Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Cours
Guillaume VALLET
Département
d’Enseignement à
Distance
Introduction
Nous décrivons tout d’abord l’architecture de l’UE (1.1), puis nous insistons sur
son « poids » dans différentes dimensions (1.2).
202
203
des prix. Une autre racine se trouve chez la Nouvelle économie classique de
F. Kydland et E. Prescott, qui montrent que la règle monétaire est plus efficace
que la discrétion monétaire de même que l’indépendance politique de la banque
centrale. La BCE se situe dans ce schéma à travers sa définition de la stabilité des
prix, et par le fait qu’elle n’a pas d’ordre à recevoir de la part des gouvernements.
Après cet premier état des lieux de l’économie européenne, nous poursuivons en
abordant la question de l’Europe sociale.
204
&'!&!/
!!
$
/
#
#"!(
&!")"#/: )"#&!
36*&! $
"#
#"
&"#!
"/:
!()#!.491
45
$"#! !"
!
!
& #
!
)"0 $"
'$" '$"
Source : Auteur.
l’UE n’est envisageable que si elle n’est pas déjà réalisée à l’échelon national. Ce
principe limite donc la réalisation de projets communs en la matière.
Pour autant, l’Europe sociale avance quand même, dans un certain nombre de
secteurs. Le premier exemple qui le montre est celui de la Confédération européenne
des syndicats (CES), créée en 1973. Elle regroupe 85 organisations syndicales de
36 pays européens – donc de l’UE comme des pays non membres de l’UE – avec
un total de 60 millions de membres environ. La mission centrale de la CES est
205
peut le regretter, dans la mesure où sur le plan social, les États de l’UE et les États
européens plus largement, sont confrontés à d’importants défis communs.
Le premier concerne le vieillissement de la population. Celui-ci aura des inci-
dences négatives sur le niveau de la population active comme sur la productivité
du travail, ce qui pourrait justifier une harmonisation des mesures, ou du moins
de l’âge légal de départ en retraite. Or le tableau suivant indique que même si une
convergence officielle s’est opérée au fil du temps, des écarts réels demeurent :
206
Notre deuxième exemple fait référence à l’existence et au niveau d’un salaire mini-
mum. Ce dernier peut être perçu comme une mesure institutionnelle permettant
une protection du travailleur, pour éviter les effets négatifs de la libéralisation du
marché du travail, et de la concurrence européenne. Or, compte tenu des niveaux de
développement très différenciés dans l’UE, des écarts très importants demeurent :
En euros, en parité
En euros constants,
Pays de pouvoir d’achat
à temps plein
(PPA)
Irlande 1 462 1 160
Pays-Bas 1 424 1 307
Belgique 1 415 1 549
France 1 365 1 196
Royaume-Uni 1 139 1 156
Grèce 863 894
Espagne 748 766
Portugal 566 638
Chapitre 8 • Économie européenne
207
État-providence assurantiel
État-providence résiduel État-providence universel
ou
ou libéral ou social-démocrate
corporatiste-conservateur
Démarchandisation Démarchandisation Démarchandisation forte
faible moyenne
Rôle essentiel des Protection sociale adossée Protection sociale élevée
mécanismes du marché au travail salarié contre les risques sociaux
pour l’assurance Rôle des cotisations sociales Importance des services
Assistance sous (modèle Bismarckien) collectifs
conditions de ressources Rôle de l’impôt (modèle
Beveridgien)
Royaume-Uni, Suisse Allemagne, Autriche, Suède, Danemark, Pays-
Belgique, France, Italie Bas, Norvège
Source : Auteur.
