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‫بسم هللا الرحمن الرحيم‬

Introduction au droit musulman des affairas et


finances islamiques.
(Première partie)

Mohamed Béchir OULD SASS


Enseignant à l’université de Strasbourg
et membre fondateur de l’ACERFI/Paris
FONDEMENTS ET PRINCIPES

VERTU FOI LOI


Akhlaq Aquidah Shariah

CHAMPS D’APPLICATION
PIETE RELATIONS
Ibadat Mouamalat
• Relationnelles
Humains vers DIEU

5 Piliers de la Piété en islam :


• Culturelles
• Profession de Foi • Economiques
• Bon accomplissement de • Environnementales
la Prière • Politiques
• Solidarité/zakat Zakat • Scientifiques
• Jeune durant le Ramadhan • Sociétales
• Pèlerinage à la Mecque
Humains entre eux

2
Eléments distinctifs

 En guise d’introduction, il convient de rappeler que les traits


distinctifs de la pensée économique et financière en Islam
s’articulent autour d’un certain nombre de concepts clés pouvant
être résumés en 7 notions essentielles:

 La notion de propriété; (propriété relative et propriété absolue)


 La notion de la richesse; (bien vénal versus bien hors-commerce)
 La notion du prêt et l’attitude vis-à-vis de de l’endettement;
 La notion du travail;
 La notion du temps;
 La notion d’argent,
 La notion de l’Akhlaq (logique normative et logique éthique/volontariste).
 Les soubassements éthico- religieux de ces sept éléments délimitent le
cadre conceptuel et/ou philosophique de la finance islamique
3
Le concept de de la finance islamique

 Ce concept désigne un nouveau système visant à concilier les logiques


économiques et financières avec celles de l’éthique et de la loi musulmane
des affaires que l’on nomme FIQH AL-MU’AMALAT.

 Selon le bulletin Officiel des Impôts en France (BOI) 4 FE/09 N°:22 du 25


février 2009 « La finance islamique se rapporte aux instruments financiers
utilisés par les investisseurs qui souhaitent investir dans le respect des
principes du Coran et notamment du principe de prohibition de l’intérêt.»

 La raison d’être ou la finalité technique de la finance islamique réside dans


la recherche des solutions susceptibles de répondre à une double exigence
de qualité tant au niveau de la structuration professionnelle qu’au niveau de
la sécurité juridique qui intègre la conformité avec les principes juridico-
éthiques de la Shaira.

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Rappels sémantiques et « démystification » de certains concepts

 Le terme "sharia" désigne l'ensemble des prescriptions légales


qui sont contenues dans le Coran et la Sounna (enseignements
du Prophète Mouhammad – paix et bénédiction de Dieu sur lui)

 Le terme "fiqh" désigne particulièrement la science qui étudie les


fondements et les applications détaillées du droit musulman.

 L’objet principal du fiqh réside dans l’étude des règles de la


sharia relatives à ce qui est licite et ce qui est illicite, à ce qui est
obligatoire et celui qui ne l’est pas, à ce qui est préférable de
faire ou pas et ce qui est tolérable ou pas (du point de vue
Sharia)

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Les qualifications juridico-morales

Al-wajib Obligatoire

Al-mandoub Le recommandé

Al-moubah dit halal Le licite

al-makrouh Le décommandé

Al-haram l’interdit

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Un mot sur les principales déclinaisons du FIQH

FIQH AL 'IBÂDÂT : règles liées à la relation entre l'Homme et


Son Créateur et qui portent donc sur les pratiques rituelles
(salât, zakât, hadj…)

FIQH AL OUSRAH : droit de la famille et, de façon plus


étendue, tout ce qui a trait au statut personnel

FIQH AL-JUNAH WA LOUQOUBAT: droit pénal


FIQH AL-MU’AMALAT: désigne essentiellement le droit des
contrats et le droit des affaires. (discipline –mère de l’économie
islamique en générale)

7
FIQH AL-MU’AMALAT

 Il s’agit d’un ensemble de principes et de normes juridiques régissant


les relations contractuelles du sujet musulman envers autrui ainsi que
ses attitudes comportementales vis-vis de la société et
l’environnement naturel en général.

 Un mot sur la règle principale de FIQH AL-MU’AMALAT: « AL


ASSLOU FI AL-ACHYAÏi AL-IBAHA »

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La nature « duale» du droit musulman

Le droit musulman est, en grande partie, un JUS DIVINUM!

Mais, c’est aussi un droit de production jurisprudentielle par


l’effort de fouqaha (sing. faqih –jurisconsultes, docteur de la
loi islamique)

Il s’agit donc d’un système combinant des normes juridiques


et morales pour encadrer les actes et les comportements de
la personne dans ses transactions civiles et/ou
commerciales.

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Sources du droit musulman (Fiqh)

I) Sources principales
1-1. Textes scripturaires
a. Coran
b. Sunna : Tradition prophétique
1-2. Ijma : consensus doctorum
1-3. Qiyas : Logique d’analogie

2) Source complémentaire (dont on peut citer les éléments suivants:


2-1. Al-Istihsan / Al-istishab
2-2. Al-Maslaha
2-3. Al-ourf ( Les us et les coutumes)
2-4 Amal- Ahl Almedina, les pratiques médinoises (notamment pour
l’école malikite)

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Références scripturaires (1): Le Coran

 S’agissant d’un Texte divin à vocation universelle, le Coran se contente d’


énoncer des orientations-cadres. Sur plus de 6000 Ayat (Ayat = signe ou
verset) seulement une centaine abordent des questions d’ordre juridico-
économique.

 Un mot sur le contexte de la compilation du Coran et la la circonstance de


révélation.

 Un mot sur la réglementation issue du Coran et son approche


méthodologique !

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Références scripturaires (2): Les textes de la Sunna

 Il s’agit de tous les textes que l’on peut considérer comme étant issus des
recommandations du prophète, de ses actes et ses gestes explicites et
implicites.

 Généralement, ces textes se fondent sur ce que l’on nomme


communément « hadiths ».

 De l’authentique (sahih) au rejeté en passant par la notoire (machhour), le


faible ou l’étrange (gharib)… les hadiths ont une importance à géométrie
variable.

 Les grands imams de hadith sont Al-Boukhair, Mouslim, Al-Tirmidi, An


Nasai, Imam Malik, Imam Ahmed, Abou Davoud.

 * Les hadiths moutawatira (avérés/ authentiques) ont une autorité


reconnue voire une force de loi.
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Les rapports juridiques entre le Coran et la Sunna

 D’un point de vue juridique, le Coran et la Sounna entretiennent des rapports


– soit confirmatifs
– soit explicatifs
– soit complémentaires.

 Exemple: le cas de la prohibition de l’intérêt « capitalistique ».


Le texte Coranique, en la matière, annonce qu’Allah a permis la vente et a
interdit l’intérêt (Cf. le texte du verset 275 S. II) = Règle générale ( la sunna se
charge de l’explication du champ d’application
 D’une part, on trouve dans la Sunna une série de textes explicitant le régime
juridique. Nous pouvons en citer par exemple : Le hadith relatif aux 6 produits
usuraires : « Or contre or, argent contre argent, blé contre blé, orge contre orge,
datte contre datte, sel contre sel, en même quantité, de même qualité et de la
main à la main ; s’il y a surplus, c’est du ribâ. Si les choses (échangées) sont de
nature différente, vendez comme il vous plaira, mais de la main à la main »
 D’autre part, on peut citer le texte expliquant que le ribâ se manifeste dans
l’intérêt qui se génère par la stipulation d’un terme…etc. (Cf. le hadith rapporté
par oussama Ben Zeid. (textuellement, innema Rriba fi Nnassi’aa)
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Le Qiyas ou le raisonnement analogique

 Qiyas/ Ijtihad = analogie autentifiée + un effort intellectuel

 Traditionnellement, on considéré que la légitimité du Qiyas s’appuie sur le


récit suivant: « Lorsque le prophète envoya Mouadh (un de ses
compagnons) au Yémen, il lui demanda : ‐ Comment trancheras tu les
différends portés devant toi? ‐ Je rendrai mon jugement selon le Livre
d’Allah.
‐ Et si tu ne trouves pas de solutions dans le Livre de Dieu (lui réplique le
messager de Dieu)?
‐ Je la chercherai dans la Sunna de Son Prophète.
‐ Et si tu ne la trouves pas dans la Sunna de Son Prophète ?
‐ Je mettrai à profit ma raison, et je n’épargnerai pas aucun effort pour
trouver une solution. (En guise d’approbation), le prophète donna une
douce tape sur la poitrine de Mouadh et lui dit : Louange à Dieu qui a
permis au messager de Son Prophète de le satisfaire.

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La notion d’illâ

 Il s’agit du lien juridique ou ce que l’on peut qualifier d’un « fait générateur »
 3 conditions principales de la prise en compte du fait générateur (illâ)
 1) Identifier une règle régissant des circonstances réelles et
objectivement perceptibles
 2) Procéder à l’évaluation de façon précise, via une analyse concrète
précise
 3)S’assurer de l’existence d’un lien juridique pertinemment adéquat et
généralisable sur les situations nouvelles.

 En pratique, les jurisconsultes classent tous les faits générateurs pour ne


retenir que le plus adéquat et pertinent par le biais d’ijtihad.

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L’ijtihad?

 Il s’agit de l’effort jurisprudentiel déployé par le ou les savants qui remplissent


au minimum les conditions suivantes ou plus:
1. bien connaître les principes directeurs de la loi islamique;
2. avoir une connaissance suffisante de la langue arabe (étant donnée que les
textes fondateurs du fiqh sont en arabe)
3. maîtriser la méthodologie du raisonnement relatif à l’interprétation des textes
fondateurs à savoir le coran et les hadiths dûment authentifiés.
4. être savant en matière de normes et règles jurisprudentielles;
5. avoir une connaissance pointue des questions du consensus.
6. obtenir l’approbation de ses pairs comme savant notamment en matière de
Fiqh.

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La nature et la validité de l’Ijmâ ?

 L’ Ijma = Consensus doctorum (des jurisconsultes musulmans) sur un cas juridique.

 Il s’agit d’un ijtihad (effort jurisprudentiel) bénéficiant d’une large approbation au


sein de la communauté des jurisconsultes d’une même époque postérieure à
celle de Mohamed (S).

 La force probante de l’ijmâ est admise de sorte qu’il peut devenir une loi
coercitive notamment lorsque l’argument sous-jacent est fondé sur une
référence scripturaire.

 Les conditions de validité d’ijmâ


– l’existence de plusieurs jurisconsultes à l’époque considérée ;
– un jugement unique et explicite ;
– l’unanimité (explicite ou implicite par le silence gardé par ceux qui ne sont
pas prononcés)

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l’Ijmâ et la « problématique » de madhab?

 Les écoles juridico-théologiques de l’islam « Sunnite »


o École Hanafite : Une école fondée par l’imam Abou Hanifa An‐Nu’man, né à Koufa en
80 de l’Hijir / décédé en 150 de l’Hijir (il s’agit d’une école traditionnellement
dominante en Turquie dans les pays musulmans de l’ex union soviétique)
o École Malékite: Fondée par l’imam Malik Ibn Anas (né 93 de H.– l’an 179 de H ) (école
dominante au Maghreb et dans les pays d’Afrique subsaharienne )
o École Chafiîte :l’imam Châf’î (né 150 de H. –d. l’an 204 de H ) (présente
principalement dans les pays du sud-est asiatique)
o Hanbalites : l’imam Ahmad Ibn Hanbal (164H‐241H) (on la trouve principalement en
Arabie saoudite)

 Les écoles juridico-théologiques de l’islam « Chiite »


o École Jafarite (particulièrement en Iran et au sud de l’Iraq)
o École Zaydite ( particulièrement au Yémen)

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l’Ijmâ par le biais d’un ijtihad « institutionnalisé »;
Vers une approche constructiviste..

Le cas de l’Académie de Fiqh (Organisme lié à l’OCI)


Le cas de l’Académie d’Al Azhar
Le cas du Conseil Européen de la Fatwa
 Le phénomène des Sharia Board dans l’industrie bancaire et financière
islamiques
– Comités indépendants dans les IFI.
– Comités règlementaires ou pré-règlementaires.

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Règles méthodologiques pour la déduction du jugement jurisprudentiel

1. La prise en compte de l’intention individuelle et/ou du sens de l’acte à juger dans


la conscience collective.

2. L’application du principe de certitude.

3. La recherche d’une d’équité assez élargie pour couvrir l’ensemble des parties
prenantes et non seulement les contractants directs.

4. La prise en compte de la coutume locale et/ou les pratiques largement partagées


notamment en cas d’absence du Texte.

5. L’application du principe de pénibilité circonstancielle qui implique, de procéder à


un assouplissement des interdits en cas de nécessité absolue ainsi qu’en cas
de besoin pesant selon la jurisprudence.

