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PRÉSENTÉ LE

ENSEIGNANTE
DÉCEMBRE 2020 ÉTUDIANT
MME ANNABELLE ISZATT THEO RECCHI

ANNÉE
MÉMOIRE S9 2022

L'AVANT GARDE
DANS L'OEUVRE DE
BJARKE INGELS
OCT. / NOV. 2020

MEMBRES DU JURY
ANNABELLE ISZATT, ARCHITECTE, DOCTEUR, ENSEIGNANT CHERCHEUR ENSAM
STÉPHANE BOSC, ARCHITECTE, DOCTEUR, ENSEIGNANT CHERCHEUR ENSAM
1
LAURENT DUPORT, ARCHITECTE, ENSEIGNANT CHERCHEUR ENSAM
FLORENCE CLAUSEL BOREL, ARCHITECTE

Remerciements

Mes remerciements vont à toutes les personnes qui m’ont aidé lors de la
rédaction de ce mémoire.

Je voudrais tout particulièrement exprimer ma reconnaissance à ma


directrice de mémoire, Madame Annabelle ISZATT, professeur à l’ENSAM
pour ses conseils judicieux et son accompagnement.

Je remercie également toute l’équipe pédagogique et administrative de


l’ENSAM qui m’a fourni les outils nécessaires à la réussite de mes études.

Je tiens à remercier spécialement Monsieur Stéphane BOSC, professeur à


l’ENSAM pour son soutien et ses encouragements en toutes circonstances.

Un grand merci à Madame Esther MAZUR pour ses conseils et son aide
dans toutes mes démarches administratives.

Je ne saurais oublier en n mes parents, ma soeur, mes grand-mères pour la


qualité de leur écoute, leur présence sans faille et leur assistance tout au
long de mes études.

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Sommaire

Remerciements…………………………………………………………………….. 2

Introduction……………………………………………………………………….. 5

I - La déconstruction d'un mode de conception jugé « dépassé »……… 6

1. La remise en cause de l'architecture pragmatique : l'exemple de Mies Van


Der Rohe……………………………………………………………………………..7

1.1 Dé nition selon Bjarke Ingels.………………………………………………..7

1.2 L'architecture dans son rapport à la forme.……………………………….8

1.2.1 Une forme minimaliste………………………………………………..8

1.2.2 Une forme rationnelle………………………………………………..11

1.3 L'architecture dans son rapport à la fonction..…………………………..14

1.3.1 Le design au service de la fonction…….…………………………..17

1.3.2 Une absence de symbolique………………………………………..17

1.4 L'architecture dans son rapport à l’esthétique.…………………………..19

1.4.1 L'e acement de l'architecture dans son environnement….……..19

1.4.2 Vers une architecture « neutre »….…………………………………21

2. La remise en question de l'architecture utopique : l'exemple de Venturi.. 23

2.1 Dé nition selon Bjarke Ingels……………………………………………. 23

2.2 L'architecture dans son rapport à la forme…………………………….. 24

2.2.1 La place de l’ornementation………………………………………. 24

2.2.2 Une forme qui découle de la symbolique…………………………26

2.3 L'architecture dans son rapport à la fonction…………………………. 28

2.3.1 La fonction en tant que système de communication…………. 28

2.3.2 La la fonction en tant qu’élément de persuasion……………… 30

2.4 L'architecture dans son rapport à l’esthétique.……..………………….32

2.4.1 Une lecture architecturale complexe……………………………. 32

2.4.2 l'esthétique découle principalement de la symbolique……….. 34

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II - L'émergence d'une nouvelle pensée, celle de Bjarke Ingels……….. 36

1. Introduction…………………………………………………………………….. 37

1.1 Dé nitions………………………………………………………………….. 37

1.2 Les projets emblématiques………………………………………………. 40

1.3 Le personnage de Bjarke Ingels…….………………………….……….. 40

2. L'architecture dans son rapport à la forme………………………………… 43

2.1 Une forme pragmatique………………………………………………….. 43

2.1.1 Une forme au service de la structure…………………………….. 43

2.1.2 Une forme au service de l’enveloppe…………………………….. 45

2.2 Une forme utopique………………………………………………………. 48

2.2.1 Une forme au service de la symbolique………………………….. 48

2.2.2 Une forme au service de l’esthétique…………………………….. 50

3. L'architecture dans son rapport à la fonction……………………………… 52

3.1 Une fonction pragmatique……………………………………………….. 51

3.1.1 Une dimension économique…………………….…………………. 52

3.1.2 Une dimension écologique………………………………………… 54

3.1.3 Une dimension sociale…………………………………………….. 56

3.2 Une fonction utopique……………………………………………………. 58

3.2.1 Une fonction au service de la symbolique………………………. 58

3.2.2 Une fonction au service de l’esthétique…………………………. 60

4. L'architecture dans son rapport à l’esthétique…………………………….. 63

4.1 Une esthétique utopique…………………………………………………. 63

4.1.1 Une esthétique qui permet de créer une symbolique………….. 63

4.1.2 Une esthétique qui permet de créer un imaginaire………………65

4.2 Une esthétique pragmatique…………………………………………….. 67

4.2.1 Une matérialité en accord avec la fonction……………………… 67

4.2.2 Une symbolique qui facilite la lecture architecturale…………… 69

Conclusion……………………………………………………………………….. 74

Credit photo………………………………………………………………………. 76

Bibliographie……………………………………………………………………… 78

4

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Introduction

« Historiquement, le domaine de l'architecture a été dominé par deux


extrêmes opposés. D'un côté, une avant-garde d'idées folles, souvent si
détachées de la réalité qu'elles ne parviennent pas à devenir autre chose que
des curiosités excentriques.

De l'autre côté, il y a des consultants d'entreprise bien organisés qui


construisent des boîtes prévisibles et ennuyeuses de haute qualité. »1

A travers cette citation Bjarke Ingels énonce les fondements de sa pensée.


L'architecture est, selon lui, une interconnexion entre deux notions, l'utopie
et le pragmatisme. Dans son manifeste "yes is more" il se démarque du
mouvement moderne et post moderne et fait émerger une toute nouvelle
pensée, « l'utopie pragmatique ».

L'architecte est également considéré par ses contemporains comme un


avant-gardiste. Nous nous attacherons à expliquer les principaux
fondements de ses idées.

L'avant-garde doit être au coeur des préoccupations de l'architecte. Il est


nécessaire de remettre en cause l'architecture contemporaine a n de, sans
cesse, explorer de nouvelles pistes pour améliorer sa pensée architecturale.

La question de l'avant-garde est un sujet qui a souvent été abordé au travers


de l'architecture moderne et post-moderne mais qu’en est-il de l'avant-garde
contemporaine ?

Comment se traduit la notion d'avant-garde dans l'architecture de Bjarke


Ingels ?

L'architecte déconstruit et reconstruit un mode de pensée que nous allons


expliquer à travers deux parties.

Dans un premier temps, nous nous attacherons à comprendre que


l'architecte remet en question un mode de conception qu'il considère
comme "dépassé".

Puis, nous analyserons la pensée de Bjarke Ingels en expliquant en quoi


consiste cette avant-garde.

1 Yes is more, Bjarke Ingels, 2009


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I - La déconstruction d'un mode
de conception jugé « dépassé »

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1 - La remise en cause de l'architecture pragmatique : l'exemple de
Ludwig Mies Van Der Rohe

1.1 Dé nition selon Bjarke Ingels

C1

«  L'architecture de Mies Van Rohe était comme une révolution. Libérant le


vocabulaire architectural de l'exercice stylistique à travers la consistante
élimination des excès ornementaux et des formes redondantes, il a créé une
table rase depuis laquelle des concepts et espaces purs peuvent émerger.

Pour ces adeptes, le mouvement révolutionnaire a progressivement


dégénéré à mesure que le mantra de libération devenait une privation
d'imagination, transformant la liberté du style en une camisole de force
stylistique elle-même. Le résultat est la répétition implacable de boîtes
anonymes identiques qui dominent de vastes zones de la ville
contemporaine. » 2

Selon Bjarke Ingels l’architecture pragmatique a entraîné la disparition de la


dimension utopique d’une oeuvre architecturale. La répétition des formes et
le style jugé froid et impersonnel des architectes pragmatiques est en rupture
avec sa vision hédoniste de l’architecture, c’est-à-dire tournée vers la
recherche du plaisir. Cependant, l’architecture ne doit pas, selon lui, tomber
dans l’extrême opposé de l’utopie. Il faut savoir allier les deux.

2 Yes is more, Bjarke Ingels, 2009

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1.2 L'architecture dans son rapport à la forme

1.2.1 Une forme minimaliste

Ludwig Mies Van Der Rohe comptait parmi les enseignants de l'école du
Bauhaus. La création de l'école a permis l'apparition d'un nouveau style
architectural comme le “style international”, privilégiant l’utilisation du verre
et de l’acier pour des bâtiments sobres et fonctionnels. Ce courant a
commencé à se développer aux Etats-Unis, avec son arrivée à Chicago en
1930, lorsqu’il devient le nouveau directeur de l’école du Bauhaus.

Avec la montée du nazisme, l’architecte ne parvient pas à mettre en oeuvre


toutes les réformes qu'il souhaitait. En 1932, le Bauhaus ferme à nouveau
ses portes mais renaît une dernière fois à Berlin pour une courte période. Ce
sont les nazis qui précipiteront sa fermeture en quali ant cette pensée « d’art
dégénéré ».

C’est avant tout, un art minimaliste. Ludwig Mies Van Der Rohe intègre dans
ses projets l’un des piliers de l'éthique moderne, celui du plan libre.
L’architecte l'a rme d'ailleurs au travers de la citation suivante :

«  J'ai abandonné le principe habituel des pièces fermées et j'ai dé ni une


série d'e ets spatiaux plutôt qu'une succession de pièces individuelles. Le
mur perd son caractère de fermeture et ne sert plus qu'à articuler l'organisme
de la maison. » 3 L'espace est donc marqué mais pas fermé. Le courant
minimaliste peut donc être compris comme étant une manière de concevoir
et de réaliser dans le souci de l’épure et de l’économie de moyens.

L'amélioration d'une œuvre se faisant selon les minimalistes par


soustraction, c’est-à-dire par exemple en réduisant l’impact des murs
porteurs pour créer uniquement des poteaux au niveau de la structure, en
enlevant des cloisons pour uidi er l’espace ou encore en utilisant des
matériaux qui renforcent la transparence d’un édi ce.

A travers les projets de Ludwig Mies Van Der Rohe on retrouve dans
l'agencement spatial de ses plans une juxtaposition des pièces avec une
suppression d'éléments de circulation comme les couloirs ou les
dégagements. Il s'agit également d'une architecture dans laquelle les
éléments de conception transmettent un message de simplicité. On utilise
des formes géométriques de base et des éléments sans décoration.

Dans cette partie nous analyserons l’architecture de la « National galerie » de


Berlin qui est profondément minimaliste au regard de sa forme et de son
agencement.