En conclusion sur l’Europe sociale, nous pouvons affirmer que si des avancées
indéniables existent, elles restent limitées du fait du principe de subsidiarité. Les
questions sociales majeures se posent toujours essentiellement au niveau national,
compte tenu des préférences nationales de structures et des niveaux de développe-
ment différents. L’Europe sociale ne semble pas constituer une dimension centrale
de l’intégration, alors qu’elle en est pourtant le cœur. L’économie européenne ne
peut fonctionner de façon efficace et juste sans annexer les questions sociales,
car cela touche à la libre circulation des facteurs, aux effets de rattrapage, à la
concurrence fiscale et sociale… Nous insisterons sur cette dimension plus longue-
ment, mais il est important d’en prendre conscience dès maintenant (Encadré 1).
Nous traitons désormais des aspects politiques et institutionnels, nécessaires à
assimiler pour comprendre le fonctionnement de l’UE.
Chapitre 8 • Économie européenne
208
209
!
Source : Auteur.
Chapitre 8 • Économie européenne
En plus de ces institutions, d’autres jouent un rôle important, même si nous les
considérons comme mineures en comparaison des premières :
– le Comité économique et social : il représente les différentes catégories de la vie
économique et sociale de chaque pays ;
– la Cour des comptes européenne : elle contrôle l’utilisation des fonds européens ;
– la Banque européenne d’investissement : elle accorde ou garantit des prêts à des
organismes publics et des entreprises privées de l’UE ;
210
nationale sur des questions politiques, ce qui freine l’intégration politique. L’exemple
flagrant est celui d’une « Europe de la défense » : projet lancé dès les années 1950, il
n’a jamais vu le jour, tant il s’agit d’un sujet sensible, en particulier pour les grandes
puissances militaires que sont la France ou le Royaume-Uni. Or historiquement,
une grande puissance internationale a toujours été une puissance dans tous les
domaines : économique, monétaire et militaire. C’est donc un problème pour l’UE
pour être véritablement reconnue internationalement.
211
212
sus uniforme et unifié, elle exerce cependant une force d’attraction indéniable
sur les économies périphériques à la zone. Cela tend à stimuler les échanges et
donc à favoriser la création de commerce. On pourrait alors dire qu’il s’agit d’un
« régionalisme ouvert », car malgré l’antinomie de ces termes, cela signifie que
des échanges vont exister avec le reste du monde.
213
était prévu qu’elle l’intègre à moyen terme. Les récentes tensions dans ce pays
n’ont pas arrangé les choses.
L’objectif de ce partenariat « EuroMed » est certes de renforcer les liens économiques
via la création d’un marché de libre-échange, mais également de créer un espace de
paix et de sécurité. C’est d’autant plus central aujourd’hui que les menaces terroristes
se sont accrues, et nécessitent une collaboration renforcée. C’est pourquoi les pays
de la Méditerranée bénéficient d’aides européennes à hauteur de milliards d’euros
214
avec les pays émergents. Nous retenons ici la Chine et le Brésil comme représen-
tatifs de ces liens. En ce qui concerne la Chine, un accord de coopération existe
depuis 1985. Aujourd’hui, l’UE est le principal partenaire de la Chine, et la Chine
le deuxième partenaire de l’UE. Ces liens ont même eu tendance à se renforcer
avec la crise, notamment via les IDE chinois en Europe (en Grèce par exemple).
Pour le Brésil, un accord de coopération est là encore en vigueur depuis 1992,
élargi en 1995 aux pays du Mercosur auquel le Brésil appartient. Plus récemment,
un accord de coopération scientifique et technologique a été signé entre les deux
215
!&( ,
',
# ,
#" , $' ,
% )
%)
#!$)
)
Chapitre 8 • Économie européenne
$$)
!&)
#)
$")
Source : Auteur.
216
1.2.3. L’approfondissement
L’approfondissement peut être défini de différentes manières. Nous dirons ici que
ce processus désigne l’ensemble des mesures et politiques économiques, sociales et
juridiques prises entre les États membres et/ou par les instances de l’UE, permet-
tant d’accroître leur interdépendance, et à l’UE de renforcer sa dynamique en tant
que zone indépendante. On perçoit alors le lien avec le processus d’élargissement,
dont la réunion des deux permet l’existence d’une double dynamique intégratrice.
