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Olivier Laporte
Ingénieur en environnement
La majorité des êtres humains vit d’ores et déjà dans les villes et celles-ci participent très
fortement aux atteintes de notre environnement dont l’intensité constitue une menace pour
le système terrestre. Dans ce contexte, la ville intelligente – la ville cybernétique gorgée
de TIC – peut apparaître à même de répondre à ces défis en réduisant les dommages de la
pollution dans les transports, en permettant une consommation énergétique beaucoup plus
sobre ou encore en économisant les ressources en eau. Olivier Laporte, s’il explique quels
sont les promesses et les bienfaits réels de la smart city, insiste cependant sur les limites
certaines qui sont les leurs, les TIC nécessitant une très forte ponction des ressources
naturelles. Loin de l’illusion technologique, seule une nouvelle écologie urbaine œuvrant
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pour un urbanisme « renaturé » – végétalisation des bâtiments, respect de l’environnement
biophysique… – pourra être à la hauteur des menaces.
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C. F.
villes sont également les principaux moteurs de la de richesses et aggraver la consommation des
croissance de l’économie mondiale en produisant ressources de la planète, générant des pollutions
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Paul Josef Crutzen, prix Nobel, ayant popularisé ce étaient dépendantes de leur environnement.
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terme pour désigner une nouvelle période géologique C’est désormais l’environnement qui dépend
commencée il y a quelque deux cents ans avec la des villes », résume Julien Damon(5), celles-ci
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révolution industrielle et caractérisée par l’influence sont effectivement les premiers protagonistes
des activités humaines sur le système terrestre. Si nos des transformations planétaires car c’est à leur
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modes de consommation demeuraient sans change- niveau que peuvent se gérer les questions de
ment, ils conduiraient vers une extinction massive du mobilité, d’approvisionnement en eau, d’isolation
arrak
vivant. Des limites planétaires, considérées comme énergétique… Et face à l’impératif crucial que
essentielles à la résilience de notre planète, sont constitue la réponse aux défis environnementaux,
CG M
l’activité humaine.
(1) ONU (2015), Objectifs du Millénaire pour le développement,
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vox.c
(3) BIRD-Ida (2017), Développement urbain. Vue d’ensemble. positive », Études, tome 414, nº 6, p. 739-749.
nal.s
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l’information produite par l’interaction entre ter-
Une ville cybernétique éco-logique minaux mobiles (smartphone, Ipad, etc.) et l’IdO;
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La ville intelligente apparaît comme le nouvel - la ville contributive construite par les usagers et
avatar de la ville cybernétique. L’intégration des les acteurs de l’économie collaborative. Les infras-
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TIC aux différentes parties de chaque système de tructures numériques sont ouvertes, interopérables
gestion des flux urbains, permettrait ainsi de trai- et l’intelligence urbaine est produite de manière
.51.9
ter et de modéliser les données collectées afin de horizontale entre les utilisateurs qui partagent les
les transformer en connaissances et résultats réels données. On peut citer, à tire d’exemple, le projet
.206
susceptibles d’améliorer les fonctions de la ville. ISPEX(10) lancé aux Pays-Bas en 2013 qui a permis,
La ville intelligente, composée de flux et de circuits grâce à des capteurs implémentés sur les smartphones
:196
entrelacés dans des réseaux complexes, serait éco- des utilisateurs, de déployer un maillage de mesure de
logique et réussirait par conséquent à rétablir le la qualité de l’air beaucoup plus dense et fin dans ses
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système urbain en corrigeant ses gabegies et autres analyses que le réseau de stations utilisé jusqu’alors;
déséquilibres internes à la manière d’un véritable - l’e-cité qui confère « à l’institution publique
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citoyens et les gestionnaires de la ville. organismes privés chargés d’un service public
Cette « Datapolis(8) » s’appuie sur un déploiement à ouvrir leurs données. Ainsi la RATP a mis à
CG M
généralisé de l’Internet des objets (IdO) défini par disposition, depuis janvier 2017, ses données en
temps réel afin de développer son offre de services.
m:EN
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quée par les particules fines est associée à plus de
450 000 décès prématurés rien qu’en Europe (15).
