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Agriculture, alimentation et nutrition en Afrique.

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La promotion des cultures vivrières traditionnelles sous-exploitées

Les cultures vivrières traditionnelles sont celles que l’usage et la tradition font accepter comme sources alimentaires convenables
et souhaitables par la communauté. Les populations rurales connaissent bien ces végétaux, savent les cultiver et les cuisiner, et
en apprécient les plats. Une liste unique des cultures vivrières traditionnelles ne peut être dressée, car chaque communauté a
développé ses propres préférences et ses propres habitudes alimentaires. Cependant, on observe que ces plantes se répartissent
en deux grandes catégories: celles qui sont consommées comme aliments de base traditionnels, tels le manioc, l’igname, la
plantain, la patate douce, les mils et le sorgho; et celles qui entrent dans la composition de sauces et de condiments et qui
comprennent un grand nombre de légumineuses, d’oléagineux, de fruits et de légumes.

ENCADRÉ 19
ENQUÊTE SUR L’AGRICULTURE URBAINE À LUSAKA,
EN ZAMBIE
L’enquête menée à Lusaka visait à obtenir des informations sur les deux types suivants d’agriculture urbaine:

les parcelles de jardinage irriguées, situées derrière et/ou devant l’habitation, cultivées tout au long de
l’année;

les jardins potagers pluviaux, situés en général à la périphérie de la ville, dont la production est totalement
tributaire des pluies.

L’enquête a révélé que près de 60 pour cent des ménages à bas revenus cultivaient l’un de ces deux types de
potagers et parfois les deux (voir tableau 28). Les différentes cultures pratiquées dans les potagers des deux types
sont énumérées au tableau 29.
Source: D’après Sanya, 1985.

TABLEAU 28
L’agriculture urbaine à Lusaka, en Zambie
(pourcentage de ménages qui la pratiquent)

Mode de culture pondérée)a Quartier de squatters B Autres quartiers Total Total


(n = 50) (n = 200) (moyenne
(n = 200)
Parcelle irriguée seulement 18 44 39 27
Potager pluvial seulement 28 24 25 17
Les deux types de potagers 39 14 19 13
Aucun potager 15 18 17 43
Total 100 100 100 100

a Cette colonne inclut les locataires qui habitent des quartiers de logements à bas prix.

Source: Sanyal, 1985.

TABLEAU 29
Cultures pratiquées en zone urbaine sur des parcelles irriguées et dans des potagers pluviaux
(pourcentage de ménages)a
Culture Parcelles irriguées Potagers pluviaux
Maïs 4 99
Arachide - 59
Haricot 7 72
Tomate 60 2
Colza 90 15
Citrouille 11 50
Patate douce 9 19
Choux 34 -
Manioc 5 -
Oignon 26 -
Epinard 9 -
Gombo 2 4
Banane 16 1
Autres fruits 19 -

a Le total de chaque colonne dépasse 100 car un ménage peut cultiver plus d’un type de légumes.

Source: Sanyal, 1985.

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Source: Sanyal, 1985.

Jadis, les cultivateurs qui pratiquaient une agriculture de subsistance plantaient et utilisaient des cultures vivrières traditionnelles
parce que ces pratiques leur étaient familières. Ils connaissaient bien ces végétaux, en sélectionnaient certaines variétés selon les
exigences et les contraintes de l’environnement et utilisaient leurs propres semences pour obtenir des récoltes sûres. Il ne fallait
que peu d’intrants, la force de travail était disponible au sein de la famille, et les exigences saisonnières des plantes
traditionnelles s’accordaient bien aux systèmes agricoles classiques, comportant à la fois des cultures intercalaires, une
exploitation itinérante et la pratique de la jachère.

Certaines motivations sociales, coutumières ou de prestige justifiaient aussi le choix des cultures traditionnelles. Ainsi, on avait
besoin de sorgho pour brasser la bière des cérémonies, des noces, des naissances et autres festivités. Le manioc et les légumes
sauvages servaient d’aliments de soudure à l’entre-saison, avant la récolte et pendant les premières pluies. Le manioc était extrait
de terre à mesure des besoins; les mils et les sorghos étaient stockés dans des jarres à la maison ou dans des greniers. Les
cucurbitacées aussi avaient une bonne conservation, et on tirait l’huile de leurs graines.

