Un expert de l’association professionnelle des banques et des établissements
financiers et ;
o Un expert de l’instance chargée de la lutte contre la corruption ».

Par ailleurs, l’article 120 de la même loi déjà précité a fixé le rôle de la CTAF, ainsi elle est
chargée des missions suivantes :
o « Etablir et publier les principes directeurs permettant aux personnes citées, à l’article
107 de la présente loi, de détecter les opérations et les transactions suspectes et les
déclarer

o Recueillir et analyser les déclarations concernant les opérations et les transactions


suspectes et notifier la suite qui leur est donnée,
o Assister à l’élaboration de programmes ayant pour objectif la lutte contre les circuits
financiers illicites et à faire face au financement du terrorisme et au blanchiment
d’argent,
o Participer aux activités de recherche, de formation et d’étude, et en général, à celles
ayant trait au domaine de son intervention,
o Assurer la représentation des différents services et organismes concernés par ce
domaine au niveau national et international, et faciliter la communication entre eux,
o Coordonner entre les différentes autorités concernées dans ce domaine sur le plan
national et faciliter la communication entre elle »43.
Par ailleurs le décret gouvernemental n°2016-1098 fixant l’organisation et les modalités de
fonctionnement de la CTAF a ajouté d’autres missions pour la CTAF qui sont44 :
o « contrôler l'activité opérationnelle d'analyse financière relative aux déclarations
d'opérations suspectes et aux suites qui leur ont été données, et ce, sur la base d'un
rapport trimestriel présenté par le secrétariat général mentionné à l'article 11 du
présent décret gouvernemental,
o statuer sur les propositions du secrétariat général relatif au classement de déclarations
d'opérations suspectes,

43
Journal Officiel de la République Tunisienne N°63, du 07 Aout 2015, disponible sur le site web :
www.iort.gov.tn
44
Journal Officiel de la République Tunisienne N°70 du 26 Aout 2016, disponible sur le site web :
www.iort.gov.tn

68
o approuver l'étude d'évaluation nationale des risques de blanchiment d'argent élaborée
par le comité d'orientation mentionné à l'article 7 du présent décret gouvernemental,
o coordonner avec la commission nationale de lutte contre le terrorisme créée par
l'article 66 de la loi organique n° 2015-26 susvisée et les autorités concernées pour
préparer une étude globale d'évaluation nationale des risques de blanchiment d'argent
et de financement du terrorisme et pour sa mise à jour périodique,
o transmettre aux autorités et organismes concernés les recommandations de l'étude
d'évaluation nationale des risques relatives aux mesures immédiates, à moyen et à long
terme, à prendre pour réduire les risques,
o formuler, à la lumière de rapports préparés par le comité d’orientation, des
recommandations aux autorités citées dans l'article 115 de la loi organique n°2015-26
susvisée, afin de les aider à mettre en place des programmes interdisant les circuits
financiers illicites,
o assurer la coordination sur le plan national en ce qui concerne les rapports d'évaluation
de la conformité du dispositif national aux standards internationaux en matière de lutte
contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme et les rapports de suivi
y afférents,
o approuver le plan stratégique et le plan d'action annuel de la commission à la lumière
des propositions du comité d'orientation,
o approuver le règlement intérieur de la commission,
o approuver les mémorandums d'accord à signer dans le cadre de la coopération
nationale et internationale,
o approuver le rapport annuel de la commission ».

b. La Banque Centrale de Tunisie (BCT) :


La banque centrale de Tunisie a été fondée deux ans après l’indépendance, le dinar tunisien a
été institué le 18 Octobre 1958 en remplacement du franc tunisien.
L’objectif principal de la BCT est de maintenir la stabilité des prix. Ses attributions sont
également le maintien de la stabilité financière et la coordination avec la politique monétaire
et économique de l’Etat.
Depuis 2016, « la BCT est chargée de :

o Veiller sur la politique monétaire ;


o Détenir et gérer les réserves de change en devises et en or ;

69
o Contrôler la circulation monétaire et veiller au bon fonctionnement des systèmes de
paiement, garantir sa stabilité, sa solidité, son efficacité ainsi que sa sécurité ;
o Superviser les établissements de crédit ;
o Émettre la monnaie fiduciaire et assurer sa circulation en Tunisie ;
o Conseiller le gouvernement sur les questions économiques et financières en cas de
sollicitation ;
o Collecter des données liées à l'exercice de ses missions ;
o Contribuer à la conduite et à la mise en œuvre de la politique macro-prudentielle pour
réduire le risque systémique ;
o Protéger les usagers des services bancaires »

Par ailleurs, la BCT joue un rôle très important en matière de lutte contre le blanchiment
d’argent et le financement de terrorisme. En effet, elle a publié le 19 Septembre 2017, une
nouvelle circulaire qui remplace la circulaire n°2013-15 relative à la mise en place des règles
de contrôle interne pour la gestion du risque de lutte contre le blanchiment d’argent et le
financement de terrorisme. Ceci est dû, d’une part, suite à la parution de la loi organique
n°2015-26 du 7 août 2015 relative à la LBA/FT et d’autre part, à l’évaluation mutuelle du
dispositif national de LBA/FT effectuée par la banque mondiale et le GAFIMOAN.

