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Rite Moderne Belge, Rite Moderne Français,

je t’aime, moi non plus.

Jean van Win, Ve Ordre, Gr 9

“Were was the just Lodge ?”


“In the porch of Salomons Temple”
Edimburg Register House,1696

Petits rappels de base.

Pour commencer par un paradoxe provocateur, disons qu’il n’y a pas de rites en maçonnerie.

Mais il existe bien, sous ce vocable, des habillages différents d’une même réalité. Dans
certaines obédiences européennes, qui ne sont hélas ni la Grande Loge de Belgique ni le
Grand Orient de Belgique, on pratique en loge une dizaine de rites différents : le Rite
Moderne Belge, le Rite Moderne Français, le Rite Ecossais Ancien et Accepté, le Rite
Ecossais Rectifié, le Rite Ecossais Philosophique, le Rite dit Emulation, le Rite d’York, le
Rite Californien, le Rite Opératif de Salomon, et occasionnellement le Rite de Memphis et
Misraïm.

Habillages différents certes, mais recouvrant une structure de base assez identique. Prenons
l’exemple du la réception au grade d’apprenti, que, de nos jours, l’on appelle souvent
« initiation » : le profane est successivement confronté à :

sa mise à l’écart
la rédaction de son testament
le bandage de ses yeux
son introduction dans la loge
des voyages contrariés
sa soumission à des épreuves,
ensuite son passage des ténèbres à la lumière
sa prestation de serment
sa consécration
son investiture
son introduction dans la chaîne d’union
enfin les agapes rituelles ou non

En résumé, il s’agit, lors de cette réception, de mimer une mort imaginaire à la vie matérielle
et de figurer une entrée dans une vie spirituelle.

1
Historique du Rite Français.

L’un de ces rites pratiqués sur le continent s’appelle le Rite Français, ou Moderne Français.
En France, ces termes sont synonymes. Je vous résume très schématiquement son histoire en
cinq époques.

1. La première est celle des fondateurs anglais. Stuartistes ou Hanovriens, peu importe ; les
historiens se querellent à ce propos, et je pense qu’il y en avait appartenant aux deux camps,
et qui pratiquaient selon toute vraisemblance les mêmes rituels, au demeurant fort simples et
peu emphatiques. Ces rituels étaient ceux de la Grande Loge des « Moderns ».

2. La deuxième époque française voit l’apparition d’une tentative d’organisation des loges
qui avaient proliféré en Europe à la vitesse d’un feu de poudre. Aux Etats-Unis aussi, du reste,
mais sous l’égide de la maçonnerie des Anciens.

Différents organismes centralisateurs et organisateurs sont créés, dont la Grande Loge de


France vers 1760, le Grand Orient de France en 1773, le Rite Français selon le Régime du
GODF en 1801, et le Rite Ecossais Ancien et Accepté en 1804. Ces organismes s’ajoutent à
nombre d’autres formations ayant vu le jour en Avignon, à Lyon, à Marseille et en d’autres
lieux.

3. La troisième époque est celle de l’apparition très précoce des hauts grades, c'est-à-dire des
grades postérieurs à celui de Maître Maçon. Les premiers voient le jour dès 1730 à Londres,
et apparaissent vers 1740-1743 à Paris. Je n’en dirai pas plus en cette loge qui se tient au
grade d’apprenti, mais vous savez tous que la dramaturgie du grade de Maître Maçon se
conclut par une question universelle, quel que soit le rite pratiqué : et alors, que fait-on
maintenant ?

Les solutions données à cette question sont multiples et diverses. En effet, on voit surgir de
l’imaginaire des Frères une nébuleuse fort encombrée et souvent très contradictoire, que
Claude Guérillot nomme le Rite de Perfection, mais qu’Alain Bernheim appelle à juste titre
l’Ordre du Royal Secret.

Les hauts grades se sont développés en Europe sans aucune organisation, sans aucune logique,
et ont été vertement critiqués par nombre d’historiens, maçons ou non. Ils comptent nombre
de doubles emplois. Le seul futur Rite Français, avant la rationalisation de 1780, n’en
comportera pas moins de 81…

Un fort besoin de mise en ordre se fera jour à l’approche des années 1780, à l’initiative du
GODF et de son futur Grand Chapitre Général. Il sera imité rapidement par d’autres rites, et
l’année 1786 est cruciale pour plusieurs d’entre eux.

Une initiative particulièrement intéressante est celle du Rite Français. La Chambre des Grades
du GODF travaille d’arrache-pied en 1782-1783, et envoie aux loges, en 1786 et en 1787, les
Cahiers des trois grades bleus et des quatre Ordres de Sagesse qui composent la globalité du
Rite Français.

Cette dernière structure, qui pénètre en Belgique et en Hollande depuis 1792, est composée
des Ordres d’Elus—d’Ecossais—de Chevalier d’Orient—de Chevalier Rose Croix. Un Ordre

2
est un ensemble de grades regroupant des thématiques proches, et excluant forcément certains
grades jugés superflus.

4. La quatrième époque continentale voit la codification des hauts grades. Le Rite Ecossais
Rectifié en compte six ; il est composé de la maçonnerie française de Lyon, d’éléments de la
Réforme de Dresde, dits Stricte Observance, et des apports des Elus Coëns.

Le Rite Ecossais Ancien Accepté est constitué comme le Rite Français, c’est à dire qu’il
s’approprie un certain nombre de grades présents dans le soi-disant Rite de Perfection, mais
au lieu de les compacter en quatre Ordres, il les répartit en 30 degrés, dont les cinq derniers
naissent à Charleston aux Etats-Unis sous une influence « ancienne » que l’on qualifie parfois
de « carolinienne ».

Le Rite Français en ses hauts grades provient donc du même patrimoine initiatique que le
REAA ; toutefois, la méthode de rationalisation a été différente.

Enfin, le Rite Français, qui est évidemment Moderne, (et c’est en quoi le « Rite Moderne
Français » est une tautologie, car il n’a jamais existé de Rite Français Ancien), se répand dès
1786, et est aujourd’hui pratiqué dans tous ses grades et Ordres de Sagesse, dans un grand
nombre de pays à la surface du globe, et dans des obédiences telles le GODF, la GLDF, la
GLTSO, la GLNF, la LNF, la GLFF, la GLM.

