Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Bruno Erba
Introduction
Le bonheur, un hasard ?
Mais qu’est-ce que le bonheur ? Le sentiment de bien-être que
nous éprouvons devant une tâche achevée, une activité
professionnelle choisie, la maison de nos rêves, la guérison après une
maladie éprouvante, une jeunesse et une santé sans limites, la
rencontre amoureuse tant désirée ? Cette énumération, non
exhaustive, pourrait bien ressembler à une liste de mots à la Prévert,
à l’Air du Catalogue de Don Giovanni. En l’écrivant, nous nous
sommes souvenus d’un patient, en thérapie de couple, qui nous
disait : « J’ai souvent rencontré le bonheur mais ça ne m’a pas
toujours rendu heureux. » Cette personne était témoin de son propre
bonheur mais elle ne l’accueillait pas, elle ne se sentait pas
concernée. Elle ne prenait pas conscience de son bonheur car elle ne
le « pensait » pas.
Le bonheur n’est ni quantitatif ni qualitatif, il existe, mais il a
besoin d’être pensé. Autrement dit, si nous ne changeons pas notre
manière de penser, les meilleurs événements du monde ne nous
permettront pas d’atteindre une certaine plénitude. Nous serons
comme celui à qui l’on offre un verre d’eau mais qui se plaint qu’il
soit à moitié vide. En somme, il ne suffit pas que nos attentes se
réalisent – un mariage d’amour, l’enfant qui naît, l’achat de
l’appartement idéal, un emploi agréable et bien rémunéré – pour que
nous soyons heureux, un autre mot pour désigner le bonheur.
En ancien français, le terme heur signifie « avoir de la chance ».
On pourrait alors conclure que celui qui est heureux a de la chance et
que celui qui se targue d’être dans le bonheur, ou le bon heur, a
encore plus de chance puisque celui-ci se renforce par une « bonne »
chance. Nous serions donc heureux et même « bonheureux » ou
plutôt bienheureux, à condition que la chance nous sourie.
En même temps, la chance est une sorte de superstition car le
monde se divise en deux : ceux qui en ont et ceux qui n’en ont pas.
C’est en effet un concept qui exprime la réussite d’un événement sans
qu’il y ait nécessairement de lien de cause à effet entre le désir et sa
réalisation. La chance semble régner en dehors de tout contrôle, sans
que rien, ni personne ne puisse exercer la moindre influence sur elle.
La chance n’est pas loin du hasard. Nous ne serions donc heureux que
par hasard ou par chance.
Pourtant, de nombreuses histoires témoignent, au contraire, qu’il
existe un lien de cause à effet entre ce que nous appelons la chance –
ou le bonheur – et les événements qui surviennent dans notre vie.
L’une des plus connues s’est déroulée aux Pays-Bas. Jusqu’à une
certaine époque, les habitants croyaient que le nombre de cigognes
qui s’installaient dans un village était analogue au nombre de
nouveau-nés. Certains villageois prétendirent donc qu’elles
apportaient les enfants. On finit par comprendre que le toit plat de
quelques maisons favorisait la sécurité des cigognes et leur nidation.
De plus, en présence d’un nouveau-né, les familles augmentaient le
chauffage de cette maison. Or, les cigognes nichent près des
cheminées chaudes. Pour avoir la chance d’héberger des cigognes,
mieux vaut donc posséder une maison bien chauffée avec un toit
plat…
Sur le chemin de l’épanouissement
Ainsi, il serait possible d’envisager notre bonheur, autant que
notre malheur, comme la résultante de liens forts ou ténus entre des
causes et des effets. C’est ce à quoi ce livre vous propose de réfléchir.
Dans un premier chapitre, nous avons cherché à repérer et
comprendre ce qui contribuait à nous figer : nos idéaux, nos
convictions, nos certitudes, nos croyances au sens large, celles qui
nous portent, nous rassurent mais aussi nous limitent et peuvent
parfois nous rendre malades.
Le deuxième chapitre est consacré aux méthodes anciennes ou
plus récentes. Nous avons souhaité montrer comment elles
impactaient le fonctionnement du cerveau et pouvaient modifier le
comportement de manière positive.
Dans le troisième chapitre, nous sommes allés à la rencontre de ce
qui unit le cœur et le cerveau, les émotions qui s’ancrent dans le
corps et les pensées qui surgissent de l’esprit. Et comment la manière
de se penser soi et de penser les autres dans l’amitié, l’amour ou la
compassion constituait des médicaments naturels au service de notre
mieux-être.
Enfin, le dernier chapitre ajoute de nouvelles clés. Le trousseau
n’est sûrement pas complet, chaque lecteur ajoutera la sienne : un
soutien, une confirmation, d’autres pistes.
Nous n’avons pas eu pour objectif de vous confier des secrets
millénaires, des recettes et des potions magiques, des rituels
mystérieux pour trouver ou retrouver le chemin du bonheur. Notre
souhait est de vous montrer comment des usages séculaires – la
méditation, le recueillement, l’intention – rencontrent aujourd’hui les
avancées des neurosciences, de la médecine, du développement
personnel et des psychothérapies pour influer le cours de l’existence
dans le sens du mieux-être.
Car il n’y a plus aucun doute aujourd’hui : mieux penser permet
de mieux vivre.
CHAPITRE 1
Notre pensée n’en fait qu’à sa tête ! Et pour notre plus grand
malheur parfois… Ce chapitre vous explique comment. Et vous
propose de commencer à changer de point de vue sur vous-
même, les autres, le monde.
Repenser la pensée
« Tout ce que nous sommes résulte de nos pensées.
Avec nos pensées, nous bâtissons notre monde. »
BOUDDHA
Le point de vue psy
En remettant ses pas dans la tradition familiale, Marc s’est coupé de ses
aspirations profondes. À force d’écouter le discours de ses parents, de son grand-
père, il a fini par croire que leur univers était le sien. Il ne s’est pas complètement
différencié comme doit le faire chaque individu pour devenir autonome, découvrir
sa propre voie. Les conversations familiales ont composé les matériaux d’une sorte
d’infiltration de sa personnalité. En somme, des soignants, des gens de bonne
volonté qui pensaient faire son bien, l’ont « contaminé », enfermé au lieu de lui
ouvrir les portes de ses désirs singuliers. Les enfants, surtout quand une famille est
unie, bienveillante, prennent généralement les adultes qui les entourent pour
modèles. Ils ont envie de leur ressembler parce qu’ils les admirent. Ils veulent
« faire comme ». Ils s’oublient eux-mêmes car ils s’imaginent que leurs parents
détiennent forcément le savoir. Ils se mettent de côté pour leur faire plaisir aussi,
capter leur amour. Les conseils et les anecdotes portant sur la santé, parce qu’elles
étaient aussi des marques d’affection, sont devenus pour Marc des « actes de
langage », des machines de guerre qui ont façonné son destin.
Identifier les « prédictions
performatives »
« Comment faire des choses avec des mots ? »
John Langshaw AUSTIN
Si penser c’est agir, nous pouvons dire qu’un très grand nombre de
nos propos ou de nos pensées, vis-à-vis des autres comme de nous-
mêmes, constituent ce qu’on pourrait appeler des « prédictions
performatives ». Exactement comme si, à notre insu, nous nous
transformions en voyants et médiums.
Dans notre pratique de psychothérapeutes, cette assertion se
vérifie chaque fois que nous recevons un(e) patient(e). Il n’est pas
d’histoire individuelle qui ne soit traversée par ce type de paroles
reçues dans l’enfance. Nous tous avons d’ailleurs été victimes de ce
qu’entre nous nous appelons « timbre », en référence à l’analyse
transactionnelle, un outil de travail personnel inventé par le
psychiatre américain d’origine québécoise, Eric Berne.
Selon Berne, des ressentis négatifs accumulés dès l’enfance, non
exprimés sur le moment et conservés, vont se retrouver dans une
sorte d’album et constituer une « collection de timbres » de taille
variable qui pourra se transformer en dépression, en violence, en
échecs variés ou, plus simplement, affecter notre confiance en nous.
Or, ces sentiments négatifs ne tombent pas du ciel. Ils sont portés par
les informations, verbales et non verbales, que nos parents d’abord,
puis, au fil du temps, les personnes que nous rencontrons, nous
transmettent.
Il existe donc un méta-modèle linguistique constitué de mots et de
formules usuelles qui contribuent à diminuer et fausser les
communications interpersonnelles. Ces mots s’insinuent dans la
psyché en y laissant des traces, parfois indélébiles. Nous en avons
listé quelques-uns, et vous y retrouverez certainement des termes, des
phrases que vous avez entendus très tôt et que vous entendez encore
de la part d’un parent, d’un conjoint, d’un ami, d’un collègue de
travail ou de votre boss. Ces formules entrent aussi dans le cadre de
celles que vous vous dites à vous-même.
Les identifier et les interroger vous permettront d’y voir plus clair
et d’avancer.
LES QUANTIFICATEURS UNIVERSELS
LES OPÉRATEURS INTERNES
LES ORIGINES PERDUES
LES INFORMATIONS GÉNÉRIQUES
L’AUTEUR DISPARU
LES JUGEMENTS DE VALEUR
Ils correspondent au hugh des Indiens d’Amérique du Nord, un
mot qu’ils emploient pour indiquer la sagesse. Ils l’accompagnent
souvent d’un geste, celui de lever une main, la paume ouverte vers
l’avant. C’est aussi une sentence, bonne ou mauvaise, et une manière
d’adouber l’autre s’il s’agit d’une personne :
« C’est bien/C’est nul. »
« C’est normal/C’est injuste. »
« Nous sommes incapables d’avancer/Nous avancerons contre
vents et marées. »
Vous voilà devenu juge, capitaine, professeur des écoles, seul
maître à bord ! Êtes-vous certain d’avoir complètement examiné
toutes les facettes de la situation, du comportement, des méthodes
que vous venez d’évaluer ? Si votre jugement est à la baisse, vous
risquez de laisser passer des opportunités qui vous auraient aidé à
mieux comprendre votre interlocuteur ou les événements. S’il est à la
hausse, tant mieux, vous venez de renforcer votre confiance en vous.
Cependant, n’oubliez pas qu’il est toujours utile de conserver une
vision ouverte sur une personne ou une situation.
LES OMISSIONS SIMPLES
LES DRIVERS
1. « Sois parfait »
2. « Fais plaisir »
3. « Dépêche-toi »
Prendre son temps, se donner le loisir de la réflexion, buller,
flâner, se reposer, réfléchir, reprendre un dossier, une lettre,
investiguer pour mieux faire ne sont pas permis.
4. « Sois fort »
5. « Fais un effort »
LES INJONCTIONS
Les injonctions ont été conçues par deux psychothérapeutes
américains, Bob et Mary Goulding. Ce sont des interdits issus de
notre histoire familiale, des messages parentaux internalisés qui
constituent des freins à notre évolution et à notre bien-être. Ils
restreignent notre liberté individuelle de manière illusoire car ils nous
murmurent à l’oreille des messages qui nous emprisonnent. Ces
injonctions sont au nombre de douze. À vous de voir s’il en existe une
ou plusieurs qui pourraient bien correspondre à votre ressenti.
1. « N’existe pas »
8. « N’aie pas d’attaches »
• L’introspection
Le point de vue psy
Anne a mis en place un frein, adossé au fantasme qu’un cerveau de 50 ans n’est
plus aussi performant. Il faut toute l’intervention du groupe et la nôtre, durant
plusieurs séances, pour la convaincre qu’il s’agit d’une croyance erronée et que le
cerveau est malléable. Les scientifiques sont nombreux aujourd’hui à en vanter
l’extraordinaire plasticité. Pour s’engager dans la voie de son choix, Anne doit
identifier cette croyance limitante et ne plus considérer sa conviction comme un
empêchement.
• L’exercice des 360 degrés
L’EFFET PLACEBO
Tout le monde, ou presque, connaît l’effet placebo – ce qui signifie
en latin « je plairai » –, utilisé dans la recherche pharmaceutique pour
tester de nouveaux traitements médicaux. On choisit deux
populations distinctes. À l’une, on prescrit le véritable médicament ; à
l’autre, un succédané. Les sujets concernés croient recevoir un
produit actif alors que la substance placebo ne contient que des
composés chimiques neutres ou n’interférant pas avec l’évolution de
la maladie. Or, dans des cas avérés par de nombreuses études, des
améliorations et des guérisons ont été constatées.
Parallèlement, de manière tout à fait surprenante, les placebos
peuvent également avoir un effet positif chez des patients qui sont
informés de ce qu’ils prennent, c’est-à-dire un leurre. Dans les deux
cas, les améliorations relevées s’appuient sur des mécanismes
psychologiques qui agissent en interaction avec des mécanismes
physiologiques, à l’intérieur d’une intrication corps/esprit.