Par ailleurs, l’objet de cette nouvelle circulaire est la mise en œuvre des règles de contrôle
interne pour la gestion du risque de blanchiment d’argent et le financement de terrorisme.
Ainsi, les principaux apports s’inspirent en majorités des normes internationales ainsi que
celles du GAFI et leurs notes interprétatives, sont les suivantes :

o « La consécration de la notion de « Personnes Politiquement Exposées» et


l’harmonisation de leur liste avec la réglementation du CMF publiée en 2017 ;
o La consécration de l’approche basée sur les risques comme moyen d’allocation
optimale des ressources pour la gestion des risques de blanchiment d’argent et de
financement du terrorisme, laquelle approche exige des banques et des établissements
financiers d’identifier, d’évaluer et de comprendre les risques de blanchiment d’argent
et de financement du terrorisme auxquels ils sont exposés ;
o La mise à la charge des banques d’élaborer leurs propres évaluations des risques de
blanchiment d’argent et de financement du terrorisme et de les communiquer à la BCT
dans un délai d’un an à compter de l’entrée en vigueur de la circulaire ;

70
o La mise à profit des conclusions de l’évaluation Nationale des Risques « NRA » en
soumettant certains profils de risque à une vigilance renforcée
o Le renforcement des diligences en matière d’identification du bénéficiaire effectif au
regard des clarifications apportées par la décision n°3 de la CTAF ;
o La mise en œuvre au niveau du conglomérat financier des programmes de LBA/FT
o La mise à la charge des banques de diligences spécifiques quant à leurs relations avec
leurs correspondants bancaires ;
o La consécration de diligences spécifiques à des fins de LBA/FT lors de l’utilisation de
nouvelles technologies ;
o La clarification des diligences à respecter par les différents intervenants dans la chaîne
de paiement électronique à savoir la banque du donneur d’ordre, la banque
intermédiaire pour le dénouement d’opération de virement en devise et la banque du
bénéficiaire;
o La mise à la charge des banques de contre-mesures à appliquer pour leurs relations
d’affaires établies dans un pays signalé par le GAFI comme non coopérant ; et
o La détermination d’un seuil minimum de 1000 TND pour les «virements
internationaux» qualifiés au sens du GAFI et pour lesquels les banques doivent
observer des mesures rigoureuses en matière de transfert de fonds45 ».
c. Le Conseil du marché financier (CMF)

Créé après la publication de l’arrêté du ministre des finances du 6 mars 2018, portant
modification du règlement du CMF relatif aux mesures pratiques pour la répression du
blanchiment d’argent et la lutte contre le financement du terrorisme. De ce fait, le CMF doit
se conformer à ses nouvelles dispositions et doit adopter une approche basée sur les risques,
qui applique une vigilance en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et financement
du terrorisme. Cependant, en cas de non-respect et de violation des textes en vigueur en la
matière, il encourt des sanctions disciplinaires et financières. C’est dans ce cadre et afin de
répondre aux nouvelles exigences en matière de LBA/FT, le CMF a élaboré un guide relatif à
la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement de terrorisme destiné aux
intermédiaires en bourse et aux sociétés de gestion des portefeuilles de valeurs mobilières
pour le compte de tiers.

45
Communiqué Circulaire de la BCT, n°2017-08 du 19 Septembre 2017, disponible sur le site web :
www.bct.gov.tn

71
Ce guide a pour objectif de sensibiliser les professionnels en matière de LBA/FT et de les
guider et ce conformément aux dispositions législatives et réglementaires en la matière dans la
mise en place des mesures pratiques permettant la lutte contre ces deux formes de criminalité
financière.
d. La Douane Tunisienne

Selon l’arrêté du Ministre de l’économie et des finances du 17 octobre 2014 relatif au soutien
des efforts internationaux de lutte contre le terrorisme et à la répression du blanchiment
d’argent, toute opération d’importation ou d’exportation de devises dont la valeur est égale ou
supérieure à 10 000 dinars tunisiens doit, à l’entrée ou à la sortie et lors d’opération de transit,
faire l’objet d’une déclaration de devises aux services des douanes.