3 Conférence sur Mies Van Der Rohe, Gilles Ragot, mars 2014
https://www.les-caue-occitanie.fr/video-podcast/mies-van-der-rohe-1886-1969-lethique-
minimaliste

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La «  National Galerie  » de Berlin est un projet réalisé en 1968 qui a été


initialement conçu a n d'abriter l'art du XXème siècle, dans le cadre d'un
plan plus général de reconstruction des grandes institutions à Berlin-Ouest.

Le bâtiment repose sur une une plateforme en granit gris sur laquelle
s’installe une grande salle d'une seule travée. La toiture est constituée de
dalles carrées de 65 m2, soutenues par des poutres de 1m80 d'épaisseur,
soudées entre elles, pour former une grille, aux modules de 3m60 de côté.
L'ensemble de cette toiture est soutenu par huit piliers en acier.

L'espace est ouvert et homogène. Les seuls éléments xes non porteurs
sont deux parallélépipèdes en marbre vert (visibles sur la photographie ci-
dessous). Le plan libre o re une grande uidité et permet de supprimer les
espaces de circulation par juxtaposition des pièces.4

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4 Ludwig Mies Van Der Rohe, Leoni Giovanni, Actes Sud, 7 septembre 2009

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Sur le plan ci-dessus, nous retrouvons un caractère minimaliste dans la


conception de la forme du bâtiment. La base carrée permet de créer une
structure simple et une trame facilement identi able. Les murs intérieurs ne
créent pas de fermeture de l'espace mais servent à le marquer, comme par
exemple au niveau de l'entrée par deux murs non-porteurs. L'agencement
des murs intérieurs permet de juxtaposer les pièces sans couloir ou
dégagement. Ainsi les éléments de circulation ne sont pas cloisonnés. Cette
uidité entre les di érentes zones est également visible sur la photo ci-
dessous où les escaliers sont complètement ouverts sur l'espace de
circulation.

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1.2 L'architecture dans son rapport à la forme

1.2.2 Une forme rationnelle

La rationalité est un synonyme de «  logique  ». Tout ce qui est rationnel est


donc en lien direct avec la notion de raison. Eugène Viollet-le-Duc nous
exhorte d’ailleurs à « Chercher la raison de toute forme car toute forme a sa
raison.  » On retrouve également dans la rationalité, la notion de simplicité.
Mais selon Robert Morris « Simplicité de forme ne signi e pas
nécessairement simplicité de l’expérience »5. Cela rejoint ce que dit Tompson
à ce sujet  «  Il est étonnant de constater à quel point l'exploitation
architecturale de quelques lignes simples a le pouvoir de stimuler les
émotions humaines. » Le but ultime de la simplicité architecturale serait donc
de susciter des émotions intenses chez les personnes qui en font
l'expérience.6

Et en n, la rationalité renvoie à la notion d'ordre comme l'a rme Ludwig


Mies Van Der Rohe à travers la citation suivante « L'architecture a le pouvoir
de créer de l'ordre à partir d'une confusion impie. »6

Dans le cadre de la forme rationnelle, la conception n'est pas intuitive mais


justi ée par le biais de la raison et de l’ordre. Au niveau de la forme cela se
traduit par une trame régulière, des espaces où la fonction est clairement
dé nie. Chez Ludwig Mies Van Der Rohe la forme rationnelle de ses
bâtiments suit des règles logiques de conception et non d'esthétique ou de
mode.

Dans cette partie, nous analyserons le Seagram Building. Il s’agit d'un


immeuble qui, de part la simplicité de la lecture de son plan et de sa
fonctionnalité, fait partie de l’un de ses projets dont la forme est
particulièrement rationnelle.

5 Eugène Viollet-le-Duc, préface des Entretiens sur l’architecture, 1863


6 New York Delire, Rem Koolhaas, 26 août 2002
7 Conférence Gilles Ragot, mars 2014
https://www.les-caue-occitanie.fr/video-podcast/mies-van-der-rohe-1886-1969-lethique-
minimaliste

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Le bâtiment est situé au 375 Park Avenue, entre la 52ème et la 53ème rue
dans le centre de Manhattan. Ce gigantesque parallélépipède est posé sur
un socle en granit qui fait o ce de place. Cette forme permet d'inscrire le
bâtiment au mieux dans la parcelle tout en créant un espace public au
niveau de la base a n de laisser des zones de respiration dans un maillage
déjà très dense.

Le Seagram est construit sur une ossature en béton armé sur laquelle est
suspendue la façade-rideau. Ludwig Mies van Der Rohe souhaitait une
ossature métallique apparente, mais les règles en vigueur aux Etats-Unis
imposaient que toutes les structures résistent aux ammes en cas
d'incendie, il a donc été nécessaire de masquer cette ossature.


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Sur le plan de rez-de-chaussée, ci-dessus, on remarque une forme de


porosité avec l'extérieur qui crée une connexion avec l'espace public.
L'ossature poteaux-poutres permet de dissimuler l'enveloppe et faire
ressortir les larges panneaux de verre en façade. On remarque également un
dialogue entre forme et fonction. Au niveau du plan d'étage, la partie bureaux
s'articule autour des espaces de circulation aux lignes épurées et facilement
identi ables. Lorsque l'on regarde l'élévation nous sommes frappés par la
simplicité architecturale qui semble poussée à son paroxysme. Les formes
pures suscitent des émotions intenses qui sont associées à l'ordre, la
cohérence et la rationalité.

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1.3 L'architecture dans son rapport à la fonction

1.3.1 Le design au service de la fonction

Selon Louis Sullivan « La forme suit la fonction »6. Cet architecte s’inscrivait
dans le mouvement international d'architecture fonctionnaliste émergeant
dans le cadre de la vague du modernisme. La première règle du
fonctionnalisme repose sur le fait que la forme doit re éter la fonction ou plus
exactement l'exprimer. Cette règle s’applique aux espaces architecturaux
mais aussi à tous les éléments constructifs. Pour un fonctionnaliste, aucune
œuvre architecturale ne sera considérée comme telle si l’on ne peut
percevoir et apercevoir le caractère dominant de cette œuvre à savoir : la
fonction de l’édi ce.8

Louis Sullivan va même plus loin en a rmant que le fonctionnalisme


s'applique également au monde du vivant à travers la citation suivante « La
loi de tout ce qui est organique, ou inorganique, de toutes les choses
physiques et métaphysiques, humaines et surhumaines, de toutes les
manifestations e ectives de la tête, du cœur et de l’âme, est que la vie est
décelable par son expression, que la forme suit la fonction.»9

Lorsque l'on est dans une approche qui dé nit le design comme étant au
service de la fonction, la créativité est davantage perçue comme un travail
d'ingénieur car celle-ci favorise l'e cacité de la technique.

L'approche du design par la fonction s'appuie également sur la logique de


l'ingénieur avec comme valeurs directrices, la simplicité, la rigueur, la
rationalité. Ce mode de pensée se caractérise par la recherche de l'e cience
grâce à une maîtrise de la technologie. Le résultat du processus design sera
dans ce cas évalué par rapport à des critères rationnels et techniques.

Dans cette partie nous allons nous attacher à étudier le projet "Appartments
Lake Shore ». Il s'agit d'un édi ce dans lequel le design permet de créer une
nouvelle façon d’habiter.

8 Form follows function, Louis Sullivan, 1896


9 Op.cit

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Après l'incendie de 1871 ayant ravagé une partie de Chicago, les architectes
et les ingénieurs ont été confrontés à de nouveaux enjeux. Il était impératif
de reconstruire une grande ville aux États-Unis a n de trouver une solution
pour faire face à l'accroissement de la population. Cet immense dé a
dessiné la ville de Chicago avec une structure d’immeubles de grande
hauteur.

Le projet se caractérise par des idées synthétiques et fonctionnelles que


Ludwig Mies Der Rohe développe tout au long de sa vie. Ces tours dont fait
partie le projet «  Appartements Lake Shore  », sont une nouvelle façon de
concevoir la maison, une nouvelle façon d’habiter.

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Sur le plan ci-dessus, on remarque, que les espaces de circulation sont


clairement dé nis. Ils se situent au centre du projet pour libérer les façades
et créer de larges surfaces vitrées a n d’éclairer les logements. Les cuisines
sont intégrées aux séjours. L’espace dédié aux salles de bain est réduit a n
de créer de vastes séjours lumineux. La fonction première est de créer des
immenses volumes qui garantissent un confort proche de la maison
individuelle.

On relève également, à travers le plan, une volonté de dissimuler la structure


permettant de moduler l’espace. L’agencement des pièces peut évoluer au l
du temps sans se heurter à la contrainte des murs porteurs.

Dans ce projet, le design permet donc de concevoir des logements lumineux


et de larges volumes a n de créer des espaces qui seraient calqués sur le
modèle de la maison individuelle.

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1.3 L'architecture dans son rapport à la fonction

1.3.2 Une absence de symbolique

Après la seconde guerre mondiale, l'architecture, fortement impactée par le


mouvement moderne du début du XXème siècle, adopte des solutions
productivistes qui ont été à l'origine de décennies de reconstruction et
d'urbanisation rapide. Cela a créé l'émergence de la tour et de la barre de
logements, de lycées standardisés à structure métallique puis d'hôpitaux en
béton. L'architecture a donc perdu son caractère symbolique en
reproduisant ce mode de conception.

Cependant, selon Ludwig Mies Van Der Rohe « L'architecture est un langage.
Quand tu es très bon, tu peux être poète. »10 Cette phrase signi e que la
symbolique n'est pas forcément telle qu'on la perçoit. La nature de ses
projets s'apparenterait plutôt à un langage précis dont la nature des mots
serait totalement comprise. Dans l'ouvrage "Learning from Las Vegas",
Robert Venturi a rme que les architectes du mouvement moderne comme
Ludwig Mies Van Der Rohe ont écarté le symbolisme de l'éclectisme
historique, jugé dépassé, pour y substituer celui du langage industriel.11

Son architecture serait donc en opposition avec un imaginaire où elle serait


en lien avec des codes de construction qui utiliseraient l'abstraction ou
l'ornementation pour créer une symbolique. Il aborde également la notion de
cette absence de symbolique visuelle à travers la matérialité notamment
dans les deux citations suivantes : « Aucune conception n'est possible tant
que les matériaux avec lesquels vous concevez ne sont pas complètement
compris »12, « Nous devons nous rappeler que tout dépend de la façon dont
nous utilisons un matériau, pas du matériau lui-même... Les nouveaux
matériaux ne sont pas nécessairement supérieurs. Chaque matériau n'est
que ce que nous en faisons.»13 Ce sont donc les matériaux et leur
agencement qui permettent d'exprimer un langage et non la symbolique.

Le projet de station service à Montréal, totalement dépourvu


d’ornementation, est caractéristique de ces principes architecturaux qui sont
mis en pratique.