Et la Belgique, me direz-vous ? Nous allons y venir…

5. Car la cinquième époque, la moins agréable de toutes, est celle de la laïcisation et de la


politisation du Rite Français en Belgique qui, après la cessation de l’autorité du GODF dans
nos pays au lendemain de la défaite 1de Waterloo, est dénommé uniquement « Rite Moderne ».
Il est très politisé et laïcisé 2en France et, pour des raisons assez différentes, il l’est aussi en
Belgique. La laïcisation va de pair avec la politisation. Sans nous appesantir sur ce sujet, il est
bon de préciser que, chez nous, les attaques proviennent du côté de l’archevêché de Malines et
donc de Rome, et que la Maçonnerie belge de l’époque ne fait que riposter aux
excommunications et aux mandements infâmants des évêques de Belgique.

Disparition, puis Résurrection du Rite Français en 1960

Le Rite Français va donc connaître une longue traversée du désert au cours du XIXe siècle,
tant en France qu’en Belgique. Seul le Brésil, avec son Rite Moderne Français très florissant
depuis 1822, sera épargné par cette récession. Les révolutions de 1848, la guerre de 1870, les
guerres mondiales de 14-18 et de 39-45 n’arrangeront pas les choses. La Maçonnerie survit,
mais n’est pas en état de retrouver sa splendeur du XVIIIe siècle.

Toutefois, cette traversée du désert n’implique pas la cessation totale des activités rituelles des
chapitres de Rite Français, pas plus en Belgique (je l’ai démontré à diverses reprises à l’aide
de documents irrécusables), qu’en France. Des chapitres français sont encore actifs en
Belgique en 1880.3

1
Pour nos amis anglais et prussiens : lire « victoire ».
2
Le point culminant sera atteint par la loi de 1905.
3
Source : Bulletin du Suprême Conseil du RAA, n°50 de 1880.

3
A cette époque et en France, la pratique des Ordres de Sagesse s’est poursuivie modestement
sous la juridiction du Grand Collège des Rites du GODF, notamment dans la Vallée de
Toulouse qui pratiqua les trois premiers Ordres jusqu’en 1960, de même que d’autres
chapitres en d’autres vallées. En ce qui concerne Paris et la Provence, ce sont des chapitres
indépendants qui ont maintenu la flamme en attendant la « résurrection » d’une juridiction
appropriée et spécifique au Rite Français.

Il en va de même en Belgique, jusqu’en 1880 environ, si ce n’est que la résurrection légitime


et crédible vient à peine d’y être restaurée, en 2005.

Cependant, vers 1960, le grand maçon que fut René Guilly procède à une étude exhaustive du
Rite Français et croit retrouver les tenants d’une antique patente qui aurait survécu aux Indes
néerlandaises sous les auspices d’un chapitre De Roos, et serait revenue aux Pays-Bas après la
deuxième guerre mondiale, où elle aurait été transmise à Guilly et à ses amis. Ceci est une
légende, voire « une fable », selon Pierre Mollier.

Hélas ! jamais le Rite Français ne fut pratiqué en Hollande, et le Grand Orient de France n’a
jamais concédé de patente à des loges de ce pays, malgré des tentatives de sa part, non suivies
d’effet. La véritable filiation du Rite Français provient du Brésil, via le Portugal, et ce sans
interruption depuis 1822. Mais ceci est une autre histoire, qui rejaillit de nos jours sous les
auspices de l’UMURM, soit : l’Union Maçonnique Universelle du Rite Moderne, née à
Barcelone le 10 juin 2011.

Le Rite Français se pratique à nouveau de nos jours et se manifeste en loge bleue, notamment
sous diverses appellations historiques :

Rite Moderne ou Rite Français, appellations équivalentes en France (depuis 1786) ;


Rite Français Traditionnel, (1960 Guilly) symbolique et traditionnel ;
Rite Moderne Français Rétabli, (XVIIIe siècle+ apports anglais dus à René Guilly) ;
Rite Français Murat, (1858)
Rite Français Groussier, (1938) ;
Rite Français Amiable, (positiviste !)
etc…

Dès 1994, il a été décidé de réactiver en France une juridiction – et non une simple pratique
plus ou moins autonome -- propre aux « hauts grades » du Rite Français via la résurrection du
Grand Chapitre Général de France, sous l’égide et l’autorité du Grand Orient de France.

De 1994 jusqu’à l’an 2000, la reconstruction s’est accomplie palier par palier jusqu’au
Convent de 1999 et l’Assemblée des Chapitres de juin 2000.

Cette résurrection s’étend progressivement, dit-on, aux pays et territoires qui avaient été
frappés par la même désuétude aux XIXe et XXe siècles. On la voit paraître dans l’océan
indien, dans les Antilles, aux Caraïbes. Des projets concrets verraient le jour à Nouméa,
Londres, New York, au Portugal, au Liban, à Madagascar, en Afrique.

La maçonnerie de Rite Français, par le truchement d’un éventail d’obédiences et de


juridictions diverses qui sont encore loin de se reconnaître toutes, rayonne néanmoins à
nouveau dans le monde.

4
Car les Ordres de Sagesse se sont à nouveau propagés dans un grand nombre d’obédiences
françaises, par les inévitables transferts de frères qui partent sous d’autres cieux pour des
raisons bonnes ou moins bonnes, et vont ainsi porter le patrimoine exceptionnel des Ordres de
Sagesse dans les coins les plus reculés de la terre. Sans oublier les pays qui ont simplement
« revivifié » des antiques usages qui n’attendaient que cela, sans trop se préoccuper de
légitimation précise.

…Et chez nous ? Quid de la Belgique ?