De nos jours, de nombreuses plantes vivrières traditionnelles sont devenues rares et chères. Dans certaines parties du Nigéria,
l’igname est maintenant une denrée de luxe. En Ethiopie, le teff, céréale traditionnelle, est de plus en plus convoité par les élites
urbaines et rurales pour préparer le plat coutumier fait d’injera et de wot, mais il est devenu cher pour l’Ethiopien moyen.

Dès lors que les marchés sont accessibles et les prix rémunérateurs, nombre de cultivateurs sont prêts à augmenter leur
production d’une grande variété d’aliments traditionnels et à contribuer ainsi à diversifier les approvisionnements et à élargir le
choix des consommateurs. Mais la filière alimentaire est longue entre producteur et consommateur, et ses chaînons concernent
maints secteurs économiques, communautés et individus aux intérêts très spécifiques. Cela étant, si tous les groupes concernés
ont intérêt à augmenter leur production et leur consommation d’aliments traditionnels, ils le feront sans aucun doute.

Les arguments pour et contre

Les cultures traditionnelles ont de nombreux avantages, notamment pour la sécurité alimentaire des ménages (encadré 20), car
elles occupent une place de choix dans les stratégies agricoles et les habitudes de consommation des paysans pauvres. Elles
forment la base de régimes alimentaires variés et souvent riches en minéraux et vitamines, dont la vitamine A, le fer et le calcium.
Cependant, les arguments d’ordre nutritionnel ne sont pas toujours les plus convaincants, à moins d’être assortis de raisons
concrètes, comme le profit économique, la commodité ou la saveur. Avant de promouvoir les cultures traditionnelles, il faut
s’assurer que la rentabilité du travail de production sera plus élevée qu’avec les cultures de rapport.

Dans une économie traditionnelle de subsistance, où prévaut l’entraide et le secours mutuel, les cultures vivrières traditionnelles
sont naturellement attirantes, mais l’évolution vers une économie monétaire et des habitudes d’achat de denrées industrielles
ébranle le système alimentaire. Les rôles changent et, avec eux, le type et la quantité des aliments cultivés pour
l’autoconsommation, la vente et les utilisations sociales. Bien qu’ils soient légers, ces changements peuvent perturber la routine
des ménages. La transformation familiale des céréales traditionnelles comporte un lourd travail manuel. Quand le temps leur
manque, les femmes donnent la préférence au pain de blé, au riz ou au maïs, qui demandent moins de travail.

De nombreuses plantes vivrières traditionnelles sont riches en fibres, et certaines contiennent des antinutriments comme les
glucosides cyanogènes, les phytates, les oxalates et les inhibiteurs enzymatiques. Tous ces facteurs concourent à réduire la
biodisponibilité des nutriments essentiels. Plusieurs facteurs antinutritionnels peuvent être extraits ou inactivés par certains
procédés de transformation, de préparation et de cuisson. De même, la préservation de certains nutriments, spécialement des
vitamines A et C et des vitamines du complexe B, peut être assurée au mieux grâce aux techniques améliorées de manipulation,
de séchage et de conservation des aliments. Cependant, les techniques de transformation les plus efficaces prennent souvent
beaucoup de temps, alors qu’une multitude d’obligations ménagères et autres se disputent les moments dont les femmes
disposent.

L’emploi que les cultivateurs pauvres font des végétaux traditionnels sous-exploités, et leur consommation dans les familles
rurales défavorisées, a collé une image de «nourriture de pauvre» à des plantes telles que les haricots et les légumes verts; on y
voit des ersatz ajoutés à la sauce dans les familles qui ne peuvent pas s’offrir de viande. Il est difficile de promouvoir des
végétaux ayant une telle image. De plus, certaines céréales, souvent des plus traditionnelles, sont connues comme «plantes des
femmes», ce qui peut donner l’impression que seules les femmes sont portées à promouvoir les cultures traditionnelles. Au
Zimbabwe, les plantes des femmes comprennent les arachides, les doliques et les pois bambara (Voandzeia subterranea). Ces
plantes sont cultivées sur de petits lopins appartenant à la même aire que le maïs, culture principale, mais elles ne reçoivent pour
ainsi dire pas d’engrais et sont produites à partir des semences de l’exploitation. Dans un tel contexte, il est douteux que les
cultures traditionnelles puissent retrouver les niveaux de production et de consommation qui faisaient jadis leur popularité.