La chirurgie fictive
L’effet placebo ne concerne pas seulement les médicaments. Il est utile pour évaluer
l’impact et les suites d’une opération chirurgicale. Ainsi la Sham surgery (chirurgie
Sham) où l’on fait croire au patient qu’il a été opéré en incisant simplement
l’épiderme afin de laisser des cicatrices. On le panse normalement et, après
l’anesthésie, il ne doit pas pouvoir se rendre compte s’il a été l’objet ou non d’une
intervention chirurgicale. C’est en 1939 qu’un chirurgien italien, Fieschi, a conçu
cette technique. Pour soulager les douleurs de l’angine de poitrine, il a eu l’idée de
pratiquer de minuscules incisions sur certaines des artères coronaires. Les résultats
ont été spectaculaires. Les trois quarts des patients ont vu leur état de santé
s’améliorer, et un tiers d’entre eux ont été guéris. En 1959, le National Institute of
Health
a demandé à un jeune cardiologue américain, le Dr Leonard A. Cobb, de procéder à
un nouveau test de la technique Fieschi. Cobb l’a exploitée sur 17 patients. Le New
England Journal of Medicine en a publié les conclusions. Les opérations fictives
avaient réussi aussi bien qu’une véritable intervention. Depuis, pour des raisons
éthiques, ces expériences sont devenues rares. Cependant, elles comptent toujours
d’ardents défenseurs dans le monde médical et scientifique.
L’EFFET « VAUDOU »
Transformé en zombi !
On sait que le terme vaudou s’applique à une religion originaire d’Afrique où
elle est encore pratiquée mais qui s’est surtout développée en Haïti. Dans ce pays,
cette pratique religieuse est notamment associée à des rituels magiques, en
particulier celui de la zombification. Le bokor, un sorcier, ou le hougan, un prêtre
vaudou, plonge une personne dans un état de catalepsie en lui administrant une
drogue puissante, la « poudre à zombi ». La victime, qui passe pour morte, est
ensuite enterrée. Au bout d’un certain temps, le sorcier ou le prêtre vient déterrer
le corps tout en récitant des formules magiques. Il lui administre rapidement une
pâte ou un liquide qui élimine les effets de la drogue et l’aide à sortir de sa
léthargie. Ensuite, il fait absorber à la victime un produit hypnotique pour la rendre
amnésique. Il peut désormais l’obliger à faire tout ce qu’il veut. Privé de conscience,
le malheureux est devenu corvéable à merci. L’individu, transformé en zombi,
s’instaure donc comme un mort-vivant qui a perdu une part de sa conscience et de
son humanité. Vu sous un angle occidental, on pourrait dire que c’est un
toxicomane ou un malade, une personne prisonnière physiquement et
psychologiquement.
Le professeur Jon-Kar Zubieta, neuropsychiatre à l’Université du
Michigan, qui travaille sur le métabolisme du cerveau a montré en
2012 que l’effet nocebo était notamment lié à une baisse de la
dopamine et de l’activité opioïde. La dopamine est un
neurotransmetteur impliqué, entre autres, dans la façon dont nous
ressentons l’environnement médical et, en particulier, la relation
médecin/patient. Quant aux opioïdes, ce sont des substances dont les
effets sont similaires à ceux de l’opium pour le traitement de la
douleur.
Les travaux de Zubieta ont permis de mieux comprendre
comment le stress, des réponses inadaptées aux événements, la peur,
l’anxiété jouaient un rôle important dans l’apparition des maladies,
de nombreux symptômes et l’augmentation de la souffrance, tant
physique que psychique, voire la mort.
Il faut donc être attentif à la manière de formuler un diagnostic
afin de ne pas majorer ses effets négatifs. En somme, même si le cas
de Sam Shoeman est extrême, certaines personnes peuvent être
confrontées à des symptômes, uniquement parce qu’on les a
prévenues qu’elles risquaient d’en éprouver. On pense aussi que ceux
qui craignent d’être sujets à certaines maladies ont plus de
possibilités d’en être atteints que ceux qui sont persuadés du
contraire.
Ainsi peut-on tomber malade, et parfois en mourir, juste parce que
nous ne croyons plus en nos capacités de guérison ou parce qu’un
tiers, un soignant, un « sorcier » blanc, nous l’a fait croire. C’est
pourquoi, même si dans une famille on note plusieurs cas de cancers
et même si l’on sait que des facteurs génétiques peuvent y contribuer,
il n’est pas bon de penser que tous ses membres y seront confrontés.
En effet, la plupart des maladies graves ont des origines
multifactorielles, et le genre de vie que nous menons, nos façons de
penser, notre foi en la vie contribuent aussi à nous assurer une bonne
santé.
En 2012, l’hebdomadaire allemand Der Spiegel a publié les
résultats d’une expérience menée sur des patients atteints de troubles
coronariens. On leur a administré un traitement dont l’un des effets
secondaires « pouvait » être une baisse de la libido. Certains d’entre
eux étaient avertis de cette difficulté, d’autres non : 31 % de ceux qui
étaient informés ont témoigné de troubles sexuels contre 3 % pour
ceux qui l’ignoraient.
Des médecins anesthésistes ont ainsi comparé la sensation de
douleur ressentie par des femmes enceintes lors de l’injection d’un
produit anesthésiant. Le groupe nocebo était préparé à la piqûre par
l’avertissement suivant : « Vous allez ressentir comme une intense
piqûre d’abeille. C’est la partie la plus désagréable de la procédure. »
Le groupe placebo était informé en ces termes : « Nous allons vous
donner un anesthésique local qui vous engourdira, pour que vous
vous sentiez bien pendant la procédure 7. » L’étude a permis de
montrer que l’utilisation de mots apaisants entraînait un impact
positif sur la sensation de douleur et le degré de confort lors des
procédures chirurgicales.
C’est dire si notre cerveau, que certains scientifiques ont comparé
à une « usine à médicaments », est capable de produire ce qui peut lui
nuire comme ce qui peut lui faire du bien et même le guérir. La
plupart d’entre nous ne croiraient pas un quidam vêtu en indien avec
une coiffe de plumes sur la tête qui nous annoncerait que nous
sommes très malades et que nous allons mourir. Mais songeons à ce
que nous ressentirions si un médecin, bardé de diplômes, nous
prédisait la même chose… La cause initiale de l’effet nocebo ne relève
donc pas tant du domaine de la neurochimie que de celui de la
croyance.
LE CERVEAU MÉDECIN
LE SECRET DE L’INTENTION
1. Sutta-Nipata, 654.
2. A. Schopenhauer, Le Monde comme volonté et représentation, 1818/1819, vol. 2, 1844
(nouvelle traduction de Ch. Sommer et coll. en 2 volumes), Gallimard, « coll. Folio », 2009.
3. J. L. Austin, Quand dire c’est faire, Le Seuil, Paris, 1970 (traduction par Gilles Lane de How
to do things with Words: The William James Lectures delivered at Harvard University in 1955,
Ed. Urmson, Oxford, 1962).
4. QCM : questionnaire à choix multiple, utilisé pour vérifier les connaissances des étudiants.
5. J. E. Grusec, « Le rôle des explications causales dans l’internalisation des valeurs », in J.-L.
Beauvois, N. Dubois & W. Doise (dir.), La Construction sociale de la personne, Presses
universitaires de Grenoble, 1999.
6. W. Lorber, G. Mazzoni, I. Kirsch, « Illness by suggestion: expectancy, modeling, and gender
in the production of psychosomatic symptoms », Annales of Behavioral Medicine, février 2007.
7. D. Varelmann, C. Pancaro, E. C. Cappiello, W. R. Camann, « Nocebo-induced hyperalgesia
during local anesthetic injection », Anesth Analg, vol. 110, no 3, mars 2010, p. 868-870.
8. J. Haygarth, Of the Imagination, as a Cause and as a Cure of Disorders of the Body ;
Exemplified by Fictitious Tractors, and Epidemical Convulsions, Crutwell, 1800.
9. Pr Christian Bérubé, « L’influence de l’intention du thérapeute sur les tissus du patient »,
thèse présentée au Jury international de Montréal, Collège d’études ostéopathiques de
Montréal, juin 2008.
CHAPITRE 2
Les pouvoirs de la pensée
sur le réel
Qu’est-ce que la pensée ?
« Fais de ta vie un rêve
et de ton rêve une réalité. »
Antoine de SAINT-EXUPÉRY
avec la conscience ».
Niels BOHR,
DIRIGER SA CONSCIENCE
OÙ EST LA CONSCIENCE ?
LA NOÉTIQUE
L’INTENTIONNALITÉ
Bien que les magnétiseurs soient fréquemment consultés par des
personnes de tous horizons, leur pratique demeure souvent mal
connue. Pour beaucoup d’entre nous, ils représentent encore des
personnages mystérieux qui seraient dotés de pouvoirs surnaturels.
Quand ils ne font pas partie de notre tradition familiale, on fait appel
à eux si la médecine traditionnelle a échoué. En fait, les « bons »
magnétiseurs, les magnétiseurs sérieux, ne prétendent pas tout guérir.
Ils connaissent les limites de leur pratique et ils l’annoncent. En
revanche, ils peuvent accompagner un traitement médical lourd,
produire une action antalgique lorsque ce dernier est douloureux. Ils
peuvent aussi lutter contre la dépression, les ruminations morbides
qui traversent les personnes obligées de se battre pour vivre.
Le magnétiseur Jean-Luc Bartoli 6, naturopathe de formation et
ancien sportif de haut niveau, décrit l’intention comme de la
compassion, de l’amour qu’il envoie à son client. Il explique que sa
main est le prolongement de son cœur. Et il avoue aussi que les
passes magnétiques ne sont que des « habillages techniques » :
l’intention pourrait suffire. C’est pourquoi, selon lui, le « guérissage »
marche aussi à distance.
Pour les guérisseurs, comme pour beaucoup d’autres praticiens,
les psychothérapeutes, les tenants des médecines alternatives, la
maladie mais aussi le stress, le mal-être sont des messagers qui
attirent notre attention sur un comportement nocif, un déséquilibre.
Ils considèrent l’esprit et le corps comme un tout, un ensemble
indissociable.
PENSÉES ET DIFFICULTÉS
1. Platon, Œuvres complètes, Edition de Léon Robin, Les Belles Lettres, CUF, Paris, 1970.
2. David Chalmers, L’Esprit conscient, Les Éditions d’Ithaque, 2010.
3. Jean-Jacques Charbonier, Les Preuves scientifiques d’une vie après-vie, éditions Exergues,
2008.
4. Pim Van Lommel, Mort ou pas, les dernières découvertes médicales sur les expériences de mort
imminente, Intereditions, 2012.
5. François Lurçat, Niels Bohr et la physique quantique, Le Seuil, coll. « Points », 2001.
6. J.-L. Bartoli, Se guérir entre les mains d’un guérisseur, une énergie transmise pour
s’autoguérir, coécrit avec Françoise Perriot, Le Courrier du Livre, 2011.
7. www.inrees.com/articles/Ecouter-sa-voix-intérieure-Janssen, 30 mars 2010.
8. S. Ortigue, F. Bianchi-Demicheli, N. Patel, C. Frum, J. W. Lewis, « La neuro-imagerie de
l’amour : IRMF méta-analyse – Preuve vers de nouvelles perspectives en médecine sexuelle »,
The Journal of Sexual Medicine 7 (11), p. 3541-3552.
CHAPITRE 3
LA PENSÉE POSITIVE
Le pouvoir de l’amour
Pour Fox, l’amour est ce qu’il y a de plus important au monde. Il écrit :
« L’amour est invincible. Il n’existe pas de difficulté qu’assez d’amour ne puisse
vaincre, pas de maladie qu’assez d’amour ne sache guérir, pas de porte qu’assez
d’amour ne puisse ouvrir, pas de précipice qu’assez d’amour ne soit capable de
franchir, pas de mur qu’assez d’amour ne puisse abattre, pas de péché qu’assez
d’amour ne rachète. Si grave que soit votre préoccupation, si désespérées que
soient les apparences, si embrouillé que paraisse votre problème, si grande que soit
votre faute, qu’importe ! Rien de tout cela ne subsistera si vous prenez
suffisamment conscience de ce qu’est l’amour. Si vous pouviez aimer assez,
vous seriez l’être le plus heureux, le plus fort du monde 1. »
LA MÉTHODE COUÉ
Un Français, Émile Coué, psychologue et pharmacien, s’engage
dans la même direction en réalisant l’influence qu’il opère en tant que
pharmacien sur la guérison de ses clients. Il invente, au début du
e
XIX siècle, une théorie, la fameuse « méthode Coué », tant décriée et
raillée, fondée sur la suggestion et l’autohypnose.