Contrairement à nos voisins français qui ont réussi une superbe résurrection du rite
maçonnique le plus pratiqué dans nos régions au XVIIIe siècle, le Rite Français n’y est
toujours pas pratiqué avec le lustre qu’il mérite dans les loges bleues, car le Rite Moderne
Belge des loges bleues n’est en aucune façon le Rite Moderne Français. De très rares loges du
GOB et de la GLB travaillent peu ou prou au Rite Français, mais assorti de concessions
fâcheuses consenties à d’autres rites dominants et aux habitudes acquises. [Disposition
incorrecte des Piliers, présence d’un « autel » incongru dans une loge de chantier, trois
Grandes Lumières anglaises, ouverture solennelle et parareligieuse de la bible, etc]

Certains auteurs belges, parfois de grande valeur, ont entretenu de bonne foi la confusion en
alléguant que le Rite Moderne Belge, pratiqué par le GOB, par la GLB et par la GLRB, était
identique au Rite Moderne des Français.

Cela ne nous paraît pas exact du tout ; ils sont différents en leur essence comme en leur
liturgie rituelle, ils ne sont pas les fils d’un même père, car ils ne possèdent nullement le
même patrimoine génétique…

Mon ami Jacques Ch. Lemaire a publié un article dans « La Chaîne d’Union » n°37 de juillet
2006, dans lequel il se réfère constamment au Rite Français du Grand Orient de Belgique. Je
suis au regret de ne pas partager ses idées sur ce sujet précis. Pourquoi ?

Le Rite Moderne Français (de Belgique)


n’est pas le Rite Moderne Français (de France)…

Il fut certes une époque où certaines loges du GOB ont pratiqué ce Rite Français sous l’égide
et l’autorité du Grand Orient de France. Mais, à mon avis, un rite se caractérise
essentiellement par deux aspects : le premier est le contenu initiatique et spirituel de ses
rituels ; le second est le lien qui unit le bénéficiaire/utilisateur d’une patente à l’organisme qui
la détient légitimement et lui en a cédé l’usage, selon telles ou telles modalités, à telle ou telle
époque. Et la filiation initiatique ininterrompue est pour nous la seule qui prévale.

(a) Le contenu initiatique des rituels du Rite Moderne Belge, voire même du Rite Moderne
dit Français, pratiqué au GOB en 2011 n’est pas celui du Grand Orient de France. Ne sont
concernés, en Belgique, que les grades d’apprenti, de compagnon et de maître maçon. Le
contenu de ces mêmes grades au Rite Français de France est nettement différent. Les deux
grades de compagnon n’ont même presque rien de commun, car en Belgique, il est truffé
d’éléments compagnonniques étrangers à la franc-maçonnerie.

De plus, le patrimoine français du Rite Français comporte nécessairement et


traditionnellement 5 Ordres de Grades ultérieurs à celui de maître, ce qui ne fut

5
aucunement le cas en Belgique, jusqu’en 2005. Dans notre pays, un frère ayant obtenu la
maîtrise dans une loge professant le libre-examen et la liberté absolue de conscience, dut
longtemps bifurquer, s’il entendait poursuivre sa progression, via les grades dits « hauts »,
vers le REAA, dont la devise est « Dieu et mon droit », et dont l’exigence métaphysique est
celle de l’immortalité de l’âme. Sauf le SCRE, mais ce Souverain Collège du Rite Ecossais
belge n’est pas le REAA, et ne tient du reste nullement à l’être…

Voici ce qu’affirme le GOB sur son site officiel Internet : www.gob.be/FR/Force :

le rite moderne ou rite des Modern(e)s : rite de fondation du Grand Orient de Belgique,
également parfois appelé rite français, inscrit dans la filiation de la Grande Loge de Londres
de 1717 dite « Grande Loge des Moderns »; c’est un rite basé sur la quête de la Raison, de
l’Homme maillon de la chaîne sociétale…
le rite écossais ancien et accepté : ce rite, plus spiritualiste, invite le maçon à élaborer
son « temple intérieur » ; il revendique sa filiation avec la Tradition notamment issue de la
Grande Loge anglaise des Ancients ; il est l’un des rites maçonniques les plus pratiqués au
monde …

(b) Quant à la filiation à caractère historique, revendiquée par le GOB, si elle ne porte pas
sur le Rite Français nécessairement structuré en trois grades spécifiques et quatre Ordres de
grades ultérieurs à la maîtrise, de quoi se compose-t-elle donc, et en quoi dès lors serait-elle
« française » ?
Cette obédience a heureusement remédié à cette carence en 2005, en accueillant une structure
d’Ordres de Sagesse.
Ajoutons que la Grande Loge de Belgique, fille du GOB car issue en 1959 de ce dernier, a
emporté avec elle, lors de sa fondation, les rituels de cette dernière obédience. Elle les
qualifie officiellement de Rite Moderne Belge, et jamais de Rite Français.4 Elle a raison.

Quant à la Grande Loge Régulière de Belgique, issue de la GLB et donc petite-fille du GOB,
elle distingue nettement le Rite Moderne Belge (son rite officiel) du Rite Français qu’elle
pratique également, avec un contenu initiatique essentiellement différent et conforme, mutatis
mutandis, au Régulateur, mais avec des concessions très regrettables aux exigences de la
Grande Loge Unie d’Angleterre, telle par exemple la présence d’un « autel » en Loge, sur
lequel reposent les Trois Grandes Lumières des Anciens, c'est-à-dire la bible, l’équerre et le
compas, qui ne sont nullement les Lumières traditionnelles des Modernes du Rite Français.
L’ouverture rituelle de cette bible se fait par le Vénérable et constitue une séquence très
britannique, cet officier invoquant la descente de la « Vraie Lumière », celle-ci étant
symbolique, bien entendu, de la Révélation divine dont ce livre est supposé être la matrice.

Croyance qui n’est aucunement « française ». Aucun rituel français authentique et traditionnel
du XVIIIe siècle ne connaît cette séquence à caractère nettement religieux, même si les
serments y sont très souvent prêtés sur l’évangile de Jean. Rien de plus naturel dans une loge
de Saint Jean.