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LES FINALITES DE LA SHARIA

Al-AQAL

AL-NAFSS AL-DDYNE

AL-MAAL
AL-NASSEL

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Circonstances déterminantes

TAHSSINÏYAT
(tout ce qui est ni de tahaijiyyat* ni de dharouriyat**)

HADJÏYAT*
( tout ce qui peut être qualifié de
besoin « significatif » mais sans risque aggravé par rapport aux maqassid )

DHARRORIYAT**
(Nécessités absolues)

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Les dix commandements de la pensée islamique en
matière d’économie et finance
Les six orientations de base.

1. L’istikhlaf.
2. Le principe d’ Al-adeL /Al-qist ,
3. La valorisation de l’échange dit productif et le refus catégorique de
l’échange fictif, spéculatif et/ou usuraire.
4. Le principe d’adossement de tout montage financier sur des actifs réels;
5. Le principe du partage équitable de risques
6. Le principe d’engagement éthique en situations ( Par exemple: l’adoption
d’une une politique de gestion socialement consciente, la
« sacralisation » des contrats, la mise en place d’ une charte-qualité
comportant un volet filtrage éthique, l’adoption d’une politique de
tarification à lucrativité modérée, …etc.)

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Les 4 principaux interdits dans le domaine de la FI

 Iktinaz (thésaurisation, monopole abusif)


 Gharar (Aléa, tromperie, induction en erreur)
 Mayssir (spéculation, jeu de hasard)
 riba (usure et taux d’intérêt ex-ante)

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Régime de la prohibition du gharar,
(définition, références et analyse de ses logiques de base)
La notion du gharar

 L’interdiction du gharar selon les textes coraniques

 L’interdiction du gharar selon la Sunna

 Un mot sur les domaines d’application du gharar

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Conditions d’application du régime de la prohibition du gharar

L’existence d’une jahala (méconnaissance /insuffisance et/ou


imprécision au niveau du prix.

L’identification d’une jahala ou d’un caractère aléatoire au niveau de


l’objet principal du contrat (la présence du gharar au niveau des
éléments annexes peut être toléré selon les cas).

La tolérance consensuelle du gharar au niveau de hajiyyat


contrairement au riba qui ne saurait être toléré qu’en cas de
dharouriyyat et/ou en l’absence d’une alternative valable.

Non application de la prohibition du gharar au niveau des contrats


dits tabarrou’att.

Un mot sur la distinction à faire entre le ghrar dit fahich versus gharar
dit yassir (la divergence doctrinale en la matière)
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Régime juridique de la prohibition du riba,
(définition, références et analyse de ses logiques de base)
La nature du riba
 Étymologiquement, le terme riba vient du verbe « raba » qui signifie faire
accroître ou augmenter.

 En pratique, nous pouvons définir le riba comme suit: « Tout avantage et/ou
surplus exigé contractuellement dans le cadre d’un prêt, d’une vente à terme de
produits dits ribewi ou dans le cadre d’un troc « déséquilibré » portant sur des
produits de même espèce (au sens de catégorie ribewite) » (Définition formulée par.
Mohamed Bechir Ould Sass, Paris 2009)

 D’un point de vue jurisprudentiel, nous pouvons dire que l’interdiction du riba
englobe les cas suivants:

 Tout surplus versé lors de l'acquittement d'une dette (et dont le versement a
été posé comme condition de façon explicite ou implicite dans le contrat de
prêt/crédit) en raison du délai accordé pour le règlement différé.
 Tout emprunt qui rapporte un avantage conditionné au prêteur par rapport à
ce qu'il a avancé initialement.
 Tout surplus perçu lors de certains échanges direct entre deux éléments de
même nature (or, argent, monnaie fiduciaire…)

30
Les 2 principales catégories de riba

 riba relatif aux dettes/riba An-nassia :


 Intérêts résultant de la stipulation d’un terme
 Intérêts liés au retard de remboursement

 riba relatif aux transactions commerciales (vente & change) :


 Les opérations de troc « déséquilibré » sur les produits dits ribewi
 Les opérations de forward/vente à terme de monnaies.

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Aperçu historique sur le phénomène universel de l’usure

 Quoique toujours contestable et contestée l’usure fût une pratique quasiment


universelle. Les historiens notent que depuis déjà l’Antiquité Gréco-romaines
l’usure fut pratiquée. Avant les reformes de Solon (Athènes), comme avant
l’époque des XII Tables (Romme) , aucune limite ne fut posée au taux d’intérêt.
(dans certains cas le débiteur se trouve obligé de répondre sur son corps vis-à-
vis du créancier.

 Les reformes de Solon (Athènes) ainsi que celles relatives aux XII Tables
(Romme) ont introduit pour la première fois l’idée de « plafonner » les taux
d’intérêt.

 Dans l’Antiquité égyptienne, certains travaux de recherches ont démontré


l’existence d’une loi de Bocchoris( un pharaon d’ Égypte) stipulant que l’intérêt ne
devait en aucun cas parvenir à être supérieur au capital prêté.

Les reformes inspirées par les religions monothéistes

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La question de l’usure selon des textes bibliques

 Dans l'Exode, il est dit : « Si tu prêtes de l'argent de mon peuple au pauvre qui
est comme toi, tu ne seras pas pour lui comme un usurier, tu n'exigeras pas
de lui un intérêt . »

 Selon Lévitique : « Si ton frère devient pauvre et que sa main fléchisse près
de toi, tu le soutiendras, de même l'étranger habitant le pays, afin qu'il vive
auprès de toi. Tu ne prendras de lui ni intérêt, ni profit. tu ne lui prêteras pas
ton argent à intérêt et tu ne lui prêteras pas de tes vivres pour en tirer profit ».
Il semble se dégager de ces préceptes que le prêt est un acte à titre gracieux
par principe.

 Il existe d'autres textes qu'il serait long de reproduire ici.

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La question de l’usure dans la tradition ecclésiastique

 Selon saint Augustin, « Si vous prêtez à un homme avec stipulation d'intérêts,


c'est-à-dire si vous attendez de lui, en échange de l'argent prêté, plus que ce
que vous avez avancé, que ce soit de l'argent, du blé, du vin, de l'huile ou
autre chose, vous êtes un usurier et en cela vous êtes blâmable. »

 Selon saint Thomas d'Aquin “Le temps est un bien accordé par Dieu ; il ne
faut pas tirer profit de son écoulement”,

 Globalement, dans le christianisme catholique, le prêt a intérêt fut condamné


catégoriquement jusqu’au 1917 s’agissant du Vatican. (Cf Codex iuris
canonici, C.1735)

34
La question du riba dans les textes Coraniques (1/4)
« Une approche progressive »

La 1ère révélation coranique au sujet du riba se trouve dans la Sourate n°


30 « Arroum », verset 39

Du point de vue jurisprudentiel, ce texte ne comporte pas une interdiction


formelle du riba. Cependant, il a amorcé le processus d’interdiction par le
biais d’une mise en garde symbolique ainsi qu’une très intéressante mise
en contraste entre le riba (pratique jugée indésirable) et la zakat (pratique
désirable socialement et très récompensée spirituellement)

35
La question du riba dans les textes Coraniques

 2ème révélation coranique au sujet du riba se trouve dans


la sourate n°4, verset n°161

 Dans cette sourate, le texte coranique se contente de


rappeler:

 l’interdiction du riba dans des législations antérieures


notamment dans la loi mosaïque,

 la sanction réservée à ceux qui se livrent à une telle


pratique

36
La question du riba dans les textes Coraniques(3/4)

La 3ème révélation au sujet du riba se trouve dans Sourate


n°3 « la famille de ‘Imran », verset 130

On constate désormais que le texte coranique prends la


forme d’un « ordre ferme » de rompre avec la pratique du
riba…on y trouve aussi une subtile allusion à l’effet
multiplicateur de riba( la notion d’ adh’aaf (mentionée dans
le texte) indique une description du riba et non pas une
restriction de son champ d’application)

37
La question du riba dans les textes Coraniques (4/4)

La quatrième et dernière révélation coranique au sujet du


riba se trouve dans Sourate n°2 « Al-baqara », versets
275 à 280.

 Dans cette sourate, le texte coranique apporte une


formulation claire et sans équivoque et confirme les choix
islamiques suivants:

 Encouragement de l’échange productif et équitable (al-


bai)

 Interdiction définitive du riba (sans effet rétrospectif)

 Prohibition de tout « surplus usuraire » ou majoration


créancière sur les capitaux prêtés.
38
Analyse du riba au niveau de la Sunna/
« Une approche interprétative articulée au tour de trois axes »

 Réaffirmation de l’interdit coranique Cf. Le hadith rapporté par Ussama Ibnou Zayd

 Mise en évidence de certaines déclinaisons du riba. Par exemple, le hadith


rapporté par Ubadatta ibnou As-samet

 Exhortations éthico-spirituelles visant à renforcer la rupture définitive avec les


pratiques usuraires et spéculatives. Plusieurs Hadiths s’inscrivent dans cette
orientation …par exemple le hadith rapporté par Abou Houraira sur les 7
turpitudes.

39
Les 3 principales règles résultant du régime de la prohibition de riba

1) Si les produits à échanger sont du même fait générateur (illa) , de même nature et de
même espèce par exemple (or c/ or, blé c/blé) = on doit respecter le principe de tamathoul
[égalité tant quantitative que qualitative (dans les transactions au comptant et à terme)]

 Interdiction de stipuler de l’intérêt en matière de prêts d’argent ou de denrée alimentaire


 Interdiction de souscrire des titres de créances (bons du Trésors, obligations).

2) Si les produits sont du même fait générateur, de même nature mais d’espèce différente par
exemple (or c/argent, blé c/ sel) = il est permis d’avoir un différentiel de valeur des biens
échangés, seulement au comptant

Principe : Pas de change de monnaie à terme : même si livraison d’un genre au comptant et
l’autre à terme

3) Si les produits à échanger ne sont ni du même fait générateur, ni de même nature =


échange au comptant ou à terme avec une différence de valeur du bien (liberté complète)
Le prix à terme d’un bien peut être plus élevé que son prix au comptant (acte de commerce)
Distinguer les intérêts des commissions, des frais et des profits (marge bénéficiaire et
dividendes)
C’est ainsi que les contrats islamiques (catégorie mou’awadhat/manafi’e) peuvent stipuler une
marge bénéficiaire lorsqu’ils s’adossent à un actif réel.

40
Le riba et les clauses d’indexation

L’indexation est-elle compatible avec le régime islamique de ribâ?

 Les clauses d’indexation en matière de prêt (divergence doctrinale)

 Les clauses d’indexation en matière de salaire et de loyer (consensus


doctrinal)

 Un mot sur l’idée de la mise en place d’un système Dinar‐Or qui retiendra
l’or comme étalon de mesure. En pratique, cela peut consister à évaluer les
sommes prêtées par rapport à l’or de sorte ce que si X euros correspond à Y
grammes d’or à T1, l’emprunteur devra verser Y grammes d’or à T2.

41
Fatwas consensuelles (bi’ ijmaa) au sujet du taux d’intérêt bancaire

Fatwa de l’académie de recherches islamiques : Cf. actes du 2éme


congrès de Fiqh qui a eu lieu au Caire en 1965.

Fatwa de l’académie de jurisprudence islamique ou Mujam’a alfiqh al-


islami notamment dans son rapport N°(2/10) de 1985

42
Fatwas non-consensuelles au sujet du crédit bancaire

Fatwa de Maarouf dawalibi (1952)


Fatwa de Tantawi (2002) au sujet des banques qui fixent un intérêt
d’avance.

Fatwa du CEF et/ou Qaradawi (1998)

43
Focus sur la Fatwa du CEF (1/3): les arguments évoqués

 Le premier argument évoqué suggère en effet une prise en


considération d’un avis de l’école hanafite selon lequel il
serait permis, en dar al-harb, (terre ennemie/pays en guerre avec
l’isalm) d’effectuer des contrats vicieux et des transactions basés sur
le riba. (j’ai toujours essayé de mettre mes confrères en garde contre
la dangerosité de cet avis notamment en termes des conséquences
négatives sur les relations des musulmans européens avec leurs
concitoyens).

 Le deuxième élément laisse entendre que l’on peut traiter « Al-haja »


du crédit pour l’acquisition des maisons » de la même manière
que « Dharoura » pour autoriser ce qui est interdit.

44
Focus sur la Fatwa du CEF (2/3): Les arguments évoqués

 Le troisième argument évoqué dans la Fatwa du CEF considère que ce qui


est prohibé en tant que moyen du harâm ou parce qu’il représente une
voie pouvant mener à l’interdit- peut être autorisé en cas de besoin, tandis
que tout ce qui est prohibé intrinsèquement -parce que c’est un mal en soi-
ne peut être permis qu’en cas de nécessité.