ENCADRÉ 20
AVANTAGES DES PLANTES COMESTIBLES TRADITIONNELLES
Elles étendent la gamme des denrées de base

On sait qu’il existe dans le monde quelque 50 000 espèces végétales comestibles. Cependant, l’humanité n’en
utilise pas plus de 200. Compte tenu de la pénurie alimentaire qui sévit dans de nombreux pays en développement,
ce chiffre est non seulement dérisoire mais aussi dangereux sur le plan écologique et nutritionnel. Il est temps de
redécouvrir les plantes comestibles oubliées et négligées, et d’élargir la base alimentaire en les utilisant.

Elles améliorent l’état nutritionnel

La valeur nutritive des régimes alimentaires augmente avec l’utilisation de légumes secs, de graines oléagineuses,
de plantes et de légumes verts traditionnels, qui rendent les régimes plus appétissants et plus savoureux et
contribuent à équilibrer la consommation de protéines, de vitamines et de minéraux. Les légumes verts et les fruits
fournissent de la vitamine A, de la vitamine C, du fer, du calcium et beaucoup d’autres oligo-éléments. En Afrique,
on estime que les plantes comestibles traditionnelles assurent 80 pour cent des besoins en vitamine A et plus de
30 pour cent des besoins en vitamine C. Les fruits secs et les graines oléagineuses sont aussi une source
intéressante de protéines et d’énergie; elles apportent un complément précieux au régime des enfants et servent à
la préparation de collations.

Elles renforcent la sécurité alimentaire des ménages

Les pénuries alimentaires saisonnières accentuent la gravité et l’incidence de la malnutrition. Pour survivre pendant
la «période de soudure», les paysans cultivent des plantes comestibles traditionnelles près du foyer, en utilisant la
main-d’œuvre familiale. Nombre de ces plantes résistent à la sécheresse, se cultivent sans intrants coûteux et sont

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De nombreuses plantes comestibles traditionnelles apportent une contribution importante à la productivité des
cultures. Utilisées comme cultures de rotation entre deux récoltes principales successives, elles ont l’avantage de
réduire les attaques de ravageurs et les maladies. Intercalées entre deux cultures, elles servent de barrière
écologique contre les maladies, ainsi que de cultures de couverture, ce qui permet de lutter contre l’érosion, de
réduire l’évaporation et de combattre les plantes adventices. Utilisées comme engrais vert et mises en terre, les
plantes traditionnelles peuvent augmenter la matière organique du sol et améliorer sa structure.

Elles accroissent les revenus familiaux et nationaux

Les plantes comestibles traditionnelles profitent tant au producteur qu’au consommateur. Les producteurs - en
grande partie des femmes - élèvent le niveau de consommation de leur famille et tirent un revenu de la vente des
excédents sur le marché local. Ainsi, ils diversifient à moindre coût les aliments dont disposent les consommateurs.
En général, les femmes utilisent ces revenus pour améliorer la nutrition et le bien-être de leurs enfants.

De nombreux pays à déficit vivrier sont contraints d’importer de grandes quantités de produits alimentaires pour
combler les lacunes de la production locale. Or, les importations vivrières pèsent de plus en plus lourdement sur
leurs faibles ressources en devises. En développant la production de cultures comestibles traditionnelles,
notamment de denrées de base, ces pays pourraient augmenter leurs disponibilités vivrières et réduire d’autant
leurs importations. La production pour les marchés urbains de produits à bas prix, pouvant être consommés
immédiatement, stimulerait la consommation et la demande de ces aliments.
Source: D’après FAO, 1988c.

Les stratégies de promotion des cultures traditionnelles

Les changements de structure de la demande alimentaire liés à l’urbanisation ont des effets négatifs sur la consommation des
espèces mineures en général, et particulièrement celle des aliments de base traditionnels. La présentation de ces aliments sous
des formes nouvelles et commodes, par exemple casse-croûte, peut en augmenter la demande et restaurer leur image. Cette
stratégie a toutes les chances aussi d’augmenter le pouvoir d’achat des femmes, qui sont les principales responsables de la
préparation et de la vente des aliments de rue.