10 The language of architecture, Martin Donougho, 1987

11 Learning from Las Vegas, Robert Venturi, 1972


12 Mies van der Rohe Space, Material and Detail,Thomas Je erson University, Philadelphia,
PA, 2018
13 Material Masters: Glass is More with Mies van der Rohe, 2014

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L'ancienne station-service de Ludwig Mies-Van der Rohe est un bâtiment


commercial érigé en 1968. Il se compose de trois éléments : l'atelier
mécanique, le poste de paiement et l'aire de repos. Contrairement à
« l'architecture hangar »14 ce projet est totalement dépourvu d'ornementation
et de logo tel que l'on pourrait l'imaginer pour une station service
« classique ». Le plafond bas et la structure renforcent les lignes horizontales
et nous donnent l'impression que le langage architectural, renvoyant a une
absence de symbolique, est exprimé par la structure et les matériaux

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14 Learning from Las Vegas, Robert Venturi, 1972

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1.4 L'architecture dans son rapport à l'esthétique

1.4.1 L'e acement de l'architecture dans son environnement

Pour Robert Samuel Langer, un célèbre ingénieur, «  L'architecture, c'est la


totalité de l'environnement rendue visible.  »15 ‘L'architecture doit être en
dialogue permanent avec l'environnement car celle-ci en est indissociable.
Cela peut conduire l'architecte à concevoir des projets qui créent un
contraste ou qui sont dissimulés à travers le paysage.

De célèbres écrivains se sont aussi intéressés à la relation de l'édi ce avec


son environnement. Victor Hugo écrivait «  Il est de règle que l'architecture
d'un édi ce soit adaptée à sa destination de telle façon que cette destination
se dénonce d'elle-même au seul aspect de l’édi ce.  »16 Cette notion
d'adaptation se traduit souvent dans l'oeuvre de Ludwig Mies Van Der Rohe
par l'e acement de ses projets dans le paysage.

La «  Farnsworth House  » est un projet emblématique à ce titre. Il illustre


parfaitement cette notion d'e acement.

La «  Farnsworth House  »  est caractéristique de l'architecture moderne.


Ludwig Mies Van Der Rohe a pensé la «  Farnsworth House  » comme une
maison de week-end, d’une seule pièce dans un espace naturel, située à 75
km au sud-ouest de Chicago, bordant la rivière Fox, dans un domaine de 24
hectares.

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15 https://www.alter-architecture.com/apropos

16 Notre Dame de Paris, Victor Hugo, 1821


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On constate que l'usage systématique du verre, du sol au plafond, permet


d'ouvrir l'intérieur de la maison sur son environnement naturel. Deux dalles
renforcent l'idée d'horizontalité qui forment le sol et le toit en encadrant
l'espace vitré du séjour. Les bords des dalles sont soulignés par des
éléments structurels en acier bien mis en évidence et peints en blanc a n
d’accentuer la sobriété. L'utilisation des pilotis au niveau de la structure
permet alors de donner l'illusion que le bâtiment otte au dessus de son
environnement.

On peut dire également, que l'acier permet de réduire la section des poteaux
et des poutres et ainsi contribue à l'e acement du projet dans le paysage.

Sur le plan situé ci-dessus on remarque que la structure s'a ranchit de murs
porteurs et créé de grandes surfaces vitrées. Il y a une interconnexion entre
espaces intérieurs et espaces extérieurs, rendue possible par l’absence de
vis-à-vis.

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1.4 L'architecture dans son rapport à l'esthétique

1.4.2 Vers une architecture neutre

La question de la neutralité renvoie à la notion d'ambiance et de qualité


d’espace. Ludwig Mies Van Der Rohe s'attache à créer des projets sobres et
fonctionnels qui s'e acent dans leur environnement. Cela rejoint l'éthique
minimaliste qui préconise la recherche de la sobriété et de la simplicité en
permanence. Dans certains projets, l'ambiance créée nous renvoie à la
notion de neutralité architecturale.17 Cette notion va de pair avec la sobriété
qui se traduit par l'utilisation de matériaux qui renforcent la transparence
d'un édi ce.

Cette neutralité dans l’architecture pragmatique s’inscrit dans un paradoxe.


Celle-ci d coule de la simple expression d’un programme mais ce
programme implique l’indi renciation des espaces, pour garantir une
exibilit maximale d’usage. «Le b timent de bureaux repr sente le premier
programme compl tement abstrait - il n’appelle pas une architecture
particuli re, sa seule fonction est de laisser ses occupants exister.»18

Au niveau de la trame, lorsque celle-ci est déclinée à di rentes chelles,


cela contribue à cr er des espaces homogènes, dans lesquels chaque point
est quivalent par ses qualit s, puisque l’ paisseur et la r p tititivité des
b timents ne donnent pas des rapports di rents l’ext rieur.

Le projet du pavillon de Barcelone, mis en oeuvre pour l’exposition de 1929,


mérite une attention particulière. Il crée une ambiance apportant une
neutralité architecturale à l'espace de part l'utilisation des matériaux,
l’homogénéité du plan et la uidité de la fonction.

17 Roland Barthes, Le Neutre, Cours au Coll ge de France (1977-1978), Paris : Traces


crites, Seuil Imec, 2002

18 O.M.A., Rem Koolhaas & Bruce Mau, S,M,L,XL, New York : The Monacelli Press, 1995

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Le pavillon de Barcelone, conçu par Ludwig Mies Van Der Rohe pour
l’exposition internationale de la ville en 1929, a constitué l'introduction au
monde du mouvement architectural moderne. Il a été conçu pour accueillir la
réception o cielle présidée par le roi Alfonso XIII avec les autorités
allemandes. Sur la photo, ci-dessous, et sur le plan ci-dessus, on remarque
que ce projet reprend à lui seul tous les points évoqués précédemment. Les
murs ne créent pas de fermeture et permettent de laisser l’utilisateur
s’approprier l’espace comme il le souhaite. La fonction peut donc évoluer
dans le temps. L’utilisation du marbre et du verre renforce la transparence du
projet et contribue à réduire son impact visuel. En n la répétition des
éléments de structure contribue à créer une trame et un espace homogène
qui nous renvoient à cette notion de neutralité.

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2. La remise en cause de l'architecture utopique : l'exemple de Robert
Venturi

2.1 Dé nition selon BIG ( Bjarke Ingels Group)

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«  En contre-révolution contre le choix limité de vocabulaire pour l'architecte


moderne orthodoxe, Robert Venturi et Denis Scott Brown ont commencé à
regarder la ville contemporaine en dehors du domaine de l'architecture
moderne. A travers leur ouvrage «Learning from Las Vegas», ils ont réintroduit
le symbolisme et les signes dans la palette architecturale, o rant complexité
et contradiction à la place de la simplicité et de la cohérence. 

La contre-révolution contre la monotonie de l'architecture moderne


strictement fonctionnelle, a à son tour conduit à sa propre épidémie de tours
postmodernes indiscernables pas plus variées ni intéressantes que leurs
frères et sœurs modernes. »19

19 Yes is more, Bjarke Ingels, 2009

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2.2 L'architecture dans son rapport à la forme

2.2.1 La place de l’ornementation

Robert Venturi occupe une position centrale parmi les architectes qui, au
cours des années 60 et 70, se sont détournés de l'architecture i sue du
Mouvement Moderne pour chercher son inspiration dans les époques
antérieures. L'architecte est l’un des premiers dont l'ins tisfaction s'est
exprimée en une ré exion aussi élaborée. Sa remise en cause du
Mouvement moderne a ensuite eu un impact majeur sur la r exion et la
vision architecturale contemporaine.

Dans son essai « Learning from Las Vegas  » Robert Venturi aborde la
question de l'ornementation dans l'architecture. Il classe chacun des projets
qu'il analyse en deux catégories : d'un côté l'architecture hangar et de l'autre
l'architecture canard. Les hangars décorés sont des boîtes avec des
ornements dessus, comme les palais de la Renaissance. Les canards, sont à
la fois des bâtiments et des symboles. Mais il y a des cas particuliers,
comme les cathédrales, à la fois hangars décorés et canards : «  La
cathédrale d’Amiens est un panneau publicitaire avec un bâtiment derrière. »
20

C'est d’abord, en tant que théoricien et critique de l'architecture


fonctionnaliste, que Robert Venturi s'est fait connaître. Parmi les architectes
contemporains, Robert Venturi reconnaît des mérites à Alvar Aalto, Le
Corbusier ou Frank Lloyd Wright, et critique surtout Ludwig Mies Van Der
Rohe dont il renverse la célèbre formule "Less is more" en "Less is a bore",
c’est-à-dire Moins c'est ennuyeux.

L'architecte est donc en opposition avec cette simplicité et cette rationalité


qu'il trouve ennuyeuse.

De même, selon lui «  En chassant l'éclectisme, l'architecture moderne a


submergé le symbolisme. [...] En se limitant aux articulations stridentes des
éléments architecturaux purs de l'espace, de la structure et du programme,
l'expression de l'architecture moderne est devenue un expressionnisme sec,
vide et ennuyeux. »21

Dans son livre « Learning from Las Vegas » Robert Venturi aborde la question
de l’ornementation au travers de projets qu’il aperçoit sur le bord de la route
à Las Vegas. Comme il s’agit d’un architecte avant tout théoricien nous
analyserons les projets qu’il évoque dans son ouvrage, pour aborder la
question de l’architecture utopique telle qu’il l’imagine.

20 Learning from Las Vegas, Robert Venturi, 1972


21 Ibidem

24

fl

é­
fl

C17
 

La «  Guild House  » de Philadelphie est l'une des œuvres les plus


représentatives du postmodernisme réalisée par Robert Venturi. Cette oeuvre
apparait comme une critique contre le style international du mouvement
moderne. Selon les postmodernes, ce dernier était ennuyeux et pas du tout
intéressant.

Il s'agit d'un immeuble d'appartements pour personnes âgées à faibles


revenus. Le projet ressemble à une construction bon marché de logements
sociaux.

La partie la plus intéressante reste la façade principale, sur laquelle Robert


Venturi illustre le rejet des idéaux modernes.

L'architecte a déclaré: «  ... Dans la Maison de la Guilde, les éléments


ornementaux symboliques sont librement appliqués à la lettre... Le
symbolisme de la décoration devient laid et ordinaire, avec une pointe
d'ironie d'origine héroïque... et à juste titre le hangar est laid et ordinaire, mais
ses briques et ses fenêtres sont aussi symboliques…. »22

22 Op.cit

25

2.2 L'architecture dans son rapport à la forme

2.2.2 Une forme qui découle de la symbolique

Selon Robert Venturi, l’architecture doit être perçue comme un symbole dans
l'espace avant d'être une forme. Pour trouver du symbolisme en architecture
il faudrait, selon lui, s’inspirer des faubourgs de nos villes existantes car
ceux-ci sont attrayants symboliquement plutôt que formellement.

Il compare la ville de Las Vegas, à Florence et celle de Los Angeles, à Rome


en expliquant que le symbolisme des villes modernes s'est fortement inspiré
du symbolisme de la Renaissance.23

Cet architecte rejette fortement l'éthique moderne qui est en rupture avec
l'éclectisme historique. Il oppose d'ailleurs l'iconographie historique avec
l'iconographie industrielle, en a rmant que Ludwig Mies Van Der Rohe a
copié la forme du hangar en y introduisant un langage di érent, celui de la
science et de la technologie.

Selon Robert Venturi, les architectes du mouvement moderne ont développé


une iconographie architecturale basée sur leur interprétation de la
technologie progressiste de la Révolution Industrielle.

Dans l'architecture "canard" la forme architecturale découle principalement


de la symbolique et non pas de la fonction. Les systèmes architecturaux
d'espace, de structure et de programme sont submergés et déformés par
une forme symbolique d’ensemble.