Coué considère que toute idée qui se grave dans notre esprit tend
à devenir une réalité si elle s’inscrit dans l’ordre du possible. Il écrit :
« Si étant malade, nous nous imaginons que la guérison va se
produire, celle-ci se produira si elle est possible. Si elle ne l’est pas,
nous obtiendrons le maximum d’améliorations qu’il est possible
2
d’obtenir . »
Selon lui, ce n’est pas tant la volonté qui nous fait agir que notre
imagination qui plonge largement dans l’inconscient. Quand nous
réalisons ce que nous voulons, cela signifie que nous nous imaginons
pouvoir le faire. Il conçoit donc l’inconscient de l’individu comme une
ressource qu’il faut utiliser en y introduisant des pensées positives.
Son postulat de base est le suivant : chaque fois que la volonté et
l’imagination entrent en conflit, c’est toujours l’imagination qui
gagne. Il va donc résumer ses assertions sous la forme de quatre
principes constituant les bases de sa méthode.
– Quand la volonté et l’imagination sont en lutte, c’est
l’imagination qui l’emporte sans aucune exception.
– Dans le conflit entre la volonté et l’imagination, la force de
l’imagination est en raison directe du carré de la volonté.
– Quand la volonté et l’imagination sont d’accord, l’une ne
s’ajoute pas à l’autre mais l’une se multiplie par l’autre.
– L’imagination peut être conduite par l’autosuggestion consciente.
En outre, Coué recommande à ses patients de répéter, vingt fois
de suite et trois fois par jour, la formule suivante : « Tous les jours et à
tous points de vue, je vais de mieux en mieux. »
Dès sa création, la méthode Coué est très bien reçue par les
Américains, qui surnomment son auteur « le petit marchand de
bonheur ». En France, et depuis quelques années, elle a retrouvé une
certaine autorité parce qu’elle entre en résonance avec un nouveau
paradigme : l’émergence d’une conscience quantique et
l’extraordinaire avancée des neurosciences.
L’AUTOGUÉRISON
Dès notre plus jeune âge, nous sommes confrontés à des chocs
physiques, des chutes, des coupures, des griffures, des plaies, des
bosses et des blessures variées. La plupart du temps, ces bobos qui
nous font souffrir et pleurer disparaissent d’eux-mêmes. La plaie
cicatrise, la bosse se résorbe toute seule, les bleus s’effacent en
quelques jours ou semaines, selon l’importance du choc.
Nous vivons aussi, en permanence, dans un environnement
« hostile » qui comporte des bactéries, des micro-organismes toxiques,
des microbes, des virus. La plupart du temps, quand notre système
immunitaire fonctionne normalement, il est capable de repousser les
ennemis qui tentent de nous attaquer. Même les fractures se
consolident. Les plâtres ou les bandages ne servent qu’à maintenir le
membre immobile et à favoriser cette consolidation.
Nous pouvons dire aussi qu’à de très nombreuses reprises nous
avons été confrontés à des risques d’infection auxquels notre
métabolisme et notre corps ont su résister, sans même que nous nous
en apercevions. Cependant, même si le phénomène passe inaperçu,
cela ne signifie nullement que le processus s’opère sans notre
consentement psychique. Autrement dit, il repose aussi sur notre
faculté d’accepter d’être guéris.
Or, le stress, les idées morbides, les pensées négatives, le désir de
vengeance, la colère perpétuelle, le découragement et le manque de
confiance en soi ne contribuent pas à la guérison. Même les médecins
les plus fermés à l’idée d’une relation corps-esprit savent bien qu’un
malade avec un bon moral aura beaucoup plus de chances de se
rétablir.
Les principes de l’autoguérison restent encore mal connus et mal
définis, du moins en Occident. Pourtant, de nombreux résultats ont
été confirmés par des médecins universitaires, des praticiens de
médecines alternatives et par les patients eux-mêmes.
Le principe de la santé repose sur l’homéostasie, du grec homoios,
« similaire », et stasis, « se tenir debout ». Définie par le grand
médecin français que fut Claude Bernard, l’homéostasie est la
capacité que possède un système quelconque de conserver son
équilibre en dépit des contraintes extérieures. Tous les paramètres
physico-chimiques de l’organisme doivent rester relativement
constants.
Nous pourrions donc penser que l’autoguérison est une sorte de
manifestation naturelle de la vie et de son équilibre, un signe de
notre bonne santé. Une santé si évidente que nous n’aurions pas
besoin d’y prêter attention. C’est seulement quand la maladie survient
que nous nous interrogeons. Qu’est-ce qui se passe ? Quelque chose
s’est arrêté, mais quoi ?
Même les personnes qui considèrent la maladie sous un angle
exclusivement physiologique se posent ces questions. Combien de
fois, dans notre pratique de psychothérapeutes, avons-nous entendu
des imprécations du type : « Mais qu’est-ce que j’ai fait pour en
arriver là ? » Là, c’est-à-dire dans les douleurs du corps, dans la
souffrance psychique. Notons que ce sont surtout les non-croyants qui
s’expriment de la sorte. Comme si, devant les épreuves, ils avaient
soudain besoin de (re)trouver une sorte de filiation avec le divin ; un
divin proche de la superstition qui leur permettrait d’expulser au-
dehors d’eux ce qui se passe en dedans.
Pour de nombreuses traditions, comme le bouddhisme ou le
chamanisme, mais aussi pour certains praticiens de médecines
alternatives, pour les psys et les tenants de la médecine
psychosomatique, les processus d’autoguérison ne se font pas tout
seuls. Ils ne tombent pas du ciel et, encore une fois, ne se réalisent
pas sans notre consentement. La maladie constituerait l’illustration de
ce non-consentement.
Naturellement, il existe aussi des maladies qui ne relèvent pas de
notre propre assentiment : l’exposition au virus Ebola, un accident
dont nous ne sommes pas responsables, certains troubles psychiques
graves (la psychose, par exemple) ou encore des maladies d’origine
génétique.
Cependant, dans le cas d’un accident de la circulation, un
psychothérapeute se demande toujours quelle a été la part de
responsabilité de l’individu dans ce qui lui est arrivé. Le conducteur a-
t-il eu besoin d’adrénaline en conduisant trop vite ? Était-il distrait,
sous le coup d’une émotion, de pensées qui modifiaient sa vigilance ?
Si un piéton a été renversé, était-il lui-même peu attentif à la
circulation ? A-t-il voulu traverser alors que le feu menaçait de passer
au vert ? Qu’est-ce qui est en jeu dans un accident, le défaut
d’attention, le sentiment d’être invincible, le désir inconscient de
provoquer le destin ?
L’autoguérison pose de troublantes questions. Prenons l’exemple
du système immunitaire dont le rôle dans l’organisme est de lutter
contre les infections qui le guettent : virus, microbes, bactéries,
parasites. Les globules blancs et les lymphocytes T nous protègent –
on les appelle aussi « killers » car ce sont des combattants chargés de
préserver notre immunité. Dans certaines affections comme le cancer,
le système immunitaire ne répond plus. Pourtant, on note des
guérisons spontanées chez un petit nombre de personnes. Elles sont
troublantes pour les soignants car elles ne répondent pas aux critères
habituels de la guérison.
Peut-on alors imaginer que le système immunitaire puisse être
contrôlé par la pensée ? Le lien, en tout cas, est établi.
• La méditation
• L’optimisme
• La pleine conscience
La psycho-neuro-immunologie
Cette science étudie l’impact des événements psychiques sur le système
immunitaire. Elle montre qu’il existe des relations entre le système nerveux central,
le système neuroendocrinien et le système immunitaire qui sont sensibles à des
facteurs psychologiques et environnementaux. C’est une approche interdisciplinaire
qui intègre les données de la
psychologie, des neurosciences, de la psychiatrie, de la médecine comportementale,
de l’immunologie, de la physiologie, de l’endocrinologie, de la pharmacologie, de la
biologie moléculaire, des maladies infectieuses et de la rhumatologie. Ainsi, le
système nerveux central est le centre de commande de tout l’organisme. Il contrôle
tous les mouvements et interprète les informations sensorielles. De son côté, le
système endocrinien possède des fonctions de régulation du métabolisme, de la
croissance et des fonctions sexuelles. D’où la nécessité de comprendre à quel point
l’influence de nos pensées sur notre santé et sur notre mieux-être est fondamentale.
• La relaxation
• La visualisation
• La sophrologie
• Le yoga
Le point de vue psy
Le reiki est aujourd’hui utilisé dans un certain nombre d’hôpitaux, notamment au
Québec. Ainsi, une étude pilote a évalué ses effets sur les niveaux d’anxiété et de
douleur de 22 femmes opérées pour une hystérectomie, l’ablation de l’utérus. Les
patientes étaient soumises à deux protocoles d’intervention : soins standard pour
les unes ; association de reiki et de soins standard pour les autres. Les patientes
ayant reçu du reiki ont témoigné d’une douleur moins importante, ce qui a
diminué leur prise d’analgésiques, les médicaments antidouleur.
UTILISER L’INTENTION
Le point de vue psy
Grâce à l’anamnèse, le récit de son histoire, nous avons découvert que Philippe
était né hors mariage d’un père déjà marié. Ce père avait reconnu son fils et
contribué aux dépenses de son éducation, mais il était resté au sein de sa première
famille.
Sa mère avait beaucoup souffert, tant sur le plan émotionnel (elle aimait cet
homme) que spirituel (très pratiquante, elle culpabilisait de sa « faute »). Quand
Philippe rencontre Agnès, il dit, et ce sont ses mots, qu’il ne peut « se retenir ». Il
l’aime et la désire tellement qu’au bout de six mois de fréquentation elle tombe
enceinte. Il reproduit donc le comportement de son père et ne peut se le pardonner.
Mais sa honte est si forte qu’il est obligé de « projeter » sur sa femme sa propre
culpabilité. L’histoire d’Agnès n’est pas banale non plus. Petite dernière d’une
fratrie qui comptait cinq garçons, elle avait été très attendue, choyée, bichonnée
par ses parents. Ses frères n’avaient pas supporté ce qu’ils estimaient être une
injustice. Le plus âgé l’avait régulièrement battue sous n’importe quel prétexte et
les autres ne manquaient jamais une occasion de l’humilier : « Tu es trop petite
pour jouer avec nous », « Les garçons sont forcément plus intelligents que les
filles », « Tu n’es qu’une grosse vache »… Généralement, Agnès ne réagissait ni à
leurs sarcasmes, ni à leurs coups. Et quand, trop rarement, elle l’avait fait, ses
frères avaient été punis mais elle en avait payé le prix. Ils avaient redoublé de
maltraitance. Elle avait donc appris à se taire, à museler ses sentiments. Et c’est
ainsi qu’Agnès et Philippe rejouaient aujourd’hui le scénario appris dans leur
enfance.
• L’intuition
Pour être certain que votre intention est juste, vous pouvez vous
fier à votre intuition. C’est un mode de connaissance immédiat,
détaché de la raison, qui prend la forme d’une évidence. Nous
« savons » sans pour autant pouvoir nous l’expliquer de façon
rationnelle. L’intuition est en lien avec notre monde intérieur, nos
désirs singuliers. Elle nous offre des informations, des idées qu’il est
nécessaire de savoir capter pour réussir.
Mais peut-être êtes-vous de ceux qui disent « Moi je n’ai pas
d’intuition ». C’est une erreur car l’intuition est un outil que nous
possédons tous. Quand nous ne la percevons pas, c’est que notre
entendement est brouillé par une foule de messages inutiles et
généralement négatifs : « Je n’y arriverai pas », « Je ne sais pas vers
qui me tourner », « Je n’ai pas assez de diplômes », « Je n’ai pas le
temps »… Figés par nos doutes, notre manque de confiance en nous,
nous ne savons pas lâcher prise, nous détendre, faire le vide pour
laisser la place à ce qui vient.