Comme il a été mentionné plus haut, la meilleure stratégie de promotion des cultures traditionnelles réside peut-être dans le
développement et la modernisation des systèmes de cultures associées, complétés par la promotion spécifique de certaines
cultures. Cette action peut encore être renforcée par l’introduction de technologies de réduction des risques et d’augmentation des
rendements, ciblée sur les cultivateurs défavorisés des zones marginales, où les cultures traditionnelles jouent habituellement un
rôle majeur dans les approvisionnements. Dans ces zones-là, les aliments de cueillette et les produits du jardin potager apportent
souvent une contribution importante aux ressources alimentaires des ménages ainsi qu’au revenu des femmes. L’apport des
technologies agricoles et ménagères est nécessaire aussi pour améliorer la valeur nutritionnelle des aliments et réduire le temps
et le labeur, après la récolte, que les femmes et toutes les personnes concernées devront consacrer aux processus de
transformation.

L’INTRODUCTION DE NOUVELLES CULTURES


La contribution des cultures associées aux systèmes agricoles traditionnels a été analysée ci-dessus. Parmi d’autres interventions
susceptibles d’améliorer la productivité de ces systèmes, et qui pourraient entraîner une augmentation des revenus de
l’exploitation, il faut mentionner la culture de nouvelles espèces, dont la demande commerciale peut être stimulée. A condition
d’être compatible avec les conditions et les contraintes écologiques locales, toute plante déjà cultivée et exploitée dans un autre
système agricole d’Afrique ou d’ailleurs peut retenir l’intérêt.

Le cas du soja

Un exemple intéressant de ce genre d’intervention nous est fourni par l’introduction programmée du soja chez les petits
producteurs africains et, par suite, dans l’ensemble du système alimentaire du continent.

La disponibilité et la consommation d’huile est généralement faible en Afrique, particulièrement dans les couches les plus pauvres
de la population. L’introduction du soja en Afrique est prometteuse sur le plan de la production; les perspectives qu’elle offre à la
diversification de la consommation sont également dignes d’intérêt, car le soja contient à la fois des quantités remarquables de
protéines (35 à 40 g pour 100 g) et de graisses (environ 20 g pour 100 g). Comparée aux autres légumineuses, la fève de soja
présente un profil nutritionnel très avantageux (voir les tableaux 22 et 24) et l’aire qui convient à sa culture est énorme en Afrique
(figure 20). Si l’on considère que la production mondiale des légumineuses accuse une tendance au déclin préoccupante et que le
prix du soja augmente de plus en plus vite, alors que cette légumineuse a toujours fourni aux pauvres une part considérable de
leur ration protéique, on voit que la promotion de cette ressource alimentaire et d’autres légumineuses mérite d’être sérieusement
envisagée et poursuivie.

Au début des années 70, l’Institut international d’agriculture tropicale (IITA) du Nigéria a entrepris un programme de recherche sur
la production du soja et développé des variétés très productives dans l’environnement africain. Toutefois, contrairement au cas du
blé et du riz, le soja n’a pas été très bien accepté au début par les consommateurs, sauf dans certains Etats où il avait été
introduit dans les années 40 par le régime colonial britannique, sous forme de condiment fermenté, entré depuis lors dans les
usages locaux.

En 1987, l’IITA a mené une enquête de base sur la production et la consommation du soja dans trois communautés rurales de
l’Etat d’Oyo, au Nigéria. Cette enquête a montré que la résistance des consommateurs à la consommation du soja dans les
ménages résultait d’un défaut d’information sur les méthodes de préparation et de cuisson de cette fève nouvelle. Par la suite, la
formulation et la divulgation de techniques améliorées a permis aux consommateurs de préparer une farine acceptable et de la
mélanger avec des plats traditionnels, comme la soupe egusi, habituellement préparée avec de la farine de graine de courge, ou
comme les boulettes d’akara, normalement préparées avec des doliques, ou encore d’autres casse-croûte.

Le taux d’adoption des produits dérivés du soja s’est révélé le plus élevé avec la recette de la soupe egusi, car la farine de soja
était moins chère que la farine de graine de courge, ainsi qu’avec le dawadawa ou iru de soja, un genre de concentré en cube ou

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