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Le programme d’électrification rurale

global : Bilan provisoire 1996-2003

DRISS BENHIMA

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La remise en cause profonde du rôle et de l’organisation de l’ONE, suite aux délestages de la fin des
années 80 et du début des années 90 redonne à l’Office un rôle de gestionnaire global de la demande élec-
trique qui s’oriente vers le recours au secteur privé pour la production électrique, qui met en place une
réforme tarifaire rationnelle, effective en janvier 1996, qui lance le renforcement des interconnexions élec-
triques, qui s’intéresse à de nouvelles technologies, dont l’éolien, le thermosolaire et le stockage d’énergie
par pompage-turbinage. Le repositionnement de l’ONE comme instrument privilégié du gouvernement en
matière d’énergie électrique et d’acteur central du secteur est mis en évidence par la présence effective, à
partir de 1994, des ministres au Conseil d’Administration présidé par le Premier Ministre en personne. C’est
dans cette ambiance de sortie de crise que la responsabilité de lancer un programme massif d’électrification
est confiée à l’Office par le ministère de l’Énergie et des Mines dès 1994.

De nouveaux concepts sont alors mis en œuvre :


– Création d’un cost-killing comité chargé de faire baisser les coûts des réseaux ruraux par l’amélioration
des procédures des marchés de réalisation qui fait passer le nombre d’entreprises du secteur d’une dou-
zaine à 25 et par la refonte des normes d’installation.
– Recours à un finacement tripartite des réseaux : 2500 Dh par bénéficiaire, 2000 Dh par foyer élelectrifié
à la charge de la commune concernée et le reliquat par l’ONE. Ce reliquat a fluctué depuis le début du
PERG et représente en moyenne, sur la période 1996-2003, 11400 Dh/foyer.
– Recensement exhaustif de 33000 douars couvrant l’ensemble du pays afin d’alimenter la base de don-
nées du Système d’Information Géographique de l’Électrification Rurale. C’est le SIG qui permet la défi-
nition des programmes annuels du PERG regroupés en grappes de villages. Le PERG annuel est défini à
partir d’un budget, initialement fixé à un milliard de Dh par an, puis porté en 2000 à un milliard et demi
par an et qui atteint actuellement 2 milliards de Dh. Priorité est donnée aux grappes de villages présen-
tant le coût par foyer minimum : « électrifier annuellement le maximum de marocains ruraux pour un
budget donné ». Ceci met le PERG à l’abri de toute manipulation inéquitable mais ignore largement les
concepts du développement intégré. Lorsque les résultats de l’ordinateur posent des problèmes
majeurs d’équilibre régional, l’ONE installe, à ses frais des lignes de pénétration appelées « dorsales ».
Ainsi le coût de ces dorsales n’est pas pris en compte dans les calculs des coûts par foyer qui orientent
le PERG.
– Les limites d’intervention Régies-ONE sont définies en concertation, affectant à l’ONE la quasi-intégra-
lité du territoire. Le Rif occidental, en particulier, devient zone ONE. L’ONE peut alors animer son pro-
gramme d’électrification rurale sans incident de frontière à craindre.
– Mise en œuvre de toutes les techniques possibles d’électrification : connexion au réseau, petits réseaux
indépendants, micro ou mini centrales hydro-électriques, générateurs éoliens et systèmes de kits photo-
voltaïques gérés suivant le système « fee for service » où le client paie mensuellement pour l’installation
et l’entretien du système complet de sa maison.
– Afin de baisser les coûts de gestion des réseaux installés et surtout les coûts de collecte des paiements,
l’ONE a commencé par étendre la période entre relevés des compteurs mais il a opté pour la mise en
place de compteurs à prépaiement qui rencontre actuellement un grand succès auprès des clients
ruraux qui maîtrisent mieux leurs consommations. Ce système innovant et très technologique se met en
place depuis 2002.

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– La propriété du patrimoine créé revenant à l’ONE, l’Office a pu mobiliser des sources importantes de
financement concessionnel. Le PERG est un programme de développement à caractère social apprécié
des agences de coopération sauf des institutions hostiles au subventionnement de l’énergie électrique.