Autrement dit, les avancées en matière d’approfondissement s’apparentent à un
renforcement d’un « effet club » au sein de la zone, qui amène les pays extérieurs
à chercher à y rentrer. Cet élargissement entraîne alors à son tour un besoin de
redéfinition des règles du jeu, c’est-à-dire une redéfinition de l’approfondissement.
C’est dans cette perspective que l’approfondissement s’est mis en œuvre au sein
de l’UE, et que l’on peut résumer à partir de la typologie de B. Balassa (1928-1991)
sur les étapes de l’intégration. Plusieurs phases sont identifiées par l’auteur, avec
à chaque fois l’idée d’effets d’engrenage qui poussent à aller plus loin :
Chapitre 8 • Économie européenne
217
plus lourdement sur l’étape liée à l’intégration monétaire, car dans le cas de l’UE,
l’instauration d’une monnaie unique européenne a marqué une avancée remarquée
dans l’approfondissement.
L’idée de réaliser une union monétaire ne remonte pas au début des années 1990.
Très tôt, cette perspective émerge, comme en 1957 avec la création d’un Comité
monétaire qui prévoit pour les pays de la CEE une coordination des politiques
218
219
'!&
'!&
Chapitre 8 • Économie européenne
!&
!&
Source : Auteur.
220
Toutefois, ce graphique laisse aussi entrevoir des différences importantes entre les
pays, entre des pays ultra « continentalisés » comme le Luxembourg, et d’autres
plus « ouverts » comme le Royaume-Uni. Cela confirme d’une certaine manière
à nouveau l’image du bol de spaghetti. Un autre point à rappeler est que si la part
moyenne du commerce intra-zone est d’environ 70 % pour l’ensemble de la zone,
Chapitre 8 • Économie européenne
ce chiffre stagne voire est en léger recul si l’on considère la période récente. Ce
n’est pas un bon indicateur pour l’unité et l’unicité du processus d’intégration, et
donc pour l’intégration elle-même.
De même, on remarque que le développement du commerce intra-zone a engen-
dré une convergence en termes de structures productives, dans la mesure où
la majorité du commerce de l’UE est du commerce intra-branche. Toutefois, ce
constat de prime abord doit être nuancé : la convergence n’a été que partielle, et
l’uniformisation des structures est encore très loin. On se retrouve plutôt avec une
221
Au cours de cette partie, nous revenons dans une première sous-partie sur les
problèmes et les dysfonctionnements de l’UE (2.1), mais aussi sur le fait que l’UE
est en marche, et donc que des avancées positives sont susceptibles de survenir
dans le futur (2.2).
222
223
En lien avec le chapitre 4, rappelons que les politiques structurelles font référence
aux politiques économiques qui visent à une modification profonde du fonction-
nement de l’économie, en transformant les institutions et les comportements des
agents économiques. Leurs buts sont principalement l’amélioration de la compé-
titivité, l’aménagement du territoire et l’équilibre social.
Dans le cadre de l’UE, ces politiques sont laissées aux États, en fonction du principe
de subsidiarité. Il s’agit sans doute d’un facteur limitatif à l’émergence d’entre-
prises très puissantes, car des économies d’échelle et des effets de débordement
existent clairement. Mais cela n’empêche pas des collaborations, dont certaines
sont citées ci-après. C’est en particulier le cas pour le monde de la recherche où
on note, parfois même avant la création de la CEE, le lancement de projets très
importants : le CERN (recherches sur les accélérateurs de particules), Euratom
(recherche nucléaire), la Fondation Européenne de la Science (recherche fonda-
mentale), l’Organisation Européenne de Recherche sur l’Environnement. De même,
le programme Eureka est intéressant dans son mode de fonctionnement, car il
incite à renforcer la dimension européenne : les États européens financent 35 %
des coûts d’une recherche si au moins deux entreprises de deux pays différents
s’associent pour ce programme.