Essayez simplement de repérer, dans toutes les situations, les
manifestations de vos perceptions intuitives. Soyez à l’écoute, et votre
intuition s’exprimera. Prenons deux exemples très concrets :
– La recherche d’un emploi. Vous venez de passer un entretien
d’embauche qui s’est déroulé de manière positive. Vous êtes content
de la manière dont vous avez répondu et le recruteur vous a laissé
entendre que vous aviez vos chances. Cependant, vous n’êtes pas
complètement satisfait. Vous ressentez au fond de vous comme une
crispation, un manque. Cette sensation se manifeste par un
pincement au creux du plexus. Quel sens donner à cette
manifestation ? Le recruteur vous a-t-il été antipathique ou, du
moins, vous ne l’avez pas « senti », comme on dit ? Si ce n’est pas un
de vos futurs employeurs (DRH, DG) mais le consultant d’un cabinet
spécialisé, ce n’est pas forcément très grave. Vous l’avez intéressé, il
vous l’a dit et vous ne travaillerez pas avec lui. S’il s’agit de votre
futur manageur, soyez prudent car votre intuition vous alerte. Elle
vous recommande de ne pas vous engager à la légère. Qu’avez-vous
perçu de cette personne, quelle exigence sans limite, quel trait de
caractère secret ? Ou bien est-ce l’organisation de l’entreprise qui
vous met mal à l’aise ? Écoutez-vous. Même si on vous l’a présentée
comme une société éthique où les salariés ont de gros avantages…
– La rencontre amoureuse. Vous venez de rencontrer quelqu’un.
La personne vous plaît, vous aimeriez la revoir et, en même temps,
un signal d’alarme s’enclenche. Malgré votre désir de la rappeler,
vous n’arrivez pas à décrocher le téléphone. Votre interrogation peut
prendre le ton d’un dialogue intérieur : « Est-ce que je suis certain(e)
d’avoir envie de le (la) revoir ? », « Est-ce que j’ai envie de
l’embrasser ? », « Suis-je prêt(e) pour une nouvelle aventure ? »
N’hésitez pas à mettre des images sur vos questions, à visualiser les
situations que vous évoquez. Laissez vos sensations se développer.
Sont-elles agréables (une sensation de chaleur vous envahit, par
exemple) ? Ou désagréables (vous êtes crispé(e), vous avez mal au
ventre) ?
• L’attention
• L’action
Le point de vue psy
Nous pensons parfois que nos aspirations se heurtent à la réalité. Nous n’avons
pas fait d’études, ce qui nous empêche de prétendre au métier dont nous rêvons.
Nous venons d’un milieu défavorisé et pensons que notre situation est un état de
fait, un espace figé, que nous ne pourrons jamais modifier. En fait, les exemples
pullulent de personnes qui ne sont pas nées avec une petite cuillère en argent dans
la bouche et qui s’en sont sorties. Dans son livre, Aziz Senni fait le récit de son
parcours de jeune de banlieue à celui de chef d’entreprise. L’auteur est né au Maroc
en 1976 et a passé son enfance dans la cité du Val Fourré à Mantes-la-Jolie dans
les Yvelines. Il est l’aîné de six enfants, son père est cheminot et sa mère s’occupe de
la famille. En 2000, il crée sa première entreprise, une société de taxis collectifs à
destination des entreprises et des particuliers. « Plus rapide qu’un bus et moins
cher qu’un taxi », tel est son slogan. Il intégrera HEC et l’ESSEC par la voie
professionnelle. En 2007, il fonde le premier fonds d’investissement consacré au
développement économique des banlieues. Depuis, il n’a cessé de collectionner les
prix, les projets et les livres. Il a aussi reversé les droits d’auteur de son premier
ouvrage à des collégiens de Mantes-la-Jolie.
LA MÉDITATION DES SOUS-PERSONNALITÉS
Voici un exercice que vous pourrez effectuer afin de réaliser un
projet, améliorer une relation, comprendre les raisons pour lesquelles
une situation est paralysée. Choisissez un domaine de votre vie sans
décider, à l’avance, de la sous-personnalité avec laquelle vous allez
travailler. Vous le découvrirez durant la méditation.
Asseyez-vous dans un lieu agréable et confortable, à l’intérieur ou
à l’extérieur. Respirez lentement par le ventre, videz votre mental,
laissez passer les idées parasites sans vous contraindre à les faire
disparaître. Vous devez être comme un client à une terrasse de café
qui regarde passer les badauds.
Ressentez votre environnement, écoutez les sons à l’extérieur et
en vous (votre souffle, le gargouillis de votre ventre), humez les
odeurs, éprouvez la vibration de l’air.
Prenez alors contact avec votre Moi supérieur, cette partie de
vous-même qui est dans l’ouverture du cœur et la compassion, votre
« vieux sage » intérieur. Si vous n’êtes jamais entré en contact avec
celui-ci, imaginez-le. Il peut prendre n’importe quelle forme, humaine
ou non.
Invitez maintenant la sous-personnalité qui est en train de faire
obstacle à votre projet. Regardez-la venir vers vous. Est-elle
masculine ou féminine, jeune ou vieille, à quoi ressemble-t-elle,
quelle est son attitude ? Ressentez-vous de la crainte en la voyant, de
l’énervement, vous fait-elle sourire ?
Engagez une conversation avec elle et demandez-lui d’abord son
nom. Dites-lui ensuite que vous l’avez conviée afin qu’elle vous
raconte ce qu’elle pense de votre projet. Écoutez sa réponse et,
simultanément, envoyez-lui de l’amour et de la compassion.
Lorsqu’elle aura terminé ses explications, invitez-la à vous
accompagner au sommet d’une colline. Pour vous y rendre, vous
pouvez marcher, voler, vous servir d’un oiseau ou d’un hélicoptère
que vous piloterez. Une fois arrivés au sommet tous les deux,
suggérez à votre sous-personnalité d’admirer le paysage qui s’étend
devant vous. Il symbolise votre évolution, vos forces, une nouvelle
donne, votre nouvelle vie.
En tant que Moi supérieur (ce que vous êtes en ce moment),
demandez à votre sous-personnalité ce qu’elle peut faire pour vous,
ici et maintenant. Soyez ferme et précis. Exigez des détails. Puis
remerciez-la et montrez-lui votre gratitude pour toute l’aide qu’elle
vous a apportée jusqu’à ce jour.
Maintenant racontez-lui quels sont vos plans à venir et, en
particulier, ce qui vous préoccupe le plus (une relation, un objectif, un
besoin) et qui concerne votre méditation d’aujourd’hui. Puis
interrogez-la : quels sont ses doutes, ses inquiétudes, ses craintes à ce
sujet ? Vous devrez l’écouter attentivement et avec beaucoup d’amour.
Ne vous laissez pas abattre par ce qu’elle vous dira. Restez ferme
dans votre intention et demandez-lui de vous aider à réussir.
N’oubliez pas de souligner que vous l’avez écoutée et qu’elle reste
importante pour vous en tant que sous-personnalité.
Proposez-lui d’inviter, avec son accord, un être de lumière à venir
parmi vous. Accueillez-le et demandez-lui de l’aide pour votre sous-
personnalité car il sait comment l’aider à se transformer. Une fois qu’il
lui aura transmis une énergie de guérison, remerciez-le et invitez la
sous-personnalité à revenir vers vous.
Comment est-elle maintenant ? Son apparence a-t-elle changé ?
Son attitude est-elle différente ? Après l’avoir observée
soigneusement, demandez-lui si elle est prête à vous accompagner
dans votre projet actuel et dans ceux que vous ferez par la suite.
Prenez le temps du dialogue. Elle doit s’engager auprès de vous.
Demandez-lui aussi de vous confier trois modus operandi afin de
vous appuyer dans votre projet. Il se peut qu’elle vous les confie, mais
il n’est pas forcément nécessaire que vous les connaissiez. Ils agiront
de toute façon.
Enfin, remerciez-la, installez-la devant vous et créez un immense
halo de lumière pour vous deux. Voyez-le, respirez-le, sentez-le, puis
faites quelques mouvements pour détendre vos muscles avant de
retrouver la réalité ordinaire.
Vous pourrez noter vos impressions dans un cahier, ainsi que les
changements qui se produisent en vous dans les heures et les jours
qui suivent. Enfin, vous y consignerez le résultat de votre méditation.
Cette méditation n’est qu’un modèle, une grille sur laquelle vous
allez pouvoir vous appuyer, pour construire la vôtre en choisissant
des questions qui vous paraissent mieux adaptées à votre situation
personnelle. En effet, le propre de l’imagination active est de
développer votre propre imagination.
LA VISUALISATION POSITIVE
★ Sandra et le banquier
Sandra avait soigneusement noté ce rendez-vous sur son
agenda. Elle devait rencontrer son banquier pour discuter
de la possibilité d’un crédit. Malheureusement, elle n’aimait
pas « le bonhomme », elle ne l’avait « jamais senti ». Elle
aurait préféré consulter un autre professionnel,
recommandé par l’un de ses amis. Cependant, elle n’avait
pas osé, une histoire de loyauté, la crainte de devoir
changer de banque. Bref, le jour prévu, à l’heure dite, elle
décide tranquillement d’aller au cinéma puisque, cet après-
midi, Sandra n’avait pas prévu de travailler. Elle regarde
paisiblement le film. Elle est heureuse, elle passe un bon
moment, elle a échappé à la routine journalière. Mais en
sortant, badaboum, le souvenir du rendez-vous lui revient.
Que penser de ce « raté » ?
Le point de vue psy
Il serait intéressant de s’interroger sur la raison profonde de ce loupé, de ce fameux
« acte manqué » comme disent les psys. Psys qui ajoutent, selon une formule
consacrée par l’expérience, qu’« un acte manqué est toujours un acte réussi ».
« L’image est une force agissante, il est légitime de la faire agir », écrivait le
psychanalyste Charles Beaudoin. C’est pourquoi Freud nous convie à rendre
l’inconscient le plus conscient possible en nous recommandant d’affronter nos idées
bizarres, nos fantasmes inavouables et à interpréter nos rêves, qu’ils soient
nocturnes ou éveillés.
INTERPRÉTER SES RÊVES NOCTURNES
• L’endormissement conscient
Il s’agit de s’engager délibérément dans un rêve à partir de l’état
de veille. Faites l’expérience 1 heure avant de dormir, un soir où vous
avez l’occasion de dormir seul et où vous n’êtes ni épuisé ni agité.
Optez pour la pénombre dans votre chambre en utilisant une
veilleuse. Maintenez aussi le calme. Vous ne devez pas être distrait
par le tic-tac de votre réveil ou tout autre bruit.
Allongez-vous, un coussin sous la nuque et les bras le long du
corps. Respirez lentement avec le ventre jusqu’à ce que vous soyez
complètement détendu. Concentrez-vous sur votre respiration, elle
doit être le centre de votre pensée. Pour vous y aider, vous pouvez
vous répéter mentalement : « L’air entre par mes poumons », « L’air
sort de mes poumons » à chaque inspiration et expiration. Fixez-vous
ensuite sur les battements de votre cœur. Leur rythme alterné doit
être votre unique point de réflexion.
Laissez-vous aller, vous êtes de plus en plus détendu, votre corps
est lourd, les battements de votre cœur se sont ralentis, vous êtes en
train de respirer tout doucement comme un paisible dormeur. Ça y
est, vous êtes prêt à entrer directement dans le rêve.
• Trouver des solutions
Pour les deux prochains exemples, nous nous appuierons sur des
témoignages.
• Réussir
É
Éprouvez
« Seul l’amour peut garder un être vivant. »
Oscar WILDE
DE L’AMOUR
Des neuropsychologues américains ont étudié la relation
amoureuse, de l’étreinte passionnée à la tendresse en passant par la
scène de ménage. Sous scanner, la neuroanatomie d’un baiser montre
que le cerveau des deux amoureux se synchronise. Le cortisol, un
indicateur de stress, baisse tandis que les anticorps, ces gardiens du
système immunitaire, augmentent. A contrario, une dispute entraîne
des effets négatifs. La qualité du système immunitaire diminue et le
fonctionnement cardio-vasculaire entre en souffrance. L’amour nous
répare donc autant qu’il peut nous détruire quand nous l’avons perdu
ou lorsqu’il devient conflictuel. Il n’est pas rare de souffrir de toutes
sortes de symptômes, voire de tomber malade à la suite d’une
rupture.
Comment l’amour est-il capable de nous restaurer, de nous donner
soudain des ailes et l’envie de vivre mieux et plus fort ?
Nos rencontres ne doivent rien au hasard. La foudre a besoin d’un
paratonnerre pour tomber sur une maison… Comme la foudre,
l’autre nous adresse des signes subtils, des messages non verbaux qui
parlent à notre conscient comme à notre inconscient. La façon dont
nous avons été aimés dans notre enfance, regardés, bercés, caressés
nous rend sensibles à des signaux qui sont véhiculés par le corps de
l’autre, sa posture, le son de sa voix. Souvent, nous tombons
amoureux de celui (celle) qui ravive les traces de notre passé, des
traces que nous avons besoin de retrouver.
C’est la raison pour laquelle nous tombons aussi amoureux de
personnes toxiques. Celles-ci vont réveiller de vieilles douleurs,
d’anciennes tensions jamais apaisées. La « compulsion de répétition »
est à l’œuvre quand, au lieu de nous panser, l’autre rouvre nos
blessures.