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Globalement, trois dimensions sont utilisées
pour appréhender le transport et la mobilité intel-
ligente d’une ville :
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- l’amélioration des flux logistiques pour assurer
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stationnement ;
- l’aide au développement de modes de dépla- D’autres exemples de performance envi-
ronnementale liée à l’intégration des TIC sont
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par une personne seule d’un véhicule. Concernant l’énergie, le principe du « smart
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On peut citer le cas de Stockholm en Suède grid » (ou réseau de distribution d’électricité
qui, avec son système intelligent de paiement « intelligent ») utilise les TIC de manière à
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les tarifs en fonction des horaires de passage énergétique de l’ensemble, la pierre angulaire
et du type de véhicule, a réduit les temps de étant le déploiement de compteurs communicants
(smart metering) – capables de mesurer de manière
arrak
des émissions de gaz à effet de serre », Le Monde, 29 novembre. Issygrid à Issy-les-Moulineaux) dans la perspec-
(12) Banque mondiale (2016), Transformer les transports :
l’heure est à l’action, 5 mai.
tive d’une meilleure régulation de l’offre et de la
o
(14) Ibid.
(15) European Environment Agency (2016), Air quality in Eu- (16) The City Stockholm Administration (2012), Urban Mobi-
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chola
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à 150 millions de personnes(17)). Les Pays-Bas, où de l’industrie électronique, consomme 160 fois
70 % des biens sont produits sous le niveau de la plus d’énergie pour une production de qualité
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mer, édifient aujourd’hui des digues « intelligentes » électronique que dans sa forme basique.
capables de surveiller les changements soudains du D’autre part, la tendance globale à la baisse
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niveau des eaux et réagir en conséquence(18). des concentrations de métaux dans le minerai fait
Les TIC peuvent aussi fournir des moyens de exploser la consommation énergétique. Philippe
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diffusion visant à toucher le plus grand public pos- Bihouix prend ainsi l’exemple du cuivre, essentiel
sible pour favoriser l’émergence de pratiques plus dans le secteur électrique et électronique, pour
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responsables et plus durables. Le télérelèvement des lequel il fallait extraire 55 tonnes de minerai pour
consommations d’eau permet aussi la mise en place en obtenir une tonne en 1930, alors qu’il faut
:196
de politiques tarifaires dissuasives (ou incitatives) aujourd’hui en extraire plus du double pour le
même résultat. Quantitativement, notre demande
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« nuages » !), il faut néanmoins considérer concrè- à augmenter de manière significative la sollicita-
tement les effets négatifs de l’industrie des TIC tion des métaux : d’une dizaine de métaux dans
les années 1980, ce sont plus de soixante qui
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sur l’environnement.
étaient mis à contribution en 2010. La plupart
La philosophe Simone Weil n’écrivait-elle pas des minerais utilisés par les TIC sont considérés
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que « plus le niveau de la technique est élevé, plus aujourd’hui comme « critiques » du fait de leur
les avantages que peuvent apporter des progrès épuisement et des risques stratégiques de rupture
arrak
(17) OCDE (2007), « Selon l’OCDE, le changement climatique aux métaux lourds avec des moyennes calculées
pourrait multiplier par trois la population exposée à un risque
d’inondations côtières d’ici 2070 », communiqué de presse du 4
o
(19) Weil S. (1955), Oppression et liberté, Paris, Gallimard. société. EDP Sciences.
nal.s
entre cinq et vingt fois supérieures aux valeurs Graphique. Taille annuelle
« normales ». On assiste aussi à une destruction de la « datasphere » mondiale
sévère de la végétation ainsi qu’à une érosion des
180
sols cinquante fois plus forte que sous un couvert
160
végétal(22). 140
Les rivières sont également polluées, ainsi que 120
les légumes produits sur place du fait du grand
Zettabits
100
nombre d’opérations de purification nécessaires 80
qui rejettent des effluents souillés contenant des 60
métaux lourds (plomb, mercure, cadmium). 40
20
Sur le plan sanitaire, l’extraction et la fabrica- 0
tion des produits électroniques intoxiquent ceux qui
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y travaillent, et en particulier les enfants employés
souvent très jeunes dans les mines. La ville de
Baotou, en Mongolie Intérieure, plus grand site Données créées
chinois de production de matériaux stratégiques,
Source : IDC’s Data Age 2025 study,
est surnommée le « village du cancer ».
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sponsored by Seagate, April 2017
L’urgence climatique
6655
et que le poids des données transférées annuel-
Selon le rapport Clicking Clean publié en jan-
lement atteindra les 40 000 milliards de Go. D’ici
vier 2017 par Greenpeace, le secteur informatique
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2025, une personne connectée sera quotidien-
représenterait à lui seul aujourd’hui environ 7 %
nement en interaction avec des capteurs au moins
de la consommation mondiale d’électricité(23). En
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4 800 fois par jour, soit une transmission de don-
France, la consommation énergétique liée aux TIC
nées toutes les 18 secondes(27) !
atteignait 13,5 % en 2008 et ce chiffre serait en
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volume de données mondiales produites pourrait Ces Data Centers, véritables clés de voûte du
atteindre 163 zettabits, soit 20 375 milliards de système numérique, regroupent l’ensemble des
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giga octets(26). C’est dix fois la quantité générée installations (serveurs, baies de stockage…) au sein
en 2016. desquelles les données informatiques sont stockées,
ech:2
(23) Greenpeace (2017), Clicking clean : who is winning the de refroidissement de leurs installations. En France,
race to build a green internet ?