Le Perg a rencontré des contradicteurs. La première objection a concerné la capacité des ruraux marocains
a honorer leurs factures d’électricité. La réponse est dans le calcul opéré préalablement au PERG dans une
étude du Centre de Développement des Énergies Renouvelables sur les coûts de non-électricité. Les ser-
vices minimum rendus par l’énergie électrique dans les domaines de l’éclairage et de l’électronique domes-
tique varient entre 90 Dh/mois et 130 Dh/mois suivant les régions et correspondent aux achats de bougies,
de pétrole lampant, de recharges de batteries et de piles électriques. A la même période, les études inter-
nationales faisaient état de 9$/mois en moyenne mondiale. Par ailleurs, les statistiques de l’ONE relèvent
une moyenne de consommation « rurale pauvre » de 50 Dh/mois. Un foyer branché au PERG a donc les
moyens de payer l’abonnement PERG et de rembourser sa participation de 2 500 Dh étalée sur 7 ans, soit
40 Dh/mois, au-delà de sa consommation mensuelle d’énergie de 50 Dh environ.
Une objection plus doctrinale est venue des milieux intéressés par la libéralisation du marché de l’électri-
cité. L’électrification rurale est fortement subventionnée, le branchement d’un foyer rural modeste repré-
sente 19 ans de consommation, et près de quatre siècles de marge. La péréquation entre consommateurs
urbains et ruraux que représente le financement du PERG contredit le principe de vérité des coûts et péna-
lise la création d’un marché privatisé de l’énergie qui considère l’électricité comme une marchandise desti-
née à un marché concurrentiel et à des clients solvables. Les schémas de la Banque Mondiale proposés à
des pays voisins sont très clairs, à l’image de celui du Sénégal : privatisation de l’ensemble de la SENELEC,
de la production à la distribution, mais création au sein du ministère de l’énergie d’un Service de l’Électrifica-
tion Rurale dont on voit bien qu’il ne disposera pas de budgets conséquents et qu’il est essentiellement
orienté vers le photovoltaïque. Le réseau pour les clients qui en ont les moyens est un palliatif pour les
autres. Au Maroc, le PERG prévoit le réseau jusqu’à un coût de branchement de 27 000 Dh/foyer, soit
22 500 Dh de subvention par l’ensemble des consommateurs pour brancher un client individuel qui peut ne
pas dépasser 1000 Dh par an de consommation.
Le PERG est donc un programme social qui favorise néanmoins le développement économique. Première-
ment, il facilite les branchements liés à la production agricole. En effet, l’agriculteur qui opère un branche-
ment individuel à un réseau financé dans le cadre du PERG ne paye que le tronçon de ligne supplémentaire
dont il a besoin pour se raccorder. Deuxièmement, l’arrivée du PERG signifie le passage à la force motrice
électrique, en particulier au pompage électrique, moins coûteuse que les forces motrices utilisant des carbu-
rants. L’électricité permet aussi l’installation d’ateliers qui facilitent la mécanisation du monde rural.

Enfin, et il s’agit d’une des surprises découvertes lors des études d’impact commandées par l’ONE, l’élec-
tricité apporte le froid, que ce soit le froid domestique qui permet la conservation des aliments, en particulier
de la viande, ou bien le froid plus industriel qui permet la conservation du lait et promeut ainsi la production
laitière.
Le PERG a été officiellement annoncé lors d’un Conseil de Gouvernement d’août 1995. Il est remarquable
de souligner que le PERG se réduit juridiquement à des conventions signées entre communes rurales et
ONE, approuvées par la Direction Générale des Collectivités Locales qui vérifie au passage la solvabilité des
Communes signataires. Le PERG n’a nécessité ni loi particulière, ni décret, mais il constitue, toutefois, un
investissement régulièrement soumis au Conseil d’Administration, et représente, de ce fait, une initiative
gouvernementale clairement définie et identifiée.

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Voici comment se présentent les résultats du PERG durant la période 1996-2003 :
Durant cette période les réalisations, toutes techniques confondues, ont concernés 12 292 villages (dont
11 346 villages en réseaux et 946 villages en solaire) et ont permis l’accès à l’électricité à 872 765 foyers
(dont 862 306 foyers en réseaux et 10 459 foyers en solaire) soit l’équivalent d’environ 6 400 000 habitants
en milieu rural .

Foyers électrifiés en solaire ou par le réseau :

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