4
Voir article 69 de la Constitution et des Règlements généraux de la Grande Loge de Belgique : « les Loges
travaillent aux Degrés d’Apprenti, de Compagnon et de Maître du Rite Moderne, conformément aux rituels
minima adoptés par l’Assemblée ». La Constitution de la GLB est tout aussi claire : « Déclaration Liminaire
n°2 : « Tout travail maçonnique se fait […] en présence des Trois Grandes Lumières de la Franc-Maçonnerie :
(le Volume de la Loi Sacrée ouvert sous l’équerre et le compas ) ». Cette dernière exigence prouve bien qu’il ne
peut pas s’agir, dès lors, du Rite Français.

6
En résumé, une seule obédience belge masculine pratique le Rite Français 5 en ses grades
bleus : c’est la GLRB, dont sept loges travaillaient (en 2006) au Rite Français, la majorité des
autres ayant adopté le Rite Moderne Belge, de même d’ailleurs que l’obédience pour ses
tenues de Grande Loge. Le nombre des loges pratiquant un rite autre que le RMB ne peut
excéder plus de 50% du nombre des loges du rite moderne qui est donc le rite de cette
obédience, comme il est celui du GOB et celui, rigoureusement exclusif, de la GLB.

Ce qui fut qualifié par dérision de « Rite Français » par les « Antients » qui importèrent le
REAA à Paris en 1804, s’intitule en réalité « les rituels selon le Régime du Grand Orient ».
Ces rituels furent composés par la Chambre des Grades du GODF et furent envoyés, en juillet
1787, avec d’infinies précautions, aux loges de la correspondance.

Les rituels d’origine française utilisés en Europe avant cet envoi, tels ceux dits du ùmarquis
de Gages, ne peuvent pas être qualifiés de Rite Français ; ils représentent certes la maçonnerie
« d’esprit, de goût ou de style français », mais ne constituent en rien le Rite Français. La
confusion est cependant générale à cet égard.

Le Rite Français n’est pas antérieur à 1786.

De nos jours, sauf erreur et omission, les hauts grades du Rite Français sont professés en
Belgique par plusieurs chapitres du GOB, de même que par un chapitre de la GLFB, qui a
obtenu ses patentes directement du Grand Chapitre Général—RF, de Paris. C’est un début
prometteur d’une évolution que l’on peut dès à présent considérer comme inéluctable.

Il existe aussi, par ailleurs et à Bruxelles, un chapitre interobédientiel mixte de Rite Français,
moderne bien entendu, qui recrute dans toutes les obédiences adogmatiques sérieuses de
Belgique. Le chapitre Le Prince de Ligne s’est constitué en 2010, à Bruxelles, et fait partie de
l’UMURM, soit l’Union Maçonnique Universelle du Rite Moderne, fondée à Barcelone en
juin 2011, sous l’égide du Suprême Conseil pour le Rite Moderne du Brésil.

L’UMURM, cette libre fédération de chapitres, relie des Suprêmes Conseils, des Sublimes
Conseils, des Grand Chapitres Généraux et des chapitres indépendants dans nombre de pays
européens et sud américains. Il s’est doté d’une Académie Internationale du Ve Ordre, dont
les différents départements sont dirigés par des FF et SS appartenant à des juridictions de
nations diverses. Le chapitre souverain et métropolitain mixte Le Prince de Ligne offre aux
SS et aux FF de Belgique la possibilité de pratiquer les Ordres de Sagesse de la maçonnerie
française du Régulateur de 1801 en dehors de toute forme de discrimination, de quelque
nature qu’elle soit. Il leur offre surtout un accès des plus enrichissants à une véritable
dimension mondiale.

L’Esprit des Lumières


Deux chapitres de même rite le rejoindront bientôt, les Chevaliers de la Lumière en la vallée
de Mons, et le chapitre Diogène le Chercheur de Lumières, à Wavre, afin de former dans
notre pays la première juridiction mixte de Rite Français, dans le droit fil de l’esprit des
Lumières. Le chapitre Le Prince de Ligne est en effet dédié à un grand écrivain hennuyer,
franc-maçon et voltairien ; le chapitre les Chevaliers de la Lumière rend hommage à la

5
Moderne bien entendu, mais « français » pour bien prendre en ligne de compte les apports français qui donnent
une spécificité à ce qui serait, autrement, un rite moderne anglais importé ne varietur…

7
première loge de Rite Français fondée en 1797 dans la baie de Bahia au Brésil ; et le chapitre
Diogène Chercheur de Lumières célèbre le grand philosophe grec porteur d’une lanterne, qui
enjoignit à Alexandre le Grand de se retirer de son soleil.

Et le marquis de Gages avec ses fameux rituels ?

En Belgique, les rituels du marquis de Gages, par exemple, qui provenaient de la Grande
Loge du comte de Clermont, furent utilisés par certaines loges des Pays-Bas autrichiens de
1763 (ou 65 ?) à 1786. Gages, devenu ensuite Grand Maître provincial pour compte de la
Grande Loge d’Angleterre, meurt en janvier 1787 ; les rituels sont expédiés aux loges, par le
Grand Orient de France, en juillet 1787, soit 7 mois après le décès du marquis. Ces rituels
sont de style, de goût, d’esprit français ; ils ne sont pas de Rite Français.

Ne fût-ce que pour ces raisons simplement chronologiques, l’obédience du marquis de Gages,
Grand Maître Provincial de la Grande Loge d’Angleterre, l’aurait-elle voulu, n’a jamais pu
travailler au « Rite Français », c'est-à-dire avec des rituels approuvés par la seule autorité
légitime à cette époque : le Grand Orient de France.

L’expédition des copies manuscrites des rituels aux loges de la correspondance par le Grand
Chapitre Général du Grand Orient de France ne se fait qu’après un rigoureux collationnement,
opéré par Roëttiers de Montaleau lui-même, qui appose sa signature en juillet 1787 sur chaque
cahier envoyé aux loges, par recommandé, avec accusé de réception…

Spécificités rituelles du Rite Français.

On les identifiera une par une en examinant les pages 12 à 34 du livre indispensable de Pierre
Mollier : « Le Régulateur du Maçon 1785 / « 1801 », édité en 2004 par A l’Orient, Paris.
Les plus caractéristiques sont les suivantes :

 la loge des ouvriers maçons se tient dans le Porche du temple, et non dans le temple.

 la loge est traditionnellement située HORS du temple, on y voit la voûte étoilée.