Cependant, les carences du passé peuvent aussi devenir un facteur
de stabilité à l’intérieur du couple. Nous allons nous donner du mal
afin de réparer ce qui a été brisé dans notre histoire infantile : nous
montrer plus tendres ou plus sincères, ne pas faire la tête, dire notre
tendresse. La relation amoureuse est un facteur de résilience, cette
capacité que possède toute personne à s’adapter, à accepter le passé
sans le reproduire de manière névrotique. Grâce à elle, nous allons
pouvoir nous appuyer sur ce qui existe de solide et de constructif en
nous pour bâtir un nouveau présent et favoriser le futur.
Les organes sexuels constituent également de puissants centres
d’énergie. Selon le Tao, c’est le souffle (le chi chez les Chinois, le qi
chez les Japonais) qui permet de se relier aux forces cosmiques. Du
point de vue de la médecine énergétique chinoise, la maladie, qu’elle
soit psychique ou physique, surgit lorsqu’un organe manque de chi.
Les médecins traditionnels chinois préconisent alors certaines façons
de faire l’amour, certaines positions, qui permettraient d’augmenter
notre force vitale, de conserver notre jeunesse et de préserver notre
santé. Car l’énergie sexuelle est spontanément conduite en direction
de l’organe défaillant.
Le Tao distingue trois centres d’énergie principaux : le cerveau, le
cœur et les organes sexuels. Chacun de ces centres canalise l’énergie
et la répartit dans tout l’organisme. Cependant, ils ne canalisent pas
tous une capacité de production et de réserve d’énergie identiques.
Ainsi, le cerveau ne ferait circuler l’énergie que lorsqu’il est sollicité
dans le cadre du travail, de l’apprentissage ou du jeu. Si,
généralement, nous savons parfaitement faire fonctionner notre
cerveau, nous oublions parfois notre cœur et notre sexualité.
Être amoureux accroît la vitalité. Faire l’amour est un puissant
remède contre le stress, la morosité, les tensions – se « réconcilier sur
l’oreiller » ne procède pas d’un autre principe… Les trois principaux
centres d’énergie se nourrissent mutuellement mais n’ont pas les
mêmes effets. Le cœur génère de l’amour alors que les organes
sexuels provoquent excitation et orgasme. Quand nous éprouvons
amour et orgasme en même temps, les deux forces s’associent, et
l’énergie vitale est à son comble.
Le Dr Léonard Laskow, un gynécologue et obstétricien formé à la
médecine psychosomatique et holistique, étudie les pouvoirs de
guérison par l’amour depuis plus de trente ans. Selon lui 2, l’amour, au
sens le plus large, la relation à deux, l’amitié, le souci des autres, la
compassion, le pardon constituent des atouts pour freiner, de manière
significative, la croissance de cellules tumorales mais aussi le
développement des bactéries ou des microbes.
Nous sommes tous reliés les uns aux autres, mais notre culture,
notre éducation nous ont enseigné que nous constituions des entités
séparées. Cette théorie holistique, qui recoupe celle de la physique
quantique, met en lumière la manière dont nous pouvons libérer une
formidable quantité d’énergie soignante, dès lors que nous cessons de
nous considérer comme séparés, isolés.
DE L’AMITIÉ
Qui, mieux qu’un ami, est capable de nous dire ce que nous ne
voulons pas voir, pas entendre ? Nous nous embourbons dans un
métier parce que c’était le choix de nos parents ; nous souffrons d’un
amour en gris, d’un amour en berne, mais nous n’osons en parler à
personne – et surtout pas à celle ou à celui qui est directement
concerné.
Comme tout engagement, l’amitié comporte aussi une prise de
risque : celui d’être déçu par le comportement de l’autre. Il tarde à
répondre à notre appel, elle ne nous écoute pas comme nous le
voulons, ils ne nous disent pas ce que nous aimerions entendre.
L’amitié, comme l’amour, engendre parfois une souffrance affective.
Nous espérons de l’écoute, du partage et de la réciprocité. Aussi
quand le soutien attendu tarde à venir, nous pensons que notre
confiance a été abusée. Ceux à qui nous faisions presque aveuglément
confiance nous apparaissent alors comme des traîtres.
Sommes-nous dans le vrai ? Ou refusons-nous d’accepter la
moindre faiblesse de la part de l’autre ? Une relation se tisse toujours
à deux. Les circonstances peuvent-elles expliquer ce que nous
ressentons comme un manque ? Notre ami est-il lui-même dans une
passe difficile ? Peut-être avons-nous nous-mêmes manqué
d’attention ? Sommes-nous certains d’avoir été infaillibles à son
égard ? Nos attentes ne sont-elles pas parfois excessives ? Cette
investigation intérieure va nous permettre de prendre notre part de
responsabilité dans la relation et de relativiser notre déception.
Il convient aussi, probablement, de prendre notre temps avant
d’accorder à quelqu’un le statut d’ami. L’emballement, le coup de
foudre au sens amoureux du terme, constitue une prise de risque
supplémentaire. Mieux vaut donc attendre afin de mieux nous
connaître, nous comprendre, nous accepter tels que nous sommes
dans ce qu’il y a de meilleur et, quelquefois, de moins glorieux.
Enfin, il est indispensable de ne pas mettre tous nos amis dans le
même panier ! De savoir distinguer les amis des copains et les
copains des simples relations. Établissons une sorte de baromètre
amical et ne partageons pas la même chose avec tous.
Cela dit, vrais amis ou simples copains, les relations amicales
embellissent l’existence. Elles nous rendent plus vivants, plus
généreux, et nous ouvrent à d’autres manières de penser et de réagir.
Elles nous font découvrir des histoires, des métiers, des
comportements parfois voisins des nôtres, parfois radicalement
différents. En ce sens, l’amitié est un voyage, une manière de
déchiffrer des territoires inconnus.
Bref, l’amitié se constitue dans une interaction subtile entre ce qui
nous rassemble et ce qui nous différencie.
LES ÉTAPES DU PARDON
Dans les groupes de parole que nous animons autour du pardon
mais aussi dans nos thérapies, nous procédons en cinq étapes.
1. La prise de conscience
2. Cesser l’autocritique
Se sentir entièrement responsables de ce qui nous arrive, ne pas
faire la part des choses (la part de l’autre, sa responsabilité), s’en
vouloir, se flageller, est un excellent moyen pour se donner l’illusion
que la situation est sous contrôle. Inutile de songer à pardonner à qui
que ce soit et encore moins à nous-mêmes puisque notre
responsabilité, au moins, c’est du solide. Nous pouvons nous y
accrocher en demeurant maîtres du système.
La très grande majorité des enfants se vivent ainsi comme les
thérapeutes de leurs parents. Si ceux-ci font preuve de
comportements inadéquats (ils sont violents ou indifférents, leurs
exigences vis-à-vis des résultats scolaires ou de la politesse sont sans
limite), les enfants pensent qu’ils en sont responsables. Ils croient que
s’ils se montraient plus sages, plus ordonnés, leurs parents se
conduiraient autrement. Cette croyance se perpétue fréquemment à
l’âge adulte dans nos relations avec autrui.
3. Sortir de la victimisation
4. Oser la colère
Le point de vue psy
Le pardon, qu’on le vive en présence de ceux qui nous ont humiliés ou qu’il se forge
dans l’intimité du cœur, constitue toujours un acte de libération. C’est la marque
de notre force intérieure, le signe que nous sommes capables de nous dépasser. Il
nous confronte aux turbulences de notre humanité : la capacité de détruire et de
construire, d’accéder à une forme de transcendance. Il nous permet de reprendre
en main les rênes de notre histoire, de nous reconnaître et de reconnaître les
autres comme des personnes susceptibles de transformation, capables de retrouver
le chemin du bien. Le pardon n’est donc ni une grande lessive de printemps, ni un
coup d’éponge que nous passerions sur la réalité. C’est une sorte de (re)création
dont nous sommes les metteurs en scène, qui nous permet de revisiter des
événements, de les examiner en faisant la part de nos fantasmes, de nos
projections, de notre propre responsabilité. Au lieu de visionner continuellement le
même film, nous pouvons remanier le script, éclairer autrement les scènes.
SE FAIRE PARDONNER
Acceptez ce qui est
« Il faut accepter les coups de pied de la vache comme on accepte
son lait et son beurre. »
proverbe indien
ACCEPTER DE RECEVOIR
FAIRE SON DEUIL
1. Le choc
2. Le déni
3. La colère et le marchandage
5. La résignation
7. La reconstruction
LÂCHER PRISE
Désencombrez-vous
« On peut aussi bâtir quelque chose de beau avec les pierres
du chemin. »
GOETHE
LA PEUR DU VIDE
L’ART DU DÉSENCOMBREMENT
Avons-nous réellement besoin d’une trentaine de paires de
chaussures et des sacs qui vont avec ? Pouvons-nous affirmer en
conscience que nous profitons de chacun d’eux ? Est-il obligatoire
d’accumuler les petits appareils électroménagers qui rouillent dans
notre placard au lieu de profiter pleinement de la grosse machine
« qui fait tout » – et qui nous a d’ailleurs coûté le prix d’une semaine à
Ibiza ? Est-il capital de multiplier les relations au lieu de faire grandir
les liens avec une dizaine de personnes sûres ? Pourquoi laisser
proliférer des bibelots de petite facture alors que nous sommes en
possession de deux ou trois beaux objets qui viennent de notre
famille ?
Nous consommons beaucoup car nous sommes assez rarement
satisfaits de ce que nous détenons. Nous ne pensons pas toujours à
remplacer la quantité par la qualité. Pour y remédier, une seule
solution existe : faire le vide en soi et autour de soi. Quelques pistes
pour vous mettre sur la voie :
Donnez, vendez ou jetez les vêtements qui ne vous vont plus et
ceux que vous ne portez jamais ; les objets ou les ustensiles
tellement inutiles ou invisibles que vous ne savez même plus où
ils sont ; les meubles encombrants mais peu pratiques ; les livres
qui n’ont pas de valeur sentimentale.
Ne dépensez pas plus que ce que vous gagnez, cessez de vivre à
crédit sauf pour les achats importants.
Privilégiez des aliments aussi peu transformés que possible ;
étudiez les étiquettes, notre organisme n’a pas besoin de tous les
additifs qui y figurent. Faites la cuisine avec des produits simples,
une cuisine de base qui respecte votre peu de temps à y consacrer
mais aussi vos papilles.
Maintenez et développez de bonnes relations avec les personnes
en qui vous avez réellement confiance ; conservez une certaine
réserve avec les autres.
Donnez-vous du temps ; installez-vous régulièrement dans un
espace où vous pourrez être seul et vous immerger dans le
silence ; vous avez besoin de tranquillité.
Vivre de peu (ou de moins) ne signifie pas vivre dans la
médiocrité, le repli, la famine ou la pénurie. C’est un moyen pour
profiter pleinement de tout ce que nous possédons en nous et autour
de nous. Une manière de ne plus aller quêter ailleurs la richesse qui
existe là, ici et maintenant.
Soyez bon
« J’appelle l’amour et la compassion une religion universelle.
Telle est ma religion. »
Le DALAÏ-LAMA
LA COMPASSION
L’ALTRUISME
LA GENTILLESSE
Le point de vue psy
Morgane confond la demande de sa mère avec celle de son ami. Inconsciemment,
elle ne souhaite pas perdre la relation fusionnelle construite depuis l’enfance. Elle
ne peut donc s’empêcher de réitérer avec Nicolas le dialogue fait d’amour et de
haine qu’elle entretient avec sa mère. L’amour, l’amitié, toute relation ne rime pas
avec dépendance, pas plus qu’avec asservissement ou assujettissement. Les liens
affectifs, quelle que soit leur nature, sont entachés d’ambivalence. Nous aimons et
nous n’aimons pas. Nous apprécions des façons d’être de l’autre mais pas certaines
de ses facettes. Nous avons alors envie de grogner et non de sourire. Il est donc
parfois nécessaire de s’opposer, de contester, voire de se révolter avant d’être
assertifs, totalement en accord avec nous-mêmes lorsque nous disons non.
Pleinement centrés sur nos besoins authentiques, nous pourrons à ce moment-là
être pleinement gentils.
Les travaux de l’Américain Wayne W. Dyer, un docteur en
psychologie qui travaille notamment sur les pouvoirs de l’intention,
ont montré qu’un seul vrai geste de bonté stimulait la production de
sérotonine. Ce neurotransmetteur est engagé dans la régulation des
émotions ; sa carence entraîne anxiété, angoisse et agressivité. Le rôle
de la plupart des médicaments antidépresseurs consiste d’ailleurs à
stimuler la production de sérotonine. Dyer souligne que la gentillesse
augmente non seulement le taux de sérotonine chez la personne
émettrice comme réceptrice, mais également chez les témoins de ces
échanges. Autrement dit, la bonté fait du bien à tout le monde !