 Le quatrième argument tente de s’appuyer sur la justification selon laquelle


le musulman n’est pas appelé (Schar’ann) à établir les règles civiles,
financières et politiques de la Charia en ce qui concerne le système général
dans une société qui ne croit pas à l’islam.

 Les cinquièmes et sixièmes arguments mobilisent deux éléments qui ne sont


pas vraiment jurisprudentiels à savoir : la prise en compte de tous les
avantages jugés prépondérants pour faciliter l’accès à la propriété ainsi que
l’idée d’éviter que l’observance de l’islam par les musulmans ne devienne la
cause de leur faiblesse économique.

45
Focus sur la Fatwa du CEF (3/3): les arguments évoqués

 Critique de l’argument 1 : On sait que la quasi-totalité des savants s’opposent à l’avis


de l’école hanafite évoqué dans le premier élément de l’argumentation du CEF. De
plus, il convient de faire attention aux dangereuses conséquences du recours ce avis
minoritaire selon lequel il serait même permis, en dar al-harb, (terre de
guerre) d’effectuer des contrats vicieux (logique martiale oblige). La considération d’un
tel avis n’est pas convaincante juridiquement et ni compatible avec la réalité des
musulmans en Europe.

 Critique de l’élément n°4 qui tente d’établir une distinction dans la qualification de l’acte
d’emprunter et l’acte de prêter ! : Selon un hadith transmis par Djabir ben Abdillah dans
le recueil authentique de Mouslim, Celui qui pratique le prêt à intérêt et celui qui
emprunte sont jugées égaux et complices dans la transgression de l’interdit.

 Critique d’ordre globale : Il existe un ijtihad collégial issu d’un ijmma institutionnel sur le
fait que les taux d’intérêt bancaires (créditeurs/débiteurs). Cet ijtihad ne saurait être
réfuté, et si cela était possible, il devrait l’être par un Ijtihad collégial de plus grande
envergure ou tout au moins d’un niveau similaire. Ce qui n’est pas le cas pour l’ijtihad
effectué par les membres du CEF.

46
Objectifs de prohibution du riba
«selon une approche macro »

 Écarter le risque d’incitation à la spéculation monétaire


 Stimuler davantage l’esprit d’initiative
 Concilier le capital monétaire avec le travail entrepreneurial (dans
une optique volontariste et éthique)

 Établir une cohérence entre l’économie financière et l’économie


réelle.

 Réduire le risque de l’exclusion financière (Cf. notre schéma ci-


dessous)

47
La pratique du riba favorise une certaine exclusion

Rendement
Rendement

Investissement
Investissement

Taux Epargne
d’intérêt

Exclusion Financière Epargn

48
Le financement sans riba (FSR) est un vecteur de croissance et
d’inclusion financière.

Le financement sans riba assure plus de sécurité juridico-financière


dans la mesure où il est profondément basé sur l’économie réelle et non
sur une logique purement monétaire.

 Le FSR, vecteur de croissance par le biais d’une stratégie inclusive


basée sur la démocratisation des services bancaires et la promotion de
l’accès au capital pour tous.

Je tiens à rappeler que dans le cadre d’un FSR (type participatif), pas
d’objection à ce que le ratio de participation au profit soit réajusté d’un
commun accord notamment dans les secteurs jugés rentables afin de
ne pas désavantager les entreprises partenaires par rapport à celles, du
même secteur, se finançant par endettement. De plus, la part du
financier dans le bénéfice n’étant qu’un coût « implicite », elle ne
saurait affecter le coût de production, contrairement aux frais
d’endettement au sens classique du terme.
49
Les principales catégories contractuelles de la finance islamique
Les principales catégories contractuelles de la finance islamique

LES CONTRATS

Ouqoud al-shirkat Ouqoud al mou’awadat Ouqoud al-ttabarou’at


Contrats basés sur Contrats basés sur une logique Contrats basés sur une
une logique de partage d’échange commercial logique de bienfaisance

51
Les catégories contractuelles de la finance islamique (1/3)

Ouqoud al-shirkat :
Contrats basés sur une logique de partage

Compétences techniques :
«ouqoud a’mal »

La réputation et la confiance dont bénéficient


les associés auprès des acteurs économiques:
« shirkat al-wujouh »

La possession d’une propriété commune et indivisible:


PARTICIPATION FINANCIÈRE :
LA MUSHARAKAH « shirkat al-milk »
ASSOCIATION DU CAPITAL AU TRAVAIL:
LA MUDHARABAH

Association entre propriétaires terriens et paysans portant


sur la culture de la terre ou l’entretien de vergers :
« Muzara’ah & Mussaqat »
52
Les catégories contractuelles de la finance islamique (2/3)
Ouqoud al-mou’awaddat
Contrats basés sur une logique commercial

Contrats de vente Murabahah

Contrats d’agence (wakalah)

Contrats de location (Ijarah)

Contrats de fabrication (Istissna’a)

Contrats de maintenance

Tous autres contrats suivant une logique


53 d’échange commercial sans intérêt ex-ante
Les catégories contractuelles de la finance islamique (3/3)

Ouqoud al-ttabarou’at
Contrats basés sur une logique de solidarité

Contrats de prêt sans intérêts (Quard hassan)

Contrats de Waqf

Contrats de Takaful

54
‫بسم هللا الرحمن الرحيم‬

Ontologie du droit musulman des transactions,

« Une approche juridique non exhaustive »

Mohamed Béchir OULD SASS


Enseignant à l’université de Strasbourg
et membre fondateur de l’ACERFI
La conception islamique de l’échange

 Rappel et aperçu synthétique sur la place de l’échange


productif dans la pensée économique en islam.

 L’idée d’encadrement de la catégorie d’échange portant sur


les produits dits « ribawis » notamment en raison du
« danger » systémique y afférant.

 Souplesse et encouragement de l’échange portant sur des


produits qualifiés de « non ribawis »

56
Exigences et/ou conditions de validité

 L’enjeu d’une finance contractualisée et dûment certifiée.


 Focus sur les conditions de validité d’une vente en droit
musulman…..(un mot sur l’exigence du caractère vénal,
de la propriété, de la connaissance du prix, de l’objet et
les circonstances d’al-ttasslim wa’ al-tteselloum…etc.
Les principaux types de vente en droit musulman (au
regard des modalités relatives à la fixation du prix )

Bai’ al-moussawama?
Bai’ al- mourabaha?
Bai’ al-tawliyya ?
Bai’ al-wadhi’aa ?
Bai’ al-Mouqa’yadh ?
Bai’ bi Mazad Alani?
58
Les principaux types de vente en droit musulman ( en
termes de modalités relatives au paiement )

Bai’ najiz

Bai’ bi taqssit

59
‫بسم هللا الرحمن الرحيم‬

Le régime juridique de la vente dite Sarf ;


ses conditions et ses limites

Mohamed Béchir OULD SASS


Enseignant-chercheur en finance islamique
Membre associé de l’ACERFI
La perception du commerce et de l’échange en islam

 Un rappel sur la perception islamique de l’échange

 Souplesse et valorisation de l’échange portant sur des produits qualifiés


de « non ribuiwis »

 Limitation et encadrement de l’échange portant sur les produits dits


« ribewis »…le cas du sarf.

61
Rappel au sujet du Sarf

D’un point de vue étymologique, le Sarf est un concept qui désigne le


change des monnaies.

Techniquement, il s’agit d’une transaction dans laquelle les deux


contreparties sont de nature monétaire.

Les règles islamiques en matière du Sarf concerne donc l’échange


d’une monnaie contre une autre. Mais, qu’est qu’une monnaie?

On peut qualifier de monnaie tout outil de paiement accepté de façon


générale par les membres d’une communauté en règlement d’un
achat, d’une prestation ou d'une dette.

62
Les 4 caractères intrinsèques de la monnaie

 Fiduciarité : toute unité d’échange monétaire a besoin d'une dose de


confiance en son pouvoir, sa « fiduciarité » est en effet basée sur la
reconnaissance de son effectivité en tant que moyen de règlement
valable;

 Fongibilité, le fait qu’elle disparaît par l’usage et peut être


remplacée par des espèces de même nature;

 Liquidité, le fait qu’elle est directement utilisable;

 Universalité (générale ou partielle), le fait qu’elle s’impose, par le


biais de la souveraineté étatique, à tous les acteurs de la
communauté dans laquelle elle fonctionne.

63
La conception spécifique de la monnaie en islam

 La monnaie n’a pas de valeur intrinsèque mais juste une fonction d’intermédiation.
On ne saurait donc lui accorder le statut de bien productif en soi (l’opinion de l’imam
Abu Hamid Al Ghazali)

 « Les monnaies ne doivent pas être demandés pour elles mêmes. Leur finalité
n’est que de permettre l’accès aux marchandises. Si elles deviennent des
marchandises demandées pour elles mêmes, il en résultera beaucoup de torts pour
les gens. Ce principe ne vaut que pour les monnaies à l’exclusion des autres biens
fongibles » (Opinion d’Ibn Al-quayyim)

La monnaie comme véhicule de liens sociaux (l’opinion d’Ibn Rouchd/ Averroès).

64
L’usage sharia-compatible de la monnaie

La monnaie

Précautionneuse
Transactionnelle Accumulative
(épargne positive)

Investissement, production et croissance harmonieuse La spéculation monétaire, Thésaurisation


l’usure, la pratique du taux
d’intérêt ex-ante Epargne négative

65
Qualification du contrat sarf

 Un contrat nommé bénéficiant d’une spécificité justifiée

 Toute opération de vente portant sur portant sur l’or, l’argent et/ou sur
la monnaie doit être régi par les règles jurisprudentielles du sarf

66
Conditions de validité de sarf

1. Al-qabdh : Dans un contrat de sarf, le principe d’Al-qabdh consiste à exiger qu’il y ait
systématiquement une prise de possession réelle ou statutaire des contreparties)
2. Al-tamthoul : Ce principe stipule qu’il n’est pas permis d’exiger un surplus lorsque les
contreparties qui font l'objet d’échange sont issues de la même monnaie par exemple
l'échange de dinar en billet contre le dinar en pièces).
3. Al-Nnoujouz : Ce principe réfute l’ajournement ou la stipulation d’un terme dans le
cadre du change monétaire.
4. Pas khiyâr shart : Cette règle consiste à considérer qu’il n’est pas permis d’intégrer
dans un contrat de sarf une clause stipulant un droit de rétractation (khiyâr shart) ou
une échéance à laquelle devra être versée l'une ou les deux contreparties.
5. Pas de qimar ni ihtikar : Ce principe vise à rappeler qu’il n’est pas permis de procéder
à la spéculation monétaire ou d’exercer le commerce de devises dans une optique de
monopole (ihtikâr).

67
L’impacte du facteur temps sur la licéité des
transactions commerciales

Opérations dans lesquelles on Opérations dans lesquelles


reconnait au temps un rôle dans la on neutralise le facteur
fixation du prix temps systématiquement

Ventes à terme des produits dits


Bai’ Selem & Istisn’a ribawits par exemple:
(Contrats de vente avec livraison -Des dinars contre des dirhams à
& Contrats d’entreprise) terme,
- créances contre créances,
- Bai’e bi themen ajil
-du blé contre orge à terme
(Ventes à terme portant sur des produits « non ribawits »
-dattes contre sel à terme

68
Quelques résolutions contemporaines au sujet du sarf

 Selon le SB de l’AAOIFI, Il n'est pas permis de procéder à des opérations


d’achat/vente dites parallèles (purchase and sale of currencies parallel) justement en
raison de la présence d'une des causes suivantes qui implique l'invalidité de cette
transaction :
1. Du fait que les deux devises (la vendue et l'achetée) ne sont ni livrées ni reçues
réellement, ce qui implique un non respect du premier principe à savoir Al-qabdh
2. Du fait qu'il y a une clause conduisant à l’imbrication direct d’un contrat de
change dans un autre contrat de change.

 Selon le SB du group Al-baraka, Il n'est pas permis qu'un contractant qui participe à
une association (mushâraka) ou une commandite (mudâraba) d’imposer à l'autre partie
une clause qui lui permet de se protéger des risques que comporte le sarf .
Cependant, il est permis qu'une tierce personne se porte volontairement garante de ces
risques sans que cela ne soit stipulé dans le contrat initial.

69
Il faut savoir gérer le risque du Sarf dans le respect de la conformité

 Effectuer des prêts réciproques avec des monnaies d'échanges différentes sans
verser ni percevoir d'intérêts sous condition que rien de contractuel ne lie les deux
prêts.

 s’attacher à utiliser la même monnaie d'échange dans toutes les opérations


comportant un risque élevé de volatilité

 Intégrer une clause prévoyant que les échéances telles que celles de la murâbaha,
soient réglées en devise mais au prix du marché le jour du règlement.

 Il n’est pas permis de procéder à la conclusion des promesses bilatérales en matière


de Sarf même si l’objectif est d’éviter les risques de fluctuation relatifs aux taux de
change.