Toutefois, le bilan en matière de coopération dans la recherche est mitigé en
Europe. Si de bons résultats scientifiques émergent, ils ont du mal à se traduire
économiquement, du moins en comparaison avec la recherche américaine ou la
recherche japonaise. Il est aussi difficile d’associer tous les pays européens autour
de projets : on cite souvent EADS comme réussite européenne en matière de
recherche, mais seules des firmes allemandes, anglaises, espagnoles et françaises
ont été parties prenantes du projet. EADS est un consortium, pas le résultat d’une
politique industrielle européenne volontariste.
Celle-ci peine à se traduire positivement dans les faits, comme le montre l’échec de
la « stratégie de Lisbonne » établie en 2000 : les chefs d’États et de gouvernements
avaient défini lors de ce conseil européen la nécessité de faire de l’UE la zone de
la connaissance la plus développée au monde d’ici à 2010. On sait que cette stra-
tégie ne s’est pas réalisée, ne serait-ce que parce que seuls des objectifs avaient
été définis (notamment consacrer 3 % du PIB à la R&D), pas des engagements.
En somme, il n’y a pas de véritable espace européen de la recherche aujourd’hui.
En fait, la grande politique structurelle de l’UE qui a fait sa réussite est la Politique
Chapitre 8 • Économie européenne
Agricole Commune (PAC). Sa genèse remonte à 1957 avec le Traité de Rome dont
l’article 39 précise, dans le contexte spécifique d’après-guerre, quatre grands objec-
tifs pour l’agriculture européenne : augmenter la productivité agricole, garantir la
sécurité des approvisionnements, augmenter le pouvoir d’achat du consommateur
sur ce type de biens et établir un niveau de vie décent pour les agriculteurs. L’idée
est donc de gérer au niveau communautaire les affaires agricoles qui fonctionnaient
224
225
On le constate, renforcer l’intégration sur ces plans paraît essentiel. C’est aussi le
cas pour tout ce qui concerne la fiscalité.
Quand nous abordons ce sujet, nous ne menons pas de réflexion sur les ressources
propres de l’UE, en particulier les droits de douane prélevés sur les importations.
Au contraire, nous nous centrons sur les fiscalités nationales, dans leurs versants
indirect et direct.
Chapitre 8 • Économie européenne
226
Taux Taux
États Taux réduit
super réduit normal
membres (%)
(%) (%)
Allemagne 7 19
Belgique 6-12 21
France 2,1 5,5-10 20
Royaume-Uni 5 20
Suède 6-12 25
Mais la concurrence est sans doute la plus vive sur la fiscalité directe, du fait de
la mobilité des facteurs. Dans un marché ouvert, les entreprises sont susceptibles
de sélectionner la localisation de leurs IDE, selon leur division internationale du
processus productif et du niveau des prélèvements obligatoires. De ce fait, les
firmes exercent une pression notable sur les États. Il y a alors risque de moins
disant social et fiscal, s’il n’existe pas de coopération.
D’un autre côté, certains soulignent la vertu de ce système. La fiscalité est limitée
au maximum, ce qui serait favorable à l’entreprenariat. De plus, il faut tenir du
rapport assiette fiscale et taux de prélèvement : il serait juste que des petits pays
avec une assiette fiscale plus faible et avec une ouverture internationale plus
grande pratiquent des taux d’imposition très faibles pour attirer les facteurs de
production, pour rester compétitifs face aux grands pays. La concurrence fiscale
ne devient alors un problème que si celui qui utilise un service financé collecti-
vement n’y participe pas : s’il préfère une faible imposition pour un faible service,
il n’y a pas de dysfonctionnement.