Robert Venturi déplore d’ailleurs le déclin des symboles populaires. Selon lui,
les historiens qui ont mis en évidence le déclin des symboles dans l’art, ont
soutenu les architectes modernes orthodoxes qui ont évité tout symbolisme
des formes, qu’ils considèrent comme une expression ou un renforcement
du contenu. Pour ces architectes, la signi cation ne doit pas être
communiquée à travers des allusions à des formes déjà connues, mais par
des caractéristiques physiologiques inhérentes de la forme.

23 Op.cit

26

ffi
fi
ff
C18

Robert Venturi évoque le terme « canard », en référence à un stand de vente


de canards rôtis, aperçu sur le bord de la route ou le projet devient un
symbole à lui tout seul, comme nous pouvons le voir sur l’image ci-dessus.
Dans son ouvrage « Learning from Las Vegas » il explique par des symboles
que dans l’architecture canard toute l’attention n’est pas portée sur
l’enseigne d’un édi ce, mais sur sa forme.

L’architecte est d’ailleurs émerveillé devant toutes les formes, les lumières,
les couleurs, qu’il a pu voir dans la ville de Las Vegas. C’est ce qui l’a en
partie inspiré pour réaliser ses projets. Sa vision de l’utopie en architecture
réside principalement dans le fait de prôner un retour au symbolisme qui,
selon lui, pour les modernes, a été abandonné.

L’image du Long Island Duck est reprise dans le manifeste de Bjarke Ingels,
«  Yes is more  » pour dénoncer un utopisme à l’origine d’une avant-garde
d’idées folles qui seraient déconnectées de la réalité. C’est aussi un moyen
pour Big d’annoncer sa nouvelle théorie l’utopie pragmatique.

27

fi
2.3 L'architecture dans son rapport à la fonction

2.3.1 La fonction en tant que système de communication

Robert Venturi voit dans le rejet de l'ornement «  d notatif  »24 et de la riche


iconographie de l'architecture historique, un appauvrissement pour
l'architecture moderne, qui a favoris l'expression des l ments
architecturaux eux-m mes, de la structure et de la fonction. La dénotation en
architecture étant un moyen de créer du langage architectural qui aurait une
valeur objective.

L'ornement enrichit non seulement l'oeuvre des images qu'il donne voir
mais aussi de ce les qu'il voque. C'est cause de la fonction de
repr sentation, qu'il joue au sein de la communication que Robert Venturi fait
de l'ornement un l ment essentiel du type d'architecture qu'il pr ne, le
"hangar d cor ", avec, pour l'ornement historique, une pr sence dont
l'importance d coule dire tement de la richesse du sens port , des
signi cations accumul es au l des ges.15

En observant la ville de Las Vegas, Robert Venturi a rme que la ville entière
est conçue comme un vaste système de communication.

Cette architecture prévaut sur l’espace. La communication domine l’espace


car celle-ci est un élément à l’intérieur de l’architecture et dans le paysage.

Robert Venturi estime que les architectes modernes sont opposés aux
enseignes, à l’intérieur du bâtiment, car si le plan est clair, on peut voir par
où il faut aller. Cependant, pour des programmes et des cadres d’utilisation
complexes, il faut employer des combinaisons de moyens trop complexes
pour la pure triade architecturale de la structure, de la forme et de la lumière
au service de l’espace. Ces programmes appellent donc à une architecture
de communication directe plutôt qu’une architecture d’expression subtile.

Dans l’ouvrage «  Learning from Las Vegas  » on comprend à travers son


analyse sur les symboles, que ce réseau de communication est destiné
principalement à l’usage des automobilistes qui appréhendent le paysage
urbain.

28


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fi





ffi






24 Op.cit

25 Op.cit

C19

Sur l’image ci-dessus, Robert Venturi explique que l’ensemble des


informations générées par les symboles et l’échelle de l’espace créent un
vaste réseau de communication.

On note également que dans certaines «  skylines  » les symboles sont


totalement absents. C’est le cas, notamment pour Ville Radieuse. En
revanche, dans des rues comme celles du Strip à Las Vegas, tout n’est que
symbole. L’architecture permet de livrer un message à ses usagers qui, dans
le cas de la ville de Las Vegas, renverrait à l’utopie.

La taille et la présence ou l’absence de ces symboles semblent s’accorder


aux vitesses de l’automobile. Plus la vitesse augmente et plus la taille des
symboles augmente.

29

2.3 L'architecture dans son rapport à la fonction

2.3.2 La fonction en tant qu’élément de persuasion

Selon Robert Venturi, la persuasion commerciale de l’éclectisme de bord de


route prend place à Las Vegas dans un site vaste et complexe dans lequel
tout est accordé aux vitesses accélérées de l’information.

L’automobile change également le rapport que les usagers entretiennent


avec l’espace urbain car son utilisation est l’origine de la création de grandes
enseignes et de panneaux publicitaires géants. Les styles et les enseignes
permettent de connecter une grande quantité d’éléments, éloignés les uns
des autres mais qui peuvent être aperçus rapidement depuis son
automobile.

Dans son ouvrage « Learning from Las Vegas » , il explique ensuite en quoi
l’architecture des villes peut constituer un élément de persuasion pour le
piéton et les gens motorisés à travers le passage suivant :

« Au long des ruelles étroites, le marchand exerce sur le client sa persuasion
orale au sujet d’une marchandise que celle-ci voit et sent. Dans les venelles
de la ville médiévale, bien qu’il s’y trouvât quelques enseignes, la persuasion
s’accomplissait essentiellement par la vue et par l’odorat : à travers les portes
et les fenêtres de la boulangerie, on apercevait et on sentait les gâteaux. Sur
la grand-rue, le long des trottoirs, les étalages dans les vitrines à l’usage des
piétons et les enseignes extérieures, perpendiculaire à la rue, s’adressant aux
gens motorisés, occupent la scène à part égale »16

Dans cet extrait, Robert Venturi évoque un point essentiel de « l’architecture


de persuasion ». Selon lui, les grandes enseignes sont un moyen de relier le
conducteur et le piéton directement aux magasins. Cette architecture
emprunte de symbolisme moderne permet de donner selon lui a un projet
une valeur commerciale de persuasion.

Les hangars décorés permettraient donc de séduire l’usager. Les lumières de


la ville, les grands panneaux publicitaires des autoroutes, ou encore les
espaces de parking et leur signalétique, sont des éléments qui permettent
d’appréhender la fonction symbolique d’un projet en tant qu’élément de
persuasion. L’exemple du Strip de Las Vegas permet de comprendre cette
notion de persuasion.

26 Op.cit

30

C20

Sur l’image ci-dessus, on remarque que le Strip de Las Vegas s’étend sur
des kilomètres. C’est la rue la plus longue de la ville. La voie centrale dédiée
à l’automobile et les grandes enseignes situées de part et d’autre permettent
à l’automobiliste d’avoir un accès constant à l’information.

Sur l’image ci-dessous, on remarque que la nuit, les couleurs vives des
lumières et la monumentalité des édi ces permet de créer une architecture
de persuasion destinée à séduire les usagers en les renvoyant à la notion
d’utopie.

C21

31

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2.4 L'architecture dans son rapport à l'esthétique

2.4.1 Une lecture architecturale complexe

De ses expériences, Robert Venturi retient que la cité ancienne et son tissu
«  désordonné  » offrent une richesse et une complexité, dont il va faire le
support de sa pensée. Selon lui «  un bâtiment sans rien d’imparfait peut
n’avoir rien de parfait, parce que c’est le contraste qui est le support de la
signi cation ».27

Il n’est pas intimidé par le langage puritain et moral de l'architecture moderne.


Il aime les formes impures plutôt que pures, compromettantes plutôt que
propres, déformées plutôt que directes, ambiguës plutôt qu'articulées,
allusives plutôt que simples, perverses plutôt qu'impersonnelles,
accommodantes plutôt qu’excluantes. 

Il faut également retenir sa capacité à déceler dans des constructions aussi


bien reconnues qu’anonymes, des qualités jusque-là insoupçonnées. Les
notions de complexité, d’ambiguïté, mais aussi son regard sur la composition
architecturale imparfaite empreinte de fausses symétries, la reconnaissance
de la qualité d’ouvrages à plusieurs niveaux de perception plutôt que le
dogme de la perfection et son aphorisme «  less is more  », sont les apports
théoriques qu’il nous lègue à travers son ouvrage «  Complexity and
contradiction in Architecture ».

Robert Venturi estime que la complexité doit être constante en architecture.


Celle-ci doit correspondre dans la forme et la fonction. «  Complexity and
contradiction in Architecture  » est un ouvrage qui constitue un plaidoyer
passionné et passionnant pour la nécessité d'un super u. S'élevant contre les
excès du fonctionnalisme ambiant. Robert Venturi montre, à travers deux
cents exemples tirés du patrimoine commun des civilisations occidentales,
qu’une oeuvre architecturale répond à plusieurs ns : il démontre qu'il est
possible d'assurer la complexité et la contradiction et, sans nuire à la fonction,
de doter l'oeuvre d'une ambiguïté enrichissante.28

27 Learning from Las Vegas, Robert Venturi, 1972


28 Complexity and contradiction in architecture, Robert Venturi, 1984

32

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fi
fl

C22

Le «  Crawford Manor  » de l’architecte Paul Rudolph, est un projet dont


l’architecture o re une richesse et une complexité en raison du symbolisme
employé, et de la recherche d’abstraction comme l’évoque Robert Venturi.

Dans son ouvrage « Learning from Las Vegas » l’architecte explique que ce
projet est une architecture d’expression. Le symbolisme utilisé est connotatif
car l’ornementation est expressive.

Selon lui, il s’agit d’un projet héroïque et extraordinaire, la forme


architecturale globale du bâtiment lui confère une dimension révolutionnaire,
progressiste et anti-traditionnel.

L’architecture du bâtiment est en rupture avec l’architecture moderne car


selon l’architecte, le projet est emprunt de symbolisme où les éléments de
décorations sont réalisés par l’articulation d’éléments intégrés.

33

ff
2.4 L'architecture dans son rapport à l'esthétique

2.4.2 l'esthétique découle principalement de la symbolique

Dans son ouvrage « Learning from Las Vegas », Robert Venturi exprime son
engouement pour l’architecture du hangar décoré car celle-ci crée une
symbolique particulièrement riche. Dans la ville de Las Vegas la fulgurance
du décor est principalement visible la nuit. L’esthétique architecturale est
mise en valeur par la présence des lumières de la ville qui renforcent le
caractère symbolique des grandes enseignes.

Le Strip est une rue emblématique de la ville dans laquelle l’esthétique


permet de créer une atmosphère qui nous renvoie à l’utopie. Comme un
mirage dans le désert, les lumières de la ville révèlent des images qui
paraissent irréelles. On peut retrouver des répliques de monuments
importants comme la tour Ei el qui présentent une dimension symbolique
pour la ville. Les casinos, les hôtels, les restaurants ont tous sur leurs
enseignes, des symboles dont l’esthétique est principalement axée sur la
couleurs et la monumentalité.