 Les trois grandes lumières sont : le soleil—la lune—le Maître de la Loge. Il n’y a
jamais d’autel séparé, mais « le livre des statuts généraux de l’Ordre » est disposé sur
le plateau du Vénérable, aussi appelé parfois « autel », « authel » voire « thrône ». La
présence de l’évangile de Saint Jean sur le plateau du Vénérable est une survivance
des rituels d’esprit ou de style français, non du Rite Français, qui ne date que de 1786-
1801.

 La colonne des apprentis est J, la colonne des compagnons est B. Ceci montre une
inversion par rapport à la description de la Bible (Chroniques et Rois), inversion

8
inventée puis supprimée par la maçonnerie anglo-saxonne, mais restée tradition dans
la maçonnerie française.6

 Les trois grands chandeliers constituent une équerre ayant pour petite base l’Orient et
non l’Occident, et représentent le soleil, la lune et le maître de la Loge. La position
inverse, ayant pour base l’Occident, est écossaise et se retrouve au Rite Moderne
Belge. Mais avec des variantes…

 Les épreuves lors des voyages sont destinées à effrayer le candidat et à mesurer son
courage et sa persévérance. Le premier voyage se fait dans le vacarme et c’est tout. Le
deuxième voyage voit la purification par l’eau. Le troisième voyage voit la
purification par le feu. L’épreuve de la terre est inconnue. Les purifications par l’eau
et le feu proviennent des Ecritures,7 et n’ont aucune connotation alchimique.

Il est intéressant de noter, toutefois, que c’est à cette époque que s’introduiront dans
les maçonneries française et austro allemande, des purifications qui, dit-on sans
preuves, prendront progressivement des allures alchimiques. Mozart par exemple fut
initié en 1784 avec un rituel qui ignore toute purification ; mais sa Flûte Magique, en
1791, mentionne sans la moindre équivoque des purifications par « les quatre éléments
de l’Antiquité » ( cfr les paroles du duo fugué des Gardiens du Temple). C’est donc
précisément à cette époque que les épreuves traditionnelles, purement physiques et
morales, se muent, en certains endroits, en des purifications d’ordre sacramentel,
religieux ou magique. Qu’il nous soit permis de le regretter…

Les autres spécificités du Rite Français de 1786 sont :

* le simulacre de la saignée

* le calice d’amertume

* le serment prêté dans la position de l’équerre ( il n’y a jamais d’agenouillement au


Rite Français, le néophyte étant placé dans la position de l’équerre, soit chacune des
deux jambes repliée en équerre, les deux bras repliés en équerre, la main tenant un
compas ouvert en équerre. L’équerre fut longtemps l’instrument le plus important du
rituel maçonnique. Elle est le symbole même de l’autorité du Vénérable Maître).

* le serment prêté sur les statuts de l’Ordre et l’épée, symbole de l’honneur, devant le
GADLU

* le don de la Lumière (une seule, sans « petite » lumière)

* la consécration par le seul Vénérable Maître (les deux surveillants n’ayant nullement
qualité pour consacrer)

* la disposition des pieds en double équerre, lors de la marche rituelle, qui part du pied
droit

6
Les Anglais ont annulé cette stupide inversion en 1809 ; les Français ne s’en sont nullement souciés, les guerres
d’Empire obligent…
7
Evangile selon Saint Luc (III 15-16 & 21-22).

9
* la position d’ordre en posant la main au col, de manière que le larynx se trouve entre
l’index et le pouce, l’avant-bras à plat sur la poitrine ; pour faire le signe, on élève
ensuite le coude et la main trace le niveau, et on abaisse ensuite la main par
perpendiculaire. La position d’Ordre au Rite Français, comme au Rite Ecossais
Rectifié, contredit la disgracieuse position d’ordre anglo-saxonne, d’origine
« antienne », coude levé ( cf Guide des Maçons Ecossais rituel ancien).
.

L’esprit du Rite Français en cinq points

Point 1 :

Le Rite Français est l’exercice de la Maçonnerie à l’état chimiquement pur, comme le dit si
bien Edmond Mazet. Il ne comporte que des symboles relatifs au mythe de la Construction du
Temple de Salomon.

Le pavement mosaïque est celui du Palais mosaïque, destiné à abriter les tables de la Loi
reçues par Moïse sur le Sinaï. Elles sont conservées dans le temple de Salomon ou Palais de la
Loi mosaïque, en abrégé « Palais mosaïque », d’où l’adjectif « mosaïque »--relatif à Moïse--
donné au pavement de ce palais.

Le tableau de la Loge doit être dessiné puis effacé ; la Loge, ou baraque des ouvriers, ne
comporte aucun signe permanent sur les murs. Elle vit, comme le mandala tibétain, le temps
que dure la tenue, et puis s’évanouit…

Les Trois Grandes Lumières sont de vraies lumières : soleil pour le jour, lune pour la nuit,
maître pour la Loge.

L’étoile est aussi attribuée au VM et doit figurer sur son sautoir au Rite Français.

Les meubles de la Loge (= mobiles, càd déplaçables) sont la bible, l’équerre et le compas. Cet
assemblage non traditionnel ne sera imposé aux loges placées sous la dépendance de la
Grande Loge Unie d’Angleterre qu’à partir de 1813. C’est un usage religieux provenant de la
maçonnerie des « Antients », qui n’a donc aucun rapport avec la maçonnerie des
« Moderns » ni avec la maçonnerie d’esprit et de rite français.

Les bijoux et les ornements sont expliqués dans les catéchismes et tuileurs, et figurent sur le
tableau synthétique de la Loge.

Les Trois Piliers, parfois abusivement dénommés colonnes, sont Sagesse, Force et Beauté. La
tradition moderne et française attribue la Sagesse au Vénérable, la Force au premier
Surveillant et la Beauté au second Surveillant. Les autres attributions, variées dans les rites
écossais, sont incorrectes et non signifiantes. Car seul le VM incarne Salomon en Loge, et
Salomon seul symbolise la Justice et la Sagesse.