(24) ADEME (2017), « Les technologies de l’information et de
o
la communication-TIC », 27 mars.
vox.c
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la moitié est alimentée par des centrales au charbon courci » la vie d’environ une centaine de millions
responsables de plus de 50 % des émissions de gaz de smartphones et de tablettes(35) ;
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à effet de serre. La Globale Sustainability Initiative - l’obsolescence notifiée qui intervient avec
(GeSI) – qui regroupe un certain nombre d’entreprises certains équipements qui avertissent l’utilisateur
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et d’associations professionnelles du secteur des TIC de l’imminence d’une panne ou de la nécessité
et diverses organisations non gouvernementales – d’une maintenance. C’est le cas, par exemple,
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souligne, de son côté, que, si rien n’est accompli, des imprimantes auxquelles on a implanté une
les émissions de GES imputables au secteur des TIC puce électronique pour les bloquer alors que la
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(30) Ibid.
(31) Flipo F. (2013), Dobré M., Michot M., La face cachée du
m:EN
numérique. L’impact environnemental des nouvelles technologies, (35) ZDNet (2017), « Chiffres clés : les OS pour smartphones »,
0RQWUHXLOFROO/¶eFKDSSpHFROO© 3RXUHQ¿QLUDYHF ª 30 août.
(32) http://gesi.org/ (36) UNRIC (2017), « Des solutions innovantes pour lutter
o
vox.c
(33) UNEP (2015), Waste Crime – Waste Risks : Gaps in Meet- contre les e-déchets sont en train d’émerger », 2 août.
ing the Global Waste Challenge. A Rapid Response Assessment. (37) Les Amis de la Terre France (2016), Les dessous du re-
(34) Les impacts écologiques des technologies de l’information F\FODJH DQV GH VXLYL GH OD ¿OLqUH GHV GpFKHWV pOHFWULTXHV HW
r
chola
Pourtant ces déchets ont une valeur. Ainsi, les avec son environnement naturel, si fortement
42 millions de tonnes de déchets produits mon- dégradée déjà et dont elle a tant besoin.
dialement en 2014 contenaient, selon le PNUE, C’est ce système-Terre, et les services éco-
16,5 millions de tonnes de fer, 1,9 million de tonnes systémiques associés, qu’il faut préserver, la vie
de cuivre, 300 tonnes d’or (soit 11 % de la produc- soutenant les conditions du vivant. Et ce n’est sans
tion mondiale en 2013) ainsi que de l’argent, de doute pas un hasard si cette nouvelle écologie
l’aluminium, du palladium et différents plastiques urbaine s’incarne aujourd’hui dans une Chine très
réutilisables(38). affectée par les dégradations de l’environnement,
Comme il est très complexe (et coûteux) de au moyen d’un projet de ville-forêt à Linzhou, dans
recycler ce « minerai urbain » dans le respect la province du Guangxi, avec des bâtiments végé-
des normes environnementales et sanitaires en talisés pour l’isolation thermique et phonique, avec
vigueur dans les pays développés, les DEEE sont la plantation de plus de 40 000 arbres pour lutter
exportés dans les pays où la « main-d’œuvre » contre les îlots de chaleur et filtrer l’air et l’eau,
est bon marché et les conditions de retraitement et un million de plantes d’une centaine d’espèces
précaires. Alors que la convention de Bâle interdit différentes pour procurer santé et aménité aux
leur exportation en Europe, la Commission euro- populations et préserver les espèces(42).