 Si la promesse ne vient que d'une seule partie contractante, l’opération de sarf sera
valable même si cela doit engager la responsabilité du prometteur.

70
Combinaison de sarf et hawala

 La hawala désigne une opération de transfert de dette ou de créance


sans surplus capitalistique ou avantage pécuniaire.

 Nous pouvons facilement imaginer une transaction se composant d’un


contrat de change avec une prise de possession (qabdh par livraison
directe et/ou par enregistrement bancaire); en suite un contrat de
hawala permettant un transfert, sans contrainte-temps*, de la somme
due avec la monnaie achetée par le demandeur du hawala.

* Dans un contrat simple de sarf aucun ajournement ne peut être toléré


donc la combinaison de sarf avec la hawala est une technique qui a
pour vocation de lever la contrainte-temps .

71
Des cas de sarf considérés « interdits »

 Le cas où le client se livre au commerce du sarf avec des sommes


qui dépassent ce qu’il possède réellement en s’appuyant sur des
facilités financières accordées par l’institution qui gère son compte de
devises.

 Le cas où l’institution s’arrange pour accorder à son client des


sommes en devise tout en stipulant comme clause que le client
effectuera ses opérations de devises exclusivement avec la dite
institution.

72
Des éléments déterminant au sujet de la « volatilité » monétaire

 La politique monétaire et la communication en la matière


 L’offre (la masse monétaire) et la demande en la matière
 La capacité d’absorption et/ou les potentialités de croissance relatives à
l’économie de l’Etat qui émet et garantit la monnaie
 Le niveau d’exposition à la spéculation
 Le niveau de confiance ou le fait qu’une telle ou telle monnaie soit reconnue et
appréciée par un grand nombre des intervenants économiques, investisseurs
particuliers et/ou institutionnels ( par exemple, les banques centrales des autres
pays, les banques privés, les fonds souverains, les entreprises multinationales…
etc.)

73
‫بسم هللا الرحمن الرحيم‬

Le régime juridique de Murabaha

Mohamed Béchir OULD SASS


Enseignant-chercheur en finance islamique
Membre associé de l’ACERFI
La nature de la Murabaha

 D’un point de vue étymologique, la Murabaha est un terme qui vient


du verbe rabaha (chercher du gain)

 D’un point de vue jurisprudentiel, il s’agit d’un contrat de vente au prix


de revient majoré d’une marge bénéficiaire devant être convenue
d’avance entre l’acheteur et le vendeur. À ce titre, la vente dite
Murabaha se différencie clairement de la vente ordinaire dite
Mussawama.

 Un mot sur l’historique de la Murabaha et son introduction dans la


profession bancaire.

 De la murabaha simple à la Murabaha « triangulaire »…


75
Qualification juridique de la Murabaha

Contrats de vente Contrat de


Mussawama Murabaha

Contrats d’Amanah/
Contrats de (dans ce type de contrats la Tawliyah
vente communication du coût de
revient est exigée)

Wadhi’a
Autres contrats de vente
(vente à perte)

76
Les principales formes de Murabaha

 Juridiquement, la Murabaha peut se faire au comptant ou bien


consentie avec un différé de paiement suivant des conditions
clairement explicitées dans le contrat de financement.

 Dans la pratique bancaire, la Murabaha désigne une opération


d’achat-revente érigée en mode de financement au moyen de deux
transferts successifs de propriété.

 La partie (banque, agent financier ou IF) procède à l’achat initial du


bien sur ordre du client ( donneur d’ordre), lequel doit prendre
connaissance du prix d’acquisition ainsi que la marge bénéficiaire.

 Généralement, la revente du bien par le Financier au client intervient


dans un délai court qui ne dépasse pas six mois à compter de
l’acquisition dudit bien.

77
Focus sur la nature distincte de la Murabaha par rapport au
crédit classique

 Alors que le crédit classique consiste en un contrat de simple mise à disposition de fonds,
s’inscrivant dans une logique de génération de l’argent en fonction de l’écoulement du
temps, la Murabaha s’analyse en une opération d’achat et de revente sans intention de
spéculation comportant une transparence sur la marge bénéficiaire réalisée.

 Le profit réalisé par l’établissement financier se justifie par le transfert de propriété après la
détention du bien par ledit établissement et les risques afférents à cette détention, tant en
termes de responsabilité (destruction totale ou partielle du bien, sinistre, etc …); risques
susceptibles d’intervenir avant la cession du bien à son client), qu’au regard des garanties de
droit commun qui lui incomberont lors de la revente du bien à l’acquéreur final.

 Si l’opération de Murabaha, à l’instar d’un crédit conventionnel induit un risque de


contrepartie, à savoir que le client ne parvienne pas à honorer sa dette, le contrat de
Murabaha comporte en sus un risque d’exécution lié à la faculté de rétractation du client et à
la possibilité de ce dernier de ne plus procéder à l’acquisition du bien initialement convoité.

 Le transfert de propriété du bien concerné au profit de l’établissement financier, ne fût ce que


pour un instant de raison, du risque d’exécution, conduisent inexorablement ce même
établissement à accroître sa vigilance quant à la nature du bien devant être acquis dans le
cadre du contrat de Murabaha ainsi qu’aux conditions du financement octroyé à con client.

78
Interdiction de pénalités et de remise en cas de remboursement par anticipation

 Dans un contrat de Murabaha, l’acquéreur peut à son initiative


rembourser par anticipation, en partie ou en totalité, la somme restant
due sur le financement qui lui a été consenti.

 Le client/acheteur n’aura pas le droit d’exiger une remise


systématique pour le remboursement anticipé de sa dette.

 L’institution financière peut, de son plein gré, renoncer à une partie de


sa créance en cas de paiement anticipé de l’acquéreur. Toutefois, une
telle remise, quoique recommandée, ne peut être initialement prévue
ni consentie dans le contrat de Murabaha ; la décision pour
l’acquéreur de procéder à un remboursement anticipé de sa créance
ne pouvant davantage être conditionnée par la remise accordée par
le financier.

79
Constitution de garanties dans la pratique de Murabaha

 Dans le cadre d’un contrat de Murabaha assorti d’un différé de


paiement, le financier veut légitimement s’assurer que le prix de vente
sera bien réglé à la date convenue dans le contrat. A cet effet, il lui
est permis d’imposer à son client la constitution de garanties
sous la forme de sûreté personnelle (cautionnement) et/ou de
sûreté réelle (hypothèque).
 Toutefois, le contrat de Murabaha ne peut pas comporter une clause
de réserve de propriété subordonnant le transfert de propriété de
l’actif au profit de l’acquéreur au paiement intégral du prix par ce
dernier, dans la mesure où l’insertion d’une telle clause va à
l’encontre du but du contrat de vente (nature première du contrat de
Murabaha), à savoir le transfert immédiat de la propriété du bien objet
du contrat.

80
L’imposition de l’opération de Murabaha

Par rapport aux instruments financiers issus de la finance


conventionnelle, les opérations de Murabaha pourrait présenter des
surcoûts fiscaux qui pourraient rendre ces opérations peu
compétitives, plus particulièrement lorsque ces dernières portent sur
des actifs immobiliers. Il appartient alors à l’Administration fiscale,
dans un souci d’optimalité, d’adopter des mesures de façon à aligner
le traitement fiscal de l’opération de Murabaha sur celui d’un prêt
conventionnel, le but de ces mesures consistant essentiellement à
parvenir à

(i) une quasi-neutralisation des doubles droits de mutation


(ii) ainsi qu’à une assimilation du profit du financier à de l’intérêt.

81
Quasi-neutralisation des doubles droits de mutation

La Murabaha implique un double transfert de propriété (le premier


intervenant entre le tiers vendeur et le financier, le second entre le
financier et l’acquéreur final) qui, en principe, rend exigible par deux
fois les droits de mutation à titre onéreux.
Le frottement fiscal des droits d’enregistrement peut être réduit de
manière significative en exonérant la première des deux mutations
(c’est-à-dire l’acquisition initiale du bien par le financier auprès du tiers
vendeur) des droits d’enregistrements au taux de droit commun, celle-
ci restant toutefois soumise soit aux droits d’enregistrement à un taux
réduit, soit à un droit fixe.
La seconde mutation (c’est-à-dire la revente de l’actif par le financier à
l’acquéreur final) continue quant à elle d’entraîner la perception des
droits d’enregistrement au taux de droit commun. Toutefois, dans ce
cas, l’assiette des droits de mutation à titre onéreux peut être
sensiblement réduite en y retranchant le montant de la marge
bénéficiaire du financier ainsi que les coûts afférents spécifiquement à
la première mutation.
82
Perspectives fiscales

 Pas de double taxation…

 Les opérations Murabaha sur actifs immobiliers, titres, équipements,


stocks et matières premières devraient être soumises à une fiscalité
plus souple sinon équivalente à celle d’un financement
conventionnel.
- La marge du Financier est considérée comme comportant la
rémunération d’un différé de paiement, traité fiscalement comme de
l’intérêt.
- Pour les financements immobiliers, application du régime de
marchand de biens à l’établissement financier : pas de double
imposition des droits de mutation ( dans certains pays, on tends vers
une limitation à la taxe de publicité foncière à 0,715%)

83
Les modalités du calcul de la marge bénéficiaire

 Les coûts pouvant être ajouter au capital de la Murabaha avant le


calcul de la marge bénéficiaire (divergence doctrinale)

 Les frais ou les dépenses qui ne sauraient avoir un impact direct sur
le volume de la marge bénéficiaire (divergence doctrinale)

84
La perception de la Murabaha comme pratique commode

Compte tenu de son profil de risque(ct), sa flexibilité opérationnelle, la Murabaha est un instrument
financier souvent qualifié de pratique et facilement ajustable pour le financement de plusieurs types
d’opérations :

Matières premières

Biens
d’équipement
industriel

Biens de
Opérations de Murabaha consommation

Immeubles

Titres
financiers
La Murabaha dans la pratique comptable d’une BI/ le cas de la QIB

Les annexes comptables doivent présenter le statut légal et les principales activités
Et, naturellement il doit y avoir mention des opérations de financement islamique
La Murabaha dans la pratique comptable d’une BI/ le cas de la QIB (suite)

Dans les annexes du rapport annuel de la banque,


on trouve généralement une présentation des principes applicables sur les opérations de financement islamique

Page 87
La Murabaha dans la pratique comptable d’une BI/ le cas de la QIB (suite)

Les annexes doivent présenter les principes comptables


Il doit y avoir mention des opérations de financement islamique
La place de la Murabaha sur le bilan d’une BI

Sur ce bilan de la QIB, nous constatons donc clairement deux catégories de


créances
Celles auprès des IF et celles auprès de la clientèle.
Domination de la rubrique Murabaha & Musawama au niveau de financement

Page 90
Quelques réflexions sur la différences entre la Murabaha et le crédit
classique

En dépit d’une certaine similarité « de façade » entre le crédit à intérêt


et la Murabaha, plusieurs différences existent entre les deux modes
de financement notamment au niveau des éléments suivants:

 La structuration juridique
 Les conséquences macro-économiques
 Les pénalités financières et/ou la stipulation des intérêts de retard
 La nature de la rémunération et/ou les modalités de fixation de la
marge bénéficiaire.
 La prise en considération de la nature du bien faisant l’objet de
l’opération ainsi que son utilité sociale.

91
Des points à retenir au sujet de la Murabaha
 La Murabaha doit être structurée sous forme d’une vente réelle et absolue. C’est ainsi
que les opérations liées à un évènement futur ne sauraient être validées.
 L'objet de la Murabaha doit être sous forme d’une propriété ayant une valeur: ainsi, les
choses dites hors-commerce ou non vénales d’un point de vue de doit musulman, ne
peuvent pas faire l’objet d’un contrat Murabaha.
 Le produit qui fait l’objet du contrat Murabaha doit être livrable, connu, identifiable et
bien spécifié.
 La livraison du produit ne doit pas dépendre d'un évènement aléatoire.
 Le prix de revient, la marge bénéficiaire et les modalités de paiement doivent être connus
d’avance et déterminés de façon claire et certaine au moment de la transaction; si cela
est incertain, la vente est nulle.
 Dans un contrat de Mourabaha, le financier (IF) doit prendre possession du produit avant
de pouvoir le céder à son client. En effet, il est essentiel que le produit entre légalement
sous la responsabilité du financier comme une propriété (Moulkiyya ayaniyya ou
houkmiyya) (ne serait-ce que pour une courte période) avant d'être transféré au client.
Ainsi, dans le cas où le produit ou la marchandise livrée ne correspond pas aux
caractéristiques énoncées, c'est le financier/vendeur qui doit effectuer, à sa charge,
toutes les démarches nécessaires pour que le fournisseur reprenne éventuellement son
bien. Et si la marchandise est détruite avant d'avoir pu être revendue et remise au client,
la destruction se fait aux dépens du financier/vendeur.