Le croquis ci-dessous, met en avant l’importance de l’éclectisme de bord de


route. L’esthétique des bâtiments aperçus à Las Vegas découle
principalement de la symbolique. D’un côté les canards et de l’autre les
hangars décorés.

C23

34

ff
C24

Cette image illustre principalement l’esthétique du hangar décoré avec ses


grandes enseignes qui sont partie prenante de l’architecture de bord de
route. L’automobile occupe une place prépondérante dans cette volonté de
créer un paysage urbain, dans lequel, la publicité est omniprésente car sa
création a permis de développer une esthétique basée sur l’introduction d’un
symbolisme de persuasion. La dimension utopique de ces projets est axée
sur un point essentiel, l’hédonisme, c’est-à-dire la recherche du plaisir.

Le point de convergence de tous les architectes dit «  utopiques  » est de


créer un imaginaire à partir d’une symbolique. Dans certains projets, lorsque
la dimension utopique prend le dessus sur la dimension pragmatique cela
peut engendrer de la complexité et de la contradiction en architecture.

Bjrake Ingels est opposé à cette complexité et cette contradiction


revendiquée par Robert Venturi. Il ne considère pas que l’utopie devrait
prôner une « avant-garde d’idées folles déconnectées de la réalité » mais que
celle-ci devrait être en interconnexion avec le pragmatisme. Nous
expliquerons en seconde partie cette nuance dans la ré exion de l’architecte
à l’origine de ses projets.

35

fl
II - L'émergence d'une nouvelle
pensée, celle de Bjarke Ingels

36

1. Introduction

1.1 Dé nitions

Le pragmatisme

Selon Selon Charles S.Peirce :

Le pragmatisme est né il y a un siècle. Son fondateur, Charles S.Peirce


énonce le principe dans son ouvrage qui s'intitule « How to make our ideas
clear  ». Selon cette école de pensée le pragmatisme est plus une attitude
philosophique qu'un ensemble de dogmes. «Pragmatisme», vient du grec
pragmata, action, ce qui atteste du souci d'être proche du concret, du
spéci que, et opposé aux idées abstraites et vagues de l'intellectualisme.

Selon Bjarke Ingels :

« L'architecture semble être ancrée dans deux fronts tout aussi infertiles : soit
naïvement utopique, soit d'un pragmatisme pétri ant. Nous pensons qu'il
existe une troisième voie coincée dans le no-mans-land entre les opposés
diamétraux ; ou dans le petit mais très fertile chevauchement entre les deux.
Une architecture utopique pragmatique qui prend comme objectif pratique la
création de lieux socialement, économiquement et écologiquement parfaits. »

L’utopie

Selon le Centre Nationale de Ressources Textuelles et Lexicales :

Idées qui participent à la conception générale d'une société future idéale à


construire, généralement jugées chimériques car ne tenant pas compte des
réalités.

Selon Bjarke Ingels :

«  L'utopie pragmatique c’est assimiler les exigences pragmatiques d’un


programme pour proposer un imaginaire, une utopie. Grâce à des pilotis, Le
Corbusier a décollé du sol le plancher de la villa Savoye, a n de pouvoir
utiliser ce sol. Il a aussi activé le toit-terrasse. Ces principes s’inscrivaient
dans le dogme du mouvement moderne, or si ce dernier avait été moins
strict, sans doute Le Corbusier aurait-il été encore plus imaginatif. C’est
pourquoi j’essaie d’explorer davantage. »

37

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L’avant-garde

Selon Fabrice Thumerel :

« L’avant-garde se dé nit avant tout par une éthique et une esthétique de la


rupture, qui oppose arbitrairement et simplistement Anciens et Modernes.
Les modernes ne sont pas les enfants des anciens. C’est plutôt le contraire. »
29

Selon Bjarke Ingels :

«  Je pense que l'avant-garde se cache souvent dans l'incompréhensible


parce qu'elle est frustrée que le monde réel soit si ennuyeux. D'une manière
ou d'une autre, on ne peut pas faire face aux conditions et aux limites du
monde réel, alors on propose un monde imaginaire, sans gravité, où tout est
soit incroyablement cher, soit très irrationnel, soit vraiment peu pratique.
Notre thèse générale est que le monde réel, la vie humaine sur la planète, est
en fait super excitant. Si les aspects de l’architecture normale ne sont pas
aussi passionnants, c’est parce qu’elle ne correspond pas vraiment à la façon
dont la vie se déroule. »30

Economique

3
Usage

Pragmatisme 1 Utopie

Avant-garde

Esthétique Symbolique

Social Ecologique

29 Entretien, L’incontenable Avant garde, Christian Prigenrt, 2006


30 Yes is more, Bjarke Ingels, 2009

38

fi

C25

L’utopie pragmatique :

«  Historiquement, le domaine de l'architecture a été dominé par deux


extrêmes opposés. D'un côté, une avant-garde d'idées folles, souvent si
détachées de la réalité qu'elles ne parviennent pas à devenir autre chose que
des curiosités excentriques.
De l'autre côté, il y a des consultants d'entreprises bien organisés qui
construisent des boîtes prévisibles et ennuyeuses de haute qualité.
L'architecture semble entrecoupée entre deux fronts également infertiles :
soit naïvement utopique, soit d'un pragmatisme pétri ant. Plutôt que de
choisir l'un sur l'autre, BIG opère dans le chevauchement des fertilisants
entre les deux opposés. Une architecture utopique et pragmatique qui prend
comme objectif pratique la création de lieux socialement, économiquement
et écologiquement parfaits. »31

Bjarke Ingels reprend la célèbre citation de Ludwig Mies Van Der Rohe « Less
is more » et la transforme en « Yes is more », traduite littéralement « oui c’est
plus  ». En commençant cette phrase par un «  oui  », Bjarke Ingels souhaite
faire part, avant tout, à ses interlocuteurs, de sa vision hédoniste de
l’architecture qui peut se retrouver dans l’évocation de ses projets
emblématiques.

31 Yes is more, Bjarke Ingels, 2009

39

fi
1.2 Les projets emblématiques

2005 2006 2007 2008 2009

2010 2011 2012 2013 2014

40

2015 2016 2017 2018 2019 2020

41

1.3 Le personnage de Bjarke Ingels

C26

Bjarke Ingels est un architecte danois de 48 ans. Il fonde avec l’architecte


belge Julien De Smedt en 2001, l’agence PLOT. En 2006, les deux
architectes se séparent, l’un crée JDS Architects, aujourd’hui basé à
Bruxelles et Copenhague, l’autre crée Bjarke Ingels Group. Bjarke Ingels
enchaîne les concours et les victoires. On peut citer les logements VM au
temps de l’agence PLOT, ce projet a fait le tour du Danemark, car outre son
architecture, le bâtiment a coûté moins de 1 000 €/m². Le promoteur
commande à PLOT les mêmes logements quelques années plus tard sur la
parcelle d’à côté. Plutôt que de reproduire le projet VM, PLOT dessine The
Moutain, un projet qui connait autant de succès. En 2010, Bjarke Ingels
réalise le pavillon danois pour l’exposition universelle de Shanghai. En 2015,
il réalise le dessin de la nouvelle tour du Two World Trade Center dans le
lower Manhattan de New York.32

Bjarke Ingels est avant tout un architecte qui exerce une in uence
considérable en raison de sa capacité à communiquer sur ses projets relayés
par la presse.

Il organise régulièrement des conférences dont l’une d’entre elle est même
disponible sur la plateforme Net ix. L’architecte veut donc di user un
maximum son architecture à travers le monde en se servant des outils
numériques et des réseaux sociaux. Il est également l’auteur du manifeste
«  Yes is more  » dans lequel il nous fait part de la construction de ses
di érents projets et vulgarise la pensée architecturale pour la rendre
accessible au plus grand nombre.

32 Andrew Rice, « Revealed: The Inside Story of the Last WTC Tower's Design »
42

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ff
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2. L'architecture dans son rapport à la forme

2.1 Une forme pragmatique

2.1.1 Une forme au service de la structure

Bjarke Ingels est très sensible aux nouvelles approches qui garantissent un
développement durable. A l’image des villes danoises, il introduit dans ses
projets la possibilité de visiter un pavillon ou une exposition par l’utilisation
de voies douces, destinées aux piétons et aux cyclistes comme on peut le
retrouver dans un pavillon qu’il a conçu à Shanghai. Il fait également le
constat que dans les grandes villes les ports sont pollués et les habitants ne
peuvent pas s’y baigner. Il décide donc d’introduire au centre du pavillon
qu’il a réalisé un point d’eau dans lequel on a la possibilité de s’y baigner.
Toute la structure du pavillon est conçue comme un géant treillis tubulaire
a n de garantir un maximum de résistance et permettre de créer toutes ces
distorsions qui facilitent la visite du pavillon. La structure de son pavillon
permet également, autour de la piscine centrale d’accueillir l’exposition.
Cette géométrie permet de créer un parcours en boucle qui génère une
uidité au niveau des espaces de la circulation et de la structure.33

C27

33 Yes is more, Bjarke Ingels, 2009

43

fl
fi

C28

C29

44

2.1 Une forme pragmatique

2.1.2 Une forme au service de l’enveloppe

Dans ses explications sur la construction de ses projets Bjarke Ingels évoque
à de nombreuses reprises l’utilisation de diagrammes solaires et explique
leur in uence sur l’agencement de l’enveloppe notamment dans son projet
Little Denmark, CPH.

Ce projet est proposé comme un concept qui dé nit les points essentiels du
développement durable pour les villes futurs selon BIG.34

C30

Sur ce diagramme solaire il représente l’irradiation totale perçue en un an par


la ville de Copenhague et il va se servir de ce diagramme pour optimiser au
maximum la forme de l’enveloppe de son bâtiment, comme nous pouvons le
voir sur le diagramme ci-dessous.

C31

34 Yes is more, Bjarke Ingels, 2009

45

fl
fi
Cette approche, permet à l’architecte Bjarke Ingels de créer une forme au
service de l’enveloppe, c’est-à-dire une forme qui émane d’une ré exion
objective et rationnelle permettant de générer une réponse adaptée au
niveau de la matérialité et de la forme de cette enveloppe.

Il en vient donc à créer un prototype de pyramide dont l’enveloppe serait


divisée en trois parties, le coeur de la pyramide serait dédié au
stationnement puisqu’il s’agit d’une zone aveugle, la partie nord serait
a ectée à des bureaux qui béné cieraient d’une lumière indirecte, et l’autre
partie de l’enveloppe, exposée plein sud, serait principalement consacrée
aux logements.

C32

Cette maquette synthétise son travail. Nous observons le jeu d’ombres et de


lumières qui interagissent avec les formes. Ce type d’enveloppe permet de
capter un maximum les rayons lumineux sans créer de masques pour les
bâtiments situés au nord.

Sur la frise ci-dessus, gurant dans le manifeste «  Yes is more  » nous


comprenons que BIG fait évoluer une forme en la fragmentant pour trouver
di érents usages.

46

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fi
fi
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C33

En reprenant comme base son travail e ectué pour le prototype Little


Denmark, CPH, il va créer le projet Mountain Dwellings (visible ci-dessus).

Il s’agit d’un projet dans lequel le coeur de l’enveloppe en béton du bâtiment


est dédié aux parkings et la surface, a ectée à des logements dont la
structure est en bois.