péenne estime qu’au moins 2 millions de tonnes de L’urbanisme du XXIe siècle doit être « rena-
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DEEE quittent chaque année illégalement l’Europe turé » afin de construire une « autre relation du
pour la Chine et l’Afrique, véritables « poubelles citadin avec son environnement biophysique »,
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électroniques » de notre planète(39). exhortait Philippe Clergeau(43), car, sans cette
approche biodiversitaire et biomimétique, la « ville
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intelligente », plus profitable que durable, ne ferait
Si la ville intelligente peut répondre à un besoin
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que « participer à la même logique capitaliste qui
de performance en améliorant les capacités de perpétue la croissance économique en fournissant
détection et de pilotage de la gouvernance urbaine, de nouveaux marchés aux plus grands groupes
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de notre siècle. Rien n’est plus dommageable, Comme l’expliquait Albert Einstein, « les
écrivait Philippe Delmas, que « la combinaison problèmes ne peuvent pas être résolus au même
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des technologies modernes avec les modes anciens niveau de pensée qui les a créés ». Le logiciel de
de gestion des hommes(40). » l’homo faber prométhéen est désormais obsolète
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Cette ville intelligente est en effet économique- car l’enjeu n’est même plus de « Faire mieux avec
ment insoutenable car son substrat technologique moins » mais de « vivre mieux » tout simplement.
6:
est fondé sur une industrie extractiviste qui épuise Sinon cette « ville intelligente » ne sera finalement
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les ressources énergétiques, naturelles et miné- qu’une utopie urbaine phantasmée et marchandisée,
rales. Elle est inéquitable socialement car elle telle une « ville-Sisyphe » condamnée à toujours
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creuse un fossé entre des cités riches privilé- perpétuer le même scénario. De plus, contrairement
giées en compétition entre elles et le reste des au fils d’Éole, nous ne disposons pas de l’éternité.
ech:2
Modernité de l’action publique », in Politiques et management (43) Clergeau Ph. (2007), Une écologie du paysage urbain,
public, vol. 11, n° 3. Rennes, Apogée.
(41) ONU (2014), World Urbanization Prospects, Department (44) Douay N. et Henriot C. (2016), « La Chine à l’heure des villes
r
chola
of Economic and Social Affairs Population Division. intelligentes », L’Information géographique, vol. 80, no 3, p. 89-102.
nal.s
Si le secteur des transports est sans doute l’un des premiers à avoir suscité une prise de
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conscience écologique et fait l’objet de mesures en vue de limiter ses impacts sur l’envi-
ronnement et la santé, beaucoup reste à faire. Dans cet article, Yves Crozet nous indique,
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après avoir analysé les effets externes négatifs de ce secteur, les méthodes utilisées pour
en évaluer les coûts ainsi que les différents procédés d’internalisation (règlementation,
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subventions, taxation, permis négociables) dont disposent les pouvoirs publics pour tenter de
.51.9
réduire ces impacts négatifs. Puis il expose – tant en matière d’émissions de polluants que
de gaz à effet de serre – les résultats obtenus par les politiques publiques mises en place
.206
pour amorcer la transition écologique et propose des pistes pour en améliorer les résultats.
:196
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8886
des Transports (1916) ou son prédécesseur, le l’internalisation, voir encadré). La seconde par-
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ministère des Travaux publics (1830). Pourtant, en tie montre comment, sur cette base, les pouvoirs
mai 2007, lorsque ces entités ont été fusionnées, publics s’efforcent, avec plus ou moins de bon-
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l’ensemble a pris le nom de ministère de l’Écologie, heur, de donner un contenu concret à la transition
du Développement et de l’Aménagement durables. écologique.
ech:2
du moins une transition vers des mobilités plus Écologie et économie sont de proches parentes.
respectueuses de l’environnement. La première est formée par l’association de deux
mots grecs, oikos (maison) et logos (discours).
m:EN
Le défi était de taille, et il le demeure. Nous La seconde (oikonomia) a la même origine. Elle
verrons toutefois, dans une première partie, que évoque l’administration du foyer. Contrairement
o
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L’internalisation des effets externes négatifs consiste à
créer des mécanismes pour intégrer ces coûts dans les
résultent de facteurs qui ne sont pas intégrés dans
prix du marché ou les décisions économiques. les prix du marché. Les économistes estiment que
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seuls les coûts externes technologiques doivent
mologique. Ainsi, dans le domaine des transports, être internalisés, c’est-à-dire intégrés dans les
l’économie va donner un contenu aux ambitions 9:16
prix du transport.
de l’écologie.
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Pour cela, il est nécessaire de leur donner une
valeur monétaire. Mais comment faire ?
Les effets externes du transport :
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une « barrière de trafic » difficilement franchis- prendre, mais elle est indispensable car il faut
sable), gaz à effet de serre… les impacts négatifs que les coûts environnementaux soient rendus
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des transports sont multiples tant sur la santé des mesurables et comparables aux autres paramètres
populations que sur la biodiversité ou le dérè- qui entrent en compte dans les processus de déci-
6:
glement climatique. Or ceux qui subissent ces sion privés ou publics. La question de l’insécurité
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nuisances ne reçoivent pas de compensation (ainsi routière est une bonne illustration de la nécessité
de donner une valeur à ce qui n’a pas de prix.