II. Le cadre juridique relatif à la lutte contre le blanchiment d’argent

La question de blanchiment d’argent est un phénomène international, c’est pour cette raison
qu’elle nécessite une coopération entre les Etats pour lutter contre ce fléau, selon le premier
vice-président de la commission européenne : « l’argent blanchi est de l’oxygène pour la
criminalité, le terrorisme et l’évasion fiscale. Nous devons donc couper son
approvisionnement dans toute la mesure du possible ». Dans cette optique, nous allons
présenter le cadre juridique relatif à la lutte contre le blanchiment d’argent au niveau
international, européen et national.
1. Les normes internationales
a. La déclaration de Bâle

Le comité de Bâle a été créé en décembre 1988, il s’agit d’un organisme représentant les
banques centrales et les autorités de surveillance de plusieurs pays, placé dans l’égide de la
banque des règlements internationaux.
La déclaration de Bâle, est une déclaration générale de principes de déontologie qui incite les
dirigeants de banques à mettre en place des procédures efficaces :
o « pour s’assurer que l’identité de toute personne en relation d’affaires avec leur
institution est convenablement établie ;
o pour décourager la pratique d’opérations qui n’apparaissent pas conformes à la loi ;
o pour réaliser la coopération avec les autorités chargées de veiller au respect des lois ».

72
Par ailleurs, cette déclaration est destinée à encourager la vigilance des banques et énonce la
nécessité de procéder à aucune opération sans l’obtention juste identité de la part des clients.
Ainsi, l’approche de Bâle, est fondée sur le principe de connaissance clientèle46.
Le comité de Bâle a adopté trois dispositions relatives au blanchiment d’argent qui sont les
suivantes :
o La déclaration du principe du blanchiment d’argent
Cette déclaration appelle les fonctionnaires des banques à s’assurer qu’ils ont mis en œuvre
des règles pour éliminer les opérations de blanchiment qui utilisent le système bancaire
national et international. Cette dernière se base principalement sur quatre principes
fondamentaux qui sont :
o L’identification du client : les banques ont une obligation de vérifier l’identité de tous
les clients ;
o Les banques doivent s’assurer de la conformité de l’activité par rapport aux règles de
déontologie, aux lois et les règlements relatives aux transactions financières ;
o Les banques ont une obligation de coopération avec les autorités nationales chargées
de l’application des lois dans la mesure où les réglementations nationales spécifiques
de confidentialité concernant l’obligation de secret professionnel vis-à-vis de la
clientèle le permettent ;
o Les banques doivent adopter des règles conformes à la déclaration sur la prévention et
s’assurer que tous les membres concernés de leur personnel sont bien informés et
qu’ils ont reçu la formation nécessaire en la matière.
o Les principes fondamentaux sur les activités bancaires
Le comité de Bâle a publié en 1997 ses vingt-cinq principes fondamentaux de surveillance
bancaire efficace. Par ailleurs, le principe numéro quinze est relatif au blanchiment d’argent.
Ce principe prévoit que les autorités de contrôle bancaire doivent s’assurer que les banques
disposent des procédures et politiques adéquates permettent la connaissance de leurs clients,
assurant un haut degré d’éthique et de professionnalisme dans le secteur financier et
empêchent l’utilisation de la banque dans le cadre d’activités illicites.

o Le devoir de vigilance
Le comité de Bâle a émis en octobre 2011, un document relatif aux principes de la
connaissance de la clientèle qui s’intitule « devoir de vigilance des banques au sujet de la

46
Roberge (I), « Comment freiner le financement du Terrorisme ?, la gouvernance a plusieurs Niveaux dans le
monde de la haute finance », Revue de la jurisprudence et de la législation, n°02,56 ème année, février 2014, p55.

73
clientèle ». Ce document a été élaboré afin de combler les lacunes dans les procédures de
connaissance de la clientèle dans plusieurs pays.

b. Convention de Vienne des Nations Unies du 20 décembre 1988

Les Nations Unies ont adopté une convention afin de lutter contre le trafic illicite de
stupéfiants, de substance psychotropes et celle de répression du financement du terrorisme.
Cette convention a été signée le 20 décembre 1988 à Vienne. Cette dernière vient compléter la
convention unique sur les stupéfiants du 20 mars 1961 ainsi que la convention sur les
substances psychotropes du 21 février 1971. Cette convention de Vienne des Nations Unies
représente le premier instrument juridique international afin de lutter à l’échelle internationale
contre la criminalité organisée issue du trafic du drogue, et d’introduire de nouvelles
incriminations telles que les opérations de blanchiment d’argent et le trafic de stupéfiant.
Selon cette convention, chaque pays doit prendre les mesures nécessaires afin de conférer aux
actes illicites dont le blanchiment de l’argent sale résultant du trafic de drogue le caractère
d’infraction pénale conformément à son droit interne lorsqu’ils ont été commis d’une manière
intentionnelle.
c. Les recommandations du GAFI