92 92
13 janvier 2010

Le régime juridique d’ijara/iqtinaa et ses principales modalités d’application

Mohamed Béchir OULD SASS


Enseignant-chercheur à l’université de Strasbourg
et cofondateur de l’ACERFI
‫بسم هللا الرحمن الرحيم‬

Le régime juridique du contrat wakala dans


les transactions économiques et financières

Mohamed Béchir OULD SASS


Enseignant-chercheur à l’université de Strasbourg
et membre co-fondateur de l’ACERFI
La nature de Wakala

 La wakala désigne un contrat par lequel une personne (dénommée


mouwakkil ou le mandant), accorde expressément à une autre
personne (dénommée Wakil ou le mandataire), le droit d’agir et/ou
d’exécuter des actes juridiques en son nom et pour son compte.

 wakala simple et wakala bi Ajr,

 En pratique, la wakala n’ a pas une forme unifiée. Il s’agit d’un


contrat qui peut être employé sous multiples formes (logique
Tafwidh sans rémunération, logique d’Amana et Mouawadha avec
avec rémunération fixe et/ou variable mais toujours pas de 3P ni
d’obligation de GVC)

 La philosophie juridique du contrat wakala est basé sur


logique de Tafwidh ainsi qu’ une double obligation de loyauté.
Tout manquement en la matière risque d’être qualifié d’infraction en
95 termes d’abus de confiance.
Fondement et légitimité de wakala en droit musulman

 Traditionnellement, le texte de la sourate al-kahf /55 (il s’agit, en


l’occurrence, d’une wakala présentant un ordre d’achat au nom du
group)

 Le texte du hadith rapporté par Ourwa al-bariqi

 Une légitimité qui se puise dans l’ijma’a (Cf. neyl al-aw6ar)

 Le principe de la Maslaha ou l’intérêt général

 Le principe du consensualisme ….

96
Les principales catégories de wakala

1) La catégorie de contrats conçus sous forme d’une wakala moutlaqa et


najiza : Cette catégorie regroupe les mandats à caractère non restreint et
qui prennent effet directement après la conclusion du contrat.
2) La catégorie de contrats conçus sous forme d’une wakala mouqayyeda
(mandat à caractère spécifique ou mandat à exécuter dans un périmètre
restreint). Cette catégorie se décline en plusieurs types de contrats dont
les suivants :
 Une wakala conditionnée par la survenance d’un événement spécifié.
Par exemple, un contrat accordant à la BI le droit d’agir sous forme de
wakala pour la gestion d’un actif détenu par un client (qui deviendra
automatiquement mandant) dés qu’il n’arrive pas à régler ses
engagements ou à payer ses dettes envers la banque.
 Le contrat de wakala dont l’exécution est liée à une datte future.
(A noter que les deux derniers points s’appuient sur une opinion déduite
du principe selon lequel la wakala est basée sur une logique de tafwidh
et par conséquent elle peut être conditionnée et liée à une date future ).

97
Conditions de validité et obligations des parties

 Vérifier le socle contractuel de base à savoir le consentement, la


capacité, l’objet et la cause;

 S’assurer que l’objet et la cause du contrat-wakala sont réalisables et


licites;

 Vérifier la nature et l’existence de l’offre et de l’acceptation ( condition


exigée antérieurement, sauf dans le cas de tassarouf al-foudhouli).

 Les deux parties (wakil et mouwakkil) ont l'obligation de respecter les


termes du contrat. Par exemple, si une rémunération a été prévue
notamment en cas du contrat dit wakala bi-ajr, la partie dite mouwakkil
aura l’obligation de prendre en charge tous les frais relatifs à
l’opération (objet de wakala). il n’est pas permis de retarder le
paiement la rémunération convenue ni d’exiger qu’elle sot assumée
entièrement ou partiellement par le wakil.
98
L’extinction du contrat wakala

 En principe, la wakala se caractérise par la possibilité d’une résiliation


unilatérale. La seule volonté du mouwakkil permet de révoquer le contrat
wakala.

 Dans le cas d’une wakala spécifiée, le contrat prend fin


systématiquement lorsque son objet est parachevé .

 En règle générale, le contrat prend fin en cas d’ d’impossibilité


d’exécution ou en cas d’échéance et arrivée du terme prédéfini. Mais, le
contrat de wakala peut être renouvelé par tacite reconduction lorsque, de
leur plein gré et sans accomplir aucune formalité, les parties continuent à
exécuter leurs obligations au-delà du terme prévu dans le contrat. Le
contrat reconduit est un nouveau contrat d’une durée indéterminée.

99
Points de différenciation à souligner

 Différences par rapport à l’ijara

 Différences par apport à l’istisna

 Différences par rapport à l’acte de Ju’ala

 Différences par rapport au service de courtage

100
Applications de wakala dans la profession bancaire et financière

 Le contrat de wakala est largement utilisé pour la structuration de


produits- takaful …entre autres. Mais,

 Quelles sont les utilisations de la wakala par les banques islamiques


(en dehors de takaful) et quelles sont les différences par rapport à
l’utilisation de la mudaraba ?

En règle générale, le contrat de wakala (rémunéré) est utilisé dans les


banques islamiques :
- pour la gestion de patrimoine
- pour la gestion des fonds d’investissements
- pour les opérations de transfert de fonds.

 Le contrat de wakala peut également, sous certaines conditions, être


employé dans le cadre de l’octroi de caution/de garantie bancaire.

101
Autres remarques et questions

 Dans le cadre des contrats basés sur la wakala dite Bi-Ajr, la banque
offre une prestation de service qui fait l’objet d’une rémunération
définie ; cette rémunération, selon la forme qu’elle prend
généralement (montant prédéterminé), est perçue quelque soit le
résultat de l’opération conduite (pour peu qu’il n’y a pas eu violation
des clauses contractuelles).

 Ainsi, à la différence de la mudaraba, dans ce genre de situations, le


financier n’est pas exposé au risque de l’opération

102
Question 1

Si la banque dite islamique propose un compte


d’investissement ou compte de dépôt sous forme
de wakala-bi’Ajr, doit-on ou peut-on avoir les
deux fameux comptes de réserve (compte
d’égalisation des profits et compte de réserve
pour risque) comme dans le cas des comptes
basés sur la mudaraba (PSIA)?

103
Réponse 1

La mise en place d’un compte IRR (compte de


réserve pour risque d’investissement) dans une
opération basée sur un contrat de wakala nous
semble tout à fait envisageable, de même que la
mise en place d’un compte d’égalisation de profit.
Néanmoins, sa mise en place effective ne pourra
être validée que par un CCS.

104
Question 2

Quid de la rémunération du compte dépôt-


wakala ? est ce par rapport à des classes d’actifs
de la banque ou par rapport aux résultats de la
banque ? quelle différence par rapport à la
mudaraba ?

105
Réponse 2

Le mécanisme de rémunération de la wakala doit nécessairement être


déterminé au moment du contrat. Il peut s’agir par exemple :
- d’un montant déterminé (auquel peut éventuellement s’ajouter un
pourcentage du résultat sous certaines conditions)
- d’un pourcentage bien déterminé du résultat de l’opération
- d’un montant déterminé plus un pourcentage du résultat en guise
d’incitation à la performance (et cette derniére partie peut prendre la
forme de Ju’ala)

Dans le cas où la rémunération comprend un montant déterminé, la


différence par rapport à la mudaraba tient dans le fait que celle-ci
sera, quoiqu’il arrive, due au financier ; elle ne sera donc pas
conditionnée au résultat de l’opération.

106
Question 3

 Quid du remboursement des investisseurs à la


clôture des comptes de réserve ? Est-ce que
l’investisseur peut obtenir plus que le nominal ?

107
Réponse 3

 A terme, les sommes placées dans les comptes


de réserve doivent revenir à leur propriétaires
initiaux : si ces comptes sont alimentés par des
sommes prélevées uniquement sur la part de
profit de l’investisseur, c’est donc à lui que
doivent être reversé le montant restant. Ainsi, il
peut effectivement percevoir plus que le nominal.
Il est à noter cependant que le contrat peut
prévoir une clause indiquant que cet éventuel
reste soit reversé au financier en tant que prime
de performance. En tous les cas, là encore, toute
décision à ce sujet sera du seul ressort du CCS.
108
13 janvier 2010

Le régime juridique d’ijara/iqtinaa et ses principales modalités d’application

Mohamed Béchir OULD SASS


Enseignant-chercheur à l’université de Strasbourg
et cofondateur de l’ACERFI
Rappel sémantique

 Le terme Ijara signifie location.

 Le terme Iqtinaa signifie acquisition.

 Ijara/Iqtinaa = Ijara mountahiyya bi tamlik

 Dans la pratique bancaire et financière, on parle d’ijara


/iqtinaa ou ijra /tamlik comme étant une double opération
permettant, sous réserve du respect d’un certain nombre de
conditions juridiques, de combiner un contrat de location
avec un autre contrat stipulant un transfert de propriété.
I. Le déroulement de l’opération
Étape 1

. .
Constr./Conss. Société / Banque CLIENT
Contrat-1

 Le client contacte son concessionnaire avec une demande de financement pour


une voiture et il signe un Bon de Commande au concessionnaire. Ce dernier
est aussi mandaté pour faire signer au client une “Offre préalable de Location
avec Option d’Achat”

 La banque ou la société de financement partenaire du concessionnaire


acquiert le bien en vue de le louer et reçoit le titre de propriété de la part du
vendeur

 Par conséquent la banque la société de financement paye la voiture au


concessionnaire
Étapes (2 et 3)
Contrat-3

. .
Constr./Conss. Société / Banque CLIENT
Contrat-2

 La Banque ou la Société de financement signe un contrat d’Ijara


avec le client;

 Après validation du contrat d’Ijara, le client commence à verser


les mensualités telles que fixées dans le bail (par prélèvements)

 Après l’extinction d’Ijara, on procède au transfert de propriété


vers le client si l’option est levée.
II. Validité de l’opération
I. Le déroulement de l’opération
Étape 1

. .
Constr./Conss. Société / Banque CLIENT
Contrat-1

 Le client contacte son concessionnaire avec une demande de financement pour


une voiture et il signe un Bon de Commande au concessionnaire. Ce dernier est
aussi mandaté pour faire signer au client une “Offre préalable de Location
avec Option d’Achat”

 La banque ou la société de financement partenaire du concessionnaire acquiert


le bien en vue de le louer et reçoit le titre de propriété de la part du vendeur

 Par conséquent la banque la société de financement paye la voiture au


concessionnaire
Étapes (2 et 3)
Contrat-3

. .
Constr./Conss. Société / Banque CLIENT
Contrat-2

 La Banque ou la Société de financement signe un contrat d’Ijara


avec le client;

 Après validation du contrat d’Ijara, le client commence à verser


les mensualités telles que fixées dans le bail (par prélèvements)

 Après l’extinction d’Ijara, on procède au transfert de propriété


vers le client si l’option est levée.
II. Validité de l’opération
Les conditions à respecter selon l’académie de fiqh
Résolution n°110(4/12) septembre 2000

1) Procéder à l’élaboration de 2 contrats séparés et indépendants l’un de l’autre dans le


temps de façon à ce que le second contrat ne prend effet qu’après l’extinction du premier
contrat.
2) S’assurer que les règles relatives au régime juridique d’Ijara soient appliquées tout au
long de la période de location, et que les règles relatives au contrat qui prévoit le transfert
de propriété n’interviennent qu’après l’extinction du contrat Ijara.
3) S’assurer que la location soit effective et non pas une simple simulation de vente. (c.-à-d.
que le bien doit rester sous la propriété du loueur jusqu’à la levée effective de l’option
relative au transfert de propriété.
4) S’assurer que l'objet de la location soit garanti par le propriétaire. Celui-ci demeure donc
responsable de tout ce qui peut advenir à l'objet en question ne résultant pas d'un abus
ou d'une négligence de la part du locataire.
5) S’assurer que l’assurance qui couvre le bien loué soient assumée par le propriétaire.
6) S’assurer que les coûts relatifs à la maintenance, autres que les coûts habituels du
fonctionnement, incombent au propriétaire tout au long de la période de location.

119
Cas de configurations valables

1. Structurer l’opération (ijara wa iqtinaa) sous forme d’un contrat de location,


associé à un contrat de donation du bien au locataire, conditionné au paiement
total des loyers, et ceci par un acte indépendant ou une promesse de don après
le solde de tous les loyers.

2. Structurer l’opération sous forme d’un contrat de location avec un droit d’achat
au prix du marché, accordé au locateur à la fin de la période de location et après
paiement de tous les loyers dus.

3. Structurer l’opération sous forme d’un contrat de location associé à une


promesse de vente à un prix convenu entre les contractants sachant que une
telle promesse unilatérale revêt un caractère exécutoire après le paiement de
tous les loyers.