Les surveillants sont placés à l’Occident. Au REAA, ils sont l’un au Sud, l’autre à l’Ouest,
pour garder les portes du temple DANS lequel ils travaillent. Au Rite Français, on travaille
« au »temple, non « dans » le temple.

10
Point 2 :

Le Rite Français est essentiellement mythique. Il véhicule trois mythes fondamentaux :

Le mythe du passage des ténèbres à la lumière


Le mythe de la construction du temple de Salomon
Le mythe hiramique.

Il en résulte ceci, qui fait la spécificité essentielle, car spirituelle, du Rite Français :

Le Rite Français ignore absolument, à la différence de bien d’autres rites maçonniques :

La pensée religieuse
La pensée ésotérique
La pensée mystique
La pensée magique
La pensée occultiste

Le Rite Français est maçonnique et mythique, et rien de plus !!

Il est en rupture avec toute métaphysique ; il s’appuie uniquement sur les symboles, les
allégories, et la raison.

Voyons ceci de façon argumentée.8

La pensée religieuse : elle implique une soumission totale à une réalité absolue. Le Rite
Français ne comporte rien de religieux ni de « sacré », ni prière, ni aucun acte ayant ce
caractère sacré.

La pensée ésotérique : elle se base sur une révélation transmise à de seuls élus. C’est une
tendance sectaire qui introduit un clivage entre les frères qu’elle sépare entre des élus et des
damnés. Il n’y a rien d’ésotérique dans les constitutions, les règlements généraux et les
règlements particuliers des loges et des obédiences, car cette pensée ésotérique va à l’encontre
de l’universalisme de la franc-maçonnerie.

La pensée mystique : recherche une immersion totale de l’individu dans ce qui le dépasse. La
mythologie maçonnique s’appuie sur l’idée d’un projet de Construction ; elle s’occupe du hic
et nunc ; elle met l’Homme au centre de l’univers, et ne comporte rien de mystique ni de
divin.

La pensée magique : elle essaie de contrôler la réalité par des opérations mentales
profondément irrationnelles. Elle s’adonne à la théurgie, à l’alchimie, à la magie. Ce sont
autant d’aberrations qui ont disparu avec le dernier quart du XVIIIe siècle, sauf dans de très
rares cénacles romantiques, confidentiels, spirites et attardés. Même de nos jours…

8
Ces 5 commentaires sont dus au très regretté Pierre De Laey †

11
La pensée occultiste : elle privilégie les superstitions les plus dangereuses en accréditant
l’influence des « esprits » sur les humains ; elle se manifeste par exemple en Loge lors de
l’extinction des bougies (qu’aucun souffle humain impur ne peut éteindre !!), lors de la chaîne
d’union ( qui doit se faire mains dégantées afin que « le fluide » circule mieux !!) et de la
prestation de serments ( qui se fait mains gantées au Vatican, qui, en cette matière, dédaigne
toute superstition). La pensée occultiste croit donc fermement aux actes à caractère magique,
et à la circulation de « fluides » aux propriétés jamais expliquées depuis Mesmer, mais qui ne
peuvent traverser le coton d’un gant…Laissons ce genre de superstitions aux sectes.

Le Rite Français ne confond jamais le sacré, qui est du domaine des églises et des religions,
avec l’initiatique, qui est du domaine de la dernière grande société initiatique du monde
occidental, la franc-maçonnerie de tradition.

En Loge, au profane s’oppose l’initiatique, et non le sacré. L’étymologie nous aide à


comprendre : « pro fano » signifie resté devant le temple. « In ire » signifie entrer dans,
commencer. « Sacer » signifie séparé. Un profane est celui qui n’est pas entré dans un
système séparé du monde de la banalité, c'est-à-dire l’initiatique, et non pas (nécessairement)
le divin.

Point 3 :

Le Rite Moderne Belge : un ex Grand Maître de la GLRB nous dit :

« Ce rite, qui ne comporte historiquement aucun grade ultérieur à la maîtrise, est propre et
« exclusif à notre pays. Il lui est spécifique et très différent du Rite Moderne Français. Il est le
« produit de l’histoire locale de la maçonnerie belge, de la première moitié du XIXe siècle à
« nos jours.

« Vers 1955, le Grand Orient de Belgique écrit ceci : « les loges de l’obédience travaillent
« selon deux rites : le rite moderne, appelé également rite français, et le rite écossais ancien et
« accepté qui se distingue par une démarche plus symbolique ».9

Retenons donc de cet extrait hautement « autorisé », que le Rite Moderne Belge est très
différent du Rite Moderne Français, mais qu’on l’appelle aussi Rite Français. Comprenne qui
pourra.

Ajoutons que ce rite purement local et limité strictement à trois grades symboliques de tout
temps, 10 ne saurait en aucun cas être confondu avec le Rite Français, comme certains auteurs
l’ont fait.

9
Louis De Bouvere in : Le Rite Moderne de Belgique (GLRB), Acta Macionica 14 de 2004, page 371. L’auteur
fut Grand Maître de la GLRB, dont le rite officiel est le Rite Moderne Belge.
10
En Belgique, il a été considéré ab origine comme « normal » que tout Maître Maçon du Rite Moderne Belge
bifurque automatiquement vers le Rite Ecossais Ancien et Accepté, voire vers le Rite Ecossais tout court qualifié
à ses origines de « Rénové », aucune alternative à ce choix exclusif n’étant possible…Les choses ont enfin
changé en 2005.

12
Ces deux rites sont nettement différents dans leur esprit et dans leurs modalités
initiatiques et rituelles.

Le Rite Français, d’une part, appartient depuis 1786 au Grand Orient de France, qui l’a
communiqué11 et le communique à qui il l’entend, et d’autre part comporte un ensemble de
particularités originales qui font la spécificité de ses grades bleus ; il comporte en outre
nécessairement une structure de Hauts Grades dits Ordres de Sagesse.

Nous sommes loin du Rite Moderne Belge, qui diffère du tout au tout de cette description,
avec ses seuls trois grades bleus débouchant en Belgique sur un REAA déiste et obligé.…Et
enfin sur des Ordres de Sagesse depuis 2005, mais il était grand temps.