Le GAFI a publié en 1990, une série de recommandations qui constituent un standard


international en matière de lutte contre le blanchiment d’argent. Ces recommandations ont été
révisées plusieurs fois afin d’être toujours en actualité. Ces normes sont regroupées sous
forme de quarante recommandations.
Cependant, suite des attentats de 2001, les recommandations ont été élargies pour inclure le
financement de terrorisme lors de la révision totale de 2003. En effet, le GAFI a émis neuf
recommandations spéciales, complémentaires aux quarante recommandations afin de prévenir
et de lutter contre le financement de terrorisme.
Les pays du GAFI se sont clairement engagés à accepter la discipline multilatérale pour suivre
les examens mutuels, d’une manière concrète pour ces Etats. Ainsi, la mise en œuvre des
quarante recommandations est contrôlée selon un double mécanisme à savoir : un exercice
annuel d’auto-évaluation et périodiquement, une procédure mutuelle, dans le cadre de laquelle
chaque membre est évalué par son propre pays.
2. Le cadre européen

74
Les mesures de lutte contre le blanchiment de capitaux ont été développées dans les années
quatre-vingt-dix pour faire face au crime organisé et au trafic de stupéfiants. Ainsi, la
première norme européenne est apparue en juin 1991 avec la directive 91/308/CEE du Conseil
relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins de blanchiment de
capitaux. Cependant, suite aux attentats qui ont touché plusieurs pays de l’Union Européenne
depuis l’année 2015, l’UE a reformé son régime de lutte contre le blanchiment d’argent d’une
part, par la directive 2015/849 du 20 mai 2015 relative à la prévention de l’utilisation du
système financier aux fins de blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme et
d’autre part, par le règlement UE 2015/847 sur les informations accompagnant les transferts
de fonds. Cependant, selon le journal officiel de l’Union européenne le 30 mai 2018, une
nouvelle directive UE 2018/843 a été publié relative à la lutte contre le blanchiment d’argent
et le financement du terrorisme. Cette 4ème directive vient modifier la directive 2015/849 et
renforce les règles de l’Union en matière de prévention du blanchiment de capitaux et du
financement du terrorisme. L’objectif de cette nouvelle directive est d’empêcher la finance
criminelle sans impacter le fonctionnement normal des systèmes de paiement. Par ailleurs,
cette directive a été révisée un mois plus tard, ce qui a donné naissance à la 5 ème directive.
Cette nouvelle directive a été adoptée le 19 Juin 2018 et à transposer d’ici le 10 Janvier 2020.
Parmi les améliorations de cette nouvelle directive on peut citer :
o Renforcement de la transparence concernant les bénéficiaires effectifs ;
o Renforcement du cadre d’évaluation des Pays tiers à haut risque ;
o Traite les risques liés à l’anonymat des cartes prépayées et des monnaies virtuelles ;
o Et régit la coopération entre les autorités de surveillance anti-blanchiment et les
autorités de surveillance prudentielle.
3. Le cadre Tunisien

Suite aux attentats du 11 septembre 2001, le monde a connu un grand bouleversement, c’est
ainsi que cet évènement a entrainé un nouveau défi pour les acteurs financiers : la lutte contre
le financement de terrorisme. C’est en effet en réaction à cette tragédie que la volonté
d’élaborer des mesures destinées à lutter contre le financement de terrorisme tant sur le niveau
national qu’international, s’est nettement renforcée.

La Tunisie dans le cadre des traités internationaux de lutte contre le terrorisme et des
résolutions adoptées par l’ONU, a adopté le 10 décembre 2003 une loi qui est relative au
soutien des efforts internationaux de lutte contre le terrorisme et à la répression du
blanchiment d’argent. Dans cet objectif et depuis la première loi anti-blanchiment de 2003, le

75
cadre légal et réglementaire a été régulièrement amendé, et à plusieurs reprises, renforcé pour
prendre en compte l’évolution des bonnes pratiques internationales. Ainsi, les principales
dispositions qui ont marqué l’évolution des réglementations en matière de lutte contre le
blanchiment de capitaux et financement de terrorisme sont les suivantes :