4. Structurer l’opération sous forme d’un contrat de location où le locataire profite


d’un bien en contrepartie d’un loyer donné sur une durée déterminée associé à
un droit d’option d’achat engageant le bailleur à donner au locataire le droit
d'acquérir l'objet loué à tout moment, à condition que la vente se produise à ce
moment-là dans le cadre d'un nouveau contrat au prix du marché [ou selon
l'accord convenu au moment de ce nouveau contrat].
Cas non valables ou «Contre-indications»

 Stipuler des clauses suspensives et/ou des clauses aléatoires. Il


n’est permis de structurer l’opération sous forme d’un contrat
d’ijara, avec un contrat de vente conditionné au paiement de tous
les loyers convenus pendant une durée fixée (Clause suspensive)
ou contrat de vente lié à une date future (clause aléatoire);

 Stipuler que le transfert de propriété intervient automatiquement


après les paiement de tous les loyer sans besoin de passer par la
conclusion d’un nouveau contrat;

 Un contrat de location associé à un contrat de vente avec droit de


rétraction en faveur du bailleur correspondant à la période de
location).
Les pénalités financières

 Les pénalités financières ou les intérêts de retard au sens


classique du terme sont, en principe, prohibées dans le droit
musulman;

 Toute pénalité financière établie en contrepartie de l'ajournement


et/ou le rééchelonnement du paiement sera assimilé au riba et donc
illicite;

 Cependant, il est possible de stipuler dans le contrat qu’en cas de


retard non justifié, le locataire/preneur devra effectuer un don à une
œuvre socialement utile, sous le contrôle du Sharia Board de la
banque.

122
Titrisation du contrat ijara via un dispositif de sukuk

Une titrisation sous forme de sukuk-ijara nécessite l’intervention d’au


moins trois acteurs :
- demandeur des fonds (banque ou autre établissement financier et/
ou un État qui souhaite lever des fonds,)
- entité ad hoc (Special Purpose Vehicle) pour émettre les titres
- des investisseurs (les porteurs de sukuk ).

Juridiquement, une opération de sukuk-ijara requiert la vérification


préalable de trois éléments :

 L’existence d’un actif sous-jacent pour sécuriser la transaction.


 La stipulation d’un loyer ou d’une rémunération périodique pouvant
être variable
 La fixation des échéances de façon convenu d’avance
123
Focus sur la nature de Sukuk
 Les sukuk ne sont, ni des obligations classiques, ni des actions,
ni afortiori des parts des OPCVM.

 Le terme « Sukuk » est le pluriel de « sak » qui signifie en arabe,


selon les cas, acte, document juridique, chèque ou certificat.

 Sur les marchés financiers, le terme « Sukuk » désigne des titres


financiers de nature particulière.

 Chaque sak représente une part indivise sur un actif sous-jacent réel
ou un pool d’actif (biens mobilier corporel ou incorporel, bien
immeuble, usufruit d’un actif, activité d’un prestataire de service) dont
la performance lui est intimement liée. Ils rémunèrent leurs titulaires
grâce aux rendements futurs générés par l’exploitation ou la gestion
des actifs sous-jacents

124
La validation de Sukuk

Deux séries de exigences juridiques doivent être respectées.

1) D’une part, les exigences relatives aux conditions générales du


contrat sous-jacent;

2) Et d’autres part, conditions relatives issues de la validation


« chariatique » du montage par un Sharia Board reconu.

125
Déroulement d’une opération Sukuk
(un exemple simplifié de sukuk ijara entre L’Etat et investisseurs )

 En pratique, l’opération sukuk ijara se déroule en quatre étapes principales:

o La première phase s’articule autour de la mise en place d’une SPV et l’achat par
la dite SPV du patrimoine (actifs réels) appartenant à l’État. La SPV émet les
sukuks représentatifs d’un droit de copropriété sur les actifs détenus;

o Dans la deuxième phase, la SPV et l’État concluent un contrat d’ijara pour une
période déterminée pendant laquelle l’État qui détenait les actifs, verse des
loyers à la SPV;

o La troisième phase conduit la SPV à verser périodiquement des loyers aux


porteurs de sukuk;

o La quatrième étape conduit la SPV à revendre les actifs à l’État pour un prix du
marché correspondant à la valeur résiduelle ou un prix établi d’un commun accord
entre les parties.

126
MERCI
‫بسم هللا الرحمن الرحيم‬

Le régime juridique du contrat selem et ses modalités


d’application
La nature du sélam

Qu’est ce que le selém ou le seléf?

‫السلم‬

129
La nature du sélam
 Un mot sur le caractère « dérogatoire » du selem?. S’agit il d’une vente d’ordre
spécifique? En principe, l’une des conditions de base pour la validité d'une vente
ordinaire dans la Sharia est que le produit (prévu à la vente) doit être dans la
possession du vendeur. Cette condition se décline comme suit:

 Premièrement, dans une vente dite ordinaire un produit qui n'existe pas au moment de
la vente ne peut être vendu en principe. (Li’tajannoub Al- ghara / Bai’e Al-maadoum)

 Deuxièmement, le vendeur doit avoir acquis la propriété de ce produit. Par conséquent,


si le produit est existant, mais le vendeur ne le possède pas, il ne peut pas le vendre à
quiconque. (Cf. la’tabi’e ma layssa Indaka)

 Troisièmement, la seule propriété n'est pas suffisante. Le produit doit entrer dans la
possession du vendeur, physiquement ou statutairement (de manière légale). Si le
vendeur possède un produit, mais n'a pas le droit d’agir sur le bien lui-même ou par
l'intermédiaire d'un agent, il ne peut pas le vendre.

 Les éléments ci-dessus expliquent donc le caractère dérogatoire du selem par


rapport aux règles initiales de vente notamment (l’interdiction de vendre l’inexistant
(Bai’ al-ma’adoum) ou l’interdiction de vendre ce que l’on ne possède pas encore
réellement. Cependant, certains jurisconsultes analysent selem plutôt sous l’angle de la
licéité de contracter des engagements/dettes dans l’économie réelle.
130
Fondement de la légalité du contrat selem selon les textes Coraniques

 La légalité du selem se base sur la portée juridique globale du verset


n°282 (ayat al-ddeyn) de la sourate n°2. Selon Abdullah Ibn Abbas, l’un
des compagnons du prophète et grand exégète du Coran, le texte du
verset n°282 (ayat al-ddeyn) concerne particulièrement la pratique du
Selem

 S’agissant d’un contrat-type de vente, plusieurs Textes de la


jurisprudence islamique confortent le caractère légal du selem. Et ses
textes se réfèrent au sens du verset n°275 de la sourate n°2 ainsi que
le sens du verset n°29 de la sourate n°4.

131
Fondement de la légalité du selem selon la Sunna

 Selon les historiens de sira, les habitants de Médine pratiquaient le selem


notamment sur les dattes pour deux à trois années. Il s’agissait de répondre
aux attentes des fermiers ayant besoin de fonds pour se développer,
accroître récoltes et pour nourrir leur famille jusqu'à la moisson.

 Avec l’arrivée de l’islam, , le prophète n’a pas interdit le selem mais il a voulu
l’encadrer en exigeant que tous les musulmans qui procèdent au mécanisme
de selem doivent- désormais- s’attacher à l’accomplir, en bonne et due forme,
suivant une mesure connue, un poids défini et une durée bien déterminée**.

 On voit là-dessus une certaine volonté de minimiser le risque et écarter le


Garar!

** Ceci se refere au hadith unanimement authentique que nous avons cité auparavant et qui est rapporté par les six livres
célèbres de hadith (voir Ibnoul-houmam, Fath-oul-Qadir v.6, P. 205).
Le fondement de la légalité du Selem dans l’Ijmaa

 Selon le jurisconsulte Ibn El-moundhir, les oulémas des différentes écoles


s’accordent sur la licéité du selem, du fait qu’il était justement pratiqué du
temps du prophète et des premiers compagnons sans qu’aucun n’en ai
contesté le bienfondé.

 Malgré l’existence de certaines réserves très minoritaires, la légalité du


selem bénéficie d’un consensus très largement partagé au sein de la
jurisprudence islamique. Cf. l’ouvrage de chewkaani:Neyl al-aw6ar) .
Les éléments constitutifs du contrat

1- Les contractants:
- Vendeur [AL-Mousslamilay’ihi ou réceptionnaire]
- Acheteur [AL-Mousslim ou remettant]

2- Le Consentement du selem
- L’offre
- L’acceptation
- La formule adéquate

3- L’objet du contrat:
- un bien réel à livrer,
- un prix convenu et avancé
LA VALIDITÉ DU CONTRAT SELEM

1- Conditions inhérentes au profil des contractants:


Là-dessus, deux points essentiels doivent être examinés à
savoir l’aptitude contractuelle et la capacité à honorer
l’engagement.

2- Conditions liées au consentement:


En matière de consentement, il faut s’assurer de l’existence
d’un accord réel des volontés, un échange d’offre et
d’acceptation selon une formulation indiquant de façon claire
qu’il s’agit d’une vente selem.

3- Les conditions relatives au prix et l’objet du contrat-selem


seront abordés dans les rubriques suivantes.
La validité du selem, conditions relatives au prix

 Tout actif réel, valorisable, quantifiable et disponible peut constituer le


prix dans un contrat selem (sous réserve d’éviter les transaction à
caractère usuraire ou ribawi)

 Le prix dans le cadre du selem ne peut pas être sous forme d’une
dette. Il n’est pas permis non plus de faire une compensation entre les
éventuelles créances dues à l’acheteur avec le prix du selem.

 Dans un contrat selem, l’acheteur doit verser en avance le prix


convenu au moment de la vente. Cette condition est primordiale parce
qu'en l'absence du paiement intégral par l'acheteur, la transaction
sera équivalente à une vente dite (kali’e/bi/kali’e)qui est
expressément interdite en islam. Les juristes musulmans sont
unanimes sur cette règle. Cependant, Imâm Malik est d'avis que l’on
puisse, en la matière, accorder une concession de deux ou trois jours
pas plus.
La validité du selem, conditions relatives à l’objet du contrat

 L’actif qui fait l’objet du contrat doit être non seulement licite mais aussi
réel et non monétaire.

 L’objet du contrat selem doit être livrable, fongible/remplaçable et bien


déterminé. A noter que le champ de réalisation du bien (objet de la vente-
selem) ne doit pas être cantonné. Ainsi ce contrat ne saurait porter sur un
produit dit désigné (mou’aayyan bi dhatih): Par exemple, on ne saurait
effectué le selem sur un produit exclusif ou exiger qu’il soit issu d'une
ferme particulière.

 Aussi, le maximum des informations doivent être fournies sur le bien qui
fait l’objet du contrat (ses caractéristiques quantitatives et qualitatives)
ainsi que des informations précises sur le lieu et le délai de livraison.
La validité du selem, conditions relatives au délai de livraison

 La livraison peut être effectuée en une seul fois ou bien de façon


graduelle

 Il est nécessaire, selon les écoles Hanafites et Hanbalites que la


période de la livraison soit, au moins, d'un mois à partir de la date de
l'accord. L’ école Mâlikite soutient l'opinion selon laquelle il doit y
avoir une période minimum pour le contrat du selem. Cependant, elle
est d'avis que la dite période ne doit pas être moins de quinze jours,
parce que les taux du marché peuvent changer dans une quinzaine
de jours.

 D’autres juristes de l’école Chafiite et quelques juristes hanafites ne


sont pas d’accord avec l’exigence de fixer une période minimum. Ils
considèrent à juste titre que la seule condition, en la matière, est que
la période de la livraison soit bien définie.

138
L’introduction du selem dans la profession bancaire/financière

 A l’origine, le selem est un instrument employé pour financer particulièrement le


secteur agricole sachant que le prix dans ce type d’ opérations est- en principe-fixé à
un niveau plus bas que le prix du marché au moment de la signature du contrat. Le
bénéfice résidera dans la différence entre le prix convenu et la valeur espérée à
terme.
 L’ opérationnalisation active de ce contrat pourrait constituer une véritable alternative
aux instruments classiques de financement du fond de roulement ( facilités de caisse,
découvert, crédit de campagne, avances sur marchandises, escompte d’effets,
mobilisation de créances…
 Le contrat salam peut être utilisé pour le préfinancement d’activités économiques de
production et/de traiding.
 Dans le montage financier basé sur le selem, il est possible d’introduire une wakala
permettant au propriétaire (le financier) de mandater le vendeur initial afin de pouvoir
revendre la marchandise (objet du contrat) à des tiers (bien sûre après l’échéance et
dans le respect des normes en vigueur).
 A noter qu’il Il est aussi permis à l’acheteur (le financier) de conclure un selem
parallèle (sous réserves de respecter les conditions que nous allons expliquer).
 Les opérations de selem parallèles peuvent être envisagées dans le but d’optimiser le
rendement et assurer une bonne circulation du capital investi!
 Dans une perspective d’anticipation stratégique, le contrat selem peut être combiné
avec d’autre contrat parmi ouqoud al-mouawadhat notamment la Murabaha.
Les limites de la « combinaison » du contrat salem avec un autre
contrat Selem (Al-selem al-mouwazi)

 Analyse du marché et stratégie d’anticipation


 Opération de selem 1
 Opération selem 2 (dans un délai moins long)

140
Combinaison du contrat Selem avec la Murabaha

Contrat selem /
le fournisseur s’engage à livrer dans un délai (t1 )
convenu la marchandise spécifiée d’un commun accord

Client/Fournisseur
Banque/financier

Contrat selem
(achat au comptant de la merchandise (qui fait l’objet du
contrat)

Clients/
donneurs ordre pour des éventuelles opérations de
Muurabaha
Une opération sous forme de Selem et Selem dit « parallèle » ou mouwazi

Engagement/ livraison de la marchandise, objet du


contrat n°1, par ex(t1) 30Juillet 2015

Banque Client (1)


(I)
Contrat selem 1 prévoyant l’achat comptant d’un produit
bien spécifié(par ex.1000 tonnes de DDN)
(Capital à verser est « 650000 UM » et la livraison à
terme est prevue au (t1) 30Juliet 2016

Client (2)
142 ( par exemple un industriel)
Les principaux avantages du contrat selem

 L’introduction du contrat selem dans la profession bancaire permet de


mettre de la liquidité au service des investissements encrés dans
l’économie réelle.