Plutôt que de faire deux bâtiments séparés l'un à côté de l’autre, un parking
et un bloc de logements, Bjarke Ingels a décidé de fusionner les deux
fonctions dans une relation symbiotique. L'aire de stationnement doit être
reliée à la rue et les maisons ont besoin de soleil, d'air frais et de vues. Ainsi,
tous les appartements disposent de jardins sur le toit face au soleil, de vues
imprenables et d'un parking au 10ème étage. Les Mountain Dwellings
apparaissent comme un quartier suburbain de maisons avec jardins coulant
sur un immeuble de 10 étages comme nous pouvons le voir sur la coupe ci-
dessous.

C34

47

ff
ff
2.2 Une forme utopique

2.2.1 Une forme au service de la symbolique

L’avant garde chez BIG, se retrouve principalement dans sa capacité à


composer des formes empruntes de symbolisme. Cela se retrouve
également lorsque l’on visite son site internet https://big.dk/#projects dans
lequel chacun de ses projets admet un symbole pour être identi é, comme
on peut le voir sur l’image ci-dessous.

C35

Cette symbolique, au delà de créer un imaginaire, permet de référencer plus


facilement ses projets et ainsi de mieux les partager avec ses interlocuteurs.

Il s’agit d’un outil de communication que BIG utilise pour di user son
architecture à travers le monde.

Nous verrons à partir de l’exemple de l’un de ses bâtiments, le «  People’s


building », en quoi la symbolique joue un rôle important dans sa stratégie de
communication.

48

fi
ff

C36

Dans ses projets, il véhicule des messages, notamment dans son projet
People’s building.

En e et la symbolique est au coeur de l'oeuvre de BIG. L’architecte danois a


construit la forme de son bâtiment dans une dimension symbolique.

Le symbole chinois (visible ci-dessous) pour évoquer le terme "peuple" est


décliné dans sa forme en objet architectural. L’édi ce est conçu comme
deux bâtiments fusionnant en un seul. Ils deviennent à la fois une tour et un
arc.

Le bâtiment REN est une proposition pour un hôtel, un centre sportif et de


conférence pour l'Exposition Universelle de 2010 à Shanghai.

Le mot peuple prend tout son sens car il s’agit d’un lieu de vie conçu
essentiellement pour les citoyens de la ville de Shanghai.

REN = PEUPLE

49

ff
fi
2.2 Une forme utopique

2.2.2 Une forme au service de l'esthétique

Le sens de l’esthétique dans l’oeuvre de BIG réside principalement dans sa


capacité à remettre en cause une forme préexistante en la retravaillant et en
la modernisant. C’est le cas de la W tower. Il s’agit d’un projet dans lequel la
tour repose sur un socle massif en béton qui évolue en une forme complexe.
L’architecte partage régulièrement son travail au travers de schémas comme
nous allons le voir dans cette partie.

C37

50

1- Sur le schéma ci-contre on remarque que BIG prend


comme modèle de base une forme géométrique simple
pour faciliter la compréhension et la construction de son
raisonnement. Il s’agit de l’implantation globale de la tour
sur le site.

2- Il va ensuite modi er son modèle de base en justi ant


son esthétique par un programme spéci que.

Il tord deux plans de façades en expliquant qu’il veut


créer un passage pour les habitants qui souhaitent passer
plus facilement de la station de métro à la rue. Les deux
branches seront destinées à accueillir des bureaux.

3- Sur ce Schéma on comprend que l’architecte e ectue


une rotation du bâtiment pour mieux l’intégrer dans la
parcelle.

Cela permet également d’optimiser les orientations des


appartements à l’Est et à l’Ouest pour garantir de
meilleures vues et un ensoleillement optimal.

4- La dernière intervention consiste à ouvrir les dalles des


étages pour créer deux incisions a n de concevoir un
plan de 400m2 pour les appartements en pignons et les
parties supérieures du bâtiment.

51

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3 L'architecture dans son rapport à la fonction

3.1 Une fonction pragmatique

3.1.1 Une dimension économique

Certains des projets de BIG comme les «  WM house  », sont axés sur la
question économique. Il s’agit de savoir comment créer des logements pour
le plus grand nombre et à moindre coût. En e et le coût de revient de ce
projet est chi ré à environ 1000€/m2 alors qu’un logement classique en
France est en moyenne de 2000€/m2.

Cette estimation est tout de même à nuancer car le projet a été réalisé en
2005 et depuis les prix dans le secteur de la construction ont subi une forte
augmentation. En 2005 le coût de la construction moyen pour un promoteur
était d’environ 1300€.35

L’examen du seul indice du coût de la construction permet de se rendre


compte de l’augmentation considérable des prix. Au seul 2ème trimestre
2022, l’indice à progressé de 7,96% sur un an.36

C38

Sur le plan ci-dessus, on remarque qu’une économie de moyens est réalisée


au niveau des cages d’escaliers. En e et, on retrouve seulement 3 cages
d’escalier pour desservir 13 appartements. Les coursives permettent de
créer des logements traversants qui génèrent des économies d’énergie par
une optimisation des apports en air frais et en chau age.

On remarque également que la trame régulière crée des sections de poteaux


et de poutres similaires réduisant le temps de construction sur le chantier et
induisant une réduction de la durée de la construction.

35 https://www.anil.org/outils/indices-et-plafonds/indice-insee-du-cout-de-la-construction/

36 Insee

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C39

La seconde partie des «VM house » est composée


de logements en forme de W. Là aussi on retrouve
une économie de moyens au niveau du système
distributif. Seules 4 cages d’escaliers sont
présentes pour distribuer 18 logements. Comme on
peut le voir sur la coupe ci-contre les typologies en
duplex au niveau des logements en forme de W
permettent de créer un maximum de logements
traversants.

C40

53

3.1 Une fonction pragmatique

3.1.2 Une dimension écologique

Bjarke Ingels mène actuellement des projets s’inscrivant dans une dimension
écologique. C’est le cas de son nouveau projet en Malaisie dans lequel il
repense les îles pour un avenir plus durable.

Ce projet permettra de convertir une bande de vasières de l’État malaisien


de Penang en une constellation d’îles arti cielles. Le concept, baptisé
«BiodiverCity» par l’équipe de conception, fournira le cadre d’un
développement résilient à usage mixte comprenant des quartiers d’a aires,
des lieux culturels, des zones de loisirs et des réseaux de transport
autonomes, ainsi que des logements pour quelques 400 000 résidents et des
habitats pour encore plus de natifs, plantes et animaux.

«Nous nous engageons littéralement dans un voyage visant à créer


davantage de Malaisie pour les futures générations»,«Nous avons décidé de
placer la barre aussi haut qu’humainement possible en imaginant un nouvel
archipel qui vise à être à la fois plus diversi é culturellement et
biologiquement que les développements précédents. Ce projet serait un
chef-d’œuvre de l’architecture écologique » a déclaré Bjarke Ingels. 37

C41

37Architecture commerciale, Bjarke Ingels Group va repenser les îles Malaisiennes pour un
avenir écologique, 2010
54

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Les directives architecturales sont claires : l’équipe s’est inspirée des
traditions de Penang. Les magasins traditionnels de George Town, à
proximité, par exemple, utilisés par les marchands au XIXe siècle, présentent
des toits en pointe qui permettent une ventilation passive et évacuent l’eau
de pluie. Les structures sont également en porte-à-faux sur la rue, o rant
des arcades protégées pour les passants. Dans les rendus, BIG imagine des
bâtiments similaires bordant les canaux, permettant aux piétons de se
déplacer librement dans les rues quelles que soient les conditions
météorologiques.37

En n, les concepteurs ont incorporé une bande de littoral généreuse qui peut
être soulevée au l du temps. L’équipe de conception a également pris en
compte les habitats et a créé des zones en pente et peu profondes pour que
les écosystèmes et la faune résidente puissent migrer.

L’objectif d’un avenir sans carbone imprègne également la conception de


l’archipel. Le plan directeur demande que la ville soit nette positive, ce qui
signi e que les îles produiront plus d’électricité qu’elles n’en utiliseront via
des panneaux solaires et d’autres sources d’énergie renouvelables. Les
bâtiments eux-mêmes reposeront sur des matériaux à faible émission de
carbone tels que le bambou, les essences de bois Malaisiennes et le béton
vert fabriqué à partir de matériaux recyclés. Même les masses continentales
et les réseaux de rues eux-mêmes seront conçus avec des principes passifs,
orientés vers les vents dominants pour refroidir naturellement chaque
quartier.

C42

38 Op.cit

55

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3.1 Une fonction pragmatique

3.1.3 Une dimension sociale

La dimension sociale est un enjeu majeur dans la philosophie de BIG. «  8


House » est l’un de ses projets dans lequel Bjarke Ingels place l’humain au
centre de ses préoccupations.

C43

En e et, ce projet o re sur 61 000 m² des logements, des bureaux et des


boutiques. Les appartements sont modulés a n de répondre aux di érents
besoins des occupants au cours de leur vie. Le projet met également à
l’honneur les transports propres, notamment le vélo : chaque résident peut
arriver devant sa porte à vélo.

Il possède également un espace végétalisé, soit ouvert vers les cours


intérieures, soit vers l’extérieur, donnant ainsi une vue sur le canal de
Copenhague et la zone protégée de Kalvebod Faelled.

Big exprime sa volonté d’inscrire son projet dans une dimension sociale à
travers la citation suivante :

« C’est notre rôle d’être créatif, d'expérimenter des architectures avec leurs
surprises et d’appeler à un mode de vie fondé sur un sentiment de
communauté. Nous avons e ectivement élevé des installations communes
autour d’axes verticaux, de manière que les jardins, les arbres, les chemins
piétonniers suivent le corps de la structure connectant tous les chemins des
étages »38

39 8 House par BIG à Copenhague, Kevin Poireau, 2010


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C44

Sur le plan d’étage ci-dessus, on remarque que les circulations qui font o ce
de voies douces pour les piétons et les vélos, permettent de connecter
l’ensemble du bâtiment et ainsi, créer une boucle. Cela renforce l’idée que
cette circulation centrale permet d’activer le lien social entre les habitants.

Pour résumer son projet Bjarke Ingels a rme à travers la citation suivante
que :

« 8 House est notre second exemple de réalisation d’alchimie architecturale,


l’idée que le mélange des ingrédients traditionnels, boutiques, maisons
mitoyennes, appartements dans un contexte original, crée une plus-value si
ce n’est de l’or »40

C45

40 Op.cit

57

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3.2 Une fonction utopique

3.2.1 Une fonction au service de la symbolique

Lorsque la fonction est au service de la symbolique, c’est le cas quand, le


symbole est mis en valeur par la fonction, comme par exemple pour la O
tower faite en Chine. La fonction de cette tour est d’accueillir le siège d’une
entreprise et de promouvoir son expansion. Le symbole O créé par
l’architecture du bâtiment permet de communiquer sur l’entreprise OPPO.