Le problème est que les choses ne fonctionnent pas ainsi dans l’UE, et qu’une
régulation serait nécessaire : une entreprise allemande peut très bien utiliser
les services collectifs français (routes par exemple) sans les financer, pour aller
vendre ses produits en Espagne, et faire apparaître ses bénéfices dans un pays où
le taux d’imposition sur les sociétés est minimal (pays baltes). Le pouvoir est alors
clairement du côté des firmes, pas de l’UE.
Chapitre 8 • Économie européenne
227
Royaume-
Allemagne Belgique France Suède
Uni
Intérêts 2 100 1 225 5 650 4 000 3 000
Dividendes 2 100 2 040 2 990 1 000 3 000
Revenus fonciers 4 430 5 350 5 650 4 000 3 000
Plus-values 2 500 0 3 600 1 390 3 000
mobilières
Plus-values 0 0 2 250 1 390 3 000
immobilières
La récente crise aurait pu permettre des avancées significatives sur cette théma-
tique, mais ce n’est pas le cas, notamment du fait de la réticence des paradis fiscaux,
présents même au sein de l’UE (Encadré 4).
1. Pour un couple avec un revenu imposable de 180 000 euros, et 5 ans de détention des valeurs mobilières
(12 ans pour l’immobilier).
228
Nous poursuivons notre analyse des limites d’une politique européenne trop
centrée sur l’offre, en abordant la question de l’insuffisance de la demande et
d’investissements intérieurs.
Comme l’indique le graphique 7 page suivante, la zone euro se situe dans une
situation d’excédent courant en comparaison internationale.
Cela signifie que les exportations globales sont supérieures aux importations
globales, et donc qu’en fonction de l’équilibre macroéconomique, le taux d’épargne
est supérieur au taux d’investissement. Cet excédent courant n’a fait que s’accroître
depuis le début de la crise : de 9 milliards en 2007 à 204 milliards en 2012. Cela
a eu des incidences sur l’euro, puisqu’une zone dégageant des excédents voient
Chapitre 8 • Économie européenne
sa monnaie s’apprécier par rapport aux autres. Selon J. Bibow, cette situation
est plus problématique que positive, car elle signifie surtout une demande et un
investissement internes à la zone faibles. Compte tenu de la taille de la zone euro,
ces deux variables devraient au contraire être au « voisinage du boom », et cette
zone être une des économies motrices de la planète.
Pour que la zone euro, et plus largement l’UE, soient dans la trajectoire souhaitée
par Bibow, il faudrait que l’UE fonctionne de façon plus intégrée, ce qui n’est pas
229
La première question qui est posée est de savoir si l’UE fonctionne vraiment
comme un club (2.1.2.1). Il est important ensuite de revenir sur les déséquilibres
structurels de la zone euro (2.1.2.2). Enfin, nous insistons sur la problématique
de la libre circulation des personnes en Europe (2.1.2.3).
Dans l’analyse économique, être un club signifie fonctionner selon les principes de
la non rivalité, mais de l’exclusion : un membre doit bénéficier d’avantages qu’un
non membre ne partage pas, sinon, l’adhésion comme le club n’ont aucune raison
d’être. Or ce ne semble pas être le cas pour l’UE, ne serait-ce que parce que la part
du commerce intra-zone plafonne, et que les effets spécifiques de l’intégration
sont limités. C’est encore plus le cas de la zone euro, pour deux raisons. D’une
part, parce que l’endogénéité de l’intégration monétaire, c’est-à-dire la capacité
Chapitre 8 • Économie européenne
230
231
232
233
234
L’UE est capable de changer, comme cela a été le cas avec la crise de 2007 (2.2.1). Et
c’est bien parce qu’elle est capable d’évoluer qu’il faut rester optimiste, et exigeant,
et attendre d’autres perspectives futures (2.2.2).