 En effet, l’esprit du contrat salam est étroitement lié à la notion de


l’économie réelle car cet instrument islamique permet au vendeur de
financer son bisness et à l’acheteur de tirer profit de l’écart positif entre le
prix du marché et le prix avancé au vendeur et chacun assumera sa part du
risque commercial.

 L’application du contrat selem dans le domaine industriel, permet de couvrir


les coûts de production, les frais d’exploitation et les charges liés au
transport de la marchandise….. etc.

 En général, le contrat selem peut être adapté aux besoins de nombreuses


catégories d’utilisateurs et reste particulièrement adaptable et adapté au
financement de PME, PMI.

143
Limites du selem

 Dans un contrat selem, il n’est pas permis de prévoir systématiquement une


clause de pénalités financière. Ainsi, la partie qui finance n’aura pas le droit à
des intérêts de retard en cas de non livraison ou de livraison tardive;

 Dans le cadre d’une opération selem, l’institution financière devrait savoir faire
face aux risques relatifs au défaut de livraison dans le délai convenu ainsi que
lerisque relatif à l’impossibilité de vendre (avec désignation) le produit (objet du
contrat selem), …naturellement peut avoir lieu après la prise de possession
(réelle /légale)

 Ceci étant, nous estimons que la professionnalisation de la pratique du selem


dans le secteur financier requiert un certain changement dans l’approche
d’intermédiation bancaire. Par exemple, une banque qui souhaite se lancer
dans ce segment elle doit lui dédié une cellule spéciale dotée des moyens et
des compétences humaines qualifiées pour examiner, analyser et anticiper les
évolutions du marché des biens.

144
Limites du sleme parallèle

 Dans le cadre d’une stratégie financière basée sur le selem parallèle, la


banque doit accepter d’entre dans deux contrats distincts. Dans l'un, la
banque est l'acheteur et dans le second la banque est le vendeur. Chacun de
ces contrats doit être indépendant de l'autre. Il ne saurait être admis de faire
en sorte que les droits et les engagements du selem initial dépendent des
droits et des engagements du contrat parallèle. Chaque contrat doit donc
avoir sa propre force et son exécution ne doit pas être contingente de l'autre.

 Le selem parallèle doit être effectué avec un tiers et non avec le vendeur
dans le premier contrat. Ce dernier ne peut pas devenir acheteur dans le
contrat parallèle du selem (Ceci pour éviter la présomption du riba). De plus,
par précaution le même principe s’applique aussi dans le cas où l'acheteur
dans le deuxième contrat est une entité entièrement possédée par le vendeur
dans le premier contrat. Si par exemple une entreprise A achète 1000 Tonnes
de DDN par un selem à B, une société par actions. B a une filiale C (détenue
à 100% par B). Dans ce cas, A ne peut pas contracter le selem parallèle avec
C. Cependant, si l’entreprise C n'est pas complètement possédée par B, A
peut contracter le selem parallèle avec elle.

145
Déroulement d’un cas pratique de selem
 Le client en tant que (vendeur) adresse à la Banque une sorte de facture « préforma » indiquant la nature, les
quantités et le prix des marchandises livrables.

 La banque passe une commande à son client pour une quantité de marchandises, d’une valeur correspondant au
besoin de financement. Ceci étant convenu, les deux parties procèdent à la signature de l’acte définitif en reprenant
les clauses habituelles du contrat selem (nature des marchandises, quantités, prix, délais et modalités de livraison
et/ou de revente pour le compte de la Banque…etc.)

 Si la banque le juge nécessaire, elle peut signer avec son (client- vendeur ) un contrat de wakala permettant à ce
dernier de livrer ou de revendre (selon le cas) les marchandises à une tierce personne. Le vendeur s’engage, sous
sa pleine responsabilité à recouvrer et à verser le montant de la revente à la banque.

 A l’échéance, au cas où la banque aurait choisi de mandater le (client- vendeur) pour écouler les marchandises ,ce
dernier les facturera pour le compte de la Banque et livrera les quantités vendues en prenant soin, si la banque le
juge nécessaire, d’exiger des acheteurs de faire aviser les bons d’enlèvement aux guichets de cette dernière
(mesure destinée à permettre le suivi et le contrôle de l’opération).

 Le prix de revente des marchandises par le vendeur pour le compte de la Banque, devrait, en principe, dégager une
marge nette (après déduction des commissions et autres frais) au moins égale au taux de rentabilité annuel (qui
peut varier d'un secteur à l'autre justement selon la politique adoptée par la banque qui finance)
 La rémunération du contrat de wakala (mandat parallèle) accordé peut être consentie sous forme d’une commission,
d’une ristourne ou d’une participation à la marge dégagée par la vente des marchandises. Son montant doit être
calculé par référence aux taux de marge pratiqués sur le marché bancaire pour des opérations similaires.

 Au niveau de la gestion du risque inhérent à ce type d’opération, la banque qui finance peut exiger des sûretés
réelles ou personnelles. Certaines BI vont plus loin en exigeant du vendeur la souscription d’une assurance-ad hoc
pour se prémunir contre le risque de non paiement des acheteurs finaux, ou encore une assurance couvrant les
marchandises avec une clause de subrogation au profit de la Banque. (Mais, il convient de noter que ces derniers
aspects restent encore problématiques et doivent être examinés avec beaucoup d’attention….au cas par
cas..dossier par dossier )
‫بسم هللا الرحمن الرحيم‬

Le contrat istisna et ses modalités d’application

147
La nature de l’istisna’

 Étymologiquement, le terme Istisna’ signifie demande/commende de fabrication


et/ou construction de quelque chose.

 Juridiquement, l’istisna’ est un contrat de vente en vertu duquel une partie


dénommée sani’ s’engage, sous ordre de la partie dénommée mustasni’, à
fabriquer, construire ou exécuter un ouvrage conformément à un cahier de charge
préétabli et moyennant un paiement effectué d’avance ou en différé

Une conception / un travail de réalisation

 La partie qui donne l’ordre à la fabrication est appelée : Le Moustasni’


 La partie qui exécute on l’appelle : Le Sani’
 L’objet de cette vente specifique on l’appelle : Le Masnou’

148
Fondement et qualification du contrat-istisna’

 Dans sa version simple, l’istisna’ fut une pratique courante à Médine:


D’après ‘Ibn Omar le Prophète de l’islam (p.s.l) a ordonné la construction d’un
Minbar ainsi qu’une bague spéciale en faisant recours à un contrat d’istisna’.

 Le consensus des ulémas (Cf. mijellat al-ahkâm al-adliyyah).

 Dans la Doctrine Hanafite, le contrat l’istisna’ est qualifié d’un contrat


nouveau dont la légalité se justifie par l’intérêt général et s’appuie également sur le
principe islamique d’istihsan à savoir le choix préférentiel des oulémas)

 Pour les trois autres Doctrines, l’istisna’ est une variante du contrat Selem.

 Dans la jurisprudence contemporaine, le contrat istisna’ bénéficie d’un régime


juridique légèrement différent par rapport au contrat Selem.

149
Modalités d’application

 Financement de travaux dans l’immobilier (particuliers ou


entreprises), projets d’infrastructure, constructions
d’équipements de production…

 Aussi, le contrat d’istisna‘ est utilisable comme outil de


financement pour couvrir les dépenses relatives à la
fabrication, la construction ou la fourniture de produits
nécessitant une transformation industrielle.

150
Forme juridique et conditions de validité (1)

L’istisna’ est considéré comme un contrat de vente spécifique.


Ce contrat qui engage la responsabilité de deux parties dès que les
éléments suivants sont arrêtés (type de produit, genre, quantité et qualité,
le prix à payer et la date de livraison).

Dès lors que l’objet du contrat est réalisé, il n’y aura pas besoin de réitérer
l'offre et l'acceptation dans un nouveau contrat de vente (Cela
contrairement aux procédures du contrat de vente Murabaha).

Selon al-joumhour, dans le cadre du contrat istissna’, il est strictement


interdit que le prix à payer soit sous forme d’une dette sur le constructeur-
fabricant (le sani’).

151
Conditions relatives à l’objet du contrat-istisna’

 L’objet du contrat istisna’ doit être une chose matérielle brut ou pré-finie
susceptible d'être transformée au moyen d'un processus manufacturé ou de
construction. (le régime de l’istisna’ ne saurait être appliqué sur les denrées
alimentaires, les animaux et/ou toute chose naturelle ne devant pas subir une
transformation industrielle).

 En cas de faillite du fabricant, l'acheteur n'a aucun droit de priorité sur


l'attribution de la chose à moins qu'elle ne soit totalement ou partiellement
livrée.

 Le mustasni’ (acheteur) ne bénéficie pas généralement d’un droit de priorité


sur les matériaux utilisés pour la construction de la chose. Sauf si, à titre de
garantie d'achèvement du travail, le sani’ s’engage à utiliser les dits matériaux
exclusivement pour la construction du bien commandé.

152
Conditions relatives au prix
 Le prix doit être déterminé et convenu entre les parties dès la conclusion du
contrat. Il peut consister en une somme d'argent, en un ensemble de biens, en
l'usufruit d'un bien pour une certaine durée. (ce dernier cas correspond à
l’opération BOT « Build Operate Transfer »).

 Le paiement du prix peut être différé ou effectué en plusieurs tranches. Il


peut également être subordonné au degré d'achèvement de la chose.

 Il n’est pas permis dans un contrat d’istisna’ d’établir le prix à posteriori (coûts de
fabrication + marge bénéficiaire).

 Il est strictement interdit de stipuler dans un contrat d’istisna’ une clause


prévoyant qu’une somme additionnelle doit être versée au fabricant pour
prolonger le délai de paiement. Cependant, une réduction du prix initial en raison
d’un règlement anticipé est tolérée, tant qu'elle n’est pas stipulée dans le contrat.

 En cas de force majeure, le prix peut être modifié par les parties, par un tribunal
arbitral ou par une procédure judiciaire.

153
Remarques importantes sur l’istisna’

 Il n’est pas permis d’intégrer dans un contrat


d’istisna’, une clause contractuelle exonérant le
fabricant de sa responsabilité relative aux
malfaçons ou probables vices cachés.
 Il est permis de fixer une période pendant laquelle
la partie dite sani’ (le constructeur-fabricant) sera
responsable des malfaçons et/ou de la
maintenance du bien faisant l’objet d’istisna’.
 Il est même permis de stipuler des pénalités de
retard dans le contrat istisna’ (une spécificité à
nuancer)

154
Les garanties dans un contrat d'Istisna’

Il est permis à la banque islamique qui agit en tant que fabricant ou acheteur
final de :

 Demander toute les garanties qu'elle estime nécessaires pour assurer la


protection de ses droits.

 Exiger ou verser un "Urboun" comme garantie.

 Nantissements, garanties personnelles, transferts de droits, nantissement de


compte bancaire, ou le droit de bloquer le solde d'un compte.

155
Modalités d’application élargies

L’istisna’ offre une solution de remplacement à la


technique bancaire classique des avances sur le
marché notamment grâce au procédé du double
istisna’ ou istisna’ parallèle.

156
La technique de l’istisna’ Parallèle

 La partie dite sani’ (l’entrepreneur) peut s’engager dans


un second contrat istisna’ pour remplir ses obligations
contractuelles dans le 1er contrat.