Ce projet est destiné à abriter le nouveau siège de la recherche et du


développement du plus grand fabriquant de smartphones de Chine, OPPO,
la O-Tower béné cie d’un design futuriste qui incorpore l'esthétique inspirée
de la technologie de l'entreprise et du quartier. BIG explique que le design
symbolise une boucle in nie qui connecte le ciel et la terre en une boucle de
collaboration continue.41

La fonction qui est d’accueillir un nouveau siège destiné à la société OPPO


met en valeur le symbole de l’entreprise, soit la première lettre de leur
acronyme.

C46

La lettre sera visible depuis le site environnant et prendra un caractère


monumental. De la végétation et une étendue d’eau seront donc présentes
pour mettre à distance l’édi ce du reste de la ville. La fonction de l’édi ce
sera à la fois par son symbole et sa monumentalité de créer un outil de
communication au travers de l’architecture.

41Découvrez la Tour Géante en Forme de “O” conçue par le Groupe BIG à Hangzhou, en
Chine, Alexia Allard, 2021
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C47

Depuis le parc on remarque le caractère imposant de l’édi ce qui renforce


l’objectif premier de la fonction qui est de communiquer et de promouvoir la
prospérité et l’expansion de l’entreprise OPPO à travers le monde.

La symbolique est donc mise en valeur par la fonction et permet de créer


une architecture «  utopique  » c’est-à-dire basée principalement sur
l’utilisation de symboles.

C48

Au centre du O, sur les images de synthèse fournies par l’agence BIG, on


retrouve comme symbolique en une forme d’hologramme, la terre qui met en
lien toutes les connexions que peut établir l’entreprise via la création de ses
smartphones. Cela renforce l’idée qu’il s’agit d’un bâtiment qui part sa
fonction met en valeur une symbolique.

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3.2 Une fonction utopique

3.2.2 Une fonction au service de l'esthétique

La fonction est au service de l’esthétique lorsque celle-ci génère une


ambiance qui renvoie à la notion de « beauté ». Victor Hugo écrivait d’ailleurs
« Le beau, c’est la forme. Preuve étrange et inattendue que la forme, c’est le
fond. Confondre forme avec surface est absurde. La forme est essentielle et
absolue; elle vient des entrailles même de l’idée. Elle est le Beau; et tout ce
qui est beau manifeste le vrai »42. Pour Victor Hugo le beau est aussi utile; la
fonction se doit d'être au service de l’esthétique.

C’est le cas du projet «  Sluishuis Residential Building  ». Ce projet est une


traduction contemporaine de la typologie du bloc de construction
d'Amsterdam qui répond spéci quement à sa situation particulière dans
l'eau. Le volume est surélevé d'un côté pour permettre à l'eau d'entrer dans
la cour et descendu de l'autre côté tourné sur un quartier composé d’îles
arti cielles avec des terrasses vertes conviviales. L’idée est d’avoir une
perception du bâtiment de manière di érente en fonction des angles, que
vous soyez debout sur la digue, l'autoroute ou le pont, que vous traversiez
les jetées ou la voie publique par-dessus le toit, ou même que vous
observiez le bâtiment depuis les airs : Sluishuis surprend de tous les côtés.

C49

42 Victor Hugo, l’utilité du beau, 2018

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C50

Le programme résidentiel se compose de 442 appartements. Les logements


locatifs et les logements occupés par les propriétaires alternent dans tout le
bâtiment et o rent un espace pour di érents groupes cibles, niveaux de
revenus et catégories d'âge. Tous les appartements sont accessibles par la
cour centrale (visible sur le plan ci-dessous). Là, le porte-à-faux et l'eau vous
accueillent dans le bâtiment. Chaque maison béné cie d'une vue et d'une
lumière du jour optimales grâce à la forme particulière de Sluishuis avec son
volume à double coupe.43

C51

43 Archdaily, Sluishuis Residential Building / BIG + Barcode Architects, Paula Pintos, 2022

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Le fait que le bâtiment soit construit sur l’eau apporte une ambiance calme
et sereine pour les habitants de « Sluishuis Residential Building ».

On remarque également que sa forme tronquée permet d’une part d’apporter


des typologies di érentes pour les habitations et d’autre part d’inscrire son
projet dans une esthétique pragma-utopique.

C52

Sur la section ci-dessus, on remarque que certains logements sont


suspendus au-dessus du niveau de la mer. Cela renforce l’idée que la
fonction de l’édi ce est de créer une multitude d’ambiances di érentes et
contribue à créer une esthétique.

C53

4. L'architecture dans son rapport à l'esthétique


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4.1 Une esthétique utopique

4.1.1 Une esthétique qui permet de créer une symbolique

Dans la plupart des projets de BIG l’esthétique permet de créer une


symbolique. La combinaison entre l’ambiance, les lieux, et la mise en oeuvre
du projet constitue un symbole. Dans l’oeuvre de BIG, la géométrie d’un
édi ce crée une esthétique utopique avec l’ambiance qu’elle produit sur les
usagers et lui confère une valeur symbolique.

La symbolique selon Bjarke Ingels résulte de la création de logos ou de


formes facilement identi ables. Ce sont ces éléments spéci ques qui
permettent d’inscrire ses projets dans une dimension utopique. Dans son
manifeste « Yes is more » il nous fait part de certaines de ses recherches en
étudiant la forme des pyramides d’Egypte, un projet dont la forme a un
symbole fort dans le monde. Il va ensuite décliner cette forme pour créer un
projet dont l’esthétique serait utopique car emprunte de ce symbole. (visible
sur l’image ci-dessous).

C54

«  Les aztèques et les pharaons concevaient des pyramides en adoration au


soleil. 3000 ans plus tard, notre attention au pouvoir du soleil nous a conduit
à réinventer le design au non de l’économie ».44

A travers cette citation Bjarke Ingels met en évidence qu’il s’inspire d’un
symbole pour créer un nouveau design qu’il transposerait dans le monde
actuel.

44 Yes is more, Bjarke Ingels, 2009

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Ce prototype de pyramide l’a conduit à introduire ce concept dans la ville de
New York à travers le projet de la pyramide de la 57ème rue ouest. Il s’agit
d’un ouvrage dans lequel l’esthétique crée une rupture avec la forme des
bâtiments environnants.

Cette pyramide s'élève à 142 mètres jusqu'au sommet. Bien qu’elle soit de
30 mètres plus courte que la pyramide de Gizeh, le nouveau bâtiment
résidentiel reste toujours la plus haute structure pyramidale de New York.

Se dressant entre la 57ème rue et l'autoroute du côté ouest, BIG rapporte


que la structure a été conçue pour fusionner deux types de programmes : un
immeuble d'appartements de faible hauteur de style européen encerclant
une cour intérieure et une tour de Manhattan sur un podium.

New York n'est pas étrangère à l'architecture «  insensée  » ou plutôt


« conceptuelle », et même en regardant à quelques pâtés de maisons au sud
de la «  Pyramide  » on en retrouve des exemples. Ce projet présente des
moyens innovants de maximiser l'air et la lumière pour chaque appartement,
de manière esthétique.45

C55

45 Danish Pyramid Set To Rise On 57th Street, Nicolai Fedak, 2011

64

4.1 Une esthétique utopique

4.1.2 Une esthétique qui permet de créer un imaginaire

L’esthétique de certains bâtiments de BIG renvoie à un imaginaire, c’est-à


-dire un univers dans lequel l’architecte nous amène pour y découvrir
quelque chose d’avant gardiste. Nous verrons, dans cette partie, que
l’architecte, à travers, l’un de ses projets nous transporte tout droit dans
l’univers de la science- ction.

L'architecte danois multiplie, en e et, les projets et les rêves les plus fous,
comme celui de bâtir une ville sur la planète Mars. Il souhaite conquérir
l'espace et se lance un nouveau dé avec l'idée de Mars Science City.46

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46Archdaily, UAE Announces $140 Million BIG-Designed Mars Science City, 2017

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Réalisés avec du sable dubaïote, les espaces publics de Mars Science City
semblent plus vrais que nature.

Ce projet de près d'1 km² a été présenté à Dubaï, en 2020, au Centre Spatial


Mohammed Bin Rashid pour servir de modèle reproduisant le peuplement
humain sur la planète rouge. Sous ses dômes, il abritera des laboratoires
d'études de l'alimentation, de l'énergie, de l'eau et des paysages.

A travers ce projet BIG souhaite nous transporter dans un imaginaire.

C59

66

4.2 Une esthétique pragmatique

4.2.1 Une matérialité en accord avec la fonction

BIG intègre de plus en plus au sein de ses projets la notion de


développement durable. La fonction première de ce type de projet est de
composer avec les contraintes environnementales d’un lieu. C’est le cas
notamment de son projet d’immeubles résidentiels en bois à Stockholm.

La résidence en bois de 25 000 m2  à anc de colline est un bâtiment


constitué de modules de  36 m x 3,6 m organisé autour d’une cour verte
ouverte. L’angle le plus haut du bâtiment a été surélevé jusqu’à 35 m a n de
maximiser l’apport de lumière naturelle ainsi que des vues magni ques vers
Gardet et le port de Frihamnen.

C60

On y retrouve également un espace extérieur commun avec des buissons


luxuriants, des arbres, une garderie pour chiens, une école maternelle et de
nombreux supports à bicyclettes pour le stationnement. À l’intérieur, presque
toutes les 169 unités ont des aménagements uniques, qui plaisent aux divers
groupes de résidents de toutes les tranches d’âge et de tous les horizons. La
totalité des logements a accès à des terrasses privées et partagées au
niveau du toit. De grandes fenêtres invitent à la verdure depuis les terrasses
et les vues depuis le parc national vers les résidences, créant ainsi une
transition douce entre l’intérieur et l’extérieur.

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C61

Les modules descendent en cascade jusqu’au pro l le plus bas du bâtiment,


à seulement 7 m, prolongeant progressivement l’aménagement en bois dans
le parc. L’expression organique et le revêtement de cèdre se poursuivent
dans la cour verdoyante, où les résidents et les visiteurs sont accueillis par
des espaces qui o rent des commodités (visible ci-dessus).

C62

Le paysage en terrasse présente une riche variété de plantes, des plantes


vivaces et rustiques. Des arbres et des arbustes sont parsemés sur les toits
et apparaissent verts et feuillus au l des saisons sous le climat scandinave
(visible ci-dessus).47

47 Architonic, 79&PARK, Stockholm, Sweden, 2018


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4.2 Une esthétique pragmatique

4.2.2 Une symbolique qui facilite la lecture architecturale

La symbolique facilite la lecture architecturale lorsque le symbole est


facilement identi able. Cela renvoie à la notion de pragmatisme qui est
présente dans toutes les oeuvres de Bjarke Ingels. Il utilise des symboles qui
contribuent à faire comprendre la construction de ses formes architecturales.

En se référant à son site internet https://big.dk/#projects, on peut citer


l’exemple du projet Sneglehusene au Danemark dans lequel il explique la
construction d’un symbole.

Le bloc La spirale

Le périmètre classique du bloc Le site est entouré d’un

est fermé à la ville et a une cour espace urbain mais aussi

Intérieure uniquement accessible d’un vaste espace vert,

aux résidents. dans lequel les bâtiments

connectent entre eux.

La spirale permet de rendre

le coeur du bâtiment public

et créer d’avantage de

connexions.