o Au niveau des lois


- En 2003, la Tunisie a transposé en droit interne les recommandations du GAFI
(Groupe d’action financière), ce qui donne naissance à la loi n°2003-75 du 10
décembre 2003 relative au soutien des efforts internationaux de la lutte contre le
terrorisme et à la répression du blanchiment d’argent. Cette loi constitue une pierre
angulaire du dispositif tunisien en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et
financement de terrorisme ;
- La loi n° 2009-65 du 12 Août est venue modifier et compléter la loi n°2003-75 du 10
décembre 2003. Cette loi a renforcé les obligations à la charge des professionnels
financiers ou non, et a élargi le champ d’application de la déclaration de soupçon ;
- La loi n°2015-26 du 07 août 2015 relative à la lutte contre le terrorisme et la
répression du blanchiment d’argent. Cette loi est venue abroger les autres lois et ce,
suite aux attentats terroristes qu’a connus le pays. Cette loi vise à prévenir et à lutter
contre le terrorisme, le blanchiment d'argent et soutient également les efforts
internationaux dans ce domaine, conformément aux normes internationales, et dans le
cadre des conventions internationales, régionales et bilatérales ratifiées par la
République tunisienne.
- Loi n° 2018-52 du 29 octobre 2018 relative au registre national des entreprises. Ainsi,
le registre national des entreprises remplacera le registre de commerce. Cette loi a
entré en vigueur le 06 février 2019.
- Loi organique n° 2019-9 du 23 janvier 2019, modifiant et complétant la loi organique
n° 2015-26 du 7 août 2015, relative à la lutte contre le terrorisme et à la répression du
blanchiment d’argent.

76
o Au niveau des décrets

- Décret n° 2004-1865 du 11 août 2004 fixant l'organisation et les modalités de


fonctionnement de la commission tunisienne des analyses financières tel que modifié
par le décret n°2011-162 du 3 février 2011. Ce décret fixe l’organisation et les modalités
de fonctionnement de la commission tunisienne des analyses financières (CRF-CTAF) et
précise ses missions.
- Décret n°2016-1098 du 15 août 2016 fixant l’organisation et les modalités de
fonctionnement de la Commission Tunisienne des Analyses Financières ;
- Décret gouvernemental n°2019-54 du 21 janvier 2019 relatif aux modalités de
détermination du bénéficiaire effectif ;
- Décret gouvernemental n°2019-72 du 4 février 2019, relatif aux procédures de mise en
œuvre des résolutions prises par les instances onusiennes compétentes liées à la
répression du financement du terrorisme et de la prolifération d'armes de destruction
massive ;
- Arrêté du ministre des finances du 1er mars 2016, portant fixation des montants
prévus aux articles 100, 107, 108, 114 et 140 de loi organique n° 2015-26 du 7 août
2015, relative à la lutte contre le terrorisme et la répression du blanchiment d'argent.

o Les directives de la commission tunisienne des analyses financières (CTAF)


- Décision de la CTAF n°2006-01 du 20 avril 2006 relative à la déclaration des
opérations ou transactions suspectes ou inhabituelles ;
- Décision de la CTAF n°2006-02 du 20 avril 2006 portant directives générales aux
établissements de crédit, aux banques non-résidentes et à l'office national des postes
relatives à la détection et à la déclaration des opérations ou transactions suspectes ou
inhabituelles ;
- Décision de la CTAF n° 2007-03 du 22 mars 2007 portant directives générales au
marché financier, relatives à la détection et à la déclaration des opérations ou
transactions suspectes ou inhabituelles.
- Décision de la CTAF n°2017-01 du 2 mars 2017 portant principes directeurs relatifs à
la déclaration des opérations et transactions suspectes.
- Décision de la CTAF n°2017-02 du 2 mars 2017 portant principes directeurs aux
professions financières sur la détection et la déclaration des opérations et transactions
suspectes.

77
- Décision de la CTAF n°2017-03 du 2 mars 2017 relative aux bénéficiaires effectifs
telle que modifiée par la décision n°2018-10 du 8 juin 2018.
- Décision de la CTAF n°2018-04 du 5 avril 2018 portant principes directeurs aux
avocats sur la détection et la déclaration des transactions suspectes.
- Décision de la CTAF n°2018-05 du 5 avril 2018 portant principes directeurs aux
notaires sur la détection et la déclaration des transactions suspectes.
- Décision de la CTAF n°2018-06 du 5 avril 2018 portant principes directeurs aux
Experts Comptables sur la détection et la déclaration des transactions suspectes.
- Décision de la CTAF n°2018-07 du 5 avril 2018 portant principes directeurs aux
agents immobiliers sur la détection et la déclaration des transactions suspectes.
- Décision de la CTAF n°2018-08 du 5 avril 2018 portant principes directeurs aux
bijoutiers sur la détection et la déclaration des transactions suspectes.
- Décision de la CTAF n°2018-09 du 5 avril 2018 portant principes directeurs aux
directeurs de casinos sur la détection et la déclaration des transactions suspectes.
o Les circulaires de la banque centrale de Tunisie

- Circulaire aux établissements de crédit n° 2013-15 du 07 novembre 2013 de la banque


centrale de Tunisie : Mise en place des règles de contrôle interne pour la gestion du
risque de blanchiment d’argent.
- Circulaire aux banques et aux établissements financiers N°2018-09 du 18 octobre
2018 de la banque centrale de Tunisie : Règles de contrôle interne pour la gestion du
risque de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme

78
4ème Chapitre : L’importance de la Data Science dans la lutte contre la fraude

Prestations sociales, fiscalité, banque, assurance, e-commerce…aucun secteur n’est épargné


par la fraude. Un phénomène encore accentué par la révolution digitale, la profusion des
usages numériques et l’obsolescence de certaines architectures de système d’information.
Ce sont ainsi des milliards d’euros qui s’envolent chaque année pour l’administration et les
entreprises au profit de fraudeurs aux méthodes de plus en plus sophistiquées.
Pour mettre un frein à la fraude, un des leviers majeurs consiste à mieux exploiter les données
transactionnelles, une approche non seulement assez fiable à ce jour, mais aussi pleine de
promesses d’efficacité.

Section 1 : Le rôle de la data science dans la lutte contre la fraude


financière
Près d’un demi-milliard d’euros de fraude identifiée en IARD en 2018 et 1,182 milliard
d’euros de fraude aux transactions scripturales en 2019 : rien que dans les domaines de
l’assurance et de la banque, les chiffres sont éloquents.
Dès lors que surgit la possibilité d’un avantage concurrentiel ou financier, la fraude se fait
universelle. Et c’est sans compter la fraude à l’impôt sur les sociétés et à l’impôt sur le revenu
que l’Etat et la Cour des comptes peinaient encore à estimer, ou la fraude sociale estimée
entre 14 et 45 milliards d’euros par an, une fourchette aussi vaste qu’imprécise.

Si la fraude tend à croître au rythme de la multiplication des données engendrées par le tout
numérique, la data elle-même est néanmoins au cœur de la solution.
Sa collecte, son traitement, et son exploitation permettent en effet une lutte efficace contre la
fraude, grâce à sa détection par des automates, a posteriori, ou dans l’idéal, a priori. En tout
état de cause, face à des volumes exponentiels de données, la recherche de fraude par
l’humain semble peu réaliste ou efficiente.

Pour autant, toute intervention humaine n’est pas encore complètement écartée du processus.
Pour des sujets sensibles, comme le terrorisme ou la lutte anti-blanchiment, il est important de
conserver un double degré de vérification : détection par la machine puis confirmation par
l’humain.

79
La data science, et particulièrement le machine learning, sont déjà aujourd’hui largement
utilisés pour des problématiques telles que la détection de spams, le diagnostic médical ou
encore la recommandation de contenu média. Le machine learning consiste en l’analyse des
données afin de comprendre, prédire et classer l’information. Cette technologie est donc
idéale pour la détection de fraude.

En effet elle permet d’analyser les fraudes passées, identifier leur origine et l’environnement
dans lequel elles sont commises. Ainsi, les équipes peuvent prendre des mesures et appliquer
de nouveaux contrôles automatiques ou des points de vigilance à rappeler aux employés dans
le cadre du plan de prévention.

Il existe deux grandes familles d’algorithme de machine learning : les modèles supervisés et
les modèles non-supervisés. Avant d’aller plus loin, il est bon de préciser que l’application de
l’une ou l’autre de ces familles de modèles ne donne pas une réponse ferme à la présence ou
non d’une fraude mais apporte une probabilité de faire face à une fraude (‘Cette opération a
86% de chance d’être une opération frauduleuse’ par exemple).

Les modèles supervisés apprennent sur la base de données dites ‘labellisées’, c’est-à-dire
contenant le résultat attendu. Par exemple, un jeu de données d’opérations comptables avec la
mention frauduleuse ou non pour chaque ligne. Le modèle apprend alors à reconnaître
les situations frauduleuses similaires à celle qu’on lui a montrée. Cette méthode est efficace
pour détecter les fraudes identiques à des situations passées.
La limite de cette solution est la créativité du fraudeur. En effet, quand il s’agit de fraude,
l’adaptation et le renouvellement des techniques sont primordiaux.

On utilise alors les modèles non supervisés. Dans ce cas, le modèle est entraîné avec un jeu
de données sans labels. Il va alors devoir rechercher par lui-même des similitudes ou des
comportements hors normes au sein des données. Ainsi le modèle non supervisé permettra de
découvrir de nouveaux types de fraudes en décryptant de larges volumes d’informations
impossibles à analyser manuellement.

80
En combinant les deux, il est alors possible de surveiller et remonter en continu les risques de
fraudes référencées tout en détectant les nouvelles sources de menaces au sein de
l’organisation.

D’autres techniques peuvent bien sur venir compléter ces méthodes : des contrôles
automatiques des opérations sur la base de règles métier, un système de scoring de risque des
équipes ou des services pour prioriser les actions de prévention et de contrôle, un
échantillonnage des données pour limiter le contrôle manuel aux opérations les plus à
risque…

Toutefois, il n’existe pas d’algorithme ou de méthode de Machine Learning unique qui


fonctionne. Le succès vient de la capacité à essayer de nombreuses méthodes différentes
basées sur le Machine Learning, de les alterner et de les tester avec plusieurs ensembles de
données.