L’UE a beaucoup changé avec la crise de 2007, en particulier au niveau des insti-
tutions et des règles centrales de la zone euro. On peut le voir tout d’abord avec
la BCE, qui a mené une politique monétaire pragmatique et a vu ses missions
s’élargir. Comme le rappelle E. Le Héron, outre la baisse très rapide de ses taux
de court terme à un niveau proche de 0 % (les « Zero Interest Rates Policies » ou
ZIRP), la BCE n’a pas hésité à recourir :
Chapitre 8 • Économie européenne
235
tique monétaire au sens orthodoxe du terme (stabilité des prix liée directement
à une quantité de monnaie en circulation) et la politique financière (stabilité du
système bancaire, financier et immobilier). Même si une banque centrale ne peut
pas tout faire seule et qu’il faut éviter de trop élargir les missions sous peine de
contradictions entre elles, elle doit assurer son rôle de prêteur en dernier ressort
pour éviter le « too big to fail » et les risques systémiques.
236
237
liens avec le déficit dans la zone euro ; celle de leur statut. Concernant la première
question, il est nécessaire en l’état actuel des choses d’envisager une décote ou
un allongement sur le remboursement, pour permettre aux pays de restaurer
leur potentiel de croissance. Les probabilités de non remboursement n’ayant pas
disparu pour certains pays, il serait plus judicieux qu’ils consacrent leur revenu
à financer des projets productifs locaux.
238
239
Par souci de clarté, nous distinguons ici les niveaux interne (2.2.2.1) et externe
(2.2.2.2).
Les développements précédents ont montré les risques d’une sclérose de l’intégra-
tion européenne, voire de la renationalisation de certaines politiques. Au-delà sur
les coûts et les avantages pour chaque pays, c’est tout le vivre-ensemble européen
Chapitre 8 • Économie européenne
qui est posé. Nous considérons donc qu’une plus grande solidarité est préférable
à un repli national. Cela doit être en premier lieu visible à travers le budget euro-
péen, qui ne représente aujourd’hui que 1 % environ du PIB de l’UE. En référence
à R.A. Musgrave, non seulement son niveau est trop faible dans la perspective de
la monnaie unique, mais sa structure est également inadéquate : il repose sur une
fonction allocative trop importante comparativement aux fonctions de stabilisa-
tion et de redistribution.
240
Sur le plan externe, il est certain que la dimension internationale de l’euro est un
des leviers à considérer. Comme le rappelle J.-F. Ponsot, lors de sa création, l’euro
n’était qu’une monnaie régionale, au sens où elle devait couvrir les besoins de la
zone euro prioritairement. C’est pourquoi officiellement la BCE n’encourage ni ne
décourage l’utilisation de l’euro en dehors de la zone euro. Mais l’euro a de facto
une dimension extérieure à la zone, du fait des élargissements, des ancrages de
facto existant et des stratégies de diversification des investisseurs internationaux.
Chapitre 8 • Économie européenne
C’est même une des dimensions fortes de la puissance internationale d’une zone,
car historiquement, une grande puissance internationale est aussi une puissance
monétaire (Encadré 6).
241
Or on voit que l’euro possède un retard important sur le dollar sur ce plan : si
l’euro sert de monnaie d’ancrage pour 49 pays (51 pour le dollar), il n’est utilisé
que pour 30 % des titres de créances mondiaux (45 % pour le dollar), que pour
Chapitre 8 • Économie européenne
242
Conclusion
aux Allemands pour dire qu’ils ne gagneraient pas. C’est encore Clemenceau qui
s’opposa à Keynes juste après la guerre pour demander des réparations de guerre
exorbitantes aux Allemands, qui allaient participer à précipiter l’Europe dans un
deuxième conflit dévastateur. C’est sur les ruines de ce désastre qu’a émergé l’idée
d’une autre Europe, que nous avons décrit tout au long de ce chapitre. Quand on
regarde le chemin parcouru en matière d’intégration économique et monétaire,
on mesure l’importance du projet européen, inégalé historiquement et géogra-
phiquement jusqu’ici.
243