Caractère éclectique et composite du Rite Moderne Belge


Le RMB naît dans notre pays après la défaite de Waterloo en 1815 ; les Français quittent la
Belgique, et l’influence du GODF cesse chez nous. Les Hollandais tentent de s’emparer de la
maçonnerie belge jusqu’en 1830, date de la création, bien tardive, de la Nation belge.

Sous le roi Léopold 1 er, l’Eglise catholique se déchaîne contre la Maçonnerie belge, qui
riposte et se mue en machine de guerre anticléricale. Les loges se vident de leurs éléments
catholiques et nobles, mais se remplissent de tout ce qui combat l’Eglise de Rome et de
Malines.

Les rituels du temps reflètent bien entendu ces circonstances politiques particulières…Ils
subissent de surcroît les influences d’autres rites, tels le Rite Ecossais Philosophique et le Rite
Ecossais Ancien et Accepté, le Rite Ecossais Rectifié et les rites anglais, ce qui produit de
fortes variations de loge à loge avec des différences énormes et des contradictions flagrantes,
auxquelles les loges belges, très chatouilleuses sur leur indépendance et fermement
cramponnées à leurs habitudes immédiatement baptisées « traditions », tiennent avec une
tenace vigueur difficilement négociable…

Les rituels se voient amputés de nombre d’éléments traditionnels et signifiants, au profit


d’innovations parfois saugrenues et produisent un rite « dit moderne » approuvé en 1878 par
le GOB.

LE RMB = LE RF + LE REAA + LE RER + LE REPH + LE RA


Peut-on résumer le Rite Moderne Belge en une formule lapidaire ? La voici :

C'est-à-dire : le Rite Moderne est le Rite Français plus le Rite Ecossais Ancien et Accepté
plus le Rite Ecossais Rectifié plus le Rite Ecossais Philosophique plus des apports rituels
anglais. 12

Point 4 :

Résumé des caractéristiques et emprunts du Rite Moderne Belge.


11
Notamment au Portugal et donc au Brésil en 1822.
12
Ceci peut être démontré par des exemples précis illustrant chaque emprunt.

13
La première caractéristique est que le Rite Moderne Belge ne vit que de greffes étrangères.
Vous en voulez certes des preuves ; les voici.

Dans les nombreux rituels qui furent en vigueur dans nos régions, au XVIIIe siècle, les
exemples abondent qui démontrent les pratiques en honneur chez nous. Par exemple, dans les
rituels du marquis de Gages, qui fut Grand Maître de 1763-65 à 1786, soit 21 ans durant,
l’initiation d’apprenti, en ses voyages, est assortie d’épreuves et non de purifications, dont on
voit la connotation. Il en va de même dans les fameux rituels dits du comte de la Barre, datant
de 1778.

Le Régulateur du Maçon lui-même, de 1801, ne connaît que la « purification » par l’eau et le


feu, en conformité avec la parole des Ecritures. 13

Le REAA du Guide des Maçons Ecossais, rituel des Antients, ne connaît que « les flammes
purificatoires » intervenant au cours du troisième voyage. Cette greffe du REAA est utilisée
dans certains ateliers du RMB, dans diverses obédiences belges.

Que se passe-t-il en général au Rite Moderne Belge ? L’épreuve de l’air est ajoutée, de même
que celle de la terre, sous la forme du « cabinet de réflexion » !

Le grade de compagnon du RMB connaît deux greffes majeures : une provenant du RER,
l’autre, dénuée de toute valeur initiatique, 14mais chargée d’une haute composante
émotionnelle, inspirée par les Compagnonnages.

L’ouverture et la fermeture de la Bible, en tant que « Vraie Lumière », est une greffe des rites
anglais et est tout à fait ignorée de la maçonnerie française.

Les pseudo taus de tabliers des Maîtres Installés ne sont pas des taus, lettre grecque inusitée
en maçonnerie, mais des niveaux, qui ne sont pratiqués que dans la maçonnerie anglo-
saxonne. La maçonnerie française, dont le Régime Rectifié, les ignore totalement (ou devrait
les ignorer, mais contamination oblige).

Les serments prêtés sur la Bible recouverte de l’équerre et du compas sont une greffe
anglaise. Le Régulateur du Rite Français fait jurer sur les statuts de l’Ordre et sur l’épée du
VM, symbole de l’honneur, geste à connotation nettement chevaleresque. Le RER fait jurer
sur l’évangile de Jean et l’épée du VM.

Les 3 grandes lumières sont la Bible, l’équerre et le compas ; c’est une greffe des Anglais
datant de 1813, date de la fusion des Antients et des Moderns, opérée pour cause
d’anti-bonapartisme.

Les 3 chandeliers avec base à l’Occident proviennent de l’Ecossisme en général.

La loge des ouvriers constructeurs devient « le temple », comme au REAA

Les « grades »deviennent des « degrés », comme au REAA et en Angleterre.

13
Mollier, op.cit., pp. 27 et 28
14
Opinion personnelle de l’auteur, et qu’il assume.

14
Il y a un autel dans le temple, ce qui est une greffe du REAA, des Anglais mais principalement
des Eglises de toutes obédiences.

Les déambulations en loge des FF et des Officiers se font en marquant les angles droits, parfois
en claquant les talons !! C’est une greffe militaire et anglaise. On n’imagine pas des tailleurs de
pierre en loge se livrant à de telles excentricités. La maçonnerie française rectifiée a maintenu,
à travers les siècles, les déambulations circulaires à pas libres, ce que pratique un Rite
Français lorsqu’il est resté français.

Enfin, last but not least, la chaîne d’union se fait mains


dégantées, afin, disent les auteurs classiques, que le fluide
circule !!! ce qui est une greffe des occultistes et des
« spirites » du XIXe siècle.15 Aucun rituel français
authentique ne mentionne cette pratique occultiste. Un
certain nombre de loges osent à présent revenir à une
pratique moins marquée par les sciences occultes, et
reviennent à la chaîne d’union mains gantées, de même
d’ailleurs qu’aux serments prêtés mains gantées. Ce n’est
pas le symbolisme respecté au Vatican par les Officiers de
la Garde Pontificale Suisse qui me démentira. Notons que la GLB, dans ses commentaires
officiels sur les rituels minima qu’elle préconise, autorise les deux façons de faire la chaîne
d’union. C’est la marque de la possibilité d’un retour intelligent et progressif aux traditions.