Le spécialiste des données a besoin d’un ensemble d’outils comprenant une diversité de
méthodes supervisées et non supervisées - ainsi qu’une diversité de techniques d’ingénierie.
Enfin, l’usage du Machine Learning pour la détection de la fraude comporte un aspect créatif
ou un « art » : appliquer des traitements analytiques de manière nouvelle et inédite dans la
lutte anti-fraude, notamment en utilisant diverses méthodes de Machine Learning supervisées
et non supervisées dans un seul système afin d’être plus efficace.

Par ailleurs, Il est essentiel d’expliquer le fonctionnement d’un modèle de Machine Learning
souvent qualifié par le vocable « AI Explicable ». Les méthodes et modèles de Machine
Learning sont généralement des boîtes noires. Il est très difficile (voire impossible)
d’expliquer aux analystes pourquoi ils ont obtenu le score ou la décision reçue.

De nombreuses approches pour interpréter les indicateurs analytiques de lutte anti- fraude
existent, notamment les indicateurs basés sur des estimations linéaires locales, la génération
d’explications textuelles et de graphiques visuels.

81
Ce sont des approximations qui peuvent donner aux utilisateurs un aperçu du modèle de
Machine Learning et guider le processus d’investigation de la fraude.

Cependant, tout peut changer, et votre dispositif analytique de lutte anti-fraude doit s’adapter
au fur et à mesure. La surveillance continue des systèmes de ML est impérative pour réussir
en matière de détection de fraude. À mesure que les populations et les données sous-jacentes
évoluent, les entrées attendues du système se dégradent et ont donc un impact sur les
performances globales des systèmes.
Ce phénomène n’est pas propre aux systèmes de Machine Learning ; les systèmes basés sur
des règles sont confrontés au même problème. Mais les nouvelles méthodes de ML peuvent
s’adapter à des nouveaux schémas de fraude à mesure que des changements fondamentaux se
produisent. Cette adaptation élimine une partie, mais pas la totalité, des étapes de de
réajustement et d’évaluation de ML.

Un bon programme de surveillance repose sur une approche proactive. Parce qu’il examine
les données qui entrent dans le système, évalue les prédictions et les explications du modèle
de ML, et alerte les administrateurs sur les évolutions des tendances et statistiques avant que
des changements spectaculaires n’affectent les opérations et le résultat net.

82
Section 2 : Les avantages de l’intelligence artificielle dans les fonctions
comptables et financières

Selon une étude effectuée par la société Blackline27 publiée en novembre 2017 qui a été
menée auprès de directeurs financiers, responsables financiers et comptables pour un
échantillon total de 900 personnes, le un tiers (32 %) des départements financiers dans le
monde ont recours à l’intelligence artificielle sous une forme ou une autre (automatisation,
amélioration du recrutement des talents, mise à jour des reportings…) et cela devrait
augmenter dans les prochaines années. En effet, à l’échelle mondiale, ce ne sont pas moins de
88 % des directeurs financiers qui sont persuadés que l’IA occupera une place prépondérante
dans le monde lors des dix prochaines années. Cela prouve un réel optimisme pour le
développement de l’intelligence artificielle.

Aujourd’hui, c’est clair que l’IA est présente dans les fonctions comptables et financières et
va de plus en plus prendre encore de la place. Dans un premier temps, l’IA va se focaliser sur
les taches chroniques puis progressivement elle s’orientera vers les taches à plus forte valeur
ajoutée pour aider les financiers à prendre les bonnes décisions financières stratégiques.

En effet, selon Frédéric Huby, directeur général de BlackLine France déclare « Notre étude
révèle que l’intelligence artificielle constitue déjà un aspect central des processus pour un
grand nombre de départements financiers à travers le monde. Bien qu’il soit impossible de
savoir aujourd’hui si cette technologie pourra tenir ses nombreuses promesses, elle fera
indéniablement partie de l’avenir. Il est donc important pour les entreprises de s’y préparer ».

Avant l’avènement de l’intelligence artificielle, les comptables ainsi que les experts
comptables étaient obligés de recevoir les factures sous format papier ou format électronique
en les récupérant par mail. Puis elles étaient saisies manuellement dans les logiciels
comptables. À l’aide des systèmes experts, l’intelligence artificielle permet de traiter les
factures dans n’importe quel format et quel que soit leurs nombres. Ces systèmes peuvent
extraire les mentions obligatoires d’une facture et enregistrer les écritures comptables
automatiquement, grâce à leur capacité de lire et d’analyser tout type de facture. Ce qui est

83
intéressant c’est qu’après un entraînement humain, ces « systèmes experts » auront la capacité
de s’auto corriger en apprenant de leurs erreurs, pour devenir des véritables experts dans un
domaine.