Un Autrichien, le docteur Hans Selye, endocrinologue, inventeur
du concept de stress, montre aussi que le fait de se montrer
bienveillant et généreux vis-à-vis des autres entraîne du plaisir. Or, ce
plaisir diminue la sécrétion de cortisol, l’une des hormones du stress.
Il préconise un comportement « altruiste égoïste » : faisons du bien
aux autres pour nous faire du bien à nous. La gentillesse serait un
calmant 100 % écologique et naturel.
Enfin, la gentillesse agirait aussi sur l’estime de soi. C’est en tout
cas le point de vue de deux psychologues américaines de l’Université
de Stanford qui ont travaillé sur un modèle expérimental de
« bonheur durable 7 », qui pourrait être enseigné à tous. Selon elles,
les actes de bonté, la capacité à exprimer sa gratitude, l’optimisme, la
possibilité de manifester sa joie devant les événements agréables de
l’existence représentent la voie la plus prometteuse pour accéder au
bonheur.
Dans l’une de leurs expériences, des étudiants était divisé en deux
groupes pendant dix semaines. Au premier groupe, il a été demandé
de s’engager dans des actions altruistes : aider les autres, rendre
service, ne pas oublier de saluer quelqu’un. Au second groupe, rien de
particulier n’a été demandé. Au bout des dix semaines, les étudiants
qui avaient régulièrement pratiqué la gentillesse étaient de bonne
humeur et, surtout, avaient développé une meilleure image d’eux-
mêmes.
La gentillesse est un art de vivre qui, à l’instar des autres arts, se
développe parce que nous le cultivons. N’oublions pas de « faire des
gammes » comme celui qui apprend le piano et rêve de jouer
parfaitement ses morceaux préférés. Comment faire de la gentillesse
une première et non une « seconde nature » ? Comment nous
entraîner à l’entraide, à la collaboration et à la solidarité ? Voici
quelques idées :
Rendez service chaque fois que vous le pouvez et que vous en
ressentez le besoin sincère.
Invitez une personne isolée à prendre un café, à déjeuner ou à
dîner.
Si vous manquez de temps pour le faire, passez un coup de fil,
envoyez-lui un courriel.
Aidez un collègue à finaliser un dossier, un voisin à porter ses
courses.
Remerciez-les si c’est eux qui vous ont aidé (un petit mot, un
courriel).
Sur votre lieu de travail, n’hésitez pas à apporter des friandises,
des chocolats au moment des fêtes. Offrez-en à tout le monde.
Partagez aussi les cadeaux que vous recevez de la part de vos
clients ou de vos fournisseurs.
Osez faire des compliments sincères, même à une personne du
sexe opposé. Remarquez sa coiffure, son nouveau look.
Proposez toujours à une personne âgée, à un parent embarrassé
par ses jeunes enfants et son Caddie, de passer à la caisse du
supermarché avant vous, dans la mesure où vous n’êtes vous-
même pas trop pressé.
Dans la rue, le métro, le bus, montrez-vous avenant avec les
inconnus – oui, même ceux qui vous bousculent ou vous marchent
sur les pieds ! C’est le meilleur moyen de ne pas alimenter un
conflit.
Prévenance, attention, amabilité, douceur, coup de main… la
gentillesse peut prendre bien des formes. À vous de choisir la vôtre en
fonction du moment et de qui vous êtes.
LA BIENTRAITANCE
• Le respect du corps
• Le respect du langage
Il arrive que les enfants nous… soûlent ! Ils crient, leur babil nous
assomme. Les personnes en situation de handicap sont exigeantes, les
malades aussi. Les personnes âgées, elles, radotent. De tous, on
connaît le discours par cœur. Et c’est fatigant.
Seulement, on oublie que le langage, les jeux, la turbulence sont
nécessaires à l’enfant pour grandir ; faire du bruit le soulage de ses
tensions, l’aide à se construire. On ignore que radoter c’est se
rapporter au passé, se souvenir, se tenir en vie ; la remémoration
permet de continuer à donner du sens à une existence qui s’est
rétrécie.
Parfois, on donne des surnoms à ceux dont on a la charge :
Superman, Chouchou… On raccourcit leur prénom : Coco pour
Colette, Fred pour une Frédérique… Ces sobriquets ne sont pas
toujours péjoratifs, du moins en apparence. Ils renvoient à des
qualités spécifiques ou à un comportement particulier. Ils indiquent
notre désir illusoire mais naturel de ne pas voir nos enfants grandir.
Le sobriquet, quand il sonne gentiment comme « Bichette », fait écho
à l’enfance, aux « petits » noms, aux douceurs de la langue
maternelle. Cependant, continuer à se faire appeler « Bichette » à
40 ans ou être affublé d’un « Chouchou » quand on approche de la
retraite est parfois difficile à supporter.
Les sobriquets sont le terreau des noms propres. La plupart
d’entre eux ont été formés à partir d’une particularité physique
(Legrand), de l’appartenance à une ville, à un pays (Paris, France).
Mais, précisément, en n’appelant pas les gens par leur nom, on oublie
que le nom « propre », au sens de ce qui est « à soi », est constitutif de
l’identité. On ne se souvient plus que le prénom personnifie le sujet,
perdu au milieu de tous ceux qui portent un nom analogue. Enfin,
nommer l’autre c’est aussi le faire exister. Utiliser le surnom pour
appeler un adulte est donc une manière d’affirmer que la maladie, la
retraite, le handicap renvoient l’être humain vers un interminable
état d’enfance.
On parle souvent d’un enfant ou d’un patient à la troisième
personne : il est là mais on fait comme s’il ne l’était pas. « Il a encore
été se traîner dans la boue », dit-on d’un enfant qui a sauté dans des
flaques. Les « vieux » avec leurs déficiences variées (démarche mal
assurée, discours haché, divagations, gestes malhabiles, incontinence)
sont vite reconsidérés comme des enfants. On les traite donc comme
tels : « Elle a bien pris ses comprimés ? », « Et maintenant il se
couche ? »…
De sujet la personne est devenue objet. On ne lui adresse pas
directement la parole pour la gronder ou lui demander ce qui arrive.
La formule permet de faire passer l’information mine de rien, sans
avoir à gérer un reproche ou une inquiétude en face à face. On peut
aussi s’adresser directement à l’individu tout en faisant comme s’il
était absent. On s’esclaffe en lui demandant s’il entend toujours la
voix de son frère (histoire vraie issue d’un hôpital psychiatrique). On
lui dit, s’il demande quelque chose qui nous ennuie : « Arrêtez, vous
savez bien que vous n’avez plus toute votre tête » (entendu dans une
clinique).
Dans tous les cas, l’usage de la troisième personne permet de tenir
à distance ce qui nous fait peur : la vieillesse et sa dégradation, la
folie et ses « bêtises », tout ce qui pourrait aussi nous arriver.
Lorsqu’il s’agit d’adultes, le tutoiement doit également être manié
avec précaution. En France, il est d’usage de tutoyer les enfants, dans
la mesure où nos traditions familiales ne nous imposent pas le
vouvoiement. En dehors de la cellule familiale, les adolescents et les
jeunes adultes seront tantôt tutoyés, tantôt voussoyés, selon les
circonstances.
Le « tu » témoigne de la qualité d’une relation. Il dit, en principe,
notre proximité avec l’autre. Mais il en appelle également à des
rapports hiérarchiques, celui du maître et de l’élève, du chef et de ses
employés. Évidemment, le tutoiement s’est beaucoup banalisé. Dans
les entreprises, les salariés se tutoient souvent, y compris s’il existe
des différences hiérarchiques importantes entre eux. Pourtant, on
tutoie rarement le grand patron, sauf dans certaines organisations.
Les cadres se tutoient entre eux mais ils ne tutoient pas forcément
leur secrétaire. Dans tous les cas, le tutoiement nécessite des
précautions, une réflexion. Il ne doit pas se fonder sur le besoin de
dominer l’autre mais sur celui de témoigner d’une proximité avec lui,
et ce avec son accord.
• Le respect des liens
LA RÉSILIENCE
LES FACTEURS DE RÉSILIENCE
Dans les années 1950, deux psychologues américains, Jack et
Jeanne Block, ont tenté d’identifier les capacités d’une
« personnalité » résiliente. Ils en dénombrent quatre :
sécurité émotionnelle
disposition à nouer des liens avec les autres
faculté à s’engager dans un travail productif (études, vie
professionnelle)
aptitude au bonheur.
Un enfant qui aurait intégré très tôt ces « qualités » serait alors
plus armé pour affronter les difficultés de l’existence.
Cependant, on l’a vu, la sécurité émotionnelle dépend étroitement
de nos premières expériences sensorielles, sociales et affectives. Si
l’on suit ce raisonnement, notre rapport au monde et notre aptitude
au bonheur reposeraient pour beaucoup sur le climat familial. Pour
être potentiellement résilients, il nous faudrait avoir connu une
enfance sécurisante, des parents heureux, une famille unie, un réseau
social et amical soudé, etc.
Autant de paramètres dont les résilients n’ont pas toujours
bénéficié… Les enfants abandonnés dans les orphelinats roumains en
sont un triste exemple. Si 40 % d’entre eux sont morts, les autres ont
parfois été sauvés, « résiliés », grâce à des personnes qui les ont pris
en charge ultérieurement.
★ Jeanne et la liberté
Jeanne a été élevée par une dyade formée de ses seules
mère et grand-mère, étroitement unies dans une relation
d’amour et de haine, de scènes violentes et de
réconciliations tout aussi fracassantes. Elle raconte :
« J’avais parfois l’impression de ne pas exister tant leur
relation était fusionnelle. Elles passaient leur temps à se
disputer, à s’insulter, ma grand-mère s’enfermait dans le
mutisme pendant plusieurs jours et ma mère ne cessait de
pleurer. Parfois, elle ne pouvait plus aller travailler
tellement son visage était défiguré par les larmes. Après
quoi, j’avais droit à une grande scène d’amour où elles
préparaient un dîner en commun avec nappe blanche,
verres en cristal et bougies parfumées. Et là, elles
n’arrêtaient plus de se faire des excuses, de se répéter
combien elles s’aimaient. Bien sûr, elles m’associaient à la
fête mais comme une vedette américaine. J’étais là pour, si
j’ose dire, “tenir la chandelle”, sourire, ne pas intervenir
dans la conversation, servir et desservir. Évidemment, on
ne voyait personne. Quand j’ai emmené ma meilleure amie
de CM2 à la maison, elles l’ont reçue très froidement. Ma
mère la trouvait prétentieuse et ma grand-mère a déclaré
qu’elle était sans intérêt. Jusqu’au jour où, à l’âge de
16 ans, je suis rentrée plus tard du lycée, 19 heures au lieu
de 17 heures. Ma mère a voulu me gifler. Ce n’était pas la
première fois, elle avait la main leste, et, quand elle était
fâchée contre moi, elle m’insultait, me donnait des coups,
exactement comme avec sa mère. Un vrai cauchemar. Mais
cette fois-ci, je ne me suis pas laissée faire. J’ai hurlé aussi
et je lui ai dit que si elle s’approchait je lui tapais dessus. Ça
a été une scène atroce. Elle a reculé, toute blanche, elle
s’est mise à taper sur le mur avec ses poings. Ma grand-
mère est arrivée et m’a tiré par les cheveux. Je l’ai
bousculée et elle est tombée. Puis ça a été l’heure des
gémissements et des reproches. Pendant plusieurs jours,
l’ambiance est restée glaciale, puis elles ont repris leurs
mamours et leurs coups de sang. Moi pas. J’étais en loques,
je n’arrivais pas à me reconstruire, d’autant qu’elles avaient
pris de la distance à mon égard. Plus de reproches, non,
mais des sous-entendus, des petits rires, des réflexions…
Finalement, c’est ma meilleure amie, la fameuse personne
“sans intérêt”, qui m’a tiré de là. Elle avait raconté mon
histoire à ses parents, et j’aimais être auprès d’eux. Ils
étaient gentils avec moi, ils avaient l’air unis, et il y avait
toujours plein de monde. Le frère de mon amie, déjà à la
fac, recevait ses copains. Bref, c’était une ambiance festive,
vivante, avec plein de gens différents. Ce sont eux, leur
confiance, qui m’ont permis de m’en sortir, de vivre. »
Le point de vue psy
Ce qui a libéré Jeanne c’est l’opportunité de sortir de ce cocon familial toxique et
étouffant. Mais c’est aussi, en amont, sa réaction à 16 ans quand sa mère veut la
maltraiter physiquement. Cela entraîne une crise générale, extrêmement
douloureuse pour tout le monde, mais aussi salutaire pour elle.