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Le contexte

Bjarke Ingels se pose la question de savoir comment créer des bâtiments qui
connectent avec le quartier et qui créent des liens entre eux au sein de la
zone dé nie en rouge (visible ci-dessus).

Un centre récréatif et multifonctionnel

Le lac en bleu, au centre de la gure, marque le centre de la spirale et


collecte simultanément les eaux pluviales à travers un système de canaux
implantés sur tout le site.

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Les connections avec le quartier

Ces bâtiments connectent visuellement aux autres édi ces de Nye vers l’est,
et continuent dans une forme en spirale vers le coeur de la zone, le lac.

Les poches vertes

Six bâtiments comprennent le développement en spirale avec des passages


entre chaque édi ce. Leur emplacement est choisi précautionneusement a n
de créer des poches pour jouer, pour accueillir des réunions informelles et
également établir des connections visuelles et physiques avec le paysage
environnant.

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4étage

3étages

2 étages

Combiner les qualités de la maison et de l’appartement

Les bâtiments s’élèvent sur 3 étages, descendant vers le sud, et s’élèvent


progressivement de nouveau vers le centre du terrain. Le concept modulaire
de ce projet permet une versatilité à développer des studios, des
appartements et des maisons de ville et cela permet d’intégrer des qualités
traditionnellement associées aux maisons individuelles.

Tous les appartements ont accès à des terrasses privées et une plus grande
proximité avec la nature que la plupart des immeubles à plusieurs étages.

Piétons

Cyclistes

Raccourcis

Circulation

Les passages à travers les bâtiments permettent de créer une circulation en


sillon à travers la zone. Les habitants peuvent traverser du nord au sud, et de
l’est à l’ouest, et toutes les voies mènent au lac central. Le système de
passage est tiré vers l’arrière depuis les jardins privés, pour lesquels chaque
résident a un accès direct.

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Jardins communs

Jardins semi-privé/
terrasses

Flouter les zones extérieures privées et publiques

Toutes les maisons de villes ont un jardin attenant au rez-de-chaussée, en


extension de leurs salons. Les jardins en face de ces maisons sont privés et
s’ouvrent progressivement au public, l’espace commun.48

C63

48 Site internet o ciel de Bjarke Ingels Group : https://big.dk/#projects

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Conclusion

L’avant garde dans l’oeuvre de Bjarke Ingels se traduit par la remise en


cause des pères fondateurs de l’architecture utopique et pragmatique. En
faisant la synthèse de ces deux écoles, il participe à l’avènement d’une
nouvelle pensée quali ée « d’utopie pragmatique ».

Il s’agit donc de se représenter un lieu idéal né d’un imaginaire et qui doit


devenir réalité, avec un projet fonctionnel et esthétique conçu pour s’insérer
parfaitement dans son environnement.

Ce courant s’est développé en réaction à l’architecture moderne et post-


moderne, à sa monotonie, à son austérité, à son manque de gaité.

Dans chacun de ses projets Bjarke Ingels utilise une symbolique qui permet
de comprendre et d’analyser l’agencement de sa conception. Cette
symbolique renvoie directement à la notion d’utopie car celle-ci permet de
créer un imaginaire qui séduit. D’ailleurs Selon Bjarke Ingels «  Le but de
l’architecture est de créer des projets qui ressemblent un peu plus à nos
rêves », autrement dit qui renvoie à cette même notion d’utopie.

Bien qu’il remette en cause la neutralité et l’austérité de l’architecture


pragmatique il lui donne une nouvelle dimension. Le pragmatisme doit être
au service de l’esthétique.

L’ensemble de sa ré exion aboutit au concept de pragma-utopie, une


philosophie qui serait la combinaison d’un rêve et d’une réalité bien
organisée.

L’avant garde dans l’oeuvre de l’architecte réside également dans sa


capacité à di user l’information. Bjarke Ingels va également toucher un
public plus large en organisant des conférences qui sont relayées à travers la
presse, les plateformes de streaming et les réseaux sociaux.

La pragma-utopie serait-elle en pleine expansion ?

Saura-t-elle séduire de nouveaux architectes ?

Une chose est sûre, de nouveaux projets émergent, et semblent être encore
plus monumentaux. C’est le cas de « The line » conçu aux Émirats Arabes
Unis, dont le chantier à débuté depuis le 22 octobre 2022.

Cette ville pharaonique permettra d’accueillir en plein désert sur une


distance de 170 km de long une ville destinée à loger plus de 9 millions
d’habitants.

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Le projet suscite d'ores et déjà de multiples critiques pour son impact sur
l'écosystème et les populations locales, son empreinte environnementale et
les problématiques sociétales qui pourraient en découler.

Bjarke Ingels, qui a pour ambition de bâtir sur la planète Mars, n’a t’il pas
ouvert la boîte de Pandore permettant à de nouveaux architectes de rêver
encore plus grand, plus haut, dans une course e rénée à l’utopie ?

Ces nouveaux projets conçus dans des lieux inhospitaliers auront


probablement une empreinte environnementale catastrophique pour notre
planète. Ils paraissent même anachroniques au regard du réchau ement
climatique et même déjà dépassés.

Même si l’on pourrait penser que nous avons atteint les limites de la
pragma-utopie, il semble tout au contraire que ces nouveaux projets
prennent le contre pied des idées de Bjarke Ingels, ou du moins ne
s’inscrivent pas complètement dans ce courant de pensée.

Dans l’architecture de demain, les nouveaux projets pragma-utopiques


devront nécessairement répondre à des impératifs sociologiques et à des
contraintes environnementales que nul ne peut sérieusement occulter.

Il s’agit d’une impérieuse nécessité qui permettra de relever les dé s liés aux
bouleversements de nos sociétés.

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Crédit photographies

C1 Yes is more, Bjarke Ingels, 2009


C2 Ludwig Mies Van Der Rohe, Leoni Giovanni, Actes Sud, 2009
C3 Ludwig Mies Van Der Rohe, Leoni Giovanni, Actes Sud, 2009
C4 Courtesy Studio of Esinam
C5 Ludwig Mies Van Der Rohe, Leoni Giovanni, Actes Sud, 2009
C6 Ezra Stoller/Esto, Canadian Center For Architecture
C7 Philip Johnson architecte
C8 Photographe Scott Northworthy
C9 The Glass House, 860-880 Lake Shore Drive,  A Home for Gracious
Living, 1957
C10 FABG Architects
C11 Photographie Steve Montpetit
C12 Photographie Daniel Kovac
C13 Meet the Farnsworth House: An icon of the mid-century modern
architecture, 2018
C14 Cristan Cirici, Fernando Ramos, Ignasi de Sola Morales, Architectes
C15 Valerie Thierry, architecte Urbaniste Rédactrice
C16 Yes is more, Bjarke Ingels, 2009
C17 Helena Ariza, architecte
C18 Learning from Las Vegas, Robert Venturi, 1972
C19 Learning from Las Vegas, Robert Venturi, 1972
C20 Learning from Las Vegas, Robert Venturi, 1972
C21 Civitatis, Las Vegas
C22 Learning from Las Vegas, Robert Venturi, 1972
C23 Learning from Las Vegas, Robert Venturi, 1972
C24 Learning from Las Vegas, Robert Venturi, 1972
C25 Yes is more, Bjarke Ingels, 2009
C26 Autour de la France, Fortune de Bjarke Ingels 2020
C27 2010 Exhibitor Magazine Awards
C28 Bjarke Ingels Group
C29 Yes is more, Bjarke Ingels, 2009
C30 Yes is more, Bjarke Ingels, 2009
C31 Yes is more, Bjarke Ingels, 2009
C32 Yes is more, Bjarke Ingels, 2009
C33 JDS photographie
C34 Mountain dwellings, PLOT = BIG + JDS
C35 Bjarke Ingels Group
C36 Yes is more, Bjarke Ingels, 2009
C37 Yes is more, Bjarke Ingels, 2009
C38 VM House, PLOT = BIG + JDS
C39 VM House, PLOT = BIG + JDS
C40 VM House, PLOT = BIG + JDS
C41 Bjark Ingels Group
C42 Bjark Ingels Group
76

C43 Julien Lanoo
C44 Bjarke Ingels Group
C45 Julien Lanoo
C46 Bjarke Ingels Group
C47 Bjarke Ingels Group
C48 Bjarke Ingels Group
C49 Ossip van Duivenbode
C50 Ossip van Duivenbode
C51 Archdaily

C52 Archdaily

C53 Ossip van Duivenbode

C54 Yes is more, Bjarke Ingels, 2009

C55 Bjarke Angels Group

C56 Bjarke Angels Group

C57 Bjarke Angels Group

C58 Bjarke Angels Group

C59 Bjarke Angels Group

C60 Laurian Ghinitoiu
C61Laurian Ghinitoiu
C62 Laurian Ghinitoiu
C63 Bjarke Ingelss Group

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Bibliographie

Ouvrages mettant en lumière la pensée d'un architecte :

« Yes is more, Bjarke Ingels, 2009 »

«  BIG, Formgiving, An architectural future history, 2020 »

« BIG, Hot to Cold, An Odyssey of architectural adaption, 2015 »

« Ludwig Mies Van Der Rohe, Leoni Giovanni, Actes Sud, 7 septembre
2009 »

« Learning from Las Vegas, Robert Venturi, 1972 »

« Complexity and contradiction in architecture, Robert Venturi, 1984 »

« New York Delire, Rem Koolhaas, 26 août 2002 »

Articles mettant en lumière les projets de BIG :

« Architecture commerciale, Bjarke Ingels Group va repenser les îles


Malaisiennes pour un avenir écologique, 2010 »

« 8 House par BIG à Copenhague, Kevin Poireau, 2010 »

« Découvrez la Tour Géante en Forme de « O » conçue par le Groupe BIG à


Hangzhou, en Chine, Alexia Allard, 2021 »

« Archdaily, Sluishuis Residential Building / BIG + Barcode Architects, Paula


Pintos, 2022 »

« Danish Pyramid Set To Rise On 57th Street, Nicolai Fedak, 2011 »

« Archdaily, UAE Announces $140 Million BIG-Designed Mars Science City,


2017 »

« Architonic, 79&PARK, Stockholm, Sweden, 2018 »

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Références web :

Eléments de dé nition et projets de Bjarke Ingels :

https://big.dk/#projects

https://www.greenfacts.org/fr/glossaire/def/durabilite.htm

https://www. oornature.eu/bjarke-ingels-big-7063/

http://www.toupie.org/Dictionnaire/Pragmatisme.htm

http://www.metamodernism.com/2011/01/14/bjarke-ingels-group-i/

https://www.cnrtl.fr/de nition/utopie

https://www.admagazine.fr/design/portraits/diaporama/rencontre-avec-le-
starchitecte-bjarke-ingels/5848 1

https://ted.com/qa_with_bjarke/

https://big.dk/#projects

Conférences sur la pensée de BIG :

https://www.ted.com/talks/bjarke_ingels_3_warp_speed_architecture_tales?
language=fr

https://www.youtube.com/watch?v=4Z82m-PxDO0

https://www.youtube.com/watch?v=rKeFCd1j5BE

Conférence sur la pensée de mies van der Rohe :

https://www.les-caue-occitanie.fr/video-podcast/mies-van-der-
rohe-1886-1969-lethique-minimaliste

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