Cette technologie était récemment réservée aux grandes entreprises et peut désormais être
utilisée par les cabinets avec des budgets raisonnables. Ces dernières années, de nombreux
cabinets d’expertise comptables de différentes tailles sont entrés dans la phase d’essai voire
d’adoption de systèmes équipés d’intelligence artificielle. En plus, un robot peut apprendre
aussi bien qu’un collaborateur. Par exemple, il peut prendre en charge les paiements des
fournisseurs en appliquant des conditions de paiement préconfigurées et même interagir avec
les fournisseurs.

Progressivement, il est presque certain que l’intelligence artificielle transformera radicalement


la fonction financière.

Selon le livre « L’intelligence artificielle en 2019 » de Sage des avancées spectaculaires de


l’IA dans les services financiers ont été réalisées. Citons à titre d’exemple :

o Fonds de spéculation : Les fonds de spéculation se sont tournés vers


l’intelligence artificielle pour bénéficier de méthodes telles que la négociation
quantitative qui utilise des algorithmes et des ordinateurs afin de négocier les
actifs de leurs clients. Le Machine Learning, par exemple, peut permettre aux
systèmes de détecter des formes qu’un humain ne peut pas percevoir, via le
traitement massif de millions de points de données en temps réel.

o Gestion de patrimoine : Dans le domaine de la gestion de patrimoine, on


constate une hausse du nombre de robots-conseillers conçus à l’aide
d’algorithmes simples basés sur des règles. Ils servent à sélectionner les fonds
indiciels cotés en fonction de données d’historique comme l’âge, la propension
au risque et le revenu. Une nouvelle génération de conseillers alimentés par
l’intelligence artificielle pourrait offrir davantage de fonctionnalités : la
capacité à apprendre de façon autonome et à formuler des conseils plus
pertinents, individuels et personnalisés.

84
o Gestion financière : Dans le secteur bancaire, l’automatisation robotisée des
processus s’est généralisée. Cette technologie, qui effectue le travail d’analyse
de routine, permet de réduire les délais de traitement des transactions,
d’augmenter la productivité et d’éliminer les erreurs manuelles.

Section 3 : Les conséquences économiques de l’intelligence artificielle.

Le progrès technique représente l’amélioration des techniques, y compris organisationnelles,


qui sont utilisées dans le processus de production des biens et des services. Le développement
des nouvelles technologies est tel que l’on parle de révolution technique.
En effet, l’IA permet le développement de nouveaux services et produits. Avec l’utilisation de
la robotique, nous observons l’arrivée de nouveaux procédés de fabrication, des changements
dans l’organisation des entreprises avec de nouveaux flux de travail et le développement de
nouveaux secteurs d’activités ou de marchés.
Nous savons tous bien que la croissance économique dépend d’une bonne utilisation des
facteurs de production à savoir le capital, le travail et la productivité globale des facteurs.
L’augmentation des deux facteurs capital et travail ne mènent plus au niveau désiré de
croissance économique. L’intelligence artificielle doit être considérée comme un nouveau
facteur de production qui est sur le point d’émerger, et on s’attend à ce qu’elle change les
fondements de la croissance économique dans le monde entier.
Le progrès technique fait référence à une utilisation efficiente des facteurs de production. Cela
signifie l’augmentation de la production avec la même quantité de travail et de capital. Il est
mesuré en fonction de la productivité totale des facteurs de production (PTF) qui est
également définie comme étant le rapport entre la valeur de la production et la valeur des
facteurs de production mis en œuvre, estimé en fonction des dépenses de main-d’œuvre et
d’investissement.
Ainsi, l’intelligence artificielle peut se positionner comme un facteur mixte entre le capital et
le travail : d’une part, l’IA peut accomplir des fonctions au-delà des capacités humaines et
reproduire plus rapidement les activités de travail à plus grande échelle. D’autre part, elle peut
prendre la forme de capital physique, comme des robots et des machines intelligentes. Et là,
l’avantage est que ce capital peut progresser avec le temps grâce à sa puissance
d’autoapprentissage, contrairement au capital traditionnel.

85
En tant que nouveau facteur de production, l’intelligence artificielle peut favoriser la
croissance de trois manières :

o La création d’une main-d’œuvre artificielle ;

o L’amélioration des capacités et des compétences des employeurs ;


o La création de l’innovation dans l’économie.

Le véritable potentiel de l’intelligence artificielle réside dans sa capacité à améliorer les


facteurs de production traditionnels. Ce constat peut être prouvé par les derniers résultats de
recherche sur l’impact de l’IA sur la croissance économique.

86

Vous aimerez peut-être aussi