1. Dr Jill Bolte Taylor, Voyage au-delà de mon cerveau, J’ai Lu, 2011.
2. Guérir par l’amour, éditions Valentine, 2011.
3. B. Geberowicz, S. Czernichow, J. Aussauberg, Violences familières, éditions Syros, 1994.
4. F. de La Rochefoucauld, Réflexions ou sentences et maximes morales et réflexions diverses,
Honoré Champion, 2002.
5. J. Lecomte, La Bonté humaine, altruisme, empathie, générosité, Odile Jacob, 2012.
6. « False happiness causes illness, says expert », interview donnée au journal The Telegraph,
mai 2008.
7. J. K. Boehm, S. Lyubomirsky, « The promise of sustainable happiness », in S. J. Lopez
(Ed.), Handbook of positive psychology (2nd ed.), CR Snyder, Shane J. Lopez, 2009.
8. Kazimierz Dabrowski, Le Dynamisme des concepts – Dictionnaire de la terminologie
dabrowskienne, éditions Saint-Yves, Ottawa, Canada, 1972.
CHAPITRE 5
Les comportements porte-
bonheur
Le discernement
« L’homme qui a pour conducteur le discernement et pour rênes
la pensée parvient à l’autre rive de son voyage. »
Katha Upanishad
DÉVELOPPER SON DISCERNEMENT
Comment exercer cet art au quotidien ? Ces quelques propositions
devraient vous éclairer.
La signification des signes. Ils sont ce qui dans une situation, un
événement, chez une personne nous alerte, nous apporte une
information. Il peut s’agir d’une impression de déjà-vu, une
sensation de bien-être ou de malaise, lors d’une réunion par
exemple. Ce peut être aussi le son d’une voix, sa tonalité, les mots
employés par une personne quand elle s’adresse à nous.
Le repérage des symboles. Le symbole peut être un objet, une
image, un mot écrit ou un son : il peut donc se trouver dans la
décoration d’une pièce ou sur les vêtements que porte un individu
(badge, écusson, insignes). Par convention ou par association, le
symbole va donner une information. Il en existe qui sont connus
de tous : la main jaune « Touche pas à mon pote », la tortue qui
symbolise la lenteur mais aussi la longévité, ou encore les
illustrations qui renseignent sur le Code de la route.
L’identification des personnes, d’après leurs réactions. Par
exemple, quand un sans-abri passe dans le métro pour obtenir
une pièce, certains obtempèrent de bon cœur, d’autres lui
sourient, plus loin on baisse la tête, on continue à lire ou on lui
fait remarquer qu’il pourrait travailler comme tout le monde !
L’origine du symbole
Dans la Grèce antique, le sumbolon était constitué de deux morceaux de
poterie qui devaient s’emboîter parfaitement. Une fois réunis, ils faisaient la preuve
de leur origine commune. Ils étaient utilisés comme signe de reconnaissance par
deux personnes liées par contrat. Le sumbolon devenu symbolum en latin est une
sorte de mot de passe signifiant « ce qui rassemble », en opposition au diabolum
(qui a donné le mot diable), « ce qui divise ».
Le discernement active les prises de conscience et permet de faire
respecter la justice dans sa propre vie et celle de son entourage. Pour
mieux comprendre son fonctionnement et sa nécessité, on peut le
comparer au firewall, littéralement le « mur de feu » anglais, qui, en
informatique, bloque toute intrusion de virus, spam ou logiciels
malveillants. S’il est inactivé, un pirate peut prendre le contrôle de
l’ordinateur, dérober des informations privées, des codes bancaires.
Dans la vie de tous les jours, si nous oublions d’activer notre
« mur de feu » personnel, nous pouvons commettre des erreurs
d’appréciation. Nous ne repérons pas l’arnaque dans le baratin
commercial d’un vendeur. Nous nous laissons subjuguer par le
discours séducteur d’un pervers. Nous sommes bernés par des
compliments qui flattent notre ego, sans repérer l’intention cachée
derrière la pommade verbale qui nous enchante.
S’ENTRAÎNER À LA VIGILANCE
Le « parler vrai »
« Parler pour ne rien dire et ne rien dire pour parler sont les deux
principes majeurs er rigoureux de tous ceux qui feraient mieux
de la fermer avant de l’ouvrir. »
Pierre DAC
L’IMPORTANCE DU LANGAGE
Selon la psychanalyste Françoise Dolto, le langage, verbal ou non
verbal, est au cœur de toute relation humaine. Dans l’un de ses
livres 1, elle démontre que la parole de l’adulte est déjà « entendue »
par le tout-petit avant que lui-même ne s’exprime, et même par le
fœtus dans les semaines qui précèdent sa naissance.
On sait désormais que l’audition se met en place entre la 26e et la
28e semaine de gestation. Grâce aux sons qui lui sont parvenus in
utero, le nouveau-né analyse et décrypte un certain nombre
d’informations. Il reconnaît et « préfère » la voix de sa mère, ses
inflexions. Il serait même capable de distinguer le générique du
feuilleton qu’elle a regardé durant toute sa grossesse !
Mais qu’entend-il cet enfant encore lové dans le ventre maternel ?
Dans une étude finlandaise, le chercheur Eino Partanen explique :
« En plaçant une main sur la bouche et en parlant, on peut avoir une
idée assez juste de ce qu’un fœtus entend lorsqu’il est dans le ventre
de sa mère 2. »
Si le langage peut impacter le fœtus et atteindre le nourrisson
quand il n’est pas encore entré dans la parole, que dire de
l’importance de nos échanges entre personnes dotées du langage ?
Quand nous parlons, nous exprimons bien plus que des mots ou
des idées. Nos propos sont empreints, que nous le sachions ou non,
d’éléments et d’informations qui dépendent étroitement du moment,
de ce que nous sommes et de la personne à laquelle nous nous
adressons.
La communication est toujours prise dans un faisceau langagier
entendu (les mots énoncés, les intonations) et vu (les gestes, les
mimiques) qui seront perçus par les deux interlocuteurs, de manière
consciente et inconsciente. Mais elle est aussi teintée d’affects, ceux
de l’émetteur comme ceux du récepteur : les émotions de celui qui
parle et de celui qui écoute, la valeur octroyée par l’un et l’autre à
certains mots. En somme, il est nécessaire de « savoir ce que parler
veut dire ».
Nos propos, quel que soit leur destinataire, révèlent toujours des
traits essentiels de notre Moi profond. Ils dévoilent des traits de
caractère même si, au moment où nous nous exprimons, nous nous
efforçons de rester neutres. C’est pourquoi il est si important, y
compris quand nous pensons utile de mentir pour ne pas blesser, de
maintenir néanmoins une « sincérité relationnelle ».
Mais comment s’y prendre alors ? Devant un malade, par
exemple, mieux vaut éviter de déclarer, la mine réjouie, que tout va
bien. Il s’agit de rester dans ce que Lacan appelle le « mi-dire » : une
énonciation vraie de la réalité mais qui ne provoque pas d’affolement
chez la personne malade.
D’autant que la vérité finit toujours par affleurer… Dans certains
cas, elle émerge dans une indiscrétion, une parole malheureuse, un
lapsus. Dans d’autre cas, cette vérité n’a pas accès à la conscience
mais elle taraude l’individu sans qu’il le sache, et elle devient
épuisante pour l’esprit. C’est le cas des salariés qui « savent », sans
que rien n’ait été révélé dans leur entreprise, ni dans les médias, que
leur société va mal, que des menaces de fermeture se profilent.
Échanger, parler à deux ou à plusieurs, s’entretenir de choses
importantes ou futiles est au cœur de la dynamique humaine. Nous
nous adressons aussi à nos animaux : nous leur parlons, avec des
mots mais aussi avec des gestes (caresses ou tapes).
Ainsi, toute l’existence ressemble à une longue suite de
conversations. Mais c’est aussi une longue suite de malentendus, de
blessures et de souffrances car nous ne savons pas toujours parler
vrai. Et nombre de nos échanges verbaux sont loin de mériter le titre
de conversation. D’un point de vue étymologique, ce mot vient du
latin cum, qui signifie « avec », et de versare, « tourner ». Autrement
dit, la conversation est l’art de « tourner ensemble » ou, plus
explicitement, d’aller dans la bonne direction, de trouver un
consensus, de s’entendre sur une conduite à tenir, de faire le point
dans une relation sans s’énerver ni se fâcher.
Dans le « parler faux », nous ne contrôlons pas nos affects et nous
en disons souvent trop. Selon la formule consacrée, les mots
dépassent notre pensée. Nous pouvons aussi ne pas tout dire ou
demeurer en retrait. Nos phrases sont pauvres et nos gestes contenus.
Cependant, notre interlocuteur le perçoit puisque le langage est
toujours verbal et non verbal. Celui à qui nous nous adressons ne
manque pas de l’entendre ou de le « sentir ». Dans le « parler faux »
encore, le mutisme est roi. Non, ce n’est pas de silence dont il s’agit
mais de mutisme. Ce blanc, cette coupure dans le fil de la parole où
nous intercalons, de façon sourde, ce qui refuse d’être dit. Un
mutisme tout aussi parlant que la parole, alors que « faire silence »
c’est laisser une place à l’autre, ne pas lui « couper la parole ».
Nous entendons – et disons – fréquemment : « Ce n’est pas que je
ne voulais pas le lui dire, c’est que je ne pouvais pas. » C’est vrai,
nous ne pouvions peut-être pas lui dire « de cette manière-là », dans
la brutalité, le coup de poing, la révélation qui assomme. Mais il était
nécessaire de réfléchir, de prendre un peu de temps, afin de « trouver
les mots ». Les mots qui expliquent et qui apaisent. Ceux qui
objectivent au lieu de tenir l’autre à distance.
Parler vrai consiste donc à mettre en forme sa parole ainsi que
nous le ferions avec un dossier, un livre à écrire, n’importe quel
ouvrage exigeant soin et rigueur. Le « parleur » vrai cherche les mots
justes, les idées simples et claires qui préciseront sa pensée. Il a envie
d’exprimer un besoin, d’échanger des opinions, de clarifier une tâche
ou une relation et, pour ce faire, « il ne cède jamais sur son désir ».
Cette formule de Lacan souligne que, quand nous nous soumettons à
la norme sociale (être trop poli, ne pas dire ce que l’on pense
vraiment, croire que le mensonge est toujours « pieux »), nous en
payons, tôt ou tard, le prix. Ce prix est celui de l’amertume, de la
tristesse, voire de la dépression. Parler vrai, tout en demeurant
civilisé, c’est emprunter le chemin buissonnier du « J’ai envie » plutôt
que la grand-route des « Il faut ».
• Clarifier ses intentions
Nous avons parfois envie de dire des choses mais nous manquons
d’arguments et refusons de blesser. C’est souvent le cas quand
l’amour s’en va. Qu’il est difficile alors d’exprimer clairement ce que
l’on ressent ! La technique de la « chaise vide » peut alors vous y
aider. Il s’agit de vous adresser préalablement à l’intéressé comme s’il
était là. En son absence, les mots peuvent venir plus aisément et les
sentiments s’exprimer plus librement.
La gestion des priorités
« Le temps, ça se prend ou ça se perd !
★ Nadine et le burn-out
Nadine est directrice des ventes dans une société
d’agroalimentaire. Elle a renoncé à l’amour et à fonder une
famille afin de privilégier sa carrière professionnelle. Entrée
dans l’entreprise il y a cinq ans comme simple stagiaire, elle
a gravi les échelons grâce à ses compétences et sa
détermination, mais à coup « d’horaires de folie », comme
elle le déplore elle-même. Elle raconte : « Je suis sur le
pont de 8 heures du matin à 20 heures le soir, parfois plus.