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nique). Autrement dit, les transports suscitent des sonnes étaient tuées chaque année sur les routes de
« externalités négatives » (ou « coûts externes »). France (contre un peu moins de 3 500 en 2016),
arrak
Mais en tant que facteur de mobilité permettant alors que le trafic routier était 4 fois moins impor-
d’accéder à un lieu lui-même associé à une activité, tant qu’aujourd’hui. Or les morts et les blessés
CG M
les transports ont aussi des impacts positifs. C’est représentaient un coût pour la collectivité.
en effet cette association localisation/activité qui Les premières méthodes d’évaluation ont donc
donne leur sens aux divers déplacements : celui cherché à calculer ce coût des dommages en chif-
m:EN
de l’automobiliste qui utilise sa voiture pour aller frant les montants résultant non seulement des frais
au travail, celui du touriste qui prend l’avion pour d’hospitalisation mais aussi de la perte de richesse
o
vox.c
partir en vacances, etc. Lorsque baisse le prix du liée à l’arrêt de l’activité productive voire à la
carburant ou celui du billet d’avion, les transports perte de force de travail que représentait un décès.
r
permettent une diversification et une intensifi- Dès 1970, le ministère des Transports a ainsi pu
chola
nal.s
faire apparaître dans son calcul économique une rons en tournant dans le sens des aiguilles d’une
valeur de la vie humaine (VVH), qualifiée aussi de montre, de la forme la plus élémentaire jusqu’à
« coût du mort ». L’expression est morbide mais la plus élaborée.
reflète bien le mécanisme d’internalisation qui lui
est associé. Le coût du mort (estimé, en 1970, à Figure. Les formes d’internalisation
240 000 francs par une circulaire de la direction des coûts externes des transports
des Routes du ministère de l’Équipement), repré-
Approche technique
sentait ce que la collectivité était prête à dépenser,
à l’époque, pour « racheter un mort à la fatalité ».
Un investissement de sécurité routière (rond-point,
Réglementation Subvention
feu tricolore, barrière de sécurité…) était donc
justifié s’il coûtait moins de 240 000 francs.
Aujourd’hui, au-delà de ce que coûte un blessé Quantités Prix
ou un mort à la collectivité, les méthodes d’éva-
luation cherchent à calculer ce que la collectivité Permis négociables Taxation
est prête à payer pour les empêcher – c’est ce
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qu’on appelle le « coût d’évitement », lequel est
estimé par des enquêtes dites de « préférences
6655
Approche économique
déclarées ». Concrètement, les personnes inter-
rogées répondent à des questionnaires où elles
9:16
Source : auteur.
indiquent ce qu’elles seraient prêtes à payer, en
plus des impôts ou des assurances déjà en place,
.51.9
routière. On ne parle donc plus de valeur de la • La forme la plus simple et la plus évidente
vie humaine (VVH), correspondant au coût des d’internalisation est la réglementation, laquelle
:196
dommages, mais de valeur de la vie statistique peut aller jusqu’à l’interdiction pour des véhicules
(VVS), correspondant au coût d’évitement. La VVS dangereux. Il s’agit d’ici d’intervenir en amont de
7281
a été progressivement revalorisée. En 2014, elle l’action des acteurs économiques, par exemple en
était fixée à 3 millions d’euros, soit, par rapport imposant la ceinture de sécurité aux constructeurs
8886
à 1970, une multiplication par 82, beaucoup plus et aux utilisateurs, ou en instaurant un contrôle
que le PIB nominal (« seulement » multiplié par technique régulier des véhicules. Le domaine des
6:
Ces chiffres élevés montrent que la collecti- conduire, code de la route, poids et longueur des
1105
externes du transport, lesquels sont le plus souvent subventionner une activité censée réduire les coûts
évalués par leur coût d’évitement défini à partir externes du transport. C’est le cas des transports en
arrak
Réglementation, subvention, taxation… l’automobile. Mais le coût est parfois très élevé pour
Quelle internalisation ? les collectivités locales. Dans le même ordre d’idées,
Une fois qu’un coût externe est reconnu, les pour remplacer les voitures à moteur thermique
m:EN
formes d’internalisation varient. Elles sont au par des véhicules électriques, le prix à payer sous
nombre de quatre et combinent, comme le montre forme de subventions aux acheteurs est très élevé.
o
vox.c
la figure 1, les approches techniques ou écono- • La troisième méthode agit aussi sur les prix
miques d’une part, et les actions sur les prix ou mais vise au contraire à rapporter de l’argent à la
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