En guise de conclusion :

On ne peut affirmer que le Rite Moderne Belge, hybride heureusement purement local,
circonstanciel et limité à trois degrés symboliques, soit l’équivalent du Rite Français. Il suffit
de comparer leurs composants à tous deux, pour constater que les similitudes spirituelles sont
inexistantes, les deux rites étant assortis de pratiques rituelles étrangères les unes aux autres.

Le Rite Français fut certes présent en Belgique de 1795 16 (date de l’annexion négociée de la
Belgique à la République française, et, par conséquent de la prise d’autorité du Grand Orient de
France sur la plupart des loges belges) jusqu’en 1814, date du départ des troupes françaises.

15
Il est bien connu qu’une table ne tourne pas sous l’action des « esprits » si les petits doigts dégantés ne se
touchent pas…
16
La Convention Nationale vote l’annexion pure et simple de la (future) Belgique le 1 er Octobre 1795. Ce territoire sera
composé des départements de la Meuse, de l’Escaut, de la Dyle, de la Senne, de l’Ourthe, etc…et ce, jusqu’en 1814, date de
la première abdication de Napoléon Bonaparte. Ce vote sera ratifié par l’empereur d’Autriche—écrasé par le général
Bonaparte-- lors du Traité de Campo Formio en octobre 1797 : « Sa Majesté l'empereur, roi de Hongrie et de Bohême,
renonce pour elle et ses successeurs, en faveur de la République française, à tous ses droits et titres sur les ci -devant
provinces belges connues sous le nom de Pays-Bas Autrichiens. La République française possédera ces pays à perpétuité, en
toute souveraineté et propriété, et avec tous les biens territoriaux qui en dépendent ». Certains Belges regrettent aujourd’hui
la brièveté de cette perpétuité…

15
Pérennité des Ordres de Sagesse français en Belgique durant le XIXe siècle.

Mais le Rite Français n’a pas été pour autant abandonné par nombre de loges et de chapitres
belges. Les hauts grades français ont été pratiqués chez nous sans discontinuité, jusqu’en
1880 à tout le moins, ce qui est attesté 17; mais la pratique du Rite Français y est tombée en
désuétude après cette date, et le Rite Moderne Belge s’est constitué sous le règne de Léopold
1er ; il s’est substitué au Rite Français hors la compétence du Grand Orient de France et a
fortiori de son Grand Chapitre Général du Rite Français. Ce dernier ne contient du reste
AUCUN nom de chapitre belge, ni même celui d’un chapitre simplement situé sur le territoire
de la future Belgique, porté sur sa matricule depuis 1784, Liège exceptée. Dont acte.18

En résumé : le Rite Moderne Belge est ce qui reste du Rite Français quand on en a ôté tout
caractère moderne français, et qu’on y a ajouté une pluie désordonnée d’influences anglaises,
écossaises, anciennes, religieuses, rectifiées et occultistes.
Le Rite Moderne Belge fut limité jusqu’en 2005 aux trois grades dits « artisanaux » ou vétéro
testamentaires.

Le Rite Moderne Français, lui, est « chimiquement pur ».


Il est maçonnique, mythique et symbolique. Et rien d’autre.
Il est composé, ab origine, de 9 Grades.

Car il comporte depuis ses origines-- en tant que « Rite » constitué à Paris en 1786-- trois
grades bleus et cinq Ordres de Sagesse indissociables. 19
Il associe harmonieusement la tradition conviviale des origines anglaises, le respect et l’amour
des Lumières, la Laïcité et la seule raison.
Il constitue, par le recours à l’intelligence émotive, à une philosophie interprétative et à l’éveil
de l’intuition, une brillante mise en œuvre de la méthode du libre-examen.

On ne voit pas ce qui pourrait s’opposer, dans les trois obédiences masculines belges pratiquant
le Rite Moderne Belge dans leurs grades symboliques, à la coexistence du Rite Français et du
Rite Moderne Belge. A tout le moins à autoriser, voire à encourager la pratique du Rite
Français sur toute l’étendue de son territoire historique et traditionnel.

Et ajoutons, ce qui semble plus difficile : voir les diverses juridictions des Ordres de Sagesse
du Rite Français, masculine, féminine et mixte, se fréquenter et se parler, par-delà les
spécificités de chacun et dans le respect mutuel de ces dernières.

On peut rêver.

17
Attestation peu contestable : elle émane du Suprême Conseil pour le REAA lui-même, bulletin 50, 1880…
18
Voir : « Les Grades de Sagesse du Rite Français », par le GCG du GODF, éd. A l’Orient, Paris, 2000, qui publie en page
199 la liste des « chapitres affiliés au Grand Chapitre Général de France comme première obédience française de hauts grades
par ordre chronologique pour les années 1784 à 1787 ». Aucun chapitre des Pays-Bas autrichiens n’y figure. Le seul et
unique chapitre de la future Belgique est « La Parfaite Egalité », à Liège, en 1787. Liège était une principauté indépendante et
souveraine à l’époque.
19
Le système, tel qu’il est pratiqué encore par le Suprême Conseil pour le Rite Moderne du Brésil, comporte en
tout neuf grades, puisque le Ve Ordre est divisé en deux grades : le Chevalier de l’Aigle Blanc et Noir, 8e grade,
et le Chevalier de la Sagesse, 9e grade, et grade ultime du Rite.

16
Le frère Charles-Joseph, prince de Ligne, membre de la respectable loge
l’Heureuse Rencontre, gravé par son frère Antoine Cardon

Beloeil 1735-Vienne 1814


Feld maréchal de l’empire autrichien
Amoureux de Marie-Antoinette
Conseiller de Catherine II
Auteur de comédies, écrivain
Le plus belge de tous les Européens
Le plus européen de tous les Belges
Grand, insolent, voltairien, sceptique,
Franc-maçon critique

17
18

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