Opération Triangulaire faisant intervenir :

 L’institution Financière (la banque Islamique)


 Le maître de l’ouvrage
 L’entrepreneur

157
Exemple 1: Istisna’ Parallèle – Financement de Projets

Istisna’ 12 M€ Istisna’ 10 M€

1 2

BANK L’entrepreneur
Promoteur
(Mustasni’) (Al-Sani’)

Vente appartements 12 M€ + Profit


Paiement

1. Istisna’ n°1 sera signé entre un promoteur immobilier (Mustasni’) + la Banque en tant que sani’( c-à-d en sa qualité
juridique lui permettant- de façon (directe ou indirecte) de s’engager pour la construction par ex. de 100 logements
à 12 M€ dans un délai de 12 mois.
2. Istisna’ n°2 Banque (Mustasni’) + Entrepreneur (sani’): Construction logements pour le Prix de 10M€, mêmes
spécifications et payable en 4 tranches.
3. Par le biais d’un nouveau contrat sous forme de ce que l’on appelle wakala, la Banque peut mandater le promoteur pour superviser les
travaux.
4. A l’échéance des 12 mois: l’entrepreneur livre les logements.
5. Le promoteur vend les logements aux acquéreurs et cède les huqouq / créances à la banque.
6. Les acquéreurs paieront périodiquement des loyers au promoteur (transférés à la banque) jusqu’à racheter la totalité
158des parts.
Exemple 2: Istisna’ comme alternative au Crédit Immobilier
(Construction)

500 m EUR
+ Loyer d’une période de 10 ans Différé

500 m€
Diminishing Musharaka 200 m€

Spot Client
BANK 700 m€
Au spot Istisna’ L’entrepreneur
(Sani’)

1- Supposons qu’un client souhaite acquérir une maison écologique :


-Apport personnel 200 m€
-Financement Bancaire 500m€ ; durée 10 ans.

2. Le Client et la Banque créent une Moucharakah de 700 m€ sous le principe de Chirkatul-Milk et signent un contrat
Istisna’ avec le promoteur. Le montant de 700m€ sera payé au promoteur Spot.

3. La Banque mandate le Client pour superviser les travaux.

4. Une fois prête, la Banque et le Client prennent possession de la maison.

5. La banque « loue » ses parts dans la copropriété au client.

6. Le Client rachète les parts de la banque mensuellement sur une période de 10 ans. 159
‫بسم هللا الرحمن الرحيم‬

Le régime de waqf et ses dimensions


sociétales

Mohamed Béchir OULD SASS


Enseignant-chercheur en finance islamique
Membre associé de l’ACERFI
Rappel sémantique et définitions jurisprudentielles

 Waqf = Habss al-assel wa tassbil manafi’ih .

 Waqf pl. awqaf Habss, pl. hubouss

 Étymologiquement, waqf = Arrêt, emprisonnement, immobilisation…

 D’un point de vue jurisprudentiel, il s’agit d’un acte juridique visant à immobiliser, à
titre gratuit, un bien et transformer l’usufruit y afférant en donation (générale ou
spécifique) . Cf. Ben Qodama de l’école hanbalite.

161
Quelques nuances jurisprudentielles…

 Selon une approche basée sur les principaux avis de l’école hanafite,
le waqf peut être défini comme étant un acte juridique en vertu duquel
une personne physique ou morale décide d’immobiliser un bien
productif (non mobilier et non fongible) et transformer l’usufruit en
donation à perpétuité. (Ici, on remarque l’exigence de la non
extinction et/ou la non fongibilité du bien à mettre sous régime du
waqf)

 Selon la conception Malikite, le waqf s’applique sur un périmètre plus


large. Ainsi, l’acte-waqf peut peut être défini comme « contrat en
vertu duquel une personne physique ou morale décide d’immobiliser
la propriété d’un bien (physique ou intellectuel) ( détenu intégralement
ou partiellement) et déclarer comme donation (à perpétuité ou pour
une durée déterminée) tous les rendements qui en découlent et/ou
l’usufruit y afférant suivant la la volonté du waqif (le donateur-
constituant )

162
Quelques précisions...

 Dans le cadre du régime juridique de waqf, que signifie


l’expression « immobiliser un bien ?

 Dans quelle mesure le régime juridique de waqf, introduit-il l’idée


du démembrement de propriété ? (Usufruit versus nue-
propriété)

163
Le démembrement de propriété dans le waqf

 En ce qui concerne l'usufruit du waqf, les savants musulmans sont


unanimement pour affirmer que ce droit revient aux bénéficiaires déclarés.

 Par contre sur le statut de la nue propriété, il y a lieu de divergence. Il est


possible de les énumérer en 3 avis distincts:
- d'après Abou Hanifa et les mâlékites, le bien continue d'appartenir au
donateur (sauf le cas de waqf cultuel par exemple les mosquées). C’est
pourquoi Abu Hanifa affirme qu’il est possible pour le donateur de récupérer
son waqf en le comparant au Quard ou prêt)
- selon les hanbalites et l'avis répandu chez les Chafiites , le bien est transféré
à la propriété du bénéficiaire du waqf.( Mais, il reste soumis aux restrictions
en vigueur)

 Quant à l'école Chafiite (qawl azhar), suivie par les tenants de l'école hanéfite
(muftu bih), ils estiment que la propriété du waqf a été « sacralisée » par
l'acte de sadaq jariya (donation continue) et par conséquent si l’usufruit du
bien-waqf revient aux bénéficiaires déclarés, la nue propriété quant à elle
appartient exclusivement à Dieu. (Autrement dit, elle s’inscrit sur la liste
des biens collectifs à caractère spécial: des sadaqat jariiya au
164
service de l’Umma)
Le statut du waqf dans le Rituel musulman

 En principe, le statut rituel du waqf réside dans ce qu’on appelle,(al


mandoub) à l’instar de sadaqat au sens large du terme.

 Cependant la norme du waqf peut varier suivant les situations. Ainsi,


elle peut prendre la forme d’al-woujoub (l’obligation) comme pour le
cas d’un vœu rituel(nadhr), d’al-moubah (la permission) lorsque le
waqf est réalisé sans intention spirituelle, ou d’al-haram ( l’interdiction)
lorsque le musulman fait un legs conduisant à un acte de
désobéissance (ma’siyya).

165
Le fondement du waqf dans le Coran

 Les circonstances de la révélation* du texte de la sourate de Al Umran: « …vous


n'atteindrez pas la véritable piété tant que vous ne donnerez en charité de ce que vous
aimez et tout ce que vous aurez donné, Allah le saura». Cf. verset n°92 de la Sourate n°3.

 On peut également se référer au texte de la sourate du pèlerinage. «....adorez Dieu et


faites œuvre de charité afin que vous réussissiez». Cf. verset n°75 de la sourate n°22. ou
encore le texte de la sourate n°64. « …craignez Dieu de toutes vos forces ; écoutez,
obéissez, et faites l'aumône dans votre propre intérêt. Celui qui se tient en garde contre
son avarice sera heureux. »

 Selon le sociologue Marcel Mauss, les principaux textes coraniques en matière de sadaqat
donnent une bonne idée de l'art économique qui est en voie d'enfantement laborieux; l’art
d’une économie moralisée selon selon l’expression Jacques Austruy.

* Abû Talha Al-Ansârî


166
Le fondement du waqf dans la sounna

 Le fondement du waqf dans la sounna se réfère, entre autres, à un hadith


rapporté par Omar Ibn Khattâb qui avait gagné une terre à Khaybar, « le meilleur
bien » qu’il ait reçu selon ses dires ; il interrogea le Prophète sur la meilleure
manière de l’employer au service des musulmans. Le Messager d’Allâh lui
répondit :« Si tu veux, immobilise son fond et donne ses produits en charité.
Abdullah, le fils d’Omar raconta que son père a fait largesses de cette propriété
en déclarant dans ses testaments qu’elle ne peut faire l'objet de vente, de
donation ou de succession.

 Dans la sounna, on constate que le waqf incarne une véritable pratique de bienfaisance
initiée par des individus engagés dans la recherche du salut spirituel via l’initiation des
projets à plus-value socialdurable.

167
L’histoire de Bir romah

 À l’époque du prophète (aleihi ssaltou wa sselâm), un homme possédait une source


d’eau connue sous le nom de 'Romah'. Profitant de l’emplacement stratégique de son
puits, l’homme a pris l'habitude de vendre de l'eau aux passagers. Un jour, le Prophète
(S) dis à cet homme: "Veux-tu me vendre ton puits contre une fontaine éternelle dans le
paradis?" L'homme répondit: Ô! Messager de Dieu, je n'ai aucune autre ressource
pour nourrir mes enfants. Uthman Ibn Affane (R) pris connaissance de cette promesse
du prophète. Il décida alors d’acheter le puits contre trente cinq mille dirhams, puis il
s'adressa au Prophète (S) et s'interrogea: Pourrais-je avoir la même récompense divine
que celle promise à l’ex-propriétaire du puits? Le Prophète (S) répondit: Oui. Uthman
dis alors: J'en fait largesses au service des musulmans. (Cf. Histoire citée dans
plusieurs ouvrages/recueils de hadiths dont celui d’Annassa’i).

 Cette œuvre-waqf existe encore et porte le nom de Bir Uthman dans le cartier d’Al-
azhari à Médine !

168
Les principales catégories de waqf

 Le waqf familial (al-ahli) ou (Dhurri)*


 Le waqf public dit (al-khayri) que l’acte de
disposition soit établi au profit d’une catégorie des
personnes bien spécifiée ou dans un sens élargi.

 Le waqf hybride (public et familial)

169
Le régime de propriété du bien mis en waqf

 Disponibilité (Le waqf constitue un acte de disposition à titre gratuit)

 Insaisissabilité (étant protégé par un régime juridique spécial, l’actif


faisant objet de waqf ne peut plus faire l’objet d’une saisie)

 Inaliénabilité (l’actif de waqf est par nature inaliénable, mais l’expérience


prouve qu’il faut parfois prendre des mesures de remplacement, pour
assurer la pérennité de l’œuvre)

170
Les opinions jurisprudentielles vis-à-vis des richesses
pouvant faire l’objet du waqf

 Les immobilisations au sens comptable du terme (consensus doctrinal)

 Les objets mobiliers accessoires (consensus sous réserves que les dits objets
accessoires soient rattachés aux immobilisations)

 Les actifs circulants (divergence doctrinale)

 Les actifs liquides (divergence doctrinale)

 Les actifs immatériels (divergence doctrinale)

 L'opinion qui a prévalu…

171
Les conditions relatives aux mesures de remplacement

 Respecter les volontés du constituant (les clauses prévues par les


constituants font loi tant qu’elles ne se heurtent pas aux principes de
la Sharia)

 La bonne gouvernance (délibération consensuelle, transparence,


viabilité économique et sociale)

 Supervision par un SB!

172
L’institutionnalisation du waqf, quelques grandes réalisations

 Le cas d’Egypte (Par exemple, Jami’e Al-azhar et ses annexes, Dar al-Shifa, Ministère des waqfs)
 Le cas de Tunisie (Par exemple, Jami’e Al-zaytouna et ses annexes)
 Le cas du Maroc (Par exemple Jami’e al qarawiyyin, Ministère des Habous depuis 1915)
 Le cas d’Algérie (Ministère des affaires religieuses et des waqfs/décret 89-99 du 27 juin 1989)
 L’expérience koweitienne
 Fondation mondiale pour le waqf

173
La dimension socio-comique du waqf

La perception du waqf comme symbole de solidarité intergénérationnelle

En pratique, le waqf a été utilisé comme outil de financement des


secteurs peu ou mal couverts par l’Etat.

174
La gouvernance de waqf

Un mot sur la configuration organisationnelle d’un waqf

Un mot sur les modèles de gestion appliqués dans certains pays
musulmans.

175
Perspectives d’avenir

 Besoin de réflexion sur des nouveaux dispositifs organisationnels

 L’idée de structuration d’un fonds waqf au sein de la banque islamique

 L’idée d’un waqf évolutif constitué sous forme d’une SA dont la nue propriété sera
détenu par les constituants.

 Réflexion sur l’opportunité d’un renforcement du système juridique dans la


perspective d’accorder plus d’indépendance aux institutions du waqf et plus de
garanties étatiques pour le stricte respect immuable de la volonté du constituant (al-
waqif)

176
Questions de réflexion

 Est-ce admissible d’envisager l’utilisation de fonds waqf pour


alimenter le budget de l’Etat?

 Est-ce admissible d’envisager l’utilisation du contrat waqf comme


support de prestations des services d’assurance (takafoul) et/ou
service de financement participatif au profit des populations désignées
par les constituants.

 Réflexions sur les possibles moyens d’intégration du waqf dans le


paysage juridique français?
- La réception du waqf par une convention de fiducie?
- L’intégration du waqf par le régime des fondations?
 L’intégration du waqf via la loi française relative aux fonds de
dotation(2008)

177
contact@acerfi.org
http://www.acerfi.rg

Mohamed Bechir OULD SASS


membre co-fondateur du comité ACERFI/France

bachirlkhair@gmail.com

178
MERCI

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