Je prends mon déjeuner sur le pouce… quand je mange. Il
y a un mois, j’ai craqué. Ce jour-là, mon patron m’a fait
remarquer que le marché X aurait déjà dû être conclu. Je
galérais dessus depuis des semaines avec un client
particulièrement difficile, toujours en train de rogner les
marges. J’étais sur le point de signer, et mon boss
m’engueule. J’ai éclaté en sanglots, ça ne m’était jamais
arrivé. On m’avait toujours vue comme un modèle de
réserve et de calme. Je contrôlais tout : le temps réservé à
mes amants de passage, pas question de s’attacher. J’avais
refusé plusieurs propositions de mariage. Je ne partais plus
en voyage alors que j’adore découvrir de nouveaux pays,
des gens, des cultures différentes. J’étais devenue un robot
au service de la sacro-sainte organisation. Résultat, le
docteur a diagnostiqué une dépression. Maintenant, je
prends des cachets pour réduire l’anxiété, pour dormir,
pour m’autoréguler, sinon je suis dans le cirage toute la
journée. J’en ai marre et c’est pourquoi je suis là. »
Le point de vue psy
Nadine s’est installée, depuis l’enfance, dans le syndrome de l’élève parfaite, la
« pathologie de l’enfant sage », pour répondre aux exigences de ses parents, tous
les deux enseignants. Sa mère, pas très heureuse en ménage, lui répétait aussi que
« les hommes sont égoïstes », que « le mariage est toujours un esclavage
domestique », que « les enfants sont chronophages », que « l’argent ne fait pas le
bonheur mais qu’il y contribue largement »… La jeune femme a donc répondu
strictement aux ordres : major de promotion dans son école de commerce, elle a
multiplié les stages non rémunérés en entreprise, avec l’espoir de se faire
remarquer. Puis, une fois embauchée, elle s’est engagée corps et âme dans son
travail. Jusqu’à ce qu’elle « craque » et soit obligée de mieux s’écouter.
PRIORISER LES TÂCHES
L’art de prioriser les tâches est extrêmement simple. Il s’agit
simplement de faire le tri entre :
ce qui doit être fait immédiatement
ce qui ne nécessite pas un traitement trop rapide
ce qui peut attendre.
Bien entendu, cette priorisation est soumise aux sollicitations,
voire au despotisme de certains supérieurs hiérarchiques. Mais faites
preuve de pédagogie et démontrez à votre manageur les avantages de
cette technique. Si vous vous exercez à mettre sur la pile du haut
certains dossiers, tout en évaluant le temps dont vous avez besoin
pour les traiter, ce qu’ils réclament en termes d’approfondissement,
de consultation de documents, vous irez de toute façon plus vite.
Toutefois, n’en profitez pas pour faire du zèle. Ne soyez pas plus
royaliste que le roi. Songez que votre entourage est important : vous
avez des enfants, des amours et des amis qui apprécient votre
disponibilité. Vous avez aussi besoin de vous évader, de faire du sport,
de méditer peut-être. Et même de ne rien faire du tout.
MÉNAGER LES ENFANTS
S’OCCUPER DE SOI
Les émotions
« Toutes les grandes découvertes sont faites par ceux qui laissent
leurs émotions devancer leurs idées. »
Charles Henry PARKHURST
L’INTELLIGENCE DE L’ÉMOTION
1. Françoise Dolto, Tout est langage, Gallimard, coll. « Folio essais », 2002.
2. E. Partanen et al., « Learning-induced neural plasticity of speech processing before birth »,
PNAS, 2013, sur le site : www.pnas.org/content/early/2013/08/14/1302159110.abstract
3. A. R. Damasio, L’Erreur de Descartes : la raison des émotions, Odile Jacob, 1995.
CHAPITRE 6
Le ventre
« Méfie-toi de l’homme dont le ventre ne bouge pas quand il rit ».
dicton cantonais
LE DEUXIÈME CERVEAU
Il y a quelques années, des scientifiques ont découvert chez
l’homme l’existence d’un second cerveau : son ventre ! C’est le
« cerveau entérique », autrement appelé « système nerveux
entérique » (SNE). Il produit 95 % de sérotonine, un
neurotransmetteur qui participe à la gestion des émotions. Il contient
environ 200 millions de neurones qui veillent sur notre digestion et
communiquent des informations au premier cerveau, celui contenu
dans la tête. Autant dire qu’il est au moins aussi important.
Le premier « pense » tandis que le second « sent ». Et tous deux
échangent grâce au nerf vague, un nerf crânien qui véhicule les
informations motrices, sensitives, sensorielles et parasympathiques de
l’un à l’autre. Ce dialogue ouvre la porte de grands espoirs
thérapeutiques. Deux chercheurs de l’Institut national de la santé et
de la recherche médicale (INSERM), Michel Neunlist et Pascal
Derkinderen, ont ainsi découvert qu’une biopsie du côlon permettait
de retrouver, à l’intérieur des neurones digestifs, la présence
d’anomalies également présentes dans le cerveau des patients atteints
de la maladie de Parkinson. Une avancée qui leur a permis de
résoudre une question pratique : étudier ces lésions sur des personnes
vivantes. Ce qui était jusqu’alors impossible puisqu’il aurait fallu
disséquer leur cerveau ! À terme, les médecins pourront utiliser les
biopsies pour déterminer des marqueurs précoces de la maladie.
Nos « tripes » seraient donc dotées d’une certaine intelligence.
1
Dans son livre , Michael Gershon, professeur au Département
d’anatomie et de biologie cellulaire de l’Université Colombia à New
York, avançait déjà cette hypothèse. Il écrit : « 200 millions de
neurones, autant que dans le cerveau d’un chien, tapissent la paroi
intestinale. Ces cellules proviennent du même feuillet embryonnaire
que celles du cerveau, qu’elles quittent à un stade précoce du
développement pour migrer dans le ventre, où elles forment un
système nerveux entérique. »
UN VENTRE « ÉMOTIONNEL »
Nous savions que les émotions pouvaient retentir sur le système
digestif. Nous découvrons que l’inverse est vrai. Régime alimentaire,
rythme des repas et flore intestinale (ce qu’on appelle aujourd’hui
« microbiote ») ont une répercussion sur le psychisme. Ainsi, des
chercheurs de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA)
ont transféré le microbiote d’une souris obèse à une autre qui ne
l’était pas. Le résultat est que cette dernière s’est mise à grossir, et son
attitude vis-à-vis de la nourriture s’est radicalement transformée. Elle
a commencé à manger de façon gloutonne et compulsive, préférant
soudainement d’autres aliments.
Le contenu de notre estomac influencerait donc le fonctionnement
du cerveau en modifiant nos actions et nos préférences. Le ventre
concentre aussi plus de 70 % des cellules du système immunitaire qui
servent à nous protéger. Il sait réagir en cas de danger sans en référer
au cerveau, en provoquant par exemple des vomissements afin
d’expulser un produit toxique. Pour Neunlist, il constituerait même
notre « premier » cerveau. En effet, les tout premiers organismes
unicellulaires n’étaient composés que d’un simple tube digestif.
Avec d’autres neurotransmetteurs que la sérotonine, le ventre
digérerait non seulement nos aliments, mais également nos émotions.
Selon Gherson, grâce à ses substances psychoactives endogènes, il a
le pouvoir de provoquer l’enthousiasme ou le découragement, un
sentiment d’accomplissement ou la dépression. Il serait doté de
mémoire et recélerait les archives de notre vie émotionnelle,
constituant « la matrice biologique de l’inconscient » et contribuant à
la création de nos rêves nocturnes.
Cette hypothèse donne foi à des métaphores telles qu’avoir « la
peur au ventre », l’« estomac noué », ne pas supporter quelqu’un de
manière « viscérale », « avoir des tripes » ou « digérer » des propos
qui nous sont « restés sur l’estomac »…
Pour le Dr Gherson, le cerveau du ventre n’a pas besoin de l’aval
du cerveau crânien pour se livrer à des actions de son propre chef. Il
affirme : « Contrairement au reste du système nerveux, le système
entérique ne suit pas nécessairement les commandes qu’il reçoit du
cerveau ou de la moelle épinière. Et il ne leur envoie pas forcément
non plus les informations qu’il collecte. Le système nerveux entérique
peut, quand il le choisit, gérer des données que ses récepteurs ont
relevées par eux-mêmes, et agir sur la base de ces données. Le
système entérique n’est donc pas un esclave du système nerveux
central mais un opposant doté d’un esprit libre. »
Si l’intelligence du ventre est capable de fonctionner toute seule, il
est probable qu’elle comporte également ses propres névroses. C’est
pourquoi il est fréquent de dire, à propos de nos réactions
instinctives, qu’elles sont viscérales. Crampes, ballonnements,
constipation, diarrhées ne constituent pas, pour la plupart d’entre
nous, des troubles virtuels. Ils correspondent à de grandes et petites
émotions.
Cependant, d’où vient le signal d’alarme ? Du système nerveux
central, le cerveau, ou du système nerveux entérique, le ventre ? Car
le SNE gère des milliers de réactions à l’environnement, autant de
variations possibles dans nos ressentis. Il serait le principal
fournisseur de données de notre inconscient.
Or, si le ventre est capable de nous rendre malades, sans doute
possède-t-il aussi des compétences pour nous guérir. Le massage
biodynamique repose sur cette théorie. Il a été mis au point par la
norvégienne Gerda Boyesen, à partir des travaux de Reich sur
l’énergie et le rapport qu’il établit entre tensions musculaires et
émotions réprimées. Ce massage s’appuie sur l’idée que les effets du
stress sont associés au système digestif. Si les intestins sont chargés
de digérer les aliments, ils ont aussi pour fonction de digérer les
résidus métaboliques de tous les stress de la vie quotidienne. Grâce à
des techniques de relaxation et de massage, il est possible de
débloquer cette fonction quand elle est arrêtée.
Il est aussi possible de la renforcer en s’occupant de ce qui nous
est « resté sur l’estomac ». Deux chercheurs, Dean Radin et Marilyn
Schlitz, ont décidé de mesurer les possibilités de perception du SNE.
Ils ont réuni 26 volontaires et les ont équipés d’un
électrogastrogramme (EGG), un appareil susceptible de détecter
l’activité électrique des neurones à l’intérieur du ventre ; ils les ont
aussi équipés d’un appareil mesurant la résistance galvanique de la
peau, sa résistance électrique. Ils les ont ensuite fait mettre par deux
en précisant que l’un serait l’émetteur et l’autre le récepteur, avant de
les assigner dans une pièce différente.
L’émetteur devait visionner des images destinées à provoquer de
fortes réactions : tristesse, désir, dégoût, tendresse… tout en
regardant, de temps à autre, le récepteur sur un écran différent.
Après plus de 200 tests, les chercheurs ont conclu que « les lectures
de l’EGG du sujet récepteur étaient notamment plus élevées et
correspondaient à celles du sujet émetteur lorsque celui-ci éprouvait
d’intenses émotions, positives ou négatives ».
Débarrassons-nous donc de ce qui nous est « resté sur l’estomac »,
de tout ce que nous n’avons pas digéré. C’est notre ventre qui le dit !
Écoutons-le au moins autant que notre esprit…
La peau
« Le corps est la chair de l’esprit.
PEAU ET NON-DITS
La fameuse sagesse populaire ne s’y est d’ailleurs pas trompée
puisque les expressions concernant la peau sont très nombreuses :
« Je l’ai dans la peau » ou « C’est une histoire de peaux » témoignent
d’un attachement amoureux et sensuel aigu ; une histoire ou un
événement « nous colle à la peau » ; nous sommes « touchés » par
une parole, un visage, une situation ; et il n’est pas étonnant que
nous tenions tant à « sauver notre peau ».
Curieuses coïncidences ? Certaines maladies de peau, comme le
psoriasis, la dyshidrose ou l’eczéma, dont on ne connaît pas
précisément l’origine, apparaissent quand nous sommes tourmentés
par l’anxiété, la frustration ou le stress. La peau est donc un miroir
qui réfléchit nos émotions et, parfois, les matérialise de façon
concrète, somatique.
Ainsi, 80 % des maladies de peau seraient d’origine
3
psychologique . Les patients auraient, en réalité, des choses à dire
mais ne parviendraient pas à les exprimer. Ils se mettraient alors à
parler avec leur peau. L’eczéma serait une manifestation de l’angoisse,
un psoriasis évoquerait plutôt une colère étouffée, et la calvitie serait
liée à une autre perte.
L’une des autres manifestations « éloquentes » de la peau est le
prurit. On ne trouve pour ces démangeaisons aucune étiologie. Elles
semblent apparaître sous l’influence de certaines émotions, qui ne
sont pas toujours repérées par la personne elle-même. Au fond, il
suffit de « gratter » un peu pour trouver, sous le prurit, une envie
d’être mieux compris, mieux écouté, mieux aimé. Notre épiderme
possède donc son langage propre, une langue secrète et parfois
douloureuse, chargée de dévoiler les non-dits de notre existence.
1. F.-O. Giesbert, L’animal est une personne. Pour nos sœurs et frères les bêtes, Fayard, 2014.
2. Ch. Darwin, L’Expression des émotions chez l’homme et les animaux, John Murray, Londres,
1872.
3. J. Derrida, L’animal que donc je suis, Galilée, 2006.
4. I. B-A Bartal, J. Decety et P. Mason, « Empathy and Pro-Social Behavior in Rats », Science 9,
déc. 2011, vol. 334 no. 6061 pp. 1427-1430, DOI : 10.1126/science.1210789.
Conclusion
Jean-Louis Hocq
EAN : 978-2